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Impacts des échanges universitaires internationaux sur les étudiants de l'Université Lumière Lyon 2: cap sur le Brésil

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par Thibault Pourhadi
Université Lumière Lyon 2 - Master 2 recherche sciences de l'éducation et de la formation 2012
  

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2.2.3.1. Synthèse des modèles

Chacun des deux modèles que nous venons de passer en revue présente des avantages dans l'approche conceptuelle de son objet. Mentionnons justement que Hammer et al. (2003) ont tenté de démêler l'écheveau que représente le concept de CIC au sens large en distinguant la sensibilité interculturelle de la compétence interculturelle. Selon eux, la sensibilité interculturelle se limiterait à l'aptitude à discriminer et éprouver la différence culturelle, tandis que la compétence

interculturelle recouvrirait, elle, la faculté de penser et agir de façon interculturellement appropriée. Néanmoins, si l'on s'en tient aux modèles présentés, il n'est pas possible d'opérer une démarcation aussi claire. D'une part, la sensibilité interculturelle telle qu'envisagée par Bennett se traduit elle aussi par des comportements, des représentations et des attitudes permettant au sujet d'interagir en contexte interculturel, et d'autre part la compétence interculturelle telle que décrite par Byram englobe également l'adoption d'une perspective ethnorelative. Ainsi, tout en présentant des traits uniques, ces deux modèles se recoupent à plusieurs égards. C'est en raison de cette complémentarité que nous avons choisi de les combiner afin d'appréhender la CIC. Notre approche nous conduit donc à distinguer trois paliers d'apprentissage interculturel :

1) Décentration et ethnorelativité.

2) Appropriation de savoirs et efficacité.

3) Dépassement des référentiels culturels et hybridité.

Notons bien qu'il ne s'agit pas ici de présenter un modèle de CIC en tant que tel, mais plus modestement de creuser des sillons susceptibles d'être approfondis ultérieurement. Cette précaution prise, explicitons la teneur de chacun des trois paliers tels que nous les envisageons actuellement. Tout d'abord, décentration et ethnorelativité.


· Pour nous, ce qui est au coeur de la CIC c'est bien la décentration. Se décentrer c'est relativiser ses valeurs, interroger ses préconceptions, remettre en question son référentiel culturel en somme. L'enjeu de la décentration consisterait à opérer une sorte d'épochê, de dépouillement par rapport à son référentiel culturel. En situation interculturelle, il s'agit avant toute chose de ne pas basculer dans l'anxiété face à la perte de ses repères, voire à la remise en cause de son référentiel culturel. Au contraire, faire preuve de décentration c'est accepter l'incertitude, l'ambiguïté inhérente à la différence culturelle, et être prêt à rentrer dans un processus de transformation graduelle initié par la rencontre et la fréquentation d'autrui sans occulter ni céder aux conflits internes que cela engendre. L'adoption d'une telle perspective aiderait le sujet à mieux saisir l'Autre dans son altérité essentielle, à faire preuve d'ethnorelativité ou entrevoir que la vision du monde d'autrui ou l'organisation sociale d'une société donnée présente une alternative cohérente et viable à ce que l'on connaît et concevait jusque là comme allant de soi. La décentration est donc la pierre angulaire de la CIC en ce qu'elle représente la première marche vers la reconstruction cognitive, affective, comportementale du sujet au contact de son environnement. Notons que ce premier palier n'exclut pas les situations communication mais qu'elles n'en sont pas l'objet premier.

Par delà cette délimitation globale, on pourrait distinguer plusieurs niveaux d'habileté dans ce premier palier afin d'introduire une certaine dynamique et de ne pas bâtir des catégories

factices discriminant des individus dits « compétents » et d'autres qui ne le seraient pas du tout. Par exemple, il serait possible d'opérer un nivellement en fonction de la propension des individus à suspendre leur jugement et à accepter l'Autre, c'est-à-dire selon la fréquence à laquelle ils adoptent une posture de décentration et d'ethnorelativité face à la différence culturelle. On pourrait également inclure un élément ayant trait à l'écueil du relativisme culturel, consistant à considérer que tout se vaut (Reboul, 1989, 1991), à mi-chemin entre l'ethnocentrisme et l'ethnorelativité.

Intéressons-nous maintenant au second palier, appropriation de savoirs et efficacité.

· C'est suite au processus de décentration que peut avoir lieu l'appropriation active par le sujet de ceux des éléments caractéristiques de l'altérité qui lui permettent de communiquer avec les autochtones ou d'appréhender la société d'accueil dans toute sa complexité. C'est ce qui lui permet de développer de nouveaux comportements, attitudes ou représentations adéquats dans son nouvel environnement. L'enjeu de ce deuxième palier réside dans la nature des situations d'interaction. Il s'agit de s'adapter plus ou moins consciemment à la situation et à l'Autre, de s'imprégner de ce qui pour autrui fait sens (l'échelle des valeurs, etc.) afin de comprendre la symbolique d'ensemble qui lie société. On retrouverait là les savoirs-sociaux, les savoirs-comprendre ou les savoirs apprendre-et-faire du modèle de Byram par exemple. Finalement, suite à notre premier palier qui, comme le diraient Hammer et al. (2003), reflète plus particulièrement l'aptitude des sujets à éprouver et discriminer la différence culturelle, il est ici question de s'engager de manière fonctionnelle dans une dynamique empreinte de sens. Remarquons que des apprentissages dans le second palier peuvent avoir lieu avant que le processus de décentration ne soit pleinement achevé. Néanmoins, reconnaitre et estimer la différence culturelle à sa juste valeur constitue un prérequis sans lequel il ne saurait y avoir ni progrès possible pour l'individu au plan humain, ni relations pérennes entre les êtres. En effet, une véritable efficacité en situation interculturelle requiert motivation et respect envers l'Autre. Par conséquent, posséder des connaissances ou des savoirs quelconques mais considérer autrui comme inférieur ne peut conduire au développement de la compétence interculturelle.

Ici encore, il serait envisageable de distinguer différents niveaux d'habileté en fonction de l'aptitude des sujets à communiquer ou à adopter un comportement approprié (respecter les usages locaux, etc.) par exemple.

Abordons à présent le troisième palier, dépassement des référentiels culturels et hybridité.

· Après avoir suffisamment côtoyé l'Autre et s'être familiarisé à de nouvelles façons de faire, d'être, de voir le monde, etc. aptes à le voir fonctionner efficacement hors de sa société

d'origine, le sujet peut développer la capacité à articuler consciemment, à mettre en relation, les traits issus de son propre référentiel culturel et les traits culturels issus des référentiels de l'ensemble des personnes avec lesquelles il a été en contact direct et prolongé. Puisque le sujet dispose de la faculté d'évoluer dans plusieurs espaces de communication ; de voir le monde à travers les yeux de l'Autre dans une certaine mesure, il ne s'agit plus seulement de pouvoir évoluer avec succès dans l'une ou l'autre société mais de transcender les référentiels culturels. L'enjeu ici est de développer une vision du monde hybride qui, plus que de reconnaître et estimer l'altérité, l'englobe.

Là également, nous pourrions distinguer plusieurs niveaux d'habileté, notamment en incluant un élément de marginalité culturelle au sens de Bennett (1993).

Ainsi, palier après palier, ce continuum traduit de la part des individus une prise de position sans cesse plus engagée en faveur de la différence culturelle, ou une plus grande propension à l'exploiter, comme s'il s'agissait progressivement d'une appréhension, d'une compréhension, et enfin d'une appropriation de cette dernière.

Toutefois, reconnaissons que cette approche est très incomplète et pèche plus particulièrement par l'absence d'indicateurs clairs, de comportements, attitudes et représentations observables, identifiables sur le terrain. Néanmoins, ce découpage nous permet de prendre position par rapport à la question de la nature spécifique ou générale de la CIC (Bartel-Radic, 2009). Autrement dit, suite à un séjour au Brésil, le sujet est-il à même de transférer ses apprentissages interculturels lors d'un passage en Chine par exemple? L'apprentissage interculturel fait-il du sujet un spécialiste de l'interculturel, avec une connaissance pointue d'une société précise, ou bien un généraliste capable de s'adapter continuellement à des environnements différents? Pour nous, les dispositions du premier palier de la CIC, la décentration et l'ethnorelativité, sont d'ordre générique. Elles peuvent donc être réinvesties et développées au cours de n'importe quelle situation. Nous ne disons pas qu'elles puissent être captées pleinement à l'issue de la première confrontation à l'altérité, ni qu'un individu ne pourrait jamais plus éprouver de réactions ethnocentriques après avoir atteint un forte propension à se décentrer, mais nous pensons que c'est une disposition que l'on développe graduellement, sans la re-commencer tout à fait à chaque nouvelle expérience. En revanche, le second palier exige, lui, un apprentissage chaque fois renouvelé du tout au tout car spécifique à l'environnement, aux individus rencontrés. Quant au dernier palier, il prend appui sur les expériences successives du sujet et échappe ainsi à la dualité entre généralité et spécificité.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery