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Les états et la construction de l'union africaine: le cas de la Libye et du Sénégal

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par Romaric TIOGO
Université de Dschang - Master II 0000
  

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CONCLUSION GENERALE

En remettant à l'ordre du jour l'idée d'une UA forte aux pouvoirs supranationaux, la Libye et le Sénégal tranchent avec la conception bismarckienne de l'Afrique. Ils rejoignent les aspirations des pères fondateurs de l'OUA, à l'instar de Kwame NKRUMAH et de Sékou TOURE dont l'objectif premier était de construire une structure continentale capable d'aider l'Afrique à se développer et défendre efficacement les intérêts du continent sur la scène internationale. Tel que nous l'avons démontré tout au long de cette étude, chacun de ces deux Etats s'efforce d'apporter sa touche particulière pour constituer le puzzle africain qu'est l'UA afin qu'elle réponde un jour aux espoirs du peuple le plus famélique du globe. A l'évidence, tel que l'avait prévenu Ali SALEM TRIKI, « les problèmes de famine, de pauvreté, de sécurité et d'analphabétisme ne pourront pas être résolus par un seul Etat africain »586(*).

La Libye est l'Etat par lequel cette « métavision » a été lancée sur le continent. En cette qualité, elle a abrité plusieurs sommets extraordinaires afin que le projet d'Union voit le jour. Aussi, elle a exceptionnellement mis à la disposition de la nouvelle Union d'importants moyens financiers pour que ses organes et ses différentes institutions soient constitués. L'enjeu majeur étant d'éviter que l'UA ne soit comme à l'image de l'OUA un conte de fée. Afin que cette Union se bâtisse sur des bases solides, c'est-à-dire sur un plan supranational, elle s'est dotée d'importants réseaux sur le continent. La Libye a pu ainsi réunir autour d'elle autant des Etats-alliés regroupés au sein de la Cen-Sad que des autorités traditionnelles africaines détentrices des pouvoirs mystico-religieux et politiques pour certains dans leurs pays respectifs. Ceci dans l'objectif de constituer une majorité pour faire passer aisément ses projets dont les plus importants sont celui du gouvernement de l'Union et celui des Etats-Unis d'Afrique.

De son côté, le Sénégal, avocat de cette Union a développé le concept de la « renaissance africaine » qu'il a fait matérialiser par un monument symbolisant l'éclairage et la libération de tout un continent des chaînes de l'esclavage, du colonialisme et de l'immobilisme. Un symbole fort qui constitue pour le peuple noir une référence à partir de laquelle pourra émerger une UA à la hauteur du continent. Pour ce pays, l'UA doit endogénéiser les savoirs de l'intelligentsia, tant du continent africain que de sa diaspora, afin d'intégrer ses expertises dans sa stratégie constructive. Ce que justifient l'organisation des colloques et des festivals ayant un volet culturel. Ces festivals constituent par ailleurs les lieux de production des normes et d'affirmation par excellence de l' « africanité ». Car, en s'enfonçant dans son histoire et sa culture, l'Afrique peut se donner les moyens de repenser ses relations avec le monde extérieur, notamment en érigeant une communauté qui la renforce et lui octroie la place qui est la sienne dans l'évolution actuelle du monde. Manifestant sa haine vis-à-vis du sous-développement, le Sénégal a proposé des projets structurants qui devraient à terme aider le continent africain à rattraper le retard qu'il accuse largement dans le mouvement de la mondialisation en cours. Ceci pour la juste raison que, malgré les montagnes d'or et de diamant dont la nature l'a exceptionnellement dotée, « l'Afrique est une somme de paradoxes, l'Afrique noire sans doute plus encore »587(*).

Ces actions libyennes et sénégalaises s'inscrivent dans la perspective constructiviste qui, selon l'un de ses précurseurs Alexander WENDT, « est désireux de démontrer que des changements dans la politique internationale sont susceptibles de se produire lorsque des acteurs, par leurs pratiques, changent les règles et les normes constitutives de l'interaction internationale »588(*). Le constructivisme reconnaît à cet effet que les acteurs ont une certaine autonomie et leurs pratiques et interactions contribuent à construire, à reproduire et transformer les structures589(*). En agissant pour la structuration de la structure qu'est l'UA, ces Etats tout comme leurs porte-paroles construisent leurs « identités qui sont la base de leurs intérêts »590(*) tant sur les plans national, continental, qu'international.

Le Sénégal et la Libye sont donc deux acteurs étatiques dont l'objectif est de faire de chaque Etat africain un rayon du grand soleil qu'est l'UA. Cependant, ce projet ambitieux connaît de temps à autre quelques écueils. Les entraves relevées sont d'ordre intrinsèque et extrinsèque. Les premières sont directement relatives à ces deux Etats. Dès lors, si le discours libyen sur la question de l'Union est très respecté de par l'enjeu qu'il recèle pour le continent tout entier, il ne trouve pas toujours d'écho favorable auprès de certains Etats qui accusent le gouvernement de Tripoli de son irresponsabilité lorsqu'il prône par exemple la division d'un pays ou soutient une rébellion déstabilisatrice. En ce qui concerne le Sénégal, le terreau recherché reste la paix à l'intérieur de ses frontières. Ainsi, ses ambitions continentales seront portées avec toute l'audace qui lui est reconnue.

Pour ce qui est des obstacles externes, nous en avons identifiés deux. D'abord, l'hostilité de certains Etats au sein de l'Union qui n'approuvent pas le timing et les méthodes de cette construction. Nous remarquons à cet effet que la part belle est davantage faite au retour aux formules nationalistes, au repli sur soi, même si certains chefs d'Etat disent vouloir commencer par les CER. Ce constat découle du fait qu'à la lecture des discours tenus par les adeptes du camp dit des « gradualistes », il est clair que la sacralisation de la souveraineté est le maître-mot, chaque Etat ayant pris la résolution de cultiver son propre jardin.

Cet enfermement dans une vision étriquée est en contradiction flagrante avec cet espoir d'Union. Pourtant, la cession des souverainetés dans certains domaines clés aurait permis de mettre sur pied des structures communes pour faire face ensemble aux grands défis que constituent ceux du monde actuel. L'Afrique construirait non seulement un marché commun mais érigerait également une communauté de sécurité qui devrait tout en éteignant les feux du continent, le défendre face aux expéditions punitives étrangères davantage fréquentes.

Ensuite, les derniers obstacles majeurs demeurent à la fois la disparition du maître à penser de cette Union et la découpe du continent africain qui est toujours à l'ordre du jour. Car, le Sahara a été comme nous l'avons vu avec le projet UPM érigé en frontière. C'est pourquoi lors du symposium de Dakar, le Président Abdoulaye WADE a appelé les intellectuels africains à penser les stratégies pour pousser ce projet dévoyé dans ses derniers retranchements. Cette lutte héritée de NKRUMAH reste à jamais la seule arme de survie du peuple d'Afrique591(*). D'ailleurs, un proverbe africain ne dit-il pas que « la solidarité dans le troupeau oblige le lion à dormir affamé » ?

Tout compte fait, malgré ces entraves, l'UA demeure une vision de portée prométhéenne. On peut donc affirmer que sa construction ne relève pas de la gageure. Elle a juste besoin d'une véritable volonté politique de la part des Etats qui devront prendre leurs responsabilités pour les engagements contractés ensemble. Car, de plus en plus, on a l'impression que certains chefs d'Etat africains jouent aux abonnés absents tout en se réunissant pour l'Union non voulue592(*). Peut-être que la personne de KADHAFI faisait-elle défaut eu égard à ses positions « calculatrices » qui inspiraient la crainte chez plusieurs chefs d'Etat africains. A présent que le pouvoir a changé de main en Libye, deux questions au moins restent pendantes.

D'abord, les chefs d'Etat changeront-ils d'attitude envers l'UA ? Ensuite, le nouveau gouvernement libyen portera-t-il l'UA tel que le faisait le Guide libyen ou aura-t-il, à l'instar du Maroc, les pieds sur le continent et l'esprit outre-Atlantique? A la vérité, il n'est pas exclu que l'allégeance qu'il doit à la France le pousse à s'investir dans l'UPM. De plus, le robinet financier libyen risque de ne plus couler. Car, si l'UA a tardé à reconnaître le CNT, c'est en partie parce que KADHAFI était son principal mécène. D'ailleurs, parmi les conditions ayant présidé à la reconnaissance du CNT, outre l'exigence relative au respect des droits des travailleurs immigrés subsahariens, figurait le souhait des Etats membres de voir la Libye s'occuper davantage de l'UA. Sur ce point, une fois de plus, comme dans le cadre de la Cen-Sad, on peut déplorer que l'UA veuille dépendre non pas des Etats africains, mais majoritairement d'un individu ou d'un hégémon sous-régional.

Tout de même, KADHAFI a frayé un chemin qui reste juste à peaufiner. Ainsi, les Etats africains devront non seulement cesser de garder leurs sous mais aussi adopter une politique étrangère régionale constante et coordonnée dans la perspective de poursuivre des intérêts supérieurs si, comme le soutient Norbert ELIAS, les organisations créées par les hommes ont pour but de « défendre ensemble leur existence ou l'existence de leur propre groupe contre les attaques antagonistes ...»593(*).

* 586 Ali Salem Triki cité par AYODELE (A.), op.cit., p.15.

* 587 KAMTO Maurice (dir.), L'Afrique dans un monde en mutation. Dynamiques internes ; marginalisation internationale ?, op. cit., p. 253.

* 588 BATTISTELLA (D.), cité par POKAM (H.D.P.), « L'Afrique et les jeux olympiques.. », op. cit., p. 306.

* 589 BARNET(M.), cité par POKAM (H.D.P.), ibid. 

* 590 WENDT (A.), cité par LAMBORN C. (A.) /LEPGOLD (J.), op. cit., p. 46.

* 591 Il affirmait en substance que les colons  pour être sûrs que leurs hégémonie sur le continent ne cessera pas, ils feront tout pour combattre chez les masses africaines la volonté croissante d'unité. Cf. NKRUMAH Kwame,  L'Afrique doit s'unir, Paris, Présence Africaine, 1994, p.15.

* 592 Au moment où il fallut par exemple mettre sur pied l'Autorité de l'Union au sein de laquelle les commissaires devaient se muer non plus en Ministres comme le réclamait la Cen-Sad, mais en Secrétaires, les présidents Museveni, Zenawi et le président intérimaire sud-africain Kgalema Montelanthé exigèrent que cela passe préalablement par de nouvelles ratifications au niveau des parlements nationaux. Ceci contrairement aux conclusions du Conseil exécutif d'Addis-Abeba de 2006 qui excluait cette hypothèse.

* 593 ELIAS Norbert, Qu'est-ce que la sociologie?, Paris, Ed. de l'Aube, 1991, p.169.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld