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La prévention des conflits dans la dynamique de l'intégration sous-régionale en Afrique centrale

( Télécharger le fichier original )
par Abel Hubert MBACK WARA
Université de Yaoundé II-Soa - DEA/Master II en Science Politique  2006
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE YAOUNDE II - SOA

THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II - SOA

FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

 

FACULTY OF LAW

AND POLITICAL SCIENCE

ECOLE DOCTORALE DISCIPLINAIRE DE SCIENCE POLITIQUE, RELATIONS INTERNATIONALES ET COMMUNICATIONS

UNITE DE FORMATION DEA

 

DISCIPLINARY POSTGRADUATE SCHOOL OF POLITICAL SCIENCE, INTERNATIONAL RELATIONS AND COMMUNICATIONS

DEA TRAINING UNIT

LA PREVENTION DES CONFLITS

DANS LA DYNAMIQUE DE L'INTEGRATION SOUS-REGIONALE EN AFRIQUE CENTRALE

Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention du DEA/Master II en Science Politique

A dissertation submitted in fulfilment of the class requirements for the award of DEA/Master II in political science

Par:

By:

Abel Hubert MBACK WARA

Sous la direction de :

Supervised by:

Fabien NKOT Ph.D.

Chargé de cours

Année Académique 2006 - 2007

« La promotion de la paix et d'un développement équitable exige non seulement des institutions efficaces mais aussi une plus grande compréhension et un plus grand respect des différences à l'intérieur et à l'extérieur des frontières. »

Commission Carnegie sur la Prévention des Conflits Meurtriers (1997) La prévention des conflits meurtriers : Résumé du rapport final, Carnegie Corporation, New York, x.

DEDICACE

A mes enfants

Rick Stève Moïse Messomo Mback et

Raphaël Marie Casimir Nkeng Mback.

Puisse cette oeuvre susciter et entretenir en eux

l'amour de la science et la passion des lettres

REMERCIEMENTS

En prélude à notre ouvrage nous souhaitons rendre un hommage à toutes les personnes qui d'une façon ou d'une autre ont contribué à la réalisation de cet oeuvre exaltante.

Tout d'abord, nous voulons exprimer notre profonde gratitude à monsieur Fabien Nkot, dont la perspicacité, la profondeur d'esprit et la finesse de l'analyse ont savamment éludés nos hésitations et fermement guidés nos pas.

A Michel Kounou Ph.D dont la disponibilité et la pertinence des remarques ont efficacement concouru à conforter la qualité de notre analyse.

A tous les autres Enseignants du Département de Science Politique, pour leur bienveillant encadrement et leur disponibilité.

A notre mère Akong Mback Agathe Epouse Wara, notre véritable refuge, pour tous les sacrifices qu'elle a consenti et pour l'affection qu'elle a sans cesse renouvelé à notre égard.

A notre père, Wara Sanga Gabriel, dont les paroles encourageantes nous ont donné la force et la volonté suffisante pour aller plus loin et toujours faire mieux.

Plus que je ne puis le dire, ma reconnaissance va à monsieur Abega Théophile, le Maire de la Commune d'Arrondissement de Yaoundé IV, dont la riche expérience politique et l'ouverture d'esprit tout autant que le soutien psychologique et matériel ont été d'un grand apport dans la conclusion heureuse de notre travail.

Et a tous ces amis, camarades et bienfaiteurs que je ne puis citer de façon exhaustive, afin qu'ils trouvent ici le témoignage de mon estime et de ma profonde gratitude

LISTE DES ANNEXES

Cartographie des indices de paix dans le monde ......................................................113

Table de Répartition de l'implication dans les OMP en Afrique entre 1990-2004................114

Cartographie des sous-régions africaines...............................................................115

Cartographie de la CEEAC........................................................................... ...116

Cartographie des conflits en Afrique.................................................................... 117

LISTE DES ACRONYMES

ADF : Allied Democratic Forces

AFDL :  Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo

ALiR : Armée de Libération du Rwanda

ALPC : Armes Légères et de Petit Calibre

ANC:  Armée Nationale Congolaise

APC :  Armée du Peuple Congolais.

APRD : Armée populaire pour la restauration de la démocratie

CCE : Conférence des Chefs d'Etats

CCI : Contribution Communautaire d'Intégration

CDS : Commission de Défense et de Sécurité

CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale

CEMAC : Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale

CEPGL : Communauté Economique des Pays des Grands Lacs

CM : Conseil des Ministres

CNDD-FDD:  Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Forces pour la Défense de la Démocratie

CNR : Conseil National de la Résistance

COPAX : Conseil de Paix et de sécurité de l'Afrique centrale

FAB: Forces Armées Burundaises

FAC :  Forces Armées Congolaises

FDLR : Forces Démocratiques de Libération du Rwanda

FDLR : Forces démocratiques de libération du Rwanda

FDPC : Front démocratique du peuple centrafricain

FDR : Forces de Défense du Rwanda armée nationale rwandaise,

FLC: Front de Libération du Congo

FLN ou FROLINA : Front de Libération Nationale

FOMAC : Force Multinationale de l'Afrique Centrale

FPR: Front Patriotique Rwandais

FUC : Front Uni pour le Changement

LRA : Lord's Resistance Army

MARAC : Mécanisme d'Alerte Rapide en Afrique Centrale

MLCJ : Mouvement des Libérateurs Centrafricains pour la Justice

MPLA : Movimento Popular de Liberação de Angola

MPS : Mouvement Patriotique du Salut

RCA : République Centrafricaine

RCD : Rassemblement Congolais pour la Démocratie

RCD: Rassemblement Congolais pour la Démocratie

RDC : République Démocratique du Congo

RDR : Rassemblement Démocratique pour le Rwanda 

RECAMP : Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix

RFC : Rassemblement des Forces pour le Changement

SIPRI : Stockholm International Peace Research Institute

UDEAC : Union Douanière et Economique des Etats de l'Afrique Centrale

UFD : Union des Forces pour la Démocratie et le développement

UFDR : Union des Forces Démocratiques pour le Rassemblement

UNITA : União Nacional para a Independencia Total de Angola

UNITA : União Nacional para a Independencia Total de Angola

UNRF: Uganda National Rescue Front II

UPC : Union des patriotes congolais

UPDF :  Uganda Peoples Defense Force, armée nationale de l'Ouganda

ZLE : Zone de libre Echange

TABLE DES MATIERES

DEDICACE III

REMERCIEMENTS IV

LISTE DES ANNEXES V

TABLE DES MATIERES IX

INTRODUCTION GENERALE 1

DE LA PROBLEMATIQUE 2

DES HYPOTHESES 5

DE LA METHODE : L'ANALYSE SYSTEMIQUE 5

§ Les inputs 6

§ Le traitement dans la boite Noire 6

§ Les outputs 7

§ Le feedback ou courbe de rétroaction 7

DES CHAMPS D'OBSERVATION ET DES NIVEAUX D'EXPLICATION 10

o Champ d'observation 10

o Niveaux d'explication 11

DES INTERETS ET LIMITES 11

o Intérêts 11

o Limites 12

CHAPITRE I : ETAT DE LA THEORIE ET DES CONCEPTS 15

SECTION A : ECONOMIE DES THEORIES EN PRESENCE 16

Paragraphe 1 : La prévention des conflits en Afrique centrale 16

Paragraphe 2 : L'intégration 20

SECTION B : ANALYSE CRITIQUE DES THEORIES EN PRESENCE 24

Paragraphe 1 : La prévention des Conflits 24

Paragraphe 2 : L'intégration 26

SECTION C : BALISAGE CONCEPTUEL 28

Paragraphe 1 : Le conflit 28

Paragraphe 2 : La prévention des conflits 30

Paragraphe 3 : L'intégration 34

Paragraphe 4 : De la Sécurité vers l'intégration politique 36

CHAPITRE II : PRESENTATION DE L'AFRIQUE CENTRALE CEEAC, CADRE D'ACTION DU SYSTEME DE PREVENTION DES CONFLITS 38

SECTION A : PRESENTATION DE L'AFRIQUE CENTRALE : CADRE D'INTEGRATION ET DE PREVENTION DES CONFLITS. 39

Paragraphe 1 : La CEEAC, cadre d'intégration de l'Afrique centrale 41

Paragraphe 2 : Le COPAX, instrument de la prévention des conflits en Afrique centrale. 43

SECTION B : PRESENTATION SOMMAIRE DES CONFLITS EN AFRIQUE CENTRALE 45

Paragraphe 1 : Le conflit Démo-Congolais à partir de 1998 (De la 2ème Guerre de RDC à la guerre du Kivu) 46

Paragraphe 2 : Le conflit Burundais 53

Paragraphe 3 : Le conflit Angolais 55

Paragraphe 4 : La crise centrafricaine de 1996 à 2003 56

Paragraphe 5 : La rébellion centrafricaine de 2003 à 2008 58

Paragraphe 6 : Le conflit du Pool au Congo 60

Paragraphe 7 : La rébellion Tchadienne 61

Paragraphe 8 : La crise Santoméenne de Juillet 2003 62

SECTION C : ANALYSE DE LA STRUCTURE DES CONFLITS EN AFRIQUE CENTRALE 63

Paragraphe 1 : Les considérations endogènes des conflits en Afrique centrale 64

Paragraphe 2 : Les facteurs exogènes des conflits en Afrique centrale 69

SECTION D : APERCU DES ACTIONS ET INTERVENTIONS DU COPAX 72

Paragraphe 1 : Au plan institutionnel : La mise en place des institutions. 72

Paragraphe 2 : Au plan opérationnel : Les actions menées 74

CHAPITRE III : ENDOSCOPIE DU RENDEMENT INSUFFISANT DE L'INSTRUMENT DE PREVENTION DES CONFLITS 77

SECTION A : EVALUATION DE L'EFFICACITE DU COPAX : UN RENDEMENT ENCORE INSUFFISANT 78

Paragraphe 1 : Evaluation au plan quantitatif 78

Paragraphe 2 : Evaluation au plan qualitatif 79

SECTION B : LES RAISONS DE LA FAIBLESSE DU SYSTEME : ENTRE CAPACITES POTENTIELLES ET ABSENTEISME OPERATIONNEL 81

Paragraphe 1 : Les raisons fournies par l'approche systémique 81

Paragraphe 2 : Les raisons fournies par l'approche stratégique 89

SECTION C : LES CONSEQUENCES DANS LA SOUS-REGION 93

Paragraphe 1 : La persistance de l'insécurité dans la sous-région: Conséquence immédiate de la faiblesse du COPAX 93

Paragraphe 2 : L'évanescence de l'identité sous-régionale: Conséquence indirecte de la faiblesse du COPAX 95

CHAPITRE IV : PERSPECTIVES DE LA RATIONALISATION DU SYSTEME DE PREVENTION DES CONFLITS : POUR UN MEILEUR APPORT SUR LE PROCESSUS D'INTEGRATION 98

SECTION A : LA RATIONALISATION : POUR UN RENFORCEMENT DES CAPACITES DU COPAX 99

Paragraphe 1 : La rationalisation au plan structurel 100

Paragraphe 2 : Au plan géopolitique : l'avènement d'une puissance motrice 103

SECTION B : ANALYSE PROSPECTIVE : LES GAINS ATTENDUS DE LA RATIONALISATION DU COPAX SUR LE PROCESSUS D'INTEGRATION 106

Paragraphe 1 : Au plan sécuritaire : La pacification de toute la sous-région 107

Paragraphe 2 : Au plan économique et fonctionnel : une meilleure gestion des ressources de la sous-région 108

Paragraphe 3 : Au plan culturel : la consolidation de la paix 109

CONCLUSION 111

REFERENCES 117

I/ OUVRAGES 117

II/ ARTICLES 118

III/ RAPPORTS ET AUTRES DOCUMENTS CONSULTÉS 120

IV/ SITES ET MOTEURS DE RECHERCHE CONSULTÉS 121

ANNEXES 122

INTRODUCTION GENERALE

DE LA PROBLEMATIQUE

La fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin ont marqué des mutations dans l'univers des relations internationales. Pour l'Afrique, ces mutations se sont résumées à la perte par le continent de son importance géopolitique pour les grandes puissances. En effet, la fin de la bipolarité a sonné le glas de l'aide et de l'assistance apportées par chacune des puissances idéologiques au Etats Africains afin de leur permettre de résister à la poussée du camp idéologique adverse. Or, les puissances occidentales qui ont cessé de s'affronter en Afrique par africains interposés, n'ont pas jugé utile, du fait que cette Afrique ne leur était plus d'aucun intérêt, d'apporter leur contribution à la résolution des conflits en Afrique. Il en a donc résulté une réduction considérable des implications des puissances occidentales dans la résolution des problèmes de l'Afrique, précisément dans la période allant de 1992 à 1998. Un des terrains particulièrement abandonné ainsi que nous le démontre l'annexe N° 2, a été celui des missions de maintien de la paix et de sécurité en Afrique. Deux facteurs majeurs ont conforté l'occident dans cette position. Premièrement le génocide Rwandais de 1994 dont la survenue est tributaire de la détermination des génocidaires d'en découdre avec leurs concitoyens. Ensuite, l'échec de l'intervention américaine en Somalie en 1996, résultat d'une méconnaissance coupable des moyens et de la détermination de la rébellion de Farah Aïdid, mais surtout de l'application d'une stratégie alignée sur des considérants étrangers à la réalité de la zone en crise. Après ces échecs, les puissances occidentales ont conclu de la nécessité de promouvoir une politique locale de prévention et de gestion des conflits qui tienne compte des réalités socio-économiques et mêmes culturelles du continent et ont envisagé une africanisation des Offices de Maintien de la Paix (OMP) en afrique. Les puissances occidentales ont donc prétexté que la meilleure des façons de garantir le succès des OMP en Afrique est de les confier aux propres africains, ce qui revenait tout simplement à dire que les Africains devaient eux même trouver les solutions à leurs problèmes.

A partir de ce moment, l'essentiel des interventions de l'occident s'est réduit à un appui aux initiatives locales de prévention et de gestion des conflits. C'est ainsi que l'OUA puis l'UA a hérité de la responsabilité de la prévention et de la gestion des conflits sur le continent. En Afrique centrale, c'est la CEEAC qui, sous les auspices du Comité Consultatif Permanent des Nations Unies pour les Questions de sécurité en Afrique Centrale et dans le cadre du Conseil de Paix et de Sécurité en Afrique Centrale (COPAX) est, à partir du 24 Février 2000, responsable de la prévention et de la gestion des conflits.

Originellement confinées à la mission d'intégration économique, les organisations sous-régionales ont progressivement pris en compte le lien étroit existant entre la paix et le développement et se sont en conséquent investies dans les domaines de prévention des conflits et du maintien de la paix (Mutoy Mubiala, 2003 :04). L'Afrique centrale n'est pas restée étrangère à cet ajustement. Il faut dire que cette adaptation, en même temps qu'elle résulte d'un souci de décentralisation des capacités en matière de prévention des conflits, fait suite au constat, au sein de la CEEAC, de la prépondérance de l'apport d'un climat de paix dans le processus d'intégration sous-régionale. En effet, l'objectif originel de la CEEAC est de promouvoir une intégration politique et économique visant à terme l'établissement d'une union douanière et de politiques sectorielles communes. Seulement, il est très vite apparu aux yeux des dirigeants de la CEEAC, ainsi que précisé dans les alinéas (h) et (o) du Préambule du Protocole relatif au COPAX, qu'une intégration véritable n'est pas possible tant que prévaut un climat d'insécurité et de crise et, que l'établissement de mécanismes visant à garantir et à préserver un climat de paix dans la sous-région inciterait et soutiendrait l'intégration sous-régionale. Ropivia (1998: 178) pense même que les problèmes d'instabilité et d'insécurité en Afrique centrale semblent si importants qu'ils convient de se demander s'ils ne constituent pas aujourd'hui l'une des plus graves entraves à l'intégration de la sous-région.

Il faut dire, parlant d'intégration, que le bilan dans cette sous-région reste très mitigé : la Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale (CEMAC) n'est pas compétente pour traiter des problématiques de toute la sous-région Afrique centrale. La Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) qui, dès sa création portait dans sa structure la marque d'un déséquilibre géopolitique au profit du géant zaïrois ne lui a pas survécu. . La CEEAC qui regroupe les deux sous-ensembles que dessus et est l'instance d'intégration de l'Afrique centrale, est restée inactive pendant une trop longue période1(*), et ne donne pas de grande preuves de son activisme. Un autre problème qui se manifeste et qui affecte considérablement la construction identitaire de l'Afrique centrale est celui de savoir quelles sont ses frontières réelles si tant est qu'il est aujourd'hui difficile de délimiter objectivement cette sous-région. Originellement matérialisée par la CEEAC, il apparaît aujourd'hui que, à la faveur de l'inactivité mentionnée plus haut, plusieurs de ses entités (Etats) font scission au profit d'autres sous-régions. Tel est le cas de Sao Tome et Principe aspiré par le Nigeria vers l'Afrique de l'ouest, du Rwanda et du Burundi assimilés à des pays de la sous région orientale, et de la République Démocratique du Congo attirée par l'Afrique du Sud vers la SADEC. Même les Organisations Internationales telles l'Organisation des Nations Unies, l'Union Européenne et l'Union Africaine, perçoivent les limites de cette sous région suivant une cartographie qui ne fait pas l'unanimité. (Ntuda Ebode, 2004 : 38-45).

Au plan sécuritaire, la situation n'est pas plus reluisante car, l'Afrique centrale est traversée par une conflictologie largement au dessus de la moyenne. Entre 1974 et 2002 l'Afrique a connu 29 crises majeures et l'Afrique centrale vient en tête avec 9 crises contre 8 en Afrique de l'Ouest, 7 en Afrique orientale, 4 en Afrique du Nord et 1en Afrique australe2(*). Dans la même veine, les pays de la sous-région restent classés jusqu'en 2008 parmi ceux ayant les indices de paix les moins élevés d'Afrique et même du monde3(*).

De plus, bien que la nécessité et le souci de construction d'une paix durable fassent l'unanimité entre les pays d'Afrique centrale, plusieurs controverses restent perceptibles quant à ce qui est des voies, des moyens et des mécanismes à mettre en oeuvre pour y parvenir. L'on peut ainsi constater, d'une part, la multiplicité et la récurrence des conflits et des situations conflictogènes et belligènes et qui divisent d'avantage les pays de la sous-région et, d'autre part, une diversité de projets (FOMUC, FOMAC) pilotés par des initiatives différentes et concurrentes (CEMAC, CEEAC), poursuivant certes le même objectif mais évoluant dans des logiques différentes et parfois contradictoires.

Au bout de cette observation panoramique, nous arrivons sur un cliché assez désolant. L'Afrique centrale souffre de l'évanescence de son identité ; elle est traversée par une conflictologie pathologique; la problématique de la prévention des conflits est abordée de façon dispersée et le système investi de la gestion de cette problématique ne donne pas de signe de son aptitude à gérer la question.

Or, face à un tel tableau, la question pertinente est celle de savoir si le système intégré de prévention et de gestion des conflits en Afrique centrale peut influencer le processus d'intégration de cette sous région. En effet, sachant que la notion d'intégration s'entend non pas en termes d'état mais plutôt dans une optique processuelle, peut-on penser que la présence et les actions du système de prévention des conflits de l'Afrique Afrique centrale ont eu une incidence en termes d'avancée sur le processus d'intégration sous-régionale ?

DES HYPOTHESES

Comme réponses provisoires aux questions suscitées plus haut nous nous proposons de démontrer, dans un premier temps que le système de prévention des conflits de la CEEAC est plus théorique que pratique et ne peut pas encore influencer positivement le processus d'intégration.

Ensuite nous avons l'intention de démontrer que la persistance de ces conflits est un obstacle au processus d'intégration de la sous-région.

DE LA METHODE : L'ANALYSE SYSTEMIQUE

Le travail portant sur l'étude et l'explication de l'impact d'un système à savoir, le système de prévention des conflits sur son environnement qui est la CEEAC, l'approche systémique telle qu'élaborée par David Easton nous semble, au premier abord, assez pertinente pour parvenir à nos fins.

Dans cette optique, nous posons la conception eastonnienne selon laquelle « un système politique peut être défini comme l'ensemble des interactions par lesquelles les objets de valeurs sont répartis par voie d'autorité dans une société » (Easton, 1974:23). Dans le cadre de cette approche, nous partirons d'une société qui est la sous-région Afrique centrale CEEAC au sein de laquelle évolue un système politique qui est à l'origine des processus de décision qui concernent l'ensemble de la société. Ce système est matérialisé par l'ensemble des organes institutionnels de la CEEAC et, c'est au sein de ce système politique global que ce se trouve le COPAX, système de prévention des conflits objet de notre analyse. Le système de prévention des conflits est structuré par une communauté c'est-à-dire l'ensemble des instances constitutives du COPAX et intervenant dans la prévention des conflits. Cette communauté fonde ses comportements sur des valeurs qui, ici, sont les résolutions, protocoles et déclarations censées orienter les décisions et les actions en matière de prévention des conflits en Afrique centrale. A la tête de la communauté se trouve la Conférence des Chefs d'Etats, autorité collégiale détentrice du pouvoir décisionnel. L'environnement extérieur du système est composé, pour sa part, par les organismes de la société civile, les organisations internationales et non gouvernementales, les partis politiques et les peuples intéressés par la situation sécuritaire de l'Afrique centrale.

Comme les autres systèmes présents dans son entourage, le système de prévention des conflits communique avec son environnement au moyen d'inputs et d'outputs.

§ Les inputs

Les inputs sont constitués par toutes les données qui entrent dans le système. Ces données peuvent provenir de l'environnement ou alors, être des With-input c'est-à-dire être issues de l'initiative du système lui-même. David Easton a réparti les inputs en deux grandes catégories à savoir les demandes et les soutiens.

Les soutiens consistent en tout ce qui contribue à conférer des capacités de décision et d'action au système. Il s'agit concrètement des ressources humaines et matérielles nécessaires au déploiement du système de prévention et de gestion des conflits mises à sa disposition par les Etats, les organisations Internationales, les organisations de la société civile et tous les acteurs qui constituent l'environnement extérieur du système.

Les demandes quant à elles consistent en l'ensemble des attentes, des sollicitations et des besoins en matière de sécurité exprimés par les interlocuteurs du système de prévention des conflits. Elles peuvent aussi être, pour les with-input, le fait du système lui-même qui inscrirait dans son agenda politique des problèmes non soulevés par ses interlocuteurs mais qu'il identifie comme suffisamment importants. Pour l'essentiel, les demandes consistent en des informations sur la nature et l'intensité de toute situation menaçant la sécurité de la sous-région et pouvant aboutir à un conflit. Le gate-keeper chargé de filtrer les demandes c'est le Mécanisme d'Alerte Rapide en Afrique Centrale (MARAC) car c'est cette instance qui est chargée de collecter, d'analyser, transmettre et de classer les informations sur la situation sécuritaire de la sous région4(*).

§ Le traitement dans la boite Noire

Une fois collectées par le MARAC, les informations sur la situation sécuritaire sont mises en forme, classées et transmises à la Commission de Défense et de Sécurité (CDS). Le rôle de la CDS est de se baser sur les informations transmises par le MARAC pour planifier, organiser et donner des conseils aux entités prenant des décisions dans la communauté, en l'occurrence le Conseil des Ministres pour présentation à l'approbation de la Conférence des Chefs d'Etats. Il convient cependant de préciser que lorsque les circonstances l'exigent la CDS, peut transmettre directement ses rapports à la Conférence des Chefs d'Etats. Les décisions et les actions menées sur la base des propositions du CDS constituent les outputs.

§ Les outputs

Considérant, à la suite d'Easton que les outputs sont constitués par  les décisions effectivement prises et les actions par lesquelles elles sont menées, nous rangerons sous cette rubrique tous les Actes, Résolutions, Conventions et Décisions pris par la CCE. Les outputs du système revêtent deux principales formes. Premièrement, ils peuvent consister en des mesures de diplomatie préventive visant à inhiber, auprès des acteurs de premier plan, les causes de conflits dans la sous région et à restaurer un cadre propice à la paix.

Selon les textes statutaires du COPAX, La CCE peut confier une telle mission au Conseil des Ministres ou alors à un comité Ad hoc créé et mis en place par ses soins mais, actuellement, ce volet est géré par la Direction des Actions Politiques et Diplomatiques (DAPD) du COPAX5(*).

Deuxièmement, les décisions de la CCE peuvent viser la prévention par les faits et dans ce cas de figures elles portent, soit sur un déploiement de la FOMAC, soit sur des actions visant à annihiler les causes structurelles de conflits.

§ Le feedback ou courbe de rétroaction

Les décisions et les actions émanant du système se répercutent sur l'environnement qu'elles modifient et dont elles suscitent soit le soutien en terme d'approbation, soit l'insatisfaction manifestée par de nouvelles demandes. La boucle ainsi formée constitue le feedback ou courbe de rétroaction. Ces outputs affectent et influencent l'environnement dans lequel le système de prévention baigne et particulièrement les autres systèmes qui en font partie. Ainsi, les actions efficaces de prévention et de gestion des conflits, parce qu'elles promeuvent la paix, suscitent un cadre propice au développement économique et culturel et, à terme favorisent une plus grande intégration de la sous-région.

De la même façon le système de prévention des conflits est affecté par les systèmes économiques et culturels en ce sens que ses interventions sont fonction de la puissance économique et culturelle établies par ceux-la.

La pertinence et l'efficacité du système de prévention des conflits, dans le cadre de notre analyse, seront déduites de la qualité et de la quantité des inputs, des outputs et de la fréquence de la courbe de rétroaction c'est-à-dire de l'équilibre entre les inputs et les outputs du système. En clair, des soutiens insuffisants en qualité et en quantité conduiraient évidement à un fonctionnement inadéquat du COPAX. De même, un grand nombre de demandes opposées à un nombre réduit de réponses du système signifierait un mauvais fonctionnement de celui-ci dû à son incapacité à traiter les demandes ou à leur apporter des réponses opportunes ou, pour le moins, satisfaisantes. Dans le même ordre d'idées, un trop-plein d'inputs en termes de soutien devrait résulter en une augmentation de la quantité et de la qualité des interventions du système, le contraire signifiant encore l'inadéquation du système par rapport à son environnement. En somme, l'application de l'analyse systémique à l'étude de l'impact du COPAX sur le processus d'intégration nous donne d'envisager ce dernier selon le schéma ci-après. .

LA PREVENTION DES CONFLITS EN AFRIQUE CENTRALE SUIVANT UNE APPROCHE SYSTEMIQUE

COPAX

INPUTS

SOUTIENS

FOMAC

COMITE

AD HOC/

DAPD

MARAC

CDS

CONFERENCE DES PRESIDENTS

CONSEIL DES MINISTRES

ORGANISATIONS INTERNATIONALES

ORGANISMES DE LA SOCIETE CIVILE,

ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES

PARTIS POLITIQUES

PEUPLES

ENVIRONNEMENT

OUTPUTS

DEMANDES

DES CHAMPS D'OBSERVATION ET DES NIVEAUX D'EXPLICATION

o Champ d'observation

La science politique est cette discipline particulière qui traite des phénomènes de pouvoir au sein des entités organisées. Elle résulte de la spécialisation de disciplines anciennes telles la philosophie et l'histoire, et de disciplines plus récentes telle la sociologie et l'anthropologie. La science politique est une science composite qui regroupe en son sein plusieurs branches telle la sociologie politique, la politique comparée, l'anthropologie politique, les relations internationales , l'économie politique, la théorie politique, la sciences administrative et, dans une certaine mesure, le droit constitutionnel.

Dans l'optique de garantir la pertinence de notre tentative d'analyse, et de participer plus efficacement au débat scientifique, il nous a semblé de bonne facture de nous éloigner de toute explication globale en précisant, dans cette section, le champs précis du domaine politique dans le lequel se déploiera notre analyse.

De prime abord et, considérant le fait que notre questionnement porte sur la nature et le fonctionnement d'une instance constituée par des Etats, instance qui elle-même est devenue acteur des relations internationales, nous situerons notre travail dans le champ de la théorie des relations internationales. Ici encore les spécialisations restent pléthore et une précision s'avère nécessaire, qui nous permet d'indiquer que nos investigations intéresseront beaucoup plus le secteur de l'analyse des conflits, précisément celui de lrénologie6(*), entendue comme la réflexion sur la prévention des conflits et la paix. Nous opèrerons certes quelques incursions dans les autres domaines voisins que sont la géopolitique, les politiques publiques, l'économie politique et la sociologie des organisations mais ce sera, dans la logique de la pluridisciplinarité caractéristique de la science politique, dans le but de conforter nos affirmation par des conclusion issues des branches soeurs.

o Niveaux d'explication

La capacité du système de prévention des conflits étant déduite de son aptitude à réagir activement dans le processus de prévention des conflits, les principales étapes de ce processus constitueront les niveaux d'explication de notre étude. Ainsi, nous aurons deux principaux niveaux d'explication, l'un qui porte sur la phase préparatoire de la réponse du système et l'autre qui porte sur la phase exécutoire, à savoir le déploiement effectif sur le terrain.

La préférence pour la modalité de l'Alerte rapide au lieu de la réponse rapide privilégiée par d'autres sous-régions d'Afrique résulte du fait que c'est cette modalité qui a été choisie par la CEEAC dans le cadre de la mise en oeuvre de son système de prévention des conflits. Nous-nous attarderons donc sur les trois principaux niveaux de l'alerte rapide que sont : la collecte d'information, l'analyse des données collectées et les options de réponses proposées aux décideurs.

La deuxième étape de la prévention des conflits, à savoir le déploiement des instances du COPAX, que ce soit dans l'optique d'une réaction immédiate ou alors dans le long terme, constituera le second niveau d'explication de notre analyse. En effet, tout déploiement, qu'il s'agisse de l'intervention de la FOMAC ou d'une action de diplomatie préventive de la DAPD est un élément structurant du niveau de sensibilité et du dynamisme du système de prévention des conflits et se prête donc aisément à l'explication dans le cadre de nos études.

DES INTERETS ET LIMITES

o Intérêts

Notre étude présente plusieurs intérêts dont nous ne citerons ici que les plus significatifs :

§ Intérêt heuristique

Démontrer l'intérêt heuristique de notre étude revient à mettre en exergue le capital scientifique et intellectuel dont elle est porteuse, tant en ce qui est des méthodes d'analyse mises à contribution, qu'en ce qui est du substrat scientifique résultat de cette recherche.

Le substrat résultat de notre entreprise intellectuelle est intéressant en ceci qu'il est le fruit d'une analyse scientifique du potentiel réel d'intégration de l'Afrique centrale dans le domaine particulier qui est celui de la prévention des conflits. Nos travaux s'éloignent ainsi de tout enthousiasme patriotique ou panafricaniste qui en biaiserait les résultats pour s'aligner dans la pure tradition des sciences sociales faite d'une quête sans complaisance de la vérité scientifique. Traitant, à la suite de Durkheim, les fait sociaux comme des choses, notre étude vise à mettre en exergue la réalité scientifique de ce qui est fait, de ce qui n'a pas été fait et de ce qui est à faire pour que l'Afrique centrale puisse, en se basant sur son système de prévention des conflits, être un véritable pôle d'intégration. En fait, nous-nous proposons, dans une perspective casuistique encrée sur le contexte particulier de l'Afrique centrale, de contribuer par nos travaux à la construction d'une théorie opératoire de la prévention des conflits.

§ Intérêt stratégique

L'intérêt stratégique est déduit de la possibilité offerte par ces travaux de fournir une meilleure visibilité du potentiel de la sous région en matière de prévention et de gestion des conflits, notamment en identifiant et en mettant en exergue les entraves et les dysfonctionnements du système de prévention des conflits afin d'en susciter une meilleure viabilisation.

o Limites

Par souci de précision, il est de bon ton de présenter le cadre spatio-temporel de notre analyse.

§ Limites spatiales : Afrique centrale CEEAC

Le référent « Afrique centrale » véhicule une ambiguïté certaine due au fait que, dans cette sous-région, l'on retrouve deux instances différentes qui prétendent représenter l'identité sous-régionale. Il s'agit en l'occurrence, de la Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale (CEMAC) et de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC).

Au-delà de la synonymie dans les appellations, on note une confusion des missions que s'assignent ces structures. Ainsi, la mission essentielle de la CEMAC est de promouvoir un développement harmonieux des Etats membres dans le cadre d'une Union Economique et d'une Union Monétaire7(*), tandis que la CEEAC a pour objectif ultime d'établir un marché commun aux Etats de l'Afrique centrale8(*). On voit à l'évidence que toutes les deux, ces organisations recherchent le développement économique de la sous-région et poursuivent des objectifs certes, différents dans l'énonciation, mais identiques dans le fond.

Or, l'exigence de précision qui guide nos travaux nous oblige à faire un choix, et à concentrer nos efforts sur une des structures, non sans avoir énoncé les raisons ayant motivé notre préférence. Aussi, pour des raisons qui résultent de l'analyse de la politogenèse, de l'étude de la structuration institutionnelle et, en considérant la compétence rationae loci de ces organisations, notre préference est allée à la CEEAC.

La candidature de la CEMAC semble, dès sa genèse, viciée par une extraversion préjudiciable au processus de construction d'une identité locale. En effet, c'est en conservant les liens qui les unissaient sous l'Administration coloniale, que la Centrafrique, le Congo, le Gabon et le Tchad, ont crée en juin 1959, l'Union Douanière Equatoriale (UDE) à laquelle adhérera en 1961 l'Etat du Cameroun. Le 8 décembre 1964, l'UDE devient UDEAC et, 10 ans après l'adhésion de la Guinée Equatoriale en 1983, l'UDEAC devient CEMAC9(*). Ropivia (1998 :177) analysant la philosophie qui à sous tendu ce processus d'intégration, établit que le projet d'intégration dans cette sous-région « est la manifestation du paternalisme institutionnel qui repose sur une idée fondamentale, celle du lien indissoluble entre l'Europe dominante et l'Afrique dominée, ôtant à cette dernière toute capacité d'autonomie en matière de stratégie d'intégration ». L'idée de mettre sur pied une institution devant porter le processus de construction identitaire de l'Afrique centrale CEMAC ne résulterait donc pas de la volonté des habitants de cette sous-région mais serait un moyen, pour la métropole, de rassembler sous un même label les Etats composant son pré carré. L'on constate en effet que tous les Etats fondateurs de la CEMAC sont des anciennes colonies de l'Afrique Equatoriale Française (AEF). En terme plus clair, la CEMAC ne seraient qu'une organisation succursale dont le processus d'intégration défendrait plus des intérêts de la métropole que ceux des Africains eux-mêmes.

Dans un second moment, nous avons considéré le facteur juridique qui, sous les auspices du comité Consultatif Permanent sur les Questions de Sécurité en Afrique Centrale, confère à la CEEAC une légitimité indiscutable en matière de prévention et de gestion des conflits en Afrique centrale.

Ensuite, nous avons considéré le facteur de la représentativité qui va lui aussi à la faveur de la CEEAC, étant donné qu'elle est une instance dont la compétence territoriale englobe non seulement la totalité des Etats de la CEMAC mais aussi les Etats de la CEPGL à l'exception du Rwanda, et qu'au surplus la CEEAC reste le seul regroupement de la sous-région ayant envisagé au plan institutionnel, un système de prévention des conflits qui puisse se déployer dans toute la sous-région.

Enfin, et pour clore ce débat, nous avons subordonné notre choix aux conclusions du programme de rationalisation des Communautés Economiques Régionales en Afrique mis en oeuvre par la Commission Economique pour l'Afrique, programme qui ne reconnaît que la CEEAC comme pilier de l'intégration économique sous-régionale en Afrique centrale, et attribue à la CEMAC le statut de sous-organe d'intégration10(*). Dans notre approche donc, nous envisagerons la CEEAC comme étant le résultat d'un fédéralisme par agrégation ayant rassemblé sous une même identité les pays de la CEMAC et ceux de la CEPGL.

§ Limites temporelles

Dans le temps nous étalerons nos prospections à partir du 24 Février 2000, date de la signature du protocole relatif au COPAX. En effet, cette date est importante en ceci qu'elle marque la naissance, au sein de la sous-région, du système objet de notre étude.

La limite à posteriori de notre étude se situera quant à elle au 31 Décembre 2008. Le choix de cette deuxième limite est justifié par des exigences d'ordre pragmatique. En effet, bien que mû par le souci de produire une analyse scientifique qui ait, autant que possible, prise sur l'actualité et qui prête à des projections dans l'avenir, il nous a semblé raisonnable de nous arrêter à une analyse de fait vécus et constatés en deçà de l'année de clôture de nos recherches.

La présente étude s'appuie sur quatre grandes articulations qui en constituent l'armature. Tout d'abord nous passerons en revue les concepts et théories fondamentaux qui orienteront notre démarche. Dans un deuxième moment, nous procèderons à une prospection du terrain afin d'identifier, de répertorier et de confronter les éléments objets de notre analyse. Dans une troisième étape, nous procéderons à une analyse explicative des configurations et des situations constatées précédemment et, dans un dernier moment, nous allons nous appuyer sur les résultats de notre analyse explicative pour faire une tentative d'anticipations sur les adaptations à opérer dans l'optique du renforcement de la capacité de l'Afrique centrale en matière de prévention des conflits et d'intégration.

CHAPITRE I : ETAT DE LA THEORIE ET DES CONCEPTS

« La tache primordiale de la science c'est-à-dire sa tache permanente, est de trouver les concepts convenables pour mener l'analyse ».

Easton David (1974), Analyse du système politique, Armand Colin, Paris, p. 13

Le but de ce chapitre est de fixer les fondements théoriques sur la base desquels procèdera notre étude. Dans cette optique nous procéderons par une trilogie comprenant, dans un premier temps la présentation des différentes théories en présence, ensuite nous procéderons à une analyse critique de ces théories, pour dans un troisième temps, ne retenir que les substrats théoriques ayant survécu à l'analyse critique et qui de ce fait orientera notre étude.

SECTION A  : ECONOMIE DES THEORIES EN PRESENCE

Etant donné que les concepts d'intégration et de prévention des conflits à eux seuls semblent suffisamment complexes et de sens assez éclatés, nous appuierons nos recherches sur une étude distincte de ces deux champs théoriques. Cette étude constituera le point de départ de notre état de la question théorique. Nous envisagerons donc séparément les travaux portant sur la prévention des conflits en Afrique centrale et ceux portant sur l'intégration de la sous-région avant d'établir plus loin le lien théorique existant entre ces deux concepts.

Paragraphe 1  : La prévention des conflits en Afrique centrale

La littérature sur la prévention des conflits est assez récente comparée à celle sur la théorie du conflit. Elle est le fait, autant des hommes politiques que des hommes de science. Les traités de Westphalie constituent une première rationalisation de la prévention des conflits. En effet, ils apparaissent comme le premier exemple de résolution des conflits par la voie de la conciliation, conciliation qui à permis de mettre un terme à la guerre de 30 ans opposant les empires européens.

Bien après cet exemple isolé, la réflexion sur la prévention des conflits prendra une plus grande consistance après la première guerre mondiale. En effet, le spectacle affreux des atrocités et les nombreuses séquelles de la guerre ont suscité chez les penseurs et les décideurs le souci de créer des mécanismes qui empêchent la survenue, à l'avenir, de telles horreurs. Cette littérature reste cependant tributaire de la conception et de la culture de guerre prévalant à l'époque à savoir, les guerres classiques opposant des Etats par l'entremise de leurs armées identifiées comme telles. Les actions en prévention des conflits à cette époque revêtirent donc pour la plupart la forme de la diplomatie préventive exercée sur les chefs d'Etats afin de les amener à choisir un mode de résolution de leurs antagonismes qui soit autre que la guerre. C'est dans cette logique que s'inscrit le discours sur les 14 points du Président Wilson et, c'est aussi dans ce contexte qu'il faut situer les nombreux succès de la SDN en matière de prévention et de gestion des conflits (Bertrand.1997 :112)

La période allant de la fin de la deuxième guerre mondiale à la fin de la guerre froide sera marquée certes par quelques productions tant dans la littérature que dans la pratique même de la prévention, mais ces productions resteront toutes influencées par la bipolarité mondiale qui prévalait à l'époque. De fait, les opérations menées dans les années 50 étaient relativement simples. Relevant du Chapitre VI de la Charte des Nations Unies, elles rentraient dans une logique du consentement des parties au conflit, à une médiation et à sa résolution (Tardy T.2000 :390).

La période post guerre froide pour sa part fera intervenir une mutation sans précédant dans la polémologie de l'époque. En effet, « l'un des aspects les plus remarquable de l'après-guerre froide, conclut la Commission Carnegie, est que le nombre de conflits se déroulant à l'intérieur d'un état dépasse largement celui des conflits entre états » (Commission Carnegie,1998 :4). Un tel contexte mènera évidement à une révision des conceptions en présence en ce qui est de la prévention des conflits. Aussi, la littérature sur la prévention des conflits mettra, à partir de cette époque, un accent particulier sur les causes intra-étatiques et sociologiques ou encore structurelles de la guerre telles les extrémismes culturels, politiques et religieux afin d'y apporter une solution adéquate.

En première analyse, il semble opportun de rechercher une compréhension suffisante de la conflictualité de l'Afrique centrale. Michel Kounou dans son article « Les conflits armés post-guerre froide en Afrique au sud du Sahara : Un essai de caractérisation » in Revue Africaine d'Etudes Politiques et Stratégiques, N°1, 2001, pp 223-245, en se penchant sur les traits principaux faisant la particularité de la conflictualité en Afrique subsaharienne, apporte une contribution décisive dans cette optique. L'auteur part d'une relecture des principales théories de la guerre pour ensuite les appliquer à la réalité de la zone étudiée. Il constate que les facteurs conflictogènes de cette zone sont plus à chercher sur le terrain politique qu'ethnique. En d'autres termes, même si la composante ethnique peut parfois être un facteur détonateur d'une crise profonde mais latente, d'autres facteurs moins proclamés, moins apparents et moins déterminés seraient susceptibles d'offrir un autre éclairage à la tourmente qui s'est installée en permanence depuis 1960, au sud du Sahara (Kounou, 2001 :237). Il pense que la conflictualité subsaharienne est le fait non seulement de facteurs interne à l'Afrique et aux Etats en conflit mais résulte aussi des implications et des projections externes aux Etats africains. Ainsi il établit que le tracé frontalier inadéquat et la manipulation des sensibilités qui en découlent sont presque toujours à l'origine de ces guerres, que ces guerres connaissent une grande implication et même une participation de mercenaires guidés par l'ambition de faire main basse sur les richesses du sous-sol, et qu'elles portent aussi la marque de la confrontation des ambitions hégémoniques post guerre froide des grandes puissances occidentales. Compte tenu de cette critériologie particulière, il pense que la prévention des conflits ne devrait pas être abandonnée à l'OUA qui est une institution faible, mais devrait revenir à un Etat central Africain fort et doté des moyens suffisants pour cette fin.

Les travaux de la Commission Carnegie sur la prévention des conflits meurtriers publiés en 1998 occupent une place de choix dans notre sélection de la littérature sur la prévention des conflits, en ceci qu'ils constituent un premier balisage scientifique de la réflexion moderne sur la prévention des conflits intégrant les types et les modalités nouveaux de guerre, telles les guerres asymétriques, les conflits intra-étatiques, ethniques, identitaires et les guerres religieuses. Les Commissionnaires partent du postulat que les conflits meurtriers ne sont pas inévitables (Commission Carnegie. 1997 : 03) et qu'il est moins coûteux de prévenir les guerres que de supporter le coût des pertes qu'elles causent (Idem : 46). Les membres de cette commission adoptent une approche très générique de la prévention des conflits faite d'observations et de propositions assez générales. Dans une vision très idéaliste empreinte de conceptions chères à l'approche libérale des relations internationales, les commissionnaires traitent des différents cas de figures, des différentes opportunités et des différents modèles d'action mais ne le font qu'à titre de proposition.

On doit à cette Commission la conceptualisation d'une approche de la prévention qui établit une distinction entre la prévention immédiate entendue comme l'ensemble des mesures applicables pour faire face à une crise immédiate, et la prévention structurelle comprise comme l'ensemble des mesures qui permettent d'éviter les crises ou d'empêcher qu'elles ne se reproduisent. Ainsi, la prévention immédiate implique une réaction rapide faite d'un ensemble de mesures politiques économiques et militaires permettant de créer les conditions dans lesquelles des leaders responsables seront capables de régler le différend à l'origine de la crise. Par contre, la prévention structurelle s'appuie sur des stratégies juridiques, économiques et socioculturelles oeuvrant pour la consolidation de la paix par l'instauration et la conservation d'un dialogue social inclusif et la satisfaction des besoins essentiels des populations en matière politique, économique, sociale et culturelle.

Il convient aussi, dans cette présentation, de situer La prévention des conflits en Afrique centrale : prospective pour une culture de la paix, une compilation des Actes du colloque sur la prévention des conflits en Afrique centrale tenu à Yaoundé et publiée sous la direction de Paul Ango Ela chez Karthala en 2001.

Dans cet ouvrage, l'auteur part d'une présentation des causes et des facteurs qui sont à l'origine de la conflictualité dans la sous-région Afrique centrale. Et, en bonne place de ces causes figurent non pas le facteur ethnique apparent, mais des considérations politiques qui poussent les acteurs politiques locaux dans leur plan de conquête ou de préservation du pouvoir, à jouer sur la fibre ethnique et identitaire. Ainsi, la cause principale de la conflictualité de l'Afrique médiane serait le monopole politique entendu comme le refus du partage du pouvoir et de l'alternance au pouvoir.

A coté des considérations politiques, les auteurs recensent aussi les projections géostratégiques de certaines grandes puissances, la militarisation de la société civile et la pauvreté.

Après les causes, les auteurs se penchent sur quelques cas de prévention et de gestion régionales des conflits réussies et envisagent les moyens de s'en inspirer pour adapter ces succès au contexte de l'Afrique centrale.

Dans une ultime partie, les auteurs envisagent les différentes pistes pouvant mener à la mise en place d'un système effectif de prévention et de gestion des conflits en Afrique centrale. Sont ainsi abordés comme catalyseur du dialogue social, l'émergence d'une société civile viable, la mise en place d'une protection sociale effective et la naissance d'une culture de paix en Afrique centrale. Un autre axe cité est celui de l'instauration d'un contexte de participation et de coopération entre la communauté internationale et la sous région dans son projet de construction d'un système de prévention des conflits efficace. Car, si la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité en Afrique relève d'abord et avant tout des africains, le monde - la communauté internationale- est également responsable de cette paix et de cette sécurité, au même titre que l'Afrique, bien qu'à une échelle différente (Ayissi A, 2001 : 181).

Mwayila Tshiyembe dans Géopolitique de paix en Afrique médiane, son oeuvre publiée en 2003 part du constat que «  dans la région de l'Afrique médiane autant que dans d'autres régions de l'Afrique noire, l'ethnie est une « notion sociologique » précoloniale dont l'existence est réelle par opposition à l'irréalité de l'Etat-Nation. » (Mwayila, 2003 :27). Pour l'auteur, la cause principale de la conflictualité dans cette zone est à rechercher dans l'inadéquation du modèle occidental de l'Etat-nation avec la culture ethnique de l'Afrique. Ainsi, la violence en Afrique médiane est une violence politique et non ethnique parce que découlant de l'inadaptation du modèle d'administration et de gestion en vigueur d'avec les réalités locales. De plus, ces guerres n'opposent pas des leaders ethniques mais plutôt des leaders politiques usant politiquement de l'élément ethnique pour accéder au pouvoir ou y rester. En sommes, « la violence politique est la variable structurelle de la conflictualité interne qui ensanglante la région de l'Afrique médiane » (Mwayila, 2003 :10).

Fort de ce constat, il préconise comme palliatif à la conflictualité, la création d'un nouvel ordre politique basé sur la perspective d'une triple fondation du nouveau pacte républicain, du nouveau pacte démocratique et du nouveau pacte constitutionnel.

Le nouveau pacte consiste, selon le rédacteur, à partir de la réalité ethnique comme fait national pour parvenir à une fédération des peuples libres dits ethnies et des hommes libres dits citoyens, dont le double consentement constitue désormais le mode de légitimation et de légitimité du pouvoir. Il convient de noter ici que cette oeuvre a le mérite de mettre l'accent sur un point essentiel de la prévention structurelle à savoir la participation des ethnies et des citoyens à la construction du projet de société comme exutoire des tensions et des clivages au sein de la nation.

Paragraphe 2  : L'intégration

Contrairement à la réflexion sur la prévention des conflits, celle sur l'intégration a fait l'objet d'une théorisation assez structurée. Elle laisse entrevoir quatre grandes théories de l'intégration à savoir les théories fonctionnaliste, néo-fonctionnaliste, transactionnaliste, et systémique.

a ) La théorie transactionnaliste

Karl Deutsch, l'un des pionniers de cette école, se référant au modèle européen, définit l'intégration comme étant un « sens de la communauté accompagné d'institutions et de pratiques- formelles ou non - suffisamment fort et répandu pour donner la certitude raisonnable que l'évolution des relation entre le membres du groupes se produira pacifiquement pendant une longue période de temps » (Deutsch et al, 1957:5). L'approche transactionnaliste accorde une attention particulière aux conditions nécessaires à la naissance (take off) et au développement du processus d'intégration en s'appuyant plus sur la pratique réelle que sur une base formelle. Les tenants de cette école, qui est du reste fortement influencée par la science des communications sociales chère à Deutsch, appréhendent l'intégration comme un processus d'intensification du réseau de communication sociales (Bussy (de) M-E et Al, 1971 :621). Ainsi on part d'une intensification des communications sociales qui fait naître par apprentissage (learning process), au sein de la population transnationale, une communauté d'expérience de préférences, ensuite on en arrive à l'adoption de comportements et d'attitudes conçues comme communément bénéfiques, pour aboutir à un stade d'intégration politique matérialisé par la création d'instituions nationales qui elles mêmes suscitent un déplacement de l'attention et de la préférence des acteurs sociaux tels les partis, les groupes d'intérêt et les élites, du plan national vers le plan communautaire. En définitive, l'intégration selon l'école transactionnaliste est un processus qui part d'une assimilation sociale régionale à une intégration politique résultant de la naissance d'un sentiment de communauté et de la préférence de l'identité communautaire au dépends des appartenances nationales. Qu'en est-il de la théorie fonctionnaliste ?

b ) La théorie fonctionnaliste

La théorie fonctionnaliste apparaît comme étant l'une des premières approches à se pencher sur la question de l'intégration. En effet, a working peace system, l'oeuvre phare de David Mitrany sur la question parait en 1944, avant même que le premier cas d'intégration, à savoir l'intégration européenne, ne soit réalisé.

Dans son ouvrage, Mitrany part de l'observation d'un paradoxe perceptible avec plus d'intensité de nos jours. Il constate que, du fait des évolutions technologiques notamment dans les domaines du transport, des communication et des armements, les Etats sont de moins en moins à même d'assurer tout seuls la sécurité et le bien-être de leurs concitoyens, d'où la perte de leur fonction fondamentale qui est de garantir le bien-être et la sécurité de tous. Face à ce constat, Mitrany envisage des functional arrangements c'est à dire des cadres de coopération qui se caractériseraient par des structures et un fondement institutionnel assez solides et durables (Mitrany, 1966 : 149). En d'autres termes, comme palliatif à la perte croissante de l'aptitude des Etats à répondre aux problématiques nouvelles issues des évolutions technologiques, les chefs d'Etats choisiraient volontairement de rechercher la gestion de ces problématiques dans un cadre commun et concerté qui garantirait une meilleure gestion de ces problématiques en même temps qu'il susciterait des gains que l'unilatéralisme ne pourrait permettre.

Pour Mitrany, le point de départ de l'intégration se trouve dans la coopération technique au niveau des low politics, c'est à dire dans des matières moins souveraines et moins susceptibles de controverses telles l'économie ou la culture, et s'étendrait par ramification. Par le concept de ramification, Mitrany voudrait rendre compte du fait que les succès obtenus par la coopération dans les low politics suscitent le besoin d'étendre le champ de coopération à des domaines plus délicats et plus complexes. Au finir, le processus d'intégration aboutit à la création d'institutions communautaires chargées de coordonner des actions devenues de plus en plus complexes et de guider l'évolution du processus d'intégration. Ainsi, les compétences des institutions communautaires iraient sans cesse croissantes alors que celles des Etats s'amenuiseraient progressivement au fur et à mesure de l'évolution du processus de ramification.

En sommes, l'intégration fonctionnaliste est un processus qui part du besoin de créer un cadre commun de gestion et de résolution de certaines matières subsidiaires, puis à l'instauration de ce cadre de gestion pour aboutir à l'étendue et à l'amplification des compétences des institutions régionales au détriment des institutions étatiques qui ne conservent plus qu'une portion congrue de leur compétence matérialisée par leur pouvoir législatif.

c ) La théorie néo-fonctionnaliste

La théorie néo-fonctionnaliste apparaît comme un réaménagement de la théorie fonctionnaliste. Elle s'oppose à la vision trop idéaliste de la théorie fonctionnaliste qui postule que les leaders politiques se démuniraient volontairement et béatement de leurs matières de souveraineté, nonobstant la quête d'intérêt et de puissance qui les anime. En d'autres termes le néo-fonctionnalisme reproche à l'approche fonctionnaliste de méconsidérer l'ambition des acteurs étatiques de maximiser leurs pouvoirs.

Angela Meyer pense à cet effet, dans sa thèse de Doctorat, que la théorie néo-fonctionnaliste, en réfutant cet excès d'idéalisme, opère un important revirement dans la théorie.

La théorie néo-fonctionnaliste procède en fait à un réajustement à trois niveaux différents :

Tout d'abord, elle propose une définition plus claire des rôles des différents acteurs impliqués dans le processus d'intégration. Ainsi, bien que les chefs d'Etat soient les principaux acteurs du processus d'intégration, Ernst Haas, la figure de proue de cette école, pense que ceux-ci agissent aussi sous la pression d'une élite nationale motivée par l'assurance que leurs intérêts et leurs aspirations seraient mieux garanties dans le cadre d'une coopération internationale. En d'autres termes, les chefs d'Etat sont certes à l'origine du processus d'intégration mais ne le font pas toujours spontanément car ils agissent parfois sous la pression de l'élite qui entrevoit dans l'intégration l'opportunité d'une meilleure satisfaction de leurs ambitions.

Deuxièmement, l'approche néo-fonctionnaliste remet en cause la séparation supposée par le fonctionnalisme entre le secteur politique et le secteur non-politique. En effet, bien que le processus d'intégration naisse dans des cadres moins politiques tels le cadre économique ou culturel, les néo-fonctionnalistes pensent que cette naissance ne saurait être le fait d'un processus autre que la politisation. Ils pensent en l'occurrence que tout processus d'association internationale touche automatiquement le domaine du politique et ne peut avoir lieu que dans un cadre exclusivement politique.

Troisièmement, Ernst Haas procède à une révision du processus d'intégration. Il envisage le processus d'extension du champ de l'intégration qu'il appelle Spill over11(*) non par la progression de l'intégration du domaine économique vers le domaine politique mais par sa complexification qui aboutit à l'inclusion de nouveau domaines plus délicats et plus souverains. Ainsi, les évolutions technologiques conduisent les élites socio-économiques à entrevoir dans l'intégration le meilleur gage de l'atteinte de leurs intérêts. Ils exercent donc sur les dirigeants étatiques des pressions qui amènent ces derniers à rechercher avec leurs homologues un cadre de coopération. La coopération originellement limitée au cadre économique s'étend du fait des succès remportés dans les niveaux inférieurs mais aussi sous la pression des élites socio-économiques à des domaines politiques, plus complexes et plus délicats. La complexification croissante des matières oblige l'instauration d'institutions communes chargées de coordonner les actions et de faire progresser le processus d'intégration. Ces institutions communautaires dont la compétence s'est élargie et intensifiée gagneront la préférence des acteurs socio-économiques au détriment des institutions étatiques.

d ) La théorie systémique

Cette théorie résulte d'une adaptation du paradigme systémique à l'explication du phénomène d'intégration. Cette théorie a pour point départ la définition du système politique faite par David Easton selon laquelle « un système politique peut être défini comme l'ensemble des interactions par lesquelles les objets de valeurs sont répartis par voie d'autorité dans une société » (Easton, 1974:23). En transposant cette définition au niveau de la communauté internationale ou régionale, Lindberg met sur pied un cadre nouveau d'analyse de l'intégration sous régionale. La particularité de l'approche systémique de l'intégration réside en ceci qu'elle se penche moins sur les causes et les conditions de son avènement que sur les conditions de sa stabilité et de sa conservation. Il est de ce fait en parfait accord avec Easton (1974 :16) qui affirme : « les perspectives d'une analyse de la vie politique en terme de système nous obligent à nous interroger sur une question du type suivant : Comment un système politique quelconque peut-il persister dan un monde soit stable soit en changement ? ». Ici, l'opérationnalisation du concept d'intégration est fonction du degré de division du travail politique (functional scope) et des capacités institutionnelles dont le système fait preuve. En d'autres termes, la pérennité du système intégré dépend non seulement du niveau et de la diversité de ses processus de décision mais aussi de la capacité du système à faire émerger un nouveau régime fait d'un ensemble de règles et de normes auxquelles se soumettent ses différents protagonistes.

SECTION B  : ANALYSE CRITIQUE DES THEORIES EN PRESENCE

Paragraphe 1  : La prévention des Conflits

Au sortir de cette présentation panoramique des thèses sur la prévention des conflits en Afrique centrale, il convient de retenir tout d'abord que les travaux cités dans le cadre de cette économie des théories sont certes porteurs, chacun à son niveau, d'une importante marge de vérité et de crédibilité mais ils restent, sur certains, points assez critiquables.

Ainsi, s'il est vrai que les travaux de la Commission Carnegie ont le mérite d'avoir presque fait le tour de la question de la prévention des conflits, il ne demeure pas moins vrai qu'ils souffrent d'un manque de pragmatisme marqué par la trop grande généralité des propositions faites. En effet, comme le pense David Easton faisant allusion au théories trop générales, « si nous nous trouvons à une trop grande distance, nous ne pouvons voir que les grandes lignes et cela n'a que peu d'intérêt pour une recherche utile » (Easton D, 1974 :2). Ainsi, bien que résultant d'une analyse très englobante, les conclusions de la Commission Carnegie souffrent d'une très grande généralité qui ne permet pas d'assurer le succès de l'application de ses recommandations dans certains cas particulier et, notamment au contexte de l'Afrique centrale qui reste assez exceptionnel. En fait, le modèle conçu par la Commission tient compte de considérants certes fondamentaux, mais qui restent assez éloignés de la réalité politique socio-économique et culturelle de l'Afrique centrale contemporaine. Ainsi, les conceptions de la démocratie, de la nation, de l'ethnie, de la justice, de la sécurité, du bien-être, de l'Etat, facteurs fondamentaux de l'approche de la Commission, n'ont pas la même connotation à Washington qu'à Yaoundé ou à Luanda et doivent, pour devenir opératoires, être ajustés aux schèmes de pensée prévalents dans ces zones. C'est dire que les conclusions de la Commission ne peuvent s'appliquer au contexte de l'Afrique centrale sans une adaptation préalable au contexte socio- économique, politique et même culturel de l'Afrique centrale.

Nos travaux viseront à procéder à une adaptation des conclusions de la commission au contexte particulier de l'Afrique centrale afin d'aboutir à une lecture efficace de la prévention des conflits, lecture efficace parce qu'en parfait accord avec la réalité locale.

L'oeuvre de Michel Kounou Ph.D ne souffre pas moins de lacunes. En effet, l'auteur parvient certes à une très belle lecture des traits caractéristiques de la conflictualité en Afrique centrale, mais reste assez évasif quant à ce qui est des voies et moyens de prévenir cette conflictualité. En fait, ces travaux laissent un arrière-goût d'inachevé en ce sens qu'ayant procédé à la phase primaire de toute oeuvre scientifique qui est le déblayage conceptuel de la théorie de la guerre en Afrique centrale, il n'aboutit pas à la phase utilitaire de l'usage de ces théories dans la résolution du problème, ici, dans la résolution de cette conflictualité. Nos travaux se proposent de remédier à cette situation en partant de cette caractérisation de la conflictualité en Afrique centrale pour envisager les moyens les meilleurs permettant de la juguler efficacement.

En ce qui est des travaux de Mwayila Tshiyembe et de Paul Ango Ela, nous pensons qu'ils s'inscrivent certes avec succès dans une approche de prévention structurelle, mais qu'ils pêchent aussi par un excès de structuralisme. En effet, ces travaux envisagent la prévention des conflits dans le long terme et à travers la mise en place ou la refondation d'institutions dont le fonctionnement effectif ne peut s'inscrire que dans le long terme. Qu'il s'agisse du nouveau pacte républicain de Mwayila ou de l'émergence de la culture de paix d'Ango Ela, le dénouement reste inscrit dans un avenir assez lointain. La conséquence en est que ces approches ne permettent pas de répondre au problème de la conflictualité contemporaine qui devrait pourtant trouver lui aussi une solution tout aussi immédiate. Le fait est que ces solutions, qui ne perdent pas de leur pertinence, ne peuvent être appliquées que dans un contexte déjà pacifié afin d'assurer la pérennité et le renforcement de cette paix déjà acquise. Notre apport consistera, en ce sens, à nous référer au contexte de l'Afrique centrale dans une approche qui envisage en même temps prévention à court et à long terme, prévention immédiate et prévention structurelle.

Paragraphe 2  : L'intégration

a ) La théorie transactionnaliste démontre certes de l'importance de l'établissement et du renforcement des relations dans tout processus d'intégration. Mais, il demeure que cette approche accorde une trop grande place au processus d'intensification des relations comme seul vecteur de l'intégration. Stanley Hoffmann pense à cet effet que l'étude du processus d'intégration devrait inclure d'autres variables telles l'idéologie, les institutions, les processus de décisions qui ne sont pas facilement analysables seulement en terme de réseaux de communication (Bussy (De) M-E et Al, 1971 :625).

Une autre limite de l'approche de Deutsch réside dans le fait qu'elle établit, dans le processus d'intégration, une préséance obligatoire entre la naissance d'une communauté et la création d'institutions d'intégration politiques. En effet, et ainsi que nous le démontre l'histoire de l'intégration européenne et même celle de l'Afrique centrale, il est possible qu'une instance et des structures institutionnelles d'intégration naissent d'abord et qu'ensuite apparaisse l'esprit de communauté. Que dire de la théorie fonctionnaliste ?

b ) Les théories fonctionnaliste et néo-fonctionnaliste

Les développements nouveaux de l'intégration régionale ont fait apparaître des lacunes dans l'approche fonctionnaliste et dans sa reformulation néo-fonctionnaliste. Aussi adresse-t-on à ces approches deux principales critiques.

La première est le fait des économistes tels Bela Balassa (1961) qui démontre dans son ouvrage  the theory of economic integration  que les avantages procurés par un grand marché peuvent être obtenus sans qu'il soit nécessaire de créer des institutions nouvelles. Ainsi, le marché régional affranchi de toute emprise des institutions régionales se régule mieux grâce à l'action d'une  « main cachée » qui assure la coordination des politiques et est dirigée par le mécanisme du marché. Cette critique relève en fait de l'adaptation au niveau régional du concept de l' « invisible hand » cher aux adeptes de l'économie libérale. Dans cette approche, le processus d'intégration est perçu comme se limitant à la convention d'une libre circulation des biens et services entre certains Etats, ces derniers gardant cependant leur souveraineté pour ce qui est de la politique douanière. Ainsi, selon cette approche, une meilleure intégration signifie une absence d'institutions régionales communautaires et envisage juste une approche intergouvernementale.

Le deuxième reproche fait aux méthodes réalistes autant que néo-réaliste est le fait d'internationalistes qui récusent l'assimilation faite par Mitrany et Haas entre les questions économiques et politiques. En effet, Stanley Hoffmann par exemple établit une distinction radicale entre les questions d'ordre économique et sectoriel qu'il juge calculables et les questions politiques qui relèvent de la souveraineté de l'Etat et qui sont ainsi moins évidentes, moins prévisibles et moins calculables. L'auteur préconise donc de réduire l'application de la logique de l'intégration fonctionnelle aux questions économiques et sectorielles seulement. Ainsi, sans remettre en cause la valeur de l'approche fonctionnaliste et de sa reformulation ces critiques amènent à envisager le passage automatique, dans ces écoles, de l'intégration fonctionnelle à l'intégration politique avec plus de précautions et de prudence.

c ) La théorie systémique comme les autres n'est pas exempte de critiques. Ainsi, la principale limite décelée dans cette approche est le fait qu'elle ne permette aucune lisibilité des différentes contraintes internes à la structure organisée et qui orientent son action dans un domaine plutôt que dans l'autre. Ainsi que nous le préconise l'approche stratégique conceptualisée par Crozier et Friedberg dans l'acteur et le système, l'action organisée est soumise à des contraintes résultant de l'interférence des stratégies des différents acteurs qui recherchent parfois la maximisation de leur propre intérêt personnel au détriment l'atteinte des objectifs de l'organisation. Relativement à la théorie de l'intégration, la limite découle du fait que les acteurs du processus d'intégration peuvent, selon leurs quêtes, agir dans des logiques qui compromettent le processus d'intégration. Il en est ainsi, par exemple, du rôle des Chefs d'Etat qui, en même temps qu'ils escomptent des avantages de l'intégration, recherchent néanmoins et avant tout à maximiser les intérêts nationaux. Ainsi, le reproche fait à la théorie fonctionnaliste de pêcher parfois par trop d'idéalisme peut aussi être dans une certaine mesure adressé à l'approche systémique. Peut-on pour autant conclure à l'inefficience de ces méthodes ?

SECTION C  : BALISAGE CONCEPTUEL

Après avoir fait le tour des théories en présence et de leurs différentes limites, il convient de procéder à la précision du substrat conceptuel ayant survécu au crible de l'analyse critique et qui doit, de ce fait, orienter nos travaux. Or, il nous semble objectivement impossible de situer notre conception de la prévention des conflits sans, au préalable arrêter une définition basique de la notion de conflit. Ensuite, nous entreprendrons de préciser et de clarifier les concepts de prévention des conflits et d'intégration sous régionale avant de souligner, au plan conceptuel, quels sont les liens qui, dans le cadre de notre analyse, devraient exister entre ces deux notions.

Paragraphe 1  : Le conflit

Carl Von Clausewitz en définissant la guerre met en exergue deux principaux considérants :

§ Premièrement, il pense que « La guerre n'est rien d'autre qu'un combat singulier à grande échelle ». (Clausewitz (Von), 1832 : 37) signifiant ainsi l'importance du facteur numérique dans la définition de l'état de guerre. La guerre suppose donc à son sens une confrontation violente entre au moins deux groupes assez largement constitués.

§ Deuxièmement, il définit la guerre comme étant « un acte de violence dont l'objet est de contraindre l'adversaire à se plier à notre volonté » (Idem), faisant ainsi de la guerre la confrontation de deux ou plusieurs volontés dans le souci réciproque de phagocyter l'autre, de lui imposer notre ligne de conception. Cette définition met l'accent sur le recours à la force comme mode d'imposition du consensus.

Nous retiendrons donc, dans le cadre de notre étude, que la guerre est un conflit de grande échelle entre au moins deux groupes sociaux d'effectifs considérables, caractérisé par le recours à l'usage de la force dans le but d'amener la faction antagoniste à se plier à sa propre volonté. Cette définition Clausewitzienne de la guerre a en plus le mérite de s'adapter particulièrement aux évolutions polémologiques actuelles qui font de la guerre non plus une confrontation ouverte entre deux Etats clairement distingués comme tels, mais épouse la pratique contemporaine des guerres dites asymétriques, ethniques, religieuses et culturelles qui, à grand renfort de média et de technologies de pointe, opposent des factions souvent diffuses, des nébuleuses, suivant des canaux non-conventionnels et avec des moyens tout aussi non conventionnels.

Au-delà de cette définition sommaire et, tout en nous abstenant de prendre position dans le débat qui oppose libéraux et réalistes sur l'ontologie du conflit, débat qui du reste nous éloignerait de notre quête, nous-nous contenterons de penser, avec les auteurs des deux mouvances d'ailleurs, que la guerre ne peut être la seule forme des rapports entre Etats ou même à l'intérieur des Etats. Nous pensons ainsi à la suite de Hugo Grotius dans De jure belli ac pacis, que la puissance des Etats ne repose pas uniquement sur la sauvegarde et l'agrandissement de leurs territoires; elle dépend également de leur prospérité économique, elle-même liée au dynamisme de leur commerce avec les autres Etats. Nous pensons notamment que la guerre est, à cause de ses différentes conséquences, une entrave au développement sous régional en particulier et au développement humain en général.

Une remarque reste cependant constante dans la plupart de nos ouvrages étudiés qui porte sur la particularité des conflits dits « identitaires » en Afrique centrale. En effet, il ressort de la majorité des travaux cités plus haut que le qualificatif d'ethnique assigné aux guerres dans cette zone n'est qu'apparent. Bien plus, le facteur ethnique apparaît comme un instrument entre les mains des acteurs politiques qui poursuivent un objectif politique à savoir la quête ou la conservation du pouvoir en suractivant la fibre identitaire au sein des populations. En sommes, la conflictualité en Afrique centrale n'est ethnique ni dans ses fins ni dans ses moyens ni même par ses principaux acteurs qui se trouvent être des leaders politiques et militaires plutôt que tribaux ou ethniques.

Paragraphe 2  : La prévention des conflits

a ) Ontologie de la prévention des conflits

De prime abord, relevons qu'il n'existe pas à proprement parler, une théorie de la prévention des conflits. Non seulement le concept de prévention des conflits n'est pas rattaché à une terminologie unique mais encore le concept renvoie à une diversité de significations. En effet, l'opération de maintien de la paix répond aujourd'hui à un concept éclaté perçu différemment selon les pays, les organisations internationales et les théâtres d'intervention (Tardy T, 2000 :397). Ce flou conceptuel est déjà perceptible dans la terminologie utilisée pour se référer aux opérations de prévention des conflits. On parle selon les cas d'Opérations de maintien de la paix à l'ONU, de  Peace support operations  à l'OTAN, Peace operations aux Etats-Unis, d'opérations de soutien de la paix en France (Op. Cit. : 398). Nous retiendrons donc dans le cadre de nos travaux une seule terminologie à savoir   prévention des conflits  dont nous allons au préalable préciser le contenu en la confrontant aux autres terminologies recensées.

L'expression peace operations  usitée aux Etats-Unis semble certes pertinente en ceci qu'elle réfère à des initiatives menées dans le cadre de la pacification seulement nous pensons que cette expression, dans un autre sens nous semble tellement éclatée qu'il devient difficile d'en préciser le contenu exact. Il serait ainsi difficile de ne pas retrouver sous le label peace operations tout un ensemble d'actions telles les guerre préemptive qui, bien qu'elles aient pour objectif la pax et la sécurité internationale, vont à l'encontre des principes de la prévention des conflits. Nous pensons à propos que l'on peut recourir à la force pour prévenir le conflit mais que l'on ne peut faire la guerre pour prévenir la guerre.

Les concepts Opérations de maintien de la paix, Peace support operations, opérations de soutien de la paix dont les significations sont voisines, nous semblent plus proche de notre entendement car ils supposent des actions visant à conforter la paix et la sécurité au sein d'une communauté. Seulement, le maintien ou le soutien à la paix supposent l'existence préalable d'un minimum de paix et ne concordent pas avec les contextes de guerres ouvertes qui ne sont pourtant pas hors de notre cadre de réflexion et qui, pour nous, appellent plutôt des initiatives en vue de la restauration de la paix préalablement à son maintien.

A notre sens donc, la prévention des conflits n'inclut pas seulement les mesures visant à empêcher la survenue des conflits mais intègrent aussi toutes les initiatives visant à en limiter l'extension ou à en permettre la résolution. (Commission Carnegie, Op. Cit. : ix). La prévention des conflits englobe donc pour nous, l'ensemble des questions inclues dans le triptyque peacekeeping, peacebuilding et peace enforcement. Nous retiendrons, à la suite de Tardy qu' « action préventive, maintien de la paix stricto sensu (peacekeeping), assistance humanitaire, imposition de la paix (peace enforcement), supervision électorale, consolidation de la paix (peacebuilding) sont autant d'activités qui, mises en oeuvre simultanément ou séparément appartiennent dorénavant au maintien de la paix pris au sens large » (Tardy T, 2000 : 390)  En d'autres termes, notre acception de la prévention des conflit englobera le large spectre qui part des mesures prises et actions menées avant, pendant et après le conflit afin d'en prévenir l'éclatement, de limiter son évolution ou alors d'en conforter la résolution. Ce spectre inclura donc les actions de diplomatie préventive entendue comme la prévention par l'action ou l'influence sur les acteurs d'un conflit potentiel (Bertrand, 1997 : 111) et les mesures de prévention factuelle c'est-à-dire celles envisageant la prévention par l'action sur les faits, les circonstances et les contextes propices à la survenue de la violence et de l'insécurité.

b ) Synopsis de la prévention des conflits

1- La diplomatie préventive ou la prévention par l'action sur les personnes

L'approche par la diplomatie préventive est la plus ancienne et la plus traditionnelle. En effet, les mariages de convenance, les alliances et les traités conclus depuis l'antiquité entre les chefs de clans, de tribus ou des rois voisins rentraient déjà dans la perspective de maintenir et de et de préserver la paix entre les nations. Seulement, le concept de diplomatie préventive a connu de nos jours une évolution considérable marquée dans ses méthodes et ses logiques. Bedjaoui (2000 :56) distingue dans ce sens la diplomatie préventive traditionnelle caractérisée par la proximité et la perception claire de l'intérêt direct de la nation, de la diplomatie préventive contemporaine marquée par la distance et le volontarisme. En effet pour l'auteur, la diplomatie préventive contemporaine est structurée par deux caractères principaux.

Tout d'abord elle est une diplomatie de distance en ce sens que les acteurs de ce type de diplomatie ne s'impliquent plus seulement dans leur voisinage immédiat comme ce fut le cas dans les tentatives anciennes mais se projettent parfois même hors de leur continent.

Ensuite la diplomatie préventive actuelle est marquée par le volontarisme en ce sens que les Etats ou alors les principaux acteurs de cette diplomatie ne s'engagent pas parce qu'ils perçoivent un quelconque intérêt direct, mais parce qu'ils sont portés par des considérations humanitaires ou obligés par les engagements contractés au sein des organisations et institutions internationales. Avant le conflit, l'intervention prend la forme de la diplomatie préventive et si nécessaire, d'un déploiement préventif des troupes.

2- La prévention factuelle ou la prévention par l'action sur les faits

Quant à l'approche par la prévention factuelle, elle se subdivise, selon une classification chère à la Commission Carnegie, en deux à savoir : la prévention structurelle qui aborde les causes profondes et lointaines des conflits et la prévention immédiate qui, elle, intègre les moyens d'alerte et de réponse rapide face aux crises (Commission Carnegie Op. Cit. :7)

La prévention structurelle a pour point départ l'identification des causes potentielles de conflits au sein de la société telles les injustices, l'insécurité, et l'exclusion dans le processus de prise de décisions. La stratégie dans ce cas consiste, après l'identification de ces causes potentielles, à promouvoir un contexte qui soit propice au dialogue, à l'intégration et à une gestion participative de la chose publique. Ceci implique une pratique démocratique saine, la lutte contre les discriminations et les marginalisations de tous ordres, l'instauration de mécanismes de gestion pacifique de différents et d'un dialogue social véritable.

La prévention immédiate ou opérationnelle résulte, pour nous, du dépassement du clivage libéraux/réalistes sur la question du recours à la force. Nous pensons dans cette logique que l'idéal de paix perpétuelle est certes possible mais ne repose pas seulement sur la force des conventions ou du droit international. Elle devrait, le cas échéant, pouvoir s'appuyer sur une logique de puissance. Nous nous inscrivons donc dans la perspective d'une réappropriation libérale du concept de base de l'approche réaliste. Le recours à la force constitue donc pour nous un moyen certes extrême mais efficace dans la prévention et la gestion des conflits. Nous partageons à ce titre le propos d'Yves Alexandre Chouala12(*) lorsqu'il affirme : « Pour sortir des affrontements armés qui caractérisent les conflits, l'Union africaine, à travers son conseil de paix et de sécurité, devra mener une véritable politique de puissance sous sa forme dure qui pourra, selon les conjonctures, s'exprimer à travers soit des frappes militaires soit le recours à des sanctions coercitives contre les belligérants récalcitrants ». En d'autres termes et, pour le cas d'espèce, la CEEAC devrait, lorsque le besoin est, recourir aux moyens et aux méthodes de la puissance pour restaurer la paix dans la sous-région. Le seul usage légitime et pertinent de la force est ainsi celui de la prévention des conflits dans l'optique d'une paix durable. Pour nous, la prévention opérationnelle consiste en un ensemble de mesures directes visant la limitation de l'extension d'un conflit. De façon concrète, la prévention opérationnelle commence par l'activation du mécanisme d'alerte rapide du fait de l'identification d'un conflit imminent ou déclaré. Ensuite, elle prend la forme d'un déploiement d'une force d'interposition entre les factions en conflits afin de limiter l'extension du conflit.

En Afrique centrale et dans la déclinaison des Forces Africaines en Attente (FAA) assuré dans cette zone par le COPAX, ces interventions peuvent se faire selon six scénarii différents. A savoir :

Scénario 1 : Aide militaire pour une mission politique.

Scénario 2 : Mission d'observation déployée conjointement avec une mission des Nations Unies.

Scénario 3 : Mission d'observation sans appui de l'ONU.

Scénario 4 : Déploiement d'une force de maintien de la paix conformément au Chapitre VI de la Charte des nations Unies et missions de déploiement préventif.

Scénario 5 : Force de maintien de la paix pour des missions complexes et multidimensionnelles (humanitaire, désarmement, administration, etc.) avec présence de groupes hostiles.

Scénario 6 : Intervention d'urgence - par exemple dans le cas d'un génocide - lorsque la communauté internationale ne réagit pas suffisamment rapidement.

Ainsi qu'on peut le deviner, l'optique de garantir le succès de ce genre d'opération impose de les faire conduire par des forces stratégiquement et techniquement supérieures aux factions en conflit. En effet, cette option qui est caractérisée par le recours à l'usage de la force pour amener les belligérants à de meilleures considérations repose sur l'efficacité des moyens et des approches utilisées. Le risque dans cette approche est celui d'une analyse erronée de la situation qui mène à surestimer ses forces ou à sous-estimer les capacités des forces en présence. Le cas échéant, on assiste, comme ce fut le cas de l'intervention américaine en Somalie, à une parodie d'opération qui n'aura d'autre conséquence que de décrédibiliser et de ridiculiser les initiatives de prévention des conflits.

c ) Entre alerte rapide et réponse rapide : Les principaux systèmes de prévention des conflits

La table typologique des systèmes de prévention des conflits présente deux grands types de systèmes à savoir les systèmes d'alerte précoce et d'alerte rapide. Awoumou C. (2007: 04) précise à cet effet que l'alerte précoce fait référence à une anticipation qui a pour effet de prévenir, c'est-à-dire, d'empêcher la réalisation d'une crise. En revanche, l'alerte rapide se rapporte au facteur temps d'intervention entre la collecte et l'analyse de l'information par rapport à la réponse qui est donnée en vue de contribuer à la résolution d'un conflit donné  C'est dire que la différence fondamentale entre ces deux approches réside dans la temporalité, c'est-à-dire la situation temporelle de l'intervention vis-à-vis des évènements à prévenir. En d'autres termes, alors que l'alerte précoce à une visée purement préventive consistant à éviter l'éclosion des conflits, l'alerte rapide elle à une visée curative car elle recherche la résolution certes après son éclosion mais avant qu'il ne se développe et se répande. Un autre aspect de l'alerte rapide est qu'il envisage une réponse adaptée à chaque circonstance conflictuelle particulière.

Le COPAX a opté pour le modèle de l'alerte rapide. Il compte pour ce faire s'appuyer sur le MARAC dont la raison d'être est de donner l'Alerte en apportant au moment approprié la bonne information aux décideurs politiques et, d'éviter toute possibilité d'accumulation non détectée de causes structurelles et conjoncturelles de conflits dans la sous-région ( Awoumou, idem)

Paragraphe 3 : L'intégration

Ainsi que nous l'avons vu un peu plus haut, le phénomène d'intégration a fait l'objet d'une abondante théorisation. Aussi, au moment d'arrêter une conception commune, nous procèderons non par opposition mais plutôt par dépassement des clivages entre les différentes approches alors dénuées de leurs limites respectives pour aboutir à un concept nouveau qui puisse, selon nous, mieux rendre compte de la réalité que nous envisageons. Pour ce faire, nous nous appuierons sur Madeleine Grawitz qui, dans son Lexique des sciences sociales, attribue deux sens au terme intégration :

D'une part, elle décrit l'intégration comme étant un état du système social. Une société sera considérée comme intégrée si elle est caractérisée par un degré élevé de cohésion sociale. A l'intégration, on oppose donc l'anomie ou la désorganisation sociale.

D'autre part, elle pense que l'intégration désigne la situation d'un individu ou d'un groupe qui est en interaction avec les autres groupes ou individus (sociabilité), qui partage les valeurs et les normes de la société à laquelle il appartient. A l'intégration, on oppose donc la marginalité, la déviance, l'exclusion.

En rapportant cette définition, qui, pour nous, à le mérite de tenir compte de la convergence des théories à laquelle nous aspirons, à la réalité sous-régionale, l'intégration apparaît pour nous comme un processus de fédération d'entités nationales ou étatiques distinctes passant par la création ou l'instauration d'institutions politiques communes et aboutissant à la naissance d'une identité culturelle, politique et sociale nouvelle. Nous pensons particulièrement que le processus d'intégration apparaît ainsi comme résultant de la concomitance de plusieurs courants dont les plus significatifs sont les courants culturel, fonctionnel, et sécuritaire.

a) Le courant culturel

Le courant culturel est constitué par l'ensemble des représentations des symboles et des intentions qui permettent et qu'ils soutiennent l'existence d'une identité culturelle. A la suite de Karl Deutsch, nous pensons que ce courant se crée et est entretenu par la fréquence des échanges de tous ordres entre les sociétés nationales. Ce courant à pour aboutissement une culture commune faite de représentations et de conceptions communes à toutes les populations de la sous-région.

b) Le courant fonctionnel

Ce courant constitue un autre axe majeur du processus d'intégration. Il consiste, pour nous, en la mise en commun par les chefs d'Etat et de Gouvernement de certaines matières dont une meilleure gestion est garantie par des initiatives communes. Nous nous inscrivons dans ce sens à la suite des théories fonctionnalistes et néo-fonctionnalistes en posant que certaines matières telles la gestion des espaces et des ressources naturels communs, le marché sous-régional, ne peuvent être efficacement administrées que par des instances concertées ou communautaires. Ainsi, la collaboration dans des matières techniques rapproche les acteurs par l'adoption de normes et de règles de gestion communes et contribue à l'instauration d'une culture commune.

c) Le courant sécuritaire

Ce courant résulte des évolutions énoncées dans l'oeuvre de David Mitrany. En effet, les évolutions dans les technologies de la communication, de la défense, des transports ont facilité les déplacements et les flux de tous genres en même temps qu'ils ont marqué une délocalisation des menaces à la sécurité. Ces évolutions créent le lit de menaces telles le terrorisme international, le blanchiment d'argent, la criminalité transfrontalière et la cybercriminalité. Dans la sous-région de l'Afrique centrale, ces menaces prennent la forme de la circulation incontrôlée des armes légères et de petit calibre (ALPC) qui sont de sérieux vecteurs d'instabilité, de la criminalité transfrontalière à l'instar du phénomène des coupeurs de route opérant dans les zones frontalières de la sous-région, et des rebellions transfrontalières. Or, ces matières ne peuvent être efficacement envisagées que par le biais d'une initiative communautaire. Bien plus, nous pensons que la gestion concertée de ces questions, en même temps qu'elle en garantit une meilleure résolution, porte et renforce le processus d'intégration sous-régionale.

En rapportant ces conclusions à la problématique de l'intégration en Afrique centrale il apparait que cette dernière est plus la question de son maintien, de son effectivité et de son renforcement que celle de sa naissance. A notre sens, le maintien du système dépend de l'activation et de l'entretien de ces trois courants par l'instance intégrationniste et par les décideurs politiques.

Paragraphe 4  : De la Sécurité vers l'intégration politique

En considération des théories recensées plus haut, nous pensons que l'intégration politique entendue comme la mise en place d'institutions communautaires dotées de moyens, de ressources et d'une compétence suffisante pour gérer les grandes problématiques de la sous-région est le résultat de la congruence de trois principaux courants à savoir, le courant culturel, le courant fonctionnel et le courant sécuritaire. Ainsi, les trois courants de l'intégration recensés peuvent évoluer séparément, mais une évolution séparée reste assez incomplète. Par contre, c'est la convergence de ces différents courants qui, à terme, ouvre l'opportunité d'une intégration politique efficace marquée par la création d'institutions politiques communautaires. En fait, le processus d'intégration peut naître et exister valablement sous l'action d'un seul de ces courants, mais nous pensons que la concomitance de ces trois courants nous semble être la meilleure configuration qui puisse mener vers une intégration politique efficace et stable.

Dans cette lancée, nous pensons que le volet sécuritaire qui est au centre de notre analyse, serait d'une contribution déterminante dans le processus de socialisation de l'Afrique centrale. Ainsi, l'effectivité du système de prévention des conflits dépendent la naissance et le développement des autres courants d'intégration. En termes plus clairs, il paraît évident qu'un climat d'insécurité compromettrait non seulement les communications sociales mais aussi le développement socio-économique de la sous région. Notre idée est confortée par Ropivia (2001) qui, dans son article, met en exergue l'impact négatif considérable de la conflictualité sur le processus de construction communautaire en Afrique CEEAC. Bien plus, le Dr Fogue pose qu' « au regard de la déliquescence actuelle de nombreux Etats africains, et plus particulièrement de ceux que traversent de manière cyclique les conflits, il est incontestable que la première bataille que doit impérativement gagner l'Afrique pour sortir de son sous-développement économique et social c'est bien celle de la sécurité » (Fogue, 2007 : 31). Ainsi et, en termes plus simples, la guerre est un écueil majeur d'abord au processus de construction nationale préalable à toute intégration, mais aussi au processus d'intégration sous-régionale lui-même dont elle bloque l'avancée et peut même inhiber les acquis. Le lien entre prévention des conflits et intégration régionale ou mieux, l'apport du système de prévention des conflits dans l'intégration de la sous-région n'apparaît alors que plus évident. Pour nous, l'effectivité du COPAX en tant que système sécuritaire de la sous-région serait un catalyseur du processus d'intégration de l'Afrique centrale CEEAC. Pour y parvenir, nous pensons à la suite de Lindberg que la stabilité et le succès du COPAX dépendent non seulement de la bonne division du travail qui sera institués par les textes organiques du COPAX mais aussi de l'aptitude du COPAX à agir sur l'environnement en suscitant en son sein des normes et des valeurs nouvelles.

CHAPITRE II : PRESENTATION DE L'AFRIQUE CENTRALE CEEAC, CADRE D'ACTION DU SYSTEME DE PREVENTION DES CONFLITS 

Toute entreprise scientifique qui se veut utile doit rester en prise avec les faits. Elle doit pouvoir partir de l'observation des faits pour déduire des lois et des théories générales, en même temps qu'elle doit être en mesure de retourner aux faits pour leur appliquer le fruit de ses élaborations.

Le présent Chapitre a pour objectif de répondre autant que faire se peut au premier volet de ce souci d'utilité. Ainsi, dans cette partie nous commencerons par présenter la sous-région Afrique centrale, son cadre d'intégration qui est la CEEAC et son cadre de prévention des conflits, en l'occurrence le COPAX. Ensuite, nous allons procéder à une sociologie de la polémologie en Afrique centrale. Dans cette optique nous recenserons les situations conflictuelles qui rentrent dans le cadre de nos limites spatio-temporelles et qui appelleraient une intervention du COPAX, ceci dans la perspective de jauger, dans un Chapitre ultérieur, la réactivité du COPAX. Ensuite nous-nous livrerons, sur la base des situations conflictuelles recensées, à un recensement des réactions du COPAX face à la conflictualité ambiante, non sans avoir mis en exergue les éléments structurateurs des conflits recensés. Selon une terminologie systémologique, nous comptons dans ce second moment mesurer le degré d'adaptabilité du système COPAX dans son environnement en mettant en exergue la nature et le contenu des inputs et des outputs qui constituent les liens du système d'avec son environnement. En sommes, nous comptons dans ce chapitre, replacer le système de prévention des conflits dans son environnement et mettre en exergue les interactions qui existent entre le COPAX et son environnement. En fait, nous espérons au terme de cette partie, rassembler le matériau suffisant qui nous permette de procéder, dans le chapitre suivant à une lecture transversale du fonctionnement du système de prévention des conflits de l'Afrique centrale et qui nous autorise à envisager les raisons et les conséquences d'un tel état de choses.

SECTION A  : PRESENTATION DE L'AFRIQUE CENTRALE : CADRE D'INTEGRATION ET DE PREVENTION DES CONFLITS13(*).

Ainsi que nous l'avons précisé dans notre introduction, nos travaux se focaliseront sur l'Afrique centrale CEEAC. Ainsi, par Afrique centrale, il faudra entendre la région médiane de ce continent qui part du Tchad au nord à l'Angola au sud, de la RDC et du Burundi à l'Est au Sao Tomé et principe à l'Ouest. A l'intérieur de cet espace on recense 10 Etats différents à savoir le Cameroun, le Gabon, le Congo, la République Démocratique du Congo, Sao Tomé, le Burundi, le Tchad, la République Centrafricaine, la Guinée Equatoriale. Ces Etats réunis couvrent une superficie de 6 640 600 Km2 pour une population de 123 933 000 habitants14(*).

L'Afrique centrale dispose d'immenses potentialités, notamment de terres agricoles abondantes soit 200 millions d'hectares de terres arables, dont seulement moins de 1% sont exploitées. En outre, le bassin du Congo (3.700.000 km²) concentre la plus importante ressource en eau du continent. Le potentiel hydroélectrique du fleuve Congo, deuxième fleuve du monde par son débit (40 000 m/seconde en moyenne rejetés dans l'Atlantique), est considérable avec un potentiel de 100.000 MW dont 44 000 MW pour le seul site d'Inga. Les pays situés dans la cuvette centrale bénéficient de la forêt dense équatoriale qui à elle seule comprend les 4/5 de la forêt dense africaine, soit près de 2,5 millions de km² riches d'essences diverses, régulièrement arrosée et pourvue d'une hydrographie très abondante.

Un autre atout important que possède la sous région en matière de communication est l'importance de ses voies fluviales. En effet, l'Afrique centrale recèle également d'importantes potentialités en voies d'eau intérieures navigables, tant nationales qu'internationales qui pourraient contribuer à la facilitation des échanges régionaux. Il s'agit notamment du fleuve Congo et ses principaux affluents (Kasaï, Oubangui, Sangha et Alima), du fleuve Ogoué et des Lacs Kivu et Tanganyika. Le système des voies d'eau intérieures qui comprend le fleuve Congo et ses affluents en rive droite (Oubangui et Sangha), communément appelé la trans-équatoriale, a toujours été une voie d'intégration physique et d'échanges pour la RCA, le Congo, le Cameroun, la RDC et le Tchad (pays non riverain). Il en est de même pour le Lac Tanganyika entre la RDC et le Burundi. La longueur des voies navigables contribuant à l'intégration dans la sous-région (voies internationales), avec des conditions variables de navigabilité, est actuellement évaluée à plus de 3100 km.

En outre, l'Afrique centrale compte en son sein les plus importants pays producteurs de ressources pétrolières d'Afrique subsaharienne (hors mis le Nigeria), à savoir l'Angola, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Tchad et Sao Tome et Principe. La RDC dispose de réserves de gaz naturel dans le Lac Kivu, tandis que l'Angola, la RCA et la RDC regorgent de minerais précieux divers (or, diamant, cuivre et coltan.).

La prise en compte et le souci d'une gestion adéquate de tous ces atouts a suscité au sein de la sous-région le projet de construire un cadre de gestion commune de toutes ces ressources qui est en l'occurrence la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC).

Paragraphe 1  : La CEEAC, cadre d'intégration de l'Afrique centrale

La CEEAC a été créée le 18 octobre 1983 par les membres de l'UDEAC et les membres de la Communauté Économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) (le Burundi, le Rwanda et le Zaïre ainsi nommé à l'époque), ainsi que Sao Tomé et Principe. L'Angola à conservé un rôle d'observateur jusqu'en 1999, époque à laquelle le pays est devenu membre, tandis que le Rwanda a définitivement quitté la communauté en 2007 après plusieurs hésitations.

Au sein de la CEEAC, on retrouve la Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale (CEMAC) qui fut institutionnalisée par un Traité signé en juillet 1996. Elle comprend le Gabon, le Cameroun, le Tchad, la Guinée Equatoriale, la République Centrafricaine et le Congo. Toujours au sein de la CEEAC se trouve la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL). Elle regroupe le Rwanda, le Burundi et le Zaïre. Elle est le sous-ensemble où le processus d'intégration a été le moins fort et est traversé par une conflictualité presque endémique. La CEEAC qui regroupe les deux sous-ensembles que dessus est l'instance institutionnellement reconnue comme étant le pilier de l'intégration en Afrique centrale notamment dans le cadre du programme de rationalisation des Communauté Economiques Régionales de la Commission Economique pour l'Afrique (CEA), mais elle est restée inactive pendant une trop longue période15(*).

Lors de sa création, la CEEAC s'est fixée pour but de promouvoir et renforcer une coopération harmonieuse et un développement équilibré et autonome entretenu dans les domaines de l'activité économique et sociale. Le Traité de la CEEAC, entré en vigueur le 18 Décembre 1984 et fonctionnel depuis 1985, a d'abord constitué pour les Etats membres un cadre approprié pour promouvoir l'intégration économique et le renforcement de la confiance entre eux. C'est bien plus tard que la CEEAC a élargi sa vision de l'intégration pour y inclure la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans la sous-région.

Au plan structurel la CEEAC comprend:

§ La Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernement : Elle définit la politique générale et les grandes orientations de la Communauté.

§ Le Conseil des Ministres : Le Conseil des Ministres formule des recommandations à l'attention de la Conférence sur toute action tendant à la réalisation des objectifs de la Communauté.

§ La Cour de justice : La Cour de justice assure le respect du droit par l'interprétation et l'application du traité et statue sur les litiges dont elle peut être saisie.

§ Le Secrétariat Général: Le Secrétariat Général exécute les décisions et directives de la Conférence et les règlements du Conseil des ministres. Il comprend un Secrétaire Général assisté de trois Secrétaires Généraux Adjoints chargés des départements suivants :

§ Intégration Humaine, Paix, Sécurité et Stabilité (IHPSS) ;

§ Intégration Physique Economique et Monétaire (IPEM) ;

§ Programme, Budget, Administration et Ressources Humaines.

Le Secrétaire Général est assisté dans l'accomplissement de ses fonctions par un cabinet et des cellules spécialisées. Les Secrétaires Généraux Adjoints sont aidés dans l'accomplissement de leurs tâches par des Directions techniques

§ La Commission Consultative : La Commission Consultative étudie ou instruit les questions et projets que lui soumettent les autres institutions.

§ Les Comités techniques spécialisés : Les Comités techniques spécialisés sont créés dans les domaines spécifiques et agissent dans le cadre des missions confiées à chaque domaine16(*) .

La CEEAC comprend actuellement un organisme spécialisé en matière énergétique. Il s'agit du Pool Energétique de l'Afrique centrale (PEAC) créé le 02 Avril 2003 à Brazzaville;

Paragraphe 2  : Le COPAX, instrument de la prévention des conflits en Afrique centrale.

Dans son optique de développement des capacités sous-régionales de paix et de sécurité, la Conférence des chefs d'État et de gouvernement, réunie à Yaoundé au Cameroun le 25 février 1999, a décidé de créer un mécanisme de promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique Centrale.

Plusieurs motifs militent pour une approche participative de la prévention des conflits en Afrique centrale. On peut citer entre autres dans cette rubrique :

o la faiblesse institutionnelle de certains Etats qui n'arrivent pas à être présents sur toute l'étendue de leur territoire et qui doivent faire face à des problématiques socio-économique de lutte contre la pauvreté, le chômage, la corruption et autres clanismes

o les énormes richesses minières de cette zone car, « sous-région éclatée, tous ceux qui le peuvent s'en servent comme zone de projection pour influencer la définition de son identité et sa reconfiguration géostratégique afin de s'approprier des ressources naturelles qu'on y retrouve. » (Awoumou, 2005 : 03)

o l'existence de problématique et de menaces transfrontalières telles les coupeurs de routes, la circulation des ALPC dont la résolution efficace exige l'adoption d'un approche communautaire.

Le 24 février 2000, la Conférence a effectivement adopté le Protocole relatif à l'établissement du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Afrique Centrale, le COPAX.

Le COPAX vise à :

· développer et intensifier la coopération sous-régionale en matière de sécurité et de défense ;

· mettre en oeuvre les dispositions pertinentes relatives à la non-agression et à l'assistance mutuelle en matière de défense ;

· définir les grandes orientations dans les domaines de l'établissement, du maintien et de la consolidation de la paix à l'échelon sous-régional.

Dans la poursuite de ces objectifs, il a pour mission de veiller au maintien, à la consolidation et à la promotion de la paix et de la sécurité en Afrique Centrale, en y intégrant la question de l'aide humanitaire. Le Conseil peut constituer et déployer des missions civiles et militaires d'observation et de vérification en vue de prévenir, de maintenir ou de rétablir la paix dans la sous-région, chaque fois que le besoin se fait sentir. Le COPAX est par ailleurs le cadre de préparation et d'exécution des décisions des chefs d'État en matière de prévention, de gestion et de règlement des conflits.

Pour la réalisation de ses objectifs, le COPAX a, à sa disposition, quatre instruments opérationnels que sont :

· la Commission de défense et de sécurité : son rôle est de planifier, d'organiser et de donner des conseils aux entités prenant des décisions dans la communauté afin de mettre en oeuvre, en cas de besoin, des opérations militaires.

· le Mécanisme d'Alerte Rapide de l'Afrique Centrale (MARAC) : il met en oeuvre le système d'alerte de la sous-région en rassemblant et en analysant les informations pour une alerte et une réaction rapide et appropriée

· la Force Multinationale de l'Afrique Centrale (FOMAC) : il s'agit d'une force non permanente constituée de contingents militaires des Etats membres dont le but est de mettre en place et d'assurer les missions de paix, de sécurité et d'aide humanitaire. La FOMAC est appelée à intervenir en cas d'agression ou de conflit dans tout État membre ou en cas de menace contre celui-ci, en cas de conflit entre deux ou plusieurs États membres, en cas de conflit interne ou en cas de renversement ou tentative de reversement des institutions constitutionnelles d'un Etat-membre.

· La Direction des Affaires Politiques et Diplomatiques (DAPD) : dont le rôle est de mettre en oeuvre toutes mesures de diplomatie préventive décidée par les instances dirigeantes du COPAX

En même temps que le Protocole relatif au COPAX, les États de la CEEAC ont adopté en février 2000 un Pacte d'assistance mutuelle entre les Etats membres de la Communauté. La 10ème Conférence, réunie à Malabo le 17 juin 2002, a adopté les règlements relatifs au COPAX, à la Commission de défense et de sécurité, à la Force multinationale et au Mécanisme d'alerte rapide. Le COPAX est entré en vigueur en janvier 2004.

SECTION B  : PRESENTATION SOMMAIRE DES CONFLITS EN AFRIQUE CENTRALE

En prélude à cet ouvrage essentiel et, conformément au balisage conceptuel effectué dans le chapitre précédent, nous retiendrons dans le cadre de notre recherche, une définition minimaliste du conflit selon laquelle le conflit n'est rien d'autre qu'un combat singulier à grande échelle dont l'objet est de contraindre l'adversaire à se plier à notre volonté, (Clausewitz (Von), 1832 : 37). C'est dire que les critères du recours à la violence et du nombre élevé des acteurs de la violence suffiront pour nous permettre de qualifier une situation de conflictuelle ou non. Cette définition à de plus l'avantage de cadrer avec notre conception de la prévention des conflits qui survient certes après l'éclosion du conflit mais avant qu'il n'atteigne des proportions incontrôlables et s'appuie sur un système d'alerte à même d'identifier, de localiser et de traiter efficacement les menaces à la paix et à la stabilité sous régionale. Nous-nous intéresserons donc à toutes les situations mettant en scène des forces militaro-politiques plus ou moins constituées qui s'affrontent dans une zone précise. C'est à ce titre que notre attention sera portée tout autant sur les cas de rebellions armée locales que sur les cas de guerres civiles embrasant l'ensemble du territoire national ou sous régional.

Un autre rappel important à faire de prime abord est celui de la temporalité des évènements objet de notre analyse. En effet, nos travaux s'étalant sur la période 2000-2008, nous ne nous limiterons pas à analyser seulement les conflits ayant éclaté dans cette fourchette temporelle mais nous intègrerons tous les conflits ayant éclaté avant cette période mais s'étant poursuivis au-delà de l'année 2000. En effet, notre avis est que, dans ces cas aussi, l'intervention du COPAX serait fondée et adéquate, car, non seulement, la caractéristique fondamentale des mécanismes d'alerte rapide est qu'il réagissent tout aussi efficacement avant et même pendant les conflits, mais encore, les textes directeurs du COPAX lui confèrent non seulement le droit mais le devoir d'oeuvrer à la prévention et à la gestion de toute crise sécuritaire survenant dans la sous-région.

En nous basant donc sur cette critériologie, nous avons recensé 08 conflits en Afrique centrale CEEAC dans la période allant de 2000 à 2008 à savoir : Le conflit Démo-congolais de 1998 à 2008, le conflit Burundais de 1994 à 2005, le conflit Angolais de 1998 à 2002, les rebellions centrafricains de 1996 à 2003 et de 2003 à 2008, le conflit du POOL au Congo, Le putsch santoméen de 2003 et enfin, la rébellion Tchadienne jusqu'en 2008.

Pour corroborer notre recension nous pouvons nous appuyer sur ces recommandations de Monsieur Antipas MBUSA NYAMWISI, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République Démocratique du Congo, alors Président du Conseil des Ministres du COPAX lors de la réunion de cette instance tenue du 25 au 26 février 2008 à Libreville, République Gabonaise. Il exhorte, dans son propos, les Etats membres à s'engager de manière déterminante sur six dossiers prioritaires : la restauration de la paix en République du Tchad ; le transfert d'autorité de la CEMAC à la CEEAC en République Centrafricaine ; la consolidation de la paix en République Démocratique du Congo ; le bon déroulement des élections en République d'Angola ; la sécurisation du Golfe de Guinée et la sécurité dans le triangle Cameroun - Tchad - République Centrafricaine. Les crises Burundaise, congolaise et santoméenne ne sont pas mentionnées pour une raison très simple. Etant en phase de résolution ou même complètement résolues notamment pour le cas Burundais et santoméen, il aurait été inapproprié de continuer à en faire des dossiers prioritaires. Nous nous délierons cependant de cette limite et considérerons aussi ces cas comme des objets de notre analyse, pour la simple raison qu'ils sont compris dans la fourche temporelle au sein de laquelle se situe notre analyse et devraient appeler une intervention du COPAX.

Paragraphe 1  : Le conflit Démo-Congolais à partir de 1998 (De la 2ème Guerre de RDC à la guerre du Kivu)

La deuxième guerre du Congo est un conflit armé qui s'est déroulé au sein du territoire de la République Démocratique du Congo (RDC, anciennement Zaïre) entre les année 1998 et 2008, avec certes une fin formelle le 30  juin  2003 mais une persistance des affrontements jusqu'en 2008. Elle impliqua neuf pays africains, et une trentaine de groupes armés, ce qui en fait la plus grande guerre entre États dans l' Histoire de l'Afrique contemporaine.

Le deuxième conflit Démo-Congolais trouve son origine dans la trop grande allégeance du président Laurent Désiré Kabila vis-à-vis des alliés Rwandais et Ougandais qui lui ont donné les moyens de renverser le Président Mobutu17(*). Or, ces alliés de fortune n'ont pas fait qu'apporter une aide désintéressée. Non seulement la guerre a été pour eux un moyen d'en découdre avec le Président Mobutu qu'ils accusaient d'accueillir certains ténors du Hutu power et de cautionner les raids meurtriers lancés par ces derniers en direction du Rwanda, mais elle a aussi été l'occasion pour bien des protagonistes de cette guerre de faire main basse sur les nombreuses richesses du sous-sol Démo-congolais détenues par Mobutu.

En fait, quand Laurent-Désiré Kabila prit le contrôle de la capitale en mai 1997, il dut faire face à de nombreux obstacles pour gouverner le pays qu'il renomma « République Démocratique du Congo » (RDC). En coulisse, de nombreux groupes tentaient de s'accaparer des parcelles de pouvoir, notamment les débiteurs étrangers, désireux de garder leur influence. Par ailleurs, la présence ostensible des Rwandais dans la capitale irrita les Congolais, qui commençaient à voir en Kabila la marionnette des Etats voisins18(*). Cet état de choses suscita des appréhensions non-seulement du coté des populations Démo-Congolaises qui s'estimaient envahies par des étrangers mais aussi du coté du Président Kabila lui-même qui voulut s'affranchir de la trop grande dépendance vis-à-vis de ses créanciers.

S'étant assuré une assise confortable au sein des milieux politiques de son pays et de la communauté internationale, il entrepris une procédure dont le but ultime était de s'affranchir de ses anciens alliés. Ainsi, le 14  juillet  1998 Kabila fit démissionner son chef de cabinet Rwandais, James Kabarebe, et le remplaça par un Congolais. Deux semaines plus tard, il remercia le Rwanda pour son aide, et demanda le retrait du pays des forces militaires rwandaises et ougandaises : Les conseillers militaires Rwandais furent évacués de Kinshasa avec peu de ménagement dans les 24 heures. Dans le même temps, et en guise de réplique, le gouvernement rwandais réclamait une part significative de l'est du Congo, considérée comme « historiquement Rwandais » tout en accusant Kabila de planifier un génocide contre les Tutsis dans la région du Kivu.

A la mi-Août 1998, les troupes Banyamulenge inféodées au Rwanda se mutinèrent et constituèrent un nouveau groupe armé, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), immédiatement soutenu et appuyé par le Rwanda et l'Ouganda avec l'onction du Burundi. Ce groupe prit rapidement le contrôle de l'Est du pays, faisant tomber dans son escarcelle les villes de Goma puis Bukavu et Uvira dans le Kivu et toutes les richesses minières des zones en question.

En guise de contre-offensive, le Président Kabila en appela à l'aide des Hutus militant dans le Congo oriental et commença à monter les populations contre les Tutsis, ce qui occasionna de nombreux lynchages dans les rues de Kinshasa, le plus souvent par le supplice du pneu19(*). Il rechercha aussi le soutien et l'appui d'autres alliés régionaux, soutien qu'il obtint de la Namibie, du Zimbabwe, de l'Angola et du Tchad. L'état des lieux laisse donc apparaître deux principaux groupes antagonistes comprenant d'une part, la République Démocratique du Congo et ses alliés la Namibie, le Zimbabwe, l'Angola et le Tchad auxquels il faut ajouter les milices Maï-Maï et toutes les milices hutus, et d'autre part le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi instrumentalisant le RCD, le MLC et les milices Tutsies. Le territoire national fut dès lors fractionné en trois grandes zones d'influences dont l'ouest resté sous la maîtrise du gouvernement et de ses alliés, le nord dominé par le MLC pro-ougandais et l'Est contrôlé par le RCD pro-Rwandais.

L'assassinat de Laurent-Désiré Kabila par un de ses gardes du corps ne mit pas un terme à la guerre mais resserra les liens au sein des alliés du gouvernement excédés par la duplicité de Kabila et ses lenteurs dans l'instauration d'un processus démocratique conduisant à des élections libres. Pour les mêmes raisons, la transition d'avec Joseph Kabila, son fils, élu à l'unanimité par le parlement congolais se fit presque naturellement.

A peine au pouvoir, Kabila Fils hérite de la gestion de la question épineuse de la pacification du pays. Sa stratégie dans ce sens consistera tout d'abord à raffermir la suprématie du gouvernement et de l'Etat sur les groupes rebelles qui prétendaient traiter d'égale à égale avec le pouvoir en place.

Sous la pression de la communauté internationale et notamment des Etats-Unis20(*), une paix relative sera obtenue à la suite des Accords de Luanda et Pretoria en 2002, paix confortée par la formation d'un Gouvernement de transition le 17 Décembre 2002 (Braeckman, 2003 :295-299).

Mais au-delà de la constitution d'un gouvernement de transition, le problème de fond qui est celui de la fusion des différents groupes armés en une seule armée unifiée continue à se poser. En effet, en l'absence d'une véritable unification des forces armées et de véritables avancées politiques, chaque groupe veut préserver sa zone de contrôle et son accès aux ressources naturelles qui le financent (Fouche V. et Jézéquel J-H, 2004 :159)

Les plus grandes inquiétudes viennent de l'Ituri et des Kivus. En effet, à la suite des massacres de Gatumba dans le sud-Kivu, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie faction Goma (RCD-Goma) s'est retiré des institutions de la transition.

Dans le même temps, le troisième rapport des experts de l'ONU rappela fort à propos que chacun des pays intervenants a veillé à mettre en place un réseau d'élites, des relais, permettant même après le retrait des troupes, de poursuivre l'exploitation des ressources et d'influencer les règlements politiques. Bien plus, certains pays comme le Rwanda et l'Ouganda ont appliqué une stratégie emprunte de nihilisme, voulant établir par l'absurde, c'est-à-dire par le désordre et la violence dans les régions qu'ils sont censés abandonner, que leur présence était un élément d'ordre, voire de pacification. (Braeckman  Op Cit.: 296) C'est dans cette logique que, au nom de la protection des Congolais d'origine Rwandaise, les Banyarwanda et les Banyamulenge en l'occurrence,  le Général Laurent Nkunda et le Colonel Jules Mutebutsi, à la tête de 4000 hommes, ont marché sur Bukavu en fin Mai 2004.

Le Rwanda fera preuve d'une duplicité particulière, réfutant officiellement toute déclaration faisant état de son soutien au Général Nkunda, mais apportant dans les faits son appui à ce Général rebelle. Stephanie Wolters (2007:04) fait état de cette duplicité dans le rapport de l'Institute for Security Studies de 2007 dont elle est l'auteur en affirmant: « It is relatively easy to identify instances of logistical support provided by Rwanda to Nkunda and his associates over the past three years: permitting them to recruit in Congolese refugee camps on Rwandan territory, allowing Nkunda and his men to travel back and forth between Rwanda and the eastern DRC, and providing safe heaven to those who have fallen foul of Congolese law ». Cet état de choses fait d'aide et d'assistance en sous-main accordées aux groupes rebelles opérant en RDC perdurera et, malgré une forte pression internationale, Laurent Nkunda, à la tête de son Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), commettra de multiples exactions dans le Kivu jusqu'en 2008.

Ainsi, En janvier 2006, les troupes de Nkunda affrontent les troupes régulières congolaises, toutes accusées de crimes de guerre par la MONUC. D'autres affrontements se déroulent en août 2006 aux environs de Sake. La MONUC, cependant, refuse d'ordonner l'arrestation de Nkunda lorsqu'un mandat d'arrêt international est lancé contre lui, arguant que Laurent Nkunda ne représente pas une menace pour les populations locales. Jusqu'en juin 2006 cependant, le Conseil de sécurité des Nations unies impose des mesures de restriction à Nkunda. Au cours des premier et deuxième tours de l' élection présidentielle Congolaise de 2006, Nkunda déclare qu'il respectera le résultat des urnes. Le 25 novembre, soit un jour avant que la Cour Suprême de la République Démocratique du Congo confirme la victoire de Joseph Kabila au second tour de l'élection présidentielle, les forces de Nkunda lancent une offensive majeure contre la 11e brigade des troupes gouvernementales à Sake, affrontant également des troupes de la MONUC. L'attaque pourrait ne pas être liée au résultat de l'élection, mais plutôt au « massacre d'un Tutsi proche de l'un des commandants du groupe. » Les Nations Unies appellent le Gouvernement à négocier avec Nkunda, et le Ministre de l'Intérieur, le Général Denis Kalume, est envoyé dans l'Est du pays pour entamer des négociations. Au début 2007, le Gouvernement régulier tente de diminuer la menace que constitue la présence de Laurent Nkunda en essayant d'intégrer davantage ses troupes au sein des FARDC, l'armée nationale, au cours d'un processus appelé brassage. Mais, cette stratégie de phagocytose est sans succès et produira meme le résultat inverse car, il apparaît qu'à partir d'Août 2007, Nkunda contrôle cinq brigades plutôt que deux. Le 24 juillet 2007, le responsable des Casques Bleus, Jean-Marie Guehenno déclare que « les forces de M. Nkunda sont la seule menace sérieuse contre la stabilité dans la RD Congo. »21(*) Fin 2007, l'instabilité au Nord-Kivu, largement attribuée aux affrontements entre les troupes de Nkunda et les milices hutues, est à l'origine du déplacement de plus de 160 000 personnes. Les agences des Nations Unies annoncent que davantage de combats seraient à l'origine du déplacement supplémentaire de 280 000 personnes dans les six mois à venir. Nkunda garde le contrôle de plusieurs unités, qui continuent à lui obéir après l'échec des négociations. La BBC déclare que Nkunda reçoit de l'aide du Rwanda22(*).

À la fin août, Nkunda retire ses hommes des brigades mixtes Nkunda/ FARDC et commence à attaquer les troupes gouvernementales qu'il accusait d'aider les milices hutues à assaillir les milliers de Tutsi présents dans le Kivu. Les forces des Nations Unies considèrent, comme les troupes gouvernementales, Nkunda et sa milice comme des «bandits».

Début septembre, les forces de Nkunda assiègent une position gouvernementale au Masisi, et les hélicoptères de la MONUC transportent des soldats gouvernementaux pour évacuer la ville. Le 5 septembre 2007, après l'annonce par les forces des FARDC de la mort de 80 hommes de Nkunda suite à un raid mené par un hélicoptère Mil Mi-24, Nkunda appelle le Gouvernement à revenir vers les termes d'un accord de paix. En septembre, les hommes de Nkunda vident une dizaine d'écoles secondaires et quatre écoles primaires, où ils enrôlent de force des enfants-soldats. Selon les Nations Unies, les filles furent emmenées comme esclaves sexuelles, les garçons comme soldats. Le Gouvernement impose le 15 octobre 2007 une date limite au désarmement des troupes de Nkunda. Cette limite passe sans réaction, et le 17 octobre, le Président Joseph Kabila ordonne à ses troupes de se préparer à la maîtrise des troupes de Nkunda par la force. Les troupes du Gouvernement marchent vers la position principale de Nkunda c'est-à-dire Kichanga. Des milliers de civils fuient les combats entre les troupes de Nkunda et les Mai-Mai pro-gouvernementaux de Bunagana vers Rutshuru. Au début Novembre 2007, les troupes de Nkunda s'emparent de la ville de Nyanzale, à environ 100 km au nord de Goma. Trois des villages des environs sont également pris, et les positions de l'armée gouvernementale abandonnées. Au début décembre, Une offensive gouvernementale menée par la 82e brigade reprend la localité de Mushake et la route qui la traversait. Ceci suit l'annonce par la MONUC que celle-ci était prête à fournir de l'appui aux offensives gouvernementales. Lors d'une conférence régionale à Addis-Abeba, les États-Unis, le Burundi, le Rwanda et l' Ouganda s'engagent à soutenir les forces gouvernementales et non pas les «forces négatives». Nkunda reprend cependant Mushake le 10 décembre, ainsi que la localité de Karuba. Avec l'ampleur des revers subis par l'armée gouvernementale en 2007, des doutes se font quant à sa capacité opérationnelle et à la fidélité de ses dirigeants en place, incapables de résister avec 20 000 hommes aux 4 000 miliciens de Nkunda. Les pertes gouvernementales subies au cours de la bataille de Mushake sont considérables : Sur environ 6 000 hommes engagés, 2 600 militaires ont été tués et 600 blessés23(*). Le matériel saisi par les rebelles est également impressionnant : 6 tonnes de munitions, dont des munitions d'hélicoptères, 45 blindés, 20 lance-roquettes, 15 000 caisses de grenades, 6 000 caisses de fusil militaire FAL, ainsi que 15 missiles sol-air. C'est la plus importante défaite de l'armée gouvernementale depuis la bataille de Pweto en novembre 2000. La fiabilité de certaines troupes de la MONUC est également mise en cause.

Nkunda annonce le 14 décembre qu'il est ouvert à des pourparlers de paix.

Les partisans de Nkunda décident de participer aux négociations, mais quittent la conférence de Goma le 10 janvier 2008, après la tentative d'arrestation de l'un d'entre eux. Ils reviennent cependant à la table des négociations. Les pourparlers se déroulent jusqu'au 21 janvier 2008, et un Accord est presque trouvé le 21 janvier 2008. Il est finalement reporté au 23 janvier malgré des discussions liées aux cas de crimes de guerre. Le Traité de paix est finalement signé le 23 janvier, et inclut une déclaration de cesser-le-feu immédiat, un retrait du Nord-Kivu des troupes de Nkunda, le retour au village de milliers de civils, et l'immunité des forces de Nkunda. Ni les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda ni le Gouvernement du Rwanda n'ont pris part aux discussions, ce qui pourrait hypothéquer la valeur de l'accord. En mai 2008, l'accord de paix tient toujours, mais n'a pas empêché des combats entre FARDC et FDLR, et les civils continuent à être victimes d'atrocités. Le 28 octobre, la ville de Rutshuru est menacée par les rebelles. Goma est également assiégée et attaquée, ce qui motive une intervention d' hélicoptères de la MONUC contre les rebelles. La ville est cependant abandonnée par les troupes gouvernementales le 29 octobre.

Suite à un retournement surprise d'alliance, les Gouvernements Rwandais et Démo-Congolais lancent une opération militaire combinée le 22 janvier 2009 menant à l'arrestation de Laurent Nkunda au Rwanda le même jour au soir.

En dernière analyse, il convient de noter que le conflit en RDC reste un conflit singulier à plus d'un titre :

Premièrement c'est une guerre intra-étatique, ce qui en fait une guerre qui s'éloigne de la nomenclature de la guerre conventionnelle envisagée par la théorie de la guerre et le droit international applicable en la matière. Mais en même temps c'est une guerre internationale en ce sens qu'elle a connu l'implication, par milices locales et armées gouvernementales interposées, de près de neuf pays africains différents qui se sont affrontés sur le sol Démo-Congolais.

Deuxièmement, du fait de l'étendue du territoire et des coûts qu'impliquerait le déploiement total d'une armée régulière, le conflit Démo-Congolais n'a pas été une guerre de grandes batailles et de lignes de fronts clairement définies, mais fut une guerre de positionnement autour des points stratégiques tels les ports et aéroports, les routes importantes et les points d'exploitation des minéraux précieux et des essences rares du Congo oriental.

Troisièmement, cette guerre est très marquée par le facteur économique. En effet, l'engagement de la plupart des protagonistes de cette guerre fut motivé par l'ambition de faire main basse sur les nombreuses richesses du sous-sol Démo-Congolais. Le Rapport final du Groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesses de la République Démocratique du Congo publié par l'ONU en 200224(*) fait ainsi état de l'implication, au plus haut niveau, de la RDC elle-même, du Rwanda, de l'Ouganda et du Zimbabwe dans le pillage des ressources minières de la RDC.

Quatrièmement cette guerre est caractérisée par un coût humain énorme eut égard aux nombreuses pertes civiles, aux multiples cas de viols, aux atrocités de tous genres commises par tous les protagonistes au conflit. On dénombre ainsi près de 3.300.000 morts selon International Rescue Commitee25(*)et 3.400.000 déplacés internes. La RDC est l'un des pays ayant le plus grand nombre d'enfants soldats soit 15.000 à 30.000 selon plusieurs sources, les plus jeunes étant âgés d'à peine 8 ans. Selon des associations des droits de la femme, d'octobre 2002 à février 2003, 5.000 cas de viol ont été perpétrés dans la zone d'Uvira, soit 40 cas par jour.

Paragraphe 2  : Le conflit Burundais

Le conflit Burundais, tout comme le génocide du Rwanda voisin, résulte de la manipulation par la puissance coloniale et les gouvernements post-coloniaux, du facteur ethnique dans le cadre d'une politique de gestion hégémonique et démagogique du pays. C'est que l'histoire coloniale du Burundi, comme celle de l'Afrique en général, est faite de la manipulation et de la création de différences entre les peuples, là où elles sont le moins apparentes, voire inexistantes26(*).

Historiquement, le peuple Barundi, composé des Bahutu, des Batutsi et des Batwa se reconnaissait dans une communauté de langue, le Kirundi, qui véhicule un riche patrimoine culturel commun, la même sagesse et la même vision du monde. Avant la colonisation, les Barundi avaient une communauté de religion. Ils croyaient à un être supérieur «Imana» créateur, dispensateur de vie, maître du monde et de tous les êtres qui s'y trouvent. Ils célébraient le culte du Kiranga avec la cohésion caractéristique de tous ceux qui partagent une même religion27(*). Il aurait donc été probant, lorsqu'on sait que Bahutu, Batutsi et Batwa ont une même culture et qu'une ethnie s'identifie entre autre par sa culture et sa tradition, de convenir que l'usage du terme "ethnie" pour distinguer ces identités est inadéquat. Mais, les colons belges qui arrivèrent au Burundi en 1919 et qui furent émerveillés par l'organisation de la monarchie en conclurent à l'existence d'une race ou une ethnie supérieure qui ne pouvait être faite que pour diriger les autres. Ils projetèrent donc sur les tutsis le fantasme d'origine hamite qui participa à façonner l'imaginaire différentiel des ethnies. La première conséquence de cette classification fut la partialité dans l'accès à l'éducation de plus de tutsis que d'hutus, créant ainsi la première différenciation sociale entre les élites. L'arme de la division ethnique fut également utilisée et de façon déterminante par les colons contre les leaders nationalistes, afin de mater les velléités indépendantistes qui se manifestèrent dans les décennies 50 et 60 tant au Burundi qu'au Rwanda et au Congo voisins. De même, une partie de l'élite post-indépendance au Burundi fit un usage récurrent de l'arme du « diviser pour régner » comme moyen d'accès et de conservation du pouvoir. La conséquence la plus catastrophique de l'usage de ce mode de domination fut la radicalisation de la haine qui aboutit au massacre des Hutus en 1973 et à celui des Tutsis en Octobre 1993, date constituant le point de départ du conflit objet de notre étude.

Les négociations entreprises en vue de résoudre la crise ont abouti aux Accords de paix du 28 août 2000. Ces Accords prévoyaient un Gouvernement de transition avec deux présidents, l'un issu du FRODEBU (parti à majorité hutu) et l'autre de l'UPRONA (parti à majorité tutsi). Le Gouvernement de transition avait pour mission de rédiger une nouvelle Constitution avec les factions rebelles, et d'organiser de nouvelles élections démocratiques. Mais, le 7 juillet 2003,  les Forces Nationales de Libération (FNL), mouvement rebelle Hutu, lancent une attaque sur Bujumbura. Les combats avec les forces gouvernementales, qui durent une semaine, sont extrêmement violents, faisant plus de 200 morts, et marquent une nouvelle escalade dans la guerre civile du Burundi.

Le 16 novembre 2003, réunis à Dar es Salaam en Tanzanie, des dirigeants africains de la région donnent trois mois aux Forces Nationales de Libération (FNL) pour entamer des discussions de paix avec les autorités du Burundi. Les rebelles Hutus rejettent l'ultimatum, et multiplient les attaques contre plusieurs quartiers de Bujumbura.

Le 5 janvier 2004, les rebelles hutus Burundais des Forces Nationales de Libération (FNL), dernier mouvement en guerre contre le Gouvernement de transition du Burundi, acceptent de négocier avec le Président Burundais Domitien Ndayizeye, mettant ainsi un point final à près d'une décennie de violences. Au cours de la même année, une nouvelle Constitution est rédigée collégialement avec l'UPRONA, le FRODEBU et le CNDD-FDD. Cette Constitution prévoit un Gouvernement ouvert à toutes les composantes ethniques. Il comprend au plus 60% de ministres et vice-ministres hutus et au plus 40% de ministres et vice-ministres tutsis. . Il est précisé que ce gouvernement doit inclure un minimum de 30% de femmes. Le Ministre de la Défense et le Ministre de l'Intérieur doivent être d'une ethnie différente. L'article 164 de la nouvelle Constitution stipule que « l'Assemblée nationale est composée d'au moins cent Députés à raison de 60% de hutu et de 40% de tutsi, y compris un minimum de 30% de femmes élues au suffrage universel direct, et de trois députés issus de l'ethnie Twa (Pygmées) cooptés conformément au code électoral ». Le 1er Alinéa du même Article précise que « si les résultats des votes ne reflètent pas les pourcentages susvisés, il sera procédé au redressement des déséquilibres par cooptation ». Malgré l'appel de certains politiciens à boycotter cette nouvelle Constitution, elle a été adoptée par référendum populaire à plus de 90% de « OUI » le 28 mars 2005 et est ainsi entrée en vigueur.

Paragraphe 3  : Le conflit Angolais

La guerre qu'a connue l'Angola est de loin la plus ancienne et la plus longue de toutes les guerres d'Afrique centrale. Elle trouve son origine dans les revendications indépendantistes formulées dans ce pays dès les années 50 et a pour acte déclencheur l'attaque, le 4 février 1961, de la prison de Luanda afin d'en libérer les prisonniers politiques, et le massacre de près de 2000 colons portugais qui s'en suivra. Les représailles de l'armée portugaise font 10 000 victimes dans la communauté noire et des centaines de milliers d'Angolais doivent fuir vers le Congo-Léopoldville. Les revendications nationalistes angolaises sont portées par trois groupes armés à savoir :

· Le Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA) d'Agostinho Neto ;

· Le Front National pour la Libération de l'Angola (FNLA) d'Holden Roberto soutenu par le Congo de Mobutu, la Chine, Israël, la France, la Roumanie ;

· L'Union Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola (UNITA) de Jonas Savimbi expression de l'ethnie Mbundu soutenue par les États-Unis.

En guise de représailles, le Portugal impose un service militaire et envoie des centaines de milliers soldats pour tenir l'Angola. Le 25 avril 1974, un groupe de capitaines de l'armée portugaise renverse le régime dictatorial de Marcello Caetano au Portugal. Malgré les tentatives du nouveau pouvoir colonial d'établir une transition pacifique marquée par un partage du pouvoir, les troupes des trois mouvements indépendantistes commencent à se battre les unes contre les autres pour le contrôle de la capitale. La ville sombre alors dans l'émeute et les pillages. En très peu de temps, le MPLA prend possession de la capitale Luanda et défait le FNLA mais ne parvient pas à éliminer l'UNITA. A partir des années 70, le pays s'enfonce dans une guerre civile aux apparences ethniques, mais dont les contours épousent la confrontation bipolaire post guerre froide. Dès lors, le conflit oppose d'une part le Mouvement Populaire de Libération de l'Angola (MPLA ou Movimento Popular de Liberação de Angola), fédérant les métis et les citadins soutenus par l'Union soviétique et Cuba, et d'autre part, l'Union pour l'Indépendance Totale de l'Angola (UNITA ou União Nacional para la Independencia Total de Angola), un mouvement regroupant surtout les Ovimbundus (40% de la population) et appuyé par les Occidentaux (États-Unis et Royaume-Uni) et l'Afrique du Sud. En 1979, Augusto Neto décède et Edouardo Dos Santos lui succède à la tête du MPLA. La guerre civile continue avec un peu moins de vigueur. En 1991, les accords de Bicesse aboutissent à un cessez-le feu et à l'organisation d'élections générales supervisées par les Nations Unies. Le MPLA remporte 49% des suffrages contre 40% pour l'UNITA. Jonas Savimbi, leader historique de l'UNITA, dénonce des fraudes et reprend les armes, cette fois sans plus aucun soutien international.

En 1997, un Gouvernement d'union nationale est formé avec Jonas Savimbi, mais les combats reprennent après que Savimbi eût dénoncé, selon lui, le manquement du MPLA à ses obligations et, le 28 août 1997, le Conseil de Sécurité des Nations unies impose des sanctions contre l'UNITA.

L'année 1998 constitue un revirement important dans l'évolution de cette guerre et marque, dans le cadre de notre étude, le point de départ de la séquence conflictuelle qui aura retenu notre attention. En effet au mois de Décembre 1998, le MPLA tente alors le coup de grâce et déclenche une offensive militaire massive contre le quartier général de L'UNITA et ses principaux bastions. Les opérations se soldent par un succès général malgré la fuite de Savimbi.

Le 22 février 2002, Jonas Savimbi, est finalement abattu lors d'un assaut de l'armée gouvernementale et le 4 avril de la même année, un nouvel accord de cessez-le-feu est signé mettant fin officiellement à 27 ans d'un conflit sanglant (1975 - 2002)28(*).

Paragraphe 4  : La crise centrafricaine de 1996 à 2003

La crise centrafricaine de 1996 à 2003 a pour fondement des revendications ethnico- corporatistes ayant fait l'objet d'une récupération politique. En effet, l'élection d'Ange-Félix Patassé à la présidence de la République Centrafricaine en 1993 n'a fait que reproduire la trajectoire politique habituelle en Afrique, par laquelle des groupes sociaux définis principalement sur une base ethnique ou régionale se succèdent au pouvoir (Zongola, 2003 : 03).

La première manifestation de cette crise est la mutinerie du 18 au 22 avril 1996 au Camp Kassaï à Bangui. Même si la raison avouée de cette mutinerie est le retard dans le paiement des arriérés de solde des soldats, il faut y lire la grogne des soldats d'origine Yokoma, l'ethnie de l'ancien président Kolingba qui jouissaient, du fait de leur appartenance ethnique, d'un traitement de faveur au sein de l'armée et qui sont délaissés par le président Patassé. Ce dernier leur préfère des soldats de sa propre tribu, les Saras, à qui il octroie toutes sorte d'avantages. La mutinerie prit fin à la suite d'un accord entre les mutins et les autorités du pays relatif au règlement du problème des soldes impayés.

Les revendications des soldats n'ayant pas été prises en compte, on assistera, un mois plus tard, c'est-à-dire le 18 Mai 1996, à une nouvelle mutinerie. Comme la première, cette mutinerie est, en toute vraisemblance, liée à l'irrésolution du problème des soldes et à celui de la discrimination dont les soldats Yakomas se sentaient victimes. Mais, aux revendications d'ordre corporatiste est venue s'ajouter une dimension politique, les mutins et une grande partie de l'opposition réclamant la démission du président Patassé. Contrairement à la première, cette mutinerie sera plus dévastatrice causant notamment des centaines de morts même parmi les civils et la destruction de plusieurs entreprises économiques. La mutinerie prit fin le 5 juin 1996, suite à l'adoption d'un protocole d'accord politique (PAP) prévoyant, entre autres, une loi d'amnistie générale pour les mutins, la formation d'un gouvernement d'union nationale et un programme minimum commun (PMC) de gouvernement. Malgré quelques marques de bonne foi de la part du Président Patassé, perceptibles notamment dans la nomination de Jean Paul Ngoupandé au poste de Premier Ministre et la tenue des Etats Généraux de la Défense Nationale (EGDN) du 19 août au 9 septembre 1996, la situation ne s'améliore pas à cause des réticences de certains barons du régime Patassé déterminés à sauvegarder leurs privilèges.

Cet atavisme dans la négociation et le processus de sortie de la crise sera à l'origine d'une troisième mutinerie le 15 novembre 1996. Cette mutinerie sera caractérisée par une généralisation et une radicalisation de l'ethnicisation marquée par la constitution de blocs sur une base ethnique tant au sein de l'armée qu'au milieu de la population elle-même. Suivant leurs régions d'origine, les résidents de Bangui se regroupent en deux zones antagonistes et font recours aux langues ethniques pour communiquer en lieu et place du Sango, la langue nationale. L'armée elle-même est divisée entre « loyalistes » et « mutins ». Cette scission au sein de la population et de l'armée perdurera jusqu'à la signature le 25 janvier 1997, des «Accords de Bangui», signature qui marque en outre la fin de la troisième mutinerie des FACA et constituaient un préalable à la tenue des Conférences de Réconciliation Nationale (CRN).

Mais, une fois politisée, la grogne des militaires deviendra un conflit ouvert sur le partage du pouvoir entre le régime Patassé et l'ensemble de l'opposition politique. Car les mutineries ne furent qu'une manifestation, quoique brutale, de la crise de l'Etat en général et de la résistance des détenteurs du pouvoir à la démocratisation en particulier. (Zongola, 2003 :5). Le président Patassé et son entourage se sont en effet rendus coupables du blocage du processus de réconciliation nationale depuis les mutineries de 1996-1997. Qu'il s'agisse du partage du pouvoir, du processus électoral, ou de la restructuration des forces armées, le pouvoir usait de toutes sortes d'astuces pour rendre vains les gains réalisés par l'opposition dans les négociations sous la médiation internationale. Cet état de chose a rendu le terrain propice à une nouvelle rébellion, celle du Général François Bozizé qui, à la faveur du coup d'Etat du 15 mars 2003 prendra le pouvoir à Bangui. Mais ce changement à la tête de l'Etat a-t-il suffit pour apporter une solution définitive à l'insécurité en Centrafrique ? Quel fut l'impact de ce changement dans la résurgence de groupes rebelles dans ce pays ?

Paragraphe 5  : La rébellion centrafricaine de 2003 à 2008

La crise que traverse actuellement la RCA s'entend dans le double sens d'une continuité et d'une rupture d'avec l'atmosphère politique qui a précédé le gouvernement Bozizé.

Les faits sont simples. Arrivé au pouvoir en 2003 à la suite d'un coup d'Etat, le Général Bozizé avait pour leitmotiv la lutte contre la pauvreté et la pratique d'une démocratie participative ayant pour fondement les recommandations des Conseils de Réconciliation Nationale (CRN). Cependant, dans la pratique, malgré une volonté affirmée de changement, on constate la persistance des fléaux décriés depuis l'époque de l'ancien chef d'Etat Ange-Félix Patassé et qui ont causé la décrépitude du tissu socio-économique centrafricain et le blocage du débat démocratique. En sommes, les changements à la tête de l'Etat n'ont pas été suivis d'une amélioration de la situation Socio- économique et même politique du Pays. La pauvreté et le chômage restent perceptibles et continuent à jouer leur rôle de facteur incitateur de crise et d'instabilité nationale. Les revendications socio-économiques sont à la base de plusieurs revendications actuelles de l'opposition centrafricaine, qu'elle soit armée ou non.

Cette crise est aussi marquée par un changement de rôle et la résurgence du phénomène de criminalité transfrontalière. En ce qui concerne les rôles, on observe une alternance entre les groupes au pouvoir et l'opposition, les rebelles d'hier étant devenus les décideurs d'aujourd'hui et vis versa. Les barons du régime Patassé qui ont fui avec leur patron sont entrés en rébellion et se sont pour la plupart expatriés dans l'espoir de revenir d'une façon ou d'une autre au pouvoir.

La résurgence du phénomène de la criminalité transfrontalière constitue un des traits caractéristiques de cette crise. La criminalité transfrontalière est ici le fait des zaraguinas, ces groupes d'individus qui, selon les occasions, se constituent en rebelles ou en coupeurs de route, se servant dans le deux cas de la frontière comme zone de retranchement. En d'autres termes, les opposants au régime Bozizé se sont retranchés au Soudan, d'où ils partent pour couper les routes notamment dans le Nord de la Centrafrique. Cet état de chose a pour conséquence immédiate de faire prévaloir un climat d'insécurité permanente fortement préjudiciable à la reconstruction nationale et au projet de construction de l'identité sécuritaire de la sous-région, quand on sait que la présence de ces groupes est très souvent un motif de discorde entre les Etats de la zone.

Il faut au surplus préciser que la situation d'insécurité dont souffre la Centrafrique actuellement est une répercussion de la guerre qui sévit au darfour. En effet, cette crise a, par les différents flux de personnes et d'ALPC qu'elle génère, tendance à s'exporter vers le Tchad et la Centrafrique qui sont des pays limitrophes et qui constituent en fait la ligne de front où s'opposent les différentes ambitions et intérêts qui s'opposent au Darfour29(*).

La conséquence de cette combinaison de faits est qu'à partir de 2005, plusieurs villes du nord de la RCA à l'instar de Tiringulu, de Birao et de Gbadolite tomberont entre les mains des rebellions qui, autre fait nouveau, opèrent parfois en coalition. Parmi les groupes rebelles on peut citer entre autres : l'Union des Forces Démocratiques pour le Rassemblement (UFDR), Le Mouvement des Libérateurs Centrafricains pour la Justice (MLCJ), le Front Démocratique du Peuple Centrafricain (FDPC), l'Armée Populaire pour la Restauration de la Démocratie (APRD). Tous ces groupes opèrent dans un dessein avoué, celui de prendre le pouvoir par les armes à partir de leurs bases du nord.

Paragraphe 6  : Le conflit du Pool au Congo

La crise qu'a connu la département du Pool dans le sud-est du Congo reste atypique par les acteurs, les méthodes et les motivations qui l'on portée. En effet, en plus des revendications d'ordre socio-économique et pseudo-identitaire rencontrées dans la plupart des rébellions d'Afrique centrale, on retrouve au centre de ce conflit un facteur mystico-religieux très important.

Tout commence en 1997 lorsque le Révérend Pasteur Ntumi, de son vrai nom Frédéric Bitsamou dit avoir une révélation de Dieu qui lui ordonne de se réfugier dans le Pool et de préparer les jeunes à se défendre contre une invasion militaire. Il convainc plusieurs rebelles ninjas auparavant ralliés à Bernard Kolélas, son entourage composé pour la plupart des anciens fous qu'il a soigné30(*), et des jeunes désoeuvrés, réputés être des toxicomanes, à se rallier à sa cause. A la tête du Conseil National de la Résistance (CNR), l'armée ainsi constituée, Ntumi lancera l'attaque du 18 décembre 1998 contre les forces gouvernementales. De victoire en victoire, la guérilla du Pasteur Ntumi va se constituer un véritable arsenal d'armes et munitions issues des armes restées en circulation depuis les combats de 1995-97, des armes obtenues dans le cadre du Trafic de drogue, et enfin, celles prises sur les policiers défaits lors des combats.

L'ambition de l'homme de Dieu est très claire : Libérer le Pool et s'en servir comme base arrière dans la quête du pouvoir de Brazzaville.

Mais, la barbarie et la cruauté des ses méthodes vont finir par jeter l'opprobre sur ses ambitions et une partie de son armée de Ninjas désertera pour Brazzaville, espérant être récupérée par le gouvernement.

Entre 2004 et 2007 le Président Sassou Nguesso fera un ensemble de concessions dont l'objectif sera de se rallier le Pasteur. Ainsi, en 2004 le Président Sassou lui propose un poste de Député qu'il refuse. A la longue, en 2005, l'armée déloge les Ninjas de la résidence octroyée à Ntumi par le Président Sassou à Brazzaville. Assiégés par l'armée, 300 Ninjas sont contraints à repartir à pied dans le Pool. Au cours de la même année, certains miliciens ninjas quittent le Pasteur pour se rallier à leur ancien chef Kolélas rentré au pays. En Mai 2007, le président Denis Sassou Nguesso nomme Ntumi  « Délégué Général chargé de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerres ». Le 6 Juin 2007, Ntumi fait une sortie triomphale devant le Premier Ministre, des membres du gouvernement, Bernard Kolélas et la communauté internationale à l'occasion de la concertation citoyenne des ressortissants du Pool. Mais sa prise de fonction, arrêtée pour le 10 Septembre avorte à cause de la présence inquiétante des hélicoptères de guerre de l'armée gouvernementale au dessus de la ville. Il retourne dans son fief où il dit être en attente d'une prochaine décision le concernant.

Le dialogue initié entre le gouvernement et la rébellion du Pool aura été d'un impact décisif dans la décrispation de la situation et l'ouverture qui mènera plus tard à la dissolution, le 09 Juin 2008 à Kinkala, chef-lieu du Pool, de la branche armée du CNR par le Pasteur Ntumi lui-même.

Paragraphe 7 : La rébellion Tchadienne

L'histoire politique de la république Tchadienne semble être l'une des plus tumultueuse d'Afrique centrale, marquée qu'elle est par la récurrence des rébellions et la fréquence des coups d'Etats. En fait, à l'exception de François Tombalbaye, le premier Président de cet Etat, tous ses dirigeants ont employé la voie des armes pour parvenir au pouvoir. Devenu République autonome en 1958, le Tchad accéda à l'indépendance le 11 août 1960, sous la présidence de François Tombalbaye qui est assassiné en 1975. Après l'assassinat de Tombalbaye, le pouvoir échoit au général Félix Malloum, lui-même renversé par Goukouni Oueddei à la suite de la première bataille de Ndjamena en 1979. En 1980, la seconde bataille de Ndjamena permit à Goukouni Oueddei d'évincer son rival, Hissène Habré. En 1982, Goukouni Oueddei est renversé à son tour par Hissène Habré.

En 1990, Hissène Habré fut chassé du pouvoir par Idriss Déby Itno. L'arrivée au pouvoir du MPS (Mouvement Patriotique du Salut), d'Idriss Déby va inaugurer un nouveau cycle de la vie politique tchadienne. Il annonce très rapidement la nécessité de rompre avec les vieilles habitudes des partis uniques et des seigneurs de guerre, prend des mesures de libéralisation, dissout la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), la police politique crée par son prédécesseur Hissène Habré et crée une commission d'enquête sur les crimes de ce dernier. Il annonce la rédaction d'une nouvelle constitution et fait formellement adopter le multipartisme en octobre 1991.

Toutes ces mesures ne suffiront pourtant pas à dégriser l'atmosphère politique : dans les faits, les pouvoirs du président restent immenses et inégalés et on assiste à un foisonnement de groupes d'opposition armée dont les plus représentatifs sont l'Union des Forces pour la Démocratie et le Développement(UFDD) de Mohamad Nourri, le Rassemblement des Forces pour le Changement (RFC) de Timan Erdimi et de son frère, tous deux d'ethnie Zaghawa étant neveux d'Idriss Déby, le Front Uni pour le Changement (FUC) et l'UFDD-fondamentale dirigée par Makaye. En fait, le déséquilibre dans la répartition des pouvoirs et la duplicité dans la pratique démocratique ne sont pas les seuls facteurs explicatifs de l'instabilité qui prévaut au Tchad car, elle est renforcée par la prégnance d'une corruption abyssale, de la pauvreté, du favoritisme et du néo-patrimonialisme. Une autre raison de l'instabilité tchadienne est à rechercher dans l'antagonisme avec le soudan voisin qui se traduit par une guerre par procuration, que se livrent ces deux pays. Ainsi, Le Tchad soutiendrait les rebelles au régime de Khartoum, alors que le Soudan servirait de base arrière aux opposants d'Idriss Déby. Dans cette guerre non conventionnelle, le Tchad semble bénéficier du soutien de la France, des Etats-Unis et de la Libye, face au Soudan soutenu par l'Iran et la Chine.

Malgré quelques initiatives qui, du reste, ne tendent qu'à assurer la sécurité des réfugiés dans la zone frontalière Tchad/Soudan/RCA, l'instabilité reste prégnante au Tchad et appelle encore une intervention opportune du COPAX.

Paragraphe 8  : La crise Santoméenne de Juillet 2003

Le coup d'Etat qu'a connu la presqu'île de Sao Tome et Principe n'est pas très différend de ceux qui ont traversé le reste de la sous-région. Il est mu par les mêmes considérations et par le même type d'acteurs.

A l'origine de ce coup d'Etat, on retrouve l'extrême pauvreté de la majorité de la population et la prégnance de malversations visant à fausser le jeu politique. En fait, Sao Tomé et Principe, une ancienne colonie portugaise d'environ 140 000 habitants, est constituée de plusieurs îles situées au large de l'Afrique de l'Ouest dépendant essentiellement de l'aide internationale et de l'agriculture, et où le revenu moyen est de 280 dollars par an31(*). Comme on peut le voir, le pays croule sous une misère prégnante. Mais, en face de cette misère extrême, on trouve aussi une richesse extrême, détenue par une poignée de personnes qui conservent le pouvoir. Au surplus, il est fait état de quelques malversations visant à bloquer ou détourner le fonctionnement des institutions démocratiques. Enfin, la découverte de nombreux gisements pétroliers dans ce pays a eu pour effet d'aiguiser les appétits des nationaux partisans de la méthode forte, et des états voisins qui entrevoient ici une cause de projection dans cette presqu'île. En effet, de grandes compagnies pétrolières, dont Exxon Mobil et Royal Dut Shell, tout comme le Nigeria, s'intéressent à l'exploitation de cette zone. Dans les fait, on observe une cassure politique entre le pouvoir et le peuple, cassure accentuée par les facteurs socio-économiques énoncés plus haut. A titre d'illustration, le Président, Fradique de Menezes, a dissout en janvier 2003 le Parlement, en raison d'un désaccord sur le droit de négocier des contrats d'exploitation avec les compagnies pétrolières. Le Parlement a repris ensuite ses activités, mais une nouvelle querelle a éclaté après que le Président eut affirmé avoir utilisé, pour sa campagne, de l'argent que lui aurait versé une compagnie pétrolière.

Dans le cours de l'année 2003, le pouvoir en place devra faire face à plusieurs incidents, des émeutes qui constituent en fait des manifestations de la grogne et du mécontentement des populations. Le mouvement d'humeur atteint son paroxysme le 16 juillet 2003, lorsque, profitant de l'absence du Président Fradique de Menezes en visite privée au Nigeria, des putschistes, dirigés par le Chef du Centre d'Instruction Militaire de Sao Tomé, le Major Fernando Pereira connu sous le nom de « Cobo », ont pris le pouvoir sans effusion de sang certes, mais de façon antidémocratique. Le plaisir de cette junte sera de très courte durée car elle tombera sous le coup de la critique internationale et sous la pression des institutions internationales, avec en première place l'action en diplomatie préventive de la DAPD du COPAX, ce qui finira par aboutir à une restauration de la légalité constitutionnelle.

SECTION C  : ANALYSE DE LA STRUCTURE DES CONFLITS EN AFRIQUE CENTRALE

Après avoir, grâce à la présentation sommaire que dessus, circonscrit le cadre, le contexte et les étapes des situations interpellant notre attention, nous envisageons dans cette section procéder à une identification des différents éléments qui structurent les conflits en Afrique Centrale. L'identification et la maîtrise de ces facteurs nous ont semblé fondamentales en ceci qu'elles fournissent une grille de lecture plus efficiente et rendent plus saisissables les aspects profonds de la polémologie en Afrique centrale. En d'autres termes, nous essayerons ici de ressortir les considérations fondamentales qui suscitent et portent les conflits dans notre sous-région afin de pouvoir entrevoir les canaux éventuels de l'action ou de l'intervention du COPAX.

Analysant la conflictualité de l'Afrique subsaharienne, Michel Kounou démontre qu'elle est le fait, non seulement de facteurs internes à l'Afrique et aux Etats en conflit, mais résulte aussi des implications et des projections externes aux Etats africains

Reconnaissant la pertinence de cette recension des éléments structurateurs des conflits, nous l'adaptons aux différentes crises que nous avons recensées, les regroupant au sein de deux grandes catégories à savoir les considérations endogènes et les considérations exogènes des conflits en Afrique centrale.

Paragraphe 1  : Les considérations endogènes des conflits en Afrique centrale

Nous rangerons sous cette rubrique tous les facteurs qui ont leurs origines à l'intérieur des zones en conflits

a) Les considérations historiques et culturelles

L'élément culturel occupe une place particulière dans la polémologie de l'Afrique centrale. Il est perceptible dans six des huit conflits qu'a connus la sous-région. En effet, la plupart des crises qui se sont déroulées dans cette zone ont été portées ou renforcées par la fibre identitaire.

Des auteurs tels Kounou (2001) Tshiyembe (2003) et Eteki Mboumoua (2001) s'accordent à penser que cet état de chose est le résultat d'un tracé frontalier irréaliste hérité de la colonisation et qui n'a pas tenu compte des identités et des particularités culturelles. Du fait de ce tracé, des nations, des familles ont été arbitrairement divisées tandis que des cultures hétérogènes étaient condamnées à une cohabitation forcée. C'est de ce tracé hasardeux que résulte l'hétérogèneïté des Etats africains, l'enjeu étant maintenant, pour ces Etats, de parvenir à la construction d'une véritable nation calquée sur les limites de l'Etat. La situation sécuritaire de l'Etat dans ces conditions se situe dans un continuum qui va de la déconstruction de l'Etat par l'exacerbation des différences et des clivages, à la construction nationale sur la base de la promotion de l'unité et de la cohésion au sein de l'Etat. Cette affirmation est d'autant plus fondée que « la plupart des guerres de frontières s'avèrent attribuables à un tracé colonial subversif, contestable et contesté; et non d'abord à une animosité supposément bestiale entre peuples africains » (Kounou, 2001 :237).

L'action insidieuse du pouvoir colonial et des acteurs post-coloniaux ne s'est pas limitée à un tracé frontalier fantaisiste. Elle est aussi perceptible dans la création, la manipulation et l'exacerbation de l'hétérogèneïté ainsi construite dans l'optique de la conservation du pouvoir ou du renversement du pouvoir en place. Ainsi explique-t-on le fait que des peuples ayant un passé commun et partageant des pratiques séculaires en viennent, sous l'instigation d'acteurs politiques peu scrupuleux, à rechercher leur extinction mutuelle. Ainsi, la guerre au Rwanda et au Burundi a opposé les peuples Hutu et Tutsi qui cohabitent pourtant harmonieusement dans les deux Etats depuis des millénaires32(*); et au-delà des cas Rwandais et Burundais, de telles motivations ont porté les conflits de la RDC, de la RCA, du Pool au Congo et la rébellion tchadienne.

Dans une optique de prévention structurelle, la solution aux menaces d'ordre historique et culturel consisterait selon Ayissi A. (2001), Eteki Mboumoua (2001), Mwayila Tshiyembe (2003) en la promotion, au sein de la société, de valeurs de tolérance, de communautarisme, consolidant le « vouloir vivre ensemble », aboutissant à la naissance d'une nation nouvelle, d'une nation arc-en-ciel, riche de ses différences mais forte de son unité. Nous pensons, en accord avec le préambule de l'Acte Constitutif de l'UNESCO que : « les guerres et les conflits prennent naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix » 

b) Les considérations politiques

L'histoire politique de l'Afrique est traversée par plusieurs cas de recours à la violence comme mode d'interaction politique avec l'autre. Dans ces contextes, « la guerre est un acte politique, elle surgit d'une situation politique et résulte d'un motif politique » (Aron, 1962 : 35). Ceci veut dire que toute crise, toute guerre, résulte de l'incompatibilité des conceptions, des méthodes et de mécanismes de répartition et d'exercice du pouvoir, conduisant les belligérants à rechercher à imposer leur conception par la violence ou la contrainte.

Il faut cependant préciser que cet état de chose relève d'une perception erronée de la relation politique, qui fait du conflit un mode normal du débat politique. L'adversaire politique ou, du moins, l'opposant dans ce contexte est appréhendé comme un ennemi à détruire. Cette perception qui du reste n'est pas spécifique à l'Afrique noire, trouve sa justification théorique dans les thèses de Simmel G. (1995 : 19) pour qui le conflit est « l'une des formes de socialisation les plus actives» et dans les travaux de Karl Schmitt pour qui l'ennemi est un catégorie normale et même fondamentale de l'univers politique. En Afrique centrale et dans la période 2000-2008, cette tendance à la criminalisation de la politique sera perceptible dans six (Congo, Tchad, RCA, Burundi, RDC et Angola) des huit conflits qui y seront répertoriés. D'où la conclusion de Mwayila Tshiyembe (2003 : 10) selon laquelle « la violence politique est la variable structurelle de la conflictualité qui ensanglante l'Afrique médiane »

Le recours à la violence comme mode d'accession au pouvoir est tributaire non seulement des considérations unilatéralistes et hégémonistes constitutives de l'imaginaire de la chefferie dans certaines cultures mais aussi de la prééminence de pratiques telles l'imposition du parti unique, le recours à la police politique et la restriction des libertés individuelles. De telles pratiques qui compromettent le dialogue social, seul exutoire des antagonismes inhérents à toute société, ne permettent pas d'envisager une alternative d'expression politique autre que la violence, la révolte et la rébellion. Dans cette logique, la récurrence de conflits apparaît être inversement proportionnelle au degré de participation et d'alternance dans la sphère décisionnelle. En d'autres termes, plus on participe à l'administration de l'Etat, moins on a de raisons de se rebeller. Bien plus, des pratiques telles la confiscation du pouvoir par des procédés non-démocratiques, l'exclusion d'un groupe des instances décisionnelles, la corruption et le favoritisme résultent en une marginalisation latente ou manifeste qui ne laisse aux victimes que l'alternative d'une revendication violente et donc conflictuelle. Le Pr. Zongola-Ntalaja (2003 :02) analysant la dynamique des conflits en Afrique centrale fait de la conflictualité dans cette zone « la conséquence inéluctable de la résistance des dirigeants autoritaires au processus de démocratisation dans une conjoncture de crise politique et économique ». Et Ropivia (2001 :153) de renchérir : « la pacification de l'Afrique centrale dépend d'abord de la capacité de ses Etats à agir sur les deux éléments importants que sont la démocratie et la décentralisation administrative. ». C'est dire que le remède à ce niveau consisterait en une pratique démocratique saine basée sur le respect des droit et libertés fondamentaux et marquée par la reconnaissance des spécificités et la pratique d'une gestion participative et concertée du patrimoine national. Que dire alors de l'influence des considérations socio-économiques dans la structuration des guerres ?

c) Les considérations socio-économiques

Fondamentalement, la recherche, l'acquisition et la conservation des ressources constituent les motivations principales des guerres. On entre en guerre parce que la société se retrouve dans un état de déliquescence marqué par la désuétude des institutions et du tissu économico-industriel devenu incapable de créer et garantir le bien être social ou alors d'endiguer la pauvreté, le chômage et l'inflation. Le recours à la violence dans ce cas est une révolte contre la rudesse des conditions de vie et est la manifestation des espoirs portés dans un changement éventuel qui apporterait une amélioration des conditions de vie. S'il ne fait plus l'ombre d'aucun doute que les suffrages dans les démocraties occidentales sont fonction des réalisations socio-économiques des candidats en lice, alors on devrait comprendre que la persistance d'une pauvreté extrême dans des sociétés en plus marquées par l'obstruction des canaux démocratiques du dialogue social, mène au recours à la violence comme mode de réaction contre la pauvreté. La Commission Carnegie (1997 :24) pense dans cette suite que la généralisation rapide de la pauvreté, comme on a pu le voir en Somalie au début des années 90, entraîne des risques accrus de guerres civiles, de terrorisme et de désastre humanitaire. En d'autres termes, la pauvreté, le sous-développement ou tout simplement la prévarication constituent des facteurs aggravateurs de l'instabilité et constituent un prétexte de choix pour des initiatives polémogènes. Ateba I. (2001 :79-83) renforce cet avis lorsqu'il affirme : « Le phénomène de la pauvreté conduit à des situations où se perdent toutes les valeurs. L'homme qui a faim, n'est pas un homme libre, un homme susceptible de réfléchir sereinement et objectivement, et la plupart des remous sociaux que les pays africains ont connus relevaient de ce phénomène ». Il devient donc possible, considérant que les pays de l'Afrique centrale sont classés parmi les plus pauvres de la planète, avec les indices de développement humain de 0,664 pour la Guinée Equatoriale ; 0,653 pour le Gabon ; 0,639 pour Sao Tomé et Principe ; 0,502 pour le Congo ; 0,499 pour le Cameroun ; 0,377 pour l'Angola ; 0,376 pour le Tchad ; 0,376 pour la RDC ; 0,363 pour la RCA ; et 0,337 pour le Burundi33(*), de conclure que les considérations socio-économiques ne sont pas étrangères à l'éclosion des conflits dans cette sous-région à cette époque. La stratégie préventive dans ce contexte consisterait en la promotion d'un développement centré sur l'amélioration des conditions de vie de la majorité de la population dans le cadre d'une gestion participative des ressources nationales.

Dans un deuxième mouvement, les multiples richesses du sous-sol de l'Afrique Centrale sont à l'origine de bien des conflits qui traversent cette sous-région. En effet, le contraste existant entre la dégradation sociale et étatique et la présence de multiples ressources minièeres halieutiques et forestières encore non exploitées, constitue une des motivations majeures des acteurs des conflits en Afrique centrale. Dans ces cas, la guerre est un prétexte et ne fait que créer les conditions d'une exploitation illégale et désordonnée des ressources nationales. Le cas de la guerre en RDC est particulièrement illustratif en la matière. Braeckman C. (2003:180) commentant une homélie de Monseigneur Bakila affirme : « En termes crus, il avait osé identifier les causes des multiples conflits qui ravagent le Congo : L'attrait qu'exercent les ressources d'un pays qui est sans doute l'un des derniers far west de la planète ». Le r apport final du Groupe d'experts de l'ONU sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République Démocratique du Congo publié en 2002,  illustre de manière univoque la participation des différents pays impliqués dans cette guerre à des pillages des ressources du sous-sol Démo-Congolais. La recrudescence de la rébellion Tchadienne et la crise Santoméenne qui éclatent juste aux moments où ces pays commencent à tirer les bénéfices de la manne pétrolière sont aussi des illustrations de cette idée.

Mais, ici encore, il convient de relever que ces pillages ne sont pas seulement le fait des acteurs nationaux. En fait, dans bien des conflits portés par ces considérations, les auteurs finaux du pillage sont étrangers à la zone en guerre. Il s'agit très souvent, comme on le verra dans la section suivante, d'Etats voisins ou alors de Puissances mondiales qui se projettent dans cette zone. Comme solution à cet état de chose, la Commission Carnegie suggère que les sociétés s'attellent à satisfaire les trois besoins fondamentaux de sécurité, de bien-être et de justice de leurs peuples et à leur donner l'opportunité d'améliorer leur condition autrement que par la violence, quel que soit le mode de gouvernement qu'elles choisissent et la voie qu'elles suivent pour y parvenir. La satisfaction de ces besoins permet non seulement aux peuples de vivre des vies meilleures, mais elle réduit également les motifs et les risques de conflits meurtriers.

Paragraphe 2  : Les facteurs exogènes des conflits en Afrique centrale

a) Les considérations géopolitiques

La géopolitique s'intéresse à l'étude des représentations conflictuelles à propos des territoires et à la construction de la légitimité.

Le facteur géopolitique fait partie de ceux qui permettent au mieux d'expliquer la polémologie de l'Afrique centrale. Ce facteur amène à constater que la plupart des crises qu'a connues l'Afrique centrale entre 2000 et 2008 sont des crises intra-étatiques. L'Afrique centrale reste, ce faisant, en phase avec l'évolution polémologique propre aux périodes de guerre froide et post guerre froide qui fait état de l'extinction des conflits inter étatiques du fait du risque de réaction en chaîne incluant au final le recours à l'arme nucléaire par les principales puissances bipolaires. Van Creveld (1998 : 16) pense de ce fait que « s'il est possible en effet que les guerres conventionnelles d'envergure telles que connues aujourd'hui par les grandes puissances militaires semblent en passe de s'éteindre, la guerre elle-même telle qu'en elle-même se porte mieux que jamais et s'apprête à entrer dans une ère nouvelle ». En fait, on observe une recrudescence de groupes armés nationaux, très souvent issus de la militarisation des partis politiques ou de la société civile, portant des revendications politiques et s'imposant comme acteur sur la scène politique. A l'exception de la guerre de RDC qui a connu l'implication très mitigée des armées Rwandaise et Ougandaise, toutes les crises qu'a connu l'Afrique centrale mettent en scène des acteurs ou des groupes d'acteurs nationaux engagés dans des revendications propres à la gestion interne de l'Etat. Nous pensons ici que l'un des moyens de garantir la stabilité de la sous-région consisterait à accorder une attention particulière à ces groupes, aux conditions de leur naissance et de leur maintien.

Un autre aspect géopolitique qui, cette fois ci, serait imputable à la fin de la guerre froide est le fait que la plupart de ces guerres sont menées par des rébellions armées abritées, financées et soutenues par des Etats voisins et antagonistes. C'est ici aussi qu'il faut relever le fait qu'il existe des collusions entre l'avènement de ces groupes rebelles et les phénomènes de circulation des ALPC et de criminalité transfrontalière à l'instar de celui des coupeurs de route. En fait, ces groupes de coupeurs de routes qui alimentent et bénéficient du trafic des ALPC sont très souvent composés de mercenaires ou de soldats déserteurs ou vaincus qui se livrent à ces activités criminelles, non seulement pour assurer leur subsistance, mais aussi et très souvent pour déstabiliser le pouvoir en place dans l'optique de leur retour en force. On comprend donc que les troupes restées fidèles au Président déchu Ange Félix Patassé se soient retirées sur un terrain allié, le Soudan, d'où elles partent soit pour couper des routes, soit pour mener des actions de guérilla.

Cet état de chose s'expliquerait par le fait que la balkanisation ou alors le containment qui interdisait à des pays du camp opposé de s'immiscer dans les affaires intérieures d'un Etat du camp adverse sous peine de s'attirer les foudres de ce camp ait disparu avec la fin de la chute du mur de Berlin. Ainsi, même si les Etats voisins évitent d'engager leur responsabilité en déployant leurs armées régulières, ils s'appuient sur ces groupes acquis à leur cause pour poursuivre leur projet expansionniste. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est groupes sont devenus de véritables sources d'insécurité pour la sous-région dans son ensemble. Nous constatons ainsi pour le cas d'espèce qu'à l'exception de la guerre du Pool et du coup d'Etat de Sao Tomé, toutes les crises d'Afrique centrale retenues dans le cadre de notre analyse sont portées par des groupes rebelles bénéficiant de l'appui de pays voisins antagonistes. Cet aspect est d'autant plus marquant que ces Etats antagonistes qui alimentent des rebellions chez leurs voisins sont parfois des Etats-membres de la même sous région, à savoir, la CEEAC. On peut citer le soutien apporté par le Rwanda et le Burundi à la rébellion de RDC, le soutien d'Ydriss Déby en faveur de la rébellion de Bozize en RCA (Cf. Zongola, 2003).

Mieux que toutes les autres considérations, la prise en compte des raisons géopolitiques appelle à une gestion concertée des problématiques et donc à la construction d'une identité sécuritaire sous-régionale. La solution efficace ici consisterait en une approche conjointe de la lutte contre ces phénomènes dans le cadre du COPAX qui à une compétence régionale en la matière. Un bel exemple du succès des initiatives communes en la matière est la tripartite Cameroun-Tchad-RCA ayant permis la constitution de patrouilles mixtes couvrant la zone frontalière de part et d'autre et permettant de juguler le phénomène des coupeurs de route dans la zone frontalière.

b) Les considérations géostratégiques

La géostratégie part de l'analyse du rôle des acteurs dans l'espace, de la réflexion de leurs appareils politico-militaires et diplomatiques, pour expliquer les différentes configurations observables sur l'échiquier international. Or, parlant des conflits d'Afrique centrale, il est opportun de relever qu'ils ne connaissent pas que des implications des acteurs de la Sous-Région CEEAC. On constate en effet, une grande implication d'Etats issus des sous-régions voisines et même l'implication de puissances mondiales. A ce titre, nous pensons que la géostratégie peut apporter un éclairage nouveau sur les considérations et les motivations qui portent les conflits en Afrique centrale.

Pour le Pr. Zongola (2003 : 15), les conflits en Afrique centrale relèvent d'un type nouveau. Ce sont des « guerres des ressources », dont les objectifs sont à la fois économiques et politiques, et qui rassemble des acteurs internes et externes, y compris les réseaux criminels internationaux. En effet, le contraste de cette Afrique centrale très pauvre dans les fait mais virtuellement très riche par ses ressources suscite des antagonismes entre certains acteurs internationaux qui y entrevoient des intérêts quelconques.

Les conflits d'Afrique Centrale apparaissent comme résultant de la confrontation de puissances dans l'optique de l'acquisition ou de la préservation de leurs intérêts particuliers. C'est ce qu'il faut lire dans cette déclaration de Kounou (2001 :242) : « la dernière caractéristique importante des guerres africaines postérieures à l'effondrement du soviétisme est qu'elles seront marquées sous le sceau de la rivalité entre les Etats-Unis et la France pour le contrôle stratégique du continent ». Ainsi peut-on expliquer les évolutions et le dénouement de la guerre d'Angola comme la manifestation des querelles idéologiques entre les puissances bipolaires. Plus près encore, on peut relever l'implication de multinationales dans le trafic de minerais précieux et notamment du Coltan durant la guerre de RDC. Dans la même logique, la recrudescence de la rébellion en RCA et au Tchad peut s'expliquer par les antagonismes existants entre l'occident (la France et les Etats-Unis) qui sont des partenaires économiques de ces pays, et l'Iran et la Chine, concurrents géostratégiques de l'occident, et alliés du Soudan.

Ici encore, une approche concertée au sein des instances sous-régionales devrait permettre une meilleure représentativité de la sous-région et dissuader par l'éventualité d'une réplique sous-régionale et d'un recours aux voies de sanctions prévues par le Droit et la pratique internationale.

SECTION D  : APERCU DES ACTIONS ET INTERVENTIONS DU COPAX34(*)

Après que nous ayons identifié les conflits et que nous en ayons analysé la quintessence, nous envisageons, dans cette section, évaluer la sensibilité du COPAX vis-à-vis de ces situations. Comment ces crises sont elles appréhendées par le COPAX ? Quelles sont les dispositions prises et les actions menées par ce dernier ?

Paragraphe 1 : Au plan institutionnel : La mise en place des institutions.

Préalablement à l'analyse du déploiement du COPAX sur le terrain, il semble nécessaire de passer en revue les étapes fondamentales qui ont marqué son institutionnalisation. A ce propos, notons que la CEEAC à été crée le 18 octobre 1983 par les Etats-membres de l'Union Douanière des Etats de l'Afrique Centrale (l'UDEAC) et les Etats-membres de la Communauté Économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) ainsi que Sao Tomé et Principe. L'Angola a rejoint le groupe en 1999 après avoir été observateur pendant 16 ans, et en fin 2007, le Rwanda a définitivement quitté la communauté.

La CEEAC avait à l'origine pour mandat la promotion du dialogue politique dans la région, la création d'une union douanière ainsi que l'établissement de politiques sectorielles communes.

En effet, originellement confinée à des missions d'ordre économique, la CEEAC, comprenant l'apport important d'un climat de sécurité dans le processus de développement économique, incorporera dans son champ d'intervention d'un volet sécuritaire. Ainsi, en Février 1999, lors de la conférence au sommet du Comité Consultatif permanent pour les questions de sécurité en Afrique centrale, les Etats membres ont décidé de créer une organisation chargée de la promotion, de la maintenance et de la consolidation de la paix et de la sécurité en Afrique Centrale.

Cette organisation baptisée « Conseil pour la Paix et la Sécurité en Afrique Centrale (COPAX) » verra le jour le 24 Février 2000 suite à la ratification du protocole y relatif et aura la responsabilité de développer des capacités de maintien de la paix et de prévention des conflits en Afrique Centrale.

Au plan institutionnel, de 2000 à 2007 il sera procédé à un ensemble de recrutements en vue de doter les instances créées en personnels qualifiés qui en assurent le fonctionnement effectif. Ainsi :

· En octobre 2003, la réunion des chefs d'Etat-major tenue à Brazzaville abouti à la création d'une brigade de maintien de la paix qui peut intervenir en zones d'instabilité.

· De septembre à novembre 2006, un Bureau chargé de la gestion du projet, a été recruté après Appel d'Offre

· En Décembre 2006, le MARAC a reçu une dotation en logistique d'information et de communication

· De juillet 2006 à mars 2007, les cadres du MARAC et de la Direction des Actions Politiques et Diplomatiques ont été recrutés. Il s'agit du Directeur du MARAC, du Directeur des Actions Politiques et Diplomatiques du Chef du Bureau d'observation et de collecte d'information du MARAC, de l'Expert en Technologie de l'Information et de la Communication du MARAC.

· En 2007, l'Etat-major Régional est effectivement installé dans son siège provisoire de Libreville en République Gabonaise et les Officiers devant armer cette structure, ont pris leurs fonctions.

· Le 15 février 2007, le Projet d'Appui en matière de Paix et Sécurité a démarré avec l'arrivée de 2 Consultants constituant la Cellule de Gestion du Projet.

· En mai 2007, deux sessions de formation interne ont été organisées à l'intention du personnel du MARAC nouvellement recruté en vue de leur familiarisation avec les systèmes d'Alerte Précoce existant (CEDEAO, IGAD, UA).

· En 2008, il est procédé à l'identification des priorités géographiques et thématiques de l'observation du MARAC, à l'identification de correspondants décentralisés et à l'organisation de leurs interactions avec le Secrétariat Général de la CEEAC.  

Au cours de ce processus d'institutionnalisation, le COPAX a bénéficié des apports de plusieurs instances tutélaires et partenaires.

Ainsi, il a reçu une assistance technique de court terme, c'est-à-dire 6 mois, de l'Union Européenne afin de parvenir à une définition des Termes de référence d'un projet d'appui aux capacités de la CEEAC en matière de prévention des conflits et a bénéficié de la Mobilisation d'un budget de cent millions (100.000.000) de francs CFA pour financer des travaux d'aménagement des bureaux du MARAC.

Enfin, en mars 2007, a eu lieu la signature de la Convention de financement entre l'Union Européenne et l'Union Africaine portant sur une tranche de financement de 7,5 millions d'euros au titre de la Facilité de paix pour l'Afrique dont une dotation de 464,000 euros est affectée au MARAC.

Les actions du COPAX ont aussi porté, dans le cadre de la rationalisation des CER en Afrique, sur l'implication et la participation du COPAX aux activités de l'Union Africaine. On peut dans cette rubrique citer la Participation à l'exécution des activités de la feuille de route de l'Union Africaine consistant pour l'essentiel en la mise en place de la Force Africaine d'Intervention Rapide et la participation aux travaux du Comité Consultatif Permanent des Nations Unies sur les Questions de Paix et de Sécurité en Afrique Centrale.

Ainsi qu'on peut le comprendre, tout le dispositif institutionnel du COPAX n'est pas encore en place. Mais, devrait-on, considérant l'urgence et l'importance de la demande en matière de sécurité, attendre que ce dispositif soit complètement posé pour espérer une prise en charge efficace de la problématique sécuritaire en Afrique centrale? Ne faudrait-il pas, pour les mêmes raisons hâter le processus d'opérationnalisation du COPAX ?

Paragraphe 2  : Au plan opérationnel : Les actions menées

Bien que n'étant encore qu'au stade de gestation depuis plus de huit ans, le COPAX compte déjà néanmoins à son actif quelques actions louables qu'il convient de recenser ici.

Dans ce registre nous pouvons classer la tenue entre 2000 et 2008 de sept sessions de la Commission de Défense et de Sécurité (CDS), la dernière en date ayant eu lieu entre fin Août et début Septembre 2007 à Malabo.

On peut aussi mettre à l'actif du COPAX la participation à un ensemble des programmes en concertation avec des instances partenaires et tutélaires. Les efforts développés par les Etats-membres de la CEEAC, en relation avec l'Union Africaine et la Communauté internationale ont porté sur :

o L'organisation au Gabon d'un exercice régional de maintien de l'ordre, baptisé " Gabon 2000 ", dans le but d'augmenter les capacités des Etats-membres de la CEEAC dans les champs du maintien de la paix et de la prévention des conflits. Cet exercice représentait une application directe du concept français RECAMP (Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix) ;

o Dans le cadre du même programme, on peut aussi citer la co-organisation de l'exercice "SAWA 2006" dans le cadre du 5ème Cycle RECAMP ;

o L'organisation en Novembre 2007 au Tchad de l'exercice Bar-Al-Ghazal impliquant la participation de 1600 hommes et qui constitue en fait les premières grandes manoeuvres de la FOMAC ;

o Dans le cadre des activités de médiation et de prévention des conflits, le COPAX a joué un rôle primordial dans la restauration de la légalité constitutionnelle à Sao Tome et Principe suite au coup d'état survenu dans la presqu'île en juillet 2003.

o Dans la même rubrique, il faut citer la contribution à la sécurisation des élections en République Démocratique du Congo qui s'est traduite par les actions suivantes :

§ L'installation d'un Ambassadeur, Représentant Spécial du Secrétaire Général de la CEEAC avec un Observatoire à Kinshasa ;

§ Le montage d'un Groupement Tactique Interarmées (GTIA) en « On Call » avec quatre (04) Etats cadres : Angola, Cameroun, Congo et Gabon pour contribuer à sécuriser Kinshasa en coopération avec l'EUFOR et la MONUC ;

§ L'envoi d'une mission d'Observation électorale de la CEEAC, conduite par un ancien Chef d'Etat.

o La réalisation en 2008 du projet MICOPAX de transfert de compétences de la FOMUC à la FOMAC en ce qui concerne le maintien de la paix en république Centrafricaine.

Comme on peut aisément s'en rendre compte, le gros des initiatives du COPAX porte plus sur l'institutionnalisation du système que sur son déploiement effectif, ce qui, à notre sens, témoigne déjà de la capacité d'institutionnalisation tout autant que de la faiblesse opérationnelle du COPAX.

En dernière analyse, il apparaît que l'Afrique centrale est traversée par plusieurs situations appelant l'intervention du COPAX. Ces crises sont structurées par des facteurs dont l'origine est identifiable tant au sein de la sous-région qu'à l'étranger. Quelques-unes de ces crises ont bénéficié des interventions du COPAX mais le nombre de crises n'ayant pas bénéficié d'une intervention du COPAX reste supérieur. Peut-on, au regard de ce qui précède, parvenir à une analyse de la capacité de réaction et d'intervention du COPAX ?

CHAPITRE III : ENDOSCOPIE DU RENDEMENT INSUFFISANT DE L'INSTRUMENT DE PREVENTION DES CONFLITS

L'objectif de ce chapitre est de procéder à une tentative d'explication de la faiblesse du système en se servant de la grille systémique qui est au centre de notre recherche et de la grille stratégique qui nous est paru être un palliatif aux limites de l'approche systémique.

Dans un deuxième mouvement, nous essayerons de déceler les conséquences de la faiblesse du système sur son environnement en général, et sur le processus d'intégration sous régionale en particulier.

Le but ultime de ce chapitre est de nous permettre de répondre à la question de savoir si le système de prévention des conflits a effectivement joué un rôle quelconque dans la dynamique de construction de l'identité sous-régionale de l'Afrique centrale.

SECTION A  : EVALUATION DE L'EFFICACITE DU COPAX : UN RENDEMENT ENCORE INSUFFISANT

Après avoir identifié les situations appelant une réaction du COPAX et les actions menées par celui-ci, il devient possible de juger de l'efficacité de cette institution. Dans cette perspective, il semble que l'efficacité du COPAX peut être déduite d'une analyse synthétique mettant en parallèle quantitativement et qualitativement, les sollicitations de l'environnement et les réactions du système face à ces sollicitations. Nous espérons, en d'autres termes, dans cette section, parvenir à une lisibilité de l'efficacité du COPAX grâce à un rapport simple entre la somme des situations appelant une intervention du système de prévention des conflits et la quantité mais aussi la qualité des actions et interventions du COPAX, envisagées ici sous l'angle de l'apport définitif dans la résolution des crises.

Paragraphe 1  : Evaluation au plan quantitatif

Au plan quantitatif, nous partons sur la base de huit crises majeures identifiées au sein de la CEEAC entre les années 2000 et 2008 qui constitueront notre échantillon d'analyse. Selon les textes fondamentaux du COPAX, notamment les articles 4 et 5 du Protocole relatif au COPAX, il est de la compétence et même de la responsabilité de celui-ci de mettre en oeuvre des initiatives afin de permettre une résolution efficace des crises survenant dans la sous-région. En d'autres termes, face aux huit crises enregistrées, le COPAX aurait du opposer au moins huit initiatives visant la résolution de ces crises.

Or, de ces huit crises, cinq sont parvenues à une normalisation marquée notamment par l'arrêt des actes de violence et la restauration du dialogue social. Il s'agit en l'occurrence des conflits angolais, burundais, congolais, de Sao Tome et de la guerre civile centrafricaine de 1996 à 2003. Mais, des crises recensées, deux sont allées jusqu'à leur aboutissement péjoratif à savoir la conclusion de la crise par la victoire militaire de l'une des factions en conflit. Tel fut le cas de la guerre en Angola et de la guerre civile centrafricaine de 1996 à 2003. Les trois autres cas ont, pour leur part, connu une conclusion plus décente marquée notamment par une atténuation des clivages, par l'initiation d'un dialogue et la cession de concessions entre les principaux belligérants, marquant ainsi le retour à un état de paix sociale contrôlable. Ce fut le cas avec la crise du Pool au Congo, avec le différend consécutif au putsch du 16 Juillet 2003 à Sao Tome et avec la guerre civile du Burundi.

Trois des crises sécuritaires recensées ne se sont pas résorbées, du moins jusqu'en fin de l'année 2008. Il s'agit en l'occurrence de la guerre Démo-Congolaise principalement dans la région du Kivu, de l'insécurité au Tchad et en RCA.

Ainsi, sur huit crises qu'a connu la sous-région, seules trois à savoir la Crise centrafricaine, la crise en RDC et les putschs Santoméen ont bénéficié d'une intervention du COPAX et la conclusion qui s'impose alors est celle de la faiblesse du COPAX démontrée par un taux de participation de 37,5 % dans la résolution des crises ayant traversé l'Afrique centrale dans la période 2000-2008. Qu'en sera-t-il de l'évaluation qualitative des interventions du COPAX ?

Paragraphe 2  : Evaluation au plan qualitatif

De prime abord, précisons que l'évaluation au plan qualitatif ne porte pas sur la qualité perçue dans le sens de l'adéquation des missions, mais visera à mettre en exergue l'apport des interventions du COPAX dans le processus général de résolution des conflits en Afrique centrale.

Dans cette perspective, notons de prime abord que les actions du COPAX portent plus sur la mise en oeuvre du dispositif que sur le déploiement effectif de cette structure dans la sous-région. On note en effet que, à l'exception des trois actions menées au plan opérationnel, toutes les autres actions portent soit sur le recrutement du personnel, sur la formation et le perfectionnement de ce personnel, sur la mise en place des cadres institutionnels ou sur la recherche de financements, ceci dans le but ultime de rendre le COPAX effectif.

Ce constat nous donne l'occasion de lever une équivoque qui partirait de la question de savoir s'il n'est pas incongru de vouloir analyser l'efficacité d'une structure encore virtuelle, étant donné que toutes ses instances ne sont pas encore opérationnelles ? Le fait est que, jusqu'en 2007, le MARAC n'est pas encore pleinement opérationnel et certaines de ses instances ne sont pas encore pourvues du personnel chargé de l'animer. Il s'agit en l'occurrence du Directeur du MARAC, du Chef du Bureau d'observation et de collecte d'information du MARAC, de l'Expert en Technologie de l'Information et de la Communication du MARAC qui ont tous été recrutés entre juillet 2006 et mars 2007. Il en va de même de la Direction des Actions Politiques et Diplomatiques dont le Directeur n'est nommé qu'en 2007.

La perspective de répondre à cette question, loin d'appauvrir le débat, nous permet d'étendre notre évaluation qualitative sur le processus même de mise en place du système. Il est en effet intriguant et même suspect que, huit ans après sa création, le COPAX ne soit pas encore doté de tous les moyens structurels et infrastructurels devant matérialiser et animer son existence. On est particulièrement intrigué par le contraste existant entre la précision, la finesse et la rapidité mise en oeuvre dans la conception textuelle du COPAX, et le peu d'entrain mis à doter et équiper le COPAX des ressources matérielles et humaines devant l'animer, ce d'autant plus que la sous région doit faire face à de multiples crises qui appellent l'intervention efficace du COPAX.

En guise de réponse à cette question, nous estimons que l'efficacité du système ne devrait pas être déduite seulement de son déploiement opérationnel marqué par des actions de terrains, elle devrait aussi être envisagée sur la base de l'observation de son processus d'institutionnalisation, c'est-à-dire de sa capacité à passer efficacement du stade de l'existence textuelle à celui de la présence effective et pratique sur le terrain. Et, sur ce point force est de constater une faiblesse du processus d'institutionnalisation du COPAX caractérisé par une très longue mise en place du système qui s'étale, pour le cas d'espèce, sur une période de plus de huit ans.

Sur un autre volet, il apparaît que des actions recensées, seules trois constituent des esquisses de solutions face à l'insécurité à laquelle la sous-région fait face. Il s'agit de la contribution à la sécurisation des élections en République Démocratique du Congo, de l'important rôle de médiation joué dans le cadre de la restauration de la légalité constitutionnelle à Sao Tomé & Principe et du projet MICOPAX de transfert de compétence de la FOMUC à la FOMAC en ce qui concerne le maintien de la paix en république Centrafricaine.

Notons cependant que des trois actions envisagées, une, à savoir la contribution à la sécurisation des élections en République Démocratique du Congo, laisse entrevoir une approche assez complète incluant le volet diplomatie préventive marqué par l'installation d'un Ambassadeur, Représentant Spécial du Secrétaire Général de la CEEAC avec un Observatoire à Kinshasa, la prévention structurelle marquée par l'envoi d'une mission d'observation électorale de la CEEAC, conduite par un ancien Chef d'Etat, et la prévention opérationnelle marquée par Le montage d'un Groupement Tactique Interarmées (GTIA) en « On Call » pour sécuriser Kinshasa. Une approche aussi complète démontre en fait la capacité institutionnelle du COPAX à agir efficacement dans la sous-région et bien que le succès de l'opération ne puisse être objectivement imputable seulement à la CEEAC, il n'est pas moins vrai que son apport à été déterminant dans la conclusion heureuse des élections en RDC.

En somme, la CEEAC est un concept viable mais demeure minée par des maux de divers ordres. (Awoumou, 2005 :11). Et, en ce qui concerne l'action du COPAX, force est de convenir, au-delà d'un potentiel d'action considérable, d'une faiblesse réelle marquée par une faible implication quantitative et qualitative dans la gestion des crises qui traversent l'Afrique centrale dans l'intervalle 2000-2008. Mais quelles peuvent en être les raisons ?

SECTION B  : LES RAISONS DE LA FAIBLESSE DU SYSTEME : ENTRE CAPACITES POTENTIELLES ET ABSENTEISME OPERATIONNEL

Après avoir convenu de la faiblesse du COPAX qui est déduite de l'insuffisance de son rendement, il est de bonne facture de rechercher les raisons fondamentales de cette faiblesse et d'entrevoir ses conséquences sur la sous-région. Ainsi que nous l'avons précisé dans notre chapitre liminaire, nous nous servirons de la grille de lecture systémique dans notre tentative de parvenir à une compréhension suffisante de notre problématique.

Paragraphe 1  : Les raisons fournies par l'approche systémique

Ayant déjà présenté, au chapitre premier, le contenu de l'approche systémique et l'opérationnalisation que nous comptions en faire dans le cadre de notre recherche, notons juste, à titre de précision, que l'analyse systémique se présente comme un modèle d'analyse dont l'objectif principal est de fournir les outils et les moyens permettant de répondre à la question de savoir « comment un système politique quelconque peut persister, dans un monde soit stable, soit en changement ? » (Easton, 1974 : 16). Elle envisage comme catégories principales d'analyse, un système perçu comme « l'ensemble des interactions par lesquelles les objets de valeurs sont répartis par voie d'autorité dans une société » (idem : 23) et un environnement avec lequel le système communique par le moyens de demandes et soutiens ou d'inputs, et d'actions et décisions du système ou outputs. Selon cette approche, le maintien du système est fonction de la nature et de la récurrence des flux qui relient le système à son environnement.

Ici, nous nous contenterons d'envisager les irrégularités et les dysfonctionnements, au sens systémique, du COPAX qui pourraient en expliquer la faiblesse. Et, partant de ces considérations de base, nous aurons pour variable explicative la nature des inputs entrants dans le COPAX, la nature des outputs et enfin la nature de la courbe de rétroaction. Dans cette perspective, nous-nous appuierons sans cesse sur le principe que « c'est le fait qu'il existe un tel flux continu d'effets et d'informations entre le système et son environnement qui explique la capacité d'un système politique à persister même dans un monde en proie à des changements et à des fluctuations violentes.» (Easton D. 1974 : 32)

a) La faiblesse déduite de l'analyse des inputs : Des soutiens en qualité et en quantité insuffisantes

Les inputs sont constitués de tous les apports, exigences, demandes ou soutiens qui partent de l'environnement vers le système. Les inputs constituent donc la matière première à partir de laquelle les outputs sont constitués.

En ce qui concerne les inputs, nous notons déjà un contraste énorme entre la multiplicité des demandes de l'environnement appelant à une intervention efficace du COPAX et la faiblesse des moyens en termes de soutiens fournis au système pour lui permettre de mener à bien ses missions. En effet, pour garantir l'efficacité du COPAX, il aurait été adéquat, selon le modèle systémique, de fournir en appui des demandes, les moyens suffisants permettant d'apporter des réponses appropriées aux demandes suscitées. Nous pensons donc déjà, à ce niveau, que la simple disproportion entre les demandes et les soutiens est déjà une explication suffisante de la faiblesse du COPAX.

Notre attention est ensuite attirée par la nature des quelques soutiens qui constituent l'apport de l'environnement au bon fonctionnement du système. En ce qui concerne le COPAX, on peut identifier comme soutien les ressources juridiques, humaines et matérielles mises à la disposition du COPAX par l'environnement dans la période 2000-2008.

Le premier soutien que reçoit le COPAX est le Droit c'est-à-dire l'ensemble des dispositions juridiques qui en marquent la naissance, qui autorisent et encadrent son fonctionnement. A ce niveau, le COPAX peut se vanter d'être doté d'une structure juridique assez complète qui encadre son processus d'intervention en partant de la collecte des données au déploiement proprement dit.

La nature des apports en personnel et en matériel consentis soit par la CEEAC elle-même, soit par les Etats-membres, est aussi explicative de la faiblesse relative du COPAX. Pour être efficace, le COPAX a besoin de compter sur des moyens humains et matériels de premier choix, des moyens qui soient à la dimension de la grandeur et de la complexité des problématiques auxquelles le système de prévention des conflits de l'Afrique centrale doit faire face. La pratique nous dévoile autre chose. On note en effet que certains postes clés du COPAX sont restés, jusqu'en 2008, sans dotation en agents de conception et d'exécution supposés animer la structure. Notre avis ici est que la capacité du COPAX est à l'image des dotations en ressources humaines dont elle a fait l'objet, c'est-à-dire pas du tout suffisante

Dans la même rubrique et, concernant le traitement du personnel, on aboutit à peu près à la même conclusion. En effet, la liquidation des salaires des fonctionnaires étant elle aussi fonction du taux de cotisation des Etats-membres, il est très fréquent que ces derniers ne soient pas payés à temps et que le personnel continue à réclamer des arriérés de paiement. Quand on connaît l'importance de la rétribution dans la motivation des employés, on peut aisément envisager la faiblesse du COPAX comme résultant d'un rendement minimum de l'institution qui, dans ce cas, se retrouve animée par un personnel démotivé et en proie à toutes sortes d'influences pouvant, dans l'exercice de leurs fonctions, les détourner de leurs objectifs premiers et avoir un impact négatif sur le rendement général du COPAX.

En ce qui concerne les ressources financières, retenons que le budget de fonctionnement du Secrétariat général est arrêté annuellement par la Conférence des Chefs d'Etat. Le budget 2004 par exemple s'élevait à 4,6 milliards de FCFA, dont 1,5 milliard pour le COPAX, Le budget est alimenté selon la clé de contribution suivante: 15% pour chacun des Etats membres les mieux nantis (Angola, Cameroun, Congo, Gabon et RDC) et 4,167% pour chacun des six autres. Le bilan financier de la CEEAC est cependant caractérisé par l'accumulation d'arriérés de contribution des Etats au budget.

Répartition des arriérés de paiement des cotisations statutaires des Etats-membres de la CEEAC au 30 Juin 2004

 

Etats Membres

Arriérés

1985-1997

Arriérés

1998-2002

Arriérés

2003

TOTAL CUMULE

1985-2003

Situation Exercice 2004

Contribution 2004

Non encore Payé

1

Rép. D'Angola

 
 
 
 

690 120 737

430 683 311

2

Rép. Du Burundi

 

248 445 526

84 992 239

333 437 765

191 700 205

191 700 205

3

Rép.du Cameroun

7 399 920

278 012 203

155 172 059

441 384 182

690 120 737

690 120 737

4

Rép. Centrafricaine

55 493 020

310 605 442

84 992 239

451 090 701

191 700 205

191 700 205

5

Rép. Du Congo

277 186 688

68 012 203

972 059

346 170 950

690 120 737

690 120 737

6

Rép. Démo. Congo

622 437 010

 

262 298 435

1 278 965 465

690 120 737

546 640 454

7

Rép. Gabonaise

 
 

147 281 748

147 281 748

690 120 737

690 120 737

8

Rép. De Guinée Eq

 

77 225 615

84 992 239

162 217 851

191 700 205

191 700 205

9

Rép. Du Rwanda

48 328 754

98 072 746

84 992 239

231 399 739

191 700 205

191 700 205

10

Rép. Sao Tomé & P.

94 256 710

254 046 442

84 992 239

433 295 391

191 700 205

165 099 113

11

Rép. Du Tchad

99 661 074

268 935 442

84 992 239

453 588 755

191 700 205

191 700 205

 

TOTAL

1 204 763 176

1 997 585 636

1 076 477 735

4 278 826 547

4 600 804 915

4 171 286 114

Ces arriérés s'élevaient au 30 juin 2004 à près de 4,2 milliards de FCFA35(*). Même s'ils reflètent une légère amélioration en termes de recouvrement de 0.7 milliard comparativement aux 4,9 milliards de FCFA d'arriérés accumulés au 31, décembre 2003. La tendance lourde reste donc celle de faiblesse de l'esprit communautaire, illustrée notamment par les retards souvent observés dans le paiement des contributions communautaires par les Etats, retard qui ont pour conséquence la faiblesse des capacités de l'institution communautaire.

Dans l'optique de sécuriser le financement de la CEEAC, La Décision n°05/CEEAC/CCEG/X/02 du 17 juin 2002 prévoyait l'instauration à partir de 2004 d'une contribution Communautaire d'intégration (CCI) au sein de la CEEAC dont l'assiette serait constituée par les produits originaires des pays tiers importés par les Etats-membres pour mise à consommation. Le taux de la CCI est de 0.4% et, la CEEAC ne disposant pas d'une estimation précise du montant des importations en provenance de pays tiers, a néanmoins estimé à environ 17 milliards de FCFA le montant des recettes que pouvait générer la CCI en 2004. Afin de s'assurer du paiement effectif des contributions, il a été décidé qu'en cas de retard de paiement des contributions constaté 30 jours francs après le terme de chaque trimestre, les Banques centrales ou nationales des Etats-membres sont autorisées à débiter d'office le compte du Trésor public du montant dû en faveur du Secrétariat Général de la CEEAC. Au 31 juillet 2004, les conventions de compte CCI/CEEAC ont été signées avec le Gabon, le Congo et Sao Tome & Principe. La signature de ces conventions est une condition du don. Cependant, en attendant que toutes les dispositions préalables à la mise en oeuvre de la CCI/CEEAC soient effectives, le budget continuera d'être souscrit sur la base de la clé de répartition en vigueur en 2003. Entre-temps, Le COPAX, pour fonctionner doit compter sur les cotisations du reste incertaines des Etats-membres ou sur les apports conditionnés des bailleurs de fonds nationaux et internationaux, tous apports dont la disponibilité en quantité et en qualité n'est pas toujours garantie.

Le système de prévention des conflits devrait, dans la même quête, pouvoir compter sur la disponibilité d'équipements pouvant lui permettre d'agir et de se déployer rentablement. Or, en termes d'équipements, en 2004, la CEEAC ne dispose que d'un bâtiment qu'elle a acquis sur ressources propres en 2003 qui lui sert de siège, et d'un autre bâtiment qui abrite le MARAC mis à sa disposition par l'Etat Gabonais dans le cadre du COPAX. La même année, le bâtiment qui abrite le MARAC ne dispose que de deux ordinateurs, d'une imprimante et d'un photocopieur36(*). Que peut-on attendre d'un équipement aussi léger ? Comment escompter, avec des infrastructures aussi modestes, un fonctionnement efficace du MARAC qui est pourtant censé collecter traiter et répertorier les informations sur l'état de sécurité et de stabilité de toute l'Afrique centrale ? L'importance et la délicatesse de la mission dévolue au MARAC ne commandait-elle pas de le doter, dès la création, d'infrastructures de pointe afin d'en garantir le bon fonctionnement? Il faudra, en guise de réponse à cette question, attendre l'année 2007 pour voir le MARAC doté d'équipements d'information et de communication adéquats. De toute évidence et, en nous basant sur le rapport établit par le Fonds Africain de Développement en 2004, il apparaît notoire de conclure, dans la période 2000-2008, au sous-équipement ou, du moins, au mauvais équipement du COPAX qui contraste sévèrement avec la grandeur et la délicatesse de la mission confiée à cette instance. Une fois de plus, on peut voir que le système de prévention des conflits est faible parce qu'il reçoit de faibles soutiens de l'environnement.

En résumé, la faiblesse du COPAX dans la période 2000-2008 peut s'expliquer par la modicité des apports en ressources matérielles, humaines et financières consentis par ses bailleurs. Narcisse Mouelle Kombi (1999: 214), pense dans ce sens que « les défaillances et les carences en matière de contributions au budget communautaire figurent parmi les principales causes de l'échec de l'intégration régionale en Afrique centrale ». En d'autres termes, le fonctionnement du COPAX est à l'image de la nature des soutiens presque insignifiants qu'il reçoit de l'environnement.

b) La faiblesse déduite de l'analyse des outputs : Des outputs inadaptés en nombre et en substance

Dans une approche systémique, les outputs constituent aussi par leur nature, des variables explicatives de l'efficacité du système. De prime abord, relevons que, en application de l'Article 04 alinéa a) du Protocole relatif au COPAX, ce dernier est, sans préjudice des attributions du Conseil de Sécurité de l'ONU et du mécanisme de l'Union Africaine en ce qui est de la prévention des conflits en Afrique, chargé de prévenir gérer et régler les conflits en Afrique centrale. De ce qui précède, il ressort que le COPAX a non seulement la faculté mais aussi la responsabilité de mettre en oeuvre toutes mesures utiles pour éviter la survenue des conflits, résoudre les conflits déclarés et consolider la paix et la sécurité dans la sous-région Afrique centrale.

Le bon fonctionnement du COPAX devrait être déduit caeteri paribus, de l'équilibre établi entre les sollicitations de l'environnement et les réponses du système aux sollicitations de l'environnement.

De façon prosaïque, l'identification de huit crises dans la sous-région devrait appeler la mise sur pied d'au moins huit projets différents chargé de gérer ces questions. Dans les faits cependant, nous n'avons identifié que :

· Les initiatives visant la contribution à la sécurisation des élections en République Démocratique du Congo,

· Le projet MICOPAX prévoyant le transfert de compétence de la FOMUC à la FOMAC en ce qui concerne le maintien de la paix en République Centrafricaine,

· Et l'action en diplomatie préventive ayant concouru au rétablissement de la légalité constitutionnelle à Sao Tome et Principe

Certes, cette limitation des cas et des domaines d'intervention du COPAX pourrait résulter d'un travail de filtrage effectué par les gatekeepers, mais, force est de reconnaître que tel n'est pas le cas ici, étant donné que ces huit crises étaient déjà portées à l'attention de la CDS, l'exigence de bon fonctionnement du système laissait plutôt présager une réponse de celui-ci. Tandis que l'absence de réponse  signifie que les questions soulevées n'ont pas connu de traitement à l'intérieur du COPAX et sont restées bloquées dans un des compartiments de la black box, comme dans un labyrinthe sans plus pouvoir en sortir. C'est, à notre sens, la raison pour laquelle les crises en Angola, au Burundi, en RCA avant 2003, au Tchad et au Congo non pas connu une implication du COPAX que ce soit au niveau de la diplomatie préventive ou à celui de l'action directe sur les faits.

A coté d'une insuffisance des réponses du système face aux sollicitations de l'environnement, on perçoit aussi une certaine inadéquation des outputs du système. En effet, bien des outputs du système sortent de celui-ci dans une forme qui ne permet pas leur applicabilité immédiate, ce qui a pour effet de mettre tout le système en état de latence et de revigorer les attentes et les demandes de l'environnement. A titre d'exemple et s'agissant du processus d'institutionnalisation évoquée plus haut, la logique voudrait que l'institutionnalisation de ce cadre s'accompagne immédiatement de son application sur le terrain. Or, l'on relève pour le déplorer que ces constructions juridiques, pour la plupart, restent envisagées de lege ferranda et non de lege lata et marquent ainsi une trop longue transition entre l'édiction des Actes et Décisions et leur entrée en application, beaucoup plus en une période où le COPAX est plus que par le passé sollicité par l'environnement.

c) Analyse de l'efficacité en fonction de l'impact sur l'environnement : une quasi permanence du feedback loop

La courbe de rétroaction constitue la variable explicative de l'impact de l'action du système sur son environnement. En fait, la courbe de rétroaction rend compte du fait que le problème de sécurité identifié dans l'environnement n'est pas résolu et nécessité soit un nouveau traitement soit un traitement plus approprié ici

Selon Louis Sylvain-Goma (Général)37(*), le Secrétaire Général de La CEEAC, « parmi les grands défis que la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale se doit de relever, figure la création d'un environnement marqué par la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité, nécessaires au développement durable de nos Etats et de notre espace communautaire. » Le Secrétaire Général reconnaît ainsi en substance l'une des conditions de l'efficacité de tout système et, en l'occurrence du COPAX. Ainsi, les outputs auxquels l'environnement accorde une bonne réception sont assimilés par ce dernier et provoquent de ce fait une amélioration de celui-ci. Par contre, les outputs mal digérés par l'environnement retournent au système suivant la courbe de rétroaction et sous la forme de nouvelles demandes.

Pour le cas d'espèce, nous avons identifiés trois cas d'intervention sur huit escomptés. Certes, l'apport dans la sécurisation des élections en République Démocratique du Congo fut positif et même louable mais, le fait que la situation sécuritaire dans ce pays, tout comme en RCA, soit encore instable rend compte d'un traitement insuffisant de la question générale de la paix et de la sécurité. En d'autres termes, même dans ces deux cas, beaucoup reste à faire et le besoin d'une intervention du COPAX reste très vif. Du moins c'est ce qui ressort de cette affirmation de Louis Sylvain-Goma (Op. cit.) selon laquelle il persiste encore de fortes inquiétudes pour l'Est de la République Démocratique du Congo, et pour les effets de la situation du Darfour, sur la République du Tchad et la République Centrafricaine. Ainsi, dans les deux cas recensés, on note une rétroaction qui dénote du traitement inadéquat de la question et de la persistance des demandes de l'environnement et donc, de l'inefficacité du COPAX.

En conclusion, l'analyse des inputs, des outputs et de la courbe de rétroaction laisse apparaitre une explication certaine de la faiblesse du COPAX.

Mais, étant donné que l'approche systémique, fidèle au concept de la black box qui la structure, ne permet pas une lecture suffisante du fonctionnement interne du système, nous nous sommes posé la question de savoir s'il suffira d'observer le système de l'extérieur pour parvenir à une compréhension suffisante de son fonctionnement ? Suffit-il d'envisager la décision comme étant uniquement le résultat des demandes et des soutiens émises par l'environnement ? N'est-il pas de facteurs internes au système qui pourraient en influencer le comportement ?

Ces interrogations sont en fait une invitation à éviter de tomber dans une vision trop cybernétique du système de prévention des conflits. En effet, il nous semble opportun, en même temps que nous analysons le fonctionnement du système, d'essayer de percevoir les dialectiques auxquelles sont sujets les acteurs au sein de ce système, dialectiques qui ont une incidence considérables sur le processus décisionnel dans son ensemble. L'approche stratégique nous aidera à parvenir à cette fin.

Paragraphe 2  : Les raisons fournies par l'approche stratégique

Les exigences d'une explication suffisante nous convient à parvenir à une compréhension du fonctionnement interne du système et, particulièrement, des logiques et des enjeux des acteurs internes du système, qui constituent des paramètres très importants de notre quête. Aussi, nous proposons-nous, de compléter l'analyse systémique par l'approche stratégique développée par Michel Crozier et Erhard Friedberg.

a) Le contenu de l'analyse stratégique

Dans le cadre de cette approche, nous partirons de l'identification d'une organisation en l'occurrence le COPAX composée de plusieurs Etats dont les jeux de coopération sont organisés par les textes organiques et normatifs. Seulement, nous garderons présent à l'esprit que l'action résultant de la coopération des différents Etats n'est pas uniquement conditionnée par les normes de coopération établies. Elle est aussi sujette aux différentes contraintes de « l'action organisée » de prévention des conflits.

En effet, « les acteurs individuels ou collectifs [...] ne peuvent jamais être réduits à des fonctions abstraites et désincarnées. Ce sont des acteurs à part entière qui, à l'intérieur des contraintes souvent très lourdes que leur impose « le système », disposent d'une marge de liberté qu'ils utilisent de façon stratégique dans leurs interactions avec les autres ». (Crozier et Friedberg, 1977 : 29-30.).

C'est donc dire que, dans les jeux de coopération, les acteurs identifient des enjeux en fonction de leurs intérêts. Or, la définition même de ces enjeux est tributaire d'une rationalité limitée, résultant d'un raisonnement séquentiel c'est-à-dire partiel et partial. Les acteurs cherchent sans cesse, en se servant des éléments d'incertitude dont ils prétendent avoir la maîtrise, à orienter les actions du COPAX dans un sens qui leur garantisse l'acquisition ou la conservation d'une position de pouvoir au sein de l'organisation.

Abordées sous cet angle, il apparaît compréhensible que les actions du COPAX ne soient pas seulement le reflet des résolutions et accords pris en séance, mais portent la marque des contraintes spécifiques que tel ou tel acteur fait peser sur ses capacités d'action. C'est ainsi que les Etats et même les agents fonctionnaires du COPAX peuvent être portés à éviter, à s'opposer ou alors à faciliter le déploiement du système de prévention des conflits selon ce qu'ils espèrent en tirer en termes de gain.

Le recours à cette approche nous permettra de parvenir à une explication du fonctionnement interne du système en partant des acteurs, de leurs jeux de rôles et de leurs enjeux, pour parvenir à une explication rationnelle du fonctionnement du COPAX. Nous procèderons donc, à chaque cas, à une identification des jeux et enjeux en présence, à une analyse du rapport entre les objectifs institutionnels fixés et les résultats obtenus, pour pouvoir identifier, dans ces résultats, la part de contrainte exercée par les acteurs du système.

L'observation de la structure du COPAX laisse entrevoir en son sein, la présence de deux catégories précises d'acteurs à savoir, les acteurs collectifs que sont les Etats-membres et les acteurs individuels que sont les fonctionnaires et employés du COPAX. A chaque type d'acteur appartiennent des jeux et des enjeux qui leurs sont propres.

La stratégie des Etats : La poursuite de l'intérêt national au détriment de l'efficacité du COPAX

Pour ce qui est des Etats, la coopération au sein du COPAX se fait dans des cadres et des objectifs fixés conjointement et qui s'imposent à ceux-ci. Cependant, au-delà de l'aspect prédéfini de ce cadre de coopération, il est évident qu'il « n'y a pas de système social entièrement réglé ou contrôlé. Les acteurs individuels ou collectifs qui les composent ne peuvent jamais être réduits à des fonctions abstraites et désincarnées » (Crozier et Friedberg, 1977 : 29). Les Etats dans les jeux de coopération disposent donc, à proximité du cadre relationnel prédéfini, d'une marge de manoeuvre à laquelle ils font recours pour promouvoir leur enjeu principal à savoir l'intérêt national. Trois cas de figures peuvent nous permettre d'illustrer notre propos :

Premièrement, citons l'attitude du Gabon qui, dans le cadre de sa politique extérieure sous-régionale, n'adhère pas au projet d'intégration selon le modèle supranational, lui préfère les rapports de coopération intergouvernementale, et dont toute l'action diplomatique dans la sous-région vise à s'assurer que le processus d'intégration ne dépasse pas le seuil de la coopération intergouvernementale. Cette position explique les nombreuses entraves posées systématiquement à l'égard des initiatives communautaires notamment la libre circulation, le droit d'établissement et les faibles contributions au financement de la CEEAC (Awoumou, 2005 : 07).

Comme deuxième exemple, citons le Cameroun qui dans son option de diplomatie apaisée préfère une action évitant tout engagement direct dans les problématiques sécuritaires sous-régionales, préfère une diplomatie faite de dialogue basée sur les acquis du Droit International et qui évite tout engagement militaire précoce. Cette position explique les réticences du Cameroun à s'engager dans toutes les situations appelant une intervention militaire tel que ce fut le cas en RCA.

Au titre du troisième exemple, on peut expliquer l'implication du Rwanda et du Burundi dans la situation d'insécurité qui prévaut dans les Kivu comme résultant des stratégies de prédation de ces derniers, mais aussi du souci de maintenir le conflit hors de leurs frontières. (Braeckman 2003 : 281). Au sein du système, cette tentative de détournement des objectifs du COPAX s'est traduite par des réticences de ces deux pays à s'engager dans le processus de résolution de la crise en RDC (Braeckman op.cit). En tout état de cause, on a là un cas patent de stratégie d'acteurs allant clairement à l'encontre des principes de l'action organisée du COPAX. La quête de cet intérêt national au sein des structures du COPAX, marque d'un détournement et d'une appropriation des éléments d'incertitude par les Etats, est souvent renforcée par les querelles de leadership existant entre certains Etats de la sous région.

Toujours dans la rubrique de l'instrumentalisation des cadres d'action du COPAX, force est de noter l'existence, au sein du corpus juridique du COPAX, d'une ambiguïté qui a, dans le passé, justifié la passivité de certains Etats face au drame qui se vivait au sein de la sous-région. Cette ambiguïté porte sur les principes d'action qui guident les interventions du COPAX dans les crises internes des Etats de la sous-région.

En effet, l'Article 3 alinéa (b) et (d) du Protocole relatif au COPAX reconnaît explicitement comme principe directeur de l'action du COPAX, la non-ingérence dans les affaires internes des Etats et le respect de la souveraineté des Etats, tandis que l'Article 4 du même Acte précise la compétence du COPAX à gérer toute situation d'insécurité dans la sous-région. Mais comment peut-on prévenir, régler et gérer des conflits qui sont presque tous intra étatiques sans commettre par là même un acte d'ingérence dans les affaires internes d'un Etat ? Quand on considère au surplus que ces crises constituent les menaces les plus graves et les plus récurrentes que rencontre actuellement l'Afrique centrale, on est plus porté à penser que le mieux aurait été d'en faire une des raisons fondamentales d'une intervention rapide. Il faut penser que cette contradiction peut avoir été la cause du désengagement de certains Etats-membres dans la résolution de crises qui traversent la sous-région. Retenons en somme que l'ambiguïté des principes juridiques d'action du COPAX, parce qu'elle ne permet pas de cerner avec exactitude le fondement et les moyens d'action du système, peut constituer une opportunité de détournement des acteurs de leurs fonctions et de leurs obligations premières dans le système. Notons cependant que cette incongruité juridique ne suffit pas à elle seule à justifier l'indécision et le manque d'engagement dont le COPAX fait montre.

La stratégie potentielle des individus : La quête des avantages individuels

Considérant les stratégies d'appropriation par les individus, nous nous limiterons, faute de preuves qui en démontrent la prégnance, à préciser l'éventualité de son influence sur les décisions et les actions du COPAX. En effet, la possibilité pour les Etats d'influencer les actions du COPAX est à l'image de celle que les fonctionnaires qui en sont le bras séculier, ont de les détourner dans un sens qui leur est favorable plutôt que dans celui prévu par les normes qui régissent le système. L'enjeu dans ce cas réside dans quelques avantages tels une promotion, des gratifications ou l'accès à une position d'influence, que l'acteur individuel escompte tirer de ces transactions. Dans ce sens, le succès des actions du système résulte aussi de l'influence qu'ont les acteurs individuels, principaux agents du système, sur le cours des actions et des évènements. De façon pratique, quand on sait que le succès de plusieurs OMP a été compromis par l'indiscipline et les déviances de certains agents qui ont profité de leur position pour faire main basse sur des richesses ou pour poser des actes répréhensibles, même au plan de la Loi, alors il semble judicieux de proposer cette grille de lecture à titre préventif afin de prémunir le COPAX de ce genre de déviances qui en saperaient la crédibilité.

Au bout du compte, il faut conclure que la quête de l'intérêt national apparaît comme la variable explicative permettant, selon la méthode stratégique, d'expliquer les détournements et appropriations des actions du COPAX à des fins particulières, détournement qui aboutissent dans certains cas à l'inefficacité du COPAX du fait de l'insuffisance et de l'inadéquation de certains de ces processus. En termes plus simples, l'une des raisons de la faiblesse du COPAX est la poursuite par les Etats-membres, même au sein de l'institution, de leurs intérêts nationaux respectifs. Que dire des conséquences de la faiblesse du COPAX sur la sous-région en général et sur le processus d'intégration en particulier ?

SECTION C : LES CONSEQUENCES DANS LA SOUS-REGION

En dépit de quelques cas encourageants et d'un potentiel considérable, force est de reconnaître que l'action du COPAX dans la sous région Afrique centrale pendant la période 2000-2008 a été insuffisante du fait de la passivité ou même de l'abstentionnisme coupable dont cette structure a fait montre pendant que l'Afrique centrale était traversée, par divers conflits d'une nature et d'une violence particulièrement inquiétante. Le fait est que, la passivité du système de prévention des conflits a fait le lit d'un climat d'instabilité au sein de la sous-région qui, en retour, a largement freiné le processus d'intégration sous régionale.

Paragraphe 1  : La persistance de l'insécurité dans la sous-région: Conséquence immédiate de la faiblesse du COPAX

Malgré les efforts de le CEEAC, l'Afrique centrale reste traversée par des courants belligènes qui en fragilisent la construction identitaire.

Un tour d'horizon de la situation sécuritaire nous amène à constater que :

a. La crise en RDC n'est pas complètement résorbée et on perçoit encore derrière certains mouvements rebelles la manipulation de certains Etats voisins.

b. La situation en RCA continue à inquiéter. Elle inquiète même un peu plus, eu égard aux craintes d'exportation de l'insécurité Darfouroise dans ce pays.

c. Au Tchad, la situation n'est pas plus reluisante. Les groupes rebelles sont toujours présents et eux aussi continuent à bénéficier de la situation d'insécurité qui prévaut au Soudan.

Certes, on peut constater une baisse de presque de moitié du nombre de crises en Afrique centrale, mais la question pertinente est celle de savoir quel est l'apport du COPAX dans cette diminution des conflits ? Cette accalmie sécuritaire n'est-elle pas plutôt le résultat de certaines pressions de puissances internationales qui, préalablement à leurs installations dans le marché très prometteur des ressources nouvellement identifiées en Afrique centrale, souhaitent un rétablissement de la sécurité ? On sait par exemple que le regain d'intérêt des Etats-Unis pour le golfe de Guinée dont 07 des 08 pays sont membres de la CEEAC, est justifié par la découverte du statut d'oil/diamond heartland  (Awoumou, 2005 :02)38(*) de cette zone et se manifeste par une implication directe de cet Etat dans la gestion et la résolution des différentes menaces à la sécurité dans la sous-région, notamment à travers l'installation d'une base militaire US à Sao Tome et Principe (Awoumou, 2005 :03)

En fait, s'il l'on ne peut pas dire que le mérite de cette accalmie revient uniquement au COPAX, on n'est pas non plus en moyen de dire que le COPAX n'y est strictement pour rien. Le COPAX s'est investi dans la résolution de certains des conflits que connaît la sous-région et qui ont, de ce fait, connu une évolution positive comme ce fut le cas dans la sécurisation des élections en RDC. Notons cependant qu'en face de la demande, l'offre des services de paix et sécurité du COPAX en terme de pacification reste minime, insuffisante et presque insignifiante.

Dans un autre sens, une des conditions de la pérennité d'un Etat est son aptitude à créer imposer et maintenir un climat de sécurité à l'intérieur de ses frontières. En se déclarant seul détenteur de tous les moyens de la force même physique, l'Etat s'attribue, selon la conception hobbesienne du pouvoir, un Droit et en même temps un devoir, celui de veiller à la persistance d'un climat de cohésion sociale suffisamment acceptable. Le même raisonnement s'applique au système de prévention des conflits de l'Afrique centrale. En effet, si par les textes statutaires du COPAX, il lui est conféré la responsabilité de « prévenir gérer et régler les conflits » dans la sous-région39(*), alors il ne serait pas inexact de conclure que la persistance d'une crise même minime dans la sous-région résulte aussi, au-delà des conditions qui ont favorisé son avènement, d'un véritable déni de compétence par le COPAX. En sommes, la responsabilité du COPAX dans la persistance de l'insécurité qui traverse l'Afrique centrale résulte de sa faible implication dans la gestion des crises auxquelles la zone fait face.

Paragraphe 2  : L'évanescence de l'identité sous-régionale: Conséquence indirecte de la faiblesse du COPAX

De l'avis de Ropivia (2001:152), « la dialectique entre les deux phénomènes de l'intégration et de la stabilité politique est qu'ils peuvent se réguler mutuellement, en ce sens que la stabilité politique favorise le processus d'intégration régionale qui est lui-même pour la région un facteur de stabilité politique». En d'autres termes, sécurité et intégration sont deux notions proches qui entretiennent entre elles des rapports d'influence réciproques. De même qu'un climat de sécurité est un facilitateur du processus d'intégration, de même des avancées dans le processus d'intégration permettent de créer et garantir un climat de paix et de sécurité sous-régionale. Or, il apparaît que l'action du COPAX devrait avoir des répercussions sur le processus d'intégration en Afrique centrale, processus qu'il pourrait amplifier et renforcer dans le cas d'un fonctionnement efficace ou, processus qu'il gênerait dans l'alternative d'un mauvais fonctionnement.

La démonstration en sens inverse de cette logique nous est fournie par la CEEAC dans la période 1992-1998. En fait, cette période qui est marquée par l'éclatement et l'aggravation de crises et de conflits sévères à l'intérieur de la majorité de ses Etats-membres ainsi qu'on a pu le constater au Burundi et au Rwanda en 1993 et en 1994, dans la République du Congo entre 1992 et 1994, puis entre 1998 et 1999, et en République Démocratique du Congo à partir de 1996, a aussi été celle de l'entrée du processus d'intégration dans un état souvent qualifié d'hibernation. (Meyer. A, 2006 : 220). C'est cet état de chose qui a motivé la déclaration selon laquelle « dans la conflictualité globale quasi permanente de l'Afrique sub-saharienne post-apartheid, l'Afrique centrale se distingue des autres grandes régions par le fait qu'elle constitue le seul espace où le processus de construction communautaire est miné par de nombreuses guerres civiles qui ont donné à bon nombre d'Etats la physionomie d'une déliquescence avancée et à l'intégration régionale celle d'une grave paralysie.» (Ropivia, 2001:143)

Dans les faits, le COPAX a, de façon très timide, oeuvré pour la sécurisation de la sous-région et, comme on peut l'imaginer, son action sur le processus d'intégration sous-régionale est restée presque imperceptible.

Dans le même ordre d'idées on note la persistance de certaines projections d'Etats tels l'Afrique du Sud, le Nigeria, la Libye attirés par le potentiel minier de la sous-région et mus par l'ambition de se poser en leader de la région Afrique au sein des instances internationales.

Au sein même de la CEEAC, on perçoit encore des antagonismes, des querelles de leadership et de positionnement entre acteurs politiques sous-régionaux engagés dans la quête d'une position de leadership sous-régional, querelles portant notamment sur la gestion des questions sécuritaires.

Enfin, on note l'extraversion de certains Etats de la sous-région qui font preuve d'une duplicité géopolitique préjudiciable au processus d'intégration en adhérant à plusieurs regroupements sous-régionaux différents. Tel est le cas de la RDC et de l'Angola qui militent en même temps au sein de la CEEAC et de la SADC.

Dans la même logique, il ne serait pas incongru d'expliquer le départ du Rwanda de la Communauté en 2007 comme étant le résultat du rôle néfaste joué dans la polémologie de l'Afrique centrale notamment dans l'instigation de la guerre dans les Kivus en RDC. A défaut de pouvoir apporter une réponse sans équivoque à ces préoccupations, notons, dans la perspective d'une réponse positive, que cette alternative, en même temps qu'elle confirmerait le lien prévention des conflits/intégration, nous donnerait une preuve suffisante de la faiblesse de l'apport du COPAX dans le processus d'intégration.

Après observation du tableau ainsi dépeint, force est de convenir que la question de la prévention des conflits en Afrique centrale, en étant un point fédérateur des ambitions des Etats de la sous-région, constitue déjà un motif visible d'intégration et y participe. Seulement, il demeure que cette intégration des volontés peine à se traduire par une implication active et actante dans le cadre d'une approche concertée de la prévention et de la gestion des conflits. Après près de huit années de vie gestative, l'action du COPAX dans le processus d'intégration sous-régionale reste encore mitigée et bien que le COPAX continue à fédérer les voeux de paix et de sécurité en Afrique centrale CEEAC, il ne demeure pas moins vrai qu'il ne le fait pas encore pleinement dans les actes.

Nous retiendrons donc que le COPAX, par sa création et sa mise en place, a été un motif d'intégration des initiatives. Seulement, étant donné sa faiblesse relative en tant qu'instance de prévention et de gestion des conflits dans la sous-région, le COPAX n'agit encore que très faiblement sur la situation sécuritaire de l'Afrique centrale, et ne peut pas encore prétendre, jusque là, avoir eu une influence décisive sur le processus d'intégration dans la sous-région Afrique centrale.

En dernière analyse, disons que la faiblesse du COPAX est expliquée par des facteurs de divers ordres, facteurs rendus perceptibles par l'analyse systémique complétée par l'approche stratégique. Ainsi, la faiblesse établie du COPAX s'explique par la faiblesse et l'inadéquation des soutiens qu'il reçoit de l'environnement et par le l'inadaptabilité qualitative et quantitative des outputs du système, inadaptabilité traduite aussi par une quasi-permanence de la courbe de rétroaction. En y regardant plus clair, c'est-à-dire à l'intérieur même du COPAX, on comprend, grâce à l'approche stratégique, que la faiblesse du COPAX s'explique par les différentes influences des Etats-membres auxquelles l'action du COPAX est sujette. Tout comme les causes, les conséquences de la faiblesse du COPAX sont assez déplorables et consistent en une persistance de l'insécurité dans la sous-région et en une influence presque imperceptible sur le processus d'intégration sous-régionale. Mais, cette faiblesse ne nous semble-t-elle pas être la faiblesse d'un temps ? Devrait-on pour autant occulter les dispositions potentielles du COPAX, qui du reste, sont considérable dans la gestion des crises sécuritaires dans la sous-région ? Doit-on pour autant oublier tout rêve de construction et de rentabilisation de l'identité sécuritaire de la CEEAC ? N'existe-il pas des voies et moyens d'une rentabilisation par la rationalisation du COPAX ?

CHAPITRE IV  : PERSPECTIVES DE LA RATIONALISATION DU SYSTEME DE PREVENTION DES CONFLITS : POUR UN MEILEUR APPORT SUR LE PROCESSUS D'INTEGRATION

« La prévention des conflits meurtriers est possible. Le problème n'est pas que nous ne savons rien de la violence à grande échelle qui se prépare, mais que souvent nous ne faisons rien ».

Commission Carnegie sur la Prévention des Conflits Meurtriers (1997), La prévention des conflits meurtriers : Résumé du rapport final, Carnegie Corporation de New York, p 03

Le constat de la faiblesse du COPAX ne devrait pas constituer pour nous un point final. Bien au contraire, c'est ce constat qui appelle une contribution de notre part dans le sens d'une amélioration quantitative et qualitative du rendement du COPAX. Aussi, après avoir redécouvert la faiblesse du COPAX à partir de l'analyse de sa réactivité face aux sollicitations de son environnement, après en avoir envisagé les causes et les conséquences, il nous a semblé de bon ton d'envisager les voies et moyens de remédier à cette situation très peu reluisante et par anticipation d'entrevoir les gains escomptés de cette rationalisation au niveau de l'Afrique en général et de l'Afrique centrale en particulier.

SECTION A  : LA RATIONALISATION : POUR UN RENFORCEMENT DES CAPACITES DU COPAX

Plus que par le passé, le besoin pour l'Afrique centrale de présenter un visage uni est perceptible. Il faut même penser que le temps de l'Afrique centrale est désormais compté. La paix, la stabilité et l'intégration régionale se présentent dorénavant comme des conditionnalités du développement (Awoumou, 2005 :11). En effet, la découverte de nouvelles ressources minière et la persistance de situations menaçant la stabilité de la sous-région, sont autant d'interpellation à un rajustement de la structure du système de prévention des conflits afin de le rendre plus efficace ou du moins afin de renforcer son impact sur le processus d'intégration de l'Afrique centrale. Pour ce faire, et partant de la recension des différentes raisons de la faiblesse du COPAX, deux axes d'attaques nous semblent particulièrement pertinents à savoir les ajustements au plan structurel et au plan géopolitique.

Paragraphe 1  : La rationalisation au plan structurel

Considérant que la paix en Afrique centrale ne pourrait être consolidée que par un processus de construction communautaire rénové qui favoriserait notamment l'exploitation commune de certaines richesses ainsi que l'harmonisation de certaines politiques sectorielles (Ropivia, 2001: 144), nous envisagerons dans cette section les différents réajustements au sein de la structure même du COPAX, qui pourraient susciter une amélioration de son rendement.

a) Le statut : Le passage de l'inter gouvernementalisme au supranationalisme

La quasi-totalité des théories qui encadrent notre perception de l'intégration s'accordent à la concevoir comme un transfert de compétences, dans la gestion de certaines questions, des Etats à une structure supranationale via une étape intergouvernementale. Ainsi, qu'il s'agisse de l'approche fonctionnaliste, néofonctionnaliste ou transactionnaliste, le processus d'intégration est envisagé comme un processus pendant lequel les Etats se dessaisissent de la gestion de certaines matières au profit d'une instance communautaire dotée de meilleurs moyens et censée parvenir à une gestion plus efficace de la problématique en question.

En faisant ce rappel de nos balises théoriques, nous voulons mettre l'accent sur un point dont la prise en compte pourrait effectivement permettre de parvenir à une amélioration du rendement du COPAX et partant de la CEEAC. Ce point, c'est le passage d'un schéma communautaire intergouvernemental à un schéma supranational par l'attribution, le renforcement et même l'autonomisation des compétences des instances communautaires.

Au sein de la CEEAC, ainsi que nous le rappelle Mvie Meka (2007 :59),« la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement apparaît comme l'institution souveraine dans laquelle se concentrent tous les pouvoirs essentiels et importants du groupement économique régional. Située en haut de la pyramide institutionnelle, la conférence constitue la véritable et seule instance de policy making power ». En fait, ainsi que nous le rappelle Angela Meyer (2006 : 227), la performance du COPAX est entravée par le fait que la position centrale et dominante de la Conférence des Chefs d'Etat et des représentants directs des Etats membres limite dans les deux cas le poids et les capacités de contrôle des organes communautaires.

Effectivement, selon les Articles 08 et 09 du protocole relatif au COPAX, il apparaît que la Conférence des Chefs d'Etat est la seule instance décisionnelle du COPAX, tandis que le Secrétariat Général en tant qu'instance de gestion permanente du COPAX n'a qu'un rôle d'exécution. En fait, le déséquilibre de pouvoir entre la Conférence des Chefs d'Etat et le Secrétariat Général crée un contexte propice à une coopération intergouvernementale qui fait du plan d'action du COPAX le résultat d'un consensus sur les préoccupations des différents Etats au lieu d'en faire l'aboutissement d'un esprit de sécurité communautaire promu par le COPAX. La pratique nous démontre effectivement que les Etats-membres ont, à plusieurs occasions, fait preuve de duplicité vis-à-vis de l'esprit communautaire. Bien plus, l'on relève encore au sein des Etats, la prégnance de facteurs politiques et économiques négatifs qui ont considérablement freiné le processus d'intégration en Afrique centrale. Il s'agit du manque de volonté politique des dirigeants africains, facteur aggravé en Afrique centrale par les conflits internes et externes qui ont non seulement provoqué l'insécurité et détruit des infrastructures, mais ont aussi instauré un climat de méfiance peu propice à la coopération dans la sous-région40(*).

De ce qui précède, il découle que l'un des moyens de renforcer la célérité et l'efficacité de l'action du COPAX consiste à le soustraire de la dépendance de la volonté des Etats-membres pour en faire une instance directement responsable du maintien de la paix dans la sous-région et à même de se saisir de toute question appelant son action ou son intervention. L'idéal voudrait même que les actions et les décisions du COPAX puissent s'imposer aux Etats-membres dans la perspective d'une paix durable. Ceci revient, en d'autres termes, à suggérer de faire du COPAX une instance autonome, dépendante certes de la CEEAC mais à même d'initier et de mener certaines actions sans avoir, au préalable à recevoir l'avis favorable de la Conférence des Chefs d'Etats qui, du reste, ne se réunit qu'une fois par an. Dans ce cas, la dépendance du COPAX serait marquée par le contrôle à posteriori qu'exerceraient non seulement les représentations des Etats, mais aussi les représentants directs des populations de la sous-région, à travers un parlement sous-régional par exemple. En somme, une des voies de renforcement des capacités du COPAX consiste à le soustraire de son mode de fonctionnement marqué par un intergouvernementalisme préjudiciable, pour lui conférer un statut d'organe supranational à même de développer une dynamique propre, d'agir plus efficacement et plus rapidement lorsque de besoin.

b) Les ressources : pertinence, régularité et consistance des apports de l'environnement

Une autre voie de renforcement de la capacité du COPAX réside dans une amélioration des ressources allouées au bon fonctionnement du COPAX en particulier, et de la CEEAC en général. En effet, le caractère largement embryonnaire des institutions communautaires est d'autant plus renforcé que ces dernières ne disposent pas de moyens financiers propres, mais dépendent en grande partie des contributions versées par les Etats membres (Meyer, 2006 : 231). Or, selon l'analyse systémique, le rendement du système est à l'image de la qualité et de la quantité des soutiens, notamment des apports financiers matériels et en personnels alloués au fonctionnement du système.

Ainsi, à la suite de l'identification de l'irrégularité et de l'inconsistance des ressources allouées au fonctionnement du COPAX comme étant une des causes de la faiblesse de l'institution, force est de préconiser, dans la perspective d'une plus grande rentabilisation du système, une régularisation quantitative et qualitative des cotisations sensées couvrir les frais de fonctionnement du COPAX. Dans ce sillage, l'option pertinente consisterait à mettre sur pied un système de financement autonome de la CEEAC par des contributions directes issues des populations en alternative des apports statutaires de chaque Etat-membre. Le Projet de mise sur pied du système de financement par des Contribution Communautaire d'Intégration (CCI) apparaît à cet effet d'une très grande pertinence, et l'approche idoine consisterait donc à en accélérer et à en faciliter la mise en application au sein de la sous-région.

A coté des ressources financières, les ressources humaines elles aussi constituent un paramètre très important dans l'amélioration de la rentabilité d'une structure. En effet, il est admis que la pertinence et l'efficacité des actions d'une organisation dépendent aussi des compétences et de l'expertise des agents commis à cette tache. Dans ce sillage et, concernant le COPAX force est de noter, ainsi qu'on l'a observé dans notre Chapitre II, qu'un accent particulier est mis sur le recrutement de personnes qualifiées pour animer certaines instances vitales du COPAX. La stratégie adéquate dans ce cas consisterait, tout en conservant les acquis, à aller aussi loin que possible dans la voie de la capacitation du personnel du COPAX.

Un autre point à ne pas négliger est celui des équipements du COPAX. Notons à ce niveau que la technologie constitue un élément essentiel dans la quête de succès des entreprises contemporaines. A l'ère de la mondialisation et des nombreux flux qu'elle implique, à l'ère de la vulgarisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, considérant le poids actuel de la technologie dans la conduite des opération militaires en particulier et de toute stratégie en général, force est de suggérer que le COPAX soit équipé de matériels technologiques de pointe qui puissent lui conférer un avantage sur toutes le menaces identifiables dans la sous région. Nous voulons parler dans cette suite, de la qualité des équipements logistiques de structures telles le MARAC qui devraient être doté d'un matériel de dernière génération pour permettre une collecte et un traitement efficace de l'information. Nous voulons aussi parler de la logistique de la FOMAC dont la qualité technologique des équipements constitue un gage certain de son succès dans toutes les situations appelant son intervention. Etant donné la diversité et la complexité des missions auxquelles cette Force doit faire face, il semble évident que le renforcement des capacités et la dotation d'un équipement de pointe améliorerait substantiellement son rendement.

Paragraphe 2  : Au plan géopolitique : l'avènement d'une puissance motrice

Selon le Pr. Ntuda (2004: 10) « les raisons de la faiblesse de la CEEAC ne tiennent pas seulement à la persistance de l'inadéquation des missions de la CEEAC avec les ressources mises à sa disposition ; mais elles tiennent fondamentalement à une série de facteurs qui vont de l'éclatement, depuis la fin de la guerre froide, de la sous-région en plusieurs morceaux, à la prolifération des conflits due à l'absence d'un véritable leader. ». Dans cette péricope, l'auteur énonce que l'émergence d'un leader géopolitique aurait un effet amplificateur sur le processus d'intégration en général, et sur celui de construction de l'identité sécuritaire sous-régionale en particulier. Plusieurs opinions militent en faveur de cette thèse.

Ainsi, Ropivia (2001 :144) pense qu'au-delà de l'apparence d'un conflit frontalier, le différent au sujet de la presqu'île de Bakassi constitue une menace indirecte de la CEDEAO et surtout du Nigeria sur la CEEAC considérée comme un espace vide en matière de construction communautaire, sans Etat- pivot concurrent.

Awoumou, (2005: 06) pour sa part, pense que « le golfe de guinée souffre de l'absence d'une puissance motrice et mobilisatrice pouvant s'imposer comme le leader incontesté, de par sa capacité d'influence voire de nuisance, aussi bien au sein qu'en dehors de ladite zone, apte à s'opposer aux convoitises que suscite la sous-région »

De l'avis de ces différents auteurs, tous experts de la question, l'Afrique centrale souffre de l'absence en son sein d'un leader déclaré qui puisse porter le processus d'intégration. Selon cette logique, le processus d'intégration de l'Afrique centrale serait plus efficace s'il était soutenu par une puissance motrice locale qui démontrerait d'une capacité d'influence et de nuisance suffisante pour contrecarrer les projections des Etats et des sous-régions voisines. Trois candidatures sont avancées pour jouer ce rôle de premier plan en l'occurrence, le Couple Cameroun/Tchad, le couple Gabon Congo et l'Angola. Dans chaque cas, nous essayerons de peser le pour et le contre de chaque candidature.

a) Couple Gabon/Congo

Le couple Gabon/Congo est né de la volonté Gabonaise de se poser en tant que leader sous-régional, mais aussi de la conscience de l'insuffisance de ses seuls atouts pour parvenir à une telle quête. En effet, « la tactique du Gabon ces dernières années a consisté à s'associer au Congo en vue de s'imposer comme moteur de la CEEAC et de la CEMAC. » (Awoumou, 2005 : 07). La force de ce couple repose sur le fait qu'il se fonde sur une entente séculaire renforcée par des liens personnels et une coopération bilatérale conviviale. Il existe en fait une certaine communauté socio-historique entre ces deux pays. Le Gabon a été une province historique du Congo et plusieurs de leurs composantes ethniques à l'instar des Kotas, des Mbédés, des Nzebis, des Punus, des Tékés et des Vilis, restent culturellement très liées. Au delà de l'alliance matrimoniale qui lie les deux Chefs d'Etat, le Président Bongo étant le gendre du Président Sassou Nguesso, on note une très forte sympathie entre les classes dirigeantes sur la base d'une camaraderie entretenue depuis les bancs des salles de classes, et même parfois sur la base de relations fraternelles du fait du cousinage existant entre ces dirigeants. Ce couple est une belle démonstration du potentiel de cohésion, d'harmonie et de communion pouvant exister entre des Etats de la sous-région.

Mais, au-delà du dynamisme et de la détermination de ce couple, il faut noter que cette candidature est dévaluée par certains facteurs qu'il faut préciser aussi ici.

Le premier facteur défavorable au couple Gabon/Congo est leur faiblesse démographique, la population cumulée des deux pays s'élève à seulement 5 000 000 d'habitants contre 123 933 000 habitants41(*) que compte toute la CEEAC. De plus la densité au km2 de ces deux pays est seulement de 8 habitants au km2 contre 54,1 pour toute la CEEAC. A la vue de cela, on comprend que le gros défaut du couple Gabon/Congo est celui de la représentativité sociodémographique. Ainsi, la volonté et la détermination sont certes des atouts mais, ces atouts à eux seul ne sont pas suffisants pour garantir le succès du leadership géopolitique du couple Gabon/Congo. Que dire du couple Cameroun/Tchad ?

b) Couple Cameroun/Tchad

A l'opposé du couple Gabon/Congo, le couple Cameroun/Tchad repose sur une assise sociodémographique plus forte. En effet, la population de ces deux pays s'élève à 25 millions d'habitants, ce qui représente 20,17 % de la population totale de la sous-région dont la densité est de 29 habitants au km2.

En plus de cet avantage démographique, les relations entre les deux pays reposent sur « un engagement politique appuyé » (Awoumou, 2005: 8) et sont plus productives en termes de réalisations. On peut en effet mettre à l'actif de cette alliance :

· L'effectivité de la libre circulation des biens et des personnes entre les deux pays ;

· Une coopération scolaire et universitaire fructueuse ;

· Le raccordement du réseau électrique Tchadien au barrage hydroélectrique de la Lagdo au Cameroun ;

· Le bitumage de la route Ngaoundéré-Touboro/Moundou

· La réalisation du pipeline Tchad/Cameroun permettant l'évacuation du pétrole Tchadien par le port camerounais de Kribi assorti de l'utilisation du tracé de ce pipeline pour l'inclusion du Tchad dans le projet international de câbles sous-marins de télécommunication.

On le voit, le dynamisme de ce couple se traduit moins par la sympathie et la filiation que par des réalisations, ce qui le place dans une position confortable dans la course au leadership sous-régional. En effet, la valeur de la candidature de ce couple est renforcée par le fait qu'il nous donne déjà un bel exemple d'une coopération pragmatique, d'une intégration très avancée.

Mais à l'opposé du couple précédent, on peut reprocher à ce couple d'être constitué sur une base trop pragmatique. En effet, les réalisations de ce couple semblent plus mues par les intérêts respectifs de chaque Etat que par un esprit communautariste.

c) Angola

Après la longue période d'inactivisme sous-régional du fait de la guerre de 27 ans qui a déchiré ce pays, l'Angola se pose de plus en plus comme un interlocuteur valable de certaines puissances continentales et de ce fait comme un représentant efficace de sa sous-région.

A son avantage, l'Angola compte ses énormes richesses pétrolières et diamantifères, mais aussi et surtout une armée de 135 000 hommes bien équipés et aguerris par 27 années de guerre, ce qui en fait une force de dissuasion non négligeable. Fort de ces atouts, l'Angola a déjà démontré sa capacité à contrecarrer les projections de l'Afrique australe dans notre sous-région notamment en jouant un rôle déterminant dans la résolution de la crise Démo-congolaise42(*). Relativement à la problématique de la prévention et de la gestion des conflits en Afrique centrale, l'Angola est à notre sens, doté de plusieurs atouts tels sa capacité militaire qui lui permettraient de jouer valablement le rôle de gendarme de la sous-région.

Mais, la candidature Angolaise reste contrariée par les énormes sollicitations sociopolitiques auxquelles le régime actuel doit faire face. En effet, la guerre a laissé dans ce pays d'énormes et profondes séquelles qui menacent le processus de reconstruction nationale. C'est donc dire que la capacité réelle de l'Angola dans la sous-région dépend d'abord de sa capacité à se reconstruire.

SECTION B  : ANALYSE PROSPECTIVE : LES GAINS ATTENDUS DE LA RATIONALISATION DU COPAX SUR LE PROCESSUS D'INTEGRATION

Cette présentation des différents axes d'amélioration du COPAX serait, à notre sens incomplète si elle ne contenait pas une illustration même à titre de projection, de ce que serait la CEEAC, dans le cas d'un fonctionnement correct. Nous pensons même, dans la perspective d'une amélioration du rendement du COPAX, que l'idéal voudrait qu'on se fixe des objectifs au départ sur la base desquels il serait possible de procéder à mi ou fin parcours, à l'évaluation du degré d'avancement et de réalisation des activités de rationalisation programmées.

Afin que notre analyse prospective ne soit pas réductible à une construction chimérique et même idéaliste, nous l'appuierons sur les théories envisagées comme cadres conceptuels du processus de l'intégration. Grâce aux lumières fournies par ces approches nous envisagerons les résultats d'un bon fonctionnement du COPAX au plan sécuritaire, économico-fonctionnel, et enfin, au plan culturel.

Paragraphe 1  : Au plan sécuritaire : La pacification de toute la sous-région

Le constat de la concomitance entre la recrudescence des guerres en Afrique centrale et le fléchissement du processus d'intégration dans la même zone nous a mené, ainsi qu'on la précisé plus haut, à conclure de l'étroite liaison qui existe entre ces deux notions. En d'autres termes, il semble évident, soit que les Etats traversés par les guerres ne trouvent pas les moyens de participer au projet de construction de l'identité sous-régionale qui leur parait, du reste, de moindre importance dans leur contexte, soit que l'absence d'une identité sous-régionale forte favorise l'avènement de facteurs incitateurs de conflits.

L'approche fonctionnaliste, et plus tard l'approche néo-fonctionnaliste, identifient des questions telle l'insécurités transfrontalière et sous-régionales comme sortant du cadre des capacités des Etats et constituant un point de départ du processus d'intégration parce que la perspective de leur gestion efficace appelle forcement la mise en communs, par les Etats, de leurs moyens et de leurs ressources en la matière. Ainsi, l'ampleur des préoccupations sécuritaires, dont la résolution dépasse en large partie le cadre et les capacités nationales, persuaderait les Etats qu'une paix durable serait atteinte plus facilement grâce à la coopération que par le chemin de l'opposition et de la contrainte réciproque (Meyer, 2006 :275)

Poursuivant dans la même lancée, nous sommes d'avis que l'intégration, en même temps qu'elle constitue le point de départ et le moyen idoine de la gestion de la problématique sécuritaire, en est aussi un des acquis. En termes plus clairs, s'il est vrai qu'on s'intègre pour mieux gérer le problème de l'insécurité, alors il n'est pas moins vrai que l'établissement d'un climat de stabilité ne ferait que renforcer le processus d'intégration enclenché dans ce but.

Au sein de la CEEAC, nous l'avons vu, il persiste des menaces telles la criminalité transfrontalière, l'extraversion des mouvements de rébellion et la circulation incontrôlée des ALPC. Toutes ces menaces créent un climat d'incertitude, d'instabilité et d'insécurité qui empêche particulièrement le rapprochement des hommes et donc limite le processus d'intégration.

En particulier, le facteur de la criminalité transfrontalière est assez perturbateur car, celle-ci sévit dans des zones frontalières où précisément devrait se ressentir la vigueur de l'intégration sous-régionale. Nous pensons donc à ce propos, que l'efficacité du COPAX qui se traduirait par une éradication de ce fléau susciterait un véritable regain d'intérêt des populations pour les relations internationales en général et sous-régionales en particulier.

En ce qui concerne l'extraversion des mouvements de rébellions, notons qu'en plus de créer de l'instabilité dans les zones où ils se projettent, ces groupes constituent très souvent la pomme de discorde qui sépare les Etats de la sous-région. On ce rappelle à ce propos du refroidissement des relations Tchado-centrafricaines à partir de l'année 2000 suite aux accusations réciproques des deux Chefs d'Etat d'alors, d'héberger et de soutenir les rebellions qui menacent leurs régimes respectifs. Une telle problématique ne peut, en fait, être efficacement résolue que dans le cadre d'une approche consensuelle que permet justement le cadre d'intégration sécuritaire qu'est le COPAX. En fait, la disparition des groupes rebelles transfrontaliers parce qu'elle inhibe les sources de mésentente en les chefs d'Etats sera d'un apport certains dans le réchauffement des rapports entre Chefs d'Etats et dans le renforcement de l'intégration sous-régionale en général. En conclusion, moins d'insécurité signifie, pour la sous-région, plus de paix à l'intérieur et entre les Etats et donc plus de chances de renforcement du processus d'intégration.

Paragraphe 2  : Au plan économique et fonctionnel : une meilleure gestion des ressources de la sous-région

En 1998, lors de la relance de ses activités, les dirigeants de la CEEAC, conscient de l'impact de la paix et de la sécurité sur le projet d'intégration économique, ont incorporé un volet sécuritaire parmi les objectifs fondamentaux de l'institution. Ici déjà on peut percevoir le fait que le fonctionnement efficace du COPAX devrait être d'un apport considérable dans le processus de l'intégration économique en particulier et dans le développement économique de la sous-région en général.

Plus que jamais, l'Afrique centrale et le monde sont conscients des richesses du sous-sol de l'Afrique centrale. Plus que jamais l'Afrique est confronté au risque de déstabilisation et blocage du processus de construction de son identité culturelle par des puissances qui voudraient faire main basse sur ce trésor et plus que par le passé, l'Afrique centrale devrait présenter au monde un front uni pour résoudre et prévenir les conjonctures défavorable à la sécurité et promouvoir l'établissement de relations marquées par la coopération et le partenariat comme méthode idoine d'accès aux richesse du sous-sol de l'Afrique centrale.

Le fonctionnement efficace du COPAX, en même temps qu'il mettrait les ressources de la sous-région à l'abri des projets de prédation de certains acteurs de l'univers des relations internationales, créerait un cadre propice à un développement intégral basé sur une exploitation et une gestion concertée des ressources de la sous-région. « En effet, capable de combler partiellement la faiblesse et les carences des Etats sur le plan sécuritaire, une approche par la sphère régionale pourrait faciliter la résolution d'une partie des problèmes et des défis face auxquels une approche unilatérale se montre largement insuffisante et inappropriée » ( Meyer. A, 2006:376.). L'exemple Tchado-Camerounais du Pipeline Doba/kribi constitue un bel exemple de la capacité de concertation et d'intégration dans gestion des ressources en Afrique centrale, et notre avis est qu'un fonctionnement optimal du COPAX devrait susciter une démultiplication de tels projets.

Ainsi, en plus de permettre une gestion harmonieuse des ressources de la sous-région, la pacification de celle-ci ouvre des opportunités de partenariat qui constitueront des cadres d'une rentabilisation optimale des ressources de la sous-région.

Paragraphe 3  : Au plan culturel : la consolidation de la paix  

Selon la théorie transactionnaliste de l'intégration, dans le projet d'intégration, l'accroissement des communications entre les peuples aboutit à l'avènement d'une communauté marquée par la normalisation de certaines perceptions, conceptions, us et coutumes. Partant de cette thèse, nous pensons que l'augmentation des flux de biens et personnes au sein de la sous-région, aboutirait à la naissance d'une identité culturelle CEEAC. C'est donc à un travail de construction ou, pour le moins de facilitation de l'avènement d'une culture de paix que nous espérons parvenir grâce à l'efficacité du COPAX.

En effet, comme nous l'avons vu dans le cadre de nos précisions terminologiques, le domaine de la prévention des conflits constitue un large spectre qui inclut d'une part la prévention opérationnelle marquée par le déploiement des troupes de la FOMAC, et d'autre part, la prévention structurelle ou prévention par la consolidation de la paix, qui elle agit sur les causes profondes des conflits. La Commission Carnegie (1997: 20) soutien dans ce sens que la prévention structurelle s'appuie sur des stratégies comme la mise en place de système juridiques internationaux, de mécanismes de règlement des conflits et d'accords de coopération ; la satisfaction des besoins essentiels des gens en matière économique, sociale culturelle et humanitaire.

Il est de notre avis en effet, que l'action du COPAX ne devrait pas se limiter à arrêter les conflits mais devrait aussi envisager les voies et moyens d'inhiber les causes profondes de ces conflits, et promouvoir l'avènement d'une société de dialogue, de compréhension et d'égalité de chances. Le renforcement des capacités du COPAX envisagé dans notre analyse comme gage d'une action efficace sur le processus d'intégration devrait, de toute évidence, résulter aussi dans l'avènement d'une culture centrafricaine de la paix, faite de tolérance de dialogue et de communion entre les différents Etats et entre les populations de la sous-région.

CONCLUSION

Arrivé au terme de notre analyse, force est de repréciser les questions et évolutions qui en ont fait l'ossature et ont meublé les débats.

Nous sommes partis de l'identification d'un contraste au sein de la sous-région Afrique centrale qui résidait en ceci que la sous-région qui est traversé par une conflictologie particulièrement sévère est aussi caractérisée par l'évanescence de son identité. Notre attention était particulièrement attirée par le fait que la période de recrudescence des conflits est aussi celle de la rentrée en hibernation de la CEEAC notamment entre 1992-1998 et que la période de relance des activités du COPAX coïncide avec la prise de conscience de l'importance et de l'impact de la sécurité sur le processus de construction identitaire sous-régionale et que cette période soit aussi celle d'une diminution en nombre et en intensité des conflits de la sous-région.

Partant de ce constat, nous avons supposé l'existence d'un lien entre la prévention des conflits et l'intégration sous-régionale en Afrique centrale. Nous supposions dans cette logique que la multiplicité des guerres qui ont traversé la CEEAC aurait été favorisée par la latence dans laquelle se trouvait le processus d'intégration en général et le processus de construction de l'identité sécuritaire régionale en particulier. Conscient de l'impact qu'aurait le système de prévention des conflits de la sous-région sur le processus d'intégration, nous nous sommes posés la question de départ de savoir quel a été pendant la période 200043(*)-2008 l'impact du COPAX sur la dynamique d'intégration en Afrique centrale CEEAC.

Comme outils d'analyse, nous permettant de parvenir de façon adéquate à une réponse à la question sus-énoncée, nous avons opté pour l'approche systémique conceptualisée par David Easton, à cause de son aptitude à rendre lisible le fonctionnement des systèmes et à cause de son adaptabilité à l'analyse du phénomène d'intégration régionale. Dans la perspective d'une compréhension suffisante du phénomène nous nous proposions, le cas échéant, de compléter les limites de l'approche systémique par l'approche stratégique surtout en ce qui est de l'explication du fonctionnement interne du COPAX.

Avant d'embrasser l'analyse proprement dite et afin d'en garantir la pertinence mais aussi la singularité, nous avons estimé important de procéder à une revue de la littérature et des théories en présence puis de procéder à une précision du substratum théorique qui encadrera notre analyse. De cette étape, il ressort que nous-nous sommes limités à une définitions simple du conflit perçu à la suite de Clausewitz (Von) (1832 : 37), comme une confrontation violente entre plusieurs groupes sociaux marquée par le recours à la force dans la perspective, pour chacun des groupes en présence, d'imposer sa volonté à ses antagonistes.

A partir de cette définition nous avons défini la prévention des conflits comme étant l'ensemble des méthodes, des moyens imposant la résolution des conflits par une voie autre que le recours et l'usage de la force et de la violence. Elle part de la diplomatie préventive entendue comme l'influence sur les principaux acteurs aux conflits à la prévention factuelle constituée de toutes les mesures de prévention structurelle et opérationnelle des conflits visant à prévenir, limiter ou résorber les conflits dans la sous-région.

Par contre, nous concevions l'intégration comme résultant de la convergence de plusieurs courants à savoir :

o Le courant culturel qui est tributaire de l'amplification des échanges et des communications entre les individus et qui mène à l'avènement d'une culture commune.

o Le courant fonctionnel caractérisé par la mise en commun des moyens et des initiatives dans la gestion de certaines ressources et de certaines initiatives techniques communes en vue d'une exploitation plus rentable.

o Le courant sécuritaire caractérisé par la mise en commun de moyens dans l'optique d'inhiber ou de maîtriser toutes les menaces à la sécurité et à la stabilité sous-régionale.

Pour nous donc, le processus d'intégration politique résulte de la convergence de ces différents courants. Il peut certes être porté par un seul de ces courants mais la convergence de ces différents courants est un gage de la force et de l'efficacité du processus d'intégration. Dans la même logique nous pensons que le courant sécuritaire apparaît comme une piste importante par laquelle pourrait être envisagé le processus d'intégration devant mener à terme à une intégration politique en Afrique centrale.

Après ces précisions d'ordre théorique nous envisagions la problématique dans les faits. Ici, nous partions d'une recension des différents conflits qui ont traversé la sous-région pendant la période 2000-2008, cadre temporel de notre analyse. A la suite de  ce travail de recensement nous identifions huit crises majeures dans la sous-région que nous avons placées au centre de notre analyse à savoir, le conflit burundais, la guerre de RDC d'après 1998, les crises centrafricaines de 1993 à 2003 et de 2003 à 2007, le putsch de Sao Tomé, le conflit du Pool au Congo et la guerre d'Angola. Ayant revisité la genèse et les évolutions de ces conflits, nous-nous sommes attardés sur les considérations structurelles qui ont porté ces conflits et dont la connaissance pourrait constituer un atout de poids dans le projet de systématisation de la prévention des conflits en Afrique centrale. Ainsi, nous identifions comme causes structurelles des conflits en Afrique centrale, les considérants historico-culturel, socio-économiques, politiques, géopolitiques et géostratégiques. Après l'analyse des conflits, il a été question pour nous de voir quelles ont été les réactions du COPAX face à toutes ces crises qui appellent pourtant son intervention.

Plus loin, nous avons procédé à une évaluation des actions du COPAX. Ainsi, nous constations que les réactions du COPAX étaient quantitativement insuffisantes étant donné le grand écart entre le nombre des crises majeures que nous avons recensé et le nombre des réactions du COPAX. Sur le plan qualitatif, le constat de l'insuffisance s'impose eu égard à l'apport limité de l'intervention du COPAX dans le processus de résolution des crises dans lesquelles le COPAX s'est investi. En somme, nous avons abouti à la conclusion que l'action du COPAX est certes déjà perceptible mais qu'elle ne l'est pas encore suffisamment pour influencer positivement le processus d'intégration de la sous-région.

A partir de ce point, nous éprouvions un malaise suscité par la sensation de l'incomplétude de nos travaux au cas où ceux-ci n'arrivent pas non seulement à déceler les causes de cette faiblesse du COPAX, mais aussi à en déterminer les conséquences réelles dans la sous-région.

En ce qui concerne l'explication de la faiblesse du COPAX, l'analyse systémique nous a permis de comprendre, au niveau des inputs, qu'elle résulte d'abord du contraste entre les nombreuses demandes de l'environnement et la faiblesse des soutiens reçus par le COPAX et qui sont sensés le nourrir, ensuite de l'inadéquation des outputs qui sortent du système dans une forme qui ne garantit pas leur applicabilité directe dans l'environnement, et enfin de la permanence et de la récurrence du feedback loop qui illustre ainsi l'insatisfaction de l'environnement et la conversion de presque tous les outputs du système en nouveaux inputs. Parvenus à ces conclusions, nous avons été contraints de nous rendre à l'évidence des limites de l'approche systémique à permettre une explication de la faiblesse du COPAX en partant d'une analyse du fonctionnement interne de ce système. Nous savions en effet que le concept du black box qui structure l'analyse systémique et qui fait du système une donnée opaque à toute analyse ne nous permettait pas de parvenir à une compréhension complète des insuffisances du COPAX. Pour palier à cette insuffisance, nous avons fait recours à l'approche systémique plus à même de mettre en évidence les différentes contraintes de l'action organisée44(*) auxquelles le COPAX est assujetti. Grâce à l'approche systémique nous comprenions, sur la base de l'analyse de l'influence des acteurs individuels et collectifs sur l'action de toute l'organisation, que la faiblesse du COPAX résulte aussi des contraintes imposées à son action, non seulement par les Etats-membres qui espèrent ainsi en détourner l'action à leur avantage particulier, mais pourrait aussi résulter d'une instrumentalisation des cadres relationnels du COPAX par les agents individus qui sont chargés d'en assurer le fonctionnement.

Les conséquences de la faiblesse du COPAX pour leur part sont de divers ordres. Il s'est en effet avéré que la persistance de quelques poches d'insécurité dans la sous-région apparaissait comme une conséquence immédiate de la faiblesse du COPAX et que le faible degré d'intégration de la CEEAC résulte aussi, bien que de façon indirecte, de la faiblesse du système de prévention des conflits.

Ayant découvert la faiblesse, les causes et les conséquence de la faiblesse du COPAX, nous nous sommes dit que nous ne ferrions pas oeuvre utile si, ayant posée le diagnostic nous ne proposions pas des esquisses de solutions, à la problématique envisagée. En d'autres termes, après avoir identifié le problème, il nous a semblé au plus impératif ou du moins nécessaire de proposer des pistes de solutions au problème. Ainsi, dans l'optique du renforcement du rendement du COPAX, nous avons proposé au plan structurel le passage de l'intergouvernementalisme caractérisé par une trop grande dépendance du COPAX vis-à-vis du bon vouloir des Etats-membres, au supranationalisme marqué par une autonomisation et un renforcement des capacités et des prérogatives du COPAX. Dans la même veine mais au plan géopolitique cette fois, il est apparu que le fonctionnement du COPAX serait amplifié par l'avènement d'un Etat-leader ou d'un couple d'Etats qui joueraient le rôle de moteur du processus d'intégration de la sous-région particulièrement dans le processus de construction de l'identité sécuritaire. Eu égard à leurs différents atouts, nous envisagions comme candidats potentiels les couples Gabon/Congo et Cameroun/Tchad puis, l'Etat Angolais qui se présente aujourd'hui comme la puissance militaire locale.

Toujours dans l'esprit de la rationalisation et afin de permettre une évaluation du processus de rentabilisation du COPAX, nous avons envisagé dans une ultime section, les gains à escompter d'un fonctionnement régulier du COPAX. Ici, nous concluions qu'un fonctionnement efficace du COPAX conduirait de prime abord à une pacification de la sous-région, conséquence d'une gestion prompte et efficace de la problématique sécuritaire dans cette sous-région, mais aussi à un renforcement du processus d'intégration économique marqué notamment par une meilleure gestion des ressources communes de la sous-région et, enfin, à l'avènement d'une culture de paix purement centrafricaine, résultat de l'intériorisation par les acteurs politiques de la prépondérance du mode de gestion pacifique des différents sur le recours à la force.

REFERENCES

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III/ RAPPORTS ET AUTRES DOCUMENTS CONSULTÉS

- Allocution du Louis Sylvain-Goma (Général) Secrétaire Général de la CEEAC lors de la 7eme réunion ordinaire de la Commission de Défense et de Sécurité (CDS) le 30 août 2007 à Malabo.

- Awoumou Côme Damien « Le Golfe de Guinée face aux convoitises », Communication lors de la 11ème Assemblée Générale du CODESRIA sur le thème : Repenser le développement africain : au-delà de l'impasse, les alternatives, 06-10 décembre 2005, Maputo, Mozambique

- Fonds Africain de Développement (2004), Document de stratégie d'assistance à l'intégration régionale (DSAIR) pour l'Afrique centrale 2005-2009

- Fogue Alain (2007) « les questions stratégiques », Séminaire de DEA/Master II sur le thème : le déficit d'autonomie politique et stratégique de l'Etat post colonial et les problèmes africains actuels, Université de Yaoundé II.

- Nzongola-Ntalaja Georges, La dynamique des conflits en Afrique centrale, Communication lors du 19ème Congrès Mondial de l'Association Internationale de Science Politique, Durban, 29 juin - 4 juillet 2003.

- Protocole relatif au Conseil de paix et de sécurité en Afrique Centrale (COPAX)

- Fonds Africain de Développement, (2004), Rapport d'évaluation du Projet d'appui institutionnel au Secrétariat Général de la CEEAC.

- Commission Economique pour l'Afrique (2004), Etat de l'intégration régionale en Afrique, Addis-Abeba

- Groupe d'Experts sur l'exploitation illégale des ressources Naturelles et Autres Formes de Richesses de la RDC (2002), Rapport Final, ONU in http://www.grip.org/bdg/g2044.html

- PNUD (2003), Rapport mondial sur le développement humain durable.

- Commission Carnegie (1997), la Prévention des Conflits Meurtriers : Résumé du rapport final, Carnegie Corporation, New York.

- Traité Instituant la Communauté des Etats de l'Afrique Centrale CEEAC

- Wolters Stephanie (2007) «Trouble in Eastern DRC: The Nkunda Factor, Situation Report, Institute for Security Studies

IV/ SITES ET MOTEURS DE RECHERCHE CONSULTÉS

- www.ccpdc.org

- www.ceeac-eccas.org

- www.google.fr

- www.googlescholar.fr

- http://www.grip.org

- www.gutenberg.org

- www.issafrica.org

- www.operationspaix.net

- www.persée.fr

- www.undp.org

- www.unidir.org

ANNEXES

ANNEXE 1 : CARTOGRAPHIE DES INDICES DE PAIX DANS LE MONDE

ANNEXE 2 : REPARTITION DES OMP EN AFRIQUE 1990-2004

ANNEXE 3 : CARTE DES SOUS-REGIONS AFRICAINES

ANNEXE 4 : CARTE DE LA CEEAC

ANNEXE 5 : CARTE DES CONFLITS EN AFRIQUE

* 1 Source : www.ceeac-eccas.org/index.php?rubrique=presentation&id=3

* 2 Source: Stockholm International Peace Research Institute (2002) Year Book 

* 3 Cf. : Cartographie des indices de paix du SIPRI jointe en annexe et disponible sur http://www.visionofhumanity.org/gpi/results/regional-split.php

* 4 Cf. Art 21 du protocole relatif au COPAX

* 5 La Direction des Actions Politiques et Diplomatiques résulte d'une adaptation qui visait à prendre en compte l'importance de la diplomatie préventive dans le processus de prévention et de gestion des conflits. Certes, elle n'a pas été envisagée lors de la ratification du Protocole Relatif au COPAX car, ce volet des missions du COPAX était plutôt exécuté par des Commissions Ad-Hoc mises en place par la CCE qui en fixait en outre le mandat conformément à l'Article 09 du Protocole relatif au COPAX.

* 6 Du mot « paix » en Grec et selon le Professeur Johan Galtung, un des pères fondateurs de cette branche de la polémologie

* 7 Cf. Article 1er du Traité Constitutif de la CEMAC signé le 16 mars 1994

* 8 Profil de la CEEAC disponible sur www.ceeac-eccas.org

* 9 Source : Profil de la CEMAC disponible sur www.cemac.cf/Drivers/dépliant-cemac.pdf

* 10 Commission Economique pour l'Afrique (2004), l'état de l'intégration régionale en Afrique, Addis-Abeba, pp 29-30

* 11 C'est l'équivalent des ramifications chez Mitrany

* 12 Dans son article « puissance, résolution des conflits et sécurité collective a l'ère de l'union africaine : Théorie et pratique » in http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/19_288-306.pdf

* 13 Source : www.ceeac-eccas.org

* 14 Estimation CEEAC 2006

* 15 Source : www.ceeac-eccas.org/index.php?rubrique=presentation&id=3

* 16 Cf. Chapitre II du Traité instituant la CEEAC

* 17 Source www.wikipedia.org/wiki/Deuxi·me_guerre_du_Congo

* 18 Source: Source www.wikipedia.org/wiki/Deuxi·me_guerre_du_Congo

* 19 Source www.wikipedia.org/wiki/Deuxi·me_guerre_du_Congo

* 20 Les Etats-Unis estiment en effet à partir de ce moment que le seul front devant retenir l'attention internationale est celui de la lutte contre le terrorisme.

* 21Dans une interview à la BBC disponible in http://news.bbc.co.uk/2/hi/africa/6913498.stm

* 22 Dans son journal du 24 Août 2007 in http://news.bbc.co.uk/2/hi/africa/6963206.stm

* 23 Source : www.wikipédia.org/Guerre du Kivu.htm

* 24 Source : http://www.grip.org/bdg/g2044.html

* 25 Cité dans PNUD (2004) Conflits armés en République Démocratique du Congo, PNUD, Kinshasa 1, pp. 15

* 26 Source : « Burundi guerre et paix » in Afrique XXI Publié le samedi 7 septembre 2002

* 27 Source : http://www.netpress.bi/hist/hstr.htm

* 28 Source : www.wikipédia.fr/histoire-de-l'Angola

* 29 Sources : http://www.journalchretien.net; http://www.afriklive.com/Centrafrique-la-rebellion-du-MLCJ-reprend-les-armes_a4816.html

* 30 Au départ, le pasteur Ntumi se présente comme un homme de Dieu qui prétend soigner tout genre de maladie y compris la folie par les seuls moyens de la prière.

* 31 Source : Estimation CEEAC

* 32Source : « Les origines du conflit politico ethnique au Burundi » in http://www.netpress.bi/hist/hstr

* 33 Source: PNUD (2003), Rapport mondial sur le développement humain durable

* 34 Sources :

· Allocution du Général Louis Sylvain-Goma Secrétaire Général de la CEEAC lors de la 7ème réunion ordinaire de la Commission de Défense et de Sécurité (CDS) 30 août 2007 à Malabo.

· Site Internet : www.ceeac-eccas.org

· Fonds Africain de Développement (2004), Document de Stratégie d'Assistance à l'Intégration Régionale (DSAIR) pour l'Afrique centrale 2005-2009

· Fonds Africain de Développement (2004), Rapport d'évaluation du Projet d'Appui Institutionnel au Secrétariat Général de la CEEAC

· Commission Economique pour l'Afrique/ Bureau Sous-Régional de l'Afrique Centrale (2008), Séminaire de formation sur les concepts et modes opératoires des instruments d'intégration régionale en Afrique centrale, « Module N° 05 sur l'état de mise en oeuvre de la politique communautaire en matière de paix et sécurité » Yaoundé, Novembre 2008

* 35 Source : Fonds Africain de Développement (2004), Rapport d'évaluation du Projet d'appui institutionnel au Secrétariat Général de la CEEAC, pp. 63

* 36 Source : Fonds Africain de Développement (2004), Rapport d'évaluation du Projet d'appui institutionnel au Secrétariat Général de la CEEAC, pp. 08

* 37 Dans son Allocution lors de la 7eme réunion ordinaire de la Commission de Défense et de Sécurité (CDS) le 30 août 2007 à Malabo.

* 38 Source : http://www.codesria.org/Links/conferences/general_assembly11/papers/awoumou.pdf

* 39Article 4 Alinéa a) du Protocole relatif au COPAX

* 40 De l'avis des Experts du Fonds Africain pour le Développement dans leur Rapport d'évaluation du Projet d'appui institutionnel au Secrétariat Général de la CEEAC, Fonds Africain de Développement, 2004, p 4

* 41 Estimations CEEAC 2006

* 42 Un des Accords décisifs marquant la résolution du conflit en RDC fut signé à Luanda la capitale Angolaise

* 43 Le Protocole relatif au COPAX ayant été ratifié le 24 février 2000 à Malabo

* 44 Ici, les contraintes auxquelles le COPAX est soumis dans son action






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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius