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Analyse juridique de l'immunité de juridiction reconnue au personnel militaire de la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC )

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par Michel SULUBIKA OMARI
Université officielle de Bukavu - Licence de droit option droit public 2008
  

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§.2. Etendue de l'immunité de juridiction

A ce niveau, interviennent les notions d'immunité de juridiction complète et celle d'immunité de juridiction limitée.

Il sera question, dans ce paragraphe, de déterminer la période qui est couverte par cette immunité tant dans le temps que dans l'espace.

A. Immunité de juridiction complète

Il s'agit de dégager ce qu'elle contient et les personnes qui en sont bénéficiaires.

1. Contenu

On l'appelle « complète » parce qu'elle couvre tous les actes tant officiels que privés.

Un acte est dit officiel lorsqu'il entre dans les fonctions de l'agent. Il sera par contre privé s'il est fait ou accompli en dehors des fonctions.

Que ce soit pour un acte privé ou officiel, le bénéficiaire de cette immunité de juridiction ne peut être jugé par les tribunaux du pays hôte.

Le problème de l'immunité de juridiction se pose en ce qui concerne les actes accomplis par les membres des missions diplomatiques qu'en tant que personnes privées.

Le problème continue à se poser car la distinction entre acte officiel et acte privé n'est toujours pas facile.

Pour y arriver, il sied de déterminer le contour ou l'environnement d'un acte officiel. Mais encore, et en sus de ces problèmes évoqués précédemment, l'autorité locale ne peut le faire sans être taxée de s'ingérer dans les affaires de la mission ou de l'organisation internationale dont relève l'agent en cause.

2. Bénéficiaires de l'immunité de juridiction complète

Il s'agit des agents diplomatiques tels qu'ils sont définis et cités à l'article 1 de la Convention de Vienne de 1961, des membres des familles de ces agents et les fonctionnaires internationaux et leurs familles.

Qu'entend-on par fonctionnaires internationaux et leurs familles ?

Par fonctionnaire international, on entend « Tout individu chargé par les représentants de plusieurs Etats ou par un organisme agissant en leur nom à la suite d'un accord interétatique et sous le contrôle des uns ou de l'autre, d'exercer en étant soumis à des règles juridiques spéciales d'une façon continue et exclusive les fonctions dans l'intérêt de l'ensemble des Etats en question ». 33(*)

Autrement, il s'agit de « toute personne par qui l'organisation agit ».34(*)

Dans le système des Nations Unies, les fonctionnaires supérieurs, leurs conjoints et leurs enfants mineurs jouissent de la même immunité de juridiction qu'un employé diplomatique.35(*)

B. Immunité de juridiction limitée

1. Contenu

A moins qu'ils soient originaires de l'Etat accréditaire ou y aient une résidence permanente, les membres du personnel administratif et technique jouissent de l'immunité de juridiction pénale et civile pour tous les actes relevant de leur fonction pour éviter que l'Etat ne s'ingère dans les affaires de la mission.

L'on comprend bien que ce genre d'immunité ne concerne que les actes relevant des fonctions de ses bénéficiaires.

2. Les bénéficiaires

Les différents bénéficiaires de cette immunité de juridiction sont les membres du personnel administratif et technique et leurs familles tels que définis par l'article 1 de la Convention de Vienne de 1961 et les membres du personnel de service (employés au service domestique de la mission).

S'agissant des institutions d'activités relevant du système des nations Unies, les fonctionnaires subalternes ont droit à l'immunité de juridiction pour les actes de leur fonction.

C'est un traitement minimum que l'article 105 de la Charte des Nations Unies et la doctrine admettent comme nécessaire et obligatoire.36(*)

C. Période couverte par l'immunité de juridiction

Il convient, d'entrée de jeu, de préciser que cette sorte d'immunité s'étend aussi bien dans le temps que dans l'espace.

Pour ce qui est du début de l'immunité de juridiction, dans l'espace, la Convention de Vienne de 1961 a bien précisé : « toute personne ayant droit aux privilèges et immunités en bénéficie dès lorsqu'elle pénètre sur le territoire de l'Etat accréditaire pour rejoindre son poste ou, si elle se trouve déjà sur le territoire, dès que sa nomination a été notifiée au Ministère des affaires étrangères ou à tel autre ministère dont il aura été convenu ».37(*)

Acquérir l'immunité précède donc l'entrée en fonction de l'agent.

Signalons que cette immunité n'est pas limitée sur le territoire de l'Etat hôte. Le fonctionnaire en bénéficie lorsqu'il traverse un Etat qui lui a accordé un visa lorsqu'il est exigé.38(*)

Autrement dit, si l'agent diplomatique traverse le territoire ou se trouve sur le territoire d'un Etat tiers qui lui a accordé un visa au cas où ce visa est requis, pour aller assumer ses fonctions ou rejoindre son poste, ou pour rentrer dans son pays, l'Etat tiers lui accordera l'inviolabilité et toutes autres immunités nécessaires pour permettre son passage ou son retour.

Il fera de même pour les membres de sa famille bénéficiant des privilèges et immunités qui accompagnent l'agent diplomatique ou qui voyagent séparément pour le rejoindre ou pour rentrer dans leur pays.

En ce qui concerne le fonctionnaire international ayant un statut diplomatique, il jouit de cette immunité dès que sa nomination est parvenue au Ministère des Affaires étrangères.

Par contre, les agents qui n'ont de l'immunité de juridiction que pour les actes officiels, ne peuvent y prétendre qu'après l'entrée en fonction.

Dans le temps, l'avènement de ce statut n'est pas sans conséquence. Dès ce moment, l'immunité s'applique aux actes passés.39(*) Les actions dirigées contre cette personne sont arrêtées.

S'agissant de la fin de l'immunité de juridiction, elle intervient normalement au moment où cette personne quitte le pays.40(*)

Sur le territoire des Etats tiers, les agents diplomatiques et leurs familles continuent à bénéficier de leur statut. Seule l'immunité de juridiction des domestiques privés est limitée sur le territoire de l'Etat accréditaire.

Dans le temps, accordée dans l'intérêt de la fonction, l'immunité de juridiction devrait en principe prendre fin avec cette cause qui lui donne naissance.

Selon l'article 39 de la même convention à son alinéa 2 : « lorsque les fonctions d'une personne bénéficiant des privilèges et immunité prennent fin, cessent normalement à l'expiration d'un délai raisonnable qui lui aura été accordé à cette fin ».

Pratiquement analysons comment arrive-t-on à appliquer cette immunité reconnue à une organisation internationale ou à ses agents d'une part et comment de l'autre est-il possible de l'exclure.

d. Les cas d'application de l'immunité de juridiction

L'organisation bénéficiant de l'immunité de juridiction échappe à la juridiction de L'Etat du for dans deux circonstances.

Il s'agit entre autre lorsque :

1. Il existe un instrument conventionnel liant l'Etat du for et prévoyant explicitement l'immunité de juridiction de l'organisation.

Dan ce cas, que la réclamation dirigée contre l'organisation porte sur le respect d'une obligation contractuelle (bail, vente, louages des services etc.) ou extracontractuelle (quasi-délit, quasi-contrat, ...), elle sera rejetée en raison de stipulation dudit instrument.

L'immunité de juridiction de l'organisation fait donc échec à une procédure : demande en intervention forcée, demande de renseignement, de témoignage, transmission d'une demande de saisie-arrêt, etc.

Elle s'étend en outre aux organes subsidiaires de l'organisation.

L'organisation échappe aussi à la juridiction de l'Etat du for lorsque :

2. La réclamation porte sur une matière pour laquelle est prévu un mode spécifique de règlement autre que les juridictions ordinaires de l'Etat du for.

Ainsi pour les litiges relatifs à la fonction publique internationale, des recours administratifs sont prévus devant les tribunaux propres à l'organisation tels que le tribunal administratif des Nations Unies et des institutions spécialisées.

Dans les différents cas, la compétence des juridictions ordinaires de l'Etat du for est implicitement exclue.

Dans les deux hypothèses envisagées, soulignons que seule toujours la volonté des Etats parties à l'accord en cause qui fonde l'immunité de juridiction de l'organisation ; tantôt explicitement, en le stipulant, tantôt implicitement en prévoyant un mode particulier du règlement des litiges.

Dans un cas, il s'agit d'une immunité ratione personae, dans l'autre, d'une immunité ratione materiae.

L'immunité de juridiction de l'organisation peut, certes entraîner des conséquences difficiles pour les créanciers d'une obligation à l'égard de l'organisation.

Il est des cas où cette immunité de juridiction peut exclue et donner compétence aux tribunaux de l'Etat hôte. Ce sont les cas d'exclusion de cette immunité.

e. Les cas d'exclusion de l'immunité de juridiction

L'organisation ne bénéficie pas de l'immunité de juridiction dans les cas suivants :

1. Les textes de base de l'organisation internationale excluent cette immunité ;

2. L'organisation renonce à cette immunité ;

3. Les faits en cause sont étrangers à la mission de l'organisation internationale ;

4. L'organisation internationale bénéficie de l'immunité de juridiction mais ne dispose d'aucun système propre et indépendant de règlement des litiges avec des particuliers. 41(*)

S'agissant du cas où les textes de l'organisation internationale excluent l'immunité de juridiction, les communautés européennes offrent un exemple très frappant d'exclusion de l'immunité de juridiction en vertu de l'acte constitutif.

Il est en effet prévu qu'en dehors des cas où les traités donnent compétence à la cour de justice de la communauté européenne, les litiges auxquels la communauté est partie sont soumis aux juridictions nationales.42(*)

Concernant le cas où les faits sont étrangers à la mission de l'organisation internationale disons, si l'organisation jouit d'une immunité de juridiction qui, contrairement à celle de l'Etat étranger, n'est pas liée au caractère public ou privé de ses activités, mais plutôt parce que celles-ci doivent nécessairement s'inscrire dans la poursuite des objectifs que ses créateurs lui ont assignés. Autrement dit, sans ses objectifs, l'organisation ne se verrait pas accorder cette immunité de juridiction.

Quant à l'hypothèse où l'organisation internationale bénéficie de l'immunité de juridiction mais ne dispose d'aucun système propre et indépendant de règlement des litiges avec des particuliers dans le droit interne, cette organisation se verrait se refuser celle-ci.

La pratique, la doctrine et la jurisprudence enseignent que l'organisation qui ne dispose pas d'un tel système doit alors accepter de se soumettre à la juridiction des tribunaux internes.

La règle résulte tantôt de l'interdiction de déni de justice tantôt de l'application du droit de tout individu à un juge, droit prévu tant par les instruments protecteurs de droit de l'homme que par la constitution de la RDC.43(*)

Nous allons essayer de brosser de façon succincte ces quelques observations.

v Le souci d'éviter le déni de justice

Le principe ressort de la pratique, de la jurisprudence et de la doctrine.

Des décisions de jurisprudence n'ont pas hésité à considérer ou à suggérer que l'instauration d'un système interne de règlement des litiges s'imposait à l'organisation internationale qui bénéficiait de l'immunité de juridiction.

Il y a déni de justice lorsque le juge refuse une affaire, ou lui fait subir un retard excessif, ou rend la justice de manière gravement inadéquate ou encore se livre à une application illicite de la loi.44(*)

Ainsi pour le tribunal fédéral Suisse, cette obligation de prévoir une procédure de règlement avec les tiers constitue une contrepartie à l'immunité de juridiction octroyée.45(*)

La doctrine souligne explicitement que l'organisation internationale doit disposer d'un mode autonome de règlement des litiges si elle veut bénéficier de l'immunité de juridiction.

Ainsi, en 1953, J.F LALILVE écrivait que l'immunité de juridiction des organisations internationales se justifie par le fait que leurs textes de base : « posent le principe d'une voie de recours qui, tout en sauvegardant l'indépendance de l'organisation, donnera aux particuliers les garanties nécessaires d'un règlement équitable ».

L'auteur conclut, après l'examen des actes fondateurs et annexes de nombreuses organisations internationales : « [...] il est certain que le fonctionnement effectif d'ordre juridique exige dans le domaine juridictionnel qu'un sujet de droit trouve un for où puissent être apurés les différends dans lesquels il est impliqué » 46(*).

A cet égard, les organisations internationales très conscientes du danger juridique, politique et psychologique que comporte l'immunité de juridiction au point de vue des exigences de la justice et de la sécurité du droit, très conscientes aussi de la nécessité de gagner et de conserver la confiance des peuples, ont aménagé diverses procédures de règlement : arbitrage ou élargissement des compétences d'un tribunal administratif préconstitué.47(*)

v Le droit de toute personne à bénéficier d'un recours
judiciaire pour faire valoir ses droits

Pour rappel, les instruments protecteurs des droits de l'homme consacrent le droit de toute personne à soumettre des réclamations à un juge : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit de contestation sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».48(*)

Or, les décisions internationales et internes récentes montrent que le refus par une organisation de se soumettre à une procédure de règlement d'un litige qui l'oppose à un particulier peut être constitutif d'une violation du droit de toute personne à un procès équitable.

Et dans le même sens, DOMINICE conclut que le droit à un procès équitable est une règle de jus cogens que le juge du for doit faire primer sur l'exception tirée de l'immunité de juridiction en refusant d'accueillir celle-ci lorsqu'elle conduit à priver le requérant de son droit à un procès équitable : « on doit, en effet, admettre que le droit à un procès équitable a acquis l'autorité d'une règle de jus cogens comme la plupart de droits fondamentaux d'ailleurs, de sorte que le juge national, à condition d'être compétent rationae materiae, doit la faire prévaloir sur la règle de l'immunité , si l'organisation défenderesse n'offre pas une procédure de règlement adéquate »49(*)

Ces notions préalables à l'immunité de juridiction ainsi étayées, nous nous attellerons alors à mettre à nue le régime juridique de la MONUC afin de nous permettre de bien comprendre cette organisation et d'en cerner les différents contours environnementaux.

Ce développement constituera le socle du prochain chapitre de notre réflexion.

* 33 D. RUZIE Les fonctionnaires inter nationaux, Paris, Armand Collin, 1970, p.7.

* 34 Professeur MANGA ZAMBO, Cours de doit des relations diplomatiques et consulaires, L2 Droit, UOB, 2008, inédit.

* 35 L. CAVARE, Op.cit, p.52.

* 36 L. CAVARE, Op.cit, p.52.

* 37 Article 39, alinéa 1 de la Convention de Vienne de 1961 disponible sur http://www.admin.ch/ch/f/rs/0_191_02/index.html consulté le 12 décembre 2008 à 15h34

* 38 Article 40, alinéa 1 de la même Convention de Vienne de 1961.

* 39 L. CAVARE, Op.cit, p. 258.

* 40 Article 39, alinéa 2 de la même Convention de Vienne de 1961.

* 41 E. DAVID, Droit des organisations internationales, Volume II, Presse universitaire de Bruxelles, p.368

* 42 Idem, p. 370.

* 43 Il s'agit ici de l'article 6, §1 de la Convention européenne de droit de l'homme, de l'article 6 §1 du Pacte relatif aux droits civils t politiques et de l'article 14 de la constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006.

* 44 Affaire MONDEV, 11 octobre 2002, §126, cité par E. DAVID, Op.cit, Op.cit, p.377

* 45 GALVINIS, Les litiges relatifs aux contrats passés entre l'organisation internationale et les personnes privées, travaux de recherche, Paris, II, cité par E. DAVID, Op.cit, p .378

* 46 RCADI, L'immunité de juridiction des Etats et des organisations internationales, T.84 cité par E. DAVID, op.cit, p.378

* 47 Idem

* 48 Article 6, §1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'Article 14, §1 du Pacte relatif aux droits civils et politiques cités par Assistant Jean de Dieu MULIKUZA, cours des droits humains et libertés publiques, inédit, UOB, L2 Droit, 2007-2008.

* 49C. DOMINICE, L'observation, cité par E. DAVID, Op.cit, p.32

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