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La protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne

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par Stéphanie Ducret
Université Lumière Lyon 2 - droits de l'homme 2010
  

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Section 2. La Convention comme source privilégiée de la Cour de Luxembourg pour la protection des droits de l'Homme

« Les principes généraux du droit sont des règles de droit non écrites, d'origine jurisprudentielle, dont l'autorité se rapproche de celle du droit primaire »70. En effet, les principes généraux sont hiérarchiquement supérieurs au droit dérivé de l'Union. De plus, ils s'appliquent aux Etats membres lorsque ces derniers exercent une action dans le champ du droit de l'Union, notamment lorsqu'ils le mettent en oeuvre71.

La Cour de Luxembourg a développé spécifiquement les principes généraux du droit de l'Union dont le but de pallier le déficit des normes de protection des droits de l'Homme existant au sein du droit primaire. Elle s'est alors inspirée des traités constitutifs de l'Union, du droit international et des principes communs aux Etats membres. « Pour autant, la Cour n'est pas l'auteur de ces principes : elle les constate, elle les formule et elle en sanctionne le respect »72.

67 supra note 50, COUTRON, p.289

68 VAN DER JEUGHT, Stefaan, Le Traité de Lisbonne et la Cour de justice de l'Union européenne, Journal de droit européen, 1 décembre 2009, n°164, p.297-303, p.300

69 op.cit. COUTRON, p.296

70 DOLLAT Patrick, Droit européen et droit de l'Union européenne, 2ème édition, 2007, Sirey, édition Dalloz, 475p, point 615

71 COSTA, Jean-Paul, La Cour européenne des droits de l'Homme : vers un ordre juridique européen ?, in « Mélange en l'hommage à Louis Edmond Pettiti », Bruyant, Bruxelles, 1998, 791p, p.197, p.215

72 op. cit., DOLLAT, point 615

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Dans un premier temps, la Cour de Luxembourg a refusé, au nom du principe de l'autonomie du droit de l'Union, de contrôler la légalité des actes communautaires au regard des droits fondamentaux garantis par les Constitutions nationales73.

Cependant, « cette solution risquait d'associer l'intégration communautaire à un affaiblissement des droits de la personne et à une remise en cause de la protection offerte par la convention européenne des droits de l'homme »74.

Dès 196975, la Cour de Luxembourg revient donc sur sa jurisprudence de 1959 et « reconnaît que les droits fondamentaux font partie du droit communautaire en tant que principes généraux du droit »76. L'année suivante, elle précise dans l'affaire Internationale Handelsgesellschaft

« qu'en effet, le respect des droits fondamentaux fait partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour de justice assure le respect ; que la sauvegarde de ces droits, tout en s'inspirant des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, doit être assurée dans le cadre de la structure

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et des objectifs de la Communauté ».

Mais la Cour de Luxembourg ne se contente pas de se référer aux traditions constitutionnelles communes aux Etats membres pour revendiquer les principes généraux du droit de l'Union.

Ainsi, en 1974, elle considère « que les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'Homme auxquels les Etats membres ont coopéré ou adhéré peuvent également fournir des indications dont il convient de tenir compte dans le cadre du droit communautaire »78.

L'année suivante, la Cour de Luxembourg se réfère explicitement à la Convention79. La mention expresse de la Convention s'explique par la ratification de la Convention par la France le 3 mai 1975. Tous les Etats membres étant enfin soumis à la Convention, cette dernière pouvait être invoquée par la Cour de Luxembourg.

« La Cour de justice a par la suite préféré recourir à la Convention plutôt qu'aux traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, vu la difficulté d'apprécier la

73 CJCE, 4 février 1959, Stork c/ Haute Autorité de la CECA, aff. 1/58, Rec. 1948

74 supra note 70, DOLLAT, point 166

75 CJCE, 12 novembre 1969, Stauder c/ Ville d'Ulm, aff. 26/69, Rec. p.419

76 op. cit. DOLLAT, point 167

77 CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff. 11/70, Rec.CJCE 1970 p.1125

78 CJCE, 14 mai 1974, Nold, aff. 4/73, Rec. CJCE 1974 p.491

79 CJCE, 28 octobre 1975, Rutili, aff. 36/75, Rec.CJCE 1975, p.1219

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généralité et le caractère commun de ces dernières »80. Mais l'on peut également considérer que tous les Etats membres étant soumis à la Convention, cette dernière entre dans le champ des traditions communes aux Etats membres. Ainsi, « la Cour n'a jamais justifié juridiquement son utilisation de la Convention européenne des droits de l'homme »81.

L'importance que prendra la Convention au sein de la jurisprudence de protection des droits de l'Homme de la Cour de Luxembourg conduira le professeur Cohen-Jonathan à indiquer qu'elle constitue « l'épine dorsale de l'ordre normatif européen »82. En effet, la Cour de Luxembourg a reconnu de nombreux droits, au travers de l'application de la Convention. Les principes généraux du droit qui ont été relevés ne se limitent pas aux traditionnels droits tels que le droit de propriété83 ou le droit au respect de la vie privée84, mais sont également liés aux droits procéduraux tels que le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable85 et le droit à la présomption d'innocence86.

Avec l'arrêt Krombach87, la Cour de Luxembourg instaure une protection des droits de l'Homme en matière d'exécution réciproque des décisions judiciaires qui va au-delà de celle élaborée par la Cour de Strasbourg. En premier lieu, « il résulte [...] de la jurisprudence communautaire que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte contre une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit communautaire »88. Les Etats ont le droit de ne pas appliquer une décision de justice étrangère si les droits de la défense, telles qu'interprétés par l'article 6 de la Convention, ont été violés de façon flagrante ou manifeste. La Cour de Luxembourg a jugé dans l'affaire Krombach que la prise en compte de la violation des principes fondamentaux du procès équitable ne devait pas être atténuée par le fait que l'affaire portée sur une action indemnitaire89. La position de la Cour de Luxembourg a été confortée par la suite par la Cour de Strasbourg90.

80 GAUTRON Jean-Claude, Droit européen, mementos Dalloz, Dalloz, 13ème édition, 2009, 337p, p.46

81 RIDEAU, Joël, La coexistence des systèmes de protection des droits fondamentaux dans la Communauté européenne et ses Etats membres, Annuaire international de justice constitutionnelle, 1991, p11, p.28

82 COHEN-JONATHAN (G.), Aspects européens des droits fondamentaux, Paris,Montchrestien, coll.Préparation au CRFPA, 3ème édition, 2002, p. 204.

83 CJCE, 13 décembre 1979, Hauer, aff. 44/79, Rec.CJCE 1979, p. 3727

84 CJCE, 26 juin 1980, National Panasonic, aff. 136/79, Rec. 2033

85 CJCE, 17 décembre 1998, Baustahhlgewebe GmbH c/ Commission, aff. C-185/95 P

86 CJCE, 8 juillet 1999, Montecatini SpA c/ Commission, C-235/92 P

87 CJCE, 28 mars 2000, Krombach, aff. C-7/98

88 JurisClasseur Europe Traité, Fascicule 452 : Ordre public et droit communautaire, mise à jour 27 juin 2002, point 33

89 ibid., point 36

90 Cour EDH, 13 févr. 2001 : RTDH 2001, p. 802, chron. F. Sudre

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Ainsi, « l'avocat général Jacobs assure même que « la convention peut être considérée à des fins pratiques, comme faisant partie du droit communautaire » »91. Le Traité de Lisbonne confirme l'importance donnée à la Convention, indiquant à l'article 6 §3 TUE que « l'ensemble des droits de le CEDH est garanti dans l'Union en tant que principes généraux »92. Notons que le TUE indique désormais la formulation « principes généraux » et non plus « principes généraux du droit communautaire » ce qui « pourrait indiquer un ancrage encore plus solide des droits fondamentaux non écrits dans le droit de l'Union »93.

Cependant, la Cour de Luxembourg se doit de rester dans la limite de ses compétences. Ainsi, « le contrôle du respect des droits de la personne dans les domaines qui ne relèvent pas du droit communautaire »94 reste à la charge des juges nationaux et de la Cour de Strasbourg.

Cette autolimitation s'expliquerait également par la vocation principalement économique de l'Union95. L'application des principes généraux du droit et la protection des droits fondamentaux par la Cour de Luxembourg sont limités par les intérêts communautaires, et donc économique pour la plupart.

La Cour de Luxembourg a ainsi toujours admis que des restrictions aux droits fondamentaux pouvaient être apportées pour permettre la réalisation des objectifs de l'Union, notamment la création d'un marché commun96. « Les fondements de la construction européenne ne sont donc pas toujours compatibles avec une protection optimale des droits fondamentaux »97. En outre, l'extension des compétences de l'Union dans des domaines non économique conduirait à une restriction de la protection de certains droits98. De plus, l'Union n'étant pas liée à la Convention, la Cour de Luxembourg peut sélectionner les droits reconnus par la Convention99.

91 GERKRATH, Jorg, Les principes généraux du droit ont-ils encore un avenir en tant qu'instruments de protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne ?, Revue des affaires européennes, 1 janvier 2006, n°1, p.31-43, p.35

92 ANGEL Benjamin, CHALTIEL-TERRAL Florence, Quelle Europe après le traité de Lisbonne ? Bruyant, LGDJ, Montchrestien, Lextenso éditions, 2008, 195p, p.138

93 op.cit. GERKRATH, p.38

94 supra note 70, DOLLAT, point 168

95 REDOR, Marie-Joëlle, La vocation de l'Union européenne à protéger les droits fondamentaux, in LECLERC, Stéphane, AKANDJI-KOMBE, Jean François et REDOR, Marie-Joëlle, L'Union européenne et les droits fondamentaux, CRDF Université de Caen, Bruyant, 1999, 235p, p.13, p.23

96 ibid, p.24

97 ibid, p.25

98 ibid.

99 COHEN-JONATHAN, Gérard et FLAUSS, Jean-François, De l'office de la Convention européenne des droits de l'Homme dans la protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne : l'arrêt Matthews contre Royaume-Uni du 18 février 1999, Revue universelle des droits de l'Homme, 30 novembre 1999, n°7-9, p253-262, p.254

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Mais quel sera l'avenir des principes généraux du droit élaborés par la Cour de Luxembourg après la consécration de la Charte ?

Certains auteurs, tel que Frédéric Sudre et Jean-François Flauss, considèrent que les principes généraux du droit de l'Union ont déjà été abandonnés par la Cour de Luxembourg au profit de nouveaux instruments de protection100. Dès 2002, l'on indiquait que les « principes généraux du droit communautaire serait la marque d'une époque aujourd'hui dépassée »101.

Pourtant, le TUE, à son article 6§3, consacre toujours ces principes comme faisant « partie du droit de l'Union ». La Charte n'a donc pas eu pour résultat de faire « disparaître la nécessité de protéger les droits fondamentaux par le jeu des principes généraux »102. En effet, la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, tout comme celle de la Cour de Strasbourg relative à la Convention, permettra de faire évoluer la Charte, et ainsi les droits fondamentaux, en fonction de la société. La « cristallisation »103 des droits fondamentaux dans la Charte sera ainsi évitée.

En outre, l'approche de la cour de Luxembourg vis-à-vis du droit de l'Union et des droits fondamentaux laisse prévoir que le juge « ne renoncera pas à son rôle créateur en matière de droits fondamentaux »104. Le juge pourra ainsi reconnaître de nouveaux droits sur la base de l'évolution des traditions constitutionnelles nationales et de l'interprétation constructive de la Convention105. Les principes généraux ont ainsi l'avantage d'être plus flexibles dans leur création. Les droits sont ainsi plus rapidement consacrés par le juge que par les Etats106.

« Compte tenu du fait que la Charte codifie, entre autres, des droits qui résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres ainsi que de la CEDH et que ces deux sources inspirent encore les principes généraux du droit dont la Cour assure le respect, on peut s'attendre à une interaction féconde des différentes sources matérielles »107.

100 supra note 91, GERKRATH, p.34

Mais, « le juge communautaire pourrait se sentir « lié » par un texte dévolu aux droits et libertés et perdre une part de sa légitimité à faire oeuvre prétorienne en la matière »108. Dans ce cas, les droits fondamentaux auraient été figés par la Charte. « L'espace subsistant pour une

101 DUBOUIS, Louis, Les principes généraux du droit communautaire, un instrument périmé de protection des droits fondamentaux ?, in « Les mutations contemporaines du droit public - mélanges en l'honneur de Benoit Jeanneau », Dalloz, 2002, p77, 720p, p.78

102 KAUFF-GAZIN, Fabienne, Les droits fondamentaux dans le traité de Lisbonne : un bilan contrasté, Europe, n°7, juillet 2008, dossier 5

103 ibid.

104 ibid.

105 JACQUE, Jean-Paul, Le Traité de Lisbonne - une vue cavalière, Revue trimestrielle de droit européen, 2008,

p.439

106 op.cit. DUBOUIS, p.90

107 op.cit. GERKRATH, p.32

108 CORREARD, Valérie, Constitution européenne et protection des droits fondamentaux : vers une complexité annoncée ?, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2006, n°2, p501, p.506

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protection juridictionnelle des droits fondamentaux sera limité. Il ne sera pas inexistant pour autant. [...] La protection des droits fondamentaux bénéficiera ainsi d'un précieux filet de sécurité »109.

Pour autant, c'est la Charte qui est consacrée comme base de protection des droits fondamentaux au sein de l'Union, les principes généraux du droit n'étant qu'une « source subsidiaire et complémentaire »110.

En outre, la Convention elle-même est reconnue par le Traité et l'adhésion prochaine de l'Union à la Convention permettra une application directe de cette dernière par le juge de la Cour de Luxembourg, sans la nécessité de passer par la création de principes généraux.

Par sa jurisprudence des principes généraux du droit, la Cour de Luxembourg se contentait de suivre les préceptes d'autres juridictions et d'appliquer les normes d'autres institutions ou de ses Etats membres. Cette conception des droits fondamentaux conduisait l'Union à être condamnée « à un suivisme permanent, par rapport à [ses] mentors »111 ce qui ne pouvait être suffisant pour une organisation ayant pour inspiration de se développer sur la scène internationale et politique.

En outre, la Cour de Luxembourg ne pouvait dégager ces principes généraux qu'en se basant sur des affaires qui lui étaient soumises au préalable.

Enfin, bien que les principes généraux permettent de s'adapter à la société et de revendiquer des droits plus rapidement, ils ne vont pas forcément renforcer la sécurité juridique des individus112.

Comme le précise la professeur Marie-Joëlle Redor, la Cour de Luxembourg a développé les principes généraux du droit dans le but de renforcer le droit de l'Union et son applicabilité par les Etats membres, l'objectif de renforcement de la protection des droits fondamentaux n'étant certainement que secondaire113.

La jurisprudence de la Cour de Luxembourg a ainsi permis d'instaurer au sein de l'Union une protection des droits de l'Homme basée sur la création prétorienne des principes généraux du droit de l'Union. Même si « l'Union européenne ne constitue pas une organisation

109 supra note 91 GERKRATH, p.43

110 supra note 102, KAUFF-GAZIN

111 BLUMANN, Claude, Les compétences de l'Union européenne en matière de droits de l'Homme, Revue des affaires européennes, 1 janvier 2006, n°1, p.11-30, p.11

112 PICHERAL, Caroline, Droit institutionnel de l'Union européenne, université droit, Ellipses, 2006, 336p, p.87

113 supra note 95, REDOR, p.21

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internationale de défense des droits de l'homme en tant que telle. La protection des droits de l'homme constitue une mission essentielle, mais non exclusive, pour cette organisation »114.

Mais la Cour de Luxembourg n'est pas la seule à se demander la place de la Convention dans l'ordre juridique communautaire. En effet, la Cour de Strasbourg s'interroge également de connaître l'application de la Convention à l'Union.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote