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Les implications juridiques du transfert des affaires du tribunal pénal international pour le Rwanda devant les juridictions rwandaises (article 11bis rpp-tpir)

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par Jean Maurice MUGABONABANDI
Université Nationale du Rwanda - Licence en Droit  2008
  

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Section II. La protection des droits de l'accusé

Comme discuté dans le chapitre précédent, avant de décider s'il y a lieu de renvoyer l'affaire vers un état désireux, la Chambre désignée en vertu de l'article 11 bis doit examiner si l'accusé y bénéficiera d'un procès équitable.

Les juges doivent s'assurer que les droits de l'accusé prévus à l'article 20 du Statut seront protégés au Rwanda. Ces droits sont aussi garantis dans divers instruments internationaux de droit de l'homme dont le Rwanda est partie81(*).

D'après le Statut du Tribunal, ces droits sont notamment :

1. Tous sont égaux devant le Tribunal international pour le Rwanda.

2. Toute personne contre laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de l'Article 21 du Statut.

3. Toute personne accusée est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie conformément aux dispositions du présent Statut.

4. Toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du présent Statut a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

a) Etre informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre elle;

b) Disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix;

c) Etre jugée sans retard excessif;

d) Etre présente au procès et se défendre elle-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix; si elle n'a pas de défenseur, être informée de son droit d'en avoir un, et, chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le rémunérer;

e) Interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la comparution et l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge; f) Se faire assister gratuitement d'un interprète, si elle ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience;

g) Ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable82(*).

Nous n'examinerons que les droits discutés dans les décisions relatives au transfert vers le Rwanda qui à notre sens constituent les défis du transfert.

§I. L'indépendance du système judiciaire rwandais

L'indépendance d'un tribunal est indispensable pour assurer l'équité du procès. Dans le cadre des procès des accusés transférés, il est souhaitable que la justice rwandaise soit libre de décider, sur base des faits, conformément à la loi, sans aucune ingérence, pression ou influence de quelques organes du gouvernement.

L'article 20 du Statut garantit le droit à un procès équitable et public83(*). L'accusé a le droit d'être jugée par un tribunal indépendant et impartial comme prescrit dans les divers instruments de protection des droits de l'homme84(*) signés et ratifiés par le Rwanda, ainsi que la jurisprudence pénale internationale85(*).

La Constitution de la République du Rwanda mentionne que le pouvoir judiciaire est indépendant et séparé du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, et qu'il jouit de l'autonomie de gestion administrative et financière86(*). Le Conseil supérieur de la magistrature est responsable de la nomination, discipline et de la révocation des juges87(*). En outre, l'article premier du Code de procédure pénale stipule que les procès pénaux doivent être rendus en public et dans toute justice et impartialité, respecter les droits de défense à l'action, le principe du contradictoire, respecter le principe de l'égalité des parties au procès devant la loi, être fondés sur les preuves fournies dans les voies légales et respecter les délais88(*).

A. Le système du juge unique vis-à-vis de l'indépendance judiciaire

Le système d'un juge unique est un système dans lequel, le procès est examiné en première instance par un seul juge. Au Rwanda, cette pratique a débutée en 2004. Elle est considérée par la défense des accusés du TPIR et Human Rights Watch comme un obstacle à l'indépendance judiciaire.

Répliquant aux affirmations de la défense que dans les affaires de violations graves du droit international humanitaire, les procès en première instance sont examinés par un collège de trois juges et cinq en appel89(*), le procureur du TPIR et le Rwanda font valoir que les procès transférés par le TPIR seront examinées par un juge unique en première instance devant la Haute Cour de la République, et trois juges en appel devant la Cour Suprême, en se référant ainsi au système judiciaire en vigueur dans plusieurs pays de l'Afrique de l'est, central, et de l'ouest, et que cela ne compromet en rien l'indépendance judiciaire90(*). À ce sujet, l'avis des chambres du TPIR diverge.

B. La divergence dans les décisions de différentes chambres du TPIR

Les décisions des chambres du TPIR concernant l'indépendance du système judiciaire rwandais ne sont pas unanimes.Dans l'affaire Munyakazi, la Chambre a noté que le système de juge unique qui serait utilisé au Rwanda au degré de première instance91(*) pourrait compromettre l'équité du procès92(*). Dans ces motifs, la chambre rappelle que malgré l'adoption de ce système dans les différents pays93(*), le juge unique peut facilement subir des pressions extérieures94(*). Estimant que ce danger pourrait être réduit par un collège de trois juges ou plus95(*), cette conviction de la chambre fut l'une de raisons de refuser le transfert.

Cette justification a été rigoureusement combattue par le procureur. En effet, dans ses requêtes en appel, le procureur fait observer avec raison d'après nous qu'aucun instrument juridique international n'empêche que les procès en premier ressort soit examinés par un juge unique ; les exigences du procès équitables sont uniformes pour tous les crimes, y compris les violations grave du droit international humanitaire96(*). En outre, le procureur fait valoir qu'il est inconcevable de trouver que le juge unique est susceptible de subir les pressions extérieures car, l'appréciation de l'indépendance et de la résistance à la pression extérieure est faite pour chaque juge individuellement, et non pour tous les juges qui composent le siège. Chaque juge prête individuellement serment d'agir indépendamment et de résister aux pressions extérieures97(*). À la lumière de ces motifs, la chambre d'appel du TPIR entrevoit que la chambre de première instance a commis les erreurs de trouver que le système judiciaire n'est pas indépendant98(*).

En revanche, dans l'affaire Kanyarukiga et Hategekimana, les différentes chambres ont rejeté à juste raison d'après nous les soumissions de la défense et de Human Rights Watch qui contestaient l'absence de l'indépendance du système judiciaire rwandais fondée sur le système du juge unique. En effet, les chambres ont conclu que le fait que le procès en première instance soit examiné par un juge unique ne signifie pas nécessairement que le système judiciaire n'est pas indépendant99(*).

Aucun instrument juridique international ne requiert que les procès en premier ressort ou en appel soient examinés par un nombre spécifique des juges pour que le tribunal soit indépendant et que le procès soit équitable. Contrairement aux arguments de la défense, le système du juge unique est pratiqué dans plusieurs pays. Depuis l'adoption du système de juge unique au Rwanda en 2004, aucun indice ne prouve que le taux d'acquittement aurait diminué dans les procès rendus par un juge unique. La chambre n'est pas d'avis que le juge unique peut compromettre l'équité (l'indépendance et l'impartialité) du procès100(*).

L'indépendance des juges rwandais est aussi contestée par la défense de Kanyarukiga sous prétexte que les juges rwandais sont trop jeunes et que par conséquent, ils n'auront pas la capacité de juger les affaires de grande envergure comme celles du TPIR101(*). Réagissant à cette opposition, le Rwanda et le Procureur soutiennent que les juges rwandais ont l'expérience nécessaire pour juger les affaires renvoyées au Rwanda. Ils ont une expérience dépassant le minimum requis car, pour être nommé juge de la Haute Cour de la République, le candidat doit avoir au moins six ans d'expérience dans le domaine du droit et huit ans pour la Cour Suprême102(*).

La chambre désignée dans l'affaire Kanyarukiga entrevoit que l'indépendance judiciaire ne dépend pas de l'âge du juge mais plutôt de son expérience ; même si les juges Rwandais semblent être jeunes, ils ont une expérience leur permettant de siéger dans les procès du génocide103(*). À la lumière de ces motifs, les juges de la chambre désignée dans l'affaire Kanyarukiga n'ont pas trouvé que le système judiciaire rwandais n'était pas indépendant104(*).

* 81 Nous envisageons ici le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques ratifié par le Rwanda, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

* 82 Voy. Art. 20 du Statut du TPIR déjà cité.

* 83 Ibidem

* 84 Voy.art 14 .1. du Pacte International relative aux Droits Civil et Politique déjà cité : « Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ». Ainsi, l'article. 6 (1) de la convention Européenne des droits de l'homme abonde dans le même sens. Voir également l'article 7 (1) (d) of de la Charte Africaine de Droits de l'homme et du Peuple, qui prévoit que «  toute personne doit être jugée dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ».

* 85 Procureur c. Furundzija, Affaire n° IT-95-17/1-A, (Chambre d'appel), 21 juillet 2000 par. 177: «The Appeals Chamber held that under Article 21 (2) of the Statute of the ICTY; the accused is entitled to «a fair and public hearing» in the determination of the charges against him».

* 86 Voy. art. 140 de la Constitution de la République du Rwanda déjà cité.

* 87 Id. art. 157 et 158.

* 88 Voy.art. 1 de la loi n° 13/2004 du 17/5/2004 portant Code de Procédure Pénale, in J.O.R.R. n° Spécial du 30/07/2004.

* 89 Procureur c. Munyakazi, op.cit., note 6, Par. 37.

* 90 Id. par. 35

* 91Voy. Art. 2 al. 2 de la loi Organique n°11/2007/du 16/03/2007 déjà citée : « la Cour statue en premier ressort a juge unique ».

* 92 Procureur c. Munyakazi, op.cit., note 6, par. 33.

* 93 Procureur c. Munyakazi, Affaire n° TPIR -97-36-R11bis, Amicus curiae, Mémoire de la République du Rwanda, par. 68 : Le Rwanda soutient que sa structure judiciaire est adoptée conformément à l'étude comparative du Common et civil law dans de l'Afrique de est, central, et de l'ouest qui ont montrés que les procès de grande envergure devant les Hautes Cours de plusieurs pays sont examinés par un juge unique.

* 94Procureur c. Munyakazi, op.cit., note 6, par. 48. «The Chamber believes that there is a real risk that a single judge will not be able to resist any such pressure. This situation is exacerbated by the fact that a single judge's factual findings cannot be reviewed by the Supreme Court unless there has been a miscarriage of justice».

* 95 Id. par. 49: The Chamber is of the view that this danger would be substantially reduced if the trial were conducted by a panel of three or more judges. However, at present, this is not the case in Rwanda ».

* 96 Procureur c. Yussuf Munyakazi, Affaire n°TPIR/97/36/R11bis, Mémoire du Procureur en appel, 27 juillet 2008 , par. 19.

* 97 Idem, Par. 21.

* 98 Procureur c. Yussuf Munyakazi, Affaire n° ICTR-97-36-R11bis, (Chambre d'appel), Décision sur l'appel du procureur contre la décision sur le transfert en vertu de l'article 11 bis, 8 octobre 2008.

* 99Procureur c. Gaspard Kanyarukiga, op.cit., note 6, par. 40 : «Chamber observes that international legal instruments, including human rights conventions, do not require that a trial or an appeal has to be heard by a specific number of judges in order to be fair and independent. The fact that the Bench at the first instance level and on appeal is composed of fewer judges in Rwanda than at the international tribunals clearly does not prevent transfer. Single judge trials take place in many countries on several continents and may include serious cases which can lead to severe punishment. Rwanda has had single judge trials in genocide cases since 2004, and there is no information available that the acquittal rate has been lower in such trials. The Chamber has no basis for a finding that the situation may be different in case transferred from the tribunal».

* 100 Procureur c. Ildlphonse Hategekimana, op.cit., note 6, par.41.

* 101Procureur c. Gaspard Kanyarukiga, Affaire no. TPIR-2002-78-R11bis, Mémoire de la défense, par. 53.

* 102 Procureur c. Gaspard Kanyarukiga, op.cit., note 6 par 41 ; Voir également l'article 11 de la loi n°6 bis/2004 du 14/4/2004 portant statut des juges et des agents de l'ordre judiciaire in J.O . R. R. n°10 du 15/05/2004. ; « Pour être nommé juge de la Haute Cour de la République, le candidat doit remplir les conditions prévues par l'article 8 de la présente loi et avoir une expérience de six (6) ans au moins dans le domaine du droit. Pour les détenteurs d'un diplôme de Doctorat en Droit, l'expérience professionnelle requise est de trois (3) ans au moins dans le domaine du droit ». 

* 103 Id. par. 42.

* 104 Ibid.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon