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Transition démocratique dans le monde arabo-musulman : le cas de la Tunisie

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par Mourad Ben Abdallah
Université de Genève - licence ès sciences politiques 2006
  

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Ben Abdallah Mourad ( leaders_chtu@yahoo.fr) 12 mars 2006

Transition démocratique dans le monde arabo-musulman : le cas de la Tunisie

1. Problématique 2

2. Cadre théorique 5

2.1. Hypothèse culturelle 7

2.2. Hypothèse économique 7

2.3. Hypothèse politique 7

2.4. Hypothèse diplomatique 8

3. Méthode 8

4. Dimension culturelle 9

4.1. Culture politique 9

4.2. Religion 13

5. Dimension économique 17

5.1. Clientélisme 17

5.2. Mondialisation 20

6. Dimension politique 25

6.1. Contrôle de la société 25

6.2. Rôle du président 29

7. Dimension diplomatique 31

8. Conclusion 33

9. Bibliographie 37

1. Problématique

La question du développement de la démocratie à travers le monde fait régulièrement la une de l'actualité, en particulier depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Ainsi, depuis le renversement du régime irakien de Saddam Hussein en avril 2003, les pays occidentaux, et en particulier les États-Unis, semblent se soucier d'avantage de l'absence de démocratie, en premier lieu dans le monde arabo-musulman1(*). Ils tentent depuis lors de l'implanter, notamment avec la conception d'un plan « Grand Moyen-Orient » destiné à développer la démocratie dans cette région ou, au mieux, à la favoriser en soutenant les forces opposées aux régimes autoritaires en place ou en poussant ces gouvernements à plus d'ouverture. En réponse, la démocratie est parfois décrite comme un phénomène purement occidental2(*), symptôme de velléités impérialistes, et qui ne pourrait donc pas être exporté et introduit dans ces sociétés3(*). Dans ce contexte, on peut légitimement s'interroger sur les raisons pour lesquelles le monde arabo-musulman est l'une des rares régions du monde où la démocratie ne parvient pas à s'implanter de façon durable4(*), bien que la situation n'y est de loin pas homogène, allant des élections pluralistes du Liban à l'absence totale d'élections comme aux Émirats arabes unis ou à Oman.

Si l'on se penche sur la littérature qui traite aujourd'hui de la démocratie dans le contexte des pays du Maghreb et du Proche et Moyen-Orient, on peut constater que quelques études ont d'or et déjà été menées, notamment celle effectuée sous la direction de Ghassan Salamé, et dont ont peut tirer un certain nombre de conclusions pertinentes dans le cadre de cette recherche. Ainsi, l'étude avance que la stratégie des États affecte de façon importante l'existence et le rythme d'un éventuel processus de démocratisation de leur régime politique. Ceux-ci, en fonction des contraintes qui peuvent s'exercer sur eux, de l'intérieur ou de l'extérieur, peuvent mettre en place ce processus mais dans le but d'assurer leur propre survie dans un environnement international devenu défavorable d'un point de vue économique (avec l'accélération de la mondialisation) ou stratégique (avec la lutte contre le terrorisme islamiste et les pressions étrangères en faveur de la démocratisation)5(*). Cette instrumentalisation de la transition démocratique par l'État peut également être une tactique adoptée par les autres acteurs politiques, opposés à celui-ci, dans une optique de contestation du pouvoir en place et dans l'espoir de le remplacer. Toutefois, cette théorie s'inscrit dans une approche comparative destinée à dessiner les contours d'une explication globale et ainsi à analyser les conditions générales qui peuvent ralentir ou accélérer l'émergence de la démocratie dans le monde arabo-musulman. Il est donc plus rare que ce type d'analyse se concentre sur un pays déterminé qui dispose par définition de caractéristiques qui lui sont propres, qui peuvent ne pas se retrouver dans d'autres contextes nationaux et qui peuvent en conséquence ne pas être prises en compte dans une étude plus générale. Or, lorsque c'est le cas, la problématique de la transition démocratique n'est souvent pas développée à part entière mais est incluse dans une analyse plus large de la trajectoire historique d'un pays donné et incorpore aussi les dimensions économiques, sociales et politiques. Assurément, le problème de la démocratie ne peut être considéré comme une problématique cloisonnée des autres sphères de la société. Pourtant, une étude sur le processus de démocratisation centrée sur un pays donné pourrait permettre d'affiner la théorie générale telle qu'énoncée plus haut en prenant en compte les éléments particuliers qu'une analyse générale délaisse par définition.

C'est pourquoi le but de cette recherche est de participer à l'enrichissement de l'analyse des transitions démocratiques dans le monde arabo-musulman par une étude sur les raisons affectant l'avènement ou non d'un tel type de régime dans un cas précis. Le choix du cas se porte ici sur la Tunisie pour deux raisons principales : d'une part, parce que ce pays m'est familier, qu'il m'a été possible de suivre de façon régulière sa vie politique depuis de nombreuses années et ainsi d'en appréhender les divers enjeux. D'autre part, parce que ce cas présente un certain nombre de critères qui rendent son analyse particulièrement appropriée dans l'optique de ce travail. En effet, faisant partie du monde arabo-musulman, la Tunisie se distingue sur trois plans :

D'une part, elle est un pays modèle en matière de développement. Disposant du PIB par habitant le plus élevé du Maghreb (3572 dinars tunisiens en 2004 soit près de 2650 dollars US6(*)), il est aussi l'un des pays les plus avancés du monde arabo-musulman tant du point de vue social (notamment dans les domaines de l'alphabétisation et de la place des femmes dans la société) qu'économique (taux de croissance soutenu et inflation maîtrisée). Dans ce contexte, la classe moyenne, dont le développement s'est accéléré au cours des dernières décennies, continue de se renforcer dans un environnement marquée par la libéralisation de l'économie.

D'autre part, la Tunisie est caractérisée par une cohérence aussi bien sur le plan ethnique que religieux et linguistique (98% d'Arabes et 98% de musulmans7(*) de confession sunnite). Or, beaucoup de pays du monde arabo-musulman connaissent une grande diversité sur une voire plusieurs de ces dimensions (populations kabyles en Algérie et berbères au Maroc, Kurdes et Arabes de confession sunnite ou chiite en Irak et en Syrie, majorité d'étrangers au sein de la population aux Émirats arabes unis, etc.). Ces facteurs peuvent affecter une éventuelle transition démocratique car les acteurs politiques auront tendance à représenter leur communauté respective au détriment d'une recherche de l'intérêt général8(*) et à faire valoir leurs revendications dans des contextes nationaux marqués par le nationalisme et une importante centralisation du pouvoir autour de l'exécutif.

Enfin, le régime tunisien produit un discours sur la démocratie et l'état de droit et ce depuis près de vingt ans, contrairement à d'autres régimes de la région (comme la Libye, l'Arabie saoudite ou la Syrie) qui ont adopté cette rhétorique plus récemment et sous des pressions internes et externes. À l'appui de ces discours, le gouvernement tunisien a pris plusieurs mesures institutionnelles, dès l'arrivée au pouvoir de l'actuel président Zine El Abidine Ben Ali le 7 novembre 1987, afin d'aller dans le sens d'un régime plus démocratique (fin de la présidence à vie instaurée pour son prédécesseur Habib Bourguiba en 1974, légalisation de plusieurs partis politiques ou encore ouverture de la scène médiatique au secteur privé). Toutefois, les critiques régulières des opposants tunisiens de diverses tendances, relayées par des ONG occidentales comme Reporters sans frontières, Amnesty International ou Human Rights Watch9(*), laissent penser que le processus, malgré la rhétorique officielle, n'est pas arrivé à son terme, c'est-à-dire l'instauration d'un régime permettant la compétition équitable des différentes conceptions de la société tunisienne.

2. Cadre théorique

Afin de mener à bien cette recherche, il faut dans un premier temps définir le cadre théorique dans lequel celle-ci va s'inscrire. Dans ce cadre, l'approche présentée en 1994, sous la direction du politologue et ancien ministre libanais Ghassan Salamé, est essentielle car elle permet de prendre en compte, dans le cadre de la transition démocratique, les expériences propres au monde arabo-musulman. L'étude donne tout d'abord une définition intéressante du concept central de cette recherche qu'est la démocratie. Elle la considère ainsi comme un « "arrangement institutionnel" qui permet de garantir la participation des citoyens au choix de leurs dirigeants par la voie électorale, ou qui modère le pouvoir par des actes de troc et de marchandage entre forces rivales, elles-mêmes peu démocratiques »10(*). Cette définition met ainsi l'accent non pas sur l'aspect formel des règles constitutionnelles, de l'architecture des pouvoirs ou de la limite de l'autonomie du chef de l'État mais sur la pratique démocratique au sein de la société où le gouvernement en place ne dispose pas de l'ensemble des instruments de pouvoir mais est contrebalancé par d'autres forces qui peuvent faire valoir publiquement leur point de vue et espérer le voir mis en oeuvre, notamment lors d'élections libres. Cette démocratie ne pourrait toutefois devenir possible « que dans l'hypothèse où aucun individu ou groupe ne serait en mesure d'éliminer ses adversaires [...] »11(*). En effet, un groupe disposant à lui seul d'une large majorité aura tendance à négliger les autres groupes et à ne pas tenir compte de leurs opinions. Ainsi, cette approche permet d'aller au-delà d'une démocratie qui ne serait qu'une façade, tel l'exemple de l'Union soviétique qui possédait une constitution démocratique dans le texte mais dont la pratique était bien différente dans la réalité. Au contraire, elle permet de se pencher sur la réalité des rapports de force qui empêchent la domination d'un groupe sur le reste de la société.

Pour l'équipe de Salamé, il semble clair que le monde arabo-musulman ne constitue pas en matière de démocratie une exception mondiale. En effet, de leur point de vue, la concentration de régimes autoritaires dans cette région n'est pas due à des conditions endogènes mais à une accumulation d'handicaps que l'on peut trouver ailleurs, notamment en Asie centrale ou en Extrême-Orient12(*) : Premièrement, le contexte culturel mais surtout religieux (lié à l'islam) est souvent mis en avant pour expliquer le retard pris dans les processus de démocratisation. Toutefois, on peut constater que certains États arabes, tel le Liban, ou musulmans non-arabes, tel la Turquie ou l'Indonésie, ont réussi à dépasser cette « tradition » qui concentrerait inéluctablement le pouvoir aux mains d'un seul homme. Deuxièmement, dans un contexte de mondialisation, ces États aux économies rentières (liées au pétrole et au gaz naturel) ou socialistes (avec une omniprésence du secteur public) peinent à s'adapter à cette nouvelle donne sans remettre en cause les conditions qui ont permis le maintien des systèmes politiques autoritaires les ayant mises en place, notamment au travers du clientélisme. Pourtant, certains pays possèdent de réelles capacités humaines (jeunesse de la population) et techniques (niveau de formation en développement) afin de bien se placer dans le système de concurrence international. Troisièmement, les régimes arabes sont souvent caractérisés par des appareils sécuritaires (police, armée, services secrets, etc.) développés permettant une surveillance et un contrôle important de l'État sur les individus, assurant ainsi la répression de tout groupe hostile au régime en place. Pourtant, ce que l'on appelle « société civile », et qui nécessiterait une recherche à elle seule, n'est de loin pas inexistant et de nombreux mouvements tentent de faire entendre leur voix pour dénoncer certaines politiques menées au détriment du plus grand nombre. Quatrièmement, le contexte de lutte contre le terrorisme islamiste peut permettre aux gouvernements arabes de justifier le maintien de leur système répressif dans le cadre d'une collaboration avec les pays occidentaux qui en retour accordent une certaine tolérance vis-à-vis d'éventuelles violations des droits de l'homme. Néanmoins, le projet déclaré de l'administration républicaine de George W. Bush quant à une démocratisation et une libéralisation du monde arabo-musulman pousse ces gouvernements à rééquilibrer leur message sécuritaire en tentant de répondre, généralement de façon partielle, aux demandes d'ouverture politique. Dans ce cadre théorique, le cas de la Tunisie ne fait pas l'objet d'une analyse spécifique prenant en compte l'ensemble de ces facteurs mais plutôt d'une série d'analyses et de points de vue axés sur l'une ou l'autre de ces types d'explications. Mais elle semble pouvoir, dans une certaine mesure, être analysée à travers le prisme de l'ensemble des dimensions présentées ci-dessus dans le cadre de son contexte historique propre.

En ce qui concerne les perspectives d'analyse possibles, la théorie exposée précédemment fait ressortir, aux travers des différentes contributions, quatre principales dimensions qui peuvent être adéquates pour expliquer le non-aboutissement du processus démocratique tunisien : le rôle de la culture (notamment en lien avec l'islam), le rôle de l'économie dans un contexte de mondialisation, le rôle du contrôle étatique sur la société et le contexte international. J'ajouterai également une variable locale liée à la place importante du président dans le système politique tunisien et de son influence éventuelle sur le processus. Le modèle ainsi articulé permet de construire les hypothèses suivantes sur la situation du processus de démocratisation tunisien :

2.1. Hypothèse culturelle

· La culture politique de la Tunisie, qui est caractérisée par la concentration du pouvoir aux mains d'un seul homme aussi bien sous le régime beylical, le protectorat français qu'après l'indépendance, représente un frein à l'ouverture démocratique. En effet, le partage du pouvoir et les contrepoids qui devraient exister ne font pas partie de la tradition politique nationale.

· Le rôle de la religion islamique, très largement majoritaire en Tunisie, est important, notamment au travers du mouvement islamiste. Ainsi, l'apparition de ce type de formations dans l'espace public justifie l'arrêt du processus d'ouverture au nom de la garantie de la sécurité nationale.

2.2. Hypothèse économique

· Le poids important joué par l'État tunisien dans la vie économique n'a cessé de croître à partir de l'indépendance en 1956. Cette omniprésence de l'État pousse les autres acteurs de la société au clientélisme afin de ne pas être marginalisés du système politique et économique. Ces relations de dépendance freinent les éventuelles velléités d'ouverture du système.

· Le contexte global de la mondialisation provoque une déstructuration du tissu économique tunisien en le divisant entre les secteurs concurrentiels ouverts vers l'extérieur et les secteurs marginalisés car soumis au processus de privatisation et à la concurrence d'autres pays en voie de développement. Les groupes profitant de cette ouverture ont tendance à freiner les changements politiques qui pourraient menacer leurs positions.

2.3. Hypothèse politique

· La pouvoir détenu par les différents services de sécurité leur permet de maintenir leur contrôle dans de nombreux domaines de la sphère publique dont les médias, les partis politiques et les associations de la « société civile ». Ce maillage freine la démocratisation par la difficulté d'exprimer des avis contraires à la ligne officielle défendue par le gouvernement.

· Au vu des pouvoirs qu'il détient, le parcours du président Ben Ali joue un rôle important dans les orientations politiques qui sont prises depuis sa prise de pouvoir en 1987. Son itinéraire au sein de l'appareil sécuritaire oriente ses choix politiques à la présidence.

2.4. Hypothèse diplomatique

· Le soutien apporté au régime tunisien par les États-Unis et les gouvernements européens dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamiste a un impact négatif sur le processus de démocratisation. Les partenaires étrangers cherchent à assurer la stabilité de la région, notamment au travers du contrôle des mouvements islamistes, et délaissent donc la question du processus de démocratisation.

3. Méthode

En suivant le modèle théorique articulé antérieurement, l'optique méthodologique choisie est basée sur la confrontation entre ce modèle sur la transition des régimes autoritaires arabes vers des régimes démocratiques et le contexte culturel, économique, politique et diplomatique de la société tunisienne d'aujourd'hui. La recherche s'effectuera de la manière suivante :

Dans un premier temps, il s'agit de rechercher les indicateurs permettant d'évaluer le niveau de démocratie en Tunisie. Les indicateurs des libertés politiques et civiles13(*), d'une part, et ceux et de la presse14(*), d'autre part, qui sont construits chaque année par l'ONG américaine Freedom House pour l'ensemble des pays du monde, peuvent constituer une base de départ pour se donner une idée des conditions prévalant en Tunisie sans pour autant s'attacher strictement au classement numérique dont la pertinence peut être sujette à critique15(*). En effet, il peut être difficile de saisir ce qu'un point de différence entre deux États peut signifier dans ce cas de figure. Toutefois, les données indiquent que la Tunisie fait partie de la catégorie « non-libre » (not free), ce qui irait dans le sens des critiques formulées envers le régime tunisien. Dans un second temps, il s'agit d'analyser, au regard de l'approche théorique proposée, la situation tunisienne en rapport avec les quatre dimensions définies par les hypothèses de travail. Dans un troisième et dernier temps, il s'agit de tirer les conclusions de cette analyse afin de déterminer pourquoi la Tunisie n'a pas atteint le statut de pays démocratique et quels enseignements le cas tunisien peut apporter dans le cadre de la théorie générale sur la démocratisation du monde arabo-musulman.

4. Dimension culturelle

4.1. Culture politique

La culture politique du monde arabo-musulman est souvent définie par la concentration du pouvoir aux mains d'un seul homme. Certes, l'institution du califat des premiers temps de l'ère islamique disposait, en tant qu'héritière du prophète Mahomet, d'une autorité religieuse mais également politique. Elle a ainsi laissé derrière elle la conception d'un dirigeant choisi, non pas pour ses qualités propres, mais par sa position au sein de la société. Son pouvoir était alors très étendu car reposant en dernier ressort sur lui seul et non sur d'éventuelles règles qu'il pouvait interpréter à sa guise16(*). Toutefois, l'essentialisation de la culture islamique, qui posséderait par sa nature même une culture de l'autoritarisme, cache en réalité les évolutions et les débats qui traversent l'islam au cours des siècles17(*). Il convient ainsi de rappeler que l'institution religieuse du califat a rapidement été différenciée du pouvoir politique temporel sans pour autant couper les liens d'interaction entre ces deux acteurs18(*). Pourtant, le pouvoir politique de cette région du monde est longtemps resté caractérisé par des systèmes de type monarchiques, ce qui fut par ailleurs le cas ailleurs dans le monde. Or, aujourd'hui, malgré le passage de certains régimes, dont la Tunisie, au système républicain, une « culture » de l'autoritarisme semble demeurée. Certains la désignent aujourd'hui sous le terme de « néo-patriarcat », version moderne du « sultanat patriarcal »19(*), qui consiste en une primauté des réseaux personnels, structurés autour du leader, sur le rôle des institutions formelles20(*) qui demeurent plus faibles. Pourtant, il n'est pas l'exclusivité du monde arabo-musulman et peut se retrouver dans d'autres régimes autoritaires de par le monde.

Il ne faut donc pas considérer que le « néo-patriarcat » est une institution fondée dans la culture arabo-musulmane ou tunisienne en particulier. Car cette persistance du « néo-patriarcat » a été influencée par l'histoire coloniale de la Tunisie. En effet, le protectorat français (1881-1956) a renforcé la dépendance de la société à l'égard de l'État en raison du fait que la modernisation économique a été la prérogative exclusive du pouvoir colonial et n'a pas impliqué les notables locaux21(*). Dans le même temps, la nature du mouvement de libération nationale qui se met en place au début du XXe siècle participe de la légitimation de cette même concentration du pouvoir. Car il s'agissait alors de fédérer la « diversité sociale tunisienne », marquée par les différences croissantes entre régions et entre groupes sociaux dont aucun ne parvenait à s'imposer sur la scène politique. Ce phénomène était renforcé par la politique économique du protectorat qui différenciait la Tunisie « utile » du reste du territoire. Or, cette fracture connut son paroxysme dans les années 1950 avec la rivalité entre les élites formées en Europe et rassemblées autour d'Habib Bourguiba, le leader du parti nationaliste du Néo-Destour, et celles plus conservatrices autour de son rival Salah Ben Youssef. Cet antagonisme prit une tournure violente qui eut pour conséquence de définir de façon restrictive les conditions de l'accès au jeu politique22(*) en confrontant des interprétations de la trajectoire historique du pays diamétralement opposées23(*). En fin de compte, Bourguiba parvint à s'imposer rapidement grâce aux réseaux qu'il avait réussi à bâtir au cours des décennies précédentes, son prestige étant accentué par la désagrégation de l'ordre ancien (marqué par l'abolition de la monarchie) et le faible degré d'institutionnalisation du nouveau système politique24(*). Dès lors, dans l'optique des élites politiques bourguibiennes, l'option d'un parti au service du leader et rassemblant toutes les couches sociales s'inscrivait dans le projet de construction de l'unité nationale et de marche vers le développement25(*). Car, elles considéraient le peuple tunisien comme l'incarnation de la nation et le parti nationaliste comme l'incarnation du peuple, la fusion entre parti et nation n'en devenant que plus logique26(*). En conséquence de quoi, le dirigeant et le système, forgés par la culture universaliste française, devenaient les « détenteurs de la vérité » sur la société, qui se trouvait infantilisée, et sur les moyens à mettre en oeuvre pour la développer27(*). Car, selon eux, le peuple tunisien est faible et divisé sauf lorsqu'il passe sous leur « direction éclairée »28(*).

De ce fait, une fois l'indépendance proclamée le 20 mars 1956, l'élite politique proclama le régime républicain le 25 juillet 1957 et adopta en 1959 la nouvelle constitution, un modèle politique centralisateur inspiré de la jeune Ve République de l'ex-colonisateur mais aussi du système présidentiel américain29(*). Cette alchimie entre un modèle formé par l'histoire politique, plus que par la culture, tunisienne et un modèle occidental enseigné aux nouvelles élites politiques produisit un système qui « ne laisse qu'une place minoritaire à la circulation des élites et à la prise en compte des revendications sociales »30(*). De ce fait, et au vu de l'expérience malheureuse de Ben Youssef, la stratégie des opposants au régime devint binaire : soit accepter de faire partie de celui-ci et intégrer l'entourage du président pour espérer obtenir une partie, généralement symbolique, du pouvoir31(*), soit se retirer du jeu politique officiel et considérer le régime comme immuable. Seule la défense des intérêts personnels dans le système apparaissait alors comme possible puisque le système ne semblait pas pouvoir être changé de l'extérieur.

C'est cette configuration, qui demeure partiellement aujourd'hui, que tente de définir Hamadi Redissi, au travers d'une approche constitutionnaliste, comme une « tyrannie élective »32(*). Ce système d'allégeance au dirigeant perçoit ainsi la contestation de sa personne ou de sa politique non comme une critique acceptable mais comme une remise en cause de l'État qu'il incarne33(*). Car, de par la confusion entre État et société, tout reproche est assimilé à « de la diffamation et à des attaques contre la stabilité et la prospérité de la nation »34(*). Ainsi, ce n'est pas la culture arabo-musulmane voire tunisienne qui concentre le pouvoir aux mains d'un groupe ou d'un homme. Selon Seymour Martin Lipset, c'est l'autonomie du « sous-système politique » qui expliquerait la durabilité du régime malgré les transformations de la société tunisienne35(*), car les groupes sociaux tunisiens n'ont jamais eu la capacité de pouvoir s'organiser de façon autonome36(*). Donc, leurs intérêts ne pouvaient que passer par les canaux du parti qui irriguaient l'ensemble de la société37(*). Les conditions de participation aux élections, en particulier présidentielles, ne permettaient alors qu'au seul président en place de se présenter, limitant l'accès aux plus hautes sphères de l'État à d'autres groupes que celui formant l'élite politique issue de la lutte pour l'indépendance38(*). Dans cette perspective, la concentration du pouvoir n'est pas un frein à l'instauration de la démocratie en Tunisie. Car elle n'est pas le résultat d'une culture politique endogène mais bien la conséquence des contingences historiques propres à la situation tunisienne et qui peuvent donc changer dans le futur. Car, la démocratie est aujourd'hui l'idéologie qui domine les discours politiques arabes39(*) en général et tunisiens en particulier, et une « réelle crise de l'autoritarisme » existerait en Tunisie et plus généralement au Maghreb40(*). Elle ne concernerait pas exclusivement le contrôle des institutions mais bien plutôt la définition de la conception même de la structure sociopolitique nationale41(*). Or, le régime bourguibien s'étant appuyé sur une vision moderniste de la société, c'est un système autoritaire « occidental » qui était alors remis en cause42(*), car, dans ce cas précis, la modernisation bourguibienne avait conduit à un régime autoritaire et non à l'instauration de la démocratie43(*). La contestation se fit donc non pas dans une perspective libérale mais au travers du prisme islamiste44(*) comme le confirme son principal leader Rachid al-Ghannouchi dans un article datant de 198045(*). Mais pour Robert Malley46(*), la démocratisation ne deviendra possible qu'après avoir, au préalable, résolu ce qu'il appelle des « questions fondamentales », c'est-à-dire les règles du jeu acceptables par toutes les parties et garantissant le respect de chacun des acteurs. La signature des « pactes nationaux » en est une illustration47(*). Dans le cas contraire, une éventuelle démocratisation ne pourrait être vue que comme un moyen de stabiliser le système48(*) en tentant de lui redonner une légitimité perdue auprès de sa population suite aux difficultés économiques et sociales rencontrées dans le cadre du processus de mondialisation.

4.2. Religion

Mais la question culturelle, dans le cas présent, ne se limite pas à la « culture politique » mais se concentre surtout sur le rôle de l'islam. En effet, la religion islamique est souvent avancée comme l'explication principale de l'absence de démocratie dans le monde arabo-musulman. Très largement majoritaire en Tunisie sous la forme du sunnisme de rite malékite, elle pourrait posséder une influence politique à partir de l'apparition d'un mouvement contestataire islamiste qui l'utiliserait au sein de l'espace public. Ce mouvement, qui prend forme avec le Mouvement de la tendance islamique, renommé plus tard Ennadha (la Renaissance), émerge durant les années 1970. Il est alors alimenté par la crise économique croissante49(*) et un contexte de déception généralisée vis-à-vis des idéologies socialisantes (dont l'Égypte nassérienne était le porte-drapeau et qu'incarnait Bourguiba) ayant conduites aux défaites militaires face à Israël, notamment lors de la Guerre des Six Jours de 196750(*). Se présentant alors comme le « catalyseur de toutes les déceptions », il était considéré par beaucoup comme la seule alternative possible au régime en place51(*). Cependant, les premiers appels à une « réislamisation » de la société étaient en réalité venus de certains milieux au sein même du Néo-Destour52(*), ce qui affaiblit l'hypothèse d'une rupture radicale avec le système53(*). Or, en raison de la faiblesse du reste de l'opposition soumise à la répression54(*), le champ de la contestation a été laissé aux seuls islamistes, l'engagement de certains de leurs dirigeants au sein de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) ayant sans doute contribué à une certaine modération de leurs discours55(*). Ainsi, ils parvinrent à rassembler trois catégories de population aux intérêts pourtant divergents56(*) : les déshérités, déçus de la politique économique bourguibienne qui commençait à s'essouffler, les intellectuels, dont la parole était opprimée, et les femmes, pour qui le Code du statut personnel, législation moderniste sur les droits de la femme entré en vigueur en 1956 et qui leur accordait des droits très importants, comportait certaines faiblesses face à leur réalité quotidienne57(*). Le succès de ce mouvement trouva plus tard un écho chez les étudiants de gauche et d'extrême-gauche touchés par la « fin des idéologies » liée à la chute du système de référence communiste. Pour expliquer ce phénomène, Ilhem Marzouki fait l'hypothèse d'une « crispation identitaire » qui serait la réaction d'une société assoiffée de modernisation mais frustrée par la mainmise politique d'un régime autoritaire58(*). Car, soumise jusque-là aux décisions venant des hautes sphères de l'État, elle soutenait dès lors les islamistes car ces derniers offraient aux individus un rôle jusque-là inédit : celui d'acteur politique59(*). En revanche, selon Mark Tessler, le soutien au mouvement islamiste traduisait plutôt des motivations instrumentales, destinées à faire pression sur le régime, plus qu'une adhésion au programme du mouvement60(*). Seule une étude au niveau micro-politique pourrait permettre d'éclaircir cette question.

Malgré tout, face à ce nouveau défi, le régime adopta rapidement une stratégie vis-à-vis de cette force politique montante : il existe l'hypothèse d'une instrumentalisation du mouvement par le président Bourguiba qui l'aurait encouragé dans un premier temps afin de contrer les partis de gauche et d'extrême-gauche qui critiquaient de plus en plus ouvertement sa politique, notamment en matière économique61(*), mais aussi afin de calmer la pression interne exercée par certains courants du Néo-Destour. Pourtant, pour Dale F. Eickelman, cette inclusion du discours religieux dans la rhétorique officielle révélait plutôt l'évolution de la jeune génération tunisienne qui disposait d'une meilleure instruction et qui commençait donc à concevoir de façon plus critique le pouvoir politique par rapport à ses aînés62(*). Mais rapidement, c'est-à-dire dès les années 1980, la répression s'abat sur les islamistes au fur et à mesure qu'ils s'expriment ouvertement, notamment par des manifestations dans les rues des villes tunisiennes, les procès politiques se multipliant et étant accompagnés de plusieurs condamnations à mort pour certains de leurs dirigeants. L'arrivée au pouvoir du président Ben Ali apporta d'abord une accalmie du climat politique et les leaders furent amnistiés63(*). Mais dès le début des années 1990, le mouvement islamiste est à nouveau la cible de la répression qui justifie l'accroissement du contrôle étatique sur la sphère politique et l'interruption de l'ouverture démocratique au nom de la garantie de la sécurité nationale et de la continuité de la conception étatique de la modernité. Dans cette perspective, Delphine Cavallo insiste sur la conception du monde politique selon laquelle « les droits de la communauté politique nationale deviennent supérieurs aux droits individuels si ceux-ci menacent l'unité nationale »64(*). Mais, malgré certaines violences qui ont été imputées aux islamistes, le mouvement Ennadha n'a jamais souscrit dans aucune de ses prises de position à une stratégie violente de prise du pouvoir, ce qui s'inscrit dans la tradition réformiste de l'islam tunisien qui remontait déjà à l'époque précoloniale65(*). Au contraire, il a, à l'instar d'autres mouvements islamistes, décidé d'utiliser les instruments légaux à sa disposition afin d'atteindre ses objectifs66(*).

De son côté, le régime, en criminalisant le mouvement, réussit à unifier autour de lui la classe moyenne, effrayée par les éventuelles conséquences d'une prise du pouvoir des islamistes, et même plusieurs personnalités de l'opposition légale67(*) au nom de la lutte contre l'extrémisme68(*), mais également contre le terrorisme, en particulier à partir des attentats du 11 septembre 2001, affaiblissant ainsi les critiques à son égard. Le cas voisin de l'Algérie sert, au même moment, de repoussoir69(*), permettant au gouvernement de légitimer son approche répressive70(*), d'apposer sa marque sur la vie religieuse du pays et d'accroître de ce fait l'étatisation de la sphère religieuse. Cela se traduisit par la création d'un ministère des affaires religieuses, par la limitation de l'accès aux mosquées en dehors des heures de prière, par la nomination des imams ou le contrôle de leurs discours71(*). Dans le même sens, le président Ben Ali effectue à quelques reprises le pèlerinage à la Mecque, les appels à la prière sont diffusés à la radio et à la télévision publique et le secteur académique est mis à contribution, notamment au travers de prix, afin de promouvoir la conception officielle de l'islam. Cette politique réduit d'autant la marge de manoeuvre des islamistes qui utilisaient les mosquées comme lieu de diffusion de leur projet politique en raison de la répression auxquels le reste de l'espace public était soumis72(*). Dans le même temps, le gouvernement tunisien se fait le porte-parole d'un islam « tolérant », contestant aux islamistes le monopole sur ce type de thématique73(*) et récupérant leur discours sur l'identité arabo-islamique de la Tunisie74(*) mais le modifiant pour l'insérer dans la tradition étatique de construction d'une identité tunisienne moderne, l'opposant toutefois à la conception plus séculariste des deux premières décennies de la présidence Bourguiba75(*).

Pour autant, certaines franges de l'opposition légale, dont le Parti démocratique progressiste (PDP) et le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), légalisé le 25 octobre 2002, ou de l'opposition non-reconnue, comme le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT), cherche aujourd'hui à coopérer avec les islamistes. Cela viserait un double objectif : d'une part, rechercher un consensus afin de faire pression sur le régime et demander des réformes minimales et, d'autre part, renforcer leur propre position sur l'arène politique afin de se démarquer des partis de l'opposition considérés comme plus proches du gouvernement. Alors que d'autres, notamment à l'extrême-gauche (tel le Mouvement du Renouveau ou Ettajdid), continuent de refuser de donner une reconnaissance aux islamistes qu'ils considèrent comme allant à l'encontre d'un principe de sécularité (illustré notamment par le statut progressiste de la femme tunisienne)76(*). Ils se retrouvent ainsi sur la ligne défendue par le gouvernement et participe alors de l'amalgame fait par la population entre les positions de l'opposition et celles du gouvernement.

Il semble donc que la religion islamique joue bien un rôle sur la scène politique tunisienne et qu'elle serve de justification à l'exclusion des islamistes de l'espace public. Pourtant, ce rôle n'est pas dû à l'islam en tant que tel mais aux différents acteurs politiques tunisiens qui en font chacun leur propre lecture, en fonction de leurs croyances personnelles mais aussi parfois de stratégies et de positionnements politiques. Or, l'exclusion des islamistes du jeu politique ne peut résoudre les problèmes, notamment socioéconomiques, soulevés par le mouvement et va à l'encontre du principe même de pluralisme. Au contraire, selon Burhan Ghalioun, la répression a paradoxalement conduit à la « réislamisation des mentalités » et à la « traditionalisation des moeurs »77(*), ce qui irait partiellement dans le sens de l'hypothèse identitaire de Marzouki. Pour John P. Entelis, cette exclusion conduit également à un vide politique qui ne peut que déstabiliser encore plus le régime78(*) si ce vide n'est pas comblé par d'autres formations ayant une réelle assise populaire. Toutefois, leur inclusion sans acceptation des règles du jeu démocratique, où chaque acteur est prêt à reconnaître l'autre, et ce dans un système dominé par un régime autoritaire où l'opposition légale est structurellement faible, peut mener, selon Robert Malley79(*), au simple remplacement d'une hégémonie par une autre. En revanche, d'autres auteurs, dont Hamadi Redissi, continue de voir dans l'islam même le principal obstacle dans le processus de démocratisation du monde arabo-musulman. Selon ce dernier, « il existe bien une inadéquation entre la religion musulmane et les valeurs de la démocratie, qu'il s'agisse du principe d'égalité ou de la liberté de conscience [...] »80(*). Dans ce cas de figure, seul un régime laïc permettrait l'émergence d'un système réellement pluraliste. Pourtant, il faut reconnaître que l'islam n'est pas si monolithique que certains peuvent le penser et qu'une articulation entre islam politique et démocratie est possible, les cas du Bangladesh ou de l'Indonésie, malgré leurs défauts, indiquant qu'islam modéré et démocratie peuvent être compatibles.

5. Dimension économique

5.1. Clientélisme

En plus de la dimension culturelle, celle de l'économie jouerait également un rôle important dans les blocages de la démocratisation tunisienne. En effet, le poids important que possède l'État tunisien dans la vie économique, remplaçant celui joué par le protectorat français avant l'indépendance, s'est accru tout au long des années 1960, singulièrement dans le contexte de la politique socialisante menée par le ministre de l'économie Ahmed Ben Salah. Néanmoins, face aux échecs de celle-ci, elle fut abandonnée au profit d'une approche plus libérale dans les années 1970. Pourtant, le secteur public demeura dominant mais avec une dissociation progressive entre les secteurs ouverts à une dose de concurrence extérieure et ceux destinés au marché intérieur et qui bénéficiaient de rentes de situation. Cette situation permit le développement de la mobilité sociale de la jeunesse nouvellement instruite et la croissance des classes moyennes81(*). Lors de l'arrivée au pouvoir du président Ben Ali à la fin des années 1980, cette tutelle restait encore importante. Toutefois, le contexte de mondialisation s'accélérant et la dette publique, qui s'était régulièrement alourdie, grevant les finances publiques qui assuraient jusque-là les rentes, les privatisations se sont progressivement accélérées afin d'assurer la stabilité de l'État menacé d'asphyxie financière82(*). Pourtant, le régime réussit à conserver dans le même temps divers instruments lui permettant d'agir directement sur la situation micro-économique des classes moyennes, soit au travers des structures du Néo-Destour, rebaptisé Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD)83(*), soit au travers du Fonds de solidarité nationale. Fondé en 1992 et exclusivement financé par des dons, ce dernier dépend directement de la présidence de la république et bénéficie de ressources fiscales propres depuis 199684(*). Les diverses actions menées se font par le biais d'aides individuelles favorisant la consommation, tel que l'exonération fiscale pour l'achat de véhicules réservée à certaines catégories de revenus, ou d'investissements collectifs, principalement dans les régions défavorisées, tels que l'introduction de l'électricité ou de l'eau dans les villages. Ainsi, « le message [transmis à la population] est clair : c'est le président qui apporte aux villageois l'eau, l'électricité, la piste ou l'école qui leur faisaient défaut... »85(*). Pourtant, dans le cas du RCD, cette implication sociale fragilise la structure interne du parti en divisant celui-ci entre les militants de base confrontés aux inévitables critiques de certaines parties de la population quant à la politique de libéralisation économique et les cadres relayant les souhaits de continuité de la présidence86(*). Pourtant, plusieurs groupes, dont la classe moyenne87(*) qui est considérée comme la base sociale du régime, trouvent ainsi leur compte dans le maintien du système, soit par intérêts économiques, les autorités ayant « fait du crédit à la consommation l'un des outils de la paix sociale »88(*), soit par adhésion au projet politique porté par le président Ben Ali89(*), fondé notamment sur la lutte contre l'extrémisme islamiste.

Ainsi, le lien entre la population et le régime, structuré par l'histoire politique nationale et consolidé par la répression de l'islamisme, voit une certaine dose de clientélisme le soutenir et former des réseaux de dépendance. Car, selon Célia Delhomme, « les profits à entrer dans l'appareil [étatique] sont très importants autant du point de vue du prestige que des ressources économiques ou des relations »90(*). Pourtant, la marge de manoeuvre du régime pourrait être plus limitée qu'en apparence. Ainsi, à plusieurs reprises, celui-ci a tenté de remettre en cause les privilèges de certaines catégories de population mais a dû reculer, faisant face à une opposition franche et à des menaces de la part de ces dernières91(*). Ce dernier ne contrôle donc pas toute la société comme certains semblent le penser. L'allégeance est soumise à un équilibre fragile qui pourrait être rompu si l'État était contraint de faire évoluer sa politique dans un sens qui irait à l'encontre des intérêts de ses propres soutiens.

De plus, cette relation de dépendance découle également d'une faible imposition directe des personnes physiques qui est compensée par une imposition des personnes morales92(*). Cette structure fiscale réduit la volonté des individus de demander des comptes à l'État, celui-ci ne dépendant pas considérablement de ces derniers pour vivre. Car, les impôts indirects restent importants, notamment au travers de la TVA et, pour 1/5 des revenus étatiques, au travers des taxes douanières93(*). Or, la TVA tend à taxer l'ensemble des consommateurs, nonobstant leur niveau de revenu, ce qui tend à la rendre inégalitaire94(*) et pourrait peser sur les classes les plus fragiles. De plus, suite à un accord libre-échangiste d'association signé avec l'Union européenne (UE) le 17 juillet 1995 et entré en vigueur le 1er mars 1998, les barrières douanières tomberont progressivement d'ici à 2008. Il est donc inévitable que cette source de revenus disparaîtra, ce d'autant que l'UE représente le principal partenaire commercial du pays (80,7% des exportations). Cela représentera, selon la Banque centrale de Tunisie, une perte de l'ordre de 6% du PIB95(*). Cela contraint donc l'État à chercher de nouvelles rétributions, à restreindre les services offerts à la population96(*) ou à en privatiser certains. La première politique, par une extension de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, pourrait accroître les demandes populaires vis-à-vis de l'État et le contraindre à ouvrir le champ politique de façon plus importante97(*). La seconde pourrait accroître le mécontentement des couches les plus fragiles de la population qui verrait des prestations disparaître, entraînant de facto une baisse de leur niveau de vie98(*). La troisième briserait l'égalité des citoyens face à ces services, notamment en ce qui concerne l'augmentation éventuelle du coût d'accès à ceux-ci. Il semble difficile de déterminer quel chemin le gouvernement décidera de prendre. Toutefois, il pourrait s'adapter par une politique pragmatique qui emprunterait chacune de ces options en fonction du climat politique du moment.

5.2. Mondialisation

Le processus de mondialisation qui affecte la Tunisie, comme tant d'autres pays en voie de développement, est conçu par le gouvernement tunisien comme un « ordre naturel »99(*), c'est-à-dire qu'il est obligatoire pour le pays de s'y adapter sous peine de forte dégradation de sa situation économique. Cette conception radicale pourrait entraîner une réaction hostile percevant cette ouverture comme une « pénétration étrangère » de l'Occident100(*), faisant même « le jeu de l'autoritarisme » en provoquant une atomisation des individus101(*). Pourtant, ce discours s'inscrit directement dans la continuité de la rhétorique bourguibienne du développement et de la stature du leader comme garant de l'unité nationale102(*). En droite ligne, le président Ben Ali souhaite être le « gardien » de la Tunisie et de sa spécificité historique face aux risques, notamment de division du peuple103(*), induits par les transformations de la mondialisation104(*). La politique d'ouverture a ainsi permis une reprise durable de la croissance économique, contrairement à ce que vivent d'autres pays de la région. Mais, elle contribue dans le même temps à déstructurer le tissu économique, en le divisant entre les secteurs concurrentiels et ouverts vers l'extérieur (et bénéficiant, selon la Banque mondiale105(*), de « généreux privilèges » sous la forme de cadeaux fiscaux) et les secteurs aujourd'hui en difficulté parce que soumis au processus de privatisation et à la concurrence accrue d'autres pays en voie de développement. En effet, l'économie tunisienne resta longtemps sous la mainmise protectrice de l'État et s'est trouvée confronté à partir des années 1990 à la concurrence renforcée des pays asiatiques, dont la Chine, notamment dans le secteur stratégique du textile qui représente près de 50% des exportations nationales106(*). Cette situation a nécessité la double mise en place d'un programme de privatisation et de « mise à niveau » de secteurs économiques clés, comme le tourisme ou l'industrie (représentant 15% du total des emplois107(*)), et ce sous la pression des instances financières internationales (Fonds monétaire international [FMI] et Banque mondiale en tête) bien que le discours officiel insiste sur le choix autonome de la Tunisie dans ce domaine. La nature même de ce processus de libéralisation, dirigé par l'État tunisien, permet à ce dernier de conserver une capacité d'intervention importante108(*), de positionner le pays au mieux dans la compétition caractérisant l'économie mondiale, en particulier vis-à-vis du partenaire européen, et de développer de nouveaux secteurs dont celui de l'industrie mécanique et des nouvelles technologies où les ingénieurs tunisiens bénéficient, à compétences égales, d'un salaire moindre que leurs collègues européens. Dès lors, l'un des atouts du pays, selon le ministre de l'industrie et des PME Afif Chelbi, est de « miser sur la qualité et exploiter au mieux l'atout de la proximité géographique et culturelle »109(*). Pourtant, un rapport de la Banque mondiale de juin 2004 épingle les « interventions discrétionnaires du gouvernement »110(*) et le « pouvoir des initiés » qui affaiblissent, selon elle, le climat des affaires et les éventuelles prises de risque des investisseurs étrangers. Cette atmosphère serait renforcée par les créances douteuses des banques publiques tunisiennes, majoritaires sur le marché111(*), qui atteint un taux de 22% (contre 6% en France)112(*). Cela pourrait expliquer en partie le niveau modéré bien que croissant du niveau d'investissements étrangers.

Or, ce phénomène d'ouverture n'a pas que des conséquences sur le taux de croissance de l'économie nationale mais profite aussi à une nouvelle élite économique qui, bénéficiant des privatisations, tendrait à freiner les éventuels changements politiques pouvant menacer sa position en continuant à soutenir une politique affaiblissant l'État et accroissant ainsi sa marge de manoeuvre par rapport à ce dernier113(*). Dans ce sens, Béatrice Hibou esquisse le rôle croissant des acteurs privés poussant l'État à mettre en place un « gouvernement indirect passant de plus en plus par des intermédiaires privés »114(*), la limite entre sphère politique et sphère économique tendant à devenir floue et à conduire à une « privatisation de l'État »115(*). Pourtant, cette situation n'est pas récente, l'époque bourguibienne étant déjà marquée par ce type d'appropriation néo-patriarcale de l'État par certains groupes en vue de servir leurs intérêts personnels116(*). De plus, cette élite, en particulier ceux qu'on désignera comme les « grands patrons », restent dépendants de leur position vis-à-vis du « palais »117(*), les relations entre ces deux sphères fluctuant souvent en fonction des relations, parfois personnelles, entre ces patrons et les services de la présidence118(*). Néanmoins, le secteur privé « reste de taille modeste » et est encore majoritairement composé de PME familiales119(*) dont la dépendance à l'État est moins personnelle que financière, eu égard au système bancaire majoritairement public et ce malgré les appels du FMI à l'accélération de la réforme et de la privatisation du secteur120(*).

Dans le même temps, la croissance économique des dix dernières années a permis l'élévation du PIB par habitant et conduit à « un élargissement de la classe moyenne et sa différenciation avec les couches les plus pauvres »121(*). Car cette ouverture a fragilisé plusieurs secteurs de l'économie (dont le secteur textile) et conduit au maintien d'un niveau de chômage élevé et variant selon les sources de 13% à 20%. Or, celui-ci devrait « officiellement » augmenter à 16% en 2008, selon des estimations de la Banque mondiale, en raison de la différence entre le nombre des nouveaux emplois créés chaque année et l'augmentation régulière de la population active (85 000 nouveaux travailleurs pour 60 à 65 000 emplois crées)122(*). Pourtant, le chômage ne touche pas que les secteurs les plus fragiles : ainsi celui des jeunes diplômés augmente depuis quelques années123(*) et les difficultés de l'enseignement supérieur (marquées par l'écart entre la hausse du financement et la croissance exponentielle du nombre d'étudiants) ne font qu'accroître ces problèmes124(*). Une réforme du Code du travail de 1994 a également « favorisé la flexibilité du travail et le développement des emplois précaires »125(*) et les différences entre régions et entre catégories socioprofessionnelles auraient tendance à s'accroître avec le temps126(*). La Banque mondiale met ainsi en avant, selon un calcul du plafond de revenu différent de celui retenu par les autorités tunisiennes, une hausse absolue de l'effectif des personnes considérées comme « pauvres » malgré une baisse relative de leur proportion au sein de la population127(*).

On observe donc « une dissociation des intérêts au sein des couches moyennes »128(*) entre ceux qui profitent de l'ouverture économique et ceux que le système délaisse dans un contexte où l'État voit disparaître une partie de ces revenus dans le cadre du processus de libre-échange. Il peut alors difficilement assumer à lui seul les effets de sa politique, par ailleurs appuyée par les institutions de Bretton Woods. De là peuvent naître chez ceux qui sont délaissés des frustrations alimentées par les divers privilèges liés à l'appartenance à l'élite129(*). Quant au principal syndicat, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), il ne peut venir en aide aux personnes délaissées car, même s'il bénéficie d'une certaine autonomie, il faut pour autant qu'il « ne franchisse pas la ligne rouge de la politique protestataire et accompagne efficacement la mise en oeuvre des réformes économiques »130(*), c'est-à-dire qu'il se cantonne à un rôle de relai gouvernemental et ne cherche pas à s'impliquer dans la prise de décision131(*). Accompagné par un sous-emploi chronique, mais difficile à chiffrer, ces difficultés poussent la population à donner implicitement sa priorité au bien-être économique, reléguant ainsi la question de la démocratisation du système politique à un statut de problème secondaire. S'appuyant sur cet ordre de priorité, les élites au pouvoir peuvent ainsi légitimer la primauté de leur stratégie d'ouverture économique à long terme sur celle de la poursuite de la démocratisation. Selon le président du patronat tunisien Hédi Djilani, au stade actuel du développement du pays, la démocratie « à l'européenne » ne serait pas possible car il faudrait « d'abord préparer les gens à dialoguer sans violence »132(*). Cette combinaison entre ouverture économique et fermeture politique est par ailleurs développée par Clifford Geertz dans le concept de « libéralisme autoritaire »133(*) dont le cas chinois est un autre exemple, le régime pouvant également appuyer sa politique sur les droits de l'homme dits de la « troisième génération », c'est-à-dire les droits économiques et sociaux, énoncés par l'Organisation des Nations unies. Les droits politiques, dits de la « première génération », ne sont alors conçus que comme une résultante à long terme de la stratégie gouvernementale134(*). Toutefois, le régime continue d'être soumis, notamment à travers son réseau clientéliste, aux demandes des plus défavorisés qui voient en l'État leur seul recours135(*). Ce dernier tente alors de se décharger de ces sollicitations sur les acteurs non-étatiques qui ont, selon le discours officiel, de bien meilleures qualités (flexibilité et efficacité) que l'administration afin de répondre aux divers besoins136(*).

On peut ainsi constater que le processus de mondialisation remet en cause les bases sur lesquelles le régime tunisien s'était bâti jusque-là, contraignant celui-ci à adapter ces stratégies pour développer l'économie et assurer l'équilibre social. Pourtant, le chômage persistant et les difficultés liées à la lente restructuration de l'État laissent une partie non-négligeable de la population en marge du développement économique qui est pourtant le principal fondement de la politique gouvernementale. Certes, des réseaux de clientélisme permettent encore de tempérer d'éventuels mécontentements. Toutefois, l'absence actuelle de structuration politique de ces mécontentements rend difficile, de ce point de vue, toute évolution dans le court terme. Quant à l'élite économique bénéficiant de cette nouvelle donne, sa position n'est pas si hostile à la démocratie que certains peuvent le penser. Mais il est peu probable qu'elle devienne le moteur de la démocratisation, à moins que le régime se trouve contraint de modifier sa politique et de s'attaquer de front aux intérêts d'un secteur privé en développement.

6. Dimension politique

6.1. Contrôle de la société

En plus des dimensions culturelle et économique, celle du contrôle politique pourrait également influencer les blocages de la démocratisation tunisienne. Avec les transformations sociales des années 1970 et 1980 et la lutte pour la succession d'un Bourguiba vieillissant, la domination de l'élite politique néo-destourienne qui l'entourait s'affaiblit peu à peu aux profits de la montée de nouvelles élites sectorielles, notamment économiques, qui prennent l'ascendant sur un système usé137(*) et structurent ensemble un nouveau type de leadership basé sur une interdépendance respective où chacune, en échange de son allégeance au pouvoir politique, dispose en retour d'une certaine marge de manoeuvre138(*). Parmi ces nouvelles élites, les différents services de sécurité (dont la police et la garde nationale), renforcés par la répression des troubles du tournant des années 1980139(*) (dont la grève générale de 1978 et les émeutes de 1984) puis du mouvement islamiste140(*), acquièrent une position clé dans l'articulation du nouveau système. Dans ce contexte, la police aurait vu ses effectifs être multipliés par quatre depuis 1987, passant de 20 000 à 85 000 hommes, soit 1 pour 100 habitants, alors qu'en France ce ratio n'est que de 1 pour 300141(*). De plus, sa professionnalisation et son autonomisation par rapport aux autres sphères étatiques142(*) renforceraient l'emprise de celle-ci sur les individus soumis à la peur diffuse d'être soumis non aux procès politiques de l'ère bourguibienne mais à des tracasseries administratives en cas d'engagement trop critique envers le régime. Ce processus entretiendrait alors « une citoyenneté passive marquée par le repli sur la sphère domestique [...] »143(*). Cependant, les forces de l'ordre seraient elles aussi victimes, comme d'autres sphères étatiques, des différentes luttes et rivalités qui traversent l'ensemble du système144(*). Autre acteur du nouveau système, l'armée tunisienne ne joue pourtant pas le rôle qu'elle peut encore avoir en Algérie. Ainsi, le pouvoir bourguibien a toujours considéré les forces armées comme une menace potentielle et leur a toujours conféré des moyens limités145(*) tout en s'abstenant de toute utilisation politique146(*). Mais, suite à son intervention accrue lors des troubles des années 1980 (notamment lors de l'assaut contre la ville de Gafsa) et à la prise de fonction du président Ben Ali, qui porte par ailleurs le grade de général, celle-ci s'est vue valorisée, notamment par la hausse de son financement147(*), sans toutefois remettre en cause sa position de soumission au pouvoir civil. Quant au système judiciaire, l'arbitraire et la corruption que certains dénoncent seraient « liés à la pratique frauduleuse en vigueur »148(*) et remonterait à la création de la Haute Cour qui ouvrit la voie à « une justice politique [...] se dissimulant souvent sous des affaires de droit commun »149(*). Malgré ces divers éléments, le gouvernement tunisien a toujours nié l'existence de violations des droits de l'homme alors même qu'une commission en vue d'enquêter sur ce type d'exactions fut mise en place en 1991150(*) et qu'une section dédiée aux droits de l'homme a été créée plus récemment dans ce même but au sein du ministère de la justice151(*).

Dans le domaine médiatique, la liberté d'expression est garantie par la constitution mais est soumise aux « conditions inscrites dans la loi ». Or, celle-ci comporte des restrictions telles que le délit de diffusion de « fausses informations » qui a permis la condamnation de plusieurs journalistes152(*). Toutefois, il est nécessaire de rappeler que, durant les premières années de la présidence Ben Ali, « des espaces de libertés s'étaient créées, y compris dans les associations officielles »153(*). Mais, pour Larbi Chouikha, cette « éclaircie » n'aurait servi qu'à faire patienter la société en vue de fonder une nouvelle légitimité permettant de renouveler l'assise du régime154(*). Toutefois, d'autres mesures ont été prises par la suite dont le dernier exemple, daté du 9 janvier 2006, est la fin de la procédure du « dépôt légal » pour les périodiques tunisiens. Celle-ci consistait à déposer les publications auprès du ministère de l'intérieur afin de recevoir un récépissé autorisant leur impression et leur distribution. Ceci va dans le sens d'une libéralisation, certes mesurée, de la presse. Pourtant, la répression contre les islamistes au cours des années 1990 a conduit à la réduction de l'espace médiatique qui est aujourd'hui majoritairement aux mains de l'État (qui contrôle 6 des 8 principaux quotidiens155(*)) ou de privés considérés comme proches du régime156(*). Faire paraître une publication serait aussi soumise, en plus de la législation, à un « code de bonne conduite » qui serait toutefois implicite et évoluant selon le contexte157(*). De plus, le gouvernement, qui encadre l'impression et la distribution de la presse, peut retirer les nombreux encarts publicitaires publics aux journaux trop critiques sans pour autant devoir les censurer ouvertement. En conséquence de quoi, les Tunisiens supporteraient « de moins en moins le décalage entre ce qu'ils vivent et le discours officiel »158(*), phénomène qui caractériserait une « étatisation rampante de la société » allant en parallèle à la privatisation de l'État159(*). Mais, avec l'apparition des nouvelles technologies de l'information, l'accès des Tunisiens à d'autres sources d'informations est possible bien que demeurant pour l'instant limité à la sphère privée, l'espace public restant dominé par une relative uniformité du discours politique relayé par les médias publics, si l'on ne tient pas compte des publications des partis de l'opposition légale qui disposent toutefois d'un tirage relativement limité.

Dans le domaine politique, les différentes élections tenues depuis 1989, lorsque le président Ben Ali s'est présenté aux suffrages des électeurs pour la première fois, ont provoqué des critiques dénonçant la fermeture du champ politique. Ainsi, le fait que le président nomme personnellement 7 des 9 membres du Conseil constitutionnel, qui a notamment la charge de valider les candidatures à la présidence, participe à ce climat politique conflictuel, de même que le maillage du tissu associatif, que ce soit au niveau national ou local, qui reste ouvertement ou non sous le contrôle de partisans du RCD160(*). Pourtant, de nombreuses mesures ont été prises dès 1987 comme la suppression de la Cour de sûreté, l'amnistie de nombreux prisonniers politiques et la légalisation de plusieurs partis. La signature en 1988 du Pacte national permet au gouvernement de prescrire les conditions du nouveau jeu politique et la création d'un quota de sièges parlementaires réservés aux partis de l'opposition légale permet ensuite son entrée au parlement161(*). Toutefois, selon Olfa Lamloum, cela se serait fait au prix d'une acceptation par l'opposition de la mainmise du RCD sur la vie politique nationale162(*). Il faut en effet attendre les élections du 24 octobre 1999 pour que des candidats autres que le président Ben Ali soit autorisé à se présenter aux présidentielles suite à une modification de la loi électorale. Néanmoins, les candidats, qui sont à la tête des partis de l'opposition légale, apportèrent ouvertement leur soutien, durant la campagne, à la politique présidentielle, ce que Daniel Brumberg décrit comme une « autocratie pluraliste »163(*). Le système politique conserve ainsi certains aspects du parti-État car « même en cas d'apparition d'autres partis, [il est clair que] son éviction totale n'est pas imaginable sans rupture, sans changement complet du système »164(*). Cela s'expliquerait également, selon Michel Camau et Vincent Geisser, par le fait que les partis d'opposition tendent à « reproduire les modes de fonctionnement autoritaires »165(*) du RCD, processus consolidé par leur nature de « clubs politiques épisodiques »166(*) structurés autour d'une personnalité167(*) et non autour d'un programme défendu auprès de la population. La coupure entre élite, en position autoproclamée d'éclaireur, et population est donc conforté, car les partis de l'opposition ne « remplissent aucune fonction de médiation entre la société civile et la société politique » bien au contraire168(*). Malgré cela, dans ce contexte difficile, la candidature plus critique de Mohamed Ali Halouani (soutenu par Ettajdid et diverses personnalités du secteur associatif) aux élections du 24 octobre 2004 a illustré le besoin d'un débat politique plus marqué au sein de l'opinion publique. Mais cette alternative reste fragilisée par l'appel au boycott d'autres partis de l'opposition légale (tels le PDP ou le FDTL), pour qui participer au système électoral entraîne l'acceptation de la légitimité du régime169(*). Cela illustre à nouveau les luttes entre et à l'intérieur de ces groupes quant à la ligne à adopter vis-à-vis du gouvernement170(*). Cependant, comme l'indique Dale F. Eickelman, une analyse qui serait strictement limitée aux résultats électoraux plébiscitaires ne permettrait pas de saisir toutes les évolutions de la société tunisienne171(*).

L'ensemble de ces maillages semblent freiner la démocratisation car ils entraînent des difficultés à exprimer des avis contraires à la ligne défendue par le gouvernement. Pourtant, l'extension de l'accès des jeunes générations à l'instruction supérieure et aux modes alternatifs d'information laissent entrevoir la nécessité pour le régime de considérer une plus grande implication populaire dans la fixation des objectifs politiques172(*). Dans ce sens, des expressions de mécontentements, notamment des manifestations de chômeurs ou de lycéens, ont pu avoir lieu à diverses reprises, ce qu'Éric-Alain Mayoraz désigne comme des « résistances spontanées »173(*). Même si elles sont pour l'instant limitées à des questions techniques et non pas ouvertement politiques, elles n'ont jamais pu être structurées par un relais politique crédible. On peut les considérer comme les repères d'une démocratisation future ou comme un risque lié à un « ras-le-bol que personne n'est en mesure de canaliser »174(*). Pourtant, un renversement des comportements qui s'élargirait simultanément à différents secteurs de la société pourrait créer une fenêtre d'opportunité pour une évolution possible du régime175(*), sans toutefois pouvoir juger du calendrier ni de la nature de cette hypothétique évolution.

6.2. Rôle du président

Nonobstant, au vu des pouvoirs importants détenus par la présidence, malgré cette nouvelle configuration politique caractérisée par le réseau des élites sectorielles, le rôle du président Ben Ali pourrait-il être important, dans les orientations politiques qui sont choisies depuis sa prise de pouvoir en 1987, de par son expérience personnelle ? Son itinéraire au sein de l'appareil policier, notamment à la Sûreté nationale, a encouragé son arrivée à la tête de l'État à la faveur des interventions croissantes des forces de l'ordre au secours du pouvoir civil. Pourtant, dès 1989, il consent à une amnistie générale176(*) et, dans le domaine des droits de l'homme, la Tunisie est le premier pays du Maghreb à introduire des réformes afin

d'effacer le passif du président Bourguiba mais aussi de capitaliser sur la sympathie populaire envers la LTDH qui est considérée à l'époque comme la « seule voix crédible en politique ». De plus, le contexte international influença dans ce sens les choix de la présidence177(*). Mais pour Gudrun Krämer, c'est surtout parce qu'il « manquait de légitimité révolutionnaire et de charisme personnel » qu'il a eu particulièrement « besoin de la coopération des acteurs politiques tunisiens »178(*) afin d'asseoir la nouvelle légitimité démocratique du régime. D'ailleurs, ces mesures de grâce se répètent régulièrement depuis (en 1999, 2004 et 2005179(*)), touchant à chaque fois de quelques dizaines à quelques centaines de prisonniers dont des membres d'Ennadha emprisonnés lors de la répression du début des années 1990. La dernière grâce en date, annoncée le 25 février 2006, toucha 1657 prisonniers dont des membres du « groupe de Zarzis », des internautes condamnés en 2004 à 13 ans de prison pour préparation d'attentats. Quelque 73 islamistes figurent par ailleurs parmi les bénéficiaires de cette même mesure, ces ouvertures améliorant sans doute l'image du régime à l'extérieur180(*) et contribuant à l'apaisement du climat politique.

Il faut toutefois remarquer qu'une certaine personnification du pouvoir, très présente sous Bourguiba, a progressivement refait son apparition en raison du pouvoir très important détenu par la présidence de la république et du traitement médiatique de l'actualité nationale qui donne une image omniprésente du président dans l'action politique, les ministres et les députés étant marginalisés. En conséquence, selon Moncef Marzouki, figure du Congrès pour la République, parti de l'opposition non-reconnue, « non seulement Ben Ali s'est aliéné toute la classe politique, qu'il s'agisse des islamistes, de la gauche, des démocrates ou des vieux bourguibiens, mais, avec la corruption, il s'est aliéné la société toute entière, de la grande bourgeoisie au petit peuple »181(*). Ce jugement, tiré de son conception selon laquelle la « dictature ne représente qu'elle-même »182(*), est sans doute exagéré car, comme il a été explicité antérieurement, plusieurs secteurs de la société tunisienne voient toujours leurs intérêts dans la politique menée par le président Ben Ali183(*) qui ne souhaite pas « faire subir au pays de changements fondamentaux mais plutôt le faire évoluer peu à peu vers une plus grande ouverture »184(*). Pour ce faire, il s'est réapproprié l'héritage bourguibien dans bien des domaines, ce qui tend paradoxalement à faire apparaître le régime moins comme un changement que comme une simple évolution du régime précédent185(*). Pourtant, les difficultés sociales persistantes, consécutives à la politique de libéralisation, mécontent d'autres secteurs qui ne sont pas pour l'instant structurés politiquement et la question de la succession se posera bientôt dans un contexte où le président Ben Ali, qui occupe à la fois la présidence de la république et celle du RCD, pourra se représenter une dernière fois en 2009, la constitution modifiée par référendum le 26 mai 2002 ne permettant pas à ce dernier de se représenter pour un sixième mandat en 2014 en raison de la limite d'âge fixée à 75 ans.

7. Dimension diplomatique

Il ne faut toutefois pas considérer la démocratisation tunisienne dans un contexte strictement national mais dans ces relations avec ses voisins et ses alliés. Ainsi, le soutien apporté au régime tunisien par les États-Unis et les gouvernements européens, dont la France qui dispose d'une influence importante dans la définition de la politique européenne vis-à-vis du Maghreb186(*), est lié au désir de ces gouvernements d'assurer la stabilité de la région, notamment au travers du contrôle du mouvement islamiste qui suscite des craintes de la part de nombreux dirigeants. L'épisode de la guerre du Golfe en 1990-1991 permit déjà au régime tunisien, qui condamna l'invasion irakienne mais aussi la coalition menée par les États-Unis187(*), de faire accepter la répression de l'islamisme au nom de la sauvegarde des intérêts occidentaux dans la région et de la lutte contre une hypothétique menace terroriste représentée par le mouvement Ennadha188(*). La guerre civile qui commençait alors en Algérie ne fit que conforter cette analyse pour les gouvernements occidentaux189(*). Néanmoins, l'appui occidental, et français en particulier, reste symbolique190(*) bien que le pays perçoive des aides financières françaises, en faisant le pays le plus aidé du Maghreb par habitant191(*). Toutefois, cette aide n'a pas été utilisée pour faire pression sur le régime afin d'accélérer le processus d'ouverture politique192(*).

Car la Tunisie possède une « place stratégique » qui est importante pour Washington193(*) mais également pour Paris car, en plus de son ouverture économique et de sa « modération » politique, elle joue un rôle de stabilisateur du flanc sud de la zone OTAN et encourage par ailleurs la conclusion d'une paix juste avec Israël194(*). Pour Donatella Rovera, au contraire, c'est parce que la Tunisie « ne présente aucun intérêt stratégique majeur dans la région »195(*) qu'aucune pression n'est exercée sur le régime pour infléchir sa ligne politique. Toutefois, cette analyse ne tient pas compte de la place de la Tunisie dans la lutte anti-terroriste qui justifie la recherche d'une certaine stabilité. Mais dans les deux cas, « les perspectives de libéralisation [sont] mornes »196(*) puisque l'un des principaux acteurs politiques tunisiens, en l'occurrence Ennadha, est exclu d'une participation au système politique. Pour John O. Voll, c'est le soutien occidental à cette « démocratie sans risques » qui est au coeur de la crise de l'autoritarisme nord-africain197(*) et donc tunisien. Certes, l'UE a inclus des clauses concernant le respect des droits de l'homme dans l'accord qu'elle a signé avec la Tunisie en 1995198(*). Cependant, ses réactions se sont limitées jusqu'ici à de simples réprimandes, à travers deux résolutions votées par le Parlement européen en 2000199(*), sans que des sanctions de quelque nature que se soit ne soient prises. Cela pourrait s'expliquer par l'absence de répercussions, notamment économiques, de la situation politique pour les investisseurs européens et français en particulier200(*). De leur côté, les États-Unis ont depuis quelques années mis en avant la nécessité de réformes démocratiques au travers du plan « Grand Moyen-Orient », annoncé après les attentats du 11 septembre 2001, et dans le cadre de la lutte anti-terroriste qui a renforcé les liens, notamment en matière de défense (l'assistance militaire américaine atteignant 10,5 millions de dollars), avec la Tunisie201(*). Cependant, cette stratégie suscite du scepticisme aussi bien auprès du gouvernement tunisien, qui y voit des critiques infondées sur sa politique, que de la société (en particulier de la gauche) qui y voit un cheval de Troie de l'impérialisme américain dans la région202(*).

8. Conclusion

Cette recherche centrée sur les ratés du processus de démocratisation de la Tunisie a permis d'esquisser certaines réponses aux différentes hypothèses de travail :

La culture politique de la Tunisie est bien caractérisée par la concentration du pouvoir aux mains d'un seul homme sous les divers régimes que le pays a connu. Toutefois, elle ne représente pas un frein direct à l'ouverture démocratique car elle est plutôt le résultat des circonstances historiques qui ont mené aux changements de 1956 et de 1987. En effet, même si le partage du pouvoir n'est pas encore ce que certains pourraient espérer, l'évolution d'une domination exclusive d'une élite politique sous Bourguiba à une articulation de plusieurs groupes sous Ben Ali va dans le sens de la mise en place de contrepoids à une domination totale d'un homme et de son entourage. De plus, la coupure entre élite et population, même si elle demeure importante, n'est pourtant pas si claire que cela, en particulier quant au rôle joué par les contacts nécessaires entre la population et les représentants du système, que ce soit ceux du parti ou de toute autre partie de l'administration. Quant au rôle de la religion islamique, il est relativement important, dans le sens où elle est utilisée par les acteurs politiques pour structurer ou légitimer leur discours, ce qui a justifié la répression du mouvement islamiste. En conséquence, l'islam ne peut représenter un obstacle en lui-même dans la mesure où il peut être interprété de multiples manières y compris de façon à pouvoir se fondre dans un régime laïc tel que la Turquie.

En ce qui concerne le volet économique, le poids important de l'État tunisien, qui était important il y a encore deux décennies, a vu son influence remise en cause sous la pression du contexte international, personnifié par les instances financières internationales, et des échecs internes de sa politique. Certes, le clientélisme lie encore l'État aux citoyens mais il ne peut plus constituer à lui seul un obstacle à une éventuelle démocratisation au regard du nouveau lien que pourrait engendrer la diminution des revenus de l'État liée au libre-échange avec l'UE. En revanche, les difficultés sociales engendrées par la libéralisation de l'économie pourraient être un obstacle plus ardu à franchir. En effet, si le gouvernement met en oeuvre un programme de développement des nouvelles technologies qui est destiné aux jeunes diplômés, les personnes disposant d'une formation moins développée restent cantonnées à des emplois précaires voire au secteur informel de l'économie qui occupe une place importante en Tunisie (77,6% des consommateurs lui faisant confiance203(*)). Leur absence des structures politiques actuelles peut tout aussi bien favoriser l'émergence, le moment venu, d'une alternative au système qu'empêcher la structuration de celle-ci au niveau collectif. Quant, aux patrons tunisiens, leur élan pour une démocratisation n'existera réellement que si leurs positions sont menacées par le régime lui-même.

Dans le domaine du contrôle politique, le pouvoir détenu par les différents services de sécurité leur permet encore de maintenir une certaine dose de contrôle dans de nombreux domaines de la sphère publique, notamment dans la surveillance de la « société civile », qui provoquent quelques difficultés à exprimer un avis contraire à la ligne officielle, phénomène renforcé par la relative uniformité du discours politique dans les médias et par la faiblesse structurelle des partis de l'opposition légale. De plus, « la parenthèse autoritaire ne s'est jamais refermée, sans cesse reconduite par l'alternance de phases d'ouverture et de repli, de contestation et de répression »204(*). Pourtant, le régime dispose d'une force apparente qui pourrait s'évanouir face aux tensions internes et externes205(*). Ainsi, le maillage sécuritaire freinerait réellement la démocratisation s'il n'était pas affaibli de l'intérieur par les rivalités de clans ou de familles qui affaiblissent l'efficacité de la surveillance et tendent à relâcher l'étau de façon progressive, l'accès relativement libre à d'autres sources d'information en étant une illustration. De ce point de vue, le rôle joué par le président Ben Ali est plus restreint que certains critiques pourraient le faire penser. Certes, de par son pouvoir constitutionnel, il domine très largement la définition des orientations politiques de la Tunisie actuelle et son itinéraire au sein du système sécuritaire peut influencer sa perception des problèmes. Toutefois, le gouvernement qu'il préside s'inscrit bien plus dans des rapports d'interdépendance avec l'élite économique et sécuritaire qui ont maintenu l'équilibre du régime jusqu'à présent. Cependant, cet équilibre pourrait être rompu si d'autres acteurs commençaient à revendiquer collectivement un infléchissement de la ligne politique du régime voire une démocratisation plus rapide. Cette « fluidité politique » pourrait alors être une nouvelle occasion de voir un changement politique se produire. Toutefois, il serait aléatoire de vouloir déterminer son issue sans étudier de façon plus approfondie les phénomènes de rivalités qui parcourent la structure de pouvoir actuelle206(*). De ce point de vue, les prochaines échéances électorales qui conduiront théoriquement à la fin de la présidence Ben Ali pourraient être l'occasion d'une ré-articulation de ce pouvoir.

Enfin, il semble que le soutien apporté au régime par les gouvernements occidentaux ait eu un impact important qui a permis d'appuyer la justification intérieure de la répression. Néanmoins, le nouveau contexte international consécutif au 11 septembre 2001 et à la guerre d'Irak de 2003 conduit à une redéfinition paradoxale des rapports. D'un côté, le terrorisme islamiste renouvelle l'appui qui émergea avec la guerre du Golfe et la guerre civile algérienne. Mais d'un autre côté, le discours sur la démocratie s'est vu renouvelé et des appels en ce sens se sont multipliés et ont conduit à une participation des islamistes à divers processus électoraux, comme en Égypte, en Palestine ou en Irak, où leurs succès sont importants. Ainsi, comme l'analysent Camau et Geisser, la Tunisie « apparaît bien comme un exemple significatif des ambiguïtés de la démocratisation du monde »207(*). Toutefois, la scène politique tunisienne n'a pas encore vécu, de ce point de vue, de transformation radicale. Pourtant, la modération, stratégiquement pensée ou non, des islamistes tunisiens et les options de certains partis de l'opposition légale, pourrait voir une lente transformation des positions du régime et pourquoi pas la légalisation d'un parti islamiste à la ligne modérée, sur le modèle turc, et acceptant les règles du jeu politique. Car, en 2007, la plupart des islamistes emprisonnés au début des années 1990 auront quitté les prisons tunisiennes208(*). La question de la place de l'islamisme sur la scène politique, qui a vue sa place grandir ces dernières années, deviendra incontournable pour le régime et la société tunisienne. Selon l'islamiste Hamadi Jebali, récemment libéré, les Tunisiens « doivent se rassembler pour faire face aux défis de la mondialisation, qu'il s'agisse des grands regroupements régionaux, des intérêts contradictoires des uns et des autres ou de la levée des barrières douanières, en 2008, dans le cadre de l'accord d'association avec l'Union européenne »209(*). Dans le cas contraire, et comme le disait déjà Éric-Alain Mayoraz en 1989, « c'est une course contre la montre entre les résultats probants [du régime] et la montée des désillusions qui s'est engagée en Tunisie le 7 novembre 1987 »210(*).

En conclusion, il semble bien que l'approche développée il y a plus de 10 ans par l'équipe de Ghassan Salamé reste valable dans sa globalité. Certes, le monde a évolué depuis cette date et certaines dimensions, notamment celle du rapport à l'islamisme ou de la mondialisation, ont connu des mutations, notamment dans leur perception ou leur impact, qui modifient l'analyse qui pouvait en être faite à l'époque. De plus, le cas tunisien possède certaines spécificités, notamment en ce qui concerne les conséquences de la colonisation, qui nuancent et enrichissent l'analyse globale. Dans cette perspective, de nouvelles perspectives de recherche se dessinent : dans le cas tunisien, l'approche macro-politique de ce travail mériterait d'être étayée par une analyse micro-politique au moyen de données de sondage, et, dans le cas du monde arabo-musulman en général, des analyses plus détaillées d'autres pays contribueraient également à l'affinement de la théorie de la démocratisation de cette région en pleine transformation.

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* 1 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, Le syndrome autoritaire. Politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, éd. Presses de Science Po, Paris, 2003, p. 37-38

* 2 EL-AZMEH, Aziz, « Populisme contre démocratie. Discours démocratisants dans le monde arabo-musulman », in SALAMÉ, Ghassan [sous la dir. de], Démocraties sans démocrates. Politiques d'ouverture dans le monde arabo-musulman et islamique, éd. Fayard, Paris, 1994, p. 242

* 3 SALAMÉ, Ghassan, « Où sont donc les démocrates ? », in SALAMÉ, Ghassan [sous la dir. de], Démocraties sans démocrates. Politiques d'ouverture dans le monde arabo-musulman et islamique, éd. Fayard, Paris, 1994, p. 29

* 4 LUCIANI, Giacomo, « Rente pétrolière, crise fiscale de l'État et démocratisation », in SALAMÉ, Ghassan [sous la dir. de], Démocraties sans démocrates. Politiques d'ouverture dans le monde arabo-musulman et islamique, éd. Fayard, Paris, 1994, p. 199-200

* 5 EL-AZMEH, Aziz, op. cit., p. 237

* 6 MAGHREB ARABE PRESSE, « La Tunisie a réalisé un taux de croissance de 6% en 2004 », 3 mars 2006, http://www.jeuneafrique.com/pays/tunisie/gabarit_art_afp.asp?art_cle=MAP70806latunneedec0, consulté le 4 mars 2006

* 7 FREEDOM HOUSE, « Country Report - Tunisia », Freedom in the World, http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=22&year=2005&country=6850, consulté le 11 janvier 2006

* 8 EL-AZMEH, Aziz, op. cit., p. 240

* 9 FREEDOM HOUSE, « Country Report - Tunisia », Freedom in the World, http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=22&year=2005&country=6850, consulté le 11 janvier 2006

* 10 SALAMÉ, Ghassan, op. cit., p. 9

* 11 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 42

* 12 WATERBURY, John, « Une démocratie sans démocrates ? », in SALAMÉ, Ghassan [sous la dir. de], Démocraties sans démocrates. Politiques d'ouverture dans le monde arabo-musulman et islamique, éd. Fayard, Paris, 1994, p. 98-99

* 13 FREEDOM HOUSE, « Country Report - Tunisia », Freedom in the World, http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=22&year=2005&country=6850, consulté le 11 janvier 2006

* 14 FREEDOM HOUSE, « Freedom of the Press - Tunisia », Freedom of the Press, http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=16&year=2005&country=6850, consulté le 11 janvier 2006

* 15 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 35-36

* 16 DELHOMME, Célia, Structures et dynamiques du champ politique tunisien contemporain. Reconstructions historiques et approches sociologiques, éd. Université de Genève (Faculté des sciences économiques et sociales), Genève, 2004, p. 36

* 17 EICKELMAN, Dale F., « Muslim Politics. The Prospects for Democracy in North Africa and the Middle East », in ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. 18

* 18 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 73-74

* 19 Ibid., p. 83

* 20 CHOUIKHA, Larbi, « Autoritarisme étatique et débrouillardise individuelle. Arts de faire, paraboles, Internet, comme formes de résistances, voire de contestation », in LAMLOUM, Olfa et RAVENEL, Bernard, La Tunisie de Ben Ali. La société contre le régime, éd. L'Harmattan, Paris, 2002, p. 198

* 21 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 46-50

* 22 Ibid., p. 140

* 23 Ibid., p. 143

* 24 Ibid., p. 79

* 25 MAYORAZ, Éric-Alain, Parti-État. Approche au travers des cas de la Tunisie et de la Côte d'Ivoire, éd. Institut universitaire des hautes études internationales, Genève, 1989, p. 52

* 26 DELHOMME, Célia, op. cit., p. 47-49

* 27 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 110

* 28 Ibid., p. 120

* 29 MAYORAZ, Éric-Alain, op. cit., p. 18

* 30 DELHOMME, Célia, op. cit., p. 105

* 31 LUCIANI, Giacomo, op. cit., p. 202

* 32 REDISSI, Hamadi, « Qu'est-ce qu'une tyrannie élective ? », Jura Gentium, Centre for Philosophy of International Law and Global Politics, http://dex1.tsd.unifi.it/juragentium/common/redissi.htm, consulté le 10 décembre 2005

* 33 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 144-145

* 34 DELHOMME, Célia, op. cit., p. 44-45

* 35 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 51

* 36 Ibid., p. 54

* 37 Ibid., p. 130-131

* 38 MAYORAZ, Éric-Alain, op. cit., p. 63

* 39 EL-AZMEH, Aziz, op. cit., p. 233-234

* 40 VOLL, John O., « Sultans, Saints and Presidents. The Islamic Community and the State in North Africa », in ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. 1

* 41 Ibid., p. 3

* 42 Ibid., p. 4

* 43 Ibid., p. 5

* 44 Ibid., p. 8

* 45 Ibid., p. 14

* 46 MALLEY, Robert, « Les élections doivent être l'aboutissement d'un processus », L'Express, 22 septembre 2005, http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/mondearabe/dossier.asp?ida=435010, consulté le 21 décembre 2005

* 47 LECA, Jean, « La démocratisation dans le monde arabo-musulman. Incertitude, vulnérabilité et légitimité », in SALAMÉ, Ghassan [sous la dir. de], Démocraties sans démocrates. Politiques d'ouverture dans le monde arabo-musulman et islamique, éd. Fayard, Paris, 1994, p. 36

* 48 FERRIÉ, Jean-Noël, « Ces régimes ne mèneront pas le processus à son terme », L'Express, 22 septembre 2005, http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/mondearabe/dossier.asp?ida=435013, consulté le 21 décembre 2005

* 49 TESSLER, Mark, « The Origins of Popular Support for Islamist Movements. A Political Economy Analysis », in ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. 109

* 50 Ibid., p. 107-108

* 51 MAYORAZ, Éric-Alain, op. cit., p. 98

* 52 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 274

* 53 Ibid., p. 276

* 54 TESSLER, Mark, op. cit., p. 113

* 55 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 303

* 56 MARZOUKI, Ilhem, « Le jeu de bascule de l'identité », in LAMLOUM, Olfa et RAVENEL, Bernard, La Tunisie de Ben Ali. La société contre le régime, éd. L'Harmattan, Paris, 2002, p. 92-93

* 57 Ibid., p. 95-96

* 58 Ibid., p. 99

* 59 Ibid., p. 97

* 60 TESSLER, Mark, op. cit., p. 115

* 61 MARZOUKI, Ilhem, op. cit., p. 97

* 62 EICKELMAN, Dale F., op. cit., p. 30

* 63 DEURE, Michel, « Vote de la loi d'amnistie générale », Le Monde, 29 juin 1989, http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-0,37-651444,0.html, consulté le 11 janvier 2006

* 64 CAVALLO, Delphine, « Développement et libéralisation économique en Tunisie. Éléments d'analyse des discours de légitimation », in LAMLOUM, Olfa et RAVENEL, Bernard, La Tunisie de Ben Ali. La société contre le régime, éd. L'Harmattan, Paris, 2002, p. 62

* 65 ENTELIS, John P., « Political Islam in the Maghreb. The Non-violent Dimension », in ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. 44-45

* 66 EICKELMAN, Dale F., op. cit., p. 20

* 67 HERMASSI, Abdelbaki, « Changement socio-économique et implications politiques. Le Maghreb », in op. cit., p. 329

* 68 KRÄMER, Gudrun, « L'intégration des intégristes. Une étude comparative de l'Égypte, la Jordanie et la Tunisie », in SALAMÉ, Ghassan [sous la dir. de], Démocraties sans démocrates. Politiques d'ouverture dans le monde arabo-musulman et islamique, éd. Fayard, Paris, 1994, p. 286

* 69 LAMLOUM, Olfa, « L'indéfectible soutien français à l'exclusion de l'islamisme tunisien », in LAMLOUM, Olfa et RAVENEL, Bernard, La Tunisie de Ben Ali. La société contre le régime, éd. L'Harmattan, Paris, 2002, p. 107

* 70 ENTELIS, John P., « Political Islam in the Maghreb. The Non-violent Dimension », in ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. 47

* 71 FREEDOM HOUSE, « Country Report - Tunisia », Freedom in the World, http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=22&year=2005&country=6850, consulté le 11 janvier 2006

* 72 HERMASSI, Abdelbaki, op. cit., p. 324

* 73 LECA, Jean, op. cit., p. 80

* 74 DELHOMME, Célia, op. cit., p. 60

* 75 MARZOUKI, Ilhem, op. cit., p. 91

* 76 KÉFI, Ridha, « Que faire des islamistes ? », Jeune Afrique l'intelligent, 22 janvier 2006, http://www.jeuneafrique.com/jeune_afrique/article_jeune_afrique.asp?art_cle=LIN22016quefasetsim0, consulté le 26 janvier 2006

* 77 GHALIOUN, Burhan, « La condition de la modernité », in LAMLOUM, Olfa et RAVENEL, Bernard, La Tunisie de Ben Ali. La société contre le régime, éd. L'Harmattan, Paris, 2002, p. 146

* 78 ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. XV

* 79 MALLEY, Robert, op. cit.

* 80 REDISSI, Hamadi, « Une inadéquation entre l'islam et les valeurs de la démocratie », L'Express, 22 septembre 2005, http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/mondearabe/dossier.asp?ida=435009, consulté le 21 décembre 2005

* 81 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 58

* 82 ANDERSON, Lisa, « Prospects for Liberalism in North Africa. Identities and Interests in Predinustrial Welfare States », in ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. 132-33

* 83 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 218

* 84 Ibid., p. 219-220

* 85 LAGARDE, Dominique, « Consomme et tais-toi », L'Express, 16 octobre 1997, http://www.lexpressemploi.net/info/monde/dossier/tunisie/dossier.asp?ida=408876, consulté le 18 décembre 2005

* 86 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 360-361

* 87 WATERBURY, John, op. cit., p. 100-101

* 88 LAGARDE, Dominique, « La fronde des jeunes », L'Express, 18 mai 2000, http://www.lexpressemploi.net/info/monde/dossier/tunisie/dossier.asp?ida=408871, consulté le 18 décembre 2005

* 89 HERMASSI, Abdelbaki, op. cit., p. 325

* 90 DELHOMME, Célia, op. cit., p. 41

* 91 MAYORAZ, Éric-Alain, op. cit., p. 85-86

* 92 LUCIANI, Giacomo, op. cit., p. 213

* 93 Ibid., p. 211

* 94 WATERBURY, John, « From Social Contracts to Extraction Contracts. The Political Economy of Authoritarianism and Democracy », in ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. 150

* 95 CAVALLO, Delphine, op. cit., p. 72-73

* 96 LUCIANI, Giacomo, op. cit., p. 203-204

* 97 WATERBURY, John, op. cit., p. 166

* 98 Ibid., p. 167

* 99 DELHOMME, Célia, op. cit., p. 42

* 100 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 80

* 101 Ibid., p. 38

* 102 CAVALLO, Delphine, op. cit., p. 51-52

* 103 Ibid., p. 71

* 104 Ibid., p. 59

* 105 HOORMAN, Chloé, « Le grand bain de la mondialisation », L'Express, 10 janvier 2005, http://www.lexpressemploi.net/info/monde/dossier/tunisie/dossier.asp?ida=431183, consulté le 18 décembre 2005

* 106 Ibid.

* 107 Ibid.

* 108 HIBOU, Béatrice, « Il n'y a pas de miracle tunisien », in LAMLOUM, Olfa et RAVENEL, Bernard, La Tunisie de Ben Ali. La société contre le régime, éd. L'Harmattan, Paris, 2002, p. 38

* 109 HOORMAN, Chloé, op. cit.

* 110 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 63

* 111 HENRY, Clement M., « Crises of Money and Power. Transitions to Democracy? », in ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. 189

* 112 HOORMAN, Chloé, op. cit.

* 113 LECA, Jean, op. cit., p. 74

* 114 HIBOU, Béatrice, op. cit., p. 37

* 115 CAVALLO, Delphine, op. cit., p. 41-42

* 116 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 156

* 117 ANDERSON, Lisa, op. cit., p. 131

* 118 CAVALLO, Delphine, op. cit., p. 69-70

* 119 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 60-61

* 120 Ibid., p. 212

* 121 DELHOMME, Célia, op. cit., p. 39

* 122 HOORMAN, Chloé, op. cit.

* 123 Ibid.

* 124 TESSLER, Mark, op. cit., p. 94-95

* 125 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 221-222

* 126 SAÏDI, Raouf, « La pauvreté en Tunisie. Présentation critique », in LAMLOUM, Olfa et RAVENEL, Bernard, La Tunisie de Ben Ali. La société contre le régime, éd. L'Harmattan, Paris, 2002, p. 15

* 127 Ibid., p. 20-21

* 128 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 221

* 129 TESSLER, Mark, op. cit., p. 99

* 130 DELHOMME, Célia, op. cit., p. 66

* 131 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 192

* 132 LAGARDE, Dominique, « Consomme et tais-toi », L'Express, 16 octobre 1997, http://www.lexpressemploi.net/info/monde/dossier/tunisie/dossier.asp?ida=408876, consulté le 18 décembre 2005

* 133 HERMASSI, Abdelbaki, op. cit., p. 332-333

* 134 CAVALLO, Delphine, op. cit., p. 63

* 135 LECA, Jean, op. cit., p. 72

* 136 HIBOU, Béatrice, op. cit., p. 38

* 137 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 180-181

* 138 Ibid., p. 191

* 139 MAYORAZ, Éric-Alain, op. cit., p. 26

* 140 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 206

* 141 LAGARDE, Dominique, « Consomme et tais-toi », L'Express, 16 octobre 1997, http://www.lexpressemploi.net/info/monde/dossier/tunisie/dossier.asp?ida=408876, consulté le 18 décembre 2005

* 142 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 203-205

* 143 Ibid., p. 39

* 144 Ibid., p. 356-357

* 145 MAYORAZ, Éric-Alain, op. cit., p. 62

* 146 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 164-165

* 147 WATERBURY, John, op. cit., p. 146

* 148 DELHOMME, Célia, op. cit., p. 19

* 149 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 151

* 150 WALTZ, Susan, « The Politics of Human Rights in the Maghreb », in ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. 75

* 151 HENRY, Clement M., op. cit., p. 188

* 152 FREEDOM HOUSE, « Freedom of the Press - Tunisia », Freedom of the Press, http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=16&year=2005&country=6850, consulté le 11 janvier 2006

* 153 LAGARDE, Dominique, « Consomme et tais-toi », L'Express, 16 octobre 1997, http://www.lexpressemploi.net/info/monde/dossier/tunisie/dossier.asp?ida=408876, consulté le 18 décembre 2005

* 154 CHOUIKHA, Larbi, op. cit., p. 200

* 155 FREEDOM HOUSE, « Country Report - Tunisia », Freedom in the World, http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=22&year=2005&country=6850, consulté le 11 janvier 2006

* 156 FREEDOM HOUSE, « Freedom of the Press - Tunisia », Freedom of the Press, http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=16&year=2005&country=6850, consulté le 11 janvier 2006

* 157 CHOUIKHA, Larbi, op. cit., p. 198-199

* 158 LAGARDE, Dominique, « La fronde des jeunes », L'Express, 18 mai 2000, http://www.lexpressemploi.net/info/monde/dossier/tunisie/dossier.asp?ida=408871, consulté le 18 décembre 2005

* 159 CHOUIKHA, Larbi, op. cit., p. 199

* 160 DELHOMME, Célia, op. cit., p. 38

* 161 WATERBURY, John, « Une démocratie sans démocrates ? », in SALAMÉ, Ghassan [sous la dir. de], Démocraties sans démocrates. Politiques d'ouverture dans le monde arabo-musulman et islamique, éd. Fayard, Paris, 1994, p. 111

* 162 LAMLOUM, Olfa, op. cit., p. 110

* 163 LAGARDE, Dominique, « Ces pays n'ont pas eu de chance », L'Express, 6 novembre 2003, http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/mondearabe/dossier.asp?ida=411438, consulté le 21 décembre 2005

* 164 MAYORAZ, Éric-Alain, op. cit., p. 63

* 165 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 253

* 166 Ibid., p. 237

* 167 Ibid., p. 251

* 168 Ibid., p. 249

* 169 LAGARDE, Dominique, « Fallait-il boycotter Ben Ali ? », L'Express, 18 octobre 2004, http://www.lexpressemploi.net/info/monde/dossier/tunisie/dossier.asp?ida=429878, consulté le 18 décembre 2005

* 170 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 250

* 171 EICKELMAN, Dale F., op. cit., p. 32

* 172 Ibid., p. 35

* 173 MAYORAZ, Éric-Alain, op. cit., p. 90

* 174 LAGARDE, Dominique, « La fronde des jeunes », L'Express, 18 mai 2000, http://www.lexpressemploi.net/info/monde/dossier/tunisie/dossier.asp?ida=408871, consulté le 18 décembre 2005

* 175 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 226

* 176 DEURE, Michel, op. cit.

* 177 WALTZ, Susan, op. cit., p. 86

* 178 KRÄMER, Gudrun, op. cit., p. 301

* 179 BARROUHI, Abdelaziz, « Le sens des libérations », Jeune Afrique, 5 mars 2006, http://www.jeuneafrique.com/jeune_afrique/article_jeune_afrique.asp?art_cle=LIN05036lesensnoita0, consulté le 9 mars 2006

* 180 Ibid.

* 181 LAGARDE, Dominique, « La fronde des jeunes », L'Express, 18 mai 2000, http://www.lexpressemploi.net/info/monde/dossier/tunisie/dossier.asp?ida=408871, consulté le 18 décembre 2005

* 182 KHIARI, Sadri, « Le renouveau du mouvement démocratique tunisien », in LAMLOUM, Olfa et RAVENEL, Bernard, La Tunisie de Ben Ali. La société contre le régime, éd. L'Harmattan, Paris, 2002, p. 182

* 183 LAGARDE, Dominique, « Ces pays n'ont pas eu de chance », L'Express, 6 novembre 2003, http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/mondearabe/dossier.asp?ida=411438, consulté le 21 décembre 2005

* 184 MAYORAZ, Éric-Alain, op. cit., p. 26

* 185 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 355

* 186 ROVERA, Donatella, « Les droits de l'homme. Entre discours et pratique », in LAMLOUM, Olfa et RAVENEL, Bernard, La Tunisie de Ben Ali. La société contre le régime, éd. L'Harmattan, Paris, 2002, p. 162

* 187 TESSLER, Mark, op. cit., p. 104

* 188 LAMLOUM, Olfa, op. cit., p. 109

* 189 ZARTMAN, I. William, « The International Politics of Democracy », in ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. 214-216

* 190 LAMLOUM, Olfa, op. cit., p. 111-112

* 191 Ibid., p. 114

* 192 ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. X

* 193 MAYORAZ, Éric-Alain, op. cit., p. 104

* 194 ENTELIS, John P., « Political Islam in the Maghreb. The Non-violent Dimension », in ENTELIS, John P. [édité par], Islam, Democracy, and the State in North Africa, éd. Indiana University Press, Bloomington, 1997, p. 50

* 195 ROVERA, Donatella, op. cit., p. 164

* 196 KRÄMER, Gudrun, op. cit., p. 309

* 197 VOLL, John O., op. cit., p. 9

* 198 FREEDOM HOUSE, « Country Report - Tunisia », Freedom in the World, http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=22&year=2005&country=6850, consulté le 11 janvier 2006

* 199 ROVERA, Donatella, op. cit., p. 163

* 200 HIBOU, Béatrice, op. cit., p. 47

* 201 AGENCE FRANCE-PRESSE, « Rumsfeld salue le rôle de la Tunisie dans le combat de l'islamisme radical », 11 février 2006, http://www.jeuneafrique.com/jeune_afrique/article_depeche.asp?art_cle=AFP63616rumsflacida0, consulté le 14 février 2006

* 202 REDISSI, Hamadi, « Une inadéquation entre l'islam et les valeurs de la démocratie », L'Express, 22 septembre 2005, http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/mondearabe/dossier.asp?ida=435009, consulté le 21 décembre 2005

* 203 MAGHREB ARABE PRESSE, « Plus de 77% des Tunisiens font confiance au commerce parallèle », 2 mars 2006, http://www.jeuneafrique.com/pays/tunisie/gabarit_art_afp.asp?art_cle=MAP75036plusdelllar0, consulté le 11 mars 2006

* 204 CAMAU, Michel et GEISSER, Vincent, op. cit., p. 17

* 205 Ibid., p. 356

* 206 Ibid., p. 365

* 207 Ibid., p. 16

* 208 BARROUHI, Abdelaziz, « Le sens des libérations », Jeune Afrique, 5 mars 2006, http://www.jeuneafrique.com/jeune_afrique/article_jeune_afrique.asp?art_cle=LIN05036lesensnoita0, consulté le 9 mars 2006

* 209 BARROUHI, Abdelaziz, « Hamadi Jebali : "Les Tunisiens doivent se rassembler" », Jeune Afrique, 5 mars 2006, http://www.jeuneafrique.com/jeune_afrique/article_jeune_afrique.asp?art_cle=LIN05036hamadrelbme0, consulté le 9 mars 2006

* 210 MAYORAZ, Éric-Alain, op. cit., p. 107






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