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La force du verbe dans la tradition orale wolof: l'exemple des chants du Cercle de la jeunesse de Louga

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par Ousseynou WADE
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - DEA 2007
  

Disponible en mode multipage

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I. INTRODUCTION

1. Introduction au mémoire de DEA

Le mémoire de diplôme d'études approfondies que nous présentons se compose de plusieurs pièces. L'introduction à la thèse en constitue la première partie. A la suite, nous donnerons le plan détaillé. La troisième partie concernera les résumés des deux séminaires. Les exposés aux différents séminaires seront présentés dans la partie suivante. La bibliographie commentée, résumés des articles et des oeuvres lues, fera l'objet du cinquième point. L'avant dernière partie présentera un extrait du corpus collecté, transcrit et traduit. En dernier point, nous donnerons la bibliographie générale, les documents lus et/ou consultés et à consulter pour la thèse.

2. Introduction à la thèse

Depuis plusieurs décennies, les recherches, études et travaux consacrés à la littérature africaine orale ne cesse de s'élargir. Cet intérêt pour l'oralité, à l'heure de l'explosion des technologies de l'information et de la communication, semble à première vue contradictoire.

Mais, si l'on sait la prégnance que l'oralité exerce sur notre quotidien, on ne peut s'étonner aujourd'hui qu'elle soit l'un des domaines les plus investis.

Cependant, l'ampleur des travaux ne doit pas cacher la vaste production orale africaine peu exploitée et les domaines qui restent encore inexplorés. Parmi ces domaines de l'oralité qui ne sont pas assez explorés, nous avons le chant en tant que poésie traditionnelle. C'est là la première motivation qui nous a conduit à nous pencher sur la production du Cercle de la jeunesse de Louga enraciné dans une longue tradition orale du groupe wolof. S'inspirant de la culture folklorique héritée des brassages, la troupe de Louga a su garder une tradition faite d'oralité se déployant à travers le chant, la danse, la musique, le théâtre, etc. Bref plusieurs "sous genres" se côtoient dans son riche répertoire.

Par ailleurs, l'actualité des textes du Cercle est également un élément qui a favorisé notre option. En effet, les thèmes développés rappellent fortement le quotidien du groupe wolof de sorte que les auditeurs des contrées les plus éloignées continuent à manifestaient leur adhésion à la création du Cercle.

En dernier lieu, la renommée internationale du Cercle, son palmarès et le caractère "pérenne" de sa création ont fini de conforter notre choix. Il faut noter que le Cercle a acquis une audience très populaire au niveau national, son action va beaucoup peser sur le théâtre sénégalais. De 1958 à 1967, elle est victorieuse de toutes les compétitions de théâtre amateur organisées au Sénégal. Le Cercle finit par être admis dans ces compétitions comme invité d'honneur pour en rehausser l'éclat.

En 1962, le Cercle de la jeunesse ira représenter le Sénégal au Festival de la jeunesse et des étudiants organisé à Helsinki, en Finlande. La Troupe est choisie pour représenter l'Afrique au « ballet des cinq continents » organisé à la clôture de cette manifestation.

En 1966 à Narbonne, en France, elle représente le Sénégal au festival des Maisons de jeunes et de la culture.

En 1973, la troupe avait été choisie pour représenter une fois encore l'Afrique aux premiers jeux Afro-Latino- Américains organisés à Guadalajara au Mexique. A cette occasion, la troupe fut invitée par le Président mexicain de l'époque à séjourner dans le pays pendant un mois.

En 1974, elle va défendre les couleurs du Sénégal au Festival des Pyrénées organisé à Oloron Sainte-Marie en France. Le Cercle s'est ainsi forgé une expérience sur la scène internationale et continue de séduire son public. Sa dernière grande tournée date de 1981. Elle l'a menée en France, en Angleterre, en Italie, en Allemagne et en Suisse. En Pologne, ils ont remporté la coupe de l'Arche de Solidarité organisée par le syndicat « Solidarnos ». Avec cette renommée, le festival international de folkrore de Louga a vu le jour. Après deux éditions qui rassemblèrent le monde artistique dans la capitale du Ndiambour, le financement de cette manifestation commençait à faire défaut. La rencontre s'est très vite mise en veilleuse.

Dans la même foulée, le Cercle va se jumeler à la troupe Nationale Drama de Banjul (Gambie), à la bourrée Gannatoise, près de Clermont - Ferrant et Vichy, au groupe Diamoney Tay de Dakar.

Malgré le caractère moderne qu'a pris le théâtre africain, le Cercle a pu faire de ses spectacles le reflet du vécu wolof. Le mode de ses représentations épouse parfaitement le quotidien des populations paysannes rythmé de chants et de danses. Ces représentations conduisent ainsi le spectateur en plein Cayor pour vivre et pour goûter aux délices des chants et danses qui accompagnent la vie de tous les jours, dans un rythme endiablé et ensorcelant soutenu par un orchestre de tam- tam.

Aujourd'hui, plusieurs troupes sont sorties des flancs du Cercle. Le festival populaire de folflore et de percussions de Louga (FESPOP) qui se tient au mois de décembre de chaque année continue cette tradition.

Pour notre part, c'est l'occasion d'essayer de réparer l'ostracisme dont les ténors du Ndiambour sont victimes. Malgré le rayonnement qu'ils ont donné à la culture locale et nationale, leurs efforts restent inconnus et risquent de tomber dans l'oubli. Ces différents paramètres justifient le choix que nous portons sur les chants du Cercle.

PROBLÉMATIQUE

Au coeur de notre préoccupation figure le lien entre la parole proférée et son impact sur la vie de l'individu dans une société d'oralité et particulièrement du chant. Chanter, fredonner un air ne va pas sans un texte créé ou repris. Ces chants jalonnent le quotidien du wolof et l'accompagnent dans toutes ces activités. De là, le message qui s'y dégage ne saurait passer sous silence les préoccupations, explicites ou implicites, du groupe en question. L'analyse de notre corpus tentera de se focaliser sur les chants ponctuant les événements les plus marquants dans la vie du groupe wolof et particulièrement du Ndiambour adossé à une civilisation paysanne. De manière concomitante, nous soulèverons tous les procédés qui valorisent et en même temps favorisent les fonctions du discours oral en tant que véhicule des lois tacites, un code de conduite diffus régissant aussi bien la vie publique et privée des sociétés traditionnelles voire modernes.

CORPUS AVEC TOUTES LES INFORMATIONS

Notre corpus est essentiellement constitué de textes du Cercle de la jeunesse et d'une dizaine composée par Mademba Diop dit Masse, membre fondateur du Cercle de la jeunesse de Louga. Ils s'inspirent de la tradition et relatent les activités qui jalonnent la journée des ruraux.

Les recherches entamées avaient fini de montrer qu'il existait un mince espoir de tomber sur un répertoire du Cercle transcrit. A Louga, les responsables de la troupe rencontrés travaillent de manière informelle. Finalement, c'est aux Archives de la RTS que nous avions eu notre premier recueil, sous forme de cassettes audio. Un travail d'écoute et de transcription s'est effectué afin de disposer de corpus, passage obligé pour ce type de travail. Les textes recueillis ont été améliorés avec la collaboration quelques membres fondateurs du Cercle, surtout en ce qui concerne leur mise en forme.

Cette étape achevée, les textes transcrits en wolof ont été soumis à l'expertise de deux consultants, l'un à la fédération des organisations non gouvernementales (FONGS) et l'autre chargé d'alphabétisation à la Chambre de Métiers de Louga.

Disposant ainsi de répertoire fiable, nous nous sommes attelé à la traduction, tout en essayant de garder un niveau de langue familier. L'exploitation des données a suivi la démarche classique d'étude de texte. Tous les indices relevés ont été sériés et ensuite interprétés.

Adopter le chant sur scène, en guise de spectacle, nécessite une certaine théâtralisation pour en rehausser la performance. Pour ce faire, les chants populaires sont adoptés et réajustés parfois. Nous rencontrons ici des chants pour lesquels tout le texte a été écrit par un contemporain.

On ne perdra pas de vue que les chants n'obéissent pas tous à une même représentation scénique. Nous avons, soit des ballets, soit des choeurs soit les deux à la fois ou encore une scène folklorique.

Pour le ballet, il s'agit principalement de danses chorégraphiques, avec des mouvements d'ensemble, accompagnées de chant.

Dans les choeurs, il s'agit d'un groupe de personnes qui chantent ensemble. Il déclame sur un même rythme et un même air tout le chant. Parfois il y a un coryphée qui chante seul et le choeur répond. Il peut aussi prendre une troisième forme. Là il s'agit de deux groupes. L'un est composé de femmes et l'autre d'hommes. Les uns chantent et les autres répondent. Les voix sont croisées.

La scène folklorique, quant à elle, correspond à une scène authentique où il n'y a pas de mouvement d'ensemble. Le naturel est plus présent. C'est d'ailleurs ce qui est recherché.

La mise en scène varie suivant la forme de la représentation. Pour les choeurs, avant l'ouverture des rideaux, les chanteurs sont en place (filles et garçons), sur deux rangs, en forme de demi-cercle. Pour donner du rythme, ils balancent le corps de gauche à droite.

La forme peut changer et le nombre agrandi selon la signification à donner au chant. Par exemple, dans « Ngembuleen » (« retroussez vos manches »), le choeur est disposé sur trois rangs en escalier et habillé de la même couleur par rangée (vert jaune et rouge). La batterie est souvent derrière, elle n'apparaît pas souvent lors des choeurs.

Pour les ballets la représentation peut se faire de deux sortes :

-la batterie est sur scène avec les chanteurs. Ils débutent le chant. Les acteurs sortent des coulisses en rang en dansant avec des mouvements d'ensemble. La rangée des filles et celle des garçons se croisent exécutant des danses deux à deux. Ils dansent tout en chantant ;

-toujours dans le ballet, la batterie et les chanteurs sont sur scène. Les exécutants sortent de l'assistance en petits groupes ou un à un. Cette forme participe de la théâtralisation du spectacle.

Dans la scène folklorique, tout le monde est sur scène avant l'ouverture des rideaux. On danse et on chante ensemble. Tout se passe comme si l'improvisation y dominait mais en fait, il s'agit d'une «improvisation organisée ». S'il arrivait que quelqu'un oublie de prendre la parole, un chanteur plus attentif peut le suppléer sans qu'on s'en rende compte.

Mais la nouvelle version adoptée est ballet plus choeur. Pendant que le choeur est au fond en chantant, les danseurs entrent par les côtés, toujours en rang. Le nombre d'acteurs ne dépassent pas 12 en général : 6 garçons et 6 filles pour les danseurs. Le reste de la troupe est derrière les griots. Le décor reste simple. En général, on a une case avec un grand arbre qui représente le tableau de fond. On essaie d'être plus près de la réalité.

Les costumes sont coupés suivant le modèle traditionnel. Ce déguisement varie selon le chant déclamé.

Dans les ballets, les instruments sont authentiques. La danse chorégraphique se fait avec des instruments à la main. Les danseurs miment des actions qui traduisent le sens des chants. Les outils sont des herminettes, des hilaires, des soufflets...

METHOLOGIE

Dans notre démarche, nous comptons partir du contexte sociohistorique du groupe wolof où les chants ont vu le jour. Les mutations qui se sont opérées au sein de cette collectivité replaceront la performance dans un contexte plus apte à rendre compte de l'utilité des chants. L'apport des théories sur la performance servira à cerner le genre dans son contexte.

La stylistique, participant au « bien dire », explorera les ressources langagières qui servent de support pour la pérennisation des messages entendus. Cette étude utilisera la plupart du temps les outils classiques d'analyse de textes. Mais toutefois, on fera recours aux méthodes rencontrées dans quelques textes consultés. Le fil conducteur a privilégié les multiples événements relatés dans le corpus. Ils renvoient, en grande partie, au quotidien de la vie paysanne et au cycle saisonnier et calendaire de la vie de groupe. D'ailleurs, la thématique tourne autour de ces aspects. L'étude des textes s'est surtout focalisée sur « l'esthétique de l'oralité ».

ETATS DES LIEUX

Plusieurs travaux ont été consacrés à la production orale wolof dans le domaine universitaire. Le plus souvent les thèses et travaux investissent cette tradition sous sa forme musicale moderne. La collecte concerne rarement le chant car les récits (contes, épopées, légendes, etc.) occupent l'essentiel des études réalisées dans ce domaine. En linguistique, la thèse de Momar CISSE, « Parole chantée ou psalmodiée wolof, collecte, typologie et analyse des procédés argumentatifs de connivence associés aux fonctions discursives de satire et d'éloge », soutenue en janvier 20061(*), a pour objectif d'analyse les procédés de connivences linguistiques et de montrer la richesse du patrimoine culturel wolof. Ce travail est plus proche de notre hypothèse mais il reste confiner dans la vision linguiste. Le second, PERRIN Loïc-Michel dans Des représentations du temps en wolof2(*), dresse un catalogue l'ensemble des termes et expressions impliquant la temporalité en Wolof. Ensuite, il étudie les principaux procédés linguistiques mis en place par la langue wolof pour permettre de représenter une occurrence d'événement.

C'est là les plus grands travaux consacrés au wolof que nous avons découvert. L'article de C. BECKER et M. MBODJ, « Chants Wolof et La sagesse de Ncothie Barma », Dakar, CNRS, 2000, (première version, Kaolack, 1978) reprend les schèmes de plusieurs études liées au conte. L'orientation de ces travaux a pu baliser la voie même s'ils restent insuffisants pour notre approche. On ne peut terminer sans citer la thèse d'Ibrahima WANE, « Chanson moderne et communication orale ». Elle est la plus récente dans ce domaine et couvre une vaste période. A défaut de s'y avoir penché, nous l'avons en ligne de mire pour le projet de thèse.

Ainsi, le déficit d'exploitation des textes wolofs, demeure l'une des difficultés auxquelles on est confronté. En plus, l'inexistence de documentation sur le Cercle a constitué un autre blocage. Mais, à partir des cassettes fournies par les archives de la Radio et Télévision du Sénégal, nous avons reconstitué l'essentiel du répertoire. Il s'agira pour nous de l'étoffer avec des chants de la même veine usitée par les Wolof de cette contrée.

Ainsi dans la première partie intitulée contexte socio-historique, il sera question des mutations qui se sont opérées dans l'espace du Ndiambour. Le cadre géographique sera dessiné en tant qu'aire culturelle. Ce cadrage nous permettra d'évoquer les caractéristiques du groupe wolof à savoir les fondements de leur culture, l'organisation en société et les valeurs qu'ils véhiculent.

La deuxième partie sera totalement consacrée au corpus. Nous y relaterons les difficultés liés à la collecte de corpus en littérature orale et spécifiquement pour notre thème de recherche. La complexité de la traduction et de la transcription sera aussi posée. Le dernier point se penchera sur la problématique des « textes oraux », c'est-à-dire textes fixés à partir de l'oral. Ensuite, Il s'agira de préciser la mise en situation des chants car au-delà du contexte de déclamation, les chants sont réinterprétés pour les besoins de la représentation. Nous déclinerons les caractéristiques qui accompagnent un tel aspect.

La troisième et dernière étape sera consacrée à l'interprétation ethno- littéraire. Les thèmes seront examinés avant l'étude de la fonction des chants dans la tradition orale wolof. Egalement les ressources langagières, la stylistique et les autres raccourcis langagiers seront analysés : les proverbes, les images mythiques et légendaires, les figures de rhétorique mises en évidence par les différents théoriciens, etc.

II. PLAN DE LA THÈSE

Intitulé : « La force du verbe dans la tradition orale wolof : l'exemple des chants du Cercle de la Jeunesse de Louga »

INTRODUCTION GÉNÉRALE 

Ière PARTIE : Contexte socio-historique

Dans cette partie, nous dresserons le cadre socio-historique où baignent les populations du Ndiambour et par ricochet les membres du Cercle de la Jeunesse. Il s'agira aussi de faire l'historique des mutations intervenues

Chapitre I : Les mutations socio-historiques

I.1 : Cadre historique et géographique

Ce sous chapitre fera le point sur l'histoire de la province du Ndiambour et sa situation géographique.

I.2 : Le Ndiambour fief des marabouts

Dans sa genèse, le Ndiambour est constitué de villages fondés par des marabouts. Nous donnerons le nom de ses hommes et les villages satellites constitutifs du Ndiambour

I.3 : De la politique coloniale à la naissance d'une troupe

A l'époque coloniale, différentes politiques ont été menées pour orienter l'activité des autochtones. Nous évoquerons les politiques qui ont présidées à la naissance des cercles de jeunes comme celui de Louga.

Chapitre II : Le Ndiambour : Aire culturelle

Nous montrerons que le Ndiambour est une aire culturelle qui a ses spécificités. Il s'agira de recenser tout ce qui détermine les éléments qui composent cette culture.

II.1 : Fondements de la culture wolof

Nous analyserons les fondements de la société wolof, c'est-à-dire les mécanismes et son fonctionnement.

II.2 : La stratification de la société wolof

La hiérarchisation de la société wolof fera l'objet de ce chapitre. Les différents paliers seront identifiés et leurs composantes livrées

II.3 : La place du verbe dans la société wolof (typologie)

Un essai de la topologie du verbe wolof sera dressé. Ce travail concerne surtout les types de déclamation du verbe dans la vie du groupe wolof.

IIème PARTIE : Le corpus

Chapitre I : Présentation des textes

Dans la présentation du corpus, nous apporterons toutes les précisions nécessaires pour cerner leur mode de fonctionnement.

I.1 : Le problème de la collecte

En oralité, la production obéit à des exigences d'ordre factuel. C'est pourquoi, nous ferons cas de cette situation dans ce sous-chapitre.

I.2 : De la transcription à la traduction

« Traduire, c'est trahir » a-t-on l'habitude de dire. Ainsi, nous relèverons tous les obstacles qui vont avec ce travail, de la transcription à la traduction.

I.3 : « Des textes oraux »

On éclairera ici la notion de texte oral en nous appuyant sur les études déjà menées.

Chapitre 2 : la mise en situation

Elle reviendra sur les moments de la performance pour une tentative de reconstruction du contexte de déclamation.

II.1 : Instance énonciative

L'instance énonciative analysera la place et le rôle de l'émetteur mais aussi de ou des auditeurs en situation d'oralité. Ici, on montrera que le discours oral intègre le protagoniste qu'est l'auditeur

II.2 : « La dramatisation de l'idée »

Nous étalerons les moyens mis en oeuvre pour dramatiser le message qui accompagne les chants. Dans une certaine mesure on pourrait même parler de théâtralisation du poème.

II.3 : L'histoire chantée et mimée

Dans le prolongement du sous-chapitre précédent, nous révélerons l'histoire qui sous-tend certains chants. La gestuelle matérialise et complète ce que le chant ne peut pas rendre totalement.

IIIème PARTIE : Analyse ethno-littéraire

Cette dernière sera consacrée à l'analyse des textes à partir d'instruments empruntés à la critique.

Chapitre 1 : La thématique

Dans les thèmes, on s'arrêtera sur les plus représentatifs.

I.1 : L'histoire

Tout ce qui renvoie à un événement historique fera l'objet d'une analyse afin de voir comment la création chemine avec l'événementiel.

I.2 : « Mots d'ordre » contextuels et injonctions

Le Cercle a servi par moment de relais aux leaders, politiques. Il sera question de faire découvrir le rôle de la troupe pendant cette époque charnière.

I.3 : La figure de la femme et celle de l'enfant

La femme et l'enfant sont omniprésents dans les chants du Cercle. L'intérêt porté à eux servira de ressort pour décrypter à quelle fin ils sont au coeur cette thématique.

I.4 : La mystique du travail

Le travail chanté et sacralisé constitue un rite au point que chaque corporation détient des chants qui lui sont spécifiques. La fonction et le rôle de ces chants seront étudiés

Chapitre 2 : Le chant : un art utilitaire

En Afrique « l'art pour l'art » n'existe presque pas. C'est pourquoi nous relèverons quelques fonctions du chant dans ce sous-point.

II.1 : Le divertissement

On dévoilera les genres ou les types de chant consacrés au divertissement et leurs impacts socio-affectifs, surtout auprès des enfants.

II.2 : L'éducation

Par le biais des chants toute une éducation est donnée aux adolescents. En même temps on forge leur esprit à la réflexion et aux subtilités du langage.

II.3 : L'archivage

La conservation des coutumes, des événements et peut-être du cadre géographique se retrouvent dans les textes oraux. L'objet de l'analyse ira dans ce sens.

II.4 : Autres fonctions

De façon moins fouillée, nous traiterons des autres fonctions du chant.

Chapitre 3 : Les ressources langagières

L'expression orale convoque diverses formules nichées dans les types de récits. Ces types véhiculent en leur sein des symboles, des images et des allusions. On les étudiera dans les points suivants

III.1 : Les proverbes

Nous recenserons les proverbes qui sont employés dans les chants. Leur analyse se fera avec la prise en compte de la performance.

III.2 : Mythes et légendes

Les mythes et légendes auxquelles les textes font allusion seront aussi explorer. A chaque fois qu'il est nécessaire de rappeler la source première, nous nous y attellerons.

III.3 : Quelques raccourcis langagiers

Dans les figures de style, nous étudierons les moyens langagiers mobilisés pour le bien dire et la facilité de rétention. En effet, ils sont souvent au service du discours oral caractérisé par son évanescence.

a) : Figures mnémotechniques : mots valises ; mots pivot ; etc.

b) : Figures de rhétorique : ellipse ; métaphore ; anaphore ; métonymie ; synecdoque ; l'apostrophe...

III.4 : Le style oral

Ici, il sera question des spécificités de l'oralité et plus particulièrement de celles du wolof.

CONCLUSION GÉNÉRALE 

III. RÉSUMÉ DES SÉMINAIRES

1. Résumé du séminaire principal animé par le Professeur Bassirou DIENG

Thèmes du séminaire : la littérature et le lieu - oralité et écriture - les notions d'intertexte et d'intertextualité

Le séminaire s'est développé autour de trois axes. Dans un premier temps, il s'est agit d'éclairage sur une nouvelle dynamique littéraire : la littérature et le lieu. Se fondant sur les créations locales et les aires linguistiques, le Professeur DIENG fait voir qu'il n y pas de correspondance entre les deux car en Afrique la porosité des frontières favorise le brassage. Cette approche tente de mettre en perspective les productions locales de la littérature africaine compte tenu des espaces. Les types de textes s'imbriquent dans le littéraire sous plusieurs formes. Trois phénomènes se dégagent d'un tel état de fait :

- l'oralité et l'écriture sont mises en relation et les formes nouvelles d'oralité jouent une forte médiation ;

- l'interférence linguistique est aussi une caractéristique de ces littératures africaines ;

- l'articulation entre la véritable littérature et les autres types de production scripturale.

Le deuxième thème étudié revient sur les fondamentaux de la communication orale. Celle-ci s'adosse à la mémoire institutionnalisée et sur la transmission par la parole. Le Professeur DIENG analyse la mémoire institutionnalisée comme une instance incarnée par un groupe particulier qu'on peut désigner du nom de dépositaire-transmetteur. Ils sont griots, sages ou initiés et se regroupent en professionnels ou en non professionnels. Se penchant sur les professionnels, il montre que le griot est déterminé par plusieurs facteurs : son statut social et son répertoire. Le premier oriente le second. En effet, les « officiels », gardiens de la tradition, conservent et assurent la transmission de la tradition du groupe. A l'inverse, les autres fonctionnent avec moins de contraintes. Cette classe de griots, dans ses rapports avec la société, a un rôle d'archivages des réalités. Elle conserve les traces des institutions du passé. En même temps, le système des valeurs y est gravé. Egalement, par moment, cette littérature joue le rôle de satire sociale. Elle permet d'élaguer les tensions. Ainsi, cette littérature prend plusieurs formes et se subdivise en genres et sous-genres.

Comme illustration du modèle de communication de l'oralité, M. DIENG propose les systèmes pulaar et wolof. Dans sa taxinomie de la littérature pulaar, on retient les formes corporatives, les formes communes, les formes islamiques. En ce qui concerne la typologie des genres wolof, nous avons : le narratif, le formulaire et le poétique.

Dans les espaces urbains, ces productions subissent une transformation et empruntent de nouvelles pistes. Les manifestations festives ou religieuses, les compétitions sportives, les événements politiques, le circuit commercial se nourrit de ces créations populaires tout en les renouvelant. Les nouveaux canaux de diffusion changent le mode de circulation de ces productions et changent du coup les rapports entre émetteur et récepteur.

Le dernier thème abordé au cours du séminaire principal a consisté à une clarification conceptuelle des notions d'intertexte et d'intertextualité. Si le premier est mémoriel, un entrecroisement de plusieurs textes, le second se fonde sur des traces. S'appuyant sur les travaux de Michel RIFFATERRE, M. DIENG nous apprend que « l'intertexte » renvoie à l'ensemble des textes que l'on retrouve dans la mémoire à la lecture d'un passage donné. Quant à l'intertextualité, elle fonctionne comme une reprise d'un texte précis, antérieur ou contemporain, par un travail d'intégration et de transformation. Elle se manifeste par la citation, la référence, l'allusion, le plagiat, la parodie ou la pastiche.

2. Résumé du séminaire secondaire animé par le Pr Amadou Ly

Thème du séminaire : Les relations Nord-Sud : Traitement littéraire des incompréhensions

Le séminaire du Pr Ly s'est déroulé en deux grandes phases. Dans une première phase M. Ly a introduit le thème : « Les relations Nord-Sud : Traitement littéraire des incompréhensions » avec comme axe la vision de quelques écrivains choisis représentant la littérature des deux continents. Ensuite, les séminaristes se sont succédé pour présenter leur projet de thèse sous forme d'exposé.

Dans son intervention le Pr Ly a tenté de répondre aux questions suivantes : Quelles sont les sources d'incompréhension entre le Nord et le Sud ? Comment s'est installé entre le Nord et Sud un certain nombre d'incompréhensions ?

M. Ly fait constater que de Montaigne3(*) à la mondialisation, on a toujours assisté à ces relations conflictuelles, tendues entre l'Occident et l'Afrique. De ce fait, le thème s'est presque inscrit dans l'histoire littéraire entre les deux continents de manière mythique. Il a souvent subi un renouvellement littéraire selon les époques, les auteurs et les orientations idéologiques du moment.

Le premier groupe d'écrivains occidentaux à traiter de ce thème laisse entrevoir deux tendances : ceux qui s'enferment dans des préjugés et ceux qui vont dans le sens de découvrir le fonctionnement des sociétés africaines.

Les premiers parmi lesquels Levy Bruhl4(*), voient le Sud et leur civilisation comme une mentalité figée, primitive. Pour eux, elle reste inférieure parce qu'enracinée dans l'idolâtrie et le fétichisme.

L'approche d'un Léon FANOUH-SEIFER, dans Le mythe du nègre et de l'Afrique noire dans la littérature française de 1800 à la deuxième guerre mondiale5(*) conforte ces préjugés et clichés. Pierre LOTI6(*) et Maurice GENEVOIX7(*) successivement dans Le Roman d'un Spahi et Fatou Cissé cristallisent cette vision des africains embourbés dans une léthargie grégaire.

La seconde génération d'occidentaux qui se penchent sur les cultures africaines a une vision moins caricaturale. Le groupe de Léo FROBENUIS8(*) fait voir une Afrique adossée sur des pratiques civilisationnelles millénaires. Maurice de la FOSSE9(*) dans Les Nègres va dans le même sens. Même si la volonté de cette nouvelle tendance est loin des stéréotypes, M Ly souligne que dans leur transmission, on relève une somme d'incompréhensions.

Si pour le premier groupe on note une exagération sur les images, faits et gestes transmis, pour le second c'est surtout une vision teintée de parti pris. Ce sentimentaliste donne une vision sympathique et romantique de l'Afrique. Beaucoup de récits transmis tombent sous le coup d'une idéologie orientée.

A partir du Sud, une vision s'est développée pour rendre compte du contact entre l'Afrique et l'Occident. La tendance générale qui se dégage de cette littérature du Sud montre une Afrique étalant souvent son désespoir. Les promesses de départ ont accouché de douleur et de souffrance

D'une part la réaction se résume à un procès acerbe contre l'Occident dans lequel celui-ci affiche un visage peu glorieux.

D'Amadou Hampaté BA10(*) à CESAIRE11(*), on découvre un Occident coupable, face à une Afrique trompée, exploitée et aliénée à la fin par un esclavage culturel.

D'autre part, cette réaction se veut une justification des maux que l'Occident reproche à l'Afrique. Le type de littérature développé par Ousmane SOCE12(*) essaie de se justifier aux yeux du Nord pour les convaincre de l'existence d'une culture, d'une civilisation en l'Afrique.

Dans la même foulée, on relève une littérature moins partisane venant des deux pôles. Ces regards croisés comportent leur part d'espoir et d'inquiétude face à l'avenir. L'espoir suscité dans les publications qui croient à une possible réconciliation, une coexistence est symbolisé par des mariages mixtes et autres types de rapports harmonieux entre personnages.

L'espoir laisse parfois la place à l'inquiétude dans les textes qui analysent la part de responsabilité du Noir et du Blanc dans ce clash de l'histoire. Cette vision plus lucide n'est pas figée mais fait le bilan des relations Nord /Sud. La tendance mercantiliste du monde moderne dominé par l'économie de marché qui va crescendo apparaît comme une brèche où s'engouffrent les soubresauts de la mondialisation.

Les réactions d'Aminata TRAORE13(*) et de Cécile ANNE-ROBERT14(*) respectivement dans le Viol de l'imaginaire et L'Afrique au secours de l'occident montrent qu'une autre voie est possible. Mais l'Afrique aura besoin de se réajuster sur des attitudes annihilantes, venant de ses leaders et dirigeants.

Au cours du séminaire, différents exposés ont été présentés. Ils se déclinent comme suit :

1. « Réalités congolaises et créations littéraires chez Emmanuel DONGALA » par Rony YALLA.

2. « CESAIRE, un homme entre trois cultures : Africanité, Antillanité et Occidentalité » par El hadji SONKO.

3. « L'épopée d'Alfa Abdoul Rahmane du Fouta-Djalon » par Amadou Woury DIALLO.

4. « La déchéance du héros dans Voyage au bout de la nuit de Louis Ferdinand CELINE (1932), Les soleils des indépendances d'Ahmadou KOUROUMA (1968), L'étrange destin de Wangrin d'Amadou Hampaté BA (1973) par Fatou Kardo BA.

5. «  La perception de l'administration coloniale dans la littérature subsaharienne : le cas dans L'étrange destin de Wangrin et Oui ! mon commandant d'Amadou Hampaté BA, Une vie de boy et Le vieux nègre et la médaille de Ferdinand OYONO » par Babacar MAR.

6. « L'ambiguïté romanesque ou aventure d'une écriture : problématique d'écriture et oralité chez Boubacar Boris DIOP dans Les tambours de la mémoire et Le cavalier et son ombre » par Aliou SENE.

7. « Boubacar Boris DIOP, un écrivain au carrefour des littératures » par Aly Mana Bathily KANE.

8. « L'image et l'action du héros romanesque chez Emmanuel DONGALA » par Modou Fall.

9. « La poésie orale dans une société agro-pastorale seereer, le jigemb : analyse socio-historique, culturelle et littéraire » par Guédji FAYE.

10. « La narratologie et l'étude thématique dans l'oeuvre romanesque de KEN BUGUL : le baobab fou (1983), Riwan ou le chemin de sable (1999), La folie et la mort (2000) » par Ndèye Ami NDIAYE.

11. «  La ville dans le roman contemporain à l'exemple de Karim d'Ousmane Socé DIOP, Ville cruelle d'Eza BOTO, Ce sont les jours qui meurent de Dono Ly SANGARE et La grève des battù d'Aminata Sow FALL » par Larissa MIKOMBA TSENGUI.

12. «  Le thème du voyage dans la littérature africaine d'expression française, l'exemple de L'Enfant noir de CAMARA Laye, L'aventure ambiguë de Cheikh Hamidou KANE, Douceurs du bercail de Aminata Sow FALL et Le ventre de l'atlantique de Fatou DIOME » par Mbaye DIOP.

13. « Le roman africain contemporain d'expression française au miroir du « Tout monde » par Mor Anta KANDJI.

14. «  La force du verbe dans la tradition orale wolof : l'exemple des chants du Cercle de la jeunesse de Louga » par Ousseynou WADE.

IV. EXPOSÉS AUX SÉMINAIRES

EXPOSE N° 1 : Résumé d'un ouvrage théorique

Critique de la raison orale, les pratiques discursives en Afrique Noire, DIAGNE Mamoussé, Paris, Karthala, 2005, 602pages

INTRODUCTION

Dans son approche de départ, le Professeur Mamoussé Diagne pose un postulat en se demandant si « au coeur de l'oralité il n'y a pas une chose comme l'écriture ? »

L'écriture est définie ici comme une inscription et comme une production. Une inscription, car elle est fixation, mémoire et transmission. Elle est production parce qu'elle est mise en musique, en mots. Cette parole vive, par des lois spécifiques et des processus intellectuels, perpétue le passé, dynamique de l'identité, vision du futur.

Les travaux du Professeur Diagne que nous tentons de résumer se répartissent sur trois tomes dont ce présent ouvrage qui pose les Assises théoriques et se subdivise en trois grandes parties distinctes par les thèmes et les méthodes.

Dans la première partie dénommée « La dialectique de verbe dans l'oralité », il évoque les pratiques de l'oral et leurs procédés discursifs dans la société africaine.

Dans le second mouvement intitulé « Les mémorables », dédié à l'histoire, il est question de l'épistémologie de l'histoire en régime d'oralité. Son interrogation tourne autour de la question du temps.

La dernière partie, intitulée «  Immémorial : le hors-temps de l'initiation », est une méditation sur l'oubli, la mort et l'envers des signes. Il dévoile l'hermétisme de la condition historique des humains.

A l'entame de son propos, le Professeur Mamoussé Diagne se veut clair. Il avance les difficultés qui l'attendent car se mouvant dans une civilisation d'oralité, ne disposant pas d'un support objectif et indépendant de la présence physique du locuteur, comme l'écriture. Nous avons là des conditions et procédés spécifiques, de production, d'expression et d'archivage. Ainsi, il faut avoir une claire conscience de ces spécificités pour opérer un choix méthodologique.

Dans cette approche, le philosophe sénégalais refuse toute restriction du débat philosophique lorsqu'on connaît le caractère non homogène de l'ethnographie. Quant à la littérature orale, elle couvre un champ très vaste et chaque discipline investit un champ étriqué. Pour parler d'oralité, Ferdinand N'Sougan Agblemagnon1 la définit comme une société orale tandis que Honorat Aguessy2 parle de civilisation de l'oralité. De là, on perçoit la réticence et la négativité qui apparaît quand il s'agit de définir l'oralité. C'est comme un indice de manque.

Dans cet éclairage, il montre que tous ceux qui utilisent le terme d' « oralité » ne lui donnent pas de sens précis. Ils ne lui attribuent qu'une vocation classificatoire et descriptive. Il cite l'exemple de Maurice Houis3, de Louis-Vincent Thomas4 et de Honorat Aguessy. Le Docteur ès philosophie considère que l'oralité détermine et structure une vision du monde (comportement inexistant dans une civilisation fondée sur l'écriture). Elle implique :

- une gestion gérontocratique des connaissances ;

- une existence de catégorie sociale ;

et elle établit des passerelles entre la vie intellectuelle, morale, religieuse et les structures sociales. Aussi, elle engendre un mode particulier d'agencement de la pensée avec des procédures découlant des contraintes.

Ces précautions prises, M. Diagne tente de répondre à ces questions :

-Quelles sont les caractéristiques majeures d'une civilisation de l'oralité ? C'est-à-dire les mécanismes et procédés pour se maintenir, se reproduire, se transmettre.

-Comment identifier ces mécanismes et procédés ?

-Quels critères pour évaluer l'efficacité de tels procédés ?

PREMIÈRE PARTIE

La dialectique du verbe dans l'oralité

Dans la partie introductive, l'auteur de Critique de la raison orale, convoque successivement Michel Serres5, Pierre Boiteau6 et Geneviève Calame-Griaule7 pour consolider l'idée d'une diversité des modes d'approche du réel selon les époques et les civilisations. Pour lui, « la fonction de dramatisation », un des quatre concepts fondamentaux du « style oral », se manifeste dans la mise en scène et l'animation. Elle procède à une mise en scène, une théâtralisation qui est l'expression par sa « représentation », c'est-à-dire par l'entremise d'une histoire dramatisée, usant des différentes ressources de la mise en scène. Ces procédés sont des pratiques discursives des différents genres.

Chapitre I : Civilisation de l'oralité et dramatisation de l'idée

I. Introduction du problème

Pour introduire cette problématique le Professeur Mamoussé Diagne s'appuie sur les travaux du Baron Roger8 et de Pierre Boiteau pour constater avec eux le foisonnement des images dans l'oralité.

Son interrogation porte sur le procédé utilisé pour codifier, organiser, élaborer, gérer et transmettre le savoir. Ensuite, il se demande pour quelle raison procède-t-on ainsi ?

Monsieur Diagne évacue les idées reçues sur la question entre écriture et oralité. Guy SPIELMAN9, Simon BATTESTINI10 le confortent dans sa position d'autant plus qu'il suppose qu'il n'est aucune culture africaine qui n'ait un système de conservation et de communication de certains messages. Il rejette les thèses de dévalorisation de l'oralité et les thèses apologétiques pour effacer la dualité « société orale »/ « société écrite ». Le Professeur Diagne se penche sur les procédés de pérennisation disponible dans le legs culturel, choisi en fonction de leur efficacité par rapport au contexte de déploiement.

Il découvre une révélation de traits pertinents, pas accidentels mais liés au contexte oral (image/ dramatisation) le logos oral est proféré de vive voix, en situation de performance, dans une trame temporelle instituant un défi à sa rétention durable. C'est pourquoi, il déploie un ensemble de procédures qu'il rend par la notion de logique d'oralité. Le but consiste à répertorier et d'écrire les procédures auxquelles font appel les civilisations de l'oralité : réévaluation, réorientation de la réflexion sur le legs des civilisations africaines traditionnelles. Il écarte dans les instruments d'analyse la poésie orale car l'usage de l'image y est un fait normal, c'est la règle.

A mi-chemin, le philosophe sénégalais retient que «  la dramatisation du savoir (...) traduit fondamentalement une sorte de réflexe de suivi pour une civilisation de l'oralité ». Il la baptise avec raison « la ruse de la raison orale ».

II- L'idée et sa mise en forme

Ce titre peut paraître en apparence énigmatique, volontairement ambigu. Il signifie tout simplement que le concepteur d'une idée peut prendre l'initiative de la mettre en scène par une histoire dramatisée. La finalité est de communiquer un savoir.

Pour valider une telle idée, M. Diagne passe par l'étude d'actes de discours élémentaires comme les proverbes et les maximes. En même temps, il vérifie si l'on a affaire à un trait essentiellement de l'oralité.

D'abord, il rappelle l'étude qu'en avaient faite Hubert LE BOURDELLES11 et Anna Maria IERACI BIO, Claude BURIDANT12. Ces « prêt à penser » ou «  moralité en boîte » condensent dans une réduction généralisante l'autorité morale ou l'expérience référée à la norme. Au passage, il cite BURIDANT pour qui le proverbe se présente globalement comme un énoncé autonome ou micro-récit ayant une organisation logique - régi fondamentalement par le principe d'implication - de structures formulaires caractérisées par des traits prosodiques et sémantiques en rupture avec le discours continu. (1984, p. 114)

C'est un va-et-vient entre système de signes et réalité sociale. Des images et des lois de fonctionnement s'y révèlent. Dans les sociétés traditionnelles, le proverbe est un viatique avec une fonction non ponctuelle, un savoir comprimé plus une illustration et des réponses sur les « routes de l'existence ». Ainsi, c'est un message gravé dans la mémoire des hommes. Il est une parole d'autorité, un acte langagier par procuration.

Les positions de Jean CAUVIN13, de Firmin RODEGEM14 et d'André JOLLES15 confirment cette position et révèle son caractère conclusif. Le proverbe fonctionne comme «un couvercle sur un puits » car il prévient et rappelle un danger.

Dans cette perspective, le Professeur Diagne montre que le proverbe est porté par la dramatisation. A partir du proverbe, on décèle des expériences réelles ou fictives, une narration miniaturisée d'expériences, le raccourci d'une histoire, une économie linguistique, par un détour rhétorique. Le proverbe part des faits réels et en parle de façon détournée, mais il est toujours en situation. Il émane d'une autorité arbitrale (wolof Ndiaye,) déploie un contexte et/ou une expérience réelle ou fictive (dramatisation, adjoint à la brièveté la symétrie (des artifices langagiers de l'oralité) ; fait exister l'espace et le temps dans la mesure où ils sont matérialisés ; et fait participer l'ouïe et la vue.

En conclusion, on retient que le proverbe apparaît comme un condensé d'une histoire réelle ou fictive. Il est au carrefour de deux séries d'expériences (passées et présentes). La dramatisation est son instrument d'illustration et de validation.

Avec la devinette ; on découvre qu'elle est à l'inverse du proverbe. Il n'y a pas de mise en scène. Sa situation d'emploi est dérobée. C'est comme un proverbe à l'interrogatif. La devinette invite à exhiber un savoir consacré.

Chapitre II : La dramatisation comme « ruse de la raison orale»

L'idée appelle à la mise en scène. Elle ne s'exprime efficacement que par la médiation d'une théâtralisation organisée à cette fin.

I. Il était une fois...le conte

Dans le champ de l'orature, le conte tient lieu de dramatisation le plus ample et le plus systématique. Le conte est le développement ou l'explication d'une histoire que les récits fragmentaires ne font que suggérer

C'est une duplication de la pièce qui se joue dans l'histoire concrète des hommes (lieu scénique = l'imaginaire social). La théâtralisation du conte apparaît dans les formules d'ouverture et de fermeture ; les périodes ; les moments.

La finalité est une vérité qui concerne le récit, la vérité du récit. Cette finalité est première, ce n'est pas conclure. Le savoir de la fin se dévoile dès le commencement. Sa ruse consiste à réussir à présenter comme découverte et nouveauté ce qui au fond, est un savoir déjà disponible. Son fonctionnement à rebours lui donne un caractère retors.

L'essentiel se situe dans la dramatisation entre l'occultation inaugurale et le dévoilement terminal.

Pourquoi la narration si la fin est déjà connue ? On narre pour se rappeler. On met en branle la fonction mnémotechnique et d'archivages.

C'est ainsi que l'imaginaire peut capter la réalité et la tenir en otage, par la simple magie du verbe. L'attention de l'assistance maintenue en éveil et polarisée de cette façon. Le conte use de procédé de dramatisation, d'expérimentation autant d'exportation.

II. Au commencement était le mythe

Le conte serait « comme l'avatar populaire - et pédagogique - des mythes » (Christiane Seydou, Kaïdara - récit - conte) 16

Le mythe est protégé par la règle du secret. Les événements rapportés transcendent toute expérience historique. Les récits mythiques fournissent des principes explicatifs plausibles de certaines réalités. Sa dramatisation amène progressivement l'esprit vers une vérité.

La narration est une commémoration. Elle livre un modèle non seulement remémoré, mais encore commémoré, c'est - à - dire rejoué selon une périodicité et des modalités plus ou moins codifiées. C'est un récit sacré, soustrait à la contestation.

Parti d'un constat empirique sur le caractère imaginé ou « concret » des pratiques discursives en Afrique noire, le Pr. Diagne a tenté de rendre compte de ce fait massif. Le recours à l'image et à la dramatisation dans un contexte d'oralité constitue une caractéristique fondamentale, liée à des impératifs de stratégies et d'efficacité dans la transmission des acquis culturels.

Chapitre III. Archéologie de la raison orale (Michel Foucault)

La dramatisation apparaît dans les analyses précédentes comme étant au service d'un certain nombre d'objectifs : la mise en forme ; la transmission et l'archivage du savoir social.

Parler, suppose l'existence d'un destinataire du message. La notion de champ performanciel est incontournable. On a un « discours avec » (discours en présence, voire avec le concours d'autrui).

L'examen du socle archéologique d'une société orale donne la clé d'intelligibilité du contenu des messages et celle de leur archivage dans la mémoire des individus et de la collectivité.

I. Mise en scène et paidéia (pédagogie)

Dans une civilisation orale, la production et la conservation du savoir se traduisent en un jeu, au sens où le savoir doit être joué, c'est - à - dire incarné par des personnages qui interprètent des rôles dans l'économie de l'histoire.

Ce que le Professeur Diagne appelle une pédagogie en acte ou le mimodrame du savoir est fortifié par les travaux de Johan. Huizinga17. Ce sera dans cette logique qu'il cite Mangoné NIANG18 dans son étude du jeu de Kocc Barma et ses adversaires. Ainsi, lorsqu'il déplace un pion, il déplace une parole, de là on déplace un homme ou on crée un événement historique. L'image est dramatisée dans le jeu pour la rétention et l'assimilation d'un contenu. Le texte dramatisé sera plus facile à retenir.

Pour soutenir cette thèse, M. Diagne convoque Dominique Zahan19 qui pense que toute leçon est mimée, dansée, organisée à la manière d'une pièce de théâtre ».p. 121

Basile-Juléat FOUDA20 dans ses travaux dépose dans le même sens. FOUDA précise que « le message est capté aisément et déposé pédagogiquement dans les caves vivantes de la mémoire affective (...). Effets pédagogiques, effets durables ». Parallèlement, Jean CAUVIN partage ce même point de vue. Ensemble, ils retiendront que la dramatisation reste un fait majeur dans les sociétés à tradition orale. L'enjeu est l'appropriation individuelle et collective d'un savoir social. L'un des procédés les plus récurrents est la canonisation. Certains récits ou segments de récits sont canonisés pour des raisons qui tiennent à la survie d'une civilisation d'oralité. Le conte fonctionne donc comme un archétype et lorsqu'il voyage à travers des aires culturelles différentes, il garde la même charpente. Le récit consolide sa structure et jusqu'au contenu qu'il charrie dans certains cas. Dans ces productions imaginaires, il ya des limites à la fantaisie. Il s'agit de la gestion d'un capital symbolique dans sa variété (la variance/ les variantes) en fonction des intérêts supérieurs de la société. L'exemple de Suzanne PLATIEL21 est illustratif dans son étude sur les Mossi, les Bambaras ou les San.

II. De l'interprétation

Les récits des sociétés à tradition orale fonctionnent comme un théâtre à thèses. Un travail d'encodage accompagne le message émis et un autre travail de décodage sur le même message est attendu à l'arrivée. Le message émis est un défi lancé à l'autre. Le « vouloir-dire » conduit à une « exégèse préalable », une maîtrise de cette image et du jeu des images. Le même cheminement est attendu à la réception. L'émetteur et le récepteur déploient le même effort. Le savoir est élaboré, testé, mis en forme selon les procédures qui seront révélées à l'expérience comme les plus efficaces, pour être engrangé dans les silos de la mémoire individuelle et sociale.

Deuxième partie 

Les mémorables : pour que le temps suspende son vol

Le Pr Diagne avance que pour échapper aux atteintes du temps, les sociétés à tradition orale produisent ou construisent du mémorable.

Chapitre I. Oralité et temporalité

I. Position du problème

La tradition orale, parce qu'elle est orale et qu'elle est tradition, a pour gardiens des récitants. L'évocation du terme « tradition » laisse aussi sous-entendre la notion de durée, de temps. L'oralité nous met en présence de quelque chose inséparable du temps vécu. C'est pourquoi M. Diagne conclut que la conséquence d'une parole perdue, c'est la disparition pour toujours. La volonté de triompher du temps, de la mort de toute parole proférée amène le récitant à mettre en place une ruse, un code.

L'éclairage de Mircéa ELIADE22 conforte la position du philosophe. La différenciation qu'elle fait du temps sacré et du temps profane est essentielle pour voir comment l'homme dit le temps et dit son aventure à travers le temps dans une société d'oralité. Mamoussé Diagne privilégie la mémoire orale du point de vue de son acte de constitution en tant que mémoire fonctionnant selon des modalités précises.

Dans ces considérations générales, le chercheur rappelle les caractéristiques des concepts d' « oralité » et de « tradition » sous la lorgnette de Joseph KI-ZERBO23 et de Paul ZUMTHOR24. Le premier attribue à l'oralité un statut théorique précis lui conférant un caractère global structurant, et perçoit le concept « tradition orale» comme une vocation essentiellement descriptive, classificatoire. La tradition orale se résume alors à un ensemble de faits de discours qui ne suffit pas à caractériser une culture. S'agissant de l'oralité, le philosophe essaie d'en fonder la pertinence théorique sur des faits de civilisation dépassant et englobant les seuls faits de discours.

Avec Paul ZUMTHOR, il amène les trois types d'oralité :

- L'oralité primaire, immédiate : aucun contact avec l'écrit

- L'oralité mixte : influence externe de l'écrit partielle

- L'oralité seconde : elle se recompose à partir de l'écrit

II. De l'histoire et des historiens

Dans cette sous partie, nous percevons l'intérêt qu'ont les peuples à se remémorer. Cette création historique est perceptible à travers Louis-Vincent Thomas et Cheikh Anta DIOP25 dont les travaux sont cités par le Pr Mamoussé. Le refus de vivre avec la mémoire d'autrui conduit à la création d'une mémoire pour le peuple. Cf position des premiers historiens africains à l'aube des indépendances.

Quant à la tradition orale, elle use de procédés narratifs pour dire l'histoire. Ce sont des techniques mises en oeuvre dans le discours oral pour agencer les faits, les événements et les personnages dans des récits plus ou moins stables afin de construire du mémorable.

III. Les pêcheurs d'étoiles

La civilisation d'oralité use donc de procédés spécifiques pour emprisonner ce qu'elle tient à sauver de l'oubli. Le filet de la mémoire dans la mer du temps ramène dans leurs mailles des étoiles.

La chronologie, dans ces procédures, donne la profondeur et la perspective historique nécessaire. L'élagage sur une tranche historique importante est par moment noté. La durée est parfois écrasée ; on a des télescopages de périodes historiques ; une superposition des personnages historiques. Dans une société d'oralité ces écarts ne sont pas étonnants.

Devant un tel constat, la tentation est grande pour le récitant de combler par des déplacements, des recréations les « trous » existants.

A l'inverse, la surcharge de la mémoire cause des effondrements suivis de réaménagements. L'oubli devient normal car il est comme limites mnémoniques. Le récitant n'a pas le luxe de trainer avec une mémoire morte.

Chapitre II : L'édification du mémorable

Dans une société d'oralité, un dispositif est mis pour éviter les atteintes et les érosions du temps. Elle évite de s'abimer dans l'oubli. La temporalité historique est « marquée », domestiquée pour inscrire un sens que la mémoire peut se réapproprier définitivement.

I. Les « sacs à paroles »

Cette édification s'appuie sur les griots, « les sacs à paroles ». Ils arrachent à la mémoire, à l'oubli des actes et des événements promus au rang du mémorable. Ils gèrent et transmettent la mémoire. Ils sont des gardiens qui révèlent ce qu'ils veulent bien révéler. (cf à l'épopée mandingue : Livrer les clés des douze portes du mandingue.

« L'ex-tase du quotidien » est un autre mode d'édification du mémorable. Le récit de la tradition orale donne l'impression d'immenses fresques, une mise en scène gigantesque. Le cadre, l'espace avec les personnages et faits sont hors-normes.

Ainsi, on donne à retenir un sens par la magie du verbe, une cristallisation en un certain nombre de paradigmes. La mise en scène permet de rejouer indéfiniment la pièce. L'épopée illustre bien ce cas de figure car elle est le lieu de prédilection du discours historique. L'extraordinaire s'érige en norme pour des hommes ordinaires. La frontière n'est plus perceptible entre réel/imaginaire/merveilleux. Le quotidien banalisé est évanescent, insignifiant, mortel. C'est pourquoi il y a procédé de grossissement, un changement de plan et d'échelle.

L'incursion du fantastique et du merveilleux dans le quotidien est une façon d'arracher celui-ci de la banalité. La tradition est donc une machine à débanaliser pour fabriquer du mémorable.

II. L'épique : pour rendre l'histoire « plus épique »

« Un plus historique » est produit, dans une civilisation d'oralité pour que « l'histoire » puisse se constituer. L'exemple de Cheik Aliou Ndao26 est cité dans la préface de sa pièce de théâtre L'Exil d'Albouri.

L'existence de l'épique pose des préalables. Il faut des « guerriers », « des clercs et prêtes » (autorité médiatique), « un milieu populaire où règne l'oralité », « des classes spécialisées pour dire les hauts faits ».

L'influence de l'écrit génère un mode d'organisation de la mémoire qui devient seul crédible. Le rapport Ecrit/Oral s'y pose en système d'exclusion. Le Pr Diagne invite à éviter les pièges et errements qui guettent le chercheur africain « formé à la normativité » car ii y a « perte de la situation de performance », l'oralité primitive ; la production « soumise un à travail de transcription et de traduction » ; le « danger si le griot lui narre une épopée dont ses ascendants sont les protagonistes.

Dans une autre perspective, il montre comment les maîtres de vérités traitent l'histoire en amorçant un divorce avec celle-ci et en changeant de perspective. L'histoire est amplifiée par la démesure du souffle épique.

III. L'encre du scribe est sans mémoire

S'appuyant sur Phèdre27, le Pr Diagne évoque le caractère évanescent que l'écriture induit dans la mémoire de ceux qui auront acquis la connaissance. La confiance à l'écriture les empêche d'exercer leur mémoire. C'est dire que dans une civilisation d'oralité l'absence d'image visuelle est compensée par les ressources du verbe. L'épopée « ré-invente » l'histoire par le biais d'un « art », d'une « mythologisation ».

Dans sa démarche, l'épopée dilate l'espace et le temps, les personnages et les actions pour créer des noeuds ou des replis pour l'« enfler » et le « marquer ». « C'est une machine à fabriquer l'exceptionnel pour instaurer du mémorable ». De ce fait, l'action héroïque conditionne le mémorable qui en est l'instance d'archivage. Lorsque le mémorable est imprimer, la perte esthétique et dramatique est considérable.

IV. Le théâtre et son double

Le projet de l'épopée est d'assumer la promotion, la gestion et la transmission du mémorable historique. L'histoire est maintenue à une dimension « à hauteur d'homme » mais les faits et personnages sont hissés à un niveau surhumain pour mieux impressionner et alors prendre la crédibilité.

Une réécriture de l'histoire est visible avec une puissance mystique comme adjuvant de taille pour triompher. Le dialogue des hiboux dans l'épopée mandingue est cité par le Professeur de philosophie.

Le résultat auquel aboutit l'épique se révèle dans sa capacité à soustraire les hommes aux menaces de l'oubli et de donner sens et direction à leur existence actuelle

Chapitre III : Les usages du passé

Le passé est la préfiguration de l'avenir. On se rappelle le passé pour deux causes principales. C'est d'abord une filiation aux ancêtres dont on se réclame. Du coup, ce rappel, rôle des généalogies, dit l'origine et légitime le rang occupé. Ensuite, cette anamnèse du passé a la prétention de construire une renommée égale à celle des ancêtres. C'est comme un nouveau départ pour les ancêtres.

I. De l'intérêt que l'on prend à l'histoire

Empruntant l'expression « usage du passé » à Moses FINLEY28, Mamoussé Diagne, affirme qu'on se sert du savoir de son passé pour édifier un présent ou projeter un avenir. La fonction d'archivage le rend disponible intellectuellement.

Les individus et les sociétés qui se souviennent ne retiennent ni ne restituent tout ce qui advient. Avec Jean BAZIN29, on découvre que seuls les faits « marquants » sont mémorisés. Ce qui se met en place déborde la pure connaissance des faits historiques pour concerner leurs significations fondamentales. Le récitant offre un miroir où on « se reconnaît, se complaît et se glorifie » pour reprendre le mot de L. KESTELOOT et Bassirou DIENG30. Elle renchérit : « l'épopée propose des modèles, des héros, des valeurs et des anti-valeurs ».

Dans ce sens, l'évocation du passé permet d'abolir une distance temporelle, de résorber l'écart entre morts et vivants. En même temps, on prend à témoin les ancêtres en refusant de ne point trahir la descendance.

La généalogie fonde l'origine d'un droit : ce qu'on doit faire en fonction de ce qu'on est. C'est une revendication et une demande de reconnaissance d'une légitimité. La généalogie est ainsi l'équivalent moderne d'un fichier d'identité avec une mention particulière.

Aussi, la devise, considérée comme la « petite histoire dans la grande » garde une fonction signalétique. Elle présente un personnage et peut être vue comme une carte de visite verbale, un curriculum vitae oral individualisant. Christiane SEYDOU et Jacques DERRIDA corrobore cette idée. Le dernier cité, par un jeu de mots avance que la devise « tient-lieu » de ce que la personne a le plus essentiel, c'est un « lieu-tenant » de la personne.

La devise représente un programme incarné dans une conduite. C'est d'ailleurs ce qui se révèle dans le face-à-face nocturne des rois sorciers, par hiboux interposés. Le futur maître du Manding est d'abord un maître de langue, un expert dans la confection des devises. Son royaume est d'abord verbal. La puissance mystique transite lui-même par le verbe.

II. Le panthéon verbal

La renommée, le « nom » permet de conférer ou de refuser la valeur d'une existence. Le « grand nom », détaché de celui qui le porte poursuit une sorte de vie autonome. C'est ce qui le rend apte à continuer de retentir comme un roulement de tambour intemporel.

De là, le philosophe constate que le groupe social ou la collectivité est convoqué par le griot qui évoque les généalogies à titre de témoin comme validation ou reconnaissance de la place revendiquée. Evoquer ses ancêtres, c'est par leur entremise, se voir reconnue une dignité qu'en principe on doit tout faire pour mériter. La grandeur qui naît d'un tel comportement rehausse l'individu en lui attribuant un « grand nom » qui renvoie à un acte sans précédent. Le grand nom est privé comme le chant qui le célèbre.

Ainsi naît la renommée et l'homme de renom est un homme prévisible par définition : ses actes ne peuvent s'écarter d'un code, sous peine de disqualification. Le Professeur rappelle l'offre généreuse de Cheikh Amadou Bamba à Lat Dior consistant à rester à ses côtés. A cause de la réputation que tout le Cayor et le Baol ont attachée à son nom, il décline l'offre. L'homme au grand nom est quelqu'un qui ne s'appartient plus. Le nom est quelque chose qui est conféré, on doit rendre des comptes à ceux qui le décernent.

Les gardiens de la tradition travaillent par leur art la matière épique pour qu'elle soit institutionnalisée et devînt pourvoyeuse de références. Il s'agit alors de faire émerger de « grandes figures »permettant de lier faits et valeurs

Le « gommage » du contexte de certains événements, le flou instauré par la distance autour des faits et des personnages, l'arasement des différences aboutissent à l'émergence de « types ». En assurant les conséquences qu'entraine sa volonté de rendre « l'histoire plus historique », le mémorable oral déleste celle-ci de beaucoup de faits empiriques relevant de l'historicité concrète.

Le récit épique ne se contente pas de promouvoir des valeurs. Elle les codifie et procède à leur hiérarchisation.

Beaucoup de récits expliquent le comportement de la femme dans la sphère conjugale. Ce comportement est convoqué comme explication et fondement ultime de la fortune d'un fils. Le serment maternel constitue un ressort important de la dramatisation surtout pendant les moments précédents les guerres et les entreprises périlleuses : bataille de Guillé ; bataille de Gouy ndiouli ; le Cid.

Le courage ne réside pas dans le simple mépris de la mort-qui pourrait être assimilé à l'insouciance ou à la témérité-mais dans ce qui fonde une telle attitude : l'exaltation des valeurs sans lesquelles la vie perdrait tout sens. Tout comportement découle d'un pacte signé avec le système structuré des valeurs autour duquel se bâtit le profil héroïque.

Le code des valeurs peut, de ce fait, se concevoir comme une galerie de portraits types dont chacun assure un aspect essentiel du système global que la société globale met en avant. La position de Mbaye GUEYE31 conforte le Professeur Diagne lorsqu'il déclare : « la tradition orale est la première institutrice de la collectivité, son intention primordiale n'est pas de reconstituer le passé dans ses rythmes et ses ruptures, mais d'exalter plutôt ce qui est chargé de grande valeur humaine. »

III.  L'anamnèse reconstruite

L'édification, la gestion et la transmission du mémorable social sont liées à des stratégies de pouvoir plus ou moins visibles. La question décisive est donc celle des modes d'être du mémorable oral, en rapport avec les différents enjeux.

La gestion de la mémoire dans certaines sociétés peut relever d'individus ou de groupes spécialisés. L'éclairage de S. B. DIAGNE32 et de Régis DEBRAY33, Ivan BARGNA34.

Les techniques de gestion et de transmission du symbolique sont les moyens par lesquels se fait la dramatisation de la vie politique d'une société.

Les groupes, communautés ou classes aristocratiques ont seuls intérêts à se remémorer des événements qui avaient de l'importance à leurs yeux. C'est de cette façon que l'on convertit un souvenir en tradition publique qu'il fut vrai ou faux. L'objectif est de rehausser le prestige, garantir un pouvoir ou justifier une institution. L'histoire devient comme « palimpseste, écrit et réécrit aussi souvent qu'il était nécessaire. » Big Brother d'ORWELL

Pour le Pr. Diagne ce qui résulte de ces réécritures, c'est justement la capacité à identifier celle d'être les traditions qui est sortie victorieuse de ses confrontations avec les autres.

Quand l'implication du récitant dans le jeu social se traduit en oubli, c'est une sanction pour le tribunal de la mémoire orale car on a affaire à des anti-modèles et de l'indicible. Le Professeur conclut que toutes les variables sont « vraies », dans la mesure où chacune d'elle traduit un point de vue et une « posture » qui engagent le sens d'une existence. Le parallélisme dressé entre le conte et l'épopée par Bassirou DIENG et KESTELOOT35 donne raison au philosophe. Elle soutient qu'au fond « si l'épopée est l'histoire des rois, le conte serait l'histoire du peuple gouverné par ces rois ». Le conte privilégie l'axe horizontal (il est plus démocratique) alors que l'épopée privilégie l'axe vertical (elle est plus aristocratique). L'épopée met en branle une stratégie sociale qui lui permet d'être « mobilisatrice », surtout les moments de doute et de besoin de valeurs. Le conte renvoie à une stabilité, un luxe, un divertissement, une détente. L'épopée devient un réservoir de modèles destiné à la formation des leaders d'une société. Leur fonction politique est nette : ils ont pour but « d'instruire, d'exalter le nationalisme, de réactualiser l'idéologie ».

La mémoire épique retient ce qui est mémorable. Ce dernier ne coïncide pas forcément avec la victoire. La mort glorieuse plus mémorable que la victoire, est la seule façon de vaincre son vainqueur, ou tout au moins, de partager avec lui les lauriers de la gloire et les tambours de la renommée. Avec Charlemagne et ces deux échecs de l'expédition sur Saragosse, la conscience populaire évacue le traumatisme d'une bataille perdue au moyen d'une « chanson »par la magie de laquelle « l'échec se transforme en victoire ».

Les blessures de l'esprit ne laissent pas de cicatrices pour parler comme Hegel ou elles cicatrisent admirablement dans une civilisation d'oralité.

On retiendra de ce parcours que l'édification du mémorable est un processus de sédimentation et d'ajustements au terme duquel se met en place ce qu'un groupe reconnait et commémore. Ce souvenir a pour fonction de fonder et de refonder : le consensus social.

Le temps constitue la menace principale pour une civilisation orale, pour y parer elle développe un ensemble de stratégies discursives originales.

L'édification du mémorable privilégie l'épique. Le grossissement et l'intervention du merveilleux à forte dose dans la mise en scène permettent d'arracher les faits et les personnages à la quotidienneté dans la quelle ils risquent de se dissoudre.

La gestion de cette histoire constituée est confiée aux gardiens de la mémoire. Par l'emploi de techniques appropriées, ils placent en perspective le mémorable et règlent le jeu des acteurs qui sont les grands noms du passé. Ces derniers constituent des modèles de référence. La tradition élève les grands hommes et leurs hauts faits au rang de paradigmes offerts à l'admiration et à l'imitation de la postérité.

Les décalages opérés donnent à lire l'histoire en termes de signification plus qu'en termes de faits. Le résultat est la production d'un espace de représentation où se récapitule l'idéologie de la société. La dramatisation intervient par l'entremise du « maître de la parole » pour une mise en scène. Il mobilise la magie du verbe, pour faire « rejouer » l'histoire.

L'épopée n'est une machine efficace à capturer le temps que parce que, à des événements et à des acteurs hors pair, elle assure une prise en charge qui mobilise toutes les ressources en langage.

TROISIEME PARTIE : IMMEMORIAL : LE HORS-TEMPS DE L'INITIATION

Dans cette partie consacrée au mythe, le Pr. M. Diagne convoque la définition qu'en donne M. ELIADE36 pour montrer comment elle épouse les contours de la dramatisation et de la mise en scène.

Lorsque ELIADE voit que : « le mythe raconte une histoire sacrée ; il relate un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des « commencements ». Autrement dit, le mythe raconte comment, grâce aux exploits des Etres Surnaturels, une réalité est venue à l'existence ». M. Diagne y perçoit des ingrédients de la mise en scène : lieux, temps, circonstances et acteurs cessent en particulier d'appartenir au monde ordinaire parce que situé sur un univers plus élevé.

A la suite, il tente d'opérer une distinction entre mythe et légende. Avec le regard de MEILLASSOUX37, le Professeur Diagne considère que : « le mythe a généralement la prétention de rendre compte d'événements réputés originels, de la genèse d'institution intéressant une humanité toute entière ou encore de catégories sociales générales et abstraites ; tandis que la légende évoque des faits historiques mémorables intéressant des groupes sociaux circonscrits, identifiables, ayant une existence historique, tels des peuples, des classes sociales » Claude MEILLASSOUX.

Il y a différence entre les deux dans leurs rapports à la temporalité. « Le temps du mythe procède de l'anthologie ; celui de la légende s'installe dans le concret » Louis-V THOMAS38.

Des faits historiques tombent dans la légende quand ils s'éloignent et que son origine finit par s'estomper dans la mémoire des individus et des groupes.

Dans les récits royaux, à l'entame nous avons des « mythes d'origine ». La confusion entre histoire, mythe et légende doit être évitée. La légende entretient des supports extrinsèques avec le domaine du sacré et du rituel. Quant au mythe ses « personnages » ne sont pas des personnes. Ils sont des acteurs du drame sacré. La distinction est nette entre « le temps du raconté » et « le temps raconté ».

L'histoire cherche des points d'appui dans le mythe. Pierre ANSART39 pense que « le récit mythique apporte le réseau de signification par lequel s'exprime et se pense l'ordre du monde. C'est un instrument de régulation sociale, le code à la fois fonctionnel et coercitif qui impose maintien des stratifications.

Il se limite au temps originel. L'homme ne se proclame pas maître du signifiant qu'il manipulerait à sa guise mais son serviteur et, dans des cas précis, le fruit de son action efficace.

Ainsi, le philosophe met en garde contre la possible confusion entre mythe et mythologie, forme privilégiée que prend l'entreprise de démythisation. Le mythe devient l'objet d »une réflexion intellectuelle qui s'est émancipée de son ordre propre.

Le mythe n'épuise pas son sens sans l'univers des énoncés symboliques qui le constituent. Son enseignement se prolonge dans le rituel. C'est sous cet angle que l'apport de Kostas AXELOS40 est fondamental. Il dit : « le mythe énonce une histoire, le rite le produit, la liturgie la célèbre à savoir la joue [...] le jeu devient sacré et le sacré se trouve jeu... »

La schématisation de l'initiation est avant tout, un apprentissage de la grammaire des symboles.

Chapitre I : Temps de l'origine et des origines

La bipartition temps sacré et temps profane renvoie en même temps aux contenus, à l'espace et aux modalités de production. Le Professeur Diagne essaie « d'arracher le temps raconté à l'indifférence » pour reprendre le mot de Paul RICOEUR41.

Dans le champ de la connaissance ésotérique, l'image est la seule manière de « mimer l'inaccessible » qui sera d'ailleurs dramatisé pour rendre possible l'appropriation sélective de son contenu. Michel SERRES42 confirme cette idée avancée en ces termes : « tout récit mythique n'est que la dramatisation d'un contenu donné. »

Le philosophe sénégalais tente de défendre l'hypothèse selon laquelle la nécessité de la dramatisation dans le sacré se justifie par le fait que ce qui constitue un noyau est essentiellement un drame. Autrement dit, la dramaturgie est consubstantielle à l'expression même du sacré. Elle est omniprésente.

I. L'oubli et la mort comme drame linguistiques

La survie de la civilisation de l'oralité dépend des procédés discursifs qu'elle déploie contre les atteintes de l'oubli. La parole qui narre l'origine semble ne pouvoir le faire qu'en mettant en scène la Parole originelle. Dans la mise en scène et la dramatisation, dans une civilisation d'oralité, la parole et la mémoire y jouent un rôle éminent. Une civilisation orale exige de la mémoire. Le Professeur Diagne cite l'exemple de la poésie orale dans l'Iliade43 et l'Odyssée. Par ailleurs Homère dès les premiers vers de l'Iliade invoque Mnémosyne déesse Mémoire, mère des Muses.

La capacité de restitution de quelqu'un qui ne dispose pas de support écrit s'adosse à une puissance supérieure qui transcende le temps. Le support avec l'immortalité surgit quand on est doté d'une mémoire inaltérable. Dans cette partie il donne des exemples de la Grèce antique. La représentation de la parole et de la mémoire est un fait de l'oralité. Elle n'est pas exclusive à l'Afrique.

La parole est souffle, qu'elle soit magique, profane ou sacré. La parole et la mémoire conjuguent leurs efforts dans le champ de l'initiation pour dire l'origine et donner les moyens d'en récapituler et d'en rejouer le drame.

Lorsque Luc de HEUSCH44 est cité dans ce passage : « l'histoire est prise au piège de la pensée mythique, qui impose aux rois sa propre souveraineté », c'est pour signifier que le récit mythique n'est pas susceptible d'être manipulé. Le récit mythique met en scène des personnages qui, dès l'origine, sont censées avoir joué la pièce initiale. Le mythe narre la geste primitive pendant que les rites d'initiation qu'il inspire ont une fonction de réédition de cette même pièce par l'acte de commémoration.

A partir d'un même tronc mythique, la possibilité est donnée de filer des rameaux figurant des destins différenciés de groupes se réclamant d'un même ancêtre. C'est ce qui engendre une multiplicité de variantes. Dans les mythes de fondation, la fonction politique de légitimation et de régulation sociale est perceptible.

Par le biais commémoratif du rituel de temps historique, des hommes s'alimentent du hors temps du mythe.

Dans une civilisation d'oralité l'oubli a partie liée avec la mort. L'oubli revêt un double sens dans les travaux de LEVI-STRAUSS45. Il est défaut de communication (malentendu) et indiscrétion (excès de communication avec autrui) (défaut de communication avec soi).

II. L'ordre et le désordre

Le début du récit (situation initiale) correspond à un ordre des choses. Bousculé par une rupture d'interdit il s'en suit une césure introduite par un véritable désordre. Un phénomène inconnu apparait : la mort

Le Pr. Diagne illustre son propos à l'aide d'exemple sous forme de tableau. Une transgression d'ordre linguistique et de l'ordre linguistique sont visibles dans le récit. Le mythe nous installe dans la problématique d'une communication défectueuse frappée d'interdits. Le rituel de commémoration désamorce l'angoisse de la mort par la promesse de la résurrection. La mémoire est la seule faculté qui triomphe de l'oubli, de la mort.

«  Les rites sont dans le temps ce que la demeure est dans l'espace ». Cette boutade de Saint-Exupéry permet de faire ressortir l'idée d'un ancrage et d'une volonté de sédimentation se prolongeant en une entremise d'organisation de l'espace. Un système de normes est introduit afin de restaurer un ordre perturbé. On se donne les moyens de récapituler périodiquement certains paradigmes de l'origine. C'est trouver une parade à l'oubli en « marquant » le temps lui-même.

Deux impératifs se posent : la connaissance et le respect de ce que nous appelons les sens interdits et les sens des obligations de la parole ; l'extrême vigilance de la mémoire sur la topographie du permis et du défendu. La mise en scène, en même temps qu'elle rend pensable la mort comme sanction d'une faute, fait intervenir ce qui en figure l'antidote ou le dépassement.

Le philosophe sénégalais en arrive à découvrir que le rituel de la commémoration à périodicité empêche l'oubli d'affecter la mémoire des hommes. Préserver les sociétés humaines de l'oubli, c'est toujours « humidifier », c'est-à-dire rendre féconde leur mémoire. Ainsi, s'initier, c'est mourir symboliquement, afin de restaurer le pacte originel. Mourir, dans le but de vivre, telle est la finalité poursuivie.

Chapitre II : Dramaturgie et Initiation

L'auteur rappelle que la dramatisation est ici synonyme de superlatif. L'initié est invité à rejouer la Vérité première. Des rapports d'interaction dialectique s'instaurent entre la dramatisation et l'initiation.

I. L'invitation au voyage

Le procédé de dramatisation joue sur deux plans : celui du contenu du savoir initiatique et celui de la quête même de ce savoir. Le candidat à l'initiation est invité à effectuer un voyage dans cet Ailleurs qu'est le territoire de l'initiation, en compagnie des personnages qui s'y trouvent projetés.

« Notre faim de connaître est un feu toujours ardent » déclare Hammmadi à un moment crucial du déroulement de Kaïdara46. C'est l'expression d'une curiosité insatisfaite ou d'un désir de connaître sans laquelle il n'y a pas d'initiation.

Le processus initiatique est une é-ducation, c'est-à-dire une action effectuée sur quelqu'un pour le tirer d'une situation initiale vers une autre et, par là, lui faire effectuer un déplacement du non-savoir vers le savoir.

Le mythe ou récit initiatique appelle l'opacité et l'énigmatique. Nous sommes dans le territoire du symbolique. Dès lors, le problème est celui du maître-signifiant capable de nommer l'indicible. Il n'y a de mythe véritable que dans et par le pari de porter au langage ce qui outrepasse les limites du langage. Aussi, il serait inconcevable de ne pas faire de l'usage poétique. Donc, l'initiation réussie est celle qui va jusqu'à son terme : « la faim assouvie »

II. Le « lointain - proche » du symbole

Le Pr affirme que s'il a illustré ses propos avec Kaïdara, c'est sa capacité à illustrer les thèses les plus importantes qui sont défendues. Il y a également la richesse de son contenu symbolique, la qualité de sa composition, l'usage multiforme qu'il fait du procédé de dramatisation, la profondeur de la thématique.

Le récit est un carnet de voyage consignant les péripéties d'une aventure fantastique, celle de la quête initiatique. L'auteur de Critique de la raison orale dresse un parallélisme entre Koumen47 et Kaîdara et retrace les deux itinéraires. Il dégage trois activités humaines que sont : le pouvoir (Dembourou) ; l'avoir (Hamtoudo); le savoir (Hammadi). M. Diagne explique le parcours initiatique de KaÏdara et des personnages.

Dans l'empire des signes, l'auteur donne la symbolique de l'or. Il dit que l'or, ce « tout » est en même temps « rien ». L'interprétation consiste à décrypter l'ambivalence et de fonder un bon choix. C'est la capacité à percer l'obscurité des symboles et à s'orienter dans le clair-obscur où ils se produisent. Elle constitue la faculté initiatique par excellence. Le trait dominant consiste à rendre impossible la compréhension immédiate.

Chapitre III : Initiation et métamorphoses

La mise en contact du candidat avec un univers de réalités et de signes dont la satisfaction n'est pas immédiatement décelable et demeure dérobé au profane, tel est le sens de l'initiation. L'accès au savoir correspond à un changement de statut.

I. L'envers des signes

La polysémie et l'ambivalence caractérisent la présentation des symboles. Tous font jouer la dialectique de l'être et du paraître (exotérique/ésotérique). Il existe une relation entre initiation et vision. La connaissance authentique est rendue en termes de vision exacte, non déformée. Il y a dissonance entre l'apparence et la réalité. Le symbole révèle ses caractéristiques polysémiques. Le monde de figuration du symbole en fait une énigme à déchiffrer.

Cf. Tableau de code herméneutique

II. L'enclos du sens

Avec son statut d'équivalent abstrait, l'or brouille la non-équivalence réelle de l'avoir, du pouvoir et du savoir. De ce point de vue, il est un faux équivalent réel qui fonctionne comme un vrai équivalent fictif, par sa capacité apparente d'exprimer le différent sans la figure piégée du même.

Le « tout » de l'or pourrait signifier qu'il s'échange contre tout. L'or se donne comme une valeur réelle pouvant s'échanger contre une non-valeur apparente, laquelle se révèle, en fin de compte être une valeur réelle, au moment même où l'or devient une non-valeur réelle. Le principe d'équivalence, par la non-équivalence qu'il contient et dissimule tout à la fois, exprime la capacité de métamorphose de l'or. Kaïdara est l'ambivalence personnifiée. Il ne convient qu'à Kaïdara de parler de lui-même.

Les moments de codage et de décodage sont à intégrer au processus global de l'initiation. Le symbole est bien le seul à instaurer explicitement, comme cadre scénique, un espace social ordonné selon la règle fondamentale de l'institution initiatique.

Dans une civilisation d'oralité, les silences suggèrent plus qu'ils ne disent. Ce qui échappe à toute profération revendique pour demeure l'implicite. La dialectique de la parole proférée et du silence fait apparaître l'un et l'autre comme deux modalités du dire. Elle gouverne le programme de l'éducation des « héritiers » dans leur processus de socialisation. Mamoussé Diagne de conclure en convoquant Pierre ERNY48 : « la parole ne prend sa pleine valeur que maîtrisée, dominée ; comme le secret valorise la connaissance, le silence valorise le verbe (...) »

Une civilisation de l'oralité parce qu'elle est une civilisation de la parole vive est, en même temps une civilisation du secret, c'est-à-dire du silence. Le Pr de philosophie rappelle une démarche de Aguessy pour dire que la parole pleine se recueille dans le silence profond ». Enfouir la « parole profonde » sans la cacophonie des propos superficiels est peut-être le meilleur camouflage dans une civilisation ne disposant pas de l'écriture. Le langage se constitue en labyrinthe où seul49 l'initié trouve le moyen de s'orienter. Il devient le lieu de l'égarement et de la perte de soi. C'est dans la mise en scène au service de ce dessein que les récits initiatiques excellent.

La gestion de la parole ne constitue rien d'autre qu'un ensemble de mécanismes de contrôle et de sa publicité et de sa non-publicité. C'est comme le dicton bambara recueilli par D. Zahan est rapporté par le Professeur Mamoussé : « si la parole construit le village, le silence bâtit le monde » car « la parole a éparpillé le monde, le silence le rassemble ».

Le temps est le principal adversaire de la civilisation de l'oralité. Pour échapper à l'oubli qui a figure de mort, elle utilise les procédés comme la dramatisation, le rituel, l'initiation, les récits épiques ou légendaires.

conclusion

Dans sa conclusion le Professeur Mamoussé Diagne rappelle les points de départs de ses hypothèses. Il fallait montrer que les civilisations africaines sont des civilisations de l'oralité. Ainsi, il s'est attelé à évacuer les thèses qui tentent de dévaloriser l'oralité en le référant négativement à l'écriture. Il projette en substance de donner à l'oralité la dignité théorique d'un concept opératoire.

Mais la thèse principale est de montrer que les civilisations de l'oralité font appel à des procédures de production, de gestion et de transmission de leur savoir, irréductibles à celles que l'on trouve dans les civilisations d'écriture. Le choix des genres fait au cours de ce travail est en fonction de leur capacité à illustrer la thèse principale.

Pour le Professeur de philosophie, la dramatisation, forme véhiculaire du savoir est le moyen incontournable de sa rétention durable. Il considère l'épique orale comme un immense spectacle. Les « maîtres de la parole » comme metteur en scène rendent le spectacle grandiose. Ils offrent un socle référentiel à l'aventure du groupe. Ces spécialistes sont les protestations vivantes des hommes contre l'oubli et la mort.

Dans le récit initiatique, la dramatisation réapparaît et donne aux civilisations de l'oralité une conception initiatique du savoir. Le procédé de dramatisation intervient à la fin pour configurer l'étagement du savoir initiatique et pour rendre son accès sélectif.

Sa conviction est qu'aucune civilisation ne se résigne à l'acceptation passive de cette loi commune qu'est la mort. Chaque civilisation déploie tout un arsenal de « ruses » pour tromper la mort en tentant de piéger sa figure le plus visible qui est le temps.

Il ne termine pas sans mentionner les difficultés. C'est d'abord l'incapacité à généraliser ses résultats. Il laisse la validation aux recherches ultérieures. Ensuite l'étroitesse de la problématique a créé un défaut de prise en charge des caractères multidimensionnels de certains phénomènes.

Tout de même son objectif était de montrer que l'absence d'écriture oblige à faire recours à des techniques parmi lesquelles la dramatisation est la plus caractéristique.

Cette étude qui s'est limitée aux sociétés traditionnelles d'Afrique noire mériterait d'être revisitée par endroit avec la révolution informatique qui est venue bousculée toutes les thèses élaborées avant sa prégnance sur notre quotidien.

Ce travail colossal a le mérite de baliser le vaste champ de la littérature orale. Les éclairages conceptuels et l'étude fouillée de cas précis sont un d'un d'apport inestimable.

L'esprit du philosophe a par moment semblé revenir sur des aspects déjà traité. Cela a parfois égaré. La dernière partie consacrée au mythe est plus proche de faits relatés qu'une analyse à l'image des autres parties de l'étude.

Notes bibliographiques des auteurs cités dans ce résumé

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1. Sociologie des sociétés orales d'Afrique Noire, Les Ewe du Sud-Togo, Paris-La Haye, Mouton 1969

2. « Religions africaines comme effet et source de la civilisation d'orale, Actes du colloque de Cotonou 16-22 Août, 1970

3. « Qu'est-ce que l'oralité ? », Recherche, Pédagogie et culture n°4.pp3-6

4. « Et le lièvre vint, récits populaires diola », NEA, 1982.

5. « Ce que Thalès a vu au pied des pyramides », in hommage à Jean Hyppolite, Paris, PUF, 1971.p7

6. « De la pluralité des modes de connaissance », La Pensée, n° 220,p. 7

7. « Pour une étude des gestes narratifs », in Langage et cultures africaines, Paris, Maspero, 1977.

8. Recherches philosophiques sur la langue ouolof, Paris, Dondey-Dupré, p.126

9. Préface à Simon BATTESTINI, 1997, p.11

10. Ecriture et texte. Contribution africaine, Les Presses universitaires de Laval/ Présence africaine.

11. « Les proverbes et leurs désignations dans les langues antiques » in François SUARD et Claude BURIDANT

12. Recherche : « prêt à penser » ou « moralité en boîte »

13. l'image, la langue, la pensée, t I : L'exemple des proverbes, Paris, Anthropos, 1977, p. 17

14. « La parole proverbiale » in Richesse du proverbe. Vol 2 : typologie et fonctions pp.121-130 P.U Lille III

15. Formes simples, Paris, Seuil, 1972.

16. Silâmaka et Poullôri, récit épique peul raconté par Tinguidji, Paris, A. Colin, 1972.

17. Homo Ludens, Essai sur la fonction des jeux,1988.

18. Le jeu est la parole, Niamey, CELHTO, 1981.

19. La dialectique du verbe chez les Bambaras, Paris-La Haye, Mouton, 1963.

20. « De la littérature négro-africaine », Colloque de Dakar su L'Art nègre, 1966.

21. « Les contes de l'enfant terrible dans la littérature orale San » in Histoires d'enfants terribles, Paris, Maisonneuve, et Larose, 1980.

22. Le sacré et le profane, Paris, Gallimard,

23. « La tradition orale en tant que source pour l'histoire africaine, Niamey, CRDTO

24. La poésie et la voix dans la civilisation médiévale, Paris, PUF, 1984.

25. Civilisation ou barbarie : anthropologie sans complaisance, Paris, Présence Africaine, 1981.

26. L'Exil d'Albouri, Présence Africaine, réédition, 1975.

27. Le Phèdre de PLATON, 275a-b, trad. Robin et Moreau, OEuvres complètes, Paris, Gallimard.

28. Le monde d'Ulysse, 1986 Traduit par Claude Vernant.

29. « La production d'un récit historique » in Gens et paroles d'Afriques. Ecrits pour Denise Paulme, Cahiers d'études africaines, n° 73-76, 1979

30. Les épopées d'Afrique noire, Paris, Karthala, 1997

31. La transformation des sociétés wolof et séreer de l'ère de la conquête à la mise en place de l'administration coloniale, doctorat d'Etat.

32. « L'avenir de la tradition », in Sénégal trajectoire d'un Etat de Momar C. Diop, Dakar, Codesria, 1992

33. L'Etat séducteur, Paris, Folio essais, 1993, p.12

34. Arts et sagesses d'Afrique noire, Saint-Léger-Vauban, Zodiaque, 1998

35. Da Mazon de Ségou, épopée bambara, Paris, Nathan 1972

36. Aspects du mythe, Paris, Gallimard, 1963

37. «  Le mâle en gésine, ou l'historicité des mythes », in Gens et paroles d'Afriques. Ecrits pour Denise Paulme, Cahiers d'études africaines, n° 73-76, 1979

38. « Temps, mythe et histoire en Afrique de l'Ouest », Paris, Présence Afrique ,n° XXXIX, pp.12-58, 1961

39. Idéologie, conflit et pouvoir, Paris, PUF, 1977.

40. Le jeu du monde, Minuit, 1969

41. Temps et récit, T.II : La configuration du temps dans les récits de fiction ? paris, Seuil, 1984

42. « Ce que Thalès a vu au pied des pyramides », in hommage à Jean Hyppolite, Paris, PUF, 1971.p7

43. Homère, chant II, v. 482-492, Paris, Garnier Flammarion, 1965

44. Le roi ivre ou l'origine de l'Etat (mythes et rites bantous), Paris, Gallimard,1972

45. « Mythe et oubli », in Julia Kristeva, Jean Claude Milner et Nicolas Ruwet (ed.), Langue, discours, société-Pour E. Benvéniste, Paris, Seuil, 1975

46. BA Amadou Hampâté et Lilyan KESTELOOT, Récit initiatique peul, Paris, A. Colin

47. BA Amadou Hampâté et DIETERLEN Germaine, texte initiatique peul

48. «  Approches du conte merveilleux », Recherche, pédagogie, culture

49. Essai sur le mythe Lêgba, Thèse doctorat d'Etat, Paris, Sorbinne,1973

Exposé n° 2 : Présentation du projet de thèse

Le choix du thème de recherche : « La force du verbe dans la tradition orale wolof l'exemple des chants du Cercle de la Jeunesse de Louga », résulte de plusieurs raisons essentielles :

- La première est liée à l'intérêt que l'on porte au discours oral. En effet, l'oralité resurgit avec force sur plusieurs formes malgré l'attrait grandissant pour les TIC : sms, mail, etc,

- En second lieu, le phénomène du Cercle de la Jeunesse de Louga a attiré notre curiosité car depuis des décennies ses chants accrochent et intéressent les auditeurs. Le public continue d'adopter cette production même si le répertoire ne se renouvelle pas. En un mot, les chants du Cercle restent encore actuels.

- En outre, la dimension que la Troupe de Louga a prise ne laisse pas indifférent un spectateur attentif. Nonobstant son aura internationale, aucune étude ne s'était encore intéressée à ce monumental patrimoine culturel qui, avant les indépendances jusqu'à nos jours, véhicule une forte tradition du groupe wolof.

Ces raisons ont fait naître en nous la volonté de travailler autour des chants du Cercle de la Jeunesse de Louga tout en essayant de déceler la force du verbe déclamé dans ce qui constitue le quotidien du groupe Wolof.

Le verbe est vu ici comme la dimension supérieure de la parole. C'est la parole qui influe sur les hommes et les amène à adopter telle ou telle autre conduite. Cet acte de langage en vue d'infléchir sur le comportement de l'autre dépend surtout de la situation de parole, la performance.

L'impact du verbe dans la tradition se révèle à travers les textes de la Troupe de Louga. En effet, ce corpus connaît des moments d'énonciation spécifique. De la naissance à la mort, en passant par les différentes cérémonies qui jalonnent sa vie, l'individu subi les pouvoirs de cette parole proférée.

L'analyse de l'impact du verbe dans cette société d'oralité, à partir des chants du Cercle, a donc nécessité un cadrage socioculturel afin de dégager l'interaction entre le milieu, la langue et le comportement du groupe.

Pour ce faire, le passage au corpus était la voie obligée. Ainsi, dans notre démarche, il fallait un recueil et contrairement au conte qui nécessite un traditionniste, nous nous sommes rabattu sur les enregistrements de la Troupe que la radio diffusion du Sénégal a pu conserver dans ces Archives. Notre choix pour les cassettes audio a été conforté par l'inexistence de répertoire fixé à partir de l'écrit.

Cette étape franchie, nous nous sommes attelé à transcrire les textes, un par un avec des auditions répétées. De manière systématique, l'écoute et la transcription se sont faites simultanément, par à coup. Des retours en arrière sont aussi opérés à chaque fois que cela était nécessaire.

Les premiers textes obtenus ont subi des rectificatifs avant d'être soumis à l'approbation de spécialistes pour une correction de la transcription wolof.

Ce travail achevé, nous avons débuté la traduction des textes wolof vers le français. Pour éviter toute influence sur l'orientation adoptée, nous avons d'abord fait sortir un fil conducteur entre les textes et classer ces derniers avant de procéder aux interviews et recoupements avec les membres du Cercle ciblés.

C'est au cours de ces rencontres que des rectificatifs ont été apportés sur la mise en forme des textes et sur les indications scéniques pour leur éventuelle mise en scène.

A propos du Cercle, les interviews accordées par Mademba Diop15(*) dit Masse, Saliou Ndiaye16(*) et Birahim Dieng17(*) se sont faites séparément et successivement à Dieuppeul, aux Parcelles Assainies à Louga. Avec les autres membres rencontrés, c'est plutôt des débats ouverts sur plusieurs questions. Mais pour l'essentiel les informations recueillies se recoupent fortement.

Pour l'exploitation de toutes ces données, nous avons adopté un plan en trois parties.

La première partie composée de deux chapitres constitue un ancrage du verbe dans le contexte socioculturel du Ndiambour. Ce cadrage montre en même temps les mutations intervenues sur les plans politico-religieux et culturels. A la suite, l'organisation de la société wolof fera l'objet du second chapitre. De même, la typologie du verbe wolof servira à fixer les repères à partir desquels l'analyse s'est basée.

La deuxième étape est totalement consacrée au corpus. Sa présence se justifie par les nombreuses précisions apportées aux textes pour leur compréhension : occasion de déclamation mais aussi des précisions pour la mise en scène des chants lors des spectacles.

Dans la même foulée, les problèmes liés à la collecte, à la transcription et à la traduction seront évoqués.

La troisième étape consacrée aux procédés stylistiques, répertorie les raccourcis langagiers et à tout autre moyen facilitant la rétention car participant de ce que Austin appelle les actes perlocutoires de la parole dans Quand dire c'est faire.

Cet avant dernière étape s'est aussi intéressée aux figures de rhétorique.

Enfin, la dernière étape dégagera les thèmes majeurs du répertoire du groupe qui reflètent en même temps les préoccupations de la collectivité. L'étude débouchera sur les fonctions des chants.

A partir de cette étude, nous envisageons démontrer que le verbe régit le quotidien et le destin de l'homme des sociétés d'oralité, en particulier le groupe wolof. Après avoir délimité l'aire dans laquelle s'exerce le répertoire du Cercle nous constatons que la force du verbe apparaît à plusieurs niveaux d'analyse. A tous les moments de la vie du groupe (baptême, mariage, travaux champêtres....) le chant est présent et constitue un motif de déclamation.

Ainsi proféré, le verbe trace un destin pour l'individu, construit une réputation. En un mot, il oriente, exalte, rappelle les valeurs mais aussi il fixe les événements marquants la vie du groupe. A travers le verbe niche dès cet instant toutes les règles de conduite de la communauté.

Avec un examen transversal de ces chants nous ferons ressortir les procédés d'expression inhérents à cette production. Ces techniques donnent à cette production toute sa valeur littéraire

C'est dire que la poétique des textes oraux africains peut révéler une richesse insoupçonnée.

En dernier lieu, nous dégagerons des perspectives quand on sait qu'il reste beaucoup à faire dans le champ de la littérature orale africaine.

Le travail de fixation d'un corpus de références intégrant chants, contes, légendes, épopées.... est impérieux. A la suite de ce corpus, il faudrait une étude fouillée pour construire une véritable poétique des textes oraux africains.

Le plus handicap auquel nous nous sommes confronté réside d'ailleurs dans cet état de fait.

V. BIBLIOGRAPHIE COMMENTÉE

1. Les articles

1.1 « La poésie orale dans l'ouest africain », Lilyan KESTELOOT in « Ethiopiques » n° 56, 2ème semestre 1992, pp 65-84

Dans cet article, Lilyan KESTELOOT se penche sur quelques manquements dans la recherche poétique orale dans l'ouest africain.

La poésie orale, dénommée poésie-chant est partout associée au chant ou à un support musical. C'est d'ailleurs ce qui confère à cette poésie un caractère populaire. Elle est l'apanage de tout individu qui en exprime le désir. C'est pour lever l'équivoque entre celle-ci est la poésie historique ou épique qui est du ressort des griots que Mme KESTELOOT apporte ces précisions. Elle propose cette méthodologie d'analyse des chants (poèmes-chants). Pour elle, l'accompagnement musical doit nous obliger à nous attarder sur certains aspects. Il s'agit d'identifier la distribution du texte sur la chaîne mélodique, et de mesurer l'écart entre le rythme naturel de ces langues et celui qui introduit la musique. Ce travail doit être fait dans chaque genre dans une même langue et ensuite le reprendre pour chaque langue avec des locuteurs différents. À partir de là, ou pourra donc répertorier les figures et structures dans les corpus en tenant compte des six règles stylistiques.

Pour la chercheuse, tant que ce travail n'est pas fait, il serait illusoire de détenir une synthèse qui soit digne de ce nom. C'est pour dire que beaucoup reste à faire dans le domaine de la recherche en ce qui concerne la poésie orale africaine. Lilyan Kesteloot, forte de ce constat va plus loin est propose des pistes d'études. Son approche est fondée sur la prosodie (le rythme) qui est le sceau de la poésie. Cette étude du chant ne va pas sans la musique qui lui impose une mesure.

Mais la difficulté réside dans l'exploitation des textes fixés à partir de l'écrit (chant transcrit) dont la musique est systématiquement absente. La solution qu'elle propose consiste à se rabattre sur les vers (retour d'une même unité de mesure donnée et encadrée par la mélodie) répétés. Pour Madame KESTELOOT, ces vers répétés fondent le rythme même s'ils sont inégaux.

Pour une autre entrée, le noyau fixe dans les chants poèmes marque un temps fort du rythme. Egalement ces litanies, refrains ou échos régularisés peuvent servir de support pour ressortir le rythme. Les chants sans refrains, ni répétitions échappent à cette loi. Dans ces chants les strophes classiques (dizaine de vers ou formule selon l'expression d'OKPAWHO) constituent la dominante et l'étude s'intéressera à cet aspect.

Dans la traque de la prosodie, le chercheur doit aussi s'arrêter sur les phonèmes (allitérations, thèmes sonores), les jeux de mots, la danse des sons et la danse des mots.

En définitive, Madame KESTELOOT conclut qu'il n'est pas facile de séparer l'étude des phonèmes, des rythmes et de la syntaxe en poésie orale. Tous interviennent dans le tissu sonore du chant. Dans l'étude des métaphores-figure, s'appuyant sur MESCHONNIC, elle écarte tout formalisme. En Afrique, ces formules pullulent dans les chants-poèmes et ne fonctionnent pas sur le même registre que la poésie écrite même si elles « frappent » l'oreille étrangère.

Lilyan Kesteloot revient pour affirmer la rareté, le caractère rare, partiel ou inexistant d'études monographiques sur la poésie orale africaine surtout en poésie orale wolof.

Pour une véritable étude de la typologie, Mme KESTELOOT suggère de sortir des généralités et de repérer les genres dans chaque langue avec leur dénomination locale. De même, elle constate que les typologies avancées renvoient souvent à celle de Ruth FINNEGAN

L'analyse des insuffisances de la poésie orale dans l'ouest africain est intéressante à plus d'un titre. Elle a le mérite d'informer sur l'état des recherches et les zones à prospecter. Ainsi, la clarification de certains concepts est d'un apport inestimable. D'ailleurs, elle participe à la stabilisation du lexique de la critique en poésie orale africaine

En plus, cet article conforte notre position sur la nécessité et l'urgence de la constitution d'outils d'analyse de cette poésie d'autant plus que l'idée est partie d'une spécialiste, experte sur la question.

Cependant, vu les études menées ces dernières années, quelques idées émises méritent d'être relativisées. Dans sa méthodologie d'analyse, Mme KESTELOOT conseille que l'on associe musicalité et texte. A ce stade d'analyse les chercheures non spécialistes de la question musicale se confrontent à des limites objectives. Le non initié en musique traitera de mesure, de temps et d'autres aspects liés à la musicalité qu'avec approximation. En recherche la rigueur scientifique écarte toute approximation

1.2 « Problèmes posés par la lecture des textes transcrits de l'oralité », Othniel DOSSEVI in « Annales de la faculté des lettres et sciences humaines de Dakar », n° 9, pp 131-169, 1979, PUF

S'inscrivant dans une dynamique de renaissance des lettres africaines, Dossevi se propose de revisiter la tradition orale pour en découvrir la richesse littéraire. De son point de vue, c'est une source d'inspiration profonde comme jadis avec les poètes de la Pléiade se sont mirés à la source Antique.

Mais, le passage de l'oralité aux textes transcrits laisse perplexe. Les circonstances de performance et le talent de l'exécutant semblent s'estomper. Les transcriptions sont vues comme des textes conformes à la tradition des ancêtres. Les séquences fixes, figés donnent au texte une sorte de crédibilité.

Ainsi, c'est lors de l'interprétation que les initiateurs apportent un éclairage sur le texte. Aujourd'hui, ceux sont les spécialistes qui assument ce rôle. Cependant, le texte est l'objet de remise en cause à chaque interprétation. C'est une pensée vivante sans cesse renouvelée.

Le premier constat qui se dégage est l'effacement des inconvénients de l'oralité par la transcription. Le texte devient polyphone, son appréciation multiple. Alors que s'établit un rapport de confiance entre le lecteur et « l'écrivain de l'oralité », le texte transcrit affiche un silence mystérieux à l'image des oeuvres plastiques. Ainsi, se pose la question de l'anonymat.

Dossevi revient sur la richesse de l'art africain lié au caractère hermétique de ses oeuvres. C'est aussi un caractère spécifique de l'art africain traditionnel. De même, dans l'Europe moderne, baignée dans une tradition d'écriture, certaines oeuvres ne portent pas la marque de leur créateur. C'est dire que l'anonymat total n'existe guère. L'oeuvre porte le fruit du talent d'un artiste quand bien même les circonstances de création le font passer au second plan. Le texte n'informe pas sur le créateur. Il porte moins la marque du créateur que celle du commanditaire, du goût des clients ou des nécessités de son utilisation.

Dans l'analyse de Dossevi, cette modestie du créateur est loin d'être liée à un manque de considération qu'on lui devait. Il se réclame des modèles des Anciens transmis par la tradition et l'apprentissage. Il se soumet aux formes ancestrales.

Même si la part de son travail et de sa technique est évidente, pour la bonne marche de la société, il reste dans les rangs. Sa discrétion est sagesse et nécessité car toute distinction d'individualité est poursuivie par la jalousie des hommes et des dieux. La distinction de l'individu n'a pas besoin d'être chantée.

D'ailleurs, lors de la performance, le créateur proclame souvent sa maladresse devant ses inspirateurs ou ses initiateurs. C'est là l'aveu d'une nouvelle création et non une fidèle reproduction

Dossevi compare la démarche du créateur africain au classicisme occidental adossé à un modèle ancien. Il précise que l'artiste africain est plus préoccupé d'illustrer les idées autour desquelles doivent se regrouper les membres de la société. Il assure la destination de l'oeuvre sans nuire aux commanditaires.

Du côté de l'audimat, Dossevi considère que les auditeurs viennent chercher une confirmation des règles du bonheur enseignées par les chefs et la confirmation de son appartenance au groupe. Chaque auditeur est capable de déceler dans le récit tout ce qui est contraire à l'intérêt du groupe.

Dossevi relève une rupture entre la littérature écrite avec la tradition. L'individualité et la responsabilité de l'auteur émergent de plus en plus même si les conditions de création et les fonctions des oeuvres ne mettent pas en lumière le créateur. Mais ses auteurs prônent le retour aux valeurs traditionnelles classiques.

Pour autant, le conte offre un terrain habile de contestation, de rajeunissement des institutions et un renouvellement des thèmes littéraires. Le conteur exprime sa personnalité.

Tous ces constats amènent à dire que les textes recueillis doivent être suspects. Considérés comme des récits ancestraux, ces textes ressemblent à des versions individuelles, propres à chaque narrateur.

Dossevi tire en conclusion que les textes oraux ne sauraient avoir une lecture unique. Il s'agit de se démarquer de la vision des anciens pour porter le besoin actuel.

L'article de Dossevi participe à l'éclairage conceptuel nécessaire pour l'analyse des textes recueillis de l'oral. En outre, l'anonymat des ces textes trouve une interprétation permettant d'ouvrir un vaste champ d'étude.

Mais ce qu'on peut reprocher à Dossevi dans son article, c'est de se limiter exclusivement à des constacts sans proposer des débuts de solution. Il est important d'attirer l'attention des chercheurs sur la collecte et la traduction mais il serait beaucoup plus intéessant d'esquisser des palliatifs.

1.3 « De la valeur éducative du genre narratif dans les sociétés africaines traditionnelles », Jean NTAKIRUTIMA in « Ethiopiques » n° 77, 2ème semestre 2006, pp 173-192.

Dans son propos préliminaire, NTAKIRUTIMA part du postulat que l'oralité joue un rôle de support à certains groupes sociaux et à certaines sociétés où les échanges se font de bouche à oreille. Elle est une composante importante dans la formation de l'identité communautaire et l'identité individuelle.

Dans cette étude, il explore la fonction didactique des contes, légendes, fables et autres genres narratifs similaires dans les sociétés africaines traditionnelles. Même si la principale cible reste les jeunes, cet enseignement est aussi destiné aux adultes.

Il circonscrit cet enseignement en sept points :

- Genre narratif et l'enseignement de l'histoire ancestrale

Le genre narratif est le médium favori de conservation et de transmission de l'histoire. Par elle, des valeurs sociales sont véhiculées de génération en génération.

Les faits racontés sont enjolivés de prouesses surnaturelles. C'est par le talent des conteurs, par la maîtrise du verbe que les jeunes sont initiés au passé des aïeux : passé glorieux, pratiques valeureuses, origines légendaires sont connus par l'entremise des épopées. Ainsi, certains historiens ne s'y trompent plus car ils érigent en nécessité la connaissance de la source orale pour comprendre le passé des peuples.

- Genre narratif et enseignement des structures de l'univers

L'auteur montre que l'homme est un être qui éprouve le besoin de connaître son univers. De ce fait les productions africaines narratives ont tentés d'expliquer les mystères de la nature. La démarche est fondée sur une logique surnaturelle. Les narrations faites transmettent le sens de l'identité, de la multiplicité, de l'individualité et de la communauté.

- Genre narratif et enseignement de l'écologie

Le désir de connaître les interactions entre les espèces a amené l'initiation aux significations des espèces. L'astuce a consisté à humaniser animaux et végétaux dans las récits. Le mélange entre le naturel et le surnaturel rend l'histoire plus captivante.

- Genre narratif et enseignement de la morale sociale

Les rencontres vespérales étaient l'occasion de faire le bilan de la journée. Celui-ci détermine le conte de la veillée en relation avec les faits marquants du jour.

L'oralité (les textes oraux) apparaît donc comme une véritable école du soir : transmission des modèles, des normes sociales... La norme est toujours sanctionnée positivement tandis que les conduites répréhensibles entraînent nu sort négatif du héros.

Les animaux servent de personnages dans ces types de récits. La symbolique du règne animal partagée par plusieurs cultures permet à ces productions narratives de voyager dans l'espace et le temps.

- Genre narratif et enseignement de la langue aux plus jeunes

L'écoute attentive de la parole dès le jeune âge offre une utilisation efficace et précise de la langue. En effet, les structures des récits intègrent dans la plupart du temps les structures de la langue. L'acquisition de la langue poétique, policée est faite au détriment de la langue ordinaire. L'importance que revêt la parole en Afrique exige un verbe raffiné selon le message à délivrer.

A leur tour, les plus jeunes reprennent les récits et perfectionnent progressivement leur structure langagière.

- Genre narratif et enseignement de l'art oratoire

La situation d'écoute ne se réduisant pas à une simple consommation, les jeunes qui reçoivent les récits requièrent en même temps le statut de juge. La profération n'a de sens et de valeur qu'après le jugement de l'auditoire. Les jeunes sont impliqués dans la narration et peuvent reprendre, répéter ces textes oraux. Ils sont du coup initiés à l'art oratoire.

- Genre narratif et formation publique continue

En plus de l'art oratoire, les contes participent à la formation avec les types énigmatiques. C'est une formation aux débats, au discernement.

L'éducation est ouverte et se déroule au moment où tout le monde est disponible : le soir, après les travaux. C'est ce qui fait son caractère public et continue.

Le processus de formation est acquisition pour les jeunes et renforcement pour les moins jeunes. Les niveaux d'interprétation et de compréhension sont variables selon les degrés de maturité.

Le travail de Jean NTAKIRUTIMA a l'intérêt de révéler quelques-unes des facettes de l'éducation traditionnelle en Afrique. A travers les genres narratifs. Les domaines sériés permettent de voir directement l'impact de cette éducation. Les renvois vers les textes comme illustration rendent l'étude plus intéressante et renforce les théories développées.

Cependant, l'auteur limite son étude au genre narratif. Il pourrait explorer les genres qui intègrent des séquences de chants et/ou de gestuelles. L'analyse d'éléments rythmés, internes aux chants, occuperait une large part dans l'éducation traditionnelle.

2. Les ouvrages

2.1 Introduction à la poésie orale, Paul ZUMTHOR, Paris, Seuil, 1983, 308 pages

Dans cette vaste étude, Paul ZUMTHOR passe en revue différents aspects de la poésie traditionnelle orale. L'ouvrage s'organise en quatre grandes parties : l'oralité poétique, les formes, la performance, rôles et fonctions

Il passe par une clarification conceptuelle et essaie de traquer une éventuelle spécificité de la poésie orale. Dans un second mouvement P. ZUMTHOR jette un regard sur la voix et souligne la nécessité à la cerner pour une base théorique de la poésie orale. En outre, il lève l'amalgame qui consiste à considérer toute littérature non européenne comme folklore. ZUMTHOR part de la notion de performance pour clarifier le concept d'oralité. Ainsi, des influences sont relevées selon le rapport à l'écrit.

Le premier point est consacré à l'universalité de la poésie orale. ZUMTHOR situe dans le temps ces productions et les décalages possibles lors de la performance. Cela implique des difficultés d'interprétation ou de reconstitution. Mais quelques indices permettent de rétablir l'oralité conservée par l'écrit.

ZUMTHOR termine cette première partie en insistant sur la résurgence des cultures marginalisées. Les brèches ouvertes permettent à ces cultures de reprendre racine par des survivances ou des reliques. II note aussi l'évolution des créations selon le mode de naissance :

-La création individuelle -fonction originelle

-La création intertribale - show business

-La création cérémonial- fixité

Dans la deuxième partie consacrée aux formes et genres, l'auteur pose la difficulté à cerner la poésie orale. Paul ZUMTHOR revient sur la différenciation entre oeuvre, poème et texte. De prime abord une spécificité ne se dégage pas. Cependant, la performance détermine la forme. De ces constatations ZUMTHOR en dégage ce qu'il appelle la forme d'une macro-forme qui s'organise autour de trois axes : Le premier axe est déterminé par des situations de discours ; Le deuxième axe voit la devise au coeur du chant dans certaines circonstances ; Le dernier axe fait ressortir les poèmes nés d'une émotion causée par un beau paysage, la mort ou l'amour.

Concernant l'épopée, ZUMTHOR considère que c'est le genre le plus et le mieux étudié. Il fait le panorama des études sur le genre et l'intérêt que cela a suscité. Pour une harmonisation des perceptions, il revient sur les concepts de "poème épique", héritée d'Aristote pour la dissocier de la notion " d'épopée". ZUMTHOR dégage deux types d'épopée. L'épopée historique et l'épopée mythique.

Les spécialistes de l'oralité ont mal cerné leur objet car ils travaillent sur une poésie fluctuante. Cette spontanéité alliée à une règle inéluctable s'illustre dans la poésie orale africaine. C'est pourquoi analyser la poésie orale requiert beaucoup de prudence car le dessein initial et les effets produits ne sont valables et gardent sa plénitude que lors de la performance. Les frontières textuelles mouvantes sont tributaire de la nature bariolée, cumulatif du texte oral même si d'aucuns y décèlent parfois des parties fixes.

L'enchaînement fonctionnel fait ressortir une différence entre la poésie orale et la poésie écrite. Mot image et idée s'enchaînent et font énigme.

Par ailleurs, tout parasite venant de l'extérieur bouleverse le système d'information. Mais l'art de l'exécutant consiste à récupérer ces « bruits » et à les transformer en information une situation d'écoute. La performance est une instance de réalisation plénière avec des règles qui englobent occasion, public, émetteur et un but à long terme.

Paul ZUMTHOR étudie les circonstances de production et les moyens (voix-geste-médiat). Il fait voir la relation émotionnelle qui existe entre exécutant et public. Il distingue quatre situations performancielles : La convention ; Le naturel ; L'historique ; Le libre :

A la suite, dans les moyens, il avance que la parole poétique n'a une existence que par la voix, état second du langage. Le rythme est un prélude vocal. Il affirme que la poésie orale n'a que des règles prosodiques. Le seul langage efficace d'analyse serait les mathématiques et la musique.

La structuration poétique renseigne beaucoup sur la mélodie. Ainsi les sons intègrent l'allitération et la rime. Si la première est répandue, la seconde apparaît dans la poésie orale qui coexiste avec une culture de l'écriture ou se réduit à la voyelle ou à l'assonance

Ensuite, ZUMTHOR aborde le mode de la performance en opposant le dit et le chanté. Dans le chanté le locuteur marque plus son espace que quand il s'agit du dit. Trois modalités s'y dégagent : le dit (voix parlée), le récitatif et le chant mélodique.

Dans « la présence du corps », l'auteur y analyse le geste dans la poésie orale. En fait, pour lui, tout ce qui s'adresse à l'autre est constituante de l'oralité. Les mouvements du corps sont donc intégrés à une poétique. Le geste est érigé en rite. Il a son code en fonction des cultures.

La dernière partie de l'étude s'arrête sur le statut de l'interprète. Il se différencie souvent du poète, du compositeur et du chanteur. Parfois, le texte appartient à l'anonymat. Mais en oralité, la place de l'exécutant est plus essentielle. L'interprète se réduit à celui que l'on voit lors de la performance. Il est un professionnel. Son rôle s'apparente à celui du griot de l'Afrique occidentale

L'interprète n'obéit pas à une institution, il est libre. Son rôle, solidaire ou partagé, se manifeste différemment : soliste, duo, alterné ou en choeur.

Quant à l'auditeur, il fait partie de la performance. Un groupe d'auditeurs ne reçoivent pas de la même manière le message. Il se crée un dédoublement car l'auditeur n'est pas forcément le destinataire. On a donc deux situations d'écoute : une écoute reprise et une écoute muette. Le mécanisme d'impersonnalisation de la parole assure son appropriation par l'autre.

L'immixtion des médiats change fondamentalement les rapports.

Dans la durée, le processus de mémorisation n'est plus le même avec le temps. Il y a impossibilité de répéter la première performance. L'archivage se fait par des moyens technologiques ou par la mémoire. Malgré les pertes notées, il y a possibilité d'autres performances. Les pertes et les déplacements thématiques sont en translation. Aussi le caractère mouvant de l'oeuvre orale crée des variantes liées à la dérobade aux lois de la société d'écriture. Cependant une stabilité est notée avec les chants de danse et de travail et chez les peuples en contact avec l'écriture. Les variantes sont la conséquence de l'intervention e différentes personnes et des circonstances de performance.

Dans cette perspective, ZUMTHOR montre que la performance est fête, convergence des volontés. De la poésie orale naquît donc des rites. Ils sécurisent et confirment les tabous protecteurs. C'est dire qu'en Afrique, la parole rythmée et chantée revêt une puissance de vie et de mort. La performance est, de ce fait, action dans les formes ouvertes, collectives. Le chant rameute les combattants lors des guerres. Elle est une arme.

L'oeuvre de Paul ZUMTHOR, par son ampleur explore presque tous les domaines de l'oralité. La délimitation des parties laisse entrevoir les points soulevés. En ce qui concerne la poésie orale, il traite des questions récurrentes qui se posent pour leur analyse. Il nous est d'un grand apport si l'on constate le caractère rare de documents sur la critique des « textes oraux » en littérature africaine orale.

Le reproche du document est lié à son ampleur. En effet, les questions pointus qu'il aborde égare parfois et se déteint sur les aspects saillants introduits dans les parties ou sous parties. Avec le caractère universel qu'il voulait donner à son étude, amène ZUMTHOR a évoqué la réalité de presque toutes les grandes civilisations, voire celles qui se sont évanouies en ce début du troisième millénaire. De ce fait, le travail pourrait être actualisait sur plusieurs aspects.

2.2 La place de la littérature orale en Afrique, Elolongué EPANYA YONDO, Paris, La pensée Universelle, 1976, 123 pages.

Dans son propos introductif, EPANYA YONDO évacue la polémique autour de la littérature orale et s'appuie sur SEBILLOT Paul qui a employé pour la première fois le terme repris par M. NILSON en 1933 dans son ouvrage Homer and Mycenae. A la suite, il appelle à s'investir pour mieux comprendre le fonctionnement des cultures africaines pour mieux les défendre. C'est pourquoi il essaie dans ce travail de donner les différents genres de la littérature orale africaine, ses caractéristiques, sa fonction sociale et ses rythmes.

EPANYA YONDO nous apprend que le genre permet à l'homme d'orienter son comportement selon la situation ou l'événement. Les genres relatent tout ce qui conditionne la vie de l'homme de la naissance à la mort.

Mais OYONDO avoue qu'il n'est pas aisé d'établir une classification en dehors des cycles établis. Le schéma suivant ressort de son étude :

Les mythes

Ils permettent à l'homme de réguler son comportement à son environnement. L'apprentissage se fait grâce à un processus initiatique au bout duquel l'homme africain saisit les institutions et les interdits qui s'y attachent.

Les contes et les fables

Le conte, mamelle nourricière, présente avec la fable un double aspect. Ils fonctionnent comme une satire sociale. Le détournement par les animaux permet de se dérober à la répression. Ils constituent l'instrument essentiel de la critique populaire.

La légende

Elle est au coeur de l'activité ludique et appartient au profane contrairement au mythe qui est du domaine du sacré. Elle prépare à recevoir le mythe. La légende retrace les sources des aventures du groupe et les mouvements migratoires. Elle oblige l'homme à se fonder sur l'homme.

L'épopée

En tant que fille de la légende, elle est déclamée par une catégorie particulière de professionnels. Elle porte en elle l'héritage du patrimoine culturel. Elle est souvent entrecoupée de chants lyriques. Le récitant doit être doté d'un talent de communication avéré et d'une imagination très fertile. La mise en scène lui donne une portée plus grande que les autres genres.

La comptine

Genre rarement signalé, il participe au développement psychique de l'enfant et fonctionne comme une récréation. Sous forme de chanson ou de formulettes, la comptine donne l'occasion aux enfants d'exercer leurs aptitudes mentales et devient un support aux jeux.

La berceuse

Proche de la comptine, elle est dédiée aux bébés. Par sa douceur, elle joue le rôle de calmant lorsque l'enfant pleure ou quand on veut l'endormir. Le contenu prend une orientation d'éveil et d'éducation.

Enigmes et devinettes

Nous avons là deux genres qui s'interpénètrent car la devinette pose une énigme. Elles inaugurent les veillées. Malgré leur forme énigmatique et elliptique, elles ont un emploi profane. Elles font appel au sens de l'observation et à la dextérité mentale.

La chantefable

Peu connue, elle met en interférence fable et musique. Ils ne sont pas autonomes mais ils constituent deux mouvements d'un même verbe et se recoupent harmonieusement. Le chant intensifie la puissance émotive de la narration.

Proverbes et maximes

Ils traversent tous les genres oraux de la littérature orale africaine et servent de repère, d'illustration à une idée.

Le proverbe véhicule la sagesse traditionnelle et fait la synthèse d'un récit alors que la maxime fonctionne en formule plus succinctes et exprime les observations de la vie quotidienne. Proverbes et maximes sont le fruit de bon sens et le résultat d'une réflexion profonde.

Autres genres

La devise, sous forme de formule ou de longue tirade, est employée aussi bien par des individus, des familles, des clans etc. Elle renferme de manière condensée le passé glorieux du groupe. Elle entretient le sentiment de dignité et du sens de l'honneur.

La poésie religieuse loge dans les chants initiatiques et sacrés. Elle détermine la qualité des rapports d'une communauté. Les relations sont établies pour assurer l'équilibre social.

Les généalogies constituent un genre beaucoup plus répandu en Afrique de l'ouest. Elles sont consacrées à la lignée des chefs et à leurs exploits. Elles structurent l'histoire des familles, des groupes ou du clan et parfois celle du peuple.

La poésie-chant accompagne l'action mais aussi les autres genres comme le conte, la légende ou l'épopée (tout récit). Toutes les activités quotidiennes sont rythmées de chants qui maintiennent le rythme et l'entrain.

Après ce panorama des genres, Yondo précise que le professionnalisme est de mise. Malgré le caractère collectif de son produit, la culture négro-africaine génère des groupes qui se distinguent dans l'art de la transmission. Qu'il soit professionnel ou amateur, l'émetteur de tels discours a toujours une facilité d'élocution et un pouvoir de mémorisation. Cet homme orchestre est doté d'un verbe étincelant. Dans beaucoup de société, ceux sont les griots qui jouent ce rôle. Traditionnalistes attitrés, ils ont un compagnonnage séculaire avec la couronne ou avec une catégorie sociale particulière. Même si leur statut diffère selon les sociétés, ils partagent le pouvoir de l'expression.

Caractéristiques de la littérature orale négro-africaine

1. La parole

Elle au centre de cette littérature qui fonctionne de bouche à oreille et constitue son support principal. C'est aussi un héritage à enrichir avant d'être léguer aux générations à venir.

2. Les participants

Le public lors de la déclamation est constitué essentiellement d'enfants car c'est le moment privilégié pour leur formation. Durant l'initiation, ils se familiarisent de plus en plus avec cette parole.

Le regroupement rappelle la nécessité pour des individus vivants en société de se retrouver pour consolider le sentiment d'appartenance à un groupe. C'est une littérature anonyme que chacun peut reprendre à son compte

3. Rythme et sens du beau

A la base du récit, comme d'ailleurs des chants, il y a le rythme. C'est surtout celui des instruments à percussion et non celui de la voix humaine. Les images, figures de vocabulaire et autres procédés forment le rythme secondaire.

Quant à la notion de beau en Afrique, elle est liée à une psychologie collective. Elle est ainsi une conception très relative.

Fonction sociale de la littérature orale négro-africaine

La littérature orale négro-africaine est le miroir de la vie. Chaque genre à un but précis et participe à la formation de l'africain de la naissance à l'âge adulte. De la berceuse au genre ésotérique, il s'habitue à un milieu naturel, à la morale sociale et à l'histoire du groupe. Après mémorisation, la transmission est assurée dans les rapports de tous les jours entre membres de la communauté. L'expérience de l'ancêtre est mise à la portée de tous.

L'oeuvre d'YONDO présente un grand intérêt pour notre thème de recherche car il participe au déblayage de la typologie des genres oraux. L'étude met en évidence des genres considérés souvent comme mineurs. En plus, la situation performancielle est prise en charge dans la plupart des cas. L'ultime partie qui traite de la fonction complète les caractéristiques essentielles de la littérature orale africaine.

L'analyse d'YONDO gagnerait en intérêt avec un peu plus de profondeur dans l'analyse. Malgré la pertinence et la valeur du texte, il reste l'abécédaire des étudiants en situation d'initiation dans la recherche. Il ne rentre pas dans les considérations pointues, complexes et variés qui foisonnent dans le système de l'oralité. Cette simplicité fait peut être la valeur et l'intérêt de l'oeuvre pour nous autres qui investissons le champ de la recherche.

2.3 Approches littéraires de l'oralité africaine, sous la direction d'Ursula BAUMGARDT et Françoise UGOCHUKWU, Paris, Editions Karthala, coll. Tradition orale, 2005, 334 pages.

En hommage à Jean DERIVE, un collectif de chercheurs de six nationalités différentes, ses disciples, apporte une contribution sur quelques aspects de l'oralité. L'ouvrage se compose de cinq parties.

Ursula BAUMGARDT, auteur de l'article intitulé « La parole comme engagement : l'exemple d'un répertoire de contes peuls du Cameroun », part d'un éclairage des termes qui désignent la parole dans les parlers orientaux du peul.

Il dégage les formes suivantes de parole :

- Les paroles qui engagent

- La représentation de la parole et le contexte narratif

- Le statut de la parole cérémoniale

- La parole comme motif narratif véhiculant la calomnie et la rumeur

Françoise UGOCHUKWU pour sa part, dans « Parole et régulation de la communication en pays igbo (Nigéria) », tente de montrer comment la parole est un outil de régulation sociale. Il fait ressortir quatre idées fondamentales. Du point de vue social, il souligne que le baptême est l'occasion de donner une identification et une reconnaissance des siens par le nom. Ainsi, la parole permet l'insertion dans le groupe en lui imprimant la marque de l'humain. Le nom facilite les situations de présentation, de salutation et de louange.

Dans sa profération, il révèle la puissance de la parole. Elle fonctionne comme gris-gris : elle est arme et contrepoison. Le troisième niveau qu'il dégage concerne les interdits qui encadrent la civilisation de la parole. Elle est contrôlée. Le dernier point met l'accent sur les médiateurs ou intermédiaires c'est-à-dire les personnes qui s'interposent lors de la déclamation de la parole réglementée.

Quant à Ansoumane CAMARA, il jette un regard sur la littérature produite dans la zone malinké, dans son article intitulé : « Le conte et l'épopée dans la littérature des Malinké de la haute Guinée ». Après avoir campé l'aire géographique où résident les Maninka ou Malinké, Camara décline les composantes de leur littérature. Dans son étude, il se focalise sur le conte (tali) et l'épopée (fasa). Il distingue trois catégories de conte : le conte à djinns, le conte à animal, le conte à être humain. Il souligne le caractère moralisateur de ces contes. En ce qui concerne l'épopée, il dégage les trois types recensés dans la société Malinké : l'épopée historique, l'épopée des chasseurs et l'épopée agricole.

Il termine en exhortant les chercheurs à la transcription de ces chefs-d'oeuvre pendant qu'il est encore temps.

L'article de Laetitia LEONELLI, « De la variabilité en littérature orale : l'exemple de trois récits wolof », aborde trois variantes de conte dans la société wolof. L'intérêt de son étude porte surtout sur les différences entre les versions la première est une version féminine, la deuxième, une version féminine et la troisième une version unilingue, un texte en français sans la version wolof. L'originalité qu'il relève est le personnage en jeu : une tête, un fait rare dans la culture wolof pour un conte initiatique.

En même temps, il pose le problème de la transcription et de la traduction des textes collectés.

« Qui est le monitor ? Sur les traces de maître initiateur dans quelques contes wolof » de Ndiabou Séga TOURE analyse le personnage du maître initiateur dans des contes wolof. Le maître y prend des figures différentes. Il est agresseur ou auxiliaire. Mais parfois, il combine les deux rôles.

« Les devinettes burkinabé : jeux de langage à propos des yeux », KAM SIE ALAIN.

Alain KAM SIE fait ressortir  « les jeux du langage » qui se cachent dans ces devinettes et les champs sémantiques qu'elles couvrent. Il les met en relation avec la société qui les utilise. A la suite, il précise le sens du genre choisi et ses quelques-unes de ses caractéristiques : ludique ; réflexionnel et mémorielle

Denis DOUYON, dans « La représentation de la femme dans un récit dogon », rappelle le rôle de la femme qui apparaît comme écartées de la gestion de la cité. Dans les contes dogons, elles jouent un rôle clé dans la société. L'exemple qu'il du récit sur la création du monde qu'il donne conforte le rôle de la femme dans cette société. Elle est un personnage central des relations humaines.

Julia Ogier-Guindo « Parole magique en Nouvelle- Calédonie : les vivaa, textes oraux traditionnels an a'jié » nous mène dans l'univers de la Nouvelle-Calédonie.

Les vivaa, parole magique, sont analysés dans l'aire culturelle a'jié. Il précise les différentes acceptions du terme. Il englobe aussi bien le succès, l'objet rituel et rituel lui-même. Les vivaa informent sur les noms des clans et des lieux mais aussi sur les végétaux, les animaux. Par les vivaa, on est en contact avec l'invisible. Le contexte d'énonciation détermine le registre sacré.

La troisième partie qui porte sur «  littérature et pratique sociale » traite de certains aspects de l'oralité chez les Kpélé et les malinké.

D'abord, André CAMARA dans « Parole, figures et signes : autour de l'art graphique Kpélé contemporain » montre les liens entre l'art graphique et l'art oratoire dans ce qu'il désigne les cordes à proverbes. Ces proverbes se déploient dans les activités artisanales et les scarifications, les tatouages et autres enduits corporels. Ce peuple qu'il est à cheval sur la Guinée et le Libéria accorde une grande importance à la parole. Celle-ci est redoutée et elle s'exprime dans les genres ludique ou sérieux. Les cordes à proverbes sont représentées par des images et signes graphiques sur des morceaux de calebasse. Les activités de tatouage, de teinture, de poterie, de la forge constituent son lieu d'expression.

Ensuite Agnieszka KEDZIERSKA, dans son article «  l'envol du vautour » : parole, action et objet dans les rituels funéraires des chasseurs malinké analyse les rituels du cycle des cérémonies funéraires dédiés aux chasseurs malinké. Il révèle une tradition méconnue en s'appuyant sur un corpus constitué d'un chant hermétique. Pour les initiés, ces rituels se font sur plusieurs séquences. Il nous fait découvrir le sens social, symbolique et ésotérique de ces rituels. Ils sont vus comme une absorption symbolique du chasseur décédé. C'est aussi une façon de rendre accessible et compréhensible la mort.

L'avant dernière partie ayant pour titre « Néo-oralité » englobe deux articles. Le premier, « la néo-oralité au Gabon : analyse de la figure du serpent dans les légendes urbaines » est de Léa Zame AVEZO'O. Il rend compte des légendes urbaines contemporaines, de petites histoires transmises de bouche à oreille et parfois relayées par la presse à sensation. Elles sont brèves et anonymes. Sur les six textes recueillis, l'image du serpent pourvoyeur de richesse est constante. En contrepartie, il faut respecter les interdits sous peine de déchéance. Ces légendes offrent une lecture du monde moderne avec une reprise des motifs des contes traditionnels. Cette forme libre et accessible est un mise en garde contre une certaine forme d'enrichissement.

Le second article, « Naissance et développement d'une littérature orale urbaine : le répertoire de jåkulu de Bobo-Dioulasso » de Alain SANO étudie un phénomène nouveau dans la ville de Bobo-Dioulasso notamment la création d'ensemble musical appelé jåkulu. Il investisse tous les espaces publics et devient une marque d'identité pour les jeunes d'u même quartier. Il relais les griots traditionnels dans les cérémonies de grande envergure. Son répertoire est une création collective, une expression d'une vision du monde. Elle fonctionne comme la mémoire du quartier, de sa quotidienneté.

La dernière partie sous-titrée « littérature d'expression française et littérature orale » regroupe trois articles. Marlène HOENSCH dans «  Le roman contemporain africain, avatar du conte ? » fait la comparaison entre les rituels d'initiation et leur apparition en littérature sous une forme de contes et de romans. Les constantes qu'il dégage tournent autour de la structure initiatique, la dualité et les acteurs de l'initiation. L'espace labyrinthique clos et piégé caractérise son cadre.

Le deuxième article, « Poéticité et quête identitaire dans Fer de lance de Bernard Zadi ZAOUROU, l'ivoirien Gabriel SORO s'arrête sur un passage du poète qu'il analyse comme un texte clos puis un texte ouvert pour mettre en évidence la déstructuration de l'extrait ; le rapport entre l'écriture et la poéticité et enfin la signification. Il en résulte une caractéristique commune aux poètes : leur souffrance ; le sentiment tragique et leur éternelle insatisfaction.

Le troisième et dernier article, « Poétique du n'zassa dans D'éclairs et de foudres de Jean-Marie ADIAFFI » de Kouadio Kobeman N'GUETTIA souligne l'authenticité du poème de ADIAFFI. Ce dernier s'enracine dans la culture agni et se confond au n'zassa (tissu bariolé). Le poète réfute les formes figées, fixées par la réglementation. Il puise dans la source de la littérature orale agni mêlée de proverbes, de théâtralité et de contes. Même si certains voient en ADIAFFI un pro-césairien dans la forme, sa poésie ne saurait être interprétée sans la référence à la culture agni.

Cet ouvrage collectif donne des repères et une visibilité importante à notre approche. La diversité des analyses permet de marquer la différence des approches. Les quatre premières parties qui retraitent des aspects de la parole est d'un apport essentiel pour l'étude de notre corpus. Les auteurs des textes recueillis confortent notre conviction sur la contextualisation pour l'analyse des chants.

Malgré leur intérêt, les articles ont toujours la limite liée à leur concision. Les articles soulèvent des interrogations inédites. Par contre, le caractère condensé de l'article ne permet pas un large développement pur trouver une réponse aux questions agitées.

VI. EXTRAIT DU CORPUS

NJÀNGAAN (Ballet)

Chant populaire

Enfin la pluie est venue. Depuis une semaine, tout le monde est aux champs pour enfouir le grain. Reste à niveler le terrain pour favoriser la naissance des jeunes pousses de mil ou d'arachide. Les cultivateurs sont éparpillés dans les champs. Les femmes venues apporter leur contribution se regroupent et font une exhibition.

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Njàngaanoo, njàngaanoo, njàngaanoo,

Dangay dem ca tool ya mu dogaale la

Siggil ndaama ngeeroo siggee mat a dige

Toj na àll ba ray na gaynde ya

Tuur nafa beñwaaru xaalis

Ñax jaañ baal ma tàkko jaañ baal ma maalig jaañ baal ma

Sele mandumbaan mbòoyoo dama koo yendoo daan
Biraanoo mbañ jòobo bël sàmba yaay ndaw
Simboorè majaañ njaay mati jileen manjaga dina la woy

Saam sàmba mbay mbay, majigéen bòoyoo ak bël jòoboo

Bël sàmba yaay ndaw

Sàmm sàmmileen rëbb rëbbi leen

Ndongo jàngi leen maa ngi jàngi mbay
Yaasin gay maaroo ak baay madigèen ndaw

Jigèen su de daan gòor ca toolu baayam

Baay baa ko mën a wax

Jàppal ma saas kumba baayòo bama ngemboo ngeer

Golo jaañ buca mënul yèeg booba gàllina

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L'APPRRENTI

Apprenti, apprenti, oh apprenti !

Tu vas au champ et on te donne un lopin de terre

Redresse-toi jusqu'au-dessus du nguer

Il faut compter avec le buste droit

Il a désherbé la forêt, il a tué les lions

Il y a versé une bassine d'argent

Excuse-moi herbe le terrible, Tacko Diagne excuse moi,

Malick Diagne excuse moi

Céllé Mandoubane Mbayo ! j'ai passé la journée à le terrasser

Birame Mbagne Diop, Beul Samba Yaye Ndaw

Simboré Madiagne Ndiaye, Maty Djilène, Mandiaga je te chanterai

Sam Samba Mbaye, Mbaye Madjiguène Mboyo et

Beul Diop Samba Yaye Ndaw

Bergers, allez aux patûrages ; chasseurs ; allez à la chasse

Elèves, allez étudier ; je vais apprendre à cultiver

Yacine Gaye Mar, Baye Madjiguène Ndaw

Si une femme cherche à égaler un homme dans les champs de son père

C'est son père qui peut en témoigner

Je me défais de mon pagne pour porter le pantalon.

Si le singe ne peut plus grimper c'est qu'il a dérogé.

NJI (Ballet)

(chant populaire)

Ce ballet est une variante de Njàngaan. Après les premières pluies, tout le monde est au champ pour les premiers travaux. Ce travail se fait dans une ambiance de fête pour tromper la fatigue

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Jòglèen ñu dem tool bët sèbbeetina

Noflaayu baykat de jeex na gòor yëngulèen

Gòor ak jiggèen kuy mag mba gune

Jòglèen liggèey suuf si jariñòo gòor yëngu lèen

Ku ciy jiggèen war na jòg fas sas kumba

Ku ciy gòor na gëmm ñu bay book jariñóo

Gòor yëngulèen midi ke?-ke?ina

Doom yaay takkulèen fagulèen teñu dem

Baax teey bary jàmm midi ke?-ke?ina

Mbayaano mbay sàmba mbay ca bamuy teel

Màttu melentaan duma ko fowe

Suma màttee ma màtt ko ndigg la damm

LA SEMENCE

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Levez-vous et allons aux champs, la saison des pluies a débuté

Le repos du paysan est terminé, oh hommes ! Remuez-vous

Hommes et femmes, grands et petits

Levez-vous, cultivez la terre pour vous en servir. Hommes, remuez-vous

Les femmes doivent se lever et ceindre leurs reins

Les hommes doivent fermer les yeux

Et foncer pour qu'on cultive et s'en servir

Hommes, remuez-vous il est midi pile

Frères, ceignez-vous, préparez-vous et allons

Oh toi le généreux, tout en restant, serein, pacifique. Il est midi pile

Oh sarclage, le plaisir de sarcler 18(*). Sarcler au bon moment

La piqûre de la fourmi je ne la tolère pas

Si elle me pique, je la lui rends et elle se casse les reins

BAAWNAAN (Ballet)

Chant populaire

Après les premiers semis la pluie ne vient plus. Il est de tradition qu'en pareilles circonstances on implore la Clémence du Tout Puissant. Cela se passe dans une ambiance inaccoutumée. Les hommes sont en tenue de femmes et les femmes s'habillent inversement. Ils dansent et chantent telles des grenouilles après la pluie.

Jalilèè dañuy baawnaan taala jali

Jalilèè dañuy baawnaan taala jali

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Jalilèè dañuy baawnaan taala jali

Dañuy baawnaan taala jali

Maam Yàlla dañuy walangaan

Ngooxi, ngoox

APPEL A LA PLUIE

Dialy yée nous procédons à l'appel de la pluie, Talla Dialy

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Dialy yée nous procédons à l'appel de la pluie, Talla Dialy

Dialy yée nous procédons à l'appel de la pluie, appel à la pluie

Nous procédons à l'appel de la pluie, Talla Dialy

Seigneur, nous appelons la pluie

Ngokhi Ngokh

NGÒOB (Ballet)

Chant populaire

C'est la moisson Faucilles à la main, les cultivateurs arrachent les épis de mil qui seront ensuite ramassés par les femmes. Tout se passe dans une atmosphère de gaieté.

Jàñjòlèe Biram Paate !

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Jàñjòlèe rab yi xam nañ la

Jàñjòlèe war na jàñjòlèe

Maam Kumba war na ndòoboo (Ndooxoo)

Àali war na sariyaan

Baay Jàngalòo ma baay jàngalòo ma

Da ma màgg daan

Bama àttannee saa goop

Daaldi aw ca yoonu tool booba damay ndaw

Sàmba gilaa jèegillèe

Su Su ndab xatee gune jooy

Samba gilaa jëegilèe

Xulóol du màtt saamaan

Sàmba gilaa jeégilèe

Ku am nag du yàppu mus

Sàmba gilaa jeégillée

Nag du màtt mbaam du daan

Bëy du day ne gillèem saar

Xam naa ku ma fayul njoow

Dinaa la lawti lawtee

Xam naa ku ma lebum njoow

Xam naa fa may jaar ba siiw

LA RECOLTE

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Djandjoli ! Birame Pathé !

Djanjoli ! Les génies te connaissent

Djandjoli a enfourché Djandjoli

Mame Coumba est sur son lit 19(*)

Ali a enfourché Sarriane

Père, tu ne m'a rien appris

J'ai grandi et j'ai vaincu

Quand j'ai pu transporter mon daba

J'ai pris le chemin des champs, j'étais encore enfant

Oh Samba Guéla-Diégui

Lorsqu'il y a peu de places autour du bol, les enfants pleurent

Oh Samba Guéla-Diégui

Une couleuvre ne mord jamais un crotale

Samba Guéla-Diéguilé

Qui détient un boeuf n'a pas besoin de viande de chat

Samba Guéla-Diégulé

Le boeuf ne mord pas, l'âne ne cogne pas

La chèvre n'égalera jamais par la taille le chameau

Qui ne me paiera pas le service rendu

Je le vilipenderai

Si quelqu'un m'emprunte mes services

Je sais quoi faire pour triompher.

CEMB (Ballet)

Chant populaire

Les épis de mil sont arrachés, mis en fagots et suffisamment séchés au soleil. Il faut les

amenuiser pour faciliter le travail des femmes. Avec des instruments rudimentaires, nos cultivateurs se mettent au travail. Et au rythme du « Yembeul » (danse populaire) la fatigue ne se fait pas sentir.

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Naa Nangoo Kujumlèen ko nango mbèri

Baay gòor gi baay sëriñ daara jàmm nga yendu

Baay gòor gi indil gurò gi baa duñu mokkal

Baay gòor gi sa laaxum ngoon bi jox ko say gone

Booy dem sa ngoro yòbbu ma ma lay woyal

Yaa ràbbi sindini xaay raati

Xaay raati lañuy demee kariyeer xaay raati

Baay gòor gi sa njamalaan bi paftan la

Paftan la masàmba njamalaan bi paftan la

Jamm naa la jal jiitoodiir naa la

Xoymet bu tas Baol lakk Barga

Buruxlu njaar ndeem tasaaree guy jama

Lakk barga buruxlu njaar ndeem

Ginaar ya naan kéeg

Ku ma ci doxaanò nga bañ

So ñibbee sa yaay ni la

Boppu lal ku ci toog bu yëngëtoo booba yaa ko tay

LE BATTAGE

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Qu'il accepte, tranchez le Nango Mbéri 20(*)

Père, père, maître du daara comment vas-tu ?

Père, apporte la récompense sinon on ne va pas travailler

Père, ton bouillon du soir, donne - le à tes enfants

Si tu vas à tes fiançailles amène-moi, je chanterai pour toi

Seigneur, par votre grâce, accordez la prospérité

C'est avec gaieté que nous allons à la carrière

Père, ton tambour est fait d'une vessie d'animal

Le tambour de Massamba est fait d'une vessie d'anima

Je l'atteins, je me mets devant, je te vise.

Tel une foudre qui disperse le Baol, brûle le Barga

Traverse Ndiar Ndème, ravage Gouye Diama

Brûle le Barga, traverse Ndiar Ndème

Les poulets s'égosillent (caquettent)

Qui refusera que je la courtise

A son retour chez elle

Sa mère l'accusera à la moindre occasion.

JARANAA (Ballet)

Chant populaire

Les moissons sont terminées. Les cultivateurs ont déjà vendu leurs récoltes. La culture a été florissante. On s'adonne aux cérémonies et fêtes. C'est aussi l'occasion de se glorifier.

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Kolkolee man kollaatu naa

Yaay bòoy man kollatu naa

Jaranaa mbay jaraatin naa

Yaay bòoy man jaraatu naa

Jàllu xaay been rèeru maa

Ami Gëy dem na jàllu xaay

Duggal saxaar wàcc nginginèew

Siyaare bameelu aadama

Sàmba aysaa nga la? caa xaay

Limaale Njaay ng ca riirum gèej

Limaale njaay limako yèene woon

Fukki bukki njuur fukki gayndè ak juròom

SOIS GLORIFIE

Pour être aux anges, moi je suis aux anges

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Maman chérie, je suis aux anges

Je suis convoité Mbaye ! je suis convoité

Maman chérie, je suis convoité

Aucune contrée ne m'est étrangère

Ami Guèye est allée à l'aventure

Prends le train et descends à Guinguinéo

Fais le pélerinage sur la tombe de Adama21(*)

Samba Aïssa est restée à Diakhaye

Limalé Ndiaye est sur les bords de l'océan

Ce que je souhaite à Limalé Ndiaye

Une dizaine d'hyènes et une dizaine de lions

Maïmouna Kane, la préférée de Ndiougou Sène

Elle cuisine avec des habits de valeur.

WO?? (Scène folklorique) Chant populaire

A la veille de la circoncision, les candidats manifestent leur courage par des chants et danses. C'est un triple ballet (Ndiam - Mbande - Won?) qui fait revivre deux cérémonies initiatiques : le tatouage chez la jeune fille, la circoncision chez le garçon et les troubadours sont là pour les encourager.

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Wo??alee Saala Ndeer mettinaa

Njaw boy na lèeg nga dalootee Wo??alee

Wo??alee Saala Ndeer tànganaa

Bu sa deret tuuroo lèeg ñu kawoo la tànganaa

Saala dafa metti Saala jurul doom Wo??alee

Wo??alee Saala Ndeer mettinaa

Njaw boy na lèeg nga dalootee Wo??alee

May leen matuuti

Ci suba ba lèegi yèen la ngi woy ak tagg

Sunuy maam kon nag xam ngèen sunu

Oto raay doom dër sax duñu taxa daw

Kon nag mane : « Xëy doga noppale  doo»

laax doo fàttee xorom xëy doganoppale »

Mbëñig ma ca ndimb baraag ya ca gede

Mbañ paate merina jòob dille kumba jombas

Dille fatim caam baay yàdd maxureja

Aale anta kase ak manjaay

Masàmba dameel manjaay caam

Bilaay duma daw saala ndeer :

« Gile pàng mbay saal ndeer deret xasaw na ma »

May May lèen ma tutti ma ñew : « negam sama rakk yi nga

xamne ño topp sama gannaaw ñoo xas fi ne duñu

Daw sakkaa man miy ndey mbill gi

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LA CIRCONCISION

Résiste, Sala Nder22(*), c'est dur

L'épreuve a débuté, tu vas porter un nouveau boubou, résiste

Résiste, Sala Nder, c'est chaud

Quand ton sang se versera, on va te disputer, c'est chaud

Sala, c'est dur, Sala n'a pas d'enfant, Résiste

Tiens bon, Sala Nder, c'est dur

L'épreuve a débuté, tu vas porter un nouvel habit, tiens bon

Permettez-moi un peu :

« Depuis ce matin vous êtes en train de chanter les éloges de nos

Ancêtres. Donc, on ne reculera pas, même si le train

Nous passait dessus. »

C'est pourquoi je dis : «il y'a moins de peine à se préparer tôt. On n'oublie pas les détails. »

Mbagnick de Ndime, les barak de Guédé

Mbagne Phaté Mérina Diop, Dillé Koumba Diombasse

Dillé Fatim Thiam, Baye Yade Makourédja

Allé Anta Kassé et Mandiaye

Massamba Damel Mandiaye Thiam

Au nom d'Allah je ne fus pas Sala Nder

« Quelle désinvolture, Sala Nder, je sens l'odeur du sang »

Permettez-moi un peu que je prenne la parole : « Mes frères cadets ont juré

Ici de ne pas fuir, donc moi le principal concerné je ne serai pas en reste ».

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Ca suba ba léegi yeen a ngi woy ak maye

Seen alal kon waar ngeen na zam man

Suma balu fetal doon dal sax duma daw moo tax

Mane : «Xaara laay feelu magum rambaaj lumu

Fekkee cala xaara laa feelu »

- Saala ndeeroo

- Bësël

- Buma ko jappee

- Bësël

- Damatt ko ne matt

- Bësël

- Rukku ko ne laalo

- Bësël

- Wal ko ne njànje

- Bësël

- Saala maa ko ñeme

- Bësël

- Kenn du ma xëy dog

- Bësël

- Fommu ko wèy na

- Bësël

- Saal maako ñeme

- Kenn du la xëy dog saala yaako ñeme

Magum kër ñëw na. Ma ne ca suba ba lèegi

Yéen a ngi tëgg di woy lèegi nak njong mee

Ñufi indi jant bi dem na nañ ci jublu

Ndaw Kumba ndaw Mbay fiide sèngi Màkka leèg nga tooy

Ndaw Kumba ndaw Mbay fiide sèngi Maam la leèg nga tooy

Ndaw Kumba ndaw Mbay fiide sèngi Màkka leèg nga tooy

Depuis ce matin, vous êtes en train de chanter et d'offrir de votre fortune.

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Donc vous devez savoir que même un coup de fusil ne me fera pas fuir. C'est pourquoi Je dis : « Je donne main-forte à Khara,

un aguerri a toujours son mot à dire, je donne main forte à Khara ».

- Sala Nder

- Encore

- Ne m'en eut pas

- Encore

- Je le casse comme du bois sec

- Encore

- Je le pétris comme du lubrifiant

- Encore

- Je le mouds comme du mil

- Encore

- J'ai pas peur de Sala Nder

- Encore

- On ne me circoncit pas de bon matin

- Encore

- On ne peut plus y renoncer

- Encore

- J'ai pas peur de Sala Nder

- On ne te circoncit pas de bon matin. Tu n'as pas peur de Sala Nder

L'aîné de la famille est là,il dit : « depuis ce matin

Vous êtes en train de jouer le tam-tam et de chanter. Maintenant

C'est la circoncision qui nous amène ici. Il fait nuit, allons-y »

Ndaw Coumba Ndaw Mbaye là-bas c'est les arbres de Maka, tu vas te mouiller

Ndaw Coumba Ndaw Mbaye là-bas c'est les arbres de nos ancêtres,

tu vas te mouiller

Ndaw Coumba Ndaw Mbaye là-bas c'est les arbres de Maka, tu vas te

mouiller

MAADEMBA JÒOB

Maademba Jòob gaynaako sele Mbòoj

Kooku njaxat sama waajaa ngi jàppal kooku

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Man bismilaay ma dalee fi sama waar wi

Ndax buur yàlla gi barkeel waar wi

Mbay doole laa ak coono ak ñeme coono

Mane liggèey leen ñeme tool yi

Man maa ngi jèem liggèey filee ak ñeme coono

Buur Yàlla gee fay ma coono

Maademba jòob gaynaako sele Mbòoj

Kooku njaxat sama waajaa ngi jàppal kooku

MADEMBA DIOP

Celui-là, Ndiakhate ! Voici mon pote, compte sur lui

Par le nom de Dieu, je débute par mon lopin de terre

Pour que Dieu rende prospère ce lopin

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Cultiver c'est la force, de la peine et du courage

Travaillez et ne craignez pas les champs

Moi, je tente de travailler ici et de ne pas craindre le labeur

Pour que Dieu récompense mes efforts

Mademba Diop, oh le vieux Cellé Mbodji

Celui-là, Voici mon pote, compte sur lui .

TËGG CAAM (Choeur)

Chant populaire

Il appartient aux chants de corporation. C'est le forgeron qui est dans son atelier et exalte son action. Il encourage en même temps tous les gens qui font parti de ce corps de métier.

Jàmbaar nga momar caam ca mbaar ma

Waaw gòor momar caam ca mbaar ma

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Jambaar nga momar caam ca mbaar ma

Waaw gòor momar caam jambar nga

Uppël ko uppël taal bi naaj na

Caam baylo buuru mbaar naaj na

Cayal ma cayal ma daggal ma

Ngòone caam gëddël taal bi naaj na

Uppël nabi isaa caam uppël

Ma uppu fíi mbay caam mu may ma bëy

Uppël naa la ren ak daaw musòo ma fay

Uppël naa la momar caam ci mbaar mi

Mani mbir mi dama neex ne diine

Jambaar nga momar caam ca mbaar ma

Waaw gòor momar caam ca mbaar ma

Kuy jàng da ngay muñ te farlu

Te nga jèem a jubal toog ca mbaar ma

Kon Caam uppël te nga gòor gòorlu

THIAM, LE FORGERON

Momar Thiam, tu es vaillant dans la forge

Bravo Momar Thiam dans la forge

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Momar Thiam, tu es vaillant dans la forge

Bravo Momar Thiam, tu es vaillant

Attise pour lui, attise le feu, il est déjà tard

Thiam baylo, maître de la forge, il est déjà tard

Sertis pour moi, sertis pour moi, cisèle pour moi

Ngoné Thiam attise le feu, il est déjà tard

Attise, Nabi Issa Thiam, attise

Mbaye Thiam, j'attise là et il me récompense

J'ai attisé pour toi cette année et l'année dernière, tu ne m'as jamais payé

J'ai attisé pour toi, Momar Thiam, dans la forge

La chose me plaît comme une religion

Momar Thiam, tu es vaillant dans la forge

Bravo Momar Thiam dans la forge

Un apprenti doit être endurant et alerte

Et adopter une bonne conduite tout en restant à l'atelier

Donc, Thiam, attise et persévère

Tu auras une forge à toi.

NGORKÀAN (Ballet)

Comme le précédent chant, Celui là il appartient aussi au corps de métiers : les bûcherons. toujours l'auto éloge et l'exaltation au travail les "Laobés" ne sont pas essentiellement des destructeurs de forêt. Nous leur devons d'avoir des pirogues, des outils de travail etc. Ce sont d'honnêtes artisans et aussi des artistes

Sama sèmmiñ doom baay ka ma go dàggil naxu ma

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10

15

20

25

Baay laatiir jòob jàmbar jaa nga des ca xare

Baay laatiir jòob moom ku mu dàggil naxu la

Bàce sàmba coro njaay

Càmmiñal maada njaay

Doole ngi ci yax joma nga ci sëbbëriit

Bàcc sàmba coro njaay

Jam ko ci jam njaay

Jam penda waada njaay

Càmmiñal maada njaay

Mburtum kor Borso

Camp ci meew mi naane ko ci mbaanig mi

Dëmm ray la jaale la maabo xañ la jiin la

Sam xel dem gèej

Naar yaa nga naan maadum atta faal

Tubaab yaa nga naan mersi, mersi faal

Sèerèer saa nga naan waasa, waasa faal

Tàkkusannu Ndòoyéen yoor-yooru Ndòoyèen

Diggu bëccëgi mbaar mee gaynaako faal

Ndoongo su gennée xiif

Dem lèen ci njòoba jóob njòoba jòob kay baax na lool

Boroom jaal su màttee jikkò jaa ko xiir waye du maninam

Gaana Sàmba gaana Sàmba gaana Sàmba

Gaana Sàmba neena kuko dàqa jukki mu dàq la yoor

5

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LE BUCHERON

Frère ! Celui qui a aiguisé ma hache ne m'a pas trompé

Baye Latir Diop22(*), le vaillant est resté aux champs de bataille

Baye Latir Diop ne trompe pas ses clients

Bathie Samba Thioro Ndiaye

Le frère de Mada Ndiaye

La force est dans les reins, le courage dans les tribes

Bathie Thioro Samba Ndiaye

Tu l'auras par jam Ndiaye

Jam Penda Wada Ndiaye

Le frère de Mada Ndiaye

Mbourtoum23(*), le fiancé de Bourso

Traite du lait frais et boire du lait caillé écrémé

Le démon te tue et pleure avec toi ;

Le griot confisque tes biens et te chante

Tu penses à la mort

Aux maures d'apprécier : "c'est bien fait ! Fall"

Aux blancs d'apprécier : "merci, merci Fall"

Aux sérères d'apprécier : « faaxa faax faal24(*) »

Un crépuscule à Ndoyène, la matinée à Ndoyène

La mi-journée dans l'atelier, bravo ! Fall

Lorsque le disciple a faim :

« Allez voir Ndioba Diop, à vrai dire elle est très généreuse »

Si l'édenté mord, ce n'est pas dans ses possiblités mais c'est sa nature

Samba le lépreux, Samba le lépreux, Samba le lépreux

Samba le lépreux a dit que si tu tires la corde mieux que lui,

Tu ne L'égaleras pas pour le mettre dans le puits

5

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PÒOTAAN (Ballet)

La propreté est une notion clé, comme elles vont aux champs pour aider les hommes, nos femmes vont aussi aux marigots, aux mares et aux forages pour laver le linge. Elles chantent leur joie. (l'air populaire les paroles sont de Masse DIOP)

Aylèen ñu fòot jot gi dafa yombul doom yaay ay ñu fòot

Ngir bu jant rasoo ku nekk daal man dem taali reeree

Ñu jòg ca teel dem ca walandoo wa doom yaay teg ci fòót

Daal di bale teg ca balaa guddee ngay dem taali reeree

Na pòot mi set sër yi mën a sell doom yaay ay waleen

Loolu waru gar la jiggèen a ka war a fètewòo ci rèewee

Li ko dalee Siin ba Jàmminaar

Ku ci biir ñune yaw Baaba Saar

Baaba Saar Coono warna la

S aabu jar na njëgam

Guppale ma guppale ma yòbbu

Saabu ñaari jaam

Kuy fòot dangay fete kuy fòot dangay fete

Dangay fete, dangay fete

Sikkël ba ca kokki jagal ba ca njaañ

Rèex dèjj ba ca kolobaan

Yaroo baax, yaroo baax, yaroo baax

Soo yaroo macc tàngal yëy sa guney ngaay

Sàmmalè ma sàmmale ma

Bu sa baay dikkee sàmmale ma

Bul dem bàyy ma yòbbaale ma may walal sa yaay

LA LESSIVE

5

10

15

20

Allons à la lessive c'est le temps qui manque le plus, ma soeur lessivons

Pour qu'au crépuscule, chacune puisse partir préparer le dîner

Levons-nous tôt et allons au pilage ma soeur et après lessivons
Puis balayons avant qu'il ne fasse nuit on va préparer le dîner

Que la lessive soit propre pour que le linge puisse être pur,

ma soeur, allons

Ceci est un devoir, c'est le lot de la femme dans un pays

De Sine à Diambinar

Si quelqu'un tombe enceinte on désigne Baba Sarr

Baba Sarr tu dois être fatigué

Le savon vaut vraiment son prix

Linge-moi mes habits

Le savon vaut deux esclaves

Celui qui lessive il frotte, celui qui lessive il frotte

Il frotte, il frotte

La critique à Koki les louanges à Ndiagne

La posture impassible que l'on trouve à Colobane

Seule la discipline est essentielle

Si tu es discipliné, tu suceras tes bonbons tranquillement

Pense à moi, pense à moi

Si ton père revient, pense à moi

Ne me quitte pas, amène moi avec toi c'est moi qui mouds pour ta mère

WALÀAN (Ballet)

La composition est de Ciré GUEYE et de Masse DIOP Les hommes ayant terminé avec le mil, c'est au tour des femmes de le transformer et de le préparer pour la consommation, tout se passe dans une atmosphère de joie.

Bismilaay wal jot na doom yaay ñeme leen ko

Kuci tàyyel des jekki baa nga walandoo

5

10

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25

Fab leen seen kuur yi na ngeen farlu ci ngëlyi

Su maasee xel yépp dellu ci reer

Buleen tàyyi buleen bàyyi àddunaa coono neen la

Su goor sonne jiggèen itam dafa wara sonn

Ku may dëbblr war na teela ñew yaay

Ku may dëbble war na teela ñëw bala may teesale yaay

Ku ma njëkkni laay nëw dinna la may loo xottee bolog yaay

Toolu baay dembaa neexa foree ndèef

For wurus for xaalis foraale fa doom

Yaay booy jàppal ma sab sëta ngook

Man mënuma jàpp sët bu amul baay

Yay jàppal su yàggee njariñ feeñ

Ni rekk lañ koy deffee nimu yombee

Xiita bann, xiita bann, xiita bann

Arawal njaay arawal njaay

Yaaw mën nga mooño gërëm nga yalla

Saa sëtbee sëtub Ndumbee

Mbañ koddu yaasin jaal

Bibaasi masse sukoo basee sa sere neexna

Arawal njaay arawal njaay

Yaw mën nga mooñee gërëm nga yalla

Bismilay nañ dello domm yaay jant dem na

Yàlla na leen yàlla fèexël te may leen jàmm

LA PILEUSE

Par le nom de Dieu, c'est l'heure du pilage, mes soeurs, allez-y

Les paresseuses doivent trouver une solution ou y aller avec le groupe

Prenez vos pilons et veillez sur la dépense quotidienne

5

10

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20

25

Au crépuscule tout le monde va penser au dîner

Ne soyez pas paresseuse, ne désistez pas, vivre c'est peiner

Celle qui m'aide à piler doit venir tôt

Celle qui m'aide à piler doit venir tôt avant que je termine

Celle qui s'interroge la première et viens à mon aide, je lui donnerai un esclave

Celle qui s'interroge la première et viens à mon aide, je le donne de quoi acheter un habit

Il est agréable de chercher du bois de chauffe au champ de Baye Demba

On ramasse de l'or, de l'argent et un nourrisson

Mère, élève-le voilà ton petit-fils

Je ne peux pas élever un enfant sans père

Mère, élève, à la longue ça va payer

Voilà comment on s'y prend c'est très simple

Pan ! pan ! pan !

Fais des grains, fais des grains

Toi, tu sais préparer le couscous remercies en Dieu

Mon petit-fils est celui de Ndoumbé

Mbagne codou yacine Dial

Ce couscous nul autre peut l'égaler, ton couscous est délicieux

Fais des grains, fais des grains

Toi tu sais préparer le couscous remercies en Dieu

Par le nom de Dieu, retournons c'est le crépuscule

Que Dieu vous libère et vous offre la paix

LAAY SUMA LAAY (choeur) chant Populaire

5

10

15

20

25

Les deux chants sont d'inspiration populaire. C'est la fiancée qui chante son amour (Laye) parti pour la saison des pluies et n'est pas revenu.

Laay suma Laayee cam gore

Ndaysaan

Suma nelee laay Laay neema illalaa

Aram Ndeela Waree Mbaay

Neel Majoojo Dègèn Fall

Aram ndeela woree mbaay

Tukkël sèenëtinay naar lèegi jàmmi boroom jeex

Aram Ndeela Waree Mbaay

Xel ma dellu na gànnaar

Aram ndeela woree mbaay

Tette suma teete mbaay tette leen ma damay raam

Aram ndeela woree mbaay

Tette ndaw ca bamoy door

Aram ndeela woree mbaay

Neel majoojo dègèn fall

Aram Ndeela Waree Mbaay

Alaay sama laay laay sama laayoo

Suma nela laay nema illaalaa

Taaw daf maa digi ree ma dig ko saay ree taaw

Suma jëkkee ree àjjana day riir

Laayal sama laayoo laay sam

Suma nela laayoo neema illaala

Laayal suma laay laay suma laayoo

Suma nela laay nee ma illaalaa

Taaw daf maa digi ree ma dig ko saay ree taaw

Suma jëkkee ree àjjana day riir

5

10

15

20

25

LAYE MON AMOUR

Laye mon amour

Hélas ! 25(*)

Si je te dis : "Allah Illaha" dis-moi "Illah Allah"

Arame Ndella Waré Mbaye

Dis "Madiodio Déguène Fall"

Arame Ndella Waré Mbaye

La chameau a encore vu un maure, son maître, il va bientôt perdre sa paix, sa sérénité

Arame Ndella Waré Mbaye

Il se souvient de la Mauritanie

Arame Ndella Waré Mbaye

Guide, Mbaye mon guide soutenez-moi, je suis en âge d'apprentissage

Arame Ndella Waré Mbaye

Il faut aider le jeune à ses débuts

Arame Ndella Waré Mbaye

Dis "Madiodio Déguène Fall"

Arame Ndella Waré Mbaye

Laye mon amour, Laye mon amour

Si je te dis : "Allah" dis-moi "Illah Allah"

L'aîné m'a promis le bonheur, je le lui ai promis aussi

Si ma promesse se réalise, je serai folle de joie

Laye mon amour, oh Laye mon amour

Si je te dis : "Allah" dis-moi "Illah Allah"

L'aîné m'a promis le bonheur, je le lui ai promis aussi

Si ma promesse se réalise, je serai folle de joie

30

35

40

45

Laay Laay Laay Laay

Ndeysaan !

Suma nelaa laay laay neema illaalaa

Ne laay laay laay laay laay sama laay

Ndeysaan !

Nit du benn xol du ñaar Yàlla yaatu na

Laay laay laay laay

Ndeysaan !

Suma nelaa laay laay neema illaalaa

Jaaji boroom ndandu saar danki boroom leer

Yaa ma jaral yèeg ba ca kaw ma xalab mbaay

Fekk paaka sa? wiit mu boroos ma ci faar

Man mu dund ak man dee jebbal ma doktoor

Laay laay laay laay

Ndeysaan !

Suma nelaa laay laay neema illaalaa

Dogoo nga ca mbèey saaxewar nga ca laambaay

Dogo faali mawa joor làmbam ya des mbeey

Giite nga ca mbeey yàlla na nga maam

Laay Laay Laay Laay

Ndeysaan !

Suma nelaa laay laay neema illaalaa

30

35

40

45

Laye, Laye, Laye, Laye

Hélas !

Si je te dis « Allah Illaja » dis moi « Illah Allah »

Laye, Laye, Laye, Laye, Laye mon amour

Hélàs !

30 Chacun a un élu mais on n'aime qu'une fois Dieu est grand

Laye, Laye, Laye, Laye

Hélàs !

Si je te dis « Allah Illaja » dis-moi « Illah Allah »

Diadji de Ndandu Sarr, Danki le galant

35 Ton amour vaut de monter très haut et de me jeter

Contre un couteau tranchant qui me transperce les côtes

Vivante ou morte, livre-moi au docteur

Laye, Laye, Laye, Laye

Hélàs !

40 Si je te dis « Allah Illaja » dis moi « Illah Allah »

Dogo est resté Mbèye, Saxéwar à Lambaye

Dogo Fal Mawa Dior, ses tambours sont restés à Mbèye

Guité est à Mbèye, que Dieu te donne longue vie

45 Laye, Laye, Laye, Laye

Hélàs !

Si je te dis « Allah Illaja » dis moi « Illah Allah »

LAAY SUMA LAAY

LAAY SUMA LAAY KAAREMA

Après la diffusion du premier chant, les gens ont crié au blasphème croyant que le "Laye" faisait allusion à "Allah" les artistes ont composé le second chant pour leur signifié leur intention. C'est pourquoi ils insistent et y ajoutent "Kaaremaa" (carrément) pour de bon

5

10

15

Laay suma Laay laayoo ne laay suma

Kaaremaa

Suma nalee laay laay neema illaala

Jaaji boroom ndandu saar Danki boroom

Kaaremaa

Kooku gòoru ayda mbeen riijal ma say ndeer

Laay suma laay laayoo laay suma

Kaaremaa

Suma ne laay laay nee ma illaala

Fa anta jaarunaa wa niix ma jaaru

Kaaremaa

Yaa barru yaa kariimu yaa jàbbaru laay laay

Ñi fiy teree laay laay dañoo xamul

Kaaremaa

Laay la Bàmba deme gèej moom la gènnée gèej

Laayal sama laayoo laay sama

Suma nela laayoo neema illaala

LAYE MON AMOUR CARREMENT

5

10

15

Laye mon amour

Carrément

Si je te dis : "Allah Illaha" dis-moi "Illah Allah"

Diadji de Ndandu Sarr, Danki le galant

Carrément

C'est le frère de Aïda Mbène. Fais résonner les tambours

Laye mon amour

Carrément

Si je te dis : "Allah Illaha" dis-moi "Illah Allah"

Vous êtes mon voisin et vous êtes le plus sûr des voisins

Carrément

Le Charitable, le Généreux, l'Irrésistible 26(*)

Ceux qui m'interdisent "Laye mon amour" ignorent

Carrément

Que c'est avec Allah que Bamba est parti en exil et il est revenu avec lui

Donc chante, Laye mon amour

Si je te dis : "Allah Illaha" dis-moi "Illah Allah"

VII. BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

1. Ouvrages 

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* 1 CISSE Momar, Parole chantée ou psalmodiée wolof : collecte, analyse des procédés argumentatifs de connivence associés aux fonctions discursives de satire et d'éloge, Thèse de doctorat d'Etat,Faculté des lettres et Sciences Humaines, UCAD, 2006

* 2 PERRIN Loïc-Michel, Des représentations du temps en wolof, Thèse de Doctorat de l'Université en Sciences du Langage, UNIVERSITE PARIS 7 - DENIS DIDEROT, UFR Linguistique, Soutenue le 17 mai 2005

* 3 Michel Eyquem de Montaigne (1559-1598) auteur français du XVIème siècle

* 4 Lucien Lévy-Bruhl (1857-1932, sociologue t anthropologue français), La mentalité primitive, Paris, PUF, 1922.

* 5 Le mythe du nègre et de l'Afrique noire dans la littérature française de 1800 à la deuxième guerre mondiale, Paris, Klincksieck ,1968.

* 6 Pierre Loti, Le roman d'un spahi, Paris, Calmann-Lévy, 1949.

* 7 Maurice Genevoix, Fatou Cissé, Paris, Flammarion, 1954.

* 8 Léo Frobenius (1873-1938), ethnologue et archéologue.

* 9 Maurice de la Fosse (1870-1926), Les Nègres, Paris, Rieder, 1927, 80pp.

* 10 Hampaté Bâ (1900- 1991), ethnologue et écrivain malien.

* 11 Aimé Césaire (1913- 2008), poète et homme politique, fondateur du mouvement de la Négritude.

* 12 Ousmane Socé Diop (1911-1973), écrivain et homme politique sénégalais.

* 13 Aminata Traoré, (Dr en économie et en psychologie sociale, ancienne ministre de la culture), Le viol de l'imaginaire, Actes du Sud, Fayard, 2003.

* 14 Cécile Anne-Robert,( journaliste, spécialiste des affaires politiques, membre du comité de rédaction du Monde diplomatique), L'Afrique au secours de L'Occident, Paris, Editions de l'atelier, 2006, préface de Boubacar Boris Diop.

* 15 Inspecteur de la jeunesse, ancien Directeur de cabinet au ministère de la jeunesse.

* 16 Administrateur civil, il était à la retraite lors notre rencontre.

* 17 Agent des postes à la retraite.

* 18 le plaisir de sacler : mbay samba : mbay : cultiver labourer

Le mot samba qui l'accompagne est ici un terme effectif et pas un nom de personne comme souvent. Cela montre tout le plaisir qu'on a dans les champs

* 19 Djandjoli est le maître des génies. Ndoobo = Ndooxo : pour dire l'eau du fleuve

Ali, le genre du prophète et un des compagnons les plus fidèles du Prophète Mouhamed (SAW). Evocation des divinités avant toute action.

* 20 Nango Mbéri : on retrouve dans le texte wolof le même terme. Il n'a pas de signification particulière. Il est là pour harmoniser et donner du rythme à ce vers.

* 21 Adama : Adam de la Bible ici du Coran, le 1er ancêtre.On l'assimile à un prétendant parti en laissant sa fiancée. On remonte dans le temps pour montrer que de tout temps la fiancée délaissée a toujours existé.

* 1 Sala Nder : c'est le nom de celui qui circoncit, par glissement il signifie aussi «  entrer avec ses frères de case dans l'épreuve de circoncision. On retrouve les deux sens dans le texte.

NB : Ce texte est plus mobile que les autres. Les 7 premiers vers et les 3 derniers sont fixes. Mais toutes les séquences intermédiaires peuvent changer selon l'humeur du public qu'on en face et celle des acteurs. Il s'agit ici des interventions de griots de la famille et des garçons qui doivent subir les épreuves. Les griots chantent et rappellentaux garçons leurs origines pour aiguiser leur courage. Eux aussi ils interviennent pour faire un serment (le xas) qui les engagera même au-delà de l'événement

* 22 V.8 jam : un vieux bûcheron imbu de connaissances occultes et des secrets du métier

* 23 V.11 Mburtum : l'apprenti bûcheron

* 24 V.17 Waasa Waasa : Faaxa-faaxa : M erci

* 25 V2 Ndeysaan :hélas traduit une exclamation de pitié avec le point d'exclamation une affectivité à l'endroit de clui à qui on rend une réplique

* 26Des attributs de Dieu :

Yaa Baru : le charitable, la source de la bonté. Il est tolérant et bon envers ses serviteurs et toutes ses créatures

Yaa Kariimu : Le généreux, Il est généreux

Yaa Jabaru : l'Irrésistible, le Contraignant celui qui répare ce qui est gâté, qui complète ce qui est incomplet, qui a l'habilité et la force de faire aux gens ce qu'il veut.






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