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La vente à  l'essai face au régime juridique des contrats à  distance

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par Florent SUXE
Université Panthéon-Sorbonne Paris 1  - Master 2 droit du commerce électronique et de l'économie numérique  2013
  

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PARTIE 1 : DE L'INFORMATION À L'ÉCHANGE DES CONSENTEMENTS DANS LA VENTE

« SURPRISE » À L'ESSAI

De nombreuses particularités relatives à la vente conclue par le site internet entrent directement en conflit avec le régime juridique des contrats à distance. Ainsi en effet, le vendeur, tenu en principe d'informer l'acheteur à l'égard des caractéristiques essentielles de la chose vendue et de son prix (chapitre I), occultera éventuellement une partie de ces informations afin de provoquer un « effet de surprise » chez l'acheteur. Ce dernier ne découvrira en effet le contenu de la malle et le prix des vêtements et accessoires qu'il souhaitera éventuellement garder, qu'après l'avoir reçue et ouverte. C'est pourquoi nous avons d'ailleurs décidé de surnommer l'acte juridique conclu « la vente surprise ».

D'autres questions non moins importantes y sont également liées.

Ainsi, les dispositions relatives au régime juridique du contrat électronique contraignent le vendeur à respecter une certaine procédure dans l'échange des consentements, ce qui pose notamment problème si des échanges complémentaires ou contradictoires pouvaient avoir lieu entre l'acheteur et le styliste en dehors du site internet (chapitre II).

Enfin, les particularités de la vente conclue sur le site internet méritent d'être analysées sous l'angle des conditions de validité de la vente « surprise », lorsqu'elle est notamment conclue à distance par voie électronique (chapitre III).

CHAPITRE 1 : L'obligation du vendeur de définir les caractéristiques essentielles de la chose et son prix

Il ne s'agit pas ici d'analyser de manière générale l'ensemble des informations que le vendeur doit délivrer à l'acheteur, ainsi de celles prévues par l'article L 121-18 du Code de la consommation qui impose au vendeur de mentionner dans son offre un panel d'informations relatives notamment à son identité, aux moyens de paiement, frais de livraison et à l'existence d'un droit de rétractation et ses limites éventuelles.

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Nous nous en tiendrons aux seules informations prévues par les articles L 111-1 et L 113-3 du Code de la consommation (Section 1), auquel renvoie d'ailleurs l'article L 121-18 du même code, et qui doivent en outre être fournies au consommateur, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition, en temps utile et au plus tard au moment de la livraison, à moins que le vendeur n'ait satisfait à cette obligation avant la conclusion du contrat, comme le prévoit l'article L 121-19 1° du Code qui intègre ces informations au dispositif.

Dans un second temps, il s'agira de déterminer les sanctions qu'encourt l'acte conclu ou le professionnel vendeur en cas de manquement de ce dernier à son obligation d'information prévue par le Code de la consommation (section 2).

SECTION 1 L'objet de l'information : les caractéristiques essentielles de la chose et son prix

L'actuel article L 111-1 du Code de la consommation exige seulement du professionnel vendeur, qu'il mette le consommateur acheteur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien, avant la conclusion du contrat (§1).

Réitérée par l'article 4 du projet de loi relatif à la consommation qui modifie le libellé de l'article L 111-1 dudit Code, cette exigence s'accompagne désormais31 d'une obligation pour le professionnel de renseigner l'acheteur sur le prix du bien (§2).

§ 1 Interprétation objective et subjective des caractéristiques essentielles de la chose

La version actuelle du Code de la consommation sépare de façon très nette la vente et la prestation de service dans le cadre de l'obligation générale d'information, en consacrant à chacun de ces contrats un article propre.

Ainsi l'information due par le vendeur est quasiment circonscrite aux caractéristiques essentielles de la chose à la différence de celle due par le prestataire de services qui est tenu de délivrer au consommateur un ensemble d'informations beaucoup plus large,

31 Auparavant, elle ne figurait pas dans l'obligation générale d'information mais seulement à l'article L 113-3.

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ainsi notamment de son identification et des conditions générales du services... Il n'en a pas toujours été ainsi. En effet, la loi du 26 juillet 199332 qui avait introduit cet article dans le Code de la consommation33 traitait de manière commune34 l'obligation générale d'information du vendeur et du prestataire de service, au sein d'un même article L 1111.

Cependant, malgré les réformes successives de l'obligation générale d'information du professionnel, la notion de « caractéristiques essentielles du bien » n'a jamais été définie par le législateur. A cet égard, on peut se demander si l'obligation du vendeur de renseigner l'acheteur sur les caractéristiques essentielles du bien se confond avec l'obligation générale de renseignement découverte par la jurisprudence. En effet, prenant acte de l'évolution des rapports entre contractants et de l'inégalité de savoir dans laquelle sont parfois placées les parties, la jurisprudence a mis à la charge de « celui qui sait » une obligation de renseigner son co-contractant.

Néanmoins, pour que cette obligation existe, il est nécessaire de réunir certaines conditions et notamment que le débiteur de cette obligation sache détenir une information « pertinente », c'est-à-dire, essentielle aux yeux de son co-contractant car susceptible de lui faire renoncer au projet de conclure le contrat ou à tout le moins de lui faire changer les conditions de son accord.

On peut donc se demander si l'article L 111-1 du Code de la consommation donne un support textuel à cette obligation dans les rapports entre professionnels et consommateurs ou consacre une obligation différente. En effet, nous savons que les caractéristiques d'un bien sont les éléments qui permettent de le distinguer d'un autre d'une même nature. Mais la question est de savoir si celles qui sont essentielles au sens de cet article sont celles qui sont déterminantes du consentement de l'acheteur, essentielles à ses yeux, ou celles qui, de manière différente, sont essentielles aux yeux de tout consommateur.

32 Loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 relative au code de la consommation, JORF n°171 du 27 juillet 1993 p. 10538.

33 Avant d'être codifiée à l'article L 111-1 du Code de la consommation, cette disposition avait toutefois été créée par la loi du 18 janvier 1992.

34 Hormis l'obligation spécifique pour le vendeur d'informer l'acheteur de la période pendant laquelle les pièces de rechanges seront disponibles sur le marché.

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Dans le premier cas, une interprétation subjective des caractéristiques essentielles du bien obligerait l'acheteur à prouver à chaque fois que telle ou telle lacune avait été déterminante de son achat, même s'il se pourrait cependant qu'on oblige le consommateur à fournir une telle preuve dans le cas seulement où il serait impossible de présumer le caractère essentiel de cette caractéristique35.

Dans le second cas, il s'agit plutôt d'une interprétation objective des caractéristiques essentielles du bien qui nous semble plus conforme à l'esprit du Droit de la consommation.

En effet, apparu en France dans les années 1970, le mouvement consumériste a milité en faveur de la consécration d'un ordre juridique de protection propre à prendre en compte l'inégalité des parties au sein du contrat au travers d'une vision objective et catégorielle des parties. Ainsi, l'économie essentiellement rurale et artisanale ayant laissé place à une économie industrielle constituée d'acteurs au poids considérable, la vision libéraliste du droit a laissé place à une vision plus protectrice des intérêts du plus faible, percevant les consommateurs tels une masse une et indivisible face aux professionnels édictant leurs conditions au travers d'une nouvelle figure contractuelle dénommée contrat « d'adhésion »36.

Il nous semble donc que l'article L 111-1 du Code de la consommation oblige le professionnel vendeur à renseigner le consommateur acheteur sur les caractéristiques objectivement essentielles aux yeux de tout consommateur, c'est-à-dire, les éléments qui sont susceptibles de distinguer une chose d'une autre, et auxquels tout consommateur attache une importance déterminante de son consentement.

Si cette interprétation peut sembler plus protectrice du consommateur sur le terrain notamment probatoire, dès lors qu'il n'aura pas à établir devant une juridiction qu'une

35 Comme en matière d'erreur, où le juge se livre à une interprétation subjective des qualités substantielle d'un objet mais dispense la victime de l'erreur de prouver qu'une qualité était substantielle à ses yeux dans le cas où on ne pourrait pas douter qu'elle le serait aux yeux de chacun. Voir sur ce point Aubry et Rau, Cour de droit civil français, t. IV, 6e éd. Par Bartin, § 343bis p. 433 ; v. déjà Demolombe, Cour de Code Napoléon, t. XXIV, 1970, n° 89 p. 91 et s, v. depuis en ce sens, P. Malinvaud, De l'erreur de l'acheteur, L'authenticité du bien d'art (étude critique), RTD civ. 1982, p. 55 et s.

36 Cette expression signifie que le consommateur n'a pas la possibilité de négocier les termes du contrat de sorte qu'il ne peut qu'y consentir purement et simplement.

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caractéristique du bien qu'il a acheté était pour lui essentielle37, il n'en reste pas moins qu'elle empêche cependant ce dernier d'obtenir une protection en fournissant une telle preuve au cas où une étude statistique démontrerait qu'une caractéristique du bien vendu n'était pas essentielle aux yeux de la majorité de ses semblables.

Cette analyse ne nous semble pas devoir être remise en question par la directive du 25 Octobre 201138 qui reprend cette obligation pour le professionnel au sein de ses articles 6.1 a) et 6.1 b), en la circonscrivant à la notion de « caractéristiques principales ». Transposée dans les mêmes termes au sein du futur article L 111-1 1° du Code de la consommation consacré par le projet de loi relatif à la consommation, cette notion nous semble devoir être interprétée de la même manière eu égard à l'objectivité voulue par le législateur en la matière.

En ce qui concerne notre cas d'espèce, on peut penser que de nombreuses caractéristiques sont susceptibles d'être caractérisées comme telles. Ainsi, le type de vêtements et leurs tailles répondent à n'en pas douter à cette qualification. Cependant, si le gestionnaire du site web demande aux utilisateurs de renseigner leurs mensurations, il s'abstient de leur demander combien de pantalons ou de vestes leur sont nécessaires, se contentant de laisser à ces derniers le soin de cocher des cases correspondant au type de vêtements et accessoires dont ils ont besoin. De même, il est simplement demandé au potentiel acheteur de renseigner le ou les styles qu'il affectionne (classique, rétro, vintage, etc...) sans donner plus de détail sur la forme, la couleur et la coupe des vêtements et accessoires.

Il nous semble que ces caractéristiques sont essentielles aux yeux de tout consommateur, dans la mesure où l'habillement contribue à renforcer l'identité de chacun. Il paraîtra nécessaire à certains de choisir des vêtements dont la coupe est susceptible de mettre en évidence ou de dissimuler leurs formes, ou encore dont le ton de couleur est à même de révéler leur excentricité ou au contraire leur discrétion.

37 Ce qui nous semble plus difficile que de prouver qu'une caractéristique est objectivement essentielle aux yeux de tout consommateur grâce à un sondage.

38 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p.64.

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C'est pourquoi l'esprit original dont s'inspire le vendeur, en retenant volontairement certaines informations afin de garantir un effet de surprise à l'acheteur, nous apparaît assez peu conforme à l'objectif de protection visé par le législateur au travers de l'information. En effet, le gestionnaire du site procède au contraire à une rétention d'informations sur les caractéristiques essentielles des biens qui seront livrés à l'acheteur en vue de lui réserver un effet de surprise. L'acheteur peut d'ailleurs renoncer à cet effet de surprise en contactant le styliste pour obtenir des informations supplémentaires ou afin de préciser un peu plus ses goûts et ses styles.

Le système semble ainsi diamétralement contraire à celui voulu par le législateur car tout se passe comme si c'était l'acheteur qui renseignait le vendeur et non le contraire. Il semble donc que le vendeur méconnaisse les termes de l'article L 111-1 du Code de la consommation.

Cependant, nous tâcherons plus loin de nous demander si la circonstance selon laquelle les lacunes informatives sont imputables à l'acheteur, resté passif alors même qu'il avait la possibilité de demander des informations supplémentaires, est de nature à influer sur les sanctions encourues par le vendeur.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand