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Les commémorations du 11 novembre en Belgique francophone pendant l'entre-deux-guerres. Les cas de Bruxelles, Liège et Mons

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par Emeline WYNANTS
Université de Liège - Master en histoire 2012
  

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1.3. Une question de vocabulaire.

Dès le début de nos recherches, nous avons pu constater une importance particulière laissée au vocabulaire. Plusieurs termes sont, en effet, récurrents. Il s'agit de : commémoration, que nous avons explicité un peu plus haut, deuil, sacrifice, héros. Mais pas seulement puisqu'à l'époque, les contemporains de ces évènements faisaient déjà une distinction sémantique. En l'occurrence, durant l'intégralité de la période quinous intéresse (1919-1939), la commémoration du 11 novembre s'étend sur quinze jours et nous remarquons que le premier novembre est appelé « jour de souvenir »87(*) alors que le onze est appelé « jour de reconnaissance ».88(*) Plusieurs recherches telles que celle de Hardier et Jagielski montrent que les combattants, durant le conflit, honoraient la mort de leurs camarades les 1e et 2 novembre comme le veut la coutume.89(*)

Une question a alors surgi : que se cache-t-il derrière ces différents termes : souvenir, reconnaissance ? Mais aussi derrière ceux utilisés pour rendre compte de ces célébrations : mort, deuil, héros,... ?

1.3.1. La Mort, le Deuil et la Souffrance.

S'il y a bien une notion centrale dans la commémoration de l'Armistice, c'est celle de la mort et in fine du deuil qui en résulte.Pour ce qui concerne la Première Guerre Mondiale, les auteurs s'accordent à dire que la mort est une mort de masse90(*) et c'est justement ce qui rend le phénomène si prégnant : son ampleur. Le sentiment de perte ressenti par l'ensemble de la population (pour parler en terme psychologique, l'entièreté de la population appartient au moins à un cercle de deuil) mène à un rassemblement.91(*)

Selon la définition communément admise, le deuil est une souffrance, une détresse liée à la perte d'un être aimé.92(*)Nous nous situons alors à un niveau individuel, particulier. Et pourtant, nous voyons que la Nation le prend à son compte en instaurant un deuil national, celui des morts pour la Patrie. Cette collectivisation de la perte n'est pas toujours la bienvenue comme le montre Thierry Hardier et Jean-François Jagielski.93(*) En effet, un grand nombre des « morts pour la Patrie » sont en fait disparus, ce qui rend le travail de deuil presqu'impossible puisque celui-ci s'articule autour de la matérialisation de la mort94(*). C'est d'ailleurs en partie pour cela que les nations belligérantes consentiront à de gros investissements commémoratifs95(*) et institueront ce que Hardier et Jagielski qualifient de  « trois thérapies de groupe »96(*) : les ossuaires, les cérémonies devant les monuments aux morts et le culte de glorification du Soldat Inconnu, pour tenter de combler le deuil des veuves et orphelins des disparus. En effet, par ces actes de commémoration de la guerre, la population tente de contredire la mort froide de masse en rendant aux morts une visibilité grâce à l'inscription de leur nom.97(*)

La commémoration n'est donc au début, qu'une matérialisation de la souffrance engendrée par le deuil, lui-même engendré par la mort. La souffrance est partie prenante de l'individu de l'entre-deux-guerres tant la population compte alors de nombreuses veuves, orphelins, de parents ayant perdu leur(s) fils. A ces deuils sont associés les nombreux mutilés qui, eux, continuent de souffrir.

* 87 Exemple : La dernière heure, 2 novembre 1922, p. 1 et 3.

* 88 Exemple : La Libre Belgique, 9 novembre 1923, p. 2

* 89HARDIER T. et JAGIELSKI J-F., Combattre et mourir pendant la Grande Guerre: 1914-1925, Paris, Imago, 2004, p. 285-293.

* 90 Lors de l'entrée en guerre, la Belgique comptait 7 400 000 habitants. Les chiffres officiels du gouvernement belge pour les pertes militaires s'élèvent à 26 338 tués, morts de blessures ou d'accidents, 14 029 morts de maladies ou disparus auxquels il faut ajouter 2 620 soldats tués dans la campagne d'Afrique . Les services militaires anglais et américains comptes 13 716 tués et 24 456 disparus pour le 11 novembre 1918. Aux morts militaires s'ajoutent les morts civiles qui se chiffrent à quelque 62 000 (dont presque 7 000 en guise de représailles allemandes). Au total les pertes s'élèveraient à 104 987 aussi bien militaires que civiles et il y aurait 44 686 blessés militaires.

MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo Belge 1915- 1919,Bruxelles, Imprimerie A. Lesigne, p.100.

* 91BACH A., « La mort en 1914-1918 », Revue historique des armées, 259 | 2010, [En ligne], http://rha.revues.org/index6979.html. (mis en ligne le 06 mai 2010, Consulté le 23 novembre 2012).

* 92BAUDRY Patrick, « Deuil », in MESURESylvie et SAVIDAN Patrick, Dictionnaire des sciences humaines,  Paris : PUF - Presses Universitaires de France, 2006, p. 264-266.

* 93HARDIER Thierry et JAGIELSKI Jean-François, « Le corps du disparu durant la Grande Guerre : l'impossible deuil » in Quasimodo, n°9 t.2, printemps 2005, p. 75-95.

* 94LAUFER L., « Quand le lieu de sépulture est un reste du disparu », in Champ psychosomatique, 2002/4 no 28, p. 113-127.

* 95AUDOIN-ROUZEAU S., « Qu'est-ce qu'un deuil de guerre ? », Revue historique des armées, 259 | 2010, [En ligne], http://rha.revues.org/index6973.html. (mis en ligne le 06 mai 2010, Consulté le 23 novembre 2012).

* 96HARDIER Th. Et JAGIELSKI J-F., Combattre et mourir pendant la Grande Guerre: 1914-1925, Paris, Imago, 2004, p. 92.

* 97CRÉPON M., « La mémoire des guerres. A propos de la modernisation des commémorations », in Esprit, 2011/1, p. 111.

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