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Les états et la construction de l'union africaine: le cas de la Libye et du Sénégal

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par Romaric TIOGO
Université de Dschang - Master II 0000
  

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B- Le rôle des festivals : le retour aux sources culturelles

Certains chercheurs comme Cheikh ANTA DIOP sont allés au-delà du mythe pour mettre en évidence les fondements culturels et civilisationnels d'une Union en Afrique. Dans la même perspective, René DUMONT affirmait que « l'absence d'un substrat philosophico-religieux dans lequel tous les Africains se reconnaitraient (à l'image de l'islam pour les Arabes et du christianisme pour les occidentaux) est un obstacle de taille à la construction d'une Afrique unie »314(*). C'est ainsi qu'à la clôture de la 12ème conférence de l'Union, plusieurs résolutions furent prises parmi lesquelles l'organisation du festival mondial des arts nègres à Dakar (FESMAN III).

En effet, c'est lors du premier congrès des écrivains artistes noirs initié par Alioune DIOP, le fondateur des éditions Présence Africaine, que pour la première fois, l'idée d'une rencontre des artistes noirs en Afrique avait été évoquée. C'est donc quarante-quatre ans après les épisodes de 1966 à Dakar et de 1977 à Lagos (Nigeria) que la troisième édition du FESMAN a eu lieu au Sénégal. Comme l'a expliqué Alioune BEYE, après les rencontres de Dakar et de Lagos, c'est suite à la décision du président Wade que l'idée du festival a été ressuscitée315(*). Du point de vue de la mobilisation, le FESMAN III a été une démonstration magistrale d'autant que 71 pays tant d'Afrique que de sa diaspora y ont participé. Parmi les disciplines au programme, figuraient l'art visuel, le théâtre, la critique d'art, le cinéma, la vidéo numérique, la danse et bien entendu des communications scientifiques et politiques.

Sur le plan culturel, le FESMAN s'inscrit dans une dynamique de valorisation du patrimoine culturel du peuple noir et de l'affirmation de « l'africanité » dont parlait Léopold SEDAR SENGHOR. Il estimait que l'existence d'une « identité culturelle » commune à tous les peuples d'Afrique suppose une «unité culturelle plus vaste qui transcende les divergences ethniques et nationales»316(*).Transposée dans le cadre de l'intégration, ZAKI LAÏDI perçoit en cette identité la troisième condition d'émergence d'un « espace de sens ». Il s'agit selon ses mots de construire un « espace énonciatif »317(*). En inscrivant le volet culturel dans son Acte constitutif et notamment dans le Conseil Economique, Social et Culturel(ECOSSOC), les pères fondateurs de l'UA ont voulu mettre un accent particulier sur la culture afin que par des actes concrets, les Africains contribuent à la déconstruction de la rengaine dont s'est gargarisée le colon, percevant l'Afrique comme un continent sans « histoire », sans « civilisation » et « sans culture ». Il y a donc lieu d'entretenir un discours identitaire plus ou moins formalisé et plus ou moins intériorisé. Se fondant sur le passé précolonial, le président Wade convainc d'ailleurs qu'« il y a bien plus de valeurs communes entre les Etats africains qu'entre les pays qui composent l'Union Européenne ou entre les multiples ethnies qui forment la mosaïque des Etats-Unis d'Amérique »318(*). Raison de plus de construire l'UA sur cette base.

Aussi, partant du postulat selon lequel les peuples africains ont tous un même objectif à savoir, vaincre le sous développement matériel en accédant au progrès scientifique, et consolider leur union dans certains domaines, les rencontres festives comme le FESMAN se muent en des lieux d'expression et de création des normes communes. Cette « intersubjectivité » 319(*) attire l'attention au-delà des organisations internationales, sur un contexte plus large à savoir les normes, les règles, les cultures et les idées320(*). Ces facteurs idéaux, loin de se confiner à des croyances et valeurs individuelles sont par essence des modes de comportements partagés. C'est ce que montre A. WENDT lorsqu'il affirme que les « institutions » et les « structures » sont fondamentalement des constructions sociales comportant à la fois des « discours et des organisations formelles »321(*). Ainsi, lorsqu'à l'occasion de ce festival, Théophile OBENGA affirme que « l'Afrique est une fiction juridique », « qu'elle n'existe pas dans les négociations internationales », il entend amener les Africains à déterminer leurs choix politiques et économiques face aux autres. Audie KLOTZ et Cecelia LYNCH expriment bien cette idée par le fait qu'à partir du moment où « on accorde aux acteurs sociaux le vrai pouvoir d'entretenir et de transformer leur monde, on doit aussi les tenir pour responsables de leur conception du « bien » et de leurs actions en vue d'obtenir ce qu'ils pensent possible et désirable dans la vie internationale »322(*). Ce cadre permettant de créer un véritable discours africain sur ce qui est « bien » pour le monde noir, il convient d'affirmer qu'au-delà de l'aspect purement ludique et festif qu'on lui reconnaîtrait prosaïquement, le FESMAN constitue avant tout une véritable vitrine de défense des intérêts du continent en général et singulièrement ceux de l'UA.

En participant à la construction de la muraille verte, le Sénégal contribue par ce fait même à assurer la survie du continent africain.

C- La construction de la muraille verte : relever le défi environnemental

La désertification constitue inexorablement un nouveau cancer qui colonise aussi le continent africain. Ce péril qui s'attaque à l'Afrique est une source d'aggravation de nombreux maux comme la pauvreté, l'insécurité alimentaire, les flux migratoires et les pertes en vies humaines tel qu'on l'observe dans la Corne de l'Afrique depuis le début de l'année 2011. Pour combattre ce danger qui chasse progressivement les pauvres africains de leurs terres fertiles, le Président OLUSEGUN OBASSANJO proposa un projet de reboisement de l'Afrique lors du 7ème sommet des Etats de la Cen-Sad, organisé à Ouagadougou du 1er au 2 juin 2005. L'idée sera ensuite reprise par le Président Abdoulaye WADE qui lui donnera le nom de « Grande Muraille Verte » (GMV) ou Great Green Wall en anglais. Du coup, il sera nommé comme le coordinateur de la mise en oeuvre dudit projet. Toutefois, c'est lors de la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA des 29 et 30 janvier 2007 que l'initiative de «Grande Muraille Verte du Sahara» sera adoptée comme un projet panafricain de développement.

En clair, les objectifs323(*) de la GMV sont : la contribution à la lutte contre l'avancée du désert ; la mise en valeur intégrée des zones dégradées du sahel en vue d'une gestion durable des ressources naturelles et la lutte contre la pauvreté, en visant de façon plus spécifique la conservation/valorisation de la biodiversité; la restauration/conservation des sols; la diversification des systèmes d'exploitation; la satisfaction des besoins domestiques (produits ligneux et non ligneux), l'accroissement des revenus grâce à de nouvelles activités et l'installation d'infrastructures sociales de base; l'amélioration des capacités de séquestration du carbone dans le couvert végétal et les sols et enfin l'inversion des flux migratoires vers les zones restaurées.

Estimé à 415 millions d'euros, l'initiative de GMV tend à constituer une ceinture de végétation large de 15 km reliant Dakar à Djibouti sur une distance de 7000 km. La bande se situe dans la zone sahélienne à l'isohyète comprise entre 100 et 400mm. Les 11 pays traversés sont entre autres Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria, Tchad, Soudan, Ethiopie, Erythrée et Djibouti. Cet ambitieux projet de construction d'une GMV a commencé par se concrétiser au Sénégal. Les premières plantations d'arbres ont été faites dans le Ferlo (Nord-est du Sénégal) en 2008 et dans la localité de Widou Thiengholy (région de Louga), à 370 kilomètres au Sud de Dakar. Dans ce pays, les plantes cultivées sont autant des arbres ordinaires que des cultures maraîchères destinées à la nutrition et au commerce.

Comme l'a expliqué le Président WADE, l'objectif global « est de s'opposer à l'avancée du désert et plus tard de s'attaquer au désert lui-même »324(*). Dans cette perspective, le Sénégal qui est mieux avancé dans l'implémentation de cette politique environnementale a « aidé le Burkina Faso à la réaliser en lui procurant des plantes adéquates à ses conditions climatiques à un prix exceptionnellement bas »325(*)

Outre le reboisement, ce projet a aussi pour objectif d'aménager des bassins de rétention d'eau dans les zones sahéliennes afin d'améliorer la production agricole. Car, tel qu'on le constate de plus en plus, le Lac tchad, jadis l'une des réserves en eau les plus importantes en Afrique a vu sa superficie diminuer, allant de 25000 km à environ 2500 km aujourd'hui. Agir rapidement pour le sauver serait une manière de donner aux 30 millions d'Africains qui le partagent les moyens de leur propre développement.

Projet novateur et d'un enjeu salvateur, la construction de la GMV vise à faire la guerre contre un ennemi commun qui risque à long terme non seulement de séquestrer la couche atmosphérique, mais de dévaster une Afrique pourtant destinée aux générations futures. A cet effet, l'UA devra penser une stratégie multilatérale afin d'aider un pays vaste comme le Mali et la Corne de l'Afrique qui n'auraient pas la capacité de s'offrir des plants appropriés. Car, le scénario préférable serait de traiter les causes du péril désertique que de s'occuper à guérir ses conséquences généralement irréversibles pour les Africains. Aussi, ce projet ne concerne que les pays de la Cen-Sad, d'Est en Ouest. Or, le Sud et le Nord du continent sont aussi menacés par la progression du désert. Il est impérieux que l'UA pense également à ces régions de l'Afrique.

En somme, la Libye a de l'argent et le Sénégal des idées. Ces deux éléments peuvent permettre d'ériger une UA forte. Mais, à condition que d'autres acteurs étatiques et la société civile s'impliquent aussi obstinément dans cette dynamique. Il est donc incontestable qu'en oeuvrant pour la construction de l'UA, les actions du Sénégal et de la Libye ne sont pas moins exemptes d'enjeux qui engendrent parfois des contraintes de diverses natures.

* 314 DUMONT René, cité par DEUTCHOUA Xavier, « De l'OUA à l'UA », dans Les Cahiers de Mutations N° 013, juin 2003, p. 3.

* 315 Voir SOW Cécile, « Renaissance africaine à Dakar », dans Jeune Afrique N° 2419 du 20 au 26 mai 2007, p. 85.

* 316 SENGHOR Léopold Sédar, cité par GONIDEC (P.- .F.), op. cit., p. 128.

* 317 Selon cet auteur, « L'espace énonciatif » renvoie à la production de préférences, c'est-à-dire la capacité de produire un « Nous » opposable au reste du monde. On dira ainsi «  Nous les Africains » par exemple. Voir ZAKI (L.), La lente émergence d'un espace de sens dans le monde »...op. cit., p. 39.

* 318 Il affirmait à cet effet qu'il n'existe aucune différence philosophique entre le président Mbeki et lui. Entretien conduit par ZORGBIBE Charles/BELMESOUS Hacène, op. cit., p. 15.

* 319 KLOTZ Audie et LYNCH Cecelia, « Le constructivisme dans la théorie des relations internationales », dans Critique internationale N° 2- hiver 1999, p. 53.

* 320 Ibid.

* 321 WENDT Alexander, cité par KLOTZ (A.) et LYNCH(C.), op. cit., p. 53.

* 322 KLOTZ (A.) et LYNCH(C.), op. cit., p. 61.

* 323 Cf. http://www.chaire-unesco-bordeaux.fr/, consulté le 13 septembre 2011.

* 324 Voir son discours prononcé lors de la Session Ministérielle de la Conférence sur la Grande Muraille Verte le 13 février 2008 sur http://www.grandemurailleverte.org/, consulté le 13 septembre 2011.

* 325 Entretien avec un diplomate sénégalais, le 26 avril 2011.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry