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Service public, intérêt public et concurrence dans le domaine des énergies renouvelables

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par Marion COQUE
Université Montpellier I - Master I droit public général 2011
  

Disponible en mode multipage

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    COQUE Marion

    UNIVERSITE MONTPELLIER I

    Faculté de droit et de sciences politiques
    Master 1 Droit Public Général

    Service public, intérêt public et concurrence dans

    le domaine des énergies renouvelables et

    nouvelles.

    Mai 2013

    Sous la direction du Professeur Madame Pascale Idoux,
    Maître de conférence à l'université Montpellier I

    Remerciements:

    Je tiens à remercier Madame P. Idoux, très disponible pour répondre aux questions

    Merci à J.P Coque, A. Ricome et C.Titou pour leur soutien

    Remerciements à C. Marquez pour ses clarifications scientifiques

    Partie I: Un contexte propice à l'arrivée des énergies renouvelables

    Chapitre 1: Les interrogations initiales sur la conception de service public de l'énergie

    I: Le secteur public de l'électricité en France, un secteur caractérisé par son ancrage historique, freinant son évolution

    A- Le service public à la française

    B- L'intervention historique de la puissance publique dans le secteur de l'énergie

    II: La reconnaissance et l'enrichissement par le droit communautaire de ce service public

    A- La rencontre entre droit communautaire et service public de l'électricité: une reconnaissance nécessaire à la poursuite des missions de service public

    B- L'instauration d'un terrain propice à l'apparition des énergies renouvelables par l'enrichissement de la conception de service public de l'électricité

    Ch apitre 2: L'ouverture insuffisante à la concurrence du secteur de l'énergie nucléaire

    I: Une ouverture réglementée du secteur de l'énergie sous l'influence du droit européen A-L'ouverture à la concurrence du secteur de l'électricité, encadrée strictement par le droit de l'Union Européenne

    B- Une transposition conforme des directives en droit interne

    II: La difficulté d'ouvrir le secteur nucléaire

    A- Le choix par le gouvernement d'une ouverture minimale à la concurrence

    B-Des capacités techniques et économiques supérieures obligeant à l'intervention de la puissance publique

    Partie II: Les répercussions de la présence des énergies renouvelables promues par la puissance publique sur le marché

    Chapitre 1: l'émergence encadrée par la puissance publique des énergies renouvelables I-La politique de rachat de l'énergie renouvelable, facteur de réussite

    A- Le rachat de l'énergie des producteurs d'énergies renouvelables, un moyen de rééquilibrer le marché

    B- Le désengagement de l'Etat dans le rachat de l'énergie renouvelable: la preuve de la nécessaire intervention publique

    II- Les autres instruments mis en place par la puissance publique pour l'essor des énergies renouvelables

    A-Les programmes d'ouverture du marché par l'appel d'offre

    B- Des instruments efficaces mis au service des collectivités

    Chapitre 2: Les conséquences de la promotion des énergies renouvelables

    I: Les effets du soutien de la puissance publique aux énergies renouvelables sur la concurrence

    A-La fin du monopole par une alternative au nucléaire

    B- La régulation par la réglementation en faveur des énergies renouvelables aboutissant à une forme de libéralisation

    II: Les énergies renouvelables intégrées dans la notion de service public de l'électricité A-une prise en compte conforme à l'exigence de la mutabilité du service public

    B-Le développement durable, nouvelle notion clef de l'intervention publique

    « Et la lumière fut nationalisée » prit pour titre René Gaudy dans son ouvrage évoquant la naissance de « Électricité de France » (EDF)1.

    L'entreprise « Électricité de France » fut en effet créée le 8 avril 1946 par une loi votée par l'assemblée nationale, ce qui revenait en effet à nationaliser la lumière. Cela montre directement l'intervention historique de la puissance publique dans le secteur de l'électricité.

    La nationalisation est le « transfert législatif de propriété du secteur privé au secteur public. C'est une manifestation certaine de la souveraineté de l'Etat »2.

    Dans le cadre de la nationalisation du secteur de l'électricité, tout les biens des entreprises de production, de transport et de distribution électricité furent transmis à l'État. Cette nationalisation s'inscrivait dans le cadre de la deuxième vague de nationalisation.

    La nationalisation française avait en effet fait l'objet de trois vagues, l'une en 1936 qui concernait principalement la banque de France et les sociétés ferroviaires, la deuxième aux alentours de 1945 dans laquelle était incluse la nationalisation d'EDF-GDF, Renault et les grandes banques de dépôt. La troisième fut lancée en 1981 et touchait le secteur des moyennes banques et grandes sociétés industrielles.

    Depuis, le gouvernement est revenu sur ces vagues de nationalisation en procédant à des privatisations, qui en est à l'opposé puisque ces opérations ont consisté à ramener la propriété de ces entreprises dans le giron du secteur privé. Là aussi trois étapes peuvent être observées, la première en 1986 en réaction à la nationalisation de 1982 prévoit une soixantaine de privatisation notamment celles de BNP Paribas, Société Générale et Suez, la deuxième entre 1988 et 1993 qui concernait Renault ou le Crédit Local de France, puis une troisième après 1993 qui n'était plus seulement motivée par des motifs politiques mais économiques . C'est dans ce cadre là, qu'eut lieu la privatisation de France Télécom qui lui permit de racheter Orange sur le marché anglais. C'est également dans ce cadre qu'il fut procédé à la privatisation d' EDF- GDF, posant ainsi les premiers jalons de l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie.

    De nombreuses mutations ont donc affecté le secteur de l'électricité mais depuis la fin du 20ème siècle et le début du 21ème siècle, les mutation se sont accélérées.

    L'union Européenne dans sa directive de 1996 (directive 96/92/EG) a en effet mis en exergue la nécessité grandissante de procéder à une libéralisation totale du secteur de l'électricité. La France a donc procédé à une libéralisation progressive par étape : en 2000 n'étaient concernés que les « gros industriels » qui pouvaient choisir l'entreprise qui produirait leur électricité. En 2004 le champs a été étendu à tout les professionnels et enfin en 2007, la mise en concurrence du secteur a été totale en permettant à tous les clients de choisir leur opérateur électrique.

    Du monopole, le secteur de l'énergie est donc passé à une libéralisation .

    Néanmoins, « il faut rappeler que le marché de l'électricité se décompose en un marché de la production et un marché de la fourniture, cependant que le transport et la distribution demeurent des services publics confiés aux opérateurs historiques ou à des filiales : Réseau de transport d'électricité (RTE), Électricité réseau distribution France

    1 René Gaudy « Et la lumière fut nationalisée » Éditions sociales 1978

    2 « Dictionnaire du vocabulaire juridique » édition Litec 3ème édition sous la direction de Rémy Cabrillac

    1

    (ERDF) et Distributeurs non nationalisés (DNN). »3

    Toutes les activités n'ont donc pas été ouvertes à la concurrence, seulement la production.

    L'ouverture à la concurrence n'a été que très faible dans un premier temps du fait notamment du monopole historique d' EDF qui lui a permis de conserver des avantages économiques et techniques mais ensuite, un autre facteur a considérablement bouleversé le secteur de l'énergie, c'est celui de l'introduction des préoccupations environnementales dans les débats politiques et économiques.

    Cela est apparu notamment avec l'entrée en vigueur le 16 février 2005 du protocole de Kyoto qui imposait une réduction de 5,2% aux pays de l'OCDE, sur la période 20082012.

    L'Union Européenne va accorder une grande place aux énergies renouvelables et dans sa directive du 27 septembre 2001, elle va affirmer que « Le potentiel d'exploitation des sources d'énergie renouvelables est actuellement sous-utilisé dans la Communauté. La Communauté reconnaît la nécessité de promouvoir en priorité les sources d'énergie renouvelables, car leur exploitation contribue à la protection de l'environnement et au développement durable (1) » ou encore « La promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables est au premier rang des priorités de la Communauté, comme l'a souligné le livre blanc sur les sources d'énergie renouvelables (2) »4

    Cela va transparaitre dans les objectifs de l'Union Européenne. En mars 2007, les chefs d'État et de gouvernement de l'UE ont prévu une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 30 % d'ici 2020.

    Les Etats européens se sont également engagés à faire passer la part des énergies renouvelables dans la consommation globale d'électricité à 20 % (seulement 9% aujourd'hui).5 Leur engagement a été scellé par le paquet climat énergie adopté le 23 janvier 2008 par la Commission Européenne.

    La France a montré son implication dans la protection environnementale notamment avec les lois Grenelle I du 3 aout 2009 de programmation relative à la protection de l'environnement et Grenelle 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

    Ce qui a également permis une prise de conscience des préoccupations environnementales fut les pics de consommations qui sont survenus et la hausse du prix du baril du pétrole couplée avec l'annonce de la fin de ces énergies traditionnelles. Cela a poussé les Etats à régir, notamment la France. Cela s'est traduit par une politique de soutien aux énergies renouvelables particulièrement avec les lois grenelle I et grenelle II6. La France s'étant fixée avec grenelle I une consommation brute d'énergie d'ici à 2020 de 23 % d'énergie renouvelable(article 2), elle a dû ensuite programmer cet objectif en mettant en place des instruments pour y parvenir.

    Le pays est dans un mouvement de « transition énergétique ». La transition énergétique « est le passage d'une société fondée sur la consommation abondante d'énergies fossiles, à une société plus sobre et plus écologique . Concrètement, il faut faire des économies d'énergie, optimiser nos systèmes de production et utiliser le plus possible

    3 Royland Peylet « la nouvelle organisation du marché de l'électricité » AJDA 2011 P311

    4 Directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité point 1 et 2

    5 Selon le site gouvernemental http://www.developpement-durable.gouv.fr

    6 loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement et loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement

    2

    3

    les énergies renouvelables7 ». L'objectif du président actuel est d'ailleurs de « Faire de la transition énergétique un levier pour un nouveau modèle de croissance verte, durable et solidaire8 ».

    La politique publique a ainsi tenté de soutenir et promouvoir les énergies renouvelables mais de ce fait elles ont eu une action certaine sur l'équilibre économique du marché de l'électricité. Ces énergies ont commencé de ce fait à s'imposer comme alternative possible et sérieuse au nucléaire.

    Ces énergies s'opposent aux énergies fossiles parce qu'elles sont exploitées de façon à ce que leur réserves ne soient pas épuisées. Le secteur de l'énergie regroupe un ensemble de sources diverses: le pétrole brut, le gaz naturel, les combustibles (charbon, biomasse), le rayonnement solaire, l'énergie hydraulique, l'énergie géothermique et l'énergie des combustibles nucléaires. Les énergies renouvelables sont les énergies solaires, éolienne, hydraulique, biomasse créée par photosynthèse et une partie des énergies marines. Ainsi que les énergies dues à la gravité (énergies marémotrice) où à la géodynamique interne (énergie géothermique). Elle s'opposent donc aux énergies comme le pétrole et le nucléaire dont le renouvellement est « infiniment plus lent que leur consommation » 9. La catégorie des « énergies nouvelles » sont quand à elle principalement renouvelables. C'est en effet le développement des énergies renouvelables qui a primé ses dernières années. Cette catégorie d'énergies nouvelles désigne donc à peu de chose près les énergies renouvelables.

    La production d'énergie ainsi définie recouvre une diversité de source mais l'acheminement se fait quand à lui sur le même réseau électrique. Il y a donc concurrence entre les productions d'électricité et non sur acheminement en lui-même. Depuis le 1er janvier 2008, ERDF est chargée de la gestion du réseau de distribution métropolitain d'électricité, activité exercée auparavant par EDF Réseau Distribution. ERDF est une filiale à 100 % du groupe EDF, née de l'obligation de séparation juridique du gestionnaire de réseau de distribution10 imposée par une directive de 200311. Cette séparation s'explique par le fait de « garantir que l'opérateur du réseau n'utilise pas son monopole de transport pour avantager les installations de production de son entreprise au détriment des compétiteurs. Elle doit aussi permettre de veiller à ce que les conditions d'accès aux réseaux soient identiques pour toutes les installations de production, en vérifiant l'orientation vers les coûts de la tarification adoptée, son caractère non discriminatoire et l'absence de subventions croisées entre activités. »12. Ainsi cette séparation permettrait de garantir la libre concurrence entre les opérateurs d'électricité.

    Ainsi s'applique le droit de la concurrence et plus particulièrement le droit public de la concurrence car c'est l'État qui par le biais de sa réglementation peut perturber le cours du marché et avantager l'opérateur historique. Selon Sophie Nicinski, Le droit public de

    7 Source site gouvernemental http://www.transition-energetique.gouv.fr/transition-energetique/progres-economique-social-et-ecologique-0

    8 Déclaration de François Hollande selon le site gouvernemental précité

    9 Source site www.futura-sciences.fr définition énergies renouvelables

    10 Conseil de la concurrence Décision n° 10-D-14 du 16 avril 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la valorisation électrique du biogaz

    11 Directive 003/54/CE, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité abrogeant la directive 96/92/CE, transposée en France par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz.

    12 Conseil de la concurrence Avis n° 00-A-29 du 30 novembre 2000 relatif à la séparation comptable entre les activités de production, transport et distribution d'électricité.

    4

    la concurrence se définirait « comme l'ensemble des règles de droit destinées à assurer, maintenir et préserver une libre concurrence entre opérateurs, et applicable à tout acte ou activité administratifs ayant un effet explicite ou implicite sur la concurrence »13. Également s'applique la régulation. Selon M. A Frison Roche « l'objet du droit de la régulation n'existe que dans des secteurs particulièrement ouvert à la concurrence et qui ne peuvent pas en eux-même produire leur équilibre 14». Le but recherché est également l'équilibre de la concurrence. Ces deux notions seront étroitement liées dans leur mise en oeuvre dans le secteur de l'électricité.

    Afin de définir si il y a non-respect de la concurrence, il faut cependant rechercher si les entreprises peuvent être en concurrence. Pour cela il est nécessaire de procéder à la délimitation du marché pertinent. Le Conseil de la Concurrence a donné une définition de cette notion: « Le marché, au sens où l'entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. En théorie, sur un marché, les unités offertes sont parfaitement substituables pour les consommateurs qui peuvent ainsi arbitrer entre les offreurs lorsqu'il y en a plusieurs, ce qui implique que chaque offreur est soumis à la concurrence par les prix des autres ».

    Ainsi ne peut être pris pour cible d'étude, l'énergie au sens large mais seulement le marché de l'électricité car une offre est substituable à une autre. Celui-ci a également été délimité par le conseil de la concurrence comme « comprenant l'électricité produite par les centrales et celle importée par le biais des interconnexions (marché amont). Cette électricité est ensuite vendue en gros (marché intermédiaire) ou au détail (marché aval), exportée ou encore utilisée pour compenser les pertes sur le réseau15 ».

    La difficulté de l'application du droit de la concurrence est dans le fait que EDF, ainsi que les distributeurs non-nationalisées ou les entreprises locales de distribution, soient chargées de la mise en oeuvre de missions de service public. Ces missions sont relatives au développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, à la fourniture d'électricité ainsi qu'au développement et à l'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité.16 Ainsi cette activité anciennement monopolistique est encore chargée de mission de service publique ce qui peut compliquer l'application du droit de la concurrence. L' État doit jongler entre le service public et la libéralisation. Il se doit donc intervenir mais il dans le même temps freiné par les règles du droit de la concurrence.

    Un service public peut être qualifié comme tel selon les critères de l'arrêt Narcy rendu par le Conseil d'État17, s'il y a exercice d'une mission d'intérêt général, s 'il est dénoté un contrôle de la personne publique et qu'il y a détention de prérogatives de puissances publiques. Le service public doit être recherché dans « l'intention des gouvernants 18» qui répondent aux « nécessité du moment » car il y a intérêt général. L'intérêt public est la mise en oeuvre de l'intérêt général par le biais de l'action public.

    13 Sophie Nicinsky AJDA 2004 p751 « les évolutions du droit administratif de la concurrence »

    14 Marie-Anne Frison-Roche « le droit de la régulation » revue concurrence et distribution Dalloz 2001 N°7

    15 Conseil de la concurrence avis n° 07-D-43 du 10 décembre 2007 relative à des pratiques mises en oeuvre par électricité de France

    16 Article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité

    17 Conseil d'État 28 juin 1963 arrêt « Narcy »

    18 André de Laudabère, traité de droit administratif, tome I, 1980 p818 cité par « glossaire de la gouvernance public » sous la direction de Laurence Lemouzy » sous Service public

    5

    Des impératifs d'intérêt général dominent encore dans le secteur de l'électricité malgré l'ouverture à la concurrence du fait de la nécessité de l'intérêt public.

    Le service public peut également avoir été défini tel quel par la loi. C'est le cas pour l'électricité car en nationalisant l'énergie en 1946, celui-ci l 'a fait entrer dans l'ordre du service public. Mais en 1946, la « distribution désignait tout à la fois l'acheminement et la commercialisation (la fourniture) d'électricité. Il faut désormais dissocier l'activité d'acheminement (qui reste un monopole et reste un service public) de l'activité de fourniture (vente de l'électricité aux clients), qui ne sera un service public qu'à l'égard des clients domestiques. »19

    Toutes ces mutations ont pu entraîner des conséquences sur la notion du service public et des risques de conflit entre les différents acteurs :

    Les nouveaux opérateurs sur le marché utilisant les énergies renouvelables, l'intervention publique partagée entre mission de service public, soutien aux énergies renouvelables et nécessité de respecter le droit de la concurrence, et enfin l'opérateur historique qu'est EDF.

    Les conséquences de ces interactions se mesurent en droit public économique, mais aussi afin d'évaluer au mieux tout les tenants et aboutissants, ces notions partent à la rencontre du droit de l'environnement, du droit de l'urbanisme et du droit des contrats afin de souligner l'impact des politiques publiques.

    En définitive, comment s'est déroulé l'émergence des énergies renouvelables sur le marché, n'a t-elle pas été un moyen d'ouvrir à la concurrence le secteur de l'électricité, là où la déréglementation du nucléaire avait échoué? Le service public de l'électricité a t-il vu sa définition évoluer du fait de l'apparition des énergies renouvelables et de l'ouverture à la concurrence?

    L'angle utilisé afin de répondre à cette problématique est presque historique car il propose d'appréhender les facteurs qui ont conduit à l'apparition des énergies renouvelables sur le marché, pour ensuite s'intéresser aux comportement de l'action publique une fois les énergies renouvelables installées sur le marché, afin d'en apprécier les effets.

    Il semble que l'apparition des énergies renouvelables dans le paysage français et européen ait vu le jour par le biais d'un contexte propice à son émergence (Partie I). Des interrogations se posaient sur le service public de l'électricité, qui une fois résolues ont permis d'enrichir et conforter ce service public afin qu'il puisse continuer à porter les énergies renouvelables. De même une ouverture insuffisante à la concurrence du nucléaire a rendu nécessaire l'apparition d'une alternative et celle-ci s'est esquissée par l'émergence des énergies renouvelables .

    Une fois en position sur le marché, la puissance publique a promu ces énergies et cela a donc eu des effets inévitables à la fois sur la concurrence, mais également sur la notion de service public (Partie II).

    19 Jean-Yves Chérot « Droit public économique » 2007 deuxième édition. Édition économica p864

    6

    P ARTIE I:

    UN CONTEXTE PROPICE A L'EMERGENCE DES

    ENERGIES RENOUVELABLES

    L'arrivée des énergies renouvelables a été conditionnée par deux facteurs qui se sont déclenchés successivement, d'abord par des interrogations sur la notion de service public de l'énergie, qui à la fois a mis le service public de l'électricité sur la voie des énergies renouvelables du fait du droit communautaire, et dans le même temps l'a reconnu, ce qui lui a permis la poursuite de ses obligations de service public. (Chapitre I), ensuite par l'ouverture insuffisante à la concurrence du monopole d' EDF (chapitre II) qui a fait entrevoir la nécessité d'une alternative.

    Chapitre 1:

    Les interrogations initiales sur la conception de service public de

    l'électricité

    Le service public de électricité, se caractérisait par un ancrage historique (I) qui a inévitablement finit par entrer en collision avec le droit de l'Union Européenne et plus particulièrement avec son modèle du service public (II). Ce choc a conduit à des interrogations provoquant une remise en question de ce secteur mais pourtant également à une reconnaissance.

    I- le secteur de l'électricité, un service public caractérisé par son ancrage historique, freinant son évolution

    L'ancrage historique du service public de l'électricité est caractérisé par la conception globale de service public à la française (A) qui sera elle aussi impactée par le droit européen. Au delà de cette conception globale, il y a particulièrement dans le service public de l'électricité , une intervention historique de la puissance publique dans le secteur de l'électricité (B).

    A- Le service public à la française

    La notion de service public en droit interne comporte des difficultés de définition car elle comporte plusieurs facettes. Cependant certaines caractéristiques ressortent nettement. La conception très française de service public revêt à la fois un caractère politique et juridique.

    D'abord politique car le service public serait un instrument de cohésion sociale. Comme le relevait déjà L. Duguit pour qui « l 'accomplissement d'une activité de service public est indispensable à la réalisation et au développement de l'interdépendance sociale. »20

    20 Léon Duguit « Traité de droit constitutionnel » p61

    7

    C'est en ce qui concerne cette approche que certain auteurs tel que H. Hoberdoff, J-M. Pontier ou encore B.Stirn ont parlé de « service public à la française ».21 C'est en effet une approche du service public qui est particulière à la France.

    Ensuite, la dimension juridique est bien entendue consubstantiellement liée à la notion de service public. Le caractère de service public peut être donné par la loi ou encore la constitution, et en l'absence d'une qualification directe, elle peut être donnée par la jurisprudence. Le juge regarde alors les critères de l'arrêt « Narcy »22: prérogatives de puissances publique, contrôle de la puissance publique et intérêt général.

    En l'absence de prérogative de puissances publique, le Conseil d'État a également considéré dans l'arrêt « APREI », qu'il pouvait y avoir service public si les deux autres critères étaient réunis et que certains autres indices permettaient d'aboutir à la conclusion qu'il s'agissait d'un service public: l'intérêt général poursuivi, les conditions de la création de la personne publique ou de son organisation ou de son fonctionnement, les obligations qui lui sont imposées, les vérifications mises en place pour s'assurer que les objectifs qui lui sont assignés ont bien été réalisés. Ce sont des indices pour s'assurer de la volonté de la personne publique de créer un service public.23

    Également en droit français, des lois du service public sont spécifiques, elles sont applicables à tout les services publics quelles que soit leur nature tant industrielle et commerciale que administratif, c'est un véritable « socle commun »24.

    Ces lois appelées « lois Roland » ont été dégagées par L. Roland au début du 20ème siècle et sont encore d'actualité. Elle ont ensuite été reprises par la doctrine puis par la législation sous diverses formes. Ces lois sont sous la forme d'un triptyque. Tout d'abord le principe de continuité qui implique que les services doivent fonctionner « sans heurts, sans à-coups, sans arrêts »25. Ensuite le principe d'adaptabilité ou de mutabilité qui doit entraîner de la part du service public des changements en même temps que celui de l'intérêt général. Et enfin l 'égalité, qui suppose une équité dans le traitement des usagers même si cela n'interdit pas une discrimination si elle est justifiée.

    Il y a donc autour de cette notion de service public en droit interne, une conception très française. C'est une notion en droit interne très travaillée, et qui donne naissance à des implications très précises.

    Ainsi pour G. Marcou, la conception française de service public « peut être reconnue comme une notion scientifique, en raison de l'importance de l'élaboration doctrinale à laquelle elle a donné lieu et de ses liens avec la théorie de l'Etat, avec les progrès de la garantie juridique des droits fondamentaux et avec l'économie des fonctions

    collectives ». De ce fait, la notion française de service publique est très spécifique. C'est ce qui a donné lieu à cette grande protection de la notion de service public. La population étant attachée à cette notion car elle représente l'intérêt général.

    Pourtant l'attachement à cette notion n'étant plus compatible avec le droit de la

    21 H. Oberdoff, Signification de la notion de service public à la française in Service public et Communauté européenne : entre l'intérêt général et le marché : Doc. fr., 1998, t. 2, p. 89.J.-M. Pontier, Sur la conception française du service public : D. 1996, chron. p. 9 . B. Stirn, Sur la conception française du service public : CJEG 1993, n° 489, p. 299. Cités par JCP fascicule 149 « Notion de droit public droit interne et droit de l'Union Européenne ».

    22 Conseil d'État 28 juin 1963 arrêt « Narcy »

    23 Conseil d'Etat 22 février 2007 «Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés «

    24 J. Chevallier, « Regards sur une évolution », AJDA 1997, numéro spécial, p. 8

    25 L. Rolland, Précis de droit administratif, 11e éd., 1957, Dalloz, p. 18.

    8

    concurrence impulsé par le droit de l'Union Européenne, cela a conduit à une évolution de cette notion car les deux se sont heurtés et cet attachement existant dans le secteur de l'électricité a dû ensuite, lui aussi, évoluer.

    B- L'intervention historique de la puissance publique dans le service public de l'électricité

    C'est à la fin du 19ème que sont apparues les premières distributions publiques de l'énergie afin d'assurer le service de l'éclairage public. À ses débuts, l'électricité n'était qualifiée de service public que lorsque sa distribution était assurée par le concessionnaire de l'éclairage au gaz26. Le législateur intervient ensuite pour la première fois en 1882 en instaurant un régime de permission de voirie, ce qui donna naissance à la première loi sur l'électricité27. La distribution de l'électricité prend ensuite rapidement la forme d'un service public communal. L'approvisionnement sera alors réglementé sous forme de circulaire du ministre des transports publics afin de surveiller d'une part les conditions d'attribution des concessions et pour édicter d'autre part des règles de sécurité pour la production et le transport de l'électricité. Mais ce régime de concession laisse vite la place à une régie directe des communes, qui prend une telle ampleur que le Conseil d'État doit dès lors encadrer ce régime avec l'arrêt « Commune de Saint Léonard » du 6 avril 1900.

    Ainsi, l'intervention de la puissance publique dans le secteur de l'énergie s'est faite de façon rapide en réglementant la sécurité des approvisionnements en électricité et dès lors ce domaine devint un domaine d'intérêt général28.

    Dès que ces concessions dépassent le territoire de la commune, elles seront attribuées à l'État or les contrats de concession contiennent des prérogatives exorbitantes de droit commun. Ce régime juridique amène alors très tôt une concentration des activités de transport et de production d'énergie dans les « mains de quelques groupes privés » 29.

    Finalement, au lendemain de la seconde guerre mondiale, « quelques grandes entreprises privées concentraient l'essentiel des moyens de production ainsi que les compétences techniques dans le domaine de l'énergie électrique. La volonté politique de permettre l'accès de l'ensemble de la population à l'énergie électrique à des conditions économiquement et socialement acceptables, ainsi que le souci de pérenniser la sécurité des approvisionnements sur l'ensemble du territoire justifièrent l'immixtion totale des pouvoirs publics dans l'organisation du secteur électrique ».30 Cette immixtion s'est traduite avec l'adoption de la loi du 8 avril 1946 dite "loi de nationalisation de l'électricité et du gaz"31. Par cette loi « la production, le transport, la distribution, l'importation et l'exportation d'électricité » étaient nationalisés et la gestion était confiée à EDF par la voie d'une concession nationale de service public.

    26 Géraldine Chavrier « le service public de l'electricité est-il menacé? » droit administratif n°10, octobre 2002 chronique 18

    27 JC.Colli « Cent ans d'électricité dans les lois » numéro spécial du bulletin d'histoire de l'électricité 1986

    28 CE « theron » 4 mars 2010 s'appuie sur le lien entre concession et service public pour la première fois

    29 Nadia Chebal Horstman « La régulation du marché de l'électricité: concurrence et accès au réseau » éditions l'Harmattan octobre 2006

    30 Jcp Administratif fasc 154 « Électricité » yann Simonnet

    31 JO 9 avril 1946

    9

    Le secteur de l'électricité était ainsi sous le joug de l'État qui en nationalisant l'érigeait au rang de service public et en définissait ses composantes.

    L'attachement de la France au secteur de l'électricité est donc historique et montre que très tôt les pouvoirs publics se sont immiscés dans ce secteur car considéré comme relevant de l'intérêt général. Aussi, cette situation de nationalisation et de monopole public fut-il profondément ancré, et difficile à remettre en question malgré la pression du droit communautaire.

    Le secteur de l'électricité s'est heurté très tôt à la difficulté d'approvisionner suffisamment la population toute entière. Ainsi, à la fin de la seconde guerre mondiale, la France en reprenant possession de son territoire a été désireuse d'obtenir l'autonomie électrique. Le nucléaire s'est alors imposé comme la solution pouvant permettre l'autonomie en électricité du pays. Cela a permis à la France de produire sa propre électricité. Les premiers pas du nucléaire eurent lieu entre 1945 et 1949 et sa mise en place entre 1950 et 1958. Finalement le déploiement s'est fait entre 1958 et 197032. Le nucléaire a donc été choisi dans l'intervention de la puissance publique dans le secteur de l'énergie comme solution pérenne à l'approvisionnement de la population.

    Le nucléaire était alors le gage de pouvoir remplir les missions de service public. Dès lors le secteur de l'électricité englobait inévitablement le nucléaire et service public de l'électricité et nucléaire furent consubstantiellement liés. D'où la difficulté sous-jacente qui apparaîtra plus tard de passer par une autre énergie.

    Cette intervention historique de la personne publique dans le secteur de l'électricité du fait de sa reconnaissance en tant qu'activité relevant de l'intérêt général est le symbole de l'ancrage certain de ce secteur dans les prérogatives de puissance publique, qui est passé par l'utilisation du nucléaire.

    De ce fait, cette activité est restée dans le giron de l'État par une conception du service public très française. Le ministre de l'industrie dans les années 90 à propos du processus de libéralisation des services proclamait d'ailleurs «introduire la concurrence, c'est comme introduire le renard dans le poulailler33». La France était réfractaire à l'idée de toucher à ces services.

    Néanmoins, cette vision a trouvé ses limites dans l'approche européenne de service public.

    II- La reconnaissance et l'enrichissement par le droit communautaire du service public de l'électricité

    Cette confrontation entre droit communautaire et service public « à la française » a entraîné une rencontre entre conception interne du service public et conception européenne. Le droit communautaire va reconnaître une forme de service public (A). La reconnaissance du service public, permettant la protection des missions qui lui sont imparties, était impérative. En effet, en même temps que le droit communautaire reconnaît le service public, il ouvre de nouvelles perspectives relevant de la protection

    32 Alain Mallevre,« L'histoire de l'énergie nucléaire en France de 1895 à nos jours » tiré de sa conférence de 2007

    33 Déclaration du ministre de l'industrie cité Pierre Audigier « Bref historique de la libéralisation des marchés de l'énergie en Europe »

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    de l'environnement, ce qui se révèle favorable aux énergies renouvelables (B). Pour que ce secteur soit lancé, cette protection était donc nécessaire.

    A- La rencontre entre droit communautaire et service public de l'électricité: une reconnaissance européenne nécessaire à la poursuite des missions de service public

    En droit français apparaît le 10 février 200034 la loi relative à la modernisation et au développement du service public qui transpose la directive électricité de l'Union Européenne. Son intitulé montre que l'interventionnisme de l'État est toujours présent dans le secteur public de l'électricité puisque aucune référence à la concurrence ou à la régulation des marchés n'est à noter alors même que l'Union Européenne commence à imposer ces notions.

    Cela vient du fait que le droit européen a admis qu'il puisse y avoir un service public. Pourtant au départ le droit communautaire ne s'intéressait pas à la notion de service public. Le terme n'était mentionné nul part et la spécificité des activités d'intérêts générales était mentionnée dans le traité de Rome du 25 mars 1957 mais cela n'était pas pas dans l'intention d'élaborer « un corps de règles autonomes ». 35 Aucune définition du service d'intérêt économique général n'était donnée alors qu'il était consacré à l'article 16 du traité de Rome. Pour la Commission qui parlait au nom de l'Europe, les Etats se dissimulaient derrière cette notion pour ne pas avoir à respecter ses obligations. Cela a donné lieu à de vifs débats.

    Le Conseil d'État dans son rapport de 1994 va même jusqu'à dire que « l'Europe ignore largement la notion de service public »

    La notion ne sera finalement définie que dans le livre blanc de 2004 qui affirme que « les services d'intérêt économiques généraux (SIEG) sont conçus comme des services de nature économique que les États membres soumettent à des obligations spécifiques de service public, en vertu d'un critère d'intérêt général ». Il y a donc une certaine prise en compte de la notion de service public qui permet de se soustraire à une partie des règles du droit de la concurrence. Cette particularité transparaissait déjà dans l'arrêt Corbeau36 dans lequel la Cour de Justice des Communautés Européennes précise que le service intérêt économique général « permet aux Etats membres de conférer à des entreprises, qu'ils chargent de la gestion des services d'intérêt économique général, des droits exclusifs qui peuvent faire obstacle à l'application des règles du traité sur la concurrence, dans la mesure où des restrictions à la concurrence, voire une exclusion de toute concurrence, de la part d'autres opérateurs économiques, sont nécessaires pour assurer l'accomplissement de la mission particulière qui a été impartie aux entreprises titulaires des droits exclusifs ».

    Par exemple, les aides d'État au titre des SIEG peuvent être autorisées du fait de la compensation de charge publique.37 Mais pour cela il faut que l'aide réponde à des critères très précis posés par le paquet « Altmark »38. Cela comprend le fait que

    34 Loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité

    35 M.Karpenschif « la spécificité des activtés d'intérêt générale »

    36 CJCE 19 mai 1983 320/91 arrêt « Corbeau »

    37 CJCE 24 juillet 2003 Altmark trans GMBH

    38 Le paquet « SIEG » est constituée de la décision de la commission du 28 novembre 2005, concernant l'application des dispositions de l'art 86 du traité CE (devenu art 106 du TFUE), l'encadrement communautaires des aides d 'Etat sous forme de compensation de service, la directive 2005/81/CE

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    l'entreprise bénéficiaire ait été chargée de l'exécution de l'obligation de service public et que ses obligations aient été clairement définies. Les paramètres sur la base desquels la compensation a été calculée doivent été préalablement définis de façon objective et transparente. Il faut, de même, que la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes. Il n'est également pas possible d'accepter une compensation dont le montant serait aggravé par le manque d'efficacité du prestataire.

    Le droit européen a donc pris en compte l'exception du service public mais c'est le droit interne qui doit répondre aux exigences posées par le droit européen. Ainsi tout ce qui est considéré comme un service public en droit français ne sera pas forcément un SIEG et toutes les aides aux services publiques ne seront donc pas légales.

    L'Union Européenne n'a donc pas été insensible à la conception française de service public. D'autant que dès 1994, la Cour de Justice des Communautés Européennes a rendu un arrêt concernant le secteur public de l'électricité. C'est l'arrêt commune d'Almelo de 199439 dans lequel la Cour de Justice des Communautés Européenne a indiqué que « des restrictions à la concurrence de la part d'autres opérateurs économiques doivent être admises, dans la mesure où elles s'avèrent nécessaires pour permettre à l'entreprise investie d'une telle mission d'intérêt général d'accomplir celle-ci. A cet égard, il faut tenir compte des conditions économiques dans lesquelles est placée l'entreprise, notamment des coûts qu'elle doit supporter et des réglementations, particulièrement en matière d'environnement, auxquelles elle est soumise. » Cela concernait une entreprise régionale de distribution d'électricité aux Pays-Bas. Celle-ci disposait d'une clause d'achat exclusif qui interdisait à un distributeur local d'importer de l'électricité destinée à la distribution publique.

    Également, il y a eu création du service universel, notion issue du droit dérivé de l'Union européenne et qui concerne un nombre restreint de services, principalement le courrier et les communications électroniques. C'est un service de base, sorte de sous-ensemble des SIEG. Cela permet un régime dérogatoire au droit de l'Union Européenne. Le service universel prend en France dans le secteur de l'électricité la forme du « tarif bleu ». C'est le service de base de l'électricité pour les clients dont la puissances est inférieure ou égal à 36 kilowatts.

    Cette reconnaissance du service public par le droit Communautaire est importante car elle permet de poursuivre les objectifs de service public. Le droit communautaire va permettre l'élargissement des missions du service public de l'électricité en instaurant un terrain propice aux énergies renouvelables. En l'absence de la reconnaissance de service public par le droit communautaire, il n'y aurait pas de possibilité de poursuite des obligations de service public de l'électricité. C'est pourtant ce qui va aider les énergies renouvelables à s'épanouir. Cette reconnaissance était donc indirectement nécessaire.

    C'est la directive 96/9240 qui a permis l'ouverture à la concurrence du secteur de l'électricité mais également qui a défini les missions de service public de l'électricité, tel

    modifiant la directive 80/723/CEE relative à la transparences des relations financières et les entreprises publiques ainsi qu'à la transparence financière dans certaine entreprise. Source: Euopean competitons public consultations.

    39 CJCE 27 avril 1994 commune d'Almelo C393/92

    40 Directive 96/92 du 16 décembre 1996 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'énergie journal officiel des Communautés Européennes 30 janvier 1997

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    qu'admis sous la forme de SIEG. « C'est finalement l'Union Européenne qui est à l'origine d'une loi qui ouvre à la concurrence le secteur électrique tout en consacrant législativement et par réaction le service public »41.

    La directive de 96 fait une sorte de synthèse entre la conception française de service public et la conception européenne. La directive reconnaît le secteur de l'électricité comme relevant des services économiques d'intérêt général mais également comme service public. Dans son 9ème considérant, il est utilisé pour la première fois en droit communautaire le terme « d'obligation de service public ». La directive explique au 13ème considérant que « l'imposition d 'obligations de service public peut être nécessaire pour assurer la sécurité d'approvisionnement, la protection du consommateur et la protection de l'environnement que, selon eux, la libre concurrence, à elle seule, ne peut pas nécessairement garantir ».

    L'activité de production est intégrée dans ces nouvelles perspectives de service public. Dans l'article 2 de la loi du 10 février 2000, transposant la directive de 1996 la loi indique que « les producteurs, et notamment EDF contribuent à la réalisation de ces objectifs. Les charges qui en découlent, notamment celles résultant des articles 8 et 10, font l'objet d'une compensation intégrale dans des conditions prévues au I de l'article 5 ». L'article 8 permet un appel d'offre lorsque la production nationale d'électricité est insuffisante. Celles qui sont retenues seront alors considérées comme contribuant au service public de l'électricité.

    Le droit communautaire a donc permis une certaine reconnaissance de la notion de service public de l'électricité. Si cela a tant d'importance c'est que dès lors que cette spécificité est prise en compte, cela permet un régime dérogatoire, notamment aux aides d'États. De ce fait les missions relevant de l'intérêt général peuvent plus facilement être exercées.

    B-L'instauration d'un terrain propice à l'apparition des énergies renouvelables par l'enrichissement de la conception de service public de l'électricité

    Cela a de l'importance dans le cadre de l'arrivée des énergies renouvelables. Car cette forme d'électricité produite à partir des énergies renouvelables, prendra son essor principalement du fait de l'action publique à travers l'intérêt public qui lui sera attribué. En reconnaissant le service public, le droit communautaire permet cette intervention publique même si c'est sous conditions, et en intégrant indirectement les énergies renouvelables dans la définition du service public de l'électricité, le droit communautaire conforte cette possibilité d'action de la part de la puissance publique. Celle ci ne pourrait même pas avoir lieu si la spécificité du Service Intérêt Economique Générale n'avait pas été reconnue.

    L'intégration des impératifs relevant de la protection de l'environnement dans la conception de service public de l'électricité, est mise en évidence notamment par le considérant 13 de la directive 96/92. Celui-ci reconnaît que « pour certains États membres, l'imposition d'obligations de service public peut être nécessaire pour assurer la sécurité d'approvisionnement, la protection du consommateur et la protection de l'environnement que, selon eux, la libre concurrence, à elle seule, ne peut pas

    41 Géraldine Chavrier « le service public de l'electricité est-il menacé? » droit administratif n°10, octobre 2002 chronique 18

    13

    nécessairement garantir ». Une dérogation au droit de la concurrence est donc possible pour assurer le service public de l'électricité parce que la sécurité d'approvisionnement ou la protection de l'environnement le nécessite, cela permet une intégration totale de la protection de l'environnement dans les impératifs du service public de l'électricité. Cette idée est confortée par l'article 11 III de cette directive qui indique qu'un « État membre peut imposer au gestionnaire du réseau de distribution, lorsqu'il appelle les installations de production, de donner la priorité à celles qui utilisent des sources d'énergie renouvelables ou des déchets ou qui produisent de la chaleur et de l'électricité combinées. »

    L'union Européenne en reconnaissant comme dérogation au droit communautaire dans le cadre des missions de service public, la protection de l'environnement a influencé la conception française de service public en droit interne qui va alors intégré la protection de l'environnement dans la définition du service public de l'électricité. L'article 1er de la loi 10 février 200042 va le définir en ces termes: « le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général ». Par respect de l'intérêt général, la loi indique comme buts d'intérêt général la contribution « à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie, ainsi qu'à la cohésion sociale, en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique ».

    Ainsi dans les obligations de service public de l'électricité figurent en bonne place des impératifs relevant de la protection de l'environnement. Ces objectifs qui font figure de liste, vont alimenter la conception de service public électrique en lui donnant de nouvelles perspectives, qui était jusque là mis de coté par la France. Ainsi le service public de l'électricité se voit dessiner de nouveaux contours. Jusque lors, ce n'était pas encore entrée dans les objectifs fixés par le droit interne, dont l'essor de l'environnement ne sera effectif qu'avec les lois Grenelle I et II.

    Il y a donc eu une prise en compte par le droit communautaire des spécificités du service public français. En s'engageant dans la reconnaissance d'une certaine forme de service public dans le secteur de l'électricité, le droit communautaire a également permis que ces missions se poursuivent, ce qui était nécessaire. D'autant que tout en reconnaissant cette spécificité il lui a permis d'impulser de nouvelles perspectives favorables aux énergies renouvelables.

    Néanmoins, ce n'est pas le seul facteur qui a permis l'arrivée des énergies renouvelables sur le secteur de l'électricité, leur arrivée a été également conditionnée par l'ouverture à la concurrence.

    42 Loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité

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    Chapitre 2:

    L'ouverture insuffisante à la concurrence du secteur du nucléaire

    Avec l'influence du droit communautaire, va s'opérer dans le secteur de l'électricité une inévitable ouverture réglementée du secteur de l'énergie (I). Ce qui est nécessaire pour permettre la libre concurrence, mais cela va s'avérer insuffisant et l'ouverture à la concurrence de ce secteur historique, utilisant principalement le nucléaire va s'avérer délicate (II). Il semble important d'aborder cette ouverture réglementée à la concurrence car c'est par ce biais que le droit interne et communautaire va tenter d'instaurer une libre-concurrence, nécessaire pour l'apparition de nouveaux opérateurs, notamment dans le domaine des énergies renouvelables. Ces dispositions sont les piliers de l'ouverture à la concurrence et pourtant cela va s'avérer insuffisant car le monopole aura certaine difficulté à disparaître. La délimitation de ce contexte est nécessaire mais c'est parce que cela va avoir certaine difficultés à fonctionner qu'il est ensuite intéressant de démontrer l'impact des énergies renouvelables sur le marché.

    I- Une ouverture réglementée du secteur de l'énergie sous l'influence du droit européen

    L'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie va donc se faire sous l'influence du droit de l'Union Européenne, imposant de façon croissante de plus en plus d'exigences, (A), ce qui va se traduire en droit interne par une transposition fidèle des contraintes imposées par les directives (B).

    A- L'ouverture à la concurrence du secteur de l'électricité encadrée strictement par le droit européen.

    Le droit communautaire a fait pression sur la France en ce qui concerne ses grands service industriels et commerciaux de réseaux afin que la situation de monopole cède sa place à la libéralisation et a strictement encadré cette ouverture par différentes directives successives.

    Les monopoles de service public « peuvent être mis en cause sur la base de l'effet utile de l'article 86 du traité. L'article 86 du traité ne condamne que les abus de position dominante et non la position dominante en elle-même »43 La Cour de Justice des

    43 Jean-Yves Chérot « Droit public économique » 2007 deuxième édition. Édition économica P784

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    Communautés Européennes appuie ce point de vue par trois arrêts de 1991 en considérant que « l'institution d'un droit exclusif est contraire à l'article 86 dès lors que l'institution d'un tel droit est à l'origine d'un abus de position dominante, le provoque, en est la cause »44. C'est pour éviter ce débordement que le droit communautaire va tenter de mettre fin aux monopoles. Une situation de marché commun avec une libre circulation ne doit pas être entravée par ces tendances.

    Pour permettre l'ouverture à la concurrence, la transformation a été opérée sur plusieurs fronts, avec notamment, une remise en cause des monopoles afin de les dissocier du service public. Ainsi a été imposée la soumission quasi-systématique des activités de service public aux règles de la concurrence. La séparation de l'activité de monopole et de l'activité en concurrence a été réalisée en séparant l'infrastructure et le service . L"institution d'un régulateur « indépendant » a permis d'assurer la différenciation entre les activités de réglementation et de prestation de service45. Telles sont les orientations que le droit communautaire a entendu donner au service public interne.

    À l'origine de cette ouverture à la concurrence dans les différents secteurs anciennement monopolistiques, il y aurait eu deux convictions :

    L'ouverture à la concurrence « était le seul moyen de constituer des ensembles européens dans ces domaines et elle serait bénéfique tant pour le consommateur que sur le plan des industriels (...) une entreprise en situation de monopole tend en effet à abuser de son pouvoir de marché, elle est « faiseuse de prix »; à l'inverse les entreprises en situation de concurrence pure et parfaite ne sont que « preneuse de prix », c'est-à-dire qu'elles n'ont aucune influence sur leur formation».46

    Elle correspondent à cette idée de marché commun qui veut le respect du droit de la concurrence afin d'assurer une libre concurrence entre toutes les entreprises des Etats membres. Le modèle français ne permettait pas cette mise en concurrence. Ainsi le service public français a inexorablement évolué dans les secteurs anciennement monopolistiques: les Télécom, le transport ferroviaire, le secteur postal par exemple ou encore et le secteur de l'énergie.

    Il s'est opéré dans ce secteur une tentative d'ouverture à la concurrence.

    C'est la directive 96/9247 qui a ouvert le secteur de l'énergie électrique à la concurrence. Le marché intérieur de l'électricité devait être ouvert à la concurrence le 19 février 1999. Le législateur français a transposé cette directive en retard par la loi du 10 février 2000.

    C'est donc le droit communautaire qui a influé sur l'ouverture à la concurrence du secteur de l'électricité. Cela fait partie des deux facteurs de l'influence du droit de l'union qui seront propices à l'apparition des énergies renouvelables. D'abord en influençant sur la notion de service public, et ensuite en libéralisant le secteur, car le monopole était celui d' EDF utilisant en majeur partie l'énergie nucléaire. En ouvrant à la concurrence, cela pouvait permettre aux énergies renouvelables de se frayer une place.

    44 CJCE 27 avril 1991 « Hofner », 18 juin 1991 « ERT », 10 décembre 1991 « Merci-Port de Gêne » cité par J-Y Chérot

    45 JP Colson et P. Idoux « Droit public économique » 6ème édition. Édition LGDJ

    46 Marc Chevallier « Électricité, téléphone: la libéralisation en question » Alternatives économiques hors série n°72

    47 Directive 92/96/ CE du 16 décembre 1996 précitée

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    Des directives communautaires vont influer sur le secteur de l'énergie, comme elle l'ont fait avec les autres anciens secteurs monopolistiques, en encadrant cette ouverture de façon croissante.

    Comme dans les autres secteurs, la difficulté réside dans le fait que l'entreprise anciennement monopolistique, une fois ouverte à la concurrence, conserve une part des activités qui ne sont pas ouvertes à la concurrence. Elle est une entreprise verticalement intégrée c'est-à-dire qu'elle est présente dans plusieurs des activités du secteur, et donc les entreprises en concurrences sont obligées de faire appel à cette activité. Concrètement, le fait que EDF dans le secteur de l'électricité, s'occupait à la fois de la production, du transport et de la distribution en est l'illustration. L'ouverture à la concurrence permettait à EDF de conserver la partie transport et distribution sous la forme de ERDF gestionnaire de réseau. Il est alors tentant pour le gestionnaire de favoriser EDF au niveau de la production au détriment des concurrents, puisqu'il s'agit de la même entreprise. Il peut par exemple lui donner la priorité dans l'accès au réseau ou lui communiquer des informations sur ses concurrents, qu'il aurait recueillies dans le cadre de ses activités de gestionnaire de réseau.48

    Afin d'anticiper ces atteintes au droit à la concurrence, en maintenant l'égalité plusieurs directives ont été prises. La première fut donc la directive 96/92/CE49. Elle a imposé des obligations en instituant une séparation fonctionnelle et comptable.

    La première obligation tendait à l'indépendance du fonctionnaire de réseau, au « moins sur le plan de la gestion. ».

    La deuxième obligation était une séparation comptable entre les activités de production, de transport et de distribution. Comme si ces activités étaient exercées par des

    « entreprises distinctes ».

    La troisième obligation résidait dans l'obligation de protéger les informations commerciales récoltées dans le cadre de l'activité de gestion du réseau.

    La deuxième directive, marquant une autre étape de l'influence du droit européen est celle du 23 juin 200350 . Elle a substitué à un impératif de séparation fonctionnelle, un impératif de séparation juridique. Elle impose donc une séparation juridique entre les activités mais cela ne conduit pas néanmoins à un changement de propriété.

    Enfin, Les directives du Parlement Européen et du Conseil du 13 juillet

    2009 2009/72/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et n° 2009/73/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel 51 ont posé une nouvelle obligation qui est celle de désigner une autorité de régulation qui soit indépendante et impartiale. L'objectif est de «promouvoir (...) un marché intérieur de l'électricité concurrentiel, sûr et durable pour l'environnement au sein de la Communauté, et une ouverture effective du marché pour l'ensemble des clients et des fournisseurs de la Communauté, et garantir des conditions appropriées pour que les réseaux d'électricité fonctionnent de manière effective et fiable, en tenant compte d'objectifs à long terme» . Dès la directive 93/92/CE , il était cependant déjà exigé des Etats membres de mettre en place « des mécanismes appropriés et efficaces de

    48 JCP Administratif « Electricité » fasc 154 Yann Simonnet

    49 Directive 96/92/CE du 16 décembre 1996 journal officiel des communautés Européenne 30 janvier 1997

    50 Directive 2003/54/CE du 23 juin 2003 journal officiel de l'Union Européenne 15 juillet 2003

    51 Directive 2009/72/CE et 2009/73/CE du 13 juillet 2009 Journal Officiel de l'union européenne 14 Aout 2009

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    régulation, de contrôle et de transparence afin d'éviter tout abus de position dominante, au détriment notamment des consommateurs, et tout comportement prédatoire ».

    Également une obligation de séparation de propriété fut imposée. L'entreprise qui gère le réseau ne doit pas être contrôlée par une entreprise qui produit l'électricité ou qui la fournit ou qu'elle-même contrôle, une entreprise qui produit l'électricité et la fournit52. Cette dernière directive se montre donc encore plus exigeante dans les règles de séparation. Alors qu'une séparation fonctionnelle suffisait au départ pour le droit de l'Union Européenne, progressivement celui-ci a relevé son niveau d'exigence.

    De nombreuses obligations pour garantir l'égalité et la transparence vont donc être impulsées par le droit européen, ce qui va donner lieu en droit interne, à une transposition des directives qui va bouleverser le secteur de l'énergie et à plus long terme permettre l'émergence des énergies renouvelables.

    B- Une transposition conforme des directives en droit interne

    La transposition en droit interne des directives montre l'influence du droit communautaire sur ce secteur. Elles ont accompagné une libéralisation qui sera nécessaire à l'apparition des énergies renouvelables.

    La transposition de la première directive s'est donc faite par la loi du 10 février 2000 qui impose la création d'un service de transport, à l'intérieur d'EDF « indépendant sur le plan de la gestion des autres activités» ». Cela a donné naissance à RTE (Réseau de Transport d'Electricité). Également une séparation comptable a été imposée par l'article 25 de cette loi. Elle se traduit en droit interne par l'obligation pour Électricité de France et les autres distributeurs non nationalisés de faire « figurer, dans leur comptabilité interne, un bilan et un compte de résultat pour chaque activité dans le secteur de l'électricité devant faire l'objet d'une séparation comptable en vertu de l'alinéa ci-dessus, ainsi que, le cas échéant, pour l'ensemble de leurs autres activités » . Les activités de production et de distribution doivent donc être dissociées au niveau comptable. L'article 16 précise quand à lui que « le gestionnaire du réseau public de transport préserve la confidentialité des informations d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication serait de nature à porter atteinte aux règles de concurrence libre et loyale et de non-discrimination imposées par la loi ».

    Par la loi du 10 février 2000, on retrouve donc les trois obligations posées par la directive de 1996: obligation de séparation de gestion , séparation comptable et protection des données récoltées dans le cadre de l'activité de gestion. Il y a donc eu de la part de la France le souci de respecter ces contraintes imposées par le droit interne. Cette transposition même si elle s'est faite en retard n'a pas posé de difficultés. Ce fut également le cas pour la suivante.

    La deuxième transposition fut celle opérée par la loi du 9 aout 200453. Pour être conforme à la directive de l'Union qui imposait la séparation juridique, la loi transforma RTE en une société anonyme dont le capital était détenu par EDF(article 7). La séparation allait donc plus loin. Cela correspondait aux exigences de la directive européenne: à la séparation fonctionnelle, se substituait la séparation juridique. De plus, les biens relatifs aux activités de production furent transmis à RTE. De cette façon les biens n 'étaient plus la propriété de EDF. La transposition allait même plus loin que les exigences européenne.

    52 Idem note 47 fascicule 154 « Électricité »

    53 Loi n°2004-803 du 9 aout 2004, journal officiel 11 aout 2004

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    La troisième transposition fut celle de la directive la plus exigeante de l'Union Européenne qui préconisait pour qu'une séparation soit réellement effective, une séparation de propriété. Cette directive est celle qui a posé le plus de difficulté dans sa transposition. C'était inacceptable pour certain pays comme la France54. Cela signifiait au niveau interne que RTE perdait comme actionnaire minoritaire EDF. Un

    « compromis » fut trouvée avec deux possibilités. Les directives reconnaissaient la possibilité de conserver la propriété du réseau pour l'entreprise intégrée verticalement, si la gestion était confiée à un opérateur indépendant, sur lequel aucun contrôle n'est exercé55. La deuxième possibilité offerte était celle de conserver la propriété et la gestion mais à un prix, celui de les confier à une entité juridiquement distincte par le biais par exemple d'une filialisation. Des garanties supplémentaires sont alors demandées par la directive: organe de surveillance, programme d'engagement avec un cadre qui en assure le respect, et renforcement des pouvoirs de l'autorité de régulation. La France a fait le choix de transposer cette directive en dissociant les gestionnaires de réseaux ayant été crées avant le 3 septembre 2009, date de la directive et ceux appartenant déjà à cette date à une entreprise verticalement intégrée. Ceux qui ont été crées après le 3 septembre 2009 ont été alors soumis à l'obligation de séparation de propriété56. Pour ceux crées avant, la France a décidé de choisir la possibilité du gestionnaire de transport indépendant, ce qui revient à laisser la propriété et la gestion à EDF. Le droit interne n'a pas voulu toucher à EDF ni obliger RTE à transmettre la gestion à une autre entité qui elle serait indépendante. Dès lors que la France avait choisi cette option, elle était donc obligée de se conformer aux exigences supplémentaires, ce qu'elle a fait57.

    Le droit communautaire en plus de procéder à une réglementation dans ce secteur a également voulu la mise en place d'une autorité de régulation. Celle-ci a été créée en 2000, au départ commission de régulation de l'électricité puis commission de régulation de l'énergie (CRE) aux termes de la loi de 200358. Elle s'est vue confier un pouvoir de décision et de sanction. La loi de 200659 institua en son sein un comité de règlement des différends afin que cette activité soit séparée de celle de sanction.

    Malgré quelques hésitations dans la dernière directive, le droit interne a donc transposé fidèlement les directives du droit communautaire afin que l'ouverture à la concurrence se fasse de la façon la plus efficace possible. Tout ces impératifs étaient nécessaires pour qu'il y ait une réelle concurrence. Peut-être que sans ces impératifs, la France n'aurait pas ouvert le secteur et les énergies renouvelables n'auraient jamais pu réellement se développer, le monopole d'EDF utilisant principalement le nucléaire, ne permettant pas son essor. Elle va donc être un facteur d'une véritable libéralisation car l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité ne semble pas au départ fonctionner sans son intervention.

    II- La difficulté d'ouvrir le secteur du nucléaire

    Malgré une transposition des directives, des difficultés tiennent notamment à l'ouverture minimale à la concurrence qui a été choisie par le gouvernement français

    (A). Mais également aux capacités techniques et économiques supérieures à celles de ses

    54 J.Cattan « La question de la séparation des entreprises de réseau verticalement intégrées: un facteur de divergence au coeur de la régulation sectorielle » RJEP 2011 commentaire 692

    55 JCP administratif « Electricité » fascicule 154 Yann Simonet

    56 Code de l'énergie article L111-8

    57 Code de l'énergie article L111-16 à L111-21 et article L1111-34 et suivant ainsi que article L111-72 et L111-80

    58 L n°2003-8 du 3 janvier 2003 journal officiel 4 janvier 2003

    59 Loi n°2006-1537 du 7 décembre 2006 journal officiel 8 décembre 2006

    19

    concurrents du secteur du nucléaire, ce qui l'entraîne vers une position dominante et obligera la puissance publique à intervenir et à promouvoir les énergies renouvelables (B). Un système de libre production et de prix avec équation de l'offre et de la demande, comme celui recherché par l'autorité de la concurrence, ne pouvait s'équilibrer seul. Il a fallu l'intervention de la puissance publique qui, pour que le marché s'équilibre, devait porter un soutien aux énergies renouvelables afin qu'elles forment une offre concurrente sérieuse.

    A- le choix par le gouvernement d'une ouverture minimale à la concurrence

    La libéralisation a eu pour effet d'ouvrir le marché à de nouveaux producteurs, et notamment à ceux utilisant les énergies renouvelables, mais pour cela le gouvernement français a fait le choix de préférer le système d'autorisation, ce qui aura pour effet de limiter en partie l'ouverture du marché aux nouveaux arrivants. Également l'ouverture à la concurrence a eu pour corollaire la possibilité offerte aux consommateurs de choisir leur opérateur mais le gouvernement va, dans un premier temps, faire le choix de limiter l'éligibilité, ce qui aura pour effet de retarder une ouverture totale à la concurrence.

    Le système d'autorisation est le système qui est le plus utilisé en Europe 60. C'est celui pour lequel a opté la France dans la loi du 13 février 2000. Les producteurs doivent demander une autorisation au ministre chargé de l'énergie dès que l'installation utilise une puissance de plus de 4,5 mégawatts. Si le producteur ne respecte pas les conditions d'octroi de cette autorisation, le ministre a aussi un pouvoir de sanction, en lui retirant l'autorisation.

    La directive 96/92/CE laissait le choix entre appel d'offre ou autorisation. La France a fait le choix d'une procédure d'appel d'offre qui n'est utilisée que de manière accessoire dans le cas où « l'initiative des acteurs du marché amènerait trop de divergences par rapport à la programmation »61. La programmation pluriannuel des investissements de production fixe par avance la répartition des capacités de production par source d'énergie primaire « et, le cas échéant, par technique de production et par zone géographique ». Cette programmation est établie de manière à laisser une place aux productions décentralisées, à la cogénération et aux technologies nouvelles .62 L'autorisation de production d'électricité peut également être refusée si la production est contraire à cette programmation.

    Une large place est donc faite à l'autorisation mais cela limite l'accès des producteurs.

    Pour Laurent Richet « Une plus grande fluidité du marché aurait pu être obtenue en permettant à des négociants de pratiquer le commerce de l'électricité, ce qui était prévu par le projet de loi mais a été supprimé par la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale ». Néanmoins, le gouvernement a voulu éviter une trop grande spéculation sur le commerce de l'électricité, ce qui n'est pas étranger aux obligations de service public qui découle toujours du secteur de l'électricité.

    Ensuite le choix d'une ouverture minimaliste à la concurrence pourrait se traduire par le choix d'une ouverture progressive aux clients éligibles. La directive 96/92 de l'Union Européenne définit comme consommateurs éligibles, tout ceux consommant plus de 40 mégawatts par année. L'ouverture aux clients éligibles devait être augmentée de 33 % en 6 années. Certain Etats pourtant ont choisi d'aller au delà des recommandations de la

    60 Laurent Richet « Commentaire de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de électricité » AJDA 2000 P239

    61 Idem

    62 Article 6 de la loi du 10 février 2000 précitée

    20

    directive. Mais ce n'est le cas de la France qui par le décret du 29 mai 2000 a choisi le minimum63 Le contrat qui sera conclu devra avoir une durée minimale de trois années. En choisissant le minimum, moins de consommateurs pouvaient être touchés et de ce fait l'ouverture à la concurrence était rendue plus difficile.

    La France n'a donc pas fait le choix d'une ouverture à la concurrence optimale et de ce fait cela a freiné la libéralisation du secteur. Mais ce n'est pas le seul facteur qui a rendu difficile l'ouverture à la concurrence du secteur.

    B- Des capacités techniques et économiques supérieures obligeant à l'intervention de la puissance publique

    L'équilibre du marché passe par un système de libre production et de prix avec adéquation de l'offre et de la demande. Néanmoins, la position historique d'EDF utilisant principalement l'énergie nucléaire va engendrer des difficultés dans l'ouverture à la concurrence des producteurs utilisant d'autres énergies et ceux tentant d'utiliser le nucléaire.

    Dans l'avis de l'autorité de la concurrence du 17 mai 2010 relatif au projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, celle-ci revient sur ces difficultés.64 Pour cela elle met en exergue les bouleversements pour le consommateur de cette transition entre monopole et libéralisation, ce qui influe également sur les opérateurs.

    Le premier bouleversement serait celui du prix qui est facturé au consommateur qui n'est pas déterminé par le libre jeu de la concurrence entre tout les opérateurs. Pour l'autorité de la concurrence: «Sur les marchés de l'électricité, à court terme, le prix de l'électricité doit s'aligner sur le coût marginal de production. Or, l'électricité n'est pas stockable et les évolutions de la demande impliquent d'appeler un nombre variable d'unités de production pour la satisfaire. »

    L'autorité de la concurrence poursuit plus loin « Cet effet est particulièrement marqué pour le marché français, dans lequel la production d'électricité d'origine nucléaire, qui représente près de 80 % de la consommation nationale, s'effectue actuellement à des conditions économiques caractérisées par un coût marginal significativement inférieur à celui des techniques de production concurrentes (à l'exception de l'hydraulique " au fil de l'eau "). Dès lors que les centrales nucléaires sont rarement les dernières centrales appelées, le prix de marché est inférieur. » Les différentes productions d'énergies ne coûtent en effet pas le même prix et cela entraîne des distorsions dans l'offre et la demande.

    Du fait de ces prix supérieurs, les producteurs d'électricité autres que les énergies renouvelables se frayent difficile un accès à ce marché et c'est l'énergie nucléaire qui est utilisée en premier alors même que l'évolution de la demande impliquerait d'utiliser d'autres modes de production d'énergie.

    EDF serait donc en position de monopole car son prix de production serait inférieur. La facture du consommateur ne serait alors pas déterminé par le libre jeu de l'offre et le demande car il n'y a pas de véritables concurrence entre tout les modes de production, le nucléaire étant systématiquement choisi du fait de ses coûts inférieurs. Le coût de la facture étant conditionné par le coût de production.

    63 Décret n° 2000-456 JO du 30 mai 2000 p8102

    64 Avis de l'autorité de la concurrence n°10-A-08 du 17 mai 2010 relatif au projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité dite « loi NOME »

    21

    Le deuxième bouleversement selon l'autorité de la concurrence, viendrait de la qualité et de la sécurité de l'approvisionnement. « Dans un marché libre, la décision d'investissement est d'une autre nature : elle repose sur un arbitrage économique dont l'objectif est la rentabilité de l'investissement. Cette rentabilité suppose que les nouvelles unités de production répondent à une demande d'électricité. Dans ce contexte, si la demande rend l'utilisation effective d'un moyen de production aléatoire, comme c'est le cas pour les périodes de demande de pointe, un producteur n'est pas incité à investir. ». Afin de permettre la sécurité d'approvisionnement, il est plus aléatoire de s'en remettre aux mode de productions autres que le nucléaire. Le problème de fond est que l'électricité n'est pas stockable et la quantité varie suivant le moment dans l'année. Le producteur devra donc prévoir une capacité matérielle suffisante pour faire face aux périodes de pointe mais les capacités déployées ne seront pas toutes utilisées toute l'année65. Comme les producteurs savent qu'ils devront faire face à cette demande en électricité mais qu'ils ne sont pas certain d'y parvenir avec d'autres énergies que le nucléaire, ils préfèrent alors renoncer à investir. Ils ne s'engagent pas dans un investissement à perte car ils savent que leur mode de production étant plus aléatoire, ils ne sont pas sûrs d'être appelés à produire.

    Les consommateurs n'ont pas le droit à un marché libre car pour assurer la qualité et la sécurité de l'approvisionnement, il faut avantager un moyen de production au détriment des autres.

    A travers le prisme des bouleversements occasionnés chez le consommateur dans l'ouverture à la concurrence, apparaît en filigrane la position dominante du nucléaire favorisé du fait de sa technique, son meilleur coût et sa capacité d'approvisionnement, ce qui déséquilibre le marché car l'offre est inégalitaire.

    L'autorité de la concurrence développe ensuite sur les facteurs qui ont empêché l'émergence d'offres compétitives sur le marché, ce qui rejoint les constatations qu'elle a émises sur les bouleversements occasionnés chez le consommateur. Néanmoins, cela permet de mieux saisir la situation de blocage dans laquelle se trouvait le marché. L'institution s'appuie sur les constatations qu'elle avait elle-même émises lors d'affaire dans lesquelles elle a dû se prononcer, lorsque des opérateurs l'avaient saisi du fait d'atteinte présumée au droit de la concurrence par EDF.66

    Pour l'Autorité, l'utilisation du nucléaire s'est imposée comme un facteur indispensable à la pratique de prix compétitifs, de ce fait « la concentration des centrales nucléaires dans les mains de l'opérateur historique confère donc à EDF un avantage de coûts vis-à-vis de concurrents, qui ne disposent pas de ces moyens de production. ». Les autres moyens de production peuvent alors difficilement s'imposer du fait de coûts supérieurs. Cela pose un problème supplémentaire : Dans la vente d'électricité au consommateur, la moitié du prix correspond au coût de production de l'énergie or les producteurs qui ne peuvent assurer leur propre production doivent se fournir en énergie nucléaire mais au prix de gros. De ce fait, il y avait distorsion des prix entre les producteurs car le prix de gros ne correspond pas au prix au détail. Le prix au détail est fixé par l'Etat dans l'optique « de faire bénéficier la clientèle de masse d'une énergie électrique relativement

    65 Jean-Yves Chérot « Droit public économique » 2007 deuxième édition. Édition économica. P843

    66 Décisions n° 07MC-01 du 25 avril 2007, relative à une saisine de la société KalibraXE à l'encontre des contrats à long terme conclus par EDF avec certains clients, n° 07-MC-04 du 28 juin 2007 et n° 07-D-43 du 10 décembre 2007, concernant les conditions de concurrence sur le marché des petits consommateurs

    22

    bon marché », il est donc beaucoup plus bas. Une alternative dévellopée plus bas sera alors proposée par la Commision « Champsaur ».

    Pour les concurrents qui n'utilisent pas le nucléaire, ils deviennent donc finalement tributaires de l'énergie nucléaire et de son coût. De ce fait, ils ont des difficultés à émerger et à concurrencer EDF et son monopole du nucléaire.

    La solution pourrait alors être de concurrencer le nucléaire par le nucléaire mais cela a également été rendu difficile.

    Une barrière économique figurerait à l'entrée du marché du fait de « l'importance des investissements requis et l'absence de besoin massif de renouvellement du parc à court terme. ».

    Pour un nouveau producteur, il est difficile de concurrencer un parc nucléaire implanté depuis de nombreuses années. D'abord donc par le coût engendré par les installations nucléaires. EDF a pu progressivement implanter et financer son parc nucléaire. Un nouvel opérateur pour s'imposer sur le marché devrait faire face à un financement économique majeur s'il veut avoir ses chances de disposer des mêmes capacités de production qu'EDF. Ensuite parce qu'il n'y a pas besoin de nouveaux parcs de productions. Thierry Thuot conforte ces positions, il estime que « L'investissement est extraordinairement coûteux et le développement d'un parc permettant de concurrencer EDF supposerait des investissements nucléaires massifs pouvant escompter des coûts de production encore plus bas grâce aux gains de productivité »67. C'est-à-dire que pour escompter produire de l'électricité à un coût plus bas qu'EDF, l'investissement des opérateurs devra être encore plus important qu'un investissement a minima dans un parc nucléaire et le coût sera bien trop important pour qu'ils puissent y faire face.

    Il paraît donc extrêmement difficile de concurrencer EDF dans son propre secteur. Comme il n'y avait pas non plus de possibilité de concurrencer EDF par d'autres énergies, la situation paraissait bloquée.

    L'autorité de la concurrence a donc pointé du doigt les facteurs techniques qui conduisent à une difficulté de l'émergence d'offres concurrentes viables. Afin de débloquer la situation, la loi NOME en s'appuyant sur le rapport de novembre 200868 de la commission présidée par M. Paul Champsaur, va tenter de remédier à ces difficultés. Ce rapport avait conclu que « sans régulation de la base produite par le parc historique, les fournisseurs concurrents d'EDF n'ont pas les moyens de concurrencer l'opérateur historique par des offres compétitives aux consommateurs finals. Une régulation spécifique sur le marché de la production en base est donc nécessaire afin de garantir l'égalité de tous les fournisseurs et le développement effectif de la concurrence sur le marché de la fourniture ». Pour cela, il préconise un certain nombre de réformes qui seront reprise sous la forme d'objectifs par la loi NOME69, celui de « préserver les tarifs réglementés de vente de l'électricité (dénommés « tarifs bleus ») pour les ménages et les petites entreprises », c'est-à-dire un tarif avec un cout garanti moins élevé.

    Mais également « assurer le financement du parc de production existant et favoriser les nouveaux investissements conformément aux engagements pris lors des négociations «

    67 Thierry Tuot « nouvelle organisation du marché électricité- à propos de la loi NOME du 7 décembre 2010 La Semaine Juridique Edition Générale n° 10, 7 Mars 2011, doctr. 283

    68 Rapport de novembre 2008 d'une commission présidée par M. Paul Champsaur, qui avait la charge de faire des propositions d'organisation du marché de l'électricité demandé conjointement par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, et la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

    69 Loi n°2010- 1488 du 7 décembre 2010

    23

    Grenelle » sur l'environnement ». Dans ces propositions, apparaît donc le fait de favoriser les nouveaux investissements en faveur de la protection de l'environnement puisque c'est ce que propose les loirs Grenelle I et II. En réponse au blocage, il y a donc l'aide à l'émergence des énergies renouvelables.

    De même, le rapport propose de « favoriser la concurrence par un dispositif de régulation qui permettra à tous les fournisseurs d'électricité en France de s'approvisionner auprès d'EDF aux conditions économiques du parc nucléaire historique. La dynamique du marché en résultant permettra la disparition des tarifs réglementés pour les grands clients en 2015, et la concurrence fera émerger des offres innovantes, en particulier en ce qui concerne l'amélioration de la gestion de la demande d'électricité ». En effet, « La libéralisation complète du marché de la fourniture d'électricité au 1er juillet 2007 n'a pas remis en cause l'existence des tarifs

    réglementés. En effet, l'article 3.2 de la directive électricité du 26 juin 2003 reconnaît aux États la possibilité d'imposer des obligations de service public aux fournisseurs d'électricité, pouvant notamment prendre la forme d'une réglementation des prix de vente au consommateur. »70 Or comme il a déjà été évoqué, les prix trop bas pratiqués par EDF du fait de la réglementation ne permettent pas de concurrencer cette ancienne entreprise monopolistique.

    Ce qu'il est donc préconisé c'est de remplacer les tarifs réglementés faisant barrière à l'introduction du marché, par une possibilité ouverte aux producteurs de s'approvisionner auprès d'EDF pour compléter leur production mais à des coûts accessibles. De ce fait leur production sera moins chère du fait du rachat à un prix moins élevé et il sera moins difficile économiquement d'assurer la production car ils pourront compléter la leur à un prix moindre. Cela devrait donc avoir pour conséquence de mieux équilibrer le marché. Il est donc conseillé d'aider les nouveaux producteurs que sont notamment les producteurs d'énergies renouvelables.

    Dans sa décision n° 07-D-43, l'autorité de la concurrence a suivi le rapport instaurant au profit des fournisseurs concurrents, une possibilité d'achat de l'énergie nucléaire au prix de détail pour les petits fournisseurs concurrents. « Pour mieux éviter ce paradoxe qui consiste à lier ouverture effective des marchés et hausse des prix, le Conseil de la concurrence s'est engagé dans une autre voie. Il entend faire échapper les concurrents d'EDF à un « effet de ciseau » sur certaines offres du marché de détail, et cela par la baisse des prix de gros. »71

    Dans cette situation de blocage, ce rapport fait donc paraître la nécessité de l'intervention publique en aide aux nouveaux producteurs pour pallier aux carences. Cette situation de monopole du fait de qualités techniques et nucléaires suffisantes ne pouvait être débloquée seule.

    Et de même, le fait de permettre l'accès au nucléaire au prix du marché est dans l'intention de permettre l'émergence « d'offres innovantes ». Ce rapport préconise donc une alternative au nucléaire. En permettant l'accès moins cher à la production de nucléaire, cela permet aux producteurs de compléter leur offre parfois insuffisante pour le marché et de ce fait en palliant à leur carence, ils deviennent enfin des concurrents viables sur le marché. Des prix trop haut et une insuffisante de production par rapport au nucléaire étant les principaux facteurs empêchant leur émergence.

    70 Avis de l'autorité de la concurrence n°09-A-43 du 27 juillet 2009 relatif à un projet de décret concernant les tarifs réglementés de l'électricité.

    71 Martine Lombard « L'État face à l'ouverture des marché de l'électricité et du gaz: un pompier pyromane? » RJEP n°646 octobre 2007 repère 3

    24

    Puisqu'elles ne peuvent émerger toute seule et que la concurrence par le nucléaire n'est pas possible, du fait de capacités techniques et économiques supérieures, l'alternative qui voit alors le jour est donc entre autres celle de favoriser l'émergence de d'autres opérateurs et notamment ceux utilisant les énergies renouvelables puisqu'il est difficile de concurrencer le nucléaire par le nucléaire.

    Des difficultés techniques ont donc appuyé le monopole d'EDF et notamment du nucléaire. Il semble dès lors que la meilleur façon de permettre un marché concurrentiel soit l'aide à une autre forme d'énergie. L'insuffisance de l'ouverture à la concurrence s'explique également par un certain choix du gouvernement. Cette ouverture à la concurrence qui a été fortement influencée par le droit communautaire, ne va donc pas fonctionner sans l'aide de la puissance publique. Cette intervention dans le secteur de l'énergie est historique et il semble qu'elle tende à pallier les insuffisances du marché qui seul ne peut s'équilibrer.

    La reconnaissance d'une forme de service public de l'électricité par le droit communautaire a été majeure car c'est pas ce biais que la puissance publique va pouvoir poursuivre son action et promouvoir les énergies renouvelables. Elle va pouvoir proposer ce qui semble être une alternative au nucléaire et peut-être un moyen de véritablement ouvrir à la concurrence ce secteur.

    PARTIE II:

    LES REPERCUSSIONS DE LA PRESENCE DES ENERGIES RENOUVELABLES PROMUES PAR LA PUISSANCE PUBLIQUE SUR LE MARCHE

    L'essor des énergies renouvelables s'est faite par le biais d'une émergence encadrée par la puissance publique (chapitre 1). De ce fait, cela conduit à s'interroger également sur le nouveau modèle de service public, car en contribuant à l'émergence des énergies renouvelables dans le secteur de l'électricité, elle a en même temps démontré que ces nécessités devenaient inhérentes au service public de l'énergie. Cette promotion des énergies renouvelables va provoquer un mouvement de libéralisation qui va également influer sur la notion de servie public. Elle paraissent désormais intégrées dans la conception de service public de l'énergie (chapitre 2).

    Chapitre 1:

    L'émergence encadrée par la puissance publique des énergies
    renouvelables

    Cette émergence va se faire notamment par le biais de la politique de rachat de l'énergie (I), mais également par d'autres moyens tel que les programmes d'ouverture du marché et par les clefs juridiques mise à la disposition des collectivités territoriales (II). Ces exemples de mise en oeuvre de la politique publique en faveur de la promotion des énergies renouvelables ne propose pas une liste exhaustive car les moyens sont

    25

    multiples. Mais elle a l'avantage de présenter les principaux moyens utilisés dans divers domaines. Ceci démontre le caractère éclectique des instruments mis en place et la manière dont la politique publique apporte son soutien, après avoir vu les raisons qui l'ont poussé à l'intervention.

    I-La politique de rachat de l'énergie, facteur de réussite

    Ce rachat de l'énergie est un exemple typique de la politique publique en faveur des énergies renouvelables. Elle s'illustre comme un moyen de rééquilibrer le marché (A), et lorsque le gouvernement va se désengager, cela va démontrer la nécessaire intervention de la puissance publique pour une libre et égale concurrence (B).

    A-Le rachat de l'énergie des producteurs d'énergies renouvelables, un moyen de rééquilibrer le marché

    Progressivement, il semble que la réglementation favorable à l'énergie renouvelable se soit développée.

    Le gouvernement a réagit dès 2000 en mettant en place une politique de rachat de l'électricité. L'article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, a en effet mis en place une obligation de rachat de l'électricité par EDF ou les Distributeurs Non Nationalisés. Cette obligation touche « des installations qui valorisent des déchets ménagers ou assimilés, des installations qui visent l'alimentation d'un réseau de chaleur, des installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables ou l'énergie mécanique du vent, des installations qui mettent en oeuvre des techniques performantes en termes d'efficacité énergétique, des installations qui utilisent l'énergie marine, l'énergie solaire thermique ou l'énergie géothermique ou hydrothermique, des moulins à vent ou à eaux réhabilités pour la production d'électricité, ou encore, dans les départements d'outremer, des installations électriques qui produisent de l'électricité à partir de la

    biomasse »72. Ainsi donc est apparu cette possibilité de rachat qui a contribué à l'époque à l'essor des énergies renouvelables. Par ce biais, les énergies propres disposaient d'une valorisation, en permettant leur développement. En effet, en obligeant leur rachat, la politique publique encourageait à préférer ces énergies.

    Ce rachat de l'énergie a été rendu possible notamment par la directive 2001/77/CE73 qui indique que « la nécessité d'une aide publique en faveur des sources d'énergie renouvelables est admise dans l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement ». Le Conseil d'État avait été saisi en ce sens en 200374 où il avait estimé que « la charge financière de l'obligation d'achat dont bénéficient les installations utilisant l'énergie mécanique du vent [étant] (...) répartie entre un certain nombre d'entreprises, sans que des ressources publiques contribuent, directement ou indirectement, au financement de l'aide ». Pour cela, il s'était appuyé entre-autres sur la décision « PreussenElektra » rendue par la Cour de Justice des Communautés

    72 Cité par l'article L314-1 du Code de l'Énergie

    73 Directive 2001/77/CE du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité

    74 CE décision n°237466 du 21 mai 2003

    26

    Européennes75 qui indique que seules les ressources provenant directement ou indirectement des ressources de l'Etat sont constitutives d'aides d'État. Claudie Boiteau soulève à propos de cet arrêt de 2003 que le Conseil d'État a conclu que « l'avantage accordé ne provenait pas de ressources d'État tout en ignorant toutefois que le principal contributeur au fonds était alors une entreprise publique détenue par l'Etat »76. C'est-à-dire EDF. C'était donc possible de le discuter.

    Mais depuis la situation a évolué et les surcoûts imposés à Électricité de France et aux Distributeurs Non Nationalisés dans le rachat de l'énergie font depuis la loi du 3 janvier 200377 « l'objet d'une compensation intégrale non plus par un fonds du service public de la production d'électricité alimenté par des contributions dues par les producteurs, fournisseurs et distributeurs mentionnés dans la loi mais par des contributions dues par les consommateurs finals d'électricité installés sur le territoire national, dont le

    montant est calculé, dans la limite d'un plafond, au prorata de la quantité d'électricité consommée et arrêté par le ministre chargé de l'énergie sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie78 ». Le financement ne vient en effet plus de producteurs fournisseurs et distributeurs mais directement des consommateurs au moyen de la Contribution au Service Public de l'électricité »(CSPE). Le juge a donc été saisi et cela a donné lieu à un arrêt rendu par le Conseil d'État « Association vent de colère ». La haute juridiction a reconnu que cela pouvait être constitutif d'une intervention de l'Etat, elle a donc dû sursoir à statuer afin de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés Européennes: « Ce mécanisme doit-il désormais être regardé comme une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'État au sens et pour l'application des stipulations de l'article 87 du traité instituant la Communauté Européennes »79. L'article 87 est celui qui interdit les aides d'État. La question reste donc pour le moment en suspens.

    Afin de promouvoir les énergies renouvelables, l'État s'est donc engagé dans une politique d'obligation de rachat des énergies renouvelables. Il a donc voulu son essor en allant jusqu'aux confins de l'aide illégale d'État. Cela montre l'impact des aides sur la concurrence et le fait que cela puisse concurrencer EDF, mais pose le problème de l'origine publique des fonds.

    Cette aide aux énergies renouvelables qui va s'amenuiser par la suite, s'explique par la volonté de répondre aux nouvelles préoccupations environnementales et aux objectifs fixés. Néanmoins, il s'agit d'aider une forme d'énergie au détriment d'une autre, et c'est ce qui peut être constitutif d'une aide illégale mais cela va avoir des effets. En effet, comme il a été abordé plus tôt, la libéralisation a été insuffisante du fait notamment de la position d'EDF qui avait des moyens techniques lui permettant d'être en position dominante, mais aussi du fait du choix du gouvernement qui n'a pas vraiment aidé cette libéralisation. Le seul moyen qu'il y ait une vraie concurrence était donc de rééquilibrer les déséquilibres en apportant plus de soutien aux autres producteurs qui étaient défavorisés, notamment ceux des énergies renouvelables. Pour pallier au moyens techniques, le rachat de l'énergie était une bonne alternative. Avant cela, les producteurs de nouvelles énergies étaient souvent exclus parce qu'il étaient moins intéressant financièrement. En obligeant le rachat de l'énergie, cela leur permettait de réduire cette

    75 CJCE 13 mars 2001 « Preussen Elektra »

    76 Claudie Boiteau « le prix controversé du rachat de l'énergie éolienne où l'énergie renouvelable à quel prix? » AJDA 2009 p2105

    77 Loi n°2003-8 du 3 janvier 2003 relative au marché du gaz et de l'électricité et au service public de l'energie

    78 CE «Association vent de colère» 15 mai 2012

    79 Idem

    27

    inégalité. En se donnant comme objectif la protection de l'environnement, le gouvernement a donc permis dans le même temps de consolider un concurrent sérieux à EDF, et donc au nucléaire puisque c'est sa principale activité. Il y avait difficilement d'autres alternatives puisque comme il l'a été abordé, concurrencer le nucléaire par le nucléaire était quasiment impossible.

    Cet effet des énergies renouvelables sur le marché peut également s'apprécier en négatif en observant les effets néfastes sur le marché de la baisse du soutien aux énergies renouvelables par le gouvernement.

    B- Le désengagement de l'Etat dans le rachat de l'énergie renouvelable: la preuve de la nécessaire intervention publique

    Alors que la loi Grenelle II a établi toute une série de dispositions en faveur de ces énergies, la réglementation a par ailleurs fait marche arrière en ce qui concerne le rachat de l'énergie pour les panneaux photovoltaïques. Cela pouvait donc porter directement préjudice à la filière des énergies renouvelables. Un nouvel arrêté tarifaire a été signé le 12 janvier 2010 qui a limité les tarifs d'achat de l'électricité. Il restait donc à mettre en place des dispositions transitoires, qui après quelques hésitations, furent établies par un communiqué de presse.

    Celui-ci ne suffisant pas, le communiqué du 17 février 2010, acheva d'éclaircir la situation. « Dans ce nouveau communiqué, le ministre de l'écologie faisait état de graves conséquences financières induites par la « bulle spéculative » sur la facture d'électricité des consommateurs et annonçait les conditions dans lesquelles le pouvoir réglementaire envisageait, d'une part, de circonscrire le champs des installations bénéficiant des anciens tarifs, mais également durcir pour l'avenir, les conditions d'éligibilité à la prime d'intégration au bâti »80 Cette bulle était due au profit que faisait les producteurs en profitant du rachat avantageux de l'énergie renouvelable. Pour y faire face le pouvoir réglementaire a mis en place en prenant une disposition transitoire en mars 2010.

    L'arrêté du 16 mars 2010 a défini les catégories d'installations pouvant bénéficier de l'ancien tarif plus avantageux, de ce fait, il définissait par le même temps, les

    installations qui n'étaient plus éligibles au rachat de l'électricité. Et cela « illustre toute l'ambiguïté »81. Rien n'est affirmé clairement et cela laisse même supposer que les effets de l'arrêté du 16 mars 2010 pouvaient être prolongés. Alors que ce n'était pas la lecture qu'il fallait faire de cet arrêté.

    L'intervention du législateur en mai 2010 a permis au gouvernement de faire face à la « bulle spéculative ». Désormais les contrats de rachat d'électricité sont des contrats administratifs et elles n'engagent les parties qu'à compter de leur signature. Cela contribue à durcir le régime et ceci n'est pas favorable à la promotion des énergies renouvelables. En effet, le constructeur est dans une situation de doute et d'instabilité qui ne l'amènera pas à choisir ces énergies. Finalement, un nouvel arrêté tarifaire du 31 août 2010 a entraîné une baisse anticipé des tarifs, ce qui s'est poursuivi par la suite.

    Il semble donc que la réglementation deviennent hostile au rachat de l'électricité, alors que ce dispositif avait pour effet de promouvoir les énergies renouvelables. Cette baisse

    80 Antoine Carpentier « Tarifs d'achat de électricité d'origine solaire: 2010, l'année de la transition » semaine juridique administration et collectivités territoriales n°43

    81 Idem précité

    28

    du rachat s'explique par le souci d'empêcher une hausse trop importante de la facture du consommateur.

    « Ce qui pourrait apparaître comme une bonne nouvelle au regard des engagements « verts » souscrits par l'État dans le cade du Grenelle de l'environnement, se révèle en définitive une mini catastrophe économique. L'explosion de la production d'énergie électrique par des installations photovoltaïques se répercute en effet automatiquement sur la facture d'électricité des consommateurs d'électricité, via la contribution au service public de l'électricité (CSPE) »82 . En effet, si il est pris l'exemple des installations photovoltaïques, le coût du rachat de l'énergie était tel qu'il se reportait sur la facture du citoyen. C'est pourquoi la réglementation a pris ces mesures visant à limiter ce développement.

    Néanmoins, cela laisse paraître toute l'ambiguïté de la situation alors que la réglementation jusque ici était en faveur d'une promotion de ces énergies, elle fait finalement marche arrière, en proposant ce rachat de manière beaucoup plus « timide » et donc peut-être moins efficace pour favoriser ces énergies.

    La solution de la CSPE pour permettre l'essor des énergies renouvelables n'était donc pas la bonne. En voulant rééquilibrer la situation, le gouvernement a fait peser la différence sur la facture du consommateur. Cependant, en revenant en arrière cela a déséquilibré le marché à nouveau car les producteurs qui avaient déjà investi se trouvent dans une situation précaire et ceux qui n'ont pas investi hésitent à le faire.

    De ce fait, il est constaté à nouveau une baisse de la production des énergies renouvelables. Ce qui ne contribue pas à permettre une alternative efficace au nucléaire.

    Ainsi donc, l'intervention de la puissance publique en permettant le rachat des énergies renouvelables, avait contribué à l'essor de ces énergies et à la concurrence dans le domaine de électricité. Mais depuis l'Etat semble s'être désengagé ce qui montre l'impact de l'intervention de la puissance publique sur le marché. Sans son aide, il a tendance à se déséquilibrer à nouveau.

    II-Les autres instruments mis en place par la puissance publique pour l'essor des énergies renouvelables

    Ce soutien de la puissance publique aux énergies renouvelables s'est également illustré par des programmes d'ouverture de marché procédant à des appels d'offre (A), mais également par les possibilités offertes aux collectivités de contribuer à l'essor des énergies renouvelables (B).

    A- Les programmes d'ouverture du marché par l'appel d'offre

    En alternative à la procédure d'autorisation qui est la plus commune, il subsiste l'appel d'offres. Les pays de l'Union Européenne ont eu la faculté de choix entre l'autorisation et l'appel d'offre pour l'attribution des marchés d'électricité. Comme il a été déjà évoqué, la France comme beaucoup de pays européens ont choisi l'autorisation. Pourtant le gouvernement n'a pas laissé tout à fait de côté l'appel d'offre et il l'a finalement utilisé pour promouvoir les énergies renouvelables.

    82 Rozen Noguellou « Le Photovoltaïque: l'Etat pris dans ses contradictions » revue droit administratif Octobre 2010 N°10

    29

    Dans ce cadre de l'appel d'offre des programmes spéciaux ont été mis en oeuvre un peu avant 200083. C'est le cas des programmes « biomasse électricité » et le programme d'action « Eole 2005 ».

    Le programme d'action Eole 2005 a été institué en 1996 par le ministre de l'industrie de l'époque. L'objectif était de promouvoir les éoliennes afin de permettre à ce marché d'être suffisamment viable. Les objectifs étaient fixés jusqu'en 2005 afin de passer de 4 Mw de production d'électricité par le parc Éolien en 1996 à 250 voir 500 Mw en 2005. Si les projets étaient retenus lors de l'appel d'offre, ils se voyaient certifiés de voir leur production d'électricité rachetée pendant une quinzaine d'année84.

    Mais ce rachat était à un prix très faible eu égard aux coûts de productions et cela ne permettait pas aux installations d'être rentables. Cela n'a donc pas eu l'effet escompté. Malgré ce résultat en demi-teinte, il est intéressant d'observer la volonté de la puissance publique par l'appel d'offre de hisser le marché des éoliennes afin qu'il puisse devenir concurrentiel.

    Ce n'est pas le seul programme d'action et il est aussi possible de citer pour autre exemple, le programme biomasse électricité. Instauré en 1998, cette fois-ci encore par le ministre de l'industrie mais avec la coopération du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Cela fonctionne sur le même modèle que Eole 2005 mais cela concerne l'énergie produite par Biomasse85. Cette énergie est obtenue par la combustion de déchets et de résidus de matière organique végétales ou animales86. Elle est donc renouvelable quand elle ne tire pas sur les ressources et qu'elle n'est pas surexploitée.

    C'est donc encore une fois une promotion des énergies renouvelables. Une fois choisi, les producteurs ont la certitude de voir leur électricité rachetée pendant dix année. Ces deux programmes spéciaux sont des illustrations de la tentative de la puissance publique de promouvoir l'essor de ces énergies même si cela n'a pas complètement fonctionné.

    Cela a été remplacé par une procédure plus large qui est celle de l'appel d'offre à toutes énergies renouvelables.

    Cette procédure visant à favoriser le recours aux énergies renouvelable,s en obligeant EDF à l'issue de la procédure d'appel d'offre à passer un contrat avec l'entreprise, a été instituée par la loi de 200087 .

    Selon Laurent Richet88 « La loi définit à l'article 8 une relation triangulaire entre l'État, le producteur et EDF ou les DNN. ». Ce contrat passé l'est en effet par impulsion du gouvernement, ce n'est pas simplement une relation entre EDF et les producteurs. Cela montre l'interventionnisme de l'Etat.

    La décision de recourir à cet appel d'offres est prise par le ministre. Elle doit faire l'objet d'un avis du gestionnaire du réseau de transport (GRT) qui devra se prononcer sur le fait que le réseau ait un réel besoin de cette production. Cette procédure est pendant tout son déroulement sous le contrôle de la CRE.

    83 Les programmes « Eoles » et « Biomasses » ont été cités comme « programmes d'ouverture du marché par Laeticia Grammatico dans sa thèse « Les moyens juridiques du développement énergétique dans le respect de l'environnement en droit français (recherches sur le droit du développement durable). Thèse de 2003 Université Montpellier I.

    84 Idem précité

    85 idem

    86 Selon la fiche EDF sur la Biomasse sur le site « EDF énergie »

    87 Loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité

    88 Commentaire de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité

    « Dans le cas où cette entreprise est EDF lui-même, le législateur n'a pas osé utiliser le terme « contrat », qui désigne en principe un accord entre deux personnes morales distinctes, mais il a prévu l'obligation de conclure un « protocole de cession » qui n'est rien d'autre qu'un contrat d'EDF avec lui-même, ce qui n'a rien de théoriquement inconcevable dès lors que la loi le prévoit »89 Cela montre bien que ce contrat ne sera pas conclu « naturellement » mais il aura lieu avec l'intervention de l'Etat, de ce fait EDF est liée par cette disposition légale, il n'a à aucun moment le choix de conclure ou non.

    Ce dispositif a été mis en place notamment pour les éoliennes offshore c'est-à-dire en mer.

    « Le gouvernement lancera à partir du mois d'octobre 2010 une première série d'appels d'offres visant l'implantation de 3 000 MW dans les zones identifiées comme propices à l'issue de la démarche de planification et de concertation menée ces derniers mois. Les projets seront sélectionnés au troisième trimestre 2011 sur la base du prix d'achat de l'électricité proposé et du délai de mise en service des installations »90.

    C'est donc encore une intervention de la puissance publique pour promouvoir les énergies renouvelables et plus particulièrement les éoliennes.

    Selon Arnaud Gossement « L'implantation en mer des éoliennes est peut-être une des solutions énergétiques de demain, mais le chemin est semé d'embûches »91. Pour arriver à cette conclusion, il s'appuie sur les conséquences de l'appel d'offre. Elle n'aurait permis finalement que de de sélectionner qu'un seul projet. « Le développeur du parc avait prévu en plus de ses obligations réglementaires, l'installation de récifs artificiels pour favoriser le renouvellement des poissons, et d'aider les pêcheurs à passer aux biocarburants. Le préfet a refusé d'instruire le dossier de demande d'occupation du DPM, le terrain étant - littéralement - « miné ». Un nouveau projet, moins ambitieux, a donc été déposé. Ce fâcheux contretemps illustre les difficultés de l'éolien offshore en France. »

    Cet appel d'offre qui paraît un bon moyen de permettre de développer les éoliennes en mer ne serait donc peut être pas efficient. Néanmoins, il démontre cet intérêt de la puissance publique pour les éoliennes en haute mer. Sans son intervention, leur essor serait très difficile.

    Actuellement, selon la commission de la régulation de l'énergie, trois appel d'offres sont en cours92. La première porte sur des « installations éoliennes de production

    d'électricité en mer en France métropolitaine » dont la date de réponse sera le 29 novembre 2013. Une deuxième portant sur « des installations photovoltaïques sur bâtiment de puissance crête comprise entre 100 et 250 kW » dont l'échéance est fixée au 31 octobre 2013. Et enfin une troisième relatif à « la réalisation et l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de l'énergie solaire d'une puissance supérieure à 250 kWc » (date de réponse 16 septembre 2013).

    C'est donc toujours une technique d'actualité, cela montre que l'intervention de la puissance publique est toujours présente.

    89 Idem précité

    90 Communiqué de presse du ministère du Développement durable du 5 mai 2010 relatif au programme de développement de l'éolien en mer précise

    91 Arnaud Gossement « Les éoliennes au lendemain du Grenelle 2 : des objectifs ambitieux, des moyens compliqués » AJ Collectivités territoriales 2010 p. 8

    92 Source site de la Commission de la Régulation de l'Energie ( www.cre.fr)

    30

    31

    Les programmes d'actions utilisant l'appel d'offre se sont donc illustrés comme un moyen de faciliter l'accès des énergies renouvelables en les choisissant directement et en leur donnant la possibilité de se développer en leur assurant un financement.

    Dans ce cas là, c'est bien le gouvernement qui pèse afin de contribuer à leur promotion.

    Ce n'est pas le seul moyen utilisé et des instruments ont été également mis dans les mains des acteurs locaux.

    B- Des instruments mis au service des collectivités pour contribuer à l'essor des énergies renouvelables

    Des clés juridiques ont également été mises à la disposition des collectivités locales pour participer à la valorisation de ces énergies renouvelables.

    Les collectivités locales mais également les établissements publics de coopération intercommunale ont eu par exemple, la possibilité de mettre à disposition leur domaine public pour l'installation de panneaux photovoltaïques. Pour Sylvain Dalle-Crode93: « dès lors qu'existe une volonté ferme de la collectivité, la faisabilité juridique de l'opération ne pose pas en tant que telle de problèmes particuliers puisque les outils juridiques sont en nombre suffisant pour concrétiser un tel projet». En effet, un exemple peut être donné avec le bail emphytéotique administratif et l'autorisation d'occuper le domaine public constitutif de droit réels, prévus à l'article l2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Ces montages sont favorables tant aux personnes publiques qui peuvent valoriser leur patrimoine, qu'aux entrepreneurs qui par le biais de ces droits réels ont l'assurance d'une sécurité juridique concernant cette occupation. Et dans le même temps, mettant en relation ces deux acteurs, cela favorise le développement des énergies renouvelables. Ainsi donc, les collectivités ont les moyens de mener une politique en faveur du développement de ces énergies.

    Avec la loi Grenelle II de 2010, les énergies renouvelables font également désormais l'objet d'une planification avec la création du Schéma Régional du Climat, de l'Air et de l'Energie (SRCAE). Cet instrument de planification, déjà utilisé en matière d'éolien avec la ZDE (Zone de Développement de l'Eolien) étend davantage son champs d'application en comprenant toutes les énergies renouvelables. La ZDE avait été instauré par la loi POPE de 2005 et elle devait permettre les participations des communes à « une forme de production décentralisée d'énergie »94 Néanmoins il est à noter que la ZDE faisant l'objet « d'un contentieux trop important 95», elle a été supprimée par la Loi Brottes sur la transition énergétique adoptée le 11 mars 2013. Les autorisations devront tenir compte désormais « des parties du territoire régional favorables au développement de l'énergie éolienne définies par le schéma régional éolien ».

    Le SRCAE devra préciser par zone géographique des objectifs qualitatifs et quantitatifs « à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération, conformément aux objectifs communautaires »96. Cela insuffle donc une dynamique portant vers une valorisation croissante des énergies. En fixant des

    93 Sylvain Dalle-Croze Études sur « collectivités locales et panneau photovoltaïque: les clefs juridiques de la mise à disposition (et la valorisation) du domaine public » semaine juridique administration et collectivités territoriales du 12 octobre 2009

    94 Circ. 19 juin 2006 relative à la création des zones de développement de l'éolien terrestre

    95 Marie-Christine de Montecler « Adoption définitive de la proposition de loi Brottes sur la transition énergétique » AJDA 2013 p. 550

    96 Idem précité note 90 circulaire du 19 juin 2006

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    seuils qualitatifs et quantitatifs, cela pousse à ne pas aller vers un objectif flou mais pragmatique, ce qui permet un développement concret de ces énergies.

    Également a été mis en place, le schéma de raccordement au réseau des énergies renouvelables. Il prend en compte les ouvrages qui doivent être créés ou dont la structure doit être modifiée pour mieux fonctionner. Cela signifie qu'un plan de financement est par le même biais mis en place. Il semble donc que la politique qui découle de ces réglementations soit celle d'une planification de ces énergies, en contribuant de ce fait à les promouvoir.

    Également, toujours au niveau du droit de l'urbanisme, des modifications ont eu lieu afin de mieux prendre en compte ces nouvelles énergies. Ainsi la production d'énergie est élevée au rang « d'objectif de développement durable »97. Cela signifie que les énergies renouvelables vont être intégrées aux documents de planification du sol, comme l'est le développement durable. Ainsi, il est prévu que les règles relatives au gabarit et à la densité d'occupation des sols qui sont contenues dans le plan local d'urbanisme, puisse faire l'objet d'un dépassement lorsque l'immeuble est équipé en énergie renouvelable. En outre, « des dispositions locales d'urbanismes ne pourront (...) pas s'opposer à l'installation de dispositifs favorisant la production d'énergie renouvelable correspondant au besoin de la population domestique de l'immeuble ou de la partie d'immeuble concernée. ». Ainsi par la loi Grenelle II, la réglementation semble avoir donné à la politique environnementale, une « toute-puissance » permettant de contrer les règles du droit de l'urbanisme, afin qu'elles ne nuisent pas à son efficacité. Ceci néanmoins, a été fait dans un souci de ne pas outrepasser certaines limites, il en est ainsi des secteurs protégés ou déterminés par délibération du conseil municipal, ces règles d'urbanisme peuvent donc reprendre le dessus.

    Ces lois Grenelle I de programmation et Grenelle II dans sa suite, ont donc eu un fort impact en droit de l'urbanisme sur les instruments permettant de promouvoir les énergies renouvelables.

    Cela s'est prolongé avec la loi Brottes98, toute récente, qui prévoit l'abrogation de la règle des « cinq mâts » qui imposait des unités de production avec 5 générateurs minimums99 ce qui avait pour effet de limiter l'utilisation des éoliennes.

    Le contrat public est également devenu un nouveau vecteur de la promotion des énergies renouvelables.

    « Le contrat public et plus spécialement le marché public permet aux collectivités d'orienter l'achat public dans le sens d'une économie d'énergie, quand le contrat n'a pas pour objet direct la réalisation d'un diagnostic énergétique d'une installation

    publique »100. Le Code des marchés publics comme le droit communautaire permet cette prise en compte.

    La directive du 31 mars 2004101 permet de ce fait de prendre en compte les avantages environnementaux. Ceci confirme l'arrêt rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes en 2002 « Concordia Bus Finlande OY B contre Helsingin Kaupunki,

    97 Jocelyn Duval « Grenelle II, un traitement ambivalent des énergies renouvelables » Octobre 2010 JCP A n°29 P31

    98 Loi Brottes adopté le 11 mars 2013

    99 Précité note 91 M.C de Montecler

    100 Fabien Tesson «Vers un droit public de l'économie d'énergie ?

    Les collectivités territoriales face à leurs nouvelles obligations» AJDA 2012 p. 2256

    101 Directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, considérant 5

    33

    HKL-Bussiliikenne102 « .

    Pour l'attribution d'un marché public la collectivité peut ainsi prendre en compte « la fourniture d'électricité produite à partir de sources d'énergies renouvelables » comme l'indique un arrêt rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes le 4 décembre 2003 103 .

    Des instruments ont donc été mis au service des collectivités afin de permettre le développement des énergies renouvelables, mais également pour empêcher que les collectivités portent atteinte à leur production. Leur champs est large: urbanisme, marché public, mise à disposition du domaine public.

    Les collectivités deviennent de nouveaux acteurs de l'essor de ces énergies.

    Ces instruments, comme ceux qui ont été déjà évoqués, même s'il ne sont pas toujours efficaces permettent un rééquilibrage du marché en favorisant les énergies renouvelables au détriment du nucléaire. Elle ont donc forcément un impact sur la concurrence. Cela permet une alternative viable.

    Si l'intervention publique se fait en faveur des énergies renouvelables, la finalité première semble pourtant de prendre en compte les impératifs de protection de l'environnement qui ont été posés progressivement et renforcé par la loi grenelle II. Si la puissance publique intervient c'est qu'elle le fait au nom de l'intérêt général . Ce qui laisse à penser que ces impératifs sont désormais intégrés à la notion de service public et plus particulièrement de service public de l'électricité.

    Chapitre 2:

    Les conséquences de la promotion des énergies renouvelables par la

    puissance publique

    La promotion des énergies renouvelables en plus de répondre à la satisfaction de la protection de l'environnement qui relève de problématiques très contemporaines, a eu des effets sur la concurrence (I).

    L'intervention de la puissance publique est également la marque de l'intérêt général que revêt cette activité. Aussi l'intervention pour la promotion des énergies renouvelables n'a pas été anodine, cela a permis d'intégrer à la notion de service public de l'électricité, les impératifs relevant de la protection de l'environnement et plus particulièrement des énergies renouvelables (II).

    I: Les effets du soutien de la puissance publique aux énergies renouvelables sur la concurrence

    Cette promotion des énergies renouvelables par la puissance publique va se solder par un effet sur la concurrence, influant évidemment sur le monopole en permettant une

    102 CJCE 17 sept. 2002, Concordia Bus Finland Oy AB, anciennement Stagecoach Finland Oy Ab c/ Helsingin Kaupunki, HKL-Bussiliikenne, aff. C-513/99

    103 CJCE 4 déc. 2003, EVN AG c/ Autriche, aff. C-448/01

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    alternative (A), mais également en permettant une libéralisation qui passera par une régulation et une application du droit de la concurrence mais sous forme de réglementation (B).

    A- La fin du monopole par une alternative au nucléaire

    Du fait des différents facteurs soulevés, l'entreprise EDF était quasiment seule sur le marché.

    « La position de monopole caractérise nécessairement et de ce seul fait une position dominante puisqu'alors l'entreprise détient la totalité ou la quasi totalité, des parts du marché où elle n'est, de ce fait, soumise à aucune concurrence, et qu'ainsi elle réalise une concentration absolue de la puissance publique »104.

    Ce monopole peut naître de circonstances de « pur fait, soit à la faveur de dispositions légales, réglementaires ou contractuelles »105.

    En l'espèce, il s'agit donc d'une situation de monopole dans laquelle était EDF, puisqu'elle détenait la plupart des parts du marché.

    Il est possible de penser que cela tenait tant aux circonstances de fait, dues notamment, aux moyens techniques dont l'entreprise disposait mais également par les dispositions réglementaires, notamment la réglementation des prix qui la poussait à proposer des prix plus bas que ses concurrents. Or un moyen efficace pour sortir d'un monopole est qu'il y ait d'autres entreprises sur le marché qui puissent entrer en concurrence.

    Pour Sophie Nicinsky106 « Il n'est pas nécessaire d'être un juriste parfaitement connaisseur du droit de l'énergie pour constater les effets paradoxaux de l'ouverture à la concurrence du secteur de l'électricité. La volonté de réaliser un véritable marché intérieur au sein de l'Union, et plus particulièrement un marché intérieur de l'énergie, est le fil conducteur de la législation européenne en la matière depuis 1996. L'introduction d'une concurrence en lieu et place d'anciens monopoles verticalement intégrés, dits historiques, est censée relancer la compétitivité économique européenne, en même temps que profiter aux consommateurs par le biais d'une concurrence tarifaire et d'une offre de prestations élargie. »

    L'ouverture à la concurrence suppose donc une offre de prestation élargie afin de réaliser un véritable marché intérieur, il est en effet difficile qu'il y ait concurrence s'il n'y a qu'un seul opérateur. La libéralisation ayant pour objet de mettre en place la concurrence ne peut dès lors s'effectuer.

    Le nucléaire étant principalement détenu par EDF, il est extrêmement difficile de la concurrencer en utilisant la même forme d'énergie, donc l'alternative au nucléaire passe par une autre forme d'énergie. Cela coïncide avec le déploiement des énergies renouvelables du fait notamment des préoccupations environnementales de plus en plus présentes.

    Or l'action de la puissance publique a été justement en faveur de la promotion des énergies renouvelables. Cela a donc permis un plus grand choix de prestation. En

    104 M.C Boutard Labarde, G. Canivet, E. Claudel, V Michel-Amsellem, J.Vialens « L'application en France du droit des pratiques anticoncurrentielles »éditions LGDJ

    105 Idem

    106 Sophie Nicincky « la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité »Revue juridique de l'économie publique n° 684, Mars 2011, étude 2

    35

    proposant les énergies renouvelables et en rendant effectif leur utilisation dans la production, le nucléaire utilisé par EDF n'est plus la seule solution proposée dans l'approvisionnement en énergie. Il y a donc là véritablement ouverture à la concurrence car avant cela il n'y avait pas véritablement concurrence. Même si l'ouverture est encore difficile, cela a permis un commencement de libéralisation par le commencement d'une fin de monopole là où la déréglementation du nucléaire avait échoué.

    L'alternative était donc nécessaire afin de tenter de mettre fin aux monopoles et elle a pu être rendue efficiente par l'intervention de la puissance publique. Cette intervention a eu un impact plus large sur le marché concurrentiel et pas simplement sur la fin du monopole.

    B- La régulation et la concurrence par la réglementation en faveur des énergies renouvelables aboutissant à une forme de libéralisation

    L'objectif de l'Union Européenne est un un marché concurrentiel comme en témoigne le considérant 8 de la directive 96/92 qui indique « que, dans le marché intérieur, les entreprises du secteur de l'électricité doivent pouvoir agir, sans préjudice du respect des obligations de service public, dans la perspective d'un marché de l'électricité qui soit concurrentiel et compétitif ».

    Et la suppression de formalité peut passer par la déréglementation afin de créer un marché libre.

    La déréglementation dans son acception générale est en effet « l'action de soustraire une matière à l'empire du droit public en la rendant à la liberté des conventions et à la loi du marché, allègement du réseau contraignant qui enserre une activité, désigne aussi la politique qui, inspirant cette tendance, traduit un retour relatif au libéralisme économique et un recul corrélatif de l'interventionnisme public (spectre du

    dirigisme)107 »

    Afin d'atteindre un marché concurrentiel, il faudrait donc déréglementer.

    Cette définition montre également le lien entre libéralisation et déréglementation.

    La libéralisation est une « tendance législative à rendre plus libéral un système de droit, à admettre ou à permettre plus largement un comportement, une action, notamment par ouverture de nouveaux cas ou suppression de formalités108. Son but est d'atteindre un marché concurrentiel, cela dessert donc l'objectif de l'Union Européenne. La libéralisation en règle générale passe donc par une déréglementation. Ce que confirme Marianne Laigneau à propos du marché de l'électricité.

    Selon elle, « Dans l'esprit des rédacteurs des directives de 1996 et 2003 relatives à l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence, la libéralisation, fondée sur le principe du libre choix de leur fournisseur par les consommateurs devait nécessairement s'accompagner de la disparition de toute forme de réglementation des prix de l'électricité à l'aval. 109. »

    Et cette déréglementation n'est pas seulement celle du prix.

    Afin d'atteindre un marché concurrentiel par la libéralisation, il faudrait donc déréglementer.

    107 Gérard Cornu « vocabulaire juridique » 2003 quatrième édition définition sous déréglementation

    108 Idem définition sous libéralisation

    109 Marianne Laigneau « Vers de nouvelles règles du jeu du marché de l'électricité : à propos du rapport Champsaur » Rjep n° 667, Août 2009, repère 8

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    Néanmoins dans le cas de l'ouverture à la concurrence du secteur de l'électricité, il semble que la libéralisation soit en réalité passée par une réglementation. Selon Jean-Yves Chérot à propos de la libéralisation des secteurs économiques en général : «On n'assiste donc, plus à une simple libéralisation sous forme de déréglementation (suppression des droits spéciaux et exclusifs), mais au remplacement d'un cadre réglementaire ancien par un cadre réglementaire nouveau. La libéralisation des réseaux dans le cadre d'une politique commune n'est donc pas une déréglementation. Il convient donc de prendre acte de ce que la libéralisation s'accompagne d'une sur-réglementation110 . »

    Et cela semble en effet le cas pour le secteur de l'électricité.

    Lorsqu'il est pris l'exemple des prix, L'État a du intervenir afin de proposer des prix de gros de production d'énergies nucléaire aux petits producteurs. Comme il a été évoqué, il était en effet nécessaire de pouvoir racheter de l'électricité à plus bas coût pour leur permettre d'assurer suffisamment de production d'électricité et de pouvoir concurrencer de manière effective. Comme concurrencer le nucléaire par le nucléaire est excessivement difficile, ce moyen s'adresse aux producteurs d'énergies renouvelables.

    Mais cela n'a pas été immédiat, dans un premier temps « L'objectif a été d'abord d'éviter tout dérapage des prix comme s'il fallait donner l'impression rassurante que rien n'a changé dans un monde où pourtant tout a changé, tant en termes juridiques depuis le 1er juillet 2007 que, plus fondamentalement, par la hausse mondiale des cours de l'énergie et la priorité qui devrait être dorénavant donnée au développement durable 111». Il était fait usage de l'application des tarifs réglementés mais selon la commission cela faisait obstacle à l'entrée sur la marché des nouveaux producteurs car les prix réglementés étaient trop bas pour qu'ils puissent les concurrencer. S'ensuivent donc ensuite les mesures transitoires comme il a déjà été évoqué qui ont maintenu les tarifs réglementés pour les particuliers. Puis la proposition de rachat au pris de gros par la commission Champsaur pour les producteurs concurrents d'EDF afin de « mieux éviter ce paradoxe qui consiste à lier ouverture effective des marchés et hausse des prix112 ».

    L'État a donc déréglementé les prix, en faisant référence à la citation de Martine Lombard. Cela est ensuite passé par une nouvelle réglementation mais cette fois-ci du prix de l'achat de l'électricité par les producteurs.

    L'État pour assurer un marché concurrentiel semble en fait obligé de réglementer. La libéralisation voulue par les directives de l'Union Européenne, ne pouvait s'effectuer seule. La situation de monopole était bien trop ancrée. Le seul moyen était donc de proposer une alternative, celle des énergies renouvelables et de la soutenir par la promotion.

    C'est par les autres formes de soutien aux énergies renouvelables évoquées précédemment comme l'appel d'offre qui relève de l'application du droit de la concurrence ou par la réglementation des prix qui est le signe d'une politique de régulation que cela se manifestera.

    110 Jean-Yves Chérot « Droit public économique » 2007. deuxième édition.

    111 Martine Lombard « L'État face à l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz : un pompier pyromane ? » RJEP n°646 octobre 2007 repère 3

    112 Idem Fabien Tesson note 96

    37

    Cette régulation semble aller au delà du mécanisme de régulation du marché assurée par la Commission de Régulation de l'Énergie. En effet celle-ci s'occupe de la surveillance des transactions effectuées sur les marchés de gros d'électricité et de quotas d'émission de gaz à effet de serre mais aussi des fonctionnements des marchés de détail en donnant son avis sur les tarifs réglementés de vente d'électricité jusqu'à la fin de la période transitoire, c'est-à-dire le 7 décembre 2015. De même, elle assure la mise en oeuvre des dispositifs de soutien à la production et à la fourniture d'électricité en émettant un avis sur les arrêtés tarifaires fixant les conditions d'achat et concernant l'appel d'offre, elle assure la rédaction du cahier des charges, le dépouillement des offres et émet un avis sur le candidat sélectionné113. Elle poursuit donc des impératif de régulation du marché.

    Selon M.A Frison-Roche « Le droit de la régulation économique se met en place, en grande partie sur les cendres de l'organisation économique construite autour des monopoles d'Etat en charge des services publics et dans la perspective de la mondialisation. 114» ce qui est le cas en l'espèce. Pour elle « l'objet du droit de la régulation n'existe que dans des secteurs particulièrement ouverts à la concurrence et qui ne peuvent pas en eux-même produire leur équilibre ». Il y a donc cette idée d'équilibre du marché que l'on retrouve dans la régulation du secteur de l'électricité.

    Néanmoins, l'équilibre du marché passe par une action plus poussée que celle de la commission de l'énergie car la régulation utilisée emprunte la voie de la réglementation. Cela se voit à travers la fixation des prix. Pour Michel Bazex,

    « La régulation empruntant la voie de la réglementation, notamment tarifaire, est la solution classique, et elle a connu une importance de plus en plus grande avec l'introduction des règles de concurrence et leur opposabilité à l'action des autorités publiques 115. Ce n'est donc pas impossible et même souvent usité.

    Pourtant la réglementation se distingue de la régulation. « On ne fait plus aujourd'hui le contresens de confondre la régulation avec le terme anglais de 'regulationÇlequel renvoie à la réglementation. En cela, le vocable anglophone est à la fois plus restrictif que le concept francophone, puisqu'il ne vise que la réglementation, et plus large puisqu'il concerne tous les types d'interventions des autorités publiques prenant la forme réglementaire. Pour distinguer ces faux amis, un argument par l'absurde suffit: puisqu'il s'agit de langage, on observe que des organismes qualifiés expressément comme des «autorités de régulation. Par exemple l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), ne disposent pas du pouvoir réglementaire, ce qui suppose que l'on peut réguler sans réglementer »116. Or là justement cette politique de régulation semble s'être faite par une politique de réglementation de la part de la puissance publique qui elle bénéficie d'un pouvoir de réglementation que ce soit au niveau législatif ou réglementaire. La régulation sans réglementation est elle assurée par la commission de la régulation de l'énergie.

    La politique de soutien aux énergies renouvelables est donc allée plus loin qu'une simple régulation auquel procède la CRE notamment en réglementant les prix, ou même que l'application du droit de la concurrence. Elle a donc permis une forme d'alternative

    113 JCP Administratif « Electricité » fascicule 154 J-Y Simonnet de 190 à 192

    114 M.A Frison-Roche « Définition du droit de la régulation économique ». Concurrence distribution. Recueil dalloz 2004 n°2

    115 Michel Bazex « la régulation des tarifs réglementés de vente du gaz naturel » revue droit administratif n°10 octobre 2012 , commentaire 85

    116 M.A Frison-Roche article précité note 101

    38

    au nucléaire en proposant son soutien aux autres formes d'énergies et de ce fait, cela a eu pour effet de poser les bases d'un marché concurrentiel.

    L'équilibre du marché ainsi que la libéralisation ne pouvaient donc s'effectuer seul, c'est en empruntant la voie de la réglementation et par une régulation et l'application du droit de la concurrence en faveur des énergies renouvelables que ceci s'est réalisé.

    Néanmoins, il est à noter que si la libéralisation n'est pas encore tout à fait opérationnelle, cela a permis des avancées. La promotion des énergies renouvelables a également impacté le service public de l'électricité.

    II: Les énergies renouvelables intégrées dans la notion de service public de l'électricité

    Au delà des conséquences collatérales de libéralisation du secteur de l'électricité, en intervenant en faveur des énergies renouvelables, la puissance publique a démontré que les impératifs relevant de la protection de l'environnement devaient être protégés. Cette prise en compte des exigences environnementales dans la définition de service public est conforme à l'exigence de mutabilité du service public (A), et montre que désormais le développement des énergies renouvelables fait parti de l'intérêt général. La notion de développement durable a également permis d'intégrer les énergies renouvelables en devant une nouvelle notion clef de l'intervention publique(B).

    A- Une prise en compte conforme à l'exigence de mutabilité du service public

    Le droit administratif est sans cesse en mouvements car il doit s'adapter aux évolutions et cela passe par l'action de la puissance publique. Cela est particulièrement vrai pour le service public.

    « Dans les années les plus récentes (le dernier quart du siècle), le changement est devenu non seulement rapide mais continuel : le droit administratif est régi par un dessein qui change continuellement, parce que la réforme devient une action publique permanente »117.

    Comme il a déjà été évoqué, le service public répond à des exigences d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, dites « lois de Rolland ». L'adaptabilité ou la mutabilité est l'impératif le plus récent, il repose sur l'idée que le service public doit constamment être en mesure de s'adapter aux changements et évolutions pouvant affecter le service public dans un but de satisfaction de l'intérêt général118.

    Selon Marie-laure Basilien Gainche « Cette exigence d'adaptation rappelle le principe de mutabilité, qui permet au service public de se transformer en fonction de l'évolution générale de la société et de ses besoins, sans que lui soient opposés des droits acquis au maintien en l'état y compris dans les relations contractuelles (CE 10 janvier 1902), Compagnie nouvelle du gaz de Deville-les-Rouen) »119. Le principe de mutabilité avait

    117Sabino Cassesse « Les transformations du droit administratif du XIX AU XXI Siècle revue droit administratif n°10, octobre 2002, chronique 17 citant S. Cassese. L'età delle riforme amministrative : Rivista trimestriale di diritto pubblico 2001, p. 82.

    118 J.P. Markus, Les principes généraux du droit, du principe d'adaptabilité au principe de mutabilité, RFDA, mai-juin 2001, p. 591

    119 Marie-laure Basilien Gainche « la libéralisation communautaire du marché et du gaz, une configuration des obligations de service public » AJDA 2007 P74

    39

    en effet vu sa consécration dans les affaires de mutabilité des contrats administratifs qui forçaient les délégataires à s'adapter à l'évolution des techniques et des besoins. Cet arrêt « compagnie nouvelle du gaz de Deville- les-Rouen »120, a précisément été rendu à propos du service public de électricité. Il était question du passage du gaz à l'électricité pour l'éclairage public. Comme le service public s'adapte à l'intérêt général, il est devenu possible de modifier unilatéralement le contrat quand le cocontractant ne correspond plus au besoin du moment.

    Cela montre l'exigence de mutabilité du service public de l'électricité.

    Or dans le cadre de l 'évolution de la société, il est devenu nécessaire que la production d'énergie propre croît et donc que les techniques tendent en ce sens.

    « Les clients des distributeurs de gaz et d'électricité demandent que les progrès technologiques confortent la qualité de l'énergie fournie comme consommateurs (tension de l'électricité conforme à la norme EN50160), et contribuent à la qualité de l'environnement comme citoyens »121.

    Les exigences initiales qui étaient inhérentes au service public qui étaient celles surtout d'assurer une quantité suffisante d'électricité afin que tout les citoyens puissent en profiter, ne se sont pas abandonnées. Mais à coté d'elle, une exigence de qualité est née: c'est celle qui incite à la promotion des énergies renouvelables.

    Également un facteur non-négligeable oblige à la mutabilité, c'est celui de la fin des réserves d'Uranium, nécessaire à la production du nucléaire. Les différentes études ne sont pas unanimes sur la date de l'épuisement des réserves en uranium, néanmoins cette possibilité se profile en raison du caractère non renouvelable de cette énergie. Afin de satisfaire le besoin de la population, il semblerait alors nécessaire de se tourner vers des énergies alternatives. La mutabilité accompagnant le besoin de la population.

    Ce n'est donc pas étonnant si l'exigence de mutabilité se retrouve dans la loi de 2000 sur la modernisation du service public de électricité. Cette loi précise que ce service public doit être exercé « dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité ».

    L'adaptabilité a été de promouvoir les énergies renouvelables afin de prendre en compte cette exigence de qualité. C'est pourquoi cette loi également y fait référence comme il a déjà été mentionné.

    Lorsque la puissance publique a assuré l'émergence de ces énergies, elle a donc dans le même temps reconnue qu'elles soient intégrées dans la définition du service public de l'électricité. Cette intégration correspondrait au souci de mutabilité du service public.

    Marie-Laure Basilien-Gainche ajoute « Il se trouve que c'est à partir des réglementations communautaires en matière de protection de l'environnement que la CJCE dans sa décision de 1994 a affirmé la nécessité pour les SIEG de respecter certaines obligations de service public »122.

    Cela montre le lien direct entre service public et environnement et donc énergies renouvelables.

    Ainsi cette prise en compte des énergies renouvelables par la puissance publique et son intégration dans la notion de service public, semble répondre à cette exigence de mutabilité du service public mais si cela a été pris en compte, c'est dans l'intérêt général.

    120 CE 10 février 2002 « Compagnie Nouvelle du Gaz de Deville-lès-Rouen »

    121 Idem précité article de Marie-Laure Basilien Gainche note 100

    122 Idem note 100

    40

    B-L e développement durable, nouvelle notion clef de l'intervention publique

    Les énergies renouvelables présentes sur le marché c'est une alternative encadrée se fondant dans la notion de service public et cela semble passer par les impératifs de développement durable.

    En 1999 EDF a signé la « charte des entreprises publiques pour le développement durable ». Cette charte prend la forme d'un engagement. « Nous, entreprises publiques signataires de la présente charte, déclarons que le développement durable, qui permet de satisfaire nos besoins actuels et ceux de nos clients, sans compromettre les besoins des générations futures, fait partie intégrante de nos missions de service public ». A travers cette déclaration, il est mis en exergue le lien entre service public de l'électricité et développement durable.

    Le secteur de l'énergie est aujourd'hui fortement lié à celui du développement durable. Les objectifs de la politique énergétique sont inspirés par la notion de développement durable. Outre la recherche de l'indépendance énergétique, cette politique tend à assurer un prix de l'énergie compétitif, facteur de développement économique, dans le respect de l'environnement et de la solidarité123.

    Le terme de développement durable est officialisé en 1987 par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement. Selon la définition proposée par la commission dans son rapport Brundtland, il s'agirait d'un « mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Il est ensuite repris par la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement du 3 au 14 juin 1992 et par le rapport du sommet mondial pour le développement durable organisé par les nations unies124. Ce dernier proclame que les Etats assument leur responsabilité collective « qui est de faire progresser et de renforcer, au niveau local, national, régional et mondial, les piliers du développement durable que sont le développement économique, le développement social et la protection de l'environnement qui sont interdépendants et qui se renforcent mutuellement ».

    A travers le prisme du développement durable apparaît donc plusieurs impératifs qui, ensemble forment le développement durable.

    Le développement durable a également valeur constitutionnelle puisqu'il fait partie intégrante de la charte de l'environnement de 2005 intégrée à la constitution125. Elle indique que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable » et qu'elles « concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ».

    La puissance publique est donc fortement engagée engagée en faveur du développement

    123 Christophe Belloc et Rémy Coin « Les orientations de la politique énergétique . - À propos de la loi de programme du 13 juillet 2005 » La Semaine Juridique Edition Générale n° 40, 5 Octobre 2005, act. 519

    124 Rapport du sommet mondial pour le développement durable du 26 aout au 4 septembre 2002 organisé dans le cadre des Nations Unies

    125 Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement

    41

    durable qui va jusqu'à avoir valeur constitutionnelle.

    Or le développement durable contribue au développement des énergies renouvelables. Afin d'assurer un développement qui ne compromet pas les générations futures, il parait nécessaire d'assurer le passage du nucléaire au droit des énergies renouvelables. Dans sa directive de 2001 relative à la promotion des énergies renouvelables, celle-ci fait d'ailleurs référence à la nécessité de promouvoir en priorité les sources d'énergie renouvelables, car leur exploitation contribue à la protection de l'environnement et au développement durable 126.

    La promotion des énergies renouvelables fait donc partie intégrante de la promotion du développement durable, et le développement durable fait partie des objectifs du service public de l'électricité. La promotion des énergies renouvelables n'est donc pas anodine.

    A travers le prisme de développement durable, il semble que les énergies renouvelables aient été prises en compte dans les nouveaux objectifs du service public de l'électricité. Les deux étant intimement liées, l'un a pu permettre l'essor de l'autre et son intégration. « Le développement durable conduit ainsi, dans tous les domaines, non pas à réécrire le droit mais à relire les règles posées avec une nouvelle grille de lecture, et, d'une manière marginale, à reformuler certaines règles qui s'avéreraient incompatibles avec ses orientations »127. C'est ce qu'il s'est passé avec le service public de l'électricité. Les trois piliers du développement durable qui sont l'aspect économique, social et environnemental ont été pris en compte dans leur pleine et entière appréciation afin d'orienter le développement de ce service public.

    Le développement durable lie l'aspect économique et l'aspect environnemental alors que les deux semblent désormais consubstantiellement liés. Afin d'assurer le caractère durable du développement des énergies renouvelables, il était en effet impossible de ne pas prendre en compte la dimension économique.

    Désormais l'intervention public ne s'affranchit pas de l'impératif de développement durable.

    Pour exemple, depuis la réforme du Code des marchés publics128 « le droit de la commande publique assume explicitement la possibilité de recourir à des critères sociaux et environnementaux »129. L'article 48 de la loi Grenelle I, précise elle-même que « L'État favorisera le respect de l'environnement dans l'achat public par un recours croissant, dans les marchés publics des administrations et services placés sous son autorité, aux critères environnementaux et aux variantes environnementales »130. Cela fait s'interroger Guy Trébulle: « Comment les entreprises pourraient-elles se dispenser de tenir compte du développement durable alors que celui-ci doit être pris en compte par les personnes publiques dans la définition de leurs besoins (CMP, art. 5) ? ». Ceci montre l'impact du développement durable. Les entreprises qui favoriseront

    126 Directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité point 1

    127 François Guy Trébulle « Le développement durable, un enjeu global » Cahiers de droit de l'entreprise n° 3, Mai 2010, dossier 12

    128 D. n° 2006-975, 1er août 2006, portant Code des marchés publics : Journal Officiel 4 Aout 2006

    129 Idem note 122

    130 Loi Grenelle I n°2009-967 du 3 aout 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du droit de l'environnement.

    42

    l'environnement se verront donc privilégiées par rapport aux entreprises qui ne le font pas. De ce fait, l'environnement et plus largement le développement durable a eu directement un impact sur l'économie. Cela aura des effets sur la concurrence.

    Le développement durable paraît donc désormais un instrument clef de l'intervention publique ce qui semble avoir contribué à l'intégration des énergies renouvelables dans le service public de l'électricité. La notion de service public et plus largement l'intervention publique paraît aujourd'hui se nourrir des impératifs de protection de l'environnement. La promotion des énergies renouvelables se rattache donc à une ligne d'évolution plus large dont les signes sont flagrants dans les lois Grenelles I et II.

    Conclusion

    Le recours aux énergies renouvelables ne semble donc finalement pas seulement un moyen de protéger l'environnement. Elle ont aussi cette autre conséquence que de proposer une alternative au nucléaire en libéralisant le secteur car le nucléaire seul ne pouvait donner lieu à concurrence. Celles ci sont désormais pleinement intégrées dans l'économie et ceci peut notamment être imputé à l'influence du droit communautaire et à l'intervention de la puissance publique.

    Le caractère délicat de l'ouverture à la concurrence du secteur public de l'électricité tenait également à son indéniable liaison avec le service public de l'électricité. Le fait justement de passer par une ouverture à la concurrence et par la promotion des énergies renouvelables, semble avoir permis au passage d'enrichir la notion de service public de l'électricité. Car si ces énergies ont été promues c'est qu'elle correspondaient désormais à l'intérêt général. L'intérêt public était alors en jeux. Tant du fait de la réponse des énergies renouvelables aux besoin de la population, une alternative rendue nécessaire du fait de la fin de l'uranium. Mais également par la qualité apportée par ces énergies qui correspond à de nouvelles demandes de la part de la population et qui s'illustre par l'engouement actuel en faveur de l'environnement. L'intérêt général est le critère au centre du service public, or il semble que les énergies renouvelables en participant à la rencontre de l'intérêt général, soit en même temps parties à la rencontre du service public, notamment par le développement durable et par la participation à l'exigence de mutabilité.

    C'est presque donc l'intégration des préoccupations environnementales au service public, qui ont permis la fin du monopole dans le secteur de l'électricité. Il semble néanmoins que l'équilibre du marché ne soit pas total et que les énergies renouvelables aient encore du chemin à parcourir. A terme, l'intervention de la puissance publique cessera surement du fait d'un marché enfin pleinement concurrentiel.

    En ayant pour allié le développement durable, les énergies renouvelables prennent une dimension économique et sociale qui semble permettre à long terme leur plein épanouissement.

    43

    Bibliographie

    Ouvrages

    Rémy Cabrillac « Dictionnaire du vocabulaire juridique » , édition Litec 3ème édition

    Nadia Chebal Horstman « La régulation du marché de l'électricité: concurrence et accès au réseau » éditions l'harmattan octobre 2006

    Jean-Yves Chérot « Droit public économique » 2007 deuxième édition. Édition économica

    JP Colson et P. Idoux « Droit public économique » 6ème édition. Édition LGDJ Gérard Cornu « Vocabulaire juridique » 5ème édition éditions Dalloz

    Sylvain Dalle-Croze Études sur « Collectivités locales et panneau photovoltaïque: les clefs juridiques de la mise à disposition (et la valorisation) du domaine public » semaine juridique administration et collectivités territoriales du 12 octobre 2009

    Léon Duguit « Traité de droit constitutionnel » Ancienne librairie Fontemoing et compagnie éditeurs. 1926

    René Gaudy « Et la lumière fut nationalisée » Éditions sociales 1978 André de Laudabère, « Traité de droit administratif », tome I, 1980 p818

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    « Glossaire de la gouvernance public » sous la direction de Laurence Lemouzy

    44

    Articles de revue

    Pierre Audigier « Bref historique de la libéralisation des marchés de l'énergie en Europe » Mines Revue des ingénieurs Mars/Avril 2011 n°452

    Michel Bazex « La régulation des tarifs réglementés de vente du gaz naturel » Revue droit administratif n°10 octobre 2012 , commentaire 85

    Marie-laure Basilien Gainche « La libéralisation communautaire du marché et du gaz, une configuration des obligations de service public » AJDA 2007 P74

    Christophe Belloc et Rémy Coin « Les orientations de la politique énergétique . - À propos de la loi de programme du 13 juillet 2005 » La Semaine Juridique Edition Générale n° 40, 5 Octobre 2005, act. 519

    Claudie Boiteau « Le prix controversé du rachat de l'énergie éolienne où l'énergie renouvelable à quel prix? » AJDA 2009 p2105

    M.C Boutard Labarde, G. Canivet, E. Claudel, V Michel-Amsellem, J.Vialens

    « L'application en France du droit des pratiques anticoncurrentielles » éditions LGDJ

    Antoine Carpentier « Tarifs d'achat de électricité d'origine solaire: 2010, l'année de la transition » Semaine juridique administration et collectivités territoriales 2010 n°4

    Sabino Cassesse « Les transformations du droit administratif du XIX AU XXI Siècle » revue droit administratif n°10, octobre 2002, chronique 17 citant S. Cassese. L'età delle riforme amministrative : Rivista trimestriale di diritto pubblico 2001, p. 82

    J.Cattan « La question de la séparation des entreprises de réseau verticalement intégrées: un facteur de divergence au coeur de la régulation sectorielle » RJEP 2011 commentaire 69

    Géraldine Chavrier « Le service public de l'électricité est-il menacé? » Droit administratif n°10, octobre 2002 chronique 18

    J. Chevallier, « Regards sur une évolution », AJDA 1997, numéro spécial, p. 8

    Marc Chevallier « Électricité, téléphone: la libéralisation en question » Alternatives économiques hors série n°72

    JC.Colli « Cent ans d'électricité dans les lois » Numéro spécial du bulletin d'histoire de l'électricité 1986

    Arnaud Gossement « Les éoliennes au lendemain du Grenelle 2 : des objectifs ambitieux, des moyens compliqués » AJ Collectivités territoriales 2010 p. 8

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    Laeticia Grammatico thèse « Les moyens juridiques du développement énergétique dans le respect de l'environnement en droit français (recherches sur le droit du

    développement durable) ». Thèse de 2003 Université Montpellier I.

    M.A Frison-Roche « Définition du droit de la régulation économique » Concurrence distribution. Recueil dalloz 2004 n°2

    Marie-Anne Frison-Roche « Le droit de la régulation » revue concurrence et distribution Dalloz 2001 N°7

    M.Karpenschif « Vers une définition Communautaire du service public?»RFDA 2008 P58

    Marianne Laigneau « Vers de nouvelles règles du jeu du marché de l'électricité : à propos du rapport Champsaur » Rjep n° 667, Août 2009, repère 8

    Martine Lombard « L'État face à l'ouverture des marché de l'électricité et du gaz: un pompier pyromane? » RJEP n°646 octobre 2007 repère 3

    J.P. Markus, « Les principes généraux du droit, du principe d'adaptabilité au principe de mutabilité », RFDA, mai-juin 2001, p. 591

    Marie-Christine de Montecler « Adoption définitive de la proposition de loi Brottes sur la transition énergétique » AJDA 2013 p. 550

    Sophie Nicincky «La loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité » Revue juridique de l'économie publique n° 684, Mars 2011, étude 2

    Sophie Nicinsky « Les évolutions du droit administratif de la concurrence » AJDA 2004 p751

    Rozen Noguellou « Le Photovoltaïque: l'Etat pris dans ses contradictions » revue droit administratif Octobre 2010 N°10

    Royland Peylet « La nouvelle organisation du marché de l'électricité » AJDA 2011 P311

    François Guy Trébulle « Le développement durable, un enjeu global » Cahiers de droit de l'entreprise n° 3, Mai 2010, dossier 12

    Laurent Richet « Commentaire de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de électricité » AJDA 2000 P239 Yann Simonnet « Electricité » Jurisclasseur Administratif fascicule 154

    Thierry Tuot « Nouvelle organisation du marché électricité- à propos de la loi NOME du 7 décembre 2010 » La Semaine Juridique Édition Générale n° 10, 7 Mars 2011, doctr. 283

    46

    Table des matières

    Introduction 1

    Partie I: Un contexte propice à l'arrivée des énergies renouvelables 6

    Chapitre 1: Les interrogations initiales sur la conception de

    service public de l'électricité 6

    I: Le secteur public de l'électricité en France, un secteur caractérisé par son ancrage

    historique, freinant son évolution 6

    A- Le service public à la française 6

    B- L'intervention historique de la puissance publique dans le secteur de l'énergie 8

    II: La reconnaissance et l'enrichissement par le droit communautaire

    du service public de l'électricité 9

    A- La rencontre entre droit communautaire et service public de l'électricité: une

    reconnaissance nécessaire à la poursuite des missions de service public 10

    B- L'instauration d'un terrain propice à l'apparition des énergies renouvelables par

    l'enrichissement de la conception de service public de l'électricité 12

    Ch apitre 2: L'ouverture insuffisante à la concurrence du secteur

    de l'énergie nucléaire 14

    I: Une ouverture réglementée du secteur de l'énergie sous l'influence

    du droit européen 14

    A-L'ouverture à la concurrence du secteur de l'électricité, encadrée strictement par le

    droit de l'Union Européenne 17

    B- Une transposition conforme des directives en droit interne 18

    II: La difficulté d'ouvrir le secteur nucléaire 19

    A- Le choix par le gouvernement d'une ouverture minimale à la concurrence 19

    B-Des capacités techniques et économiques supérieures obligeant à l'intervention

    de la puissance publique 20

    47

    Partie II: Les répercussions de la présence des énergies 24

    renouvelables promues par la puissance publique sur le marché

    Chapitre 1: l'émergence encadrée par la puissance publique 24

    des énergies renouvelables

    I-La politique de rachat de l'énergie renouvelable, facteur de réussite 25

    A- Le rachat de l'énergie des producteurs d'énergies renouvelables, un moyen de

    rééquilibrer le marché 25

    B- Le désengagement de l'Etat dans le rachat de l'énergie renouvelable:

    la preuve de la nécessaire intervention publique 27

    II- Les autres instruments mis en place par la puissance publique pour l'essor des

    énergies renouvelables 28

    A-Les programmes d'ouverture du marché par l'appel d'offre 28

    B- Des instruments efficaces mis au service des collectivités 31

    Chapitre 2: Les conséquences de la promotion des énergies renouvelables 33

    I: Les effets du soutien de la puissance publique aux énergies renouvelables sur la

    concurrence 33

    A-La fin du monopole par une alternative au nucléaire 34

    B- La régulation par la réglementation en faveur des énergies renouvelables

    aboutissant à une forme de libéralisation 35

    II: Les énergies renouvelables intégrées dans la notion

    de service public de l'électricité 38

    A-Une prise en compte conforme à l'exigence de la mutabilité du service public 38

    B-Le développement durable, nouvelle notion clef de l'intervention publique 40

    Conclusion 42






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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo