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Du secret professionnel du ministre de culte

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par Rémy MUNYANEZA
Université nationale du Rwanda - Bachelor's degree en droit 2008
  

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§2. Les confidences reçues en dehors de la confession

Les premiers commentateurs du Code pénal de 1810 estimaient que si des faits sont parvenus à la connaissance des ministres du culte autrement que par la voie de la confession, les prêtres sont soumis comme tous les autres citoyens à l'obligation de rendre témoignage en justice, car le titre de ministre d'un culte n'est pas par lui-même un motif de dispense82(*). Ceci voudrait dire que le ministre du culte ne peut invoquer le secret professionnel que si les informations en question lui sont parvenues par suite d'une confession.

Cette position est consacrée par un arrêt du Parlement de Toulouse (France), du 17 mars 1780, qui déniait à un prêtre le droit de refuser de déposer en justice à propos de confidences faites par divers membres de la famille de la partie intéressée83(*). Il est vrai que l'arrêt relève que le prêtre avait agi dans la circonstance, en ami plutôt qu'en pasteur

JOUSSE, dans Traité de la justice criminelle de France, est quant à lui très formel : « Si l'affaire pour laquelle le confesseur est assigné, est étrangère à la confession et que le confesseur ne le sache point par cette voie, mais par une voie étrangère, rien n'empêche alors ce confesseur de pouvoir déposer, même contre son pénitent ».

Pourtant cette position ne faisait pas l'unanimité ; une partie de la doctrine enseignait que le prêtre pouvait refuser son témoignage dans tous les cas où les faits sur lesquels il serait appelé à déposer, ont été portés à sa connaissance par « suite de l'exercice de ses fonctions sacerdotales », quoique par une autre voie que la confession. Cette doctrine faisait valoir qu'on ne pourrait, sans offenser la religion et l'humanité, soutenir qu'un prêtre appelé pour porter la consolation de la religion à un homme, doit faire connaître les confidences reçues à cette occasion. « Qui oserait soutenir que lorsque l'aumônier qui accompagne le condamné dans sa charrette et quitte le pied de l'échafaud, le juge d'instruction puisse le faire venir dans son cabinet pour l'entendre sur les révélations que le condamné a pu lui faire même en dehors de la confession régulière »84(*).

Cette doctrine s'appuyait sur un arrêt de la cour d'appel d'Angers rendu le 31 mars 184185(*) qui avait déclaré légitime le refus d'un évêque de déposer sur les faits venus à sa connaissance dans l'exercice de sa juridiction épiscopale disciplinaire.

Cette position fut vivement combattue par Faustin HELIE qui, le premier, procéda à un examen approfondi de la question86(*) d'où il conclut que la confession seule autorisait le silence du prêtre, privilège accordé à la religion et non à sa personne. Pour cet auteur, le sacrement seul de la confession commande un secret qui ne peut être levé par la justice même : « Les renseignements puisés à toute autre source, quelle qu'elle soit, doivent être produits, quand l'intérêt public le réclame ».

Cette opinion reçut une importante consécration dans un arrêt de la Cour de cassation belge, rendu le 6 février 187787(*). La cour proclame : « Le prêtre est soumis, comme les autres citoyens, à l'obligation de déposer en justice des faits qu'il apprend, même sous le sceau du secret, mais en dehors de ses fonctions de confesseur ; il n'est pas dû, à cet égard, plus de privilège à la foi sacerdotale qu'à la foi ordinaire et naturelle. »

Pourtant ce serait perdre de vue que ni l'article 214 du CPL II, ni l'article 378 du Code pénal français de 1810, ni l'article 458 Code pénal français de 1867 ne parlent du sacrement de la pénitence ou de dogme religieux. Ils imposent seulement l'obligation au secret à toute personne dépositaire par état ou par profession d'un secret qui lui a été confié. Les prêtres sont certainement visés par cet article. Qu'importe alors que ces secrets leur aient été révélés par la voie de confession ou en dehors de ce sacrement. Le secret demeure le même et le prêtre n'en est-il pas le confident au même titre que peut l'être le médecin ou l'avocat ? Le croyant s'adresse au prêtre, même en dehors de la confession, non comme homme, mais comme ministre d'un culte pour lui demander un conseil ou l'aide de la religion. Et peut-on prétendre que le secret est moins sacré parce que le prêtre n'a pas eu à administrer le sacrement de la pénitence. C'est indéniablement en raison des fonctions qu'il exerce qu'il a recueilli les confidences88(*).

Cette conception fut admise par la Cour de cassation de France dans un arrêt rendu le 4 décembre 189189(*), qui relève, d'une manière très générale - il est utile de le souligner -, que les ministres des cultes légalement reconnus sont tenus de garder le silence sur les révélations qui ont pu leur être faites en raison de leurs fonctions et que pour les prêtres catholiques il n'y a pas lieu de distinguer s'ils ont eu connaissance des faits par la voie de la confession ou en dehors de ce sacrement et que cette circonstance, en effet, ne saurait changer la nature du secret dont ils sont dépositaires, si les faits leur ont été confiés dans l'exercice exclusif de leur ministère sacerdotal et en raison de ce ministère. Sont soumis au secret les aveux des fautes, les faits connus dans l'exercice du pouvoir disciplinaire, les opinions des fidèles, les expériences spirituelles, même si elles honorent leurs auteurs, l'état physique ou mental de tous ceux que le ministre du culte aura rencontrés dans l'exercice de sa profession, et les appréciations et opinions qu'il en aura90(*).

Il suit de là que les dispositions du Code pénal sont applicables au prêtre qui révèle les confidences qui lui ont été faites à l'occasion de ses fonctions sacerdotales. Ainsi, le tribunal correctionnel français91(*) a condamné un prêtre qui, ayant reçu d'une femme, en dehors de la confession, l'aveu qu'elle entretenait avec un moine franciscain une correspondance d'un caractère passionné qui la troublait profondément, s'était fait remettre cette correspondance, avait ensuite obtenu, au moyen de lettres non-signées, des réponses du religieux, qu'il avait enfin dénoncé au supérieur de son ordre afin d'éviter un scandale. Au passage, il faut relever que le tribunal estime que la loi réprime toute révélation de confidences dès qu'elle a été faite avec connaissance, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'intention de nuire ou la mauvaise foi du dépositaire.

En Belgique la doctrine unanimement admise a été résumée dans un jugement du tribunal correctionnel de Charleroi, rendu le 30 mai 196892(*) qui relève que l'application du prescrit de l'article 214 du Code pénal aux ministres d'un culte reconnu procède d'une nécessité sociale et qu'il importe de leur reconnaître, en raison de leur vocation sacerdotale, un droit et une obligation au secret en telle manière que ceux qui le désirent puissent se confier à eux dans l'entière sécurité de la confidence.

Prétendre d'ailleurs que le secret se restreint aux seuls faits révélés en confession, c'était aboutir à cette inconséquence, dont l'intransigeance n'échappera à personne, que seuls les ministres du culte catholique pourraient invoquer l'article 214 du Code pénal, puisque seul ce culte connaît la pratique de la confession. D'ailleurs, quand on parle de ministre de culte, quelles sont les personnes qui sont visés ?

* 82 LE GRAVEREND, Op. cit., p. 251.

* 83 C. MUTEAU, Op. cit., p. 431.

* 84 Cité par C. MUTEAU, Op. cit., p. 427 ; l'arrêt a été vivement critiqué par F. HELIE (Revue de législation et de jurisprudence, 1841, p. 276) et par Nypels et Servais, Le code pénal belge interprété, éd. Bruylant-Christophe, Bruxelles 1898, t. III, p. 339.

* 85 Idem, p. 340.

* 86 F. HELIE, Traité de l'instruction criminelle, éd. Augmentée par J.S.G. Nypels et Léopold Hanssens, éd. Bryulant-Christophe, Bruxelles, t. 2, 1865, n° 2435.

* 87 Belg. Jud., 1877, col, 229 et Pas. 1877, I, p. 114 ( et les concl. Conf. Du proc. Gén. Faider).

* 88 L. SADOUL. Op. cit., p. 168.

* 89 Cass. Fr. (crim.), 4 déc. 1891, Dall. Pér., 1892, I, p. 139 ( et le rapport du cons. Sallantin ainsi que les concl. De l'av. gén. Baudouin) ; J.T., 1891, col. 1411.

* 90 M. ROBINE, Le secret professionel du ministre du culte, Rec. Dall., 1982, chron., p. 221.

* 91 Corr. Seine, 19 mai 1900, Dall. Pér., 1901, 2, p. 81 ( et la note).

* 92 J.T., 1968, p. 514.

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