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Les états et la construction de l'union africaine: le cas de la Libye et du Sénégal

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par Romaric TIOGO
Université de Dschang - Master II 0000
  

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CHAPITRE IV: LES CONTRAINTES ENTRAVANT LES ACTIONS DE LA LIBYE ET DU SENEGAL

Dans le processus de construction de l'UA, certains facteurs défavorables empêchent parfois la progression de la Libye et du Sénégal vers leur objectif ultime à savoir, réaliser une Union supranationale. Il s'agit des contraintes dont parle Jacques ROJOT468(*). Ces contraintes sont non seulement inhérentes à eux-mêmes (section I), mais aussi et surtout extérieures à ces deux acteurs (section II).

SECTION I : LES CONTRAINTES INHERENTES AUX DEUX ETATS

Les contraintes intrinsèques aux acteurs proviennent de leurs caractéristiques individuelles, leurs capacités psychologiques, intellectuelles, culturelles ou encore de leurs capacités sociales de mobilisation469(*). Il s'agit dans notre cadre d'étude soit du comportement qu'un Etat affiche envers l'autre ou au sein de la structure, lequel peut créer des dissensions ou une dissonance dans le discours qu'il défend. C'est également la situation instable d'un pays qui peut constituer un frein à ses ambitions régionales. Dans cette perspective, si l'Etat libyen semble tenir un discours d'intégration qui a du mal à trouver un terrain d'entente sur le continent (paragraphe I), le Sénégal quant à lui souffre d'une fragilité qui lui est congénitale (paragraphe II).

PARAGRAPHE I- LE DISCOURS CONSTRUCTIF LIBYEN EN PERTE DE VITESSE ?

La politique étrangère libyenne en matière d'intégration a du mal à prendre racine en Afrique d'une part à cause des incohérences dont souffre son discours rassembleur(A), et d'autre part du fait du doute qui plane sur la crédibilité des ressources diplomatiques que mobilise ce pays(B).

A- Les incohérences d'un discours intégrateur

La Libye, chantre de la construction de l'UA semble n'avoir pas encore assez intériorisé les normes unitaires qu'elle diffuse à travers le continent(1), d'autant qu'on peut déceler quelques faiblesses dans son système de socialisation sur le savoir-vivre ensemble avec les populations sub-sahariennes(2).

1- L'internalisation en demi-teinte des normes unitaires diffusées

Le constructivisme permet de mettre en exergue plusieurs problèmes470(*) restés négligés dans le cadre de la construction d'un espace d'interdépendance comme l'UA. De fait, dans le processus de constitution des grands ensembles, les constructivistes considèrent la socialisation comme l'élément qui permet aux acteurs d'intérioriser les normes qui influencent en retour la manière dont ils se comportent et ce qu'ils perçoivent comme étant leurs intérêts471(*). Ainsi, l'appréhension portant sur l'assimilation des « standards de comportement approprié »472(*) peut laisser percevoir des faiblesses dans le discours que délivrent les acteurs immergés dans un processus d'intégration. La Libye nous paraît mieux servir un tel exemple en ceci que son discours vis-à-vis de certains événements a souvent été écorné à cause des prises de positions de son leader jugées incongrues par d'autres Etats membres de l'Union. Du coup, cette carence dans la maîtrise des principes qui gouvernent les relations entre acteurs dans un processus d'intégration a créé un climat de tension et de méfiance envers Tripoli.

Sur le continent en effet, nombreux sont les Etats qui suspectent la Jamahiriya libyenne de tenir un discours dont la finalité est de déstabiliser leurs situations internes aux desseins inavoués. Toute prise de position qui cause généralement des entorses au discours constructif dont elle souhaite être la pierre angulaire en Afrique. En mars 2010 par exemple, le Nigeria est frappé par de violents affrontements qui opposent les communautés chrétiennes et musulmanes. Comme solution de sortie de crise, le Guide libyen propose la partition du pays : « c'est la seule chose qui pourrait faire cesser les violences entre chrétiens et musulmans »473(*) a-t-il argumenté. En signe de mécontentement, le président du Sénat nigérian l'a traité de « fou » et la République fédérale du Nigeria a rappelé son ambassadeur à Tripoli.

Pour le Guide libyen, la cohabitation entre musulmans et chrétiens est source de conflits. C'est alors que pour retrouver la paix, il faudrait procéder à la scission des pays où les conflits de ce genre sévissent. C'est en substance cette même solution qu'il proposa le 10 octobre 2010 à l'ouverture du sommet de coopération afro-arabe à Dakar à propos du Soudan qui, selon lui, devait être coupé en deux afin que la paix y soit rétablie474(*). Or, « au regard des actions entreprises pour la construction de l'UA,  il y a une contradiction avec lui-même », soutient Yves EKOUE AMAÏZO.

Dès lors, il devient surtout captivant de s'interroger sur les motivations de Tripoli au regard des solutions à l'emporte pièce ainsi proposées. La question qu'il convient d'adresser est de savoir si l'enjeu pour le Guide libyen résidait tellement dans la recherche de la paix, dans la mesure où les problèmes qui opposent les différentes communautés religieuses de ces pays sont d'ordre politique, économique et foncier. En méconnaissance des situations internes de ces Etats, la Libye proposait des solutions qui ne cadrent pas forcément avec les vrais problèmes qui font partie du quotidien de leurs populations. Selon Yves EKOUE AMAÏZO, ces conclusions maladroites visant à ramener « la paix » recèlent plutôt d'autres enjeux que Tripoli n'ose pas dévoiler. Il écrit à cet effet que « si la solution du guide libyen est réduite à couper un pays en deux, c'est que cette solution n'a pas été réfléchie ou repose sur d'autres considérations stratégiques d'unité du monde arabe ». On a donc l'impression que le colonel KADHAFI promouvait la construction d'une UA totale mais conseillait en même temps la partition des pays devant faire partie de ce processus au profit des religions dites « importées ».

Parlant justement de l`islam lié au monde arabe auquel les ambitions de configuration d'un espace lui sont à tort ou à raison prêtées, la Libye de KADHAFI l'utilisait comme un vecteur de sa politique extérieure d'influence. Le colonel KADHAFI fervent défenseur de cette religion, avait fait ériger une société pour l'appel à l'islam, la « Jama-at ad da-wa al islami », dont le siège est la cathédrale de Tripoli. Avec plus de 500 000 membres, elle constitue un puissant centre de diffusion de l'islam à travers le continent475(*). Sa finalité étant de combattre énergiquement le christianisme que le Guide libyen assimile au colonialisme en Afrique476(*).

En 1999, l'un des motifs avancés par les chefs d'Etat pour rejeter le projet libyen résidait dans le fait qu'il était fondé sur le thème de l'islam477(*). Au regard de ceci, pourrait-on penser comme Y. E. AMAÏZO que « réclamer la partition d'un pays relèverait d'une stratégie non avouée du Guide consistant à faire avancer non pas l'UA dans sa tentative d'imposer les Etats-Unis d'Afrique à des chefs d'Etat africains qui n'en veulent pas dans la grande majorité, mais bien de faire favoriser la création d'un espace régional où les pays africains de confession majoritairement musulmane seraient intégrés dans un espace arabe »? Si une réponse positive ne s'impose pas forcément dans cette hypothèse, le moins que l'on puisse dire c'est que cet argument trouve un terrain quelque peu fécond dans certaines circonstances spécifiques. Car, la Libye dirige généralement ses aides dans les pays ou les régions dans lesquelles les populations sont d'obédience islamique, si l'on s'en tient au cas spécifique du Cameroun ces derniers temps. Depuis mai 2010, les populations de ce pays d'Afrique centrale (du Nord au Sud comme de l'Est à l'Ouest) sont frappées par la maladie du choléra. Mais, seule la région septentrionale majoritairement musulmane a pu bénéficier d'un important don de médicaments et de consommables affrétés dans un avion cargo par le Guide, lequel a atterri directement à l'aéroport international de Garoua (Nord Cameroun). Le diplomate chargé d'affaires au Cameroun, Lutfi Alamin M. MUGHRABI, porteur du message du Guide a déclaré  que : « mon président exprime au peuple frère et ami du Cameroun toute sa solidarité suite à l'épidémie du choléra qui sévit dans la partie septentrionale du pays »478(*). Initiative certes louable, mais qui marque une nette préférence envers les populations « frères » musulmanes du septentrion au détriment de celles qui ne le sont pas. Tout compte fait, un pays comme le Cameroun avec le Nord musulman, et le Sud chrétien, tout comme bon nombre de pays africains sont tenus d'anticiper ces commentaires tendancieux susceptibles de les confronter afin de mieux renforcer la cohabitation pacifique de leurs peuples, condition préalable pour bâtir une UA sur du béton. Il va enfin sans dire que le Guide libyen s'est offusqué lorsque les puissances occidentales ont commencé par couper la Libye en deux en faisant de Benghazi, ville où se trouve l'essentiel des richesses du pays la « capitale » de la rébellion.

Le discours libyen sur l'Afrique regagnerait à jouer la carte de l'apaisement en ce qui concerne la résolution des litiges au lieu d'être un boutefeu. Car, porter un projet aussi sérieux que celui de l'UA requiert beaucoup de responsabilité. N'est-ce pas là aussi l'occasion pour ce pays, de repenser les pistes de restructuration de son système social de cohabitation avec les populations subsahariennes, lequel n'a cessé de péricliter ?

* 468 Voir ROJOT (J.), op. cit., p. 220.

* 469 Ibid.

* 470 Il s'agit dans une large mesure du changement d'identités nationales des Etats membres, de l'impact des normes sur les processus de prise de décision au niveau communautaire et national, du processus d'internalisation des buts de l'intégration, de la socialisation des Etats membres par la participation directe au processus de l'intégration. Voir WILGA (M.), op. cit., p. 83.

* 471 Ibid, p. 71.

* 472 Telle est la définition de la norme selon KATZENSTEIN Peter, cité par BENDJABALLAH Selma et al, Vers un « constructivisme tempéré ». Le constructivisme et les études européennes. Centre d'Etudes Européennes, Avril 2008, p. 6.

* 473EL KADHAFI, cité par AMAÏZO EKOUE Yves, «Faut-il couper le Nigeria en deux ? », disponible sur afrology.com, consulté le 20 décembre 2011.

* 474Pour séduisante qu'elle soit, s'il est vrai que la partition du Soudan, comme elle s'est finalement réalisée, apparaît comme une « chance » pour les populations négro-africaines du nouveau Sud-soudan, il n'en demeure pas moins vrai que cela porte un coup de massue à la construction de l'UA en cours surtout quand on sait que la rébellion de John Garang qui a lutté dès les débuts pour cette scission a bénéficié du soutien des grandes puissances pour des raisons stratégiques. Ce que semble oublier le Guide libyen. Sur cet élément, voir également OUAZANI Chérif et GESLIN Jean-Dominique, « Zones sous haute surveillance », dans Jeune Afrique N°2438 op. cit., p. 29.

* 475 Voir MARTINEZ (L.), op. cit., p. 121.

* 476 OTAYEK (R.), La politique africaine de la Libye,... op. cit., p. 29.

* 477 DEUTCHOUA (X.), op. cit., p. 3.

* 478Cité par DIKWE FODAMBELE, « Choléra : la Libye offre des médicaments », dans Cameroun Tribune, 9 septembre 2010, p. 17.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo