2.3.2. RSE et principes de responsabilité et de
réactivité (Responsiveness)
La notion de responsabilité sociétale exprime
l'idée d'un élargissement du domaine de la responsabilité
du management, au-delà de son acception traditionnelle, à la fois
au niveau social et environnemental et dans le temps, incluant ainsi les
conséquences à long terme des activités de
l'entreprise.
Cette réflexion, née comme on l'a vu dans les
années 50, a donné lieu à de vives controverses opposant
les tenants de la "main invisible" du marché qui assurerait
l'équilibre économique et l'optimum social aux tenants d'un
contrat implicite entre la société et l'entreprise (Davis, 1973)
qui imposerait à cette dernière de tenir compte des aspects
sociaux et environnementaux sous peine de perdre sa légitimité.
Ce débat repose sur l'opposition entre un
modèle managérial fondé sur "la dissociation business -
hors business" et un modèle managérial fondé sur
l'intégration business - hors business" (Pérez, 2005). Pour le
premier modèle, prôné par les économistes
libéraux (Friedman, 1962, 1970; Levitt, 1958; Jensen, 1981), « le
concept de RSE et celui de "responsabilité globale" qui lui est
associé sont vides de sens [...] : dans la sphère business, les
objectifs du management et donc sa responsabilité sont strictement
économiques, leur efficacité se mesurant au montant du revenu net
obtenu ou, pour les entreprises cotées, à l'évolution du
cours de l'action [...]; dans la sphère hors business, c'est
également le principe de liberté qui répond, ce qui permet
à l'homo economicus de se montrer aussi bon père de famille, bon
voisin et/ou bon citoyen qu'il a été un entrepreneur âpre
ou un dirigeant implacable » (Pérez, 2005), d'où les actions
philanthropiques et caritatives menées par certaines
entreprises.
Ce modèle présente cependant de graves
insuffisances, notamment l'absence complète de reconnaissance des
externalités négatives qu'engendre l'activité de
l'entreprise, ce qui manifeste d'une attitude globalement responsable
insuffisante, bien que le concept de "enlightened self interest" puisse
permettre à l'entreprise de « convertir les problèmes
sociétaux en opportunités économiques et
bénéfices économiques, en capacités productives, en
compétences humaines, en emplois bien rémunérés et
en richesse » (Drucker, 1984, p. 62).
Le second modèle s'oppose radicalement au premier dans
la mesure où le contrat implicite existant entre la
société et l'entreprise établit des obligations pour
l'entreprise, non seulement économiques et juridiques, mais
également envers de toutes ses "parties prenantes" (stake-holders) :
salariés, actionnaires, clients, fournisseurs et société
civile à qui elle doit être en mesure de rendre compte. McGuire
(1963) suggère notamment que l'entreprise n'a pas seulement des
obligations économiques et légales, mais qu'elle a
également des responsabilités envers la société,
lesquelles vont au-delà de ces obligations.
Quant à Jones (1980), il précise : la
notion de responsabilité sociétale relève à la fois
de contraintes normatives, d'initiatives altruistes et d'impératifs
moraux qui vont au-delà de ce que la loi prescrit. L'entreprise doit
ainsi engager des actions dans un certain nombre de domaines (problèmes
de pollution, de pauvreté, de discrimination raciale, etc.) (Hay, Gray
et Gates, 1976, cités par Carroll, 1979, p. 498). Manne et Wallich
(1972) et Jones (1980) soulignent par ailleurs que la RSE doit être un
engagement volontaire.
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