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Le droit de véto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

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par Cheikh Kalidou NDAW
Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal - Maà®trise 2013
  

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

Introduction :

La condition humaine est l'une des préoccupations les plus importantes du droit international. Ce n'est d'ailleurs pas fortuit qu'on l'appelle parallèlement « jus gentium » ou « droit des gens ». C'est dans cette logique qu'il faut comprendre les principes posés par la Charte des Nations Unies notamment son préambule qui énonce : « Nous, peuples des Nations unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances, à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites(...) »1.

Cette réaffirmation solennelle de la valeur et de la dignité humaines et de l'égalité souveraine des Etats, faite avec euphorie au sortir de la barbarie de la seconde guerre mondiale, promettait une ère nouvelle où le respect des droits humains serait un principe sacro-saint du droit international. Aujourd'hui, près de soixante dix années après l'entrée en vigueur de la Charte, il est à craindre que les fruits n'aient malheureusement pas tenu la promesse des fleurs. En effet, les conflits armés sont toujours présents et plus tenaces, chacun avec son lot de victimes civiles et de déplacés. De plus, une bonne partie d'entre eux, latents ou ouverts, se déroulent dans l'indifférence de la Communauté Internationale2. Les Nations Unies, malgré une volonté sans cesse croissante de «maintenir la paix et la sécurité internationales » par des moyens tant diplomatiques que militaires3 si nécessaires, peinent toujours à réaliser ce vieux voeu pieux.

Pourtant, les progrès notés dans la défense des droits humains fondamentaux sont considérables. On est loin aujourd'hui de l'époque où la souveraineté des Etats était un cocon impénétrable derrière lequel ils pouvaient s'abriter pour commettre des exactions impunies contre leurs propres populations. Il est révolu le temps où la théorie du « domaine réservé » des Etats connaissait encore sa pleine gloire. Les progrès du droit international humanitaire ont parallèlement assoupli la conception rigide de la notion de souveraineté. C'est ainsi que, sous

1 - Préambule de la Charte des Nations Unies, adoptée à San Francisco le 26 juin 1945.

2 - L'Atlas du Monde diplomatique, 2003, p.192.

3- Chapitres VI et VII de la charte des Nations Unies

Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB, 2012-2013.

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l'impulsion de Bernard KOUCHNER et de Mario BETTATI4, mais aussi du rôle considérable du CICR, on est passé de l'affirmation d'un « droit d'ingérence humanitaire » à celle d'une « responsabilité de protéger » incombant de prime abord à chaque Etat vis-à-vis de sa population et, in fine, à la Communauté Internationale si l'Etat concerné ne s'en acquitte pas pour quelque raison que ce soit. Toutefois, ces progrès seraient à relativiser. En effet, pour certains auteurs la notion de « responsabilité de protéger » bien que moins intrusive que celle de « droit d'ingérence » n'en reste pas moins qu'une « brillante invention diplomatique » qui n'a rien d'une norme internationale « nouvelle »5. Il existe alors une controverse sur la nature juridique la notion.

Aussi, il est important de noter que la Communauté Internationale agit en principe dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies qui confère à son Conseil de Sécurité « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales »6. Or, le fonctionnement voire l'efficacité du Conseil est largement tributaire du bon vouloir de ses membres permanents qui bénéficient du privilège unique du droit de veto que leur consent l'article 27 de la Charte des Nations Unies. Ils peuvent ainsi s'en servir pour bloquer systématiquement tout projet de résolution. Le débat se pose dès lors avec acuité pour ce qui est des résolutions visant à maintenir ou à rétablir la paix et la sécurité internationales. Il se pose en effet la question de savoir comment protéger des populations civiles en proie à des violations massives de leurs droits humains fondamentaux lorsque le Conseil de sécurité est paralysé par un veto.

Cette question d'une brulante complexité a été posée par le Secrétaire Général de l'ONU, Kofi ANNAN, lors de l'Assemblée générale de 1999 en ces termes : « (...) si l'intervention humanitaire constitue effectivement une atteinte inadmissible à la souveraineté, comment devons-nous réagir face à des situations comme celles dont nous avons été témoins au Rwanda

4 - B. KOUGHNER est un médecin et homme politique français né le 1e novembre 1939 à Avignon (Vaucluse, France), cofondateur de Médecins sans frontières et de Médecins du monde, ministre de différents gouvernements de gauche et de droite. Quant à M. BETTATI, né le 7 novembre 1937 à Nice, agrégé de droit et de science politique en 1974, était professeur de droit international à l'université de Paris II de 1988 à 2006. Il en est professeur émérite et doyen honoraire depuis 2006. Ensemble, ils largement travaillé sur le droit d'ingérence humanitaire dont ils constituent les pionniers. Voir leur ouvrage collectif : Le devoir d'ingérence, Denoël, Paris, 1987.

5 - DE CHAZOURNES, (L. B.) et CONDORELLI, (L.), (2006), « De la responsabilité de protéger ou d'une nouvelle parure pour une notion déjà bien établie », RGDIP n° 4, p.11-18.

6- Art. 24 § 1 de la charte des Nations Unies.

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ou à Srebrenica, devant des violations flagrantes, massives et systématiques des droits de l'homme, qui vont à l'encontre de tous les principes sur lesquels est fondée notre condition d'êtres humains? »7.

C'est pour apporter une réponse à cette interrogation que le gouvernement du Canada et un groupe de grandes fondations annonçaient en septembre 2000 la mise sur pied de la CIISE. Le rapport produit par cette commission était intitulé « la responsabilité de protéger ». D'après ce rapport, le principe de la responsabilité de protéger peut être résumé de la manière suivante : « Les États souverains ont la responsabilité de protéger leurs propres citoyens contre les catastrophes qu'il est possible de prévenir - meurtres à grande échelle, viols systématiques, famine. S'ils ne sont pas disposés à le faire ou n'en sont pas capables, cette responsabilité doit être assumée par l'ensemble de la communauté des États »8.

La mise en oeuvre de la responsabilité de protéger nécessite, en dernier recours, une intervention militaire autorisée par une résolution du Conseil de sécurité. Or, l'adoption d'une résolution au Conseil suppose une absence d'opposition de veto par un membre permanent. Le déclenchement du volet militaire de la responsabilité de protéger est, dès lors, fortement tributaire du bon vouloir des membres permanents qui doivent concilier leurs intérêts nationaux, défendus par le droit de veto, et les intérêts de l'Humanité, incarnés par la responsabilité de protéger. L'équilibre entre les deux est certes difficile à atteindre, mais sa recherche est indispensable pour la garantie de la paix et de la sécurité internationales. C'est autour de cette réflexion que nous invite notre sujet : « Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies ».

Le mot « veto » vient du latin et signifie « je m'oppose »9. Le droit de veto peut avoir plusieurs significations. D'une manière générale, elle désigne la possibilité ou la prérogative qu'a une personne d'opposer sa volonté contre une situation avec laquelle elle n'est pas d'accord. Ainsi, la volonté humaine et le libre arbitre conféreraient à tout individu un droit de veto qui lui est inhérent. Ce droit se manifesterait dès lors dans toutes nos décisions de refus souverains de telle situation ou de tel fait dont on a le contrôle.

Dans un degré plus grand et plus institutionnalisé, le droit de veto peut se comprendre comme un pouvoir discrétionnaire qu'ont certaines autorités étatiques dans l'exercice de leurs

7- CIISE, « La responsabilité de protéger », CRDI, 2001, pp. VII-VIII.

8 - CIISE, op. cit. p. VIII

9 - CORNU, (G.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, juillet 1998, p. 875

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fonctions. Ainsi, aux Etats-Unis, par exemple, le Président de la République fédérale exerce-t-il un droit de veto lorsqu'il bloque systématiquement certaines décisions du Congrès qu'il n'approuve pas. Ce constat peut d'ailleurs être élargi à tous les Chefs d'Etat et de gouvernement, tous disposent, de manière ou d'une autre, un droit de veto qui n'est rien d'autre qu'un pouvoir souverain de refus.

La doctrine n'a pas manqué de donner des définitions du veto. Ainsi, il conviendrait d'entendre par droit de veto le « pouvoir donné par la charte des Nations Unies aux membres permanents du conseil de sécurité de s'opposer par un vote négatif à l'adoption d'une résolution par cet organe »10. Pour Serge SUR, c'est une arme défensive absolue pour les membres permanents voire « un moyen de sauvegarde du système de sécurité collective et du Conseil »11.

Toutefois, la définition spécifique du droit de veto que nous retiendrons dans le cadre de notre travail est à rechercher dans la Charte des Nations Unies. Ce droit est posé par l'article 27 de la charte de l'ONU qui précise qu'outre les décisions relatives aux questions de procédure qui sont adoptées « par un vote affirmatif de neuf membres »12, « les décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents (...) ». Il serait alors une prérogative, unique en son genre, répartie exclusivement entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité afin d'éviter que les uns ne puissent faire adopter à l'organe des décisions qui iraient à l'encontre des intérêts ou de la volonté des autres. Le droit de veto est ainsi partie intégrante de la charte de l'ONU.

Il est important de comprendre que le veto a une importance à la fois historique et stratégique. En effet, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le veto devait permettre aux Alliés d'éviter que la paix, à bien des égards, fragile, qu'ils avaient réussi à obtenir ne soit ébranlée par de nouveaux affrontements entre puissances. Aussi, devait-t-il permettre à chaque membre permanent de sauvegarder ses intérêts en empêchant l'empiétement des autres puissances sur sa sphère d'influence politique ou économique ou les deux à la fois.

10 - Ibid.

11 - SUR, Serge, « Le Conseil de Sécurité : blocage, renouveau et avenir », Pouvoirs, n° 109, 2004.

12 - Le Conseil de Sécurité compte actuellement 15 membres dont 5 permanents. La procédure de vote qui y a cours distingue selon que la question discutée soit de simple procédure ou de fond. Dans le premier cas une majorité simple de 9 votes affirmatifs suffit à adopter une résolution. Dans le second il faut que la majorité inclue le vote affirmatif des membres permanents. Cependant, la pratique du Conseil ne considère pas l'abstention comme un vote négatif.

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Mais aujourd'hui le monde a changé et la doctrine est très divisée sur la question du droit de veto. En effet, pour certains auteurs comme ZAMBELLI le veto reflète un statu quo injustifié et un privilège indu qu'il conviendrait tout simplement de supprimer13. Pour d'autres, il est le garant de l'existence et de la pérennité du système onusien14 et devrait à ce titre être maintenu. Quoi qu'il en soit, il est des situations de violations massives des droits humains que la conscience humaine ne peut supporter. Ces situations outre leur caractère éminemment choquant sont aussi constitutives de menaces à la paix et à la Sécurité Internationales. Les violations flagrantes des droits de l'Homme au Kosovo, le génocide rwandais, les violences postélectorales en Côte d'Ivoire, la révolution libyenne, la crise au Darfour, le conflit soudanais, la guerre civile en Syrie sont autant de tensions qui ont, en un moment ou en un autre, foulé au pied les règles les plus élémentaires d'humanité. Paradoxalement, toutes ces crises ont mis en lumière l'écart qui existe entre la nécessité d'agir rapidement pour endiguer les massacres et la lenteur inévitable de l'action internationale causée par la menace du droit de veto.

Pour ce qui est de la responsabilité de protéger, elle se présenterait, selon SZUREK, comme « une obligation générale, de nature continue, incombant à tous, appelée à combiner un ensemble d'obligations de prévention, de réaction et de restauration dont l'objectif fondamental est la préservation de la paix civile lorsqu'elle est menacée en particulier par des violences criminelles de masse»15. En outre, elle est qualifiée comme une « nouvelle norme prescrivant une obligation collective internationale de protection, dont le Conseil de sécurité peut s'acquitter en autorisant une intervention militaire en dernier ressort, en cas de génocide et d'autres tueries massives, de nettoyage ethnique ou de violations graves du droit international humanitaire, que des gouvernements souverains se sont révélés impuissants ou peu disposés à prévenir »16. Elle pose ainsi le principe d'une responsabilité subsidiaire de la Communauté Internationale que les chefs d'Etats et de gouvernements du monde ont endossée lors du Sommet mondial de 2005. Le document final de ce Sommet disposait, entre autres préoccupations, que : « C'est à chaque État qu'il incombe de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité. (...).

13 - Le Temps du 28 avril 2005.

14 - SUR, S. op. cit.

15 - SZUREK, (S.) (2011), « La responsabilité de protéger: Mauvaises querelles et vraies questions », A.C.D.I., n. ° 4, pp. 47-69

16 - Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement. Doc. A/59/565, 2 décembre 2004, paragraphe 203. Le rapport est disponible sur le site http://www.un.org

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Il incombe également à la communauté internationale, dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies, de mettre en oeuvre les moyens diplomatiques, humanitaires et autres moyens pacifiques appropriés, conformément aux Chapitres VI et VIII de la Charte des Nations Unies, afin d'aider à protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité. Dans ce contexte, nous sommes prêts à mener en temps voulu une action collective résolue, par l'entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son Chapitre VII, au cas par cas et en coopération, le cas échéant, avec les organisations régionales compétentes, lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadéquats et que les autorités nationales n'assurent manifestement pas la protection de leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité. (...) »17.

Selon le rapport de la CIISE de décembre 2001, la responsabilité de protéger comporte trois volets essentiels : une « responsabilité de prévenir » les conflits meurtriers et autres formes de catastrophes produites par l'homme, une « responsabilité de réagir» devant des situations où la protection d'êtres humains est une impérieuse nécessité et une « responsabilité de reconstruire » qui consiste en un véritable engagement de la Communauté Internationale à contribuer à ramener une paix durable et à promouvoir la bonne gouvernance et le développement durable18.

Il faut souligner que la responsabilité de protéger est en fait le prolongement du « droit d'ingérence humanitaire ». Les années « 90 » ont été un tournant décisif dans le processus de disqualification de la notion de « droit d'ingérence humanitaire ». En effet, l'incapacité de la Communauté Internationale à réagir face au génocide rwandais (1994) et le tollé soulevé par les frappes aériennes de l'OTAN au Kosovo (1999) ont rendu nécessaire la recherche de nouveaux moyens d'intervention humanitaire. C'est ainsi qu'est apparu le concept de la responsabilité de protéger, jugé moins intrusif, au début des années 2000 avec le Rapport CISSE. La notion sera reprise par le Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau en 2004 avant que le principe ne soit définitivement endossé par les Chefs d'Etat et de gouvernement lors du Sommet mondial de 2005. Toutefois, la responsabilité de protéger se démarque du droit d'ingérence en ce sens que sa mise en oeuvre ne nécessite pas l'existence d'un conflit. Elle insiste sur la nécessité de

17 - Document final du Sommet mondial de 2005. Doc. A/60/L.1, 20 septembre 2005, paragraphes 138 et 139.

18 - CIISE, op.cit.

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prévenir les violations massives des droits de l'Homme. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le premier volet de la responsabilité de protéger est constitué par « la responsabilité de prévenir »19. Un autre facteur de différenciation des deux notions réside dans la collectivisation de la responsabilité de protéger. Celle-ci se traduit par la mise en oeuvre d'une action militaire commune sous la direction des Nations Unies, ce qui contribue à renforcer le principe de non intervention, surtout unilatérale, dans les affaires intérieures des Etats.

L'Organisation des Nations Unies est une institution internationale à vocation universelle qui regroupe des pays indépendants désireux de travailler de concert pour faire avancer la paix et le progrès social dans le monde. Elle s'est officiellement substituée à la Société des Nations le 24 octobre 1945, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, dans la perspective d'aider à instaurer la paix et d'éviter la survenance d'autres conflits. Elle regroupait alors 51 pays, considérés comme les membres fondateurs. Aujourd'hui elle compte au moins 192 Etats membres20. L'ONU a quatre buts21 dont le premier est le maintien de la paix et de la sécurité internationale. C'est à ce titre qu'il lui revient de mettre en oeuvre la responsabilité de protéger assumée par la Communauté Internationale.

Dans la tâche de protection de leurs populations, le concept de la responsabilité de protéger donne le primat aux Etats. La Communauté Internationale n'assume ce devoir que dans l'hypothèse où un Etat donné se montrerait manifestement incapable ou très peu enclin à le faire. Dans la première hypothèse, le droit de veto ne joue aucun rôle dans la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger. Celle-ci s'insère naturellement dans les missions régaliennes des Etats envers leurs populations. Par contre, dans la deuxième hypothèse, on retrouve le droit de veto au coeur du processus de décision du Conseil de sécurité. Il en résulte alors une inévitable confrontation entre les exigences de la responsabilité de protéger et les velléités du droit de veto. C'est dans ce sillage que nous nous proposons de mettre l'accent sur la responsabilité de protéger assumée par la Communauté Internationale afin de mieux saisir la portée de l'influence du droit de veto sur sa mise en oeuvre.

19 - CIISE, op. cit.

20 - Cf. « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les Nations Unies », Nations Unies, Département de l'information, New York, 2010, 72p.

21 - Art. 1 de la CNU.

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

La réflexion sur un tel sujet suscite un certaines interrogations dont nous pouvons retenir quelques-unes :

Quelle est la nature des rapports que le droit de veto entretient avec la responsabilité de protéger ?

Le droit de veto entame-t-il l'effectivité de la responsabilité de protéger des Nations Unies ?

Les droits humains fondamentaux sont-ils mieux protégés avec l'affirmation de la responsabilité de protéger de la communauté internationale ?

Ces questions méritent d'être posées parce que, d'une part, les conflits internes sont de plus en plus criminels et, d'autre part, la Communauté Internationale semble incapable d'y mettre définitivement un terme à cause de son manque d'entente et de solidarité autour des questions humanitaires comme en témoigne la paralysie fréquente du Conseil de sécurité. Ainsi, ce sujet peut présenter plusieurs intérêts.

Sur le plan juridique, il peut être une opportunité intéressante pour apprécier la valeur des principes de souveraineté des Etats et d'interdiction du recours à la force dans les relations internationales à l'aune de la mondialisation des menaces de la paix et de la sécurité internationales. En effet, il est aujourd'hui admis que les violations massives des droits humains fondamentaux sont des facteurs de troubles mondiaux que la Communauté Internationale se doit d'agir pour les empêcher ou les arrêter. Aussi, le terrorisme s'est internationalisé et est devenu plus que jamais une source d'inquiétude pour la paix et la sécurité mondiales. Or, toutes ces menaces comportent des enjeux planétaires relatifs à la fois au respect dignité humaine et à l'exigence de démocratie.

Sur le plan politique, l'étude d'un tel sujet peut s'avérer capital dans le décryptage de la carte géopolitique mondiale et dans la compréhension de sa logique évolutive. L'ONU se présente aujourd'hui comme le lieu privilégié où se nouent et se dénouent les alliances stratégiques économiques ou militaires entre les Etats du monde entier. En ce sens, le Conseil de sécurité semble être devenu le sanctuaire du marchandage politique entre, d'un côté, les membres permanents forts de leur droit de veto et, de l'autre, les autres Etats moins puissants à la recherche d'une puissance protectrice. Dans ces conditions, la responsabilité de protéger risque de buter très souvent sur le droit de veto. Cette situation contribue à raviver le débat sur la

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

nécessité de repenser le droit de veto en rapport avec les impératives de la responsabilité de protéger.

Dans tous les cas, force est de constater que si la protection des droits humains a connu de grandes avancées, il reste tout de même beaucoup à faire dans ce domaine. Le droit de veto reste par moment un obstacle infranchissable dressé sur le chemin de la responsabilité de protéger. Ainsi, une réforme du Conseil de sécurité et plus spécifiquement du droit de veto serait souhaitable. Toutefois, en attendant la survenance de cette hypothétique réforme, que les plus pessimistes qualifient de « vieux serpent de mer »22et à propos de laquelle certains auteurs optimistes « caressent le rêve qu'il y aura place, à plus ou moins long terme, pour une coalition à même de contrebalancer l'unilatéralisme des États-Unis »23, on ne peut que compter sur le sens de la responsabilité des grandes puissances pour permettre à l'ONU de s'acquitter de ses tâches en matière de paix et de sécurité internationales. Cela nécessiterait à coup sûr une harmonisation de la pratique du veto. L'effectivité et l'efficacité de la responsabilité de protéger passeront par cet effort.

C'est dans cette optique que nous nous proposons d'étudier le droit de veto comme un obstacle à la responsabilité de protéger (Titre Premier) avant d'analyser leur tentative de conciliation par la pratique internationale (Titre Deuxième).

22 - VEDRINE, (H.), « Réflexions sur la réforme de l'ONU », Pouvoirs n°109, 2004, pp.125-139

23- BOUTROS-GHALI, (B.), « Peut-on réformer les Nations Unies ? », Pouvoirs n°109, 2004, pp. 5-14

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon