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L'émergence d'une culture des droits de l'homme au Cameroun

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par Cyrille APALA MOIFFO
Université de Nantes - Diplôme d'Université de 3è cycle en Droits Fondamentaux 2005
  

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Paragraphe 2 : La contribution à l'amélioration des pratiques respectueuses des droits de l'homme

Trois axes majeurs permettent d'analyser la contribution de la société civile à l'amélioration des pratiques respectueuses de la dignité humaine. Ils s'articulent autour des campagnes d'éducation aux droits de l'homme (A), de l'action des associations en faveur des groupes vulnérables (B) et de la dénonciation des violations des droits de l'homme (C).

A- Les campagnes d'éducation aux droits de l'homme

Les actions de la société civile dans ce cadre participent d'une démarche préventive qui vise à faire que les citoyens de tous bords s'approprient l'esprit des droits de l'homme, les intègrent dans les pratiques quotidiennes, afin de mieux lutter contre leurs violations.

La contribution des ONG ou associations des droits de l'homme (1) et l'action de l'Eglise (2), en tant que composantes de la société civile, nous permettra de mieux cerner l'impact de cette éducation.

1- La contribution des ONG ou associations

Leur action en faveur de l'éducation est assez édifiante. En effet, l'une de leur principale mission est « d'amener les individus et les populations à formuler les problématiques de la vie quotidienne en terme de droits fondamentaux »96(*). L'accomplissement de cette mission passe par la diffusion des textes y relatifs, leur vulgarisation, à travers les conférences, tables rondes, l'organisation des sessions de formation, les colloques ou séminaires, l'assistance juridique aux victimes des violations des droits de l'homme, les supports de publication. C'est par exemple le cas de la publication par l'ONG Nouveaux droits de l'homme (NDH), d'un magazine mensuel sur la paix, la démocratie et le développement sous le titre Libertés News, même si la périodicité mensuelle n'est pas toujours respectée.

A cet égard, on peut citer par exemple le cas de l'Association pour la Promotion des droits de l'homme en Afrique centrale (APDHAC), qui a organisé dans le cadre de ses activités un programme de formation des officiers de la police et de la gendarmerie.

En marge de ses activités d'assistance juridique et légale aux personnes victimes de violations diverses, l'Association camerounaise des femmes juristes (ACAFEJ) organise souvent des sessions de formation et d'information à l'intention des femmes.

Ces associations laïques côtoient dans leur action les mouvements associatifs religieux qui font également de la cause de l'homme dans la société leur cheval de bataille.

2- L'action de l'Eglise

L'Eglise se positionne comme un acteur majeur dans le champ de la promotion et de la protection des droits de l'homme au Cameroun. Elle s'impose comme une autorité morale dont l'opinion et les prises de position sur les questions sociales, politiques et économiques ne manquent pas d'influencer le comportement des gouvernants.

La doctrine de l'Eglise et la philosophie des droits de l'homme se situent sur un terrain commun et c'est à juste titre que l'Eglise prêche la justice, le respect du prochain, la préservation de la dignité humaine et affirme l'égalité de tous les hommes devant Dieu.

Afin de mieux diffuser les enseignements y relatifs l'Eglise catholique, notamment l'Association des Conférences Episcopales de la Région Afrique Centrale (ACERAC) a mis sur pied des « Commissions justice et paix » dans les six pays de la sous région. Ces Commissions sont « des instruments de promotion de la justice, de construction de la paix et de la réalisation du développement intégral des peuples par la défense de la dignité et des droits fondamentaux de la personne humaine »97(*). Elles développent leurs activités dans chaque diocèse dans le cadre des Commissions diocésaines Justice et Paix, et sont relayées dans les paroisses par des Comités, pour une action de proximité auprès des malades, des prisonniers (visites et dons).

En mai 2006, les évêques du Cameroun, à travers la Conférence épiscopale se sont illustrés par une contribution en vue de l'amélioration du processus électoral, afin de garantir des élections libres, démocratiques et transparentes, mais surtout, éliminer les entraves à l'exercice du droit de vote par les citoyens. Tirant les conclusions de l'élection présidentielle du 11 octobre 2004 qu'ils jugent entachée de nombreuses irrégularités (fraudes, inscriptions discriminatoires sur les listes électorales...), ils proposent la création d'un Office national des élections dont la véritable indépendance permettra de prendre en charge tout le processus électoral. Les évêques proposent également le vote d'une loi unique qui régira à la fois l'élection présidentielle, les élections législatives et municipales, tout en proposant à cet effet deux moutures de loi.

En marge des campagnes d'éducation qui concernent l'aspect promotionnel, l'effort de protection mené par la société civile porte aussi sur les groupes défavorisés.

B- L'action en faveur des groupes vulnérables

De nombreuses ONG et associations ont vu le jour avec pour objectifs spécifiques la défense, la protection, l'encadrement des groupes sociaux vulnérables ou des couches sociales défavorisées. Leur action vise essentiellement les enfants (1), les femmes (2), les handicapés (3) ainsi que les personnes âgées (4).

1- Les enfants

Les ONG et associations qui ont l'enfant pour cible de leur action98(*) oeuvrent surtout pour les protéger et les défendre contre les sévices sociaux (travail et exploitation sexuelle des enfants, maltraitances, fugues, délinquance, utilisation des drogues, etc.). Pour ce faire, elles offrent des prestations d'encadrement, d'éducation, de soins, de formation aux petits métiers, de réinsertion dans le milieu familial, de loisirs.

Le Foyer de l'espérance de Yaoundé, la chaîne des foyers Saint Nicodème de Douala, l'Association camerounaise d'aide aux femmes et enfants en détresse (ACFED), sont quelques unes des associations dont l'action est perceptible.

D'autres associations portent leur attention sur les femmes.

2- Les femmes

Les associations qui oeuvrent pour la protection et la promotion de la femme mènent des activités de terrain qui portent sur la conscientisation de l'opinion au sujet des violences faites aux femmes99(*), et sur l'assistance100(*) directe aux femmes victimes ou non.

Celles qui s'illustrent dans ce champ sont à titre d'exemple l'Association Camerounaise des femmes juristes (ACAFEJ), l'Association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF), l'Association camerounaise pour le bien être familial (CAMNAFAW).

En raison de leur fragilité et de la considération sociale qui leur est réservée, les handicapés recueillent aussi l'intérêt de certaines ONG.

3- Les personnes handicapées

Les plus représentatives des associations et oeuvres sociales qui opèrent en faveur des personnes handicapées101(*) sont l'Ecole spécialisée pour enfants déficients auditifs (ESEDA) à Yaoundé, le Centre de rééducation des enfants sourds et d'action sociale (CRESAS) à Garoua, le Centre d'écoute et de réhabilitation des sourds muets (CERSOM) à Bafoussam, le « SETA handicapped training center » à Mbengwi (Bamenda).

L'action de ces structures couvre les domaines de la scolarisation, de l'insertion socio-professionnelle, de la prise en charge sociale et médicale des personnes handicapées. Mais, la précarité qui caractérise la condition des personnes du troisième âge ne laisse pas la société civile indifférente.

4- Les personnes âgées

La protection des personnes âgées ne fait malheureusement pas courir les ONG et associations qui préfèrent orienter leurs actions vers des champs plus porteurs. Néanmoins, on note la présence active de la maison BETHANIE VIACAM, qui agit dans le cadre de l'action chrétienne. Elle est une oeuvre missionnaire qui dispose de locaux (limités) pour héberger les personnes âgées abandonnées par leurs familles et leur assurer un minimum de soins médicaux.

En dépit des mesures prises par l'Etat pour promouvoir et protéger ces couches vulnérables102(*), le rôle joué par les associations est plus significatif, permanent et plus visible sur le terrain. Malheureusement, leur champ d'action géographique est très limité car, la plupart d'entre elles exercent dans les grands centres urbains103(*) (Yaoundé, Douala, Bamenda), au détriment des villes secondaires où les besoins sont tout aussi urgents.

En marge de ces actions qui touchent directement les personnes cibles, les ONG du secteur des droits de l'homme n'hésitent pas à fustiger quand il le faut, les dérives des pouvoirs publics et des individus.

C- Les dénonciations des atteintes à la dignité humaine

Il s'agit pour les associations de défense des droits de l'homme d' « un devoir de parole et de dénonciation » qui consiste à interpeller les gouvernants sur les violations graves commises par les agents publics (fonctionnaires, forces de police, gendarmerie...). Leur action dans ce sens s'exerce par le canal des revues ou bulletins et des rapports périodiques qu'elles publient, dans lesquels elles mettent en lumière les atteintes quotidiennes aux droits des citoyens et préconisent des mesures visant à empêcher la répétition des actes incriminés.

De ce point de vue, on peut considérer que la dénonciation des atteintes aux droits et libertés fondamentaux des individus, aussi bien au plan vertical qu'horizontal104(*), revêt une dimension prophylactique. De façon générale, les militants des droits de l'homme utilisent les média privés comme alliés dans la stratégie de dénonciation des atteintes aux droits de l'homme.

Ce fut le cas lorsque le « Commandement opérationnel » a été mis en place à Douala dans le cadre de la lutte contre la criminalité et le grand banditisme. En effet, à la suite de nombreux abus et dérives des forces de police et de gendarmerie sur des individus et face au silence des autorités, les militants des droits de l'homme105(*) se sont fortement mobilisés pour décrier la situation. Le gouvernement a ainsi été amené à sortir de son mutisme pour éclairer l'opinion, ordonner l'ouverture d'une enquête sur les faits allégués, sanctionner les personnes mises en cause106(*) et mettre fin à ce « régime spécial » auquel était soumis la ville de Douala.

Au regard de ce qui précède, l'analyse des actions de la société civile à travers les ONG et associations de défense des droits de l'homme fait ressortir des indicateurs permettant d'entrevoir les avancées dans le domaine de l'imprégnation des camerounais à la culture des droits de l'homme. En réalité, l'un des acquis important que les militants des droits de l'homme ont contribué à mettre en place concerne le changement des mentalités. Ainsi, certaines pratiques jusque là considérées comme normales ont été dénoncées et délégitimées.

Aujourd'hui, aucun représentant de l'Etat, quelle que soit l'étendue de ses pouvoirs, ne peut se livrer à des actions contraires à l'éthique de la dignité humaine sans soulever de vives protestations de l'opinion nationale et entraîner la réaction (bien que souvent tardive) des autorités publiques en terme de sanctions administratives et de poursuites pénales107(*). Aussi, le Président BIYA ne manque t-il pas de le souligner dans son discours à la nation du 31 décembre 1999, lorsqu'il dit qu' « On doit se féliciter que la défense des droits de l'homme soit devenue une dimension essentielle de la société politique de notre temps. Aujourd'hui, personne ne peut rester indifférent devant leurs violations, où qu'elles se produisent, et ceux qui s'en rendent coupables s'engagent et s'exposent à devoir rendre des comptes ».

Les éléments précédemment développés montrent que la culture universelle des droits de l'homme est de plus en plus une réalité au Cameroun, et ceci, depuis bientôt une vingtaine d'années. Si les bases de cette émergence sont à mettre à l'actif des pouvoirs publics c'est-à-dire des organes de l'Etat (exécutif, législatif et judiciaire), il est évident que le rôle joué par la société civile a été et reste déterminant pour permettre l'exercice concret des droits de l'homme. En fait, autant les prises de position et l'engagement en faveur du respect de ces droits ne font aucun doute, autant leur mise en pratique fait souvent défaut, aussi bien du côté des gouvernants que de celui des gouvernés.

Dès lors, la consolidation de la garantie pratique des droits de l'homme se pose alors comme une exigence pour une jouissance effective par toutes les composantes de la société.

Si les droits de l'homme intègrent progressivement les mentalités et les habitudes des populations, et rencontrent l'adhésion des autorités politiques, on ne peut pour autant pas dire que la pratique consacre l'effectivité et l'efficacité de tout l'arsenal juridique mis en place. En réalité, cette culture naissante du respect de la dignité humaine reste encore à consolider.

* 96 ADOUM (S), MBALA (F), « La contribution de la société civile à la promotion des droits de l'homme en Afrique centrale: Essai d'analyse » ; Cahier africain des droits de l'homme n°8, Dynamiques citoyennes et dignité humaine en Afrique centrale, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2002, pp.253 - 261.

* 97ADOUM (S), MBALA (F), Op. cit, p.242.

* 98 Sur la protection des enfants par les associations, voir MENGUE (M.T), « La resocialisation des enfants en difficulté au Cameroun à l'épreuve de la culture de la rue » in Dynamiques citoyennes et dignité humaine en Afrique centrale, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2002, pp. 29-50.

* 99 Nous pouvons citer entre autres la bastonnade par les époux, les mutilations génitales, les traitements dégradants dans le cadre des rites de veuvage, les mariages précoces des filles impubères, la pratique du lévirat, la dépossession des biens en cas de décès du conjoint, l'exclusion des femmes de la succession, les difficultés d'accès à la propriété foncière, le difficile accès à certaines professions « réservées aux hommes ».

* 100 Il s'agit notamment de l'assistance juridique et judiciaire, l'éducation au planning familial, l'appui au financement des micro-projets, l'éducation de la jeune fille à la sexualité, la formation à certains métiers.

* 101 Voir pour la définition du handicapé, supra, Section 1, paragraphe 2, B, 1.

* 102 Mise en place d'un cadre législatif et règlementaire, création de structures d'encadrement, octroi des aides et subventions diverses.

* 103 PNUD, Annuaire des ONG du Cameroun, Yaoundé, août 1997.

* 104 Les atteintes aux droits de l'homme au plan vertical concernent celles qui sont le fait de l'Etat à travers ses agents. Au plan horizontal, ce sont les violations qui sont causées par les individus entre eux.

* 105 Il s'agit entres autres de Action Chrétienne pour l'abolition de la torture (ACAT - Littoral), Amnesty International, Human rights watch.

* 106 Les atteintes graves aux droits de l'homme dont il est question dans le cadre de l'action du Commandement opérationnel à Douala ont été révélées dans l'affaire des neuf disparus du quartier Bépanda. Il s'agissait de jeunes gens arrêtés par les forces de l'ordre dans le cadre d'une enquête policière, dont on n'a plus eu de nouvelles depuis lors.

* 107 A cet égard, des peines privatives de liberté à temps et à vie ont été prononcées, au terme des procédures judiciaires, à l'encontre des agents de la police et de la gendarmerie convaincus de mauvais traitements ou d'homicides sur la personne des individus poursuivis, arrêtés ou détenus. Sur la question, voir OLINGA (A.D), « les défis de l'émergence d'une culture des droits de l'homme dans les sociétés d'Afrique centrale », op. cit, p 294 et 295.

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