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Les tensions entre l'union africaine et la cour pénale internationale à  l'occasion de la poursuite des chefs d'état africains

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par Stephanie Laure Anguezomo Ella
Université de Limoges - Master 2 2015
  

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Paragraphe II) L'inaction des instances judiciaires dans la répression des crimes

internationaux

Comme la procureure Fatou BENSOUDA l'a déclaré : « La CPI n'est pas la panacée. Elle constitue un dernier recours s'intéressant aux injustices (...) 35». Telle est l'expression du devoir qui incombe en priorité aux institutions judiciaires nationales de réprimer les crimes internationaux commis sur leurs territoires : C'est la complémentarité consacrée dans l'article 1er du Statut de Rome qui précise que la Cour : « (...) est complémentaire des juridictions pénales nationales ». Cette règle de la complémentarité parfois qualifiée de « quasi-subsidiarité » s'inscrit dans la volonté de respecter mais aussi de responsabiliser les juridictions nationales dans l'exercice de leurs compétences36. Quant à l'article 17, qui reprend les conditions de recevabilité, il précise qu'une affaire ne peut être jugée recevable devant la Cour que si l'État ayant la compétence de la juger n'a pas la volonté ou est dans l'incapacité de mener véritablement l'enquête ou les poursuites. Cette règle commande que lorsqu'un crime grave est commis sur le territoire d'un État, il appartient à ce dernier de jouer pleinement son

33Mohamed MADI DJABAKATE, Le rôle de la Cour Pénale Internationale en Afrique, l'Harmattan 2014

34Assane KONE, Cour Pénale Internationale : les masques tombent, 16novembre 2013, Notre Nation Journal en ligne au Mali, http://notrenation.com/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=328(consulté le 12/12/2015) 35CPI, Déclaration de Fatou Bensouda, Procureur de la Cour pénale internationale:«La CPI est une Cour de justice indépendante qui doit être soutenue dans son action», 24 Novembre 2015, https://www.icc-cpi.int/fr_menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/Pages/otp-stat-24-11-2015.aspx, (consulté le 22/11/2015)

36Julian FERNANDEZ et Xavier PACREAU (dir.), Statut de Rome de la Cour pénale internationale: commentaire article par article, TOME I, Éditions A.Pedone, 2012

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rôle répressif en poursuivant les auteurs des crimes allégués. Loin des spéculations, la Cour ne s'est pas appropriée une compétence générale et exclusive de juger des crimes internationaux, elle en a attribué une partie conséquente à la charge des États en raison du principe de territorialité et de la prise de leur responsabilité dans la répression des crimes internationaux.

La complémentarité est un principe d'interaction entre les tribunaux nationaux et la CPI, revêtant un caractère commun de participation à la justice internationale en accordant une primauté aux premiers sur le fondement d'une compétence positive, la Cour se mettant en position d'avant-garde. Ce n'est que dans l'hypothèse où l'État ne s'acquitte pas de son devoir d'enquête ou de poursuites, que la Cour intervient en complément pour rattraper le manque d'intervention de l'État concerné. Par ce procédé, la Cour a voulu impliquer, faire agir et réagir l'État sur le territoire duquel s'est commis le crime par une répression effective, dissuasive et proportionnée.

A ce propos, Fadi EL-ABDALLAH, porte-parole de la Cour explique que « La CPI ne prétend pas à l'exclusivité. C'est une Cour de dernier recours (...) Elle n'intervient que si les États sont réellement dans l'incapacité d'agir ou n'ont pas la volonté de le faire37». Toutefois, cette obligation de réprimer n'appartient pas exclusivement à l'État sur le territoire duquel les crimes se sont commis mais d'autres États n'ayant aucun lien avec les faits peuvent également poursuivre les auteurs d'un crime par le biais de la complémentarité horizontale assimilée à la compétence universelle reconnue par le droit international. L'interventionnisme excessif qui est reproché à la Cour par l'UA et certains dirigeants selon l'auteur Marie BOKA n'est que forcé par la défaillance des juridictions nationales38. Elle ajoute également que : « (...) contrairement à l'imagerie populaire en Afrique, la Cour n'était pas forcement demandeuse ! Créée pour être complémentaire des juridictions locales, elle ne s'attendait pas à être catapultée juridiction de premier ressort. Les tribunaux locaux étaient supposés jouer leur rôle39». Plusieurs raisons tendent à expliquer l'incapacité et le manque de volonté de certains États de tenir un tel procès. Parmi elles, les problèmes techniques ou de capacité résultant de l'absence ou du manque d'efficacité du cadre législatif nécessaire à la mise en oeuvre du Statut, du manque de compétences et d'expérience en matière d'enquêtes, la faible priorité accordée aux affaires graves et de l'insuffisance de ressources dont dispose le système judiciaire40.

Dans la plupart des cas, les tribunaux nationaux ne prévoient non seulement pas un système réel d'assistance et de protection de témoins mais tendent parfois, soit à satisfaire l'auteur en raison de sa

37Propos rapportés par Pascal Fleury dans , Fronde africaine contre la Cour de la Haye, La Liberté, 8mai 2015, http://www.laliberte.ch/media/document/10/laliberte_20150508_premirepage.pdf (consulté le 30/11/2015)

38Marie BOKA, La CPI, une Cour raciste?, 17 juillet 2015, Audace Institut Afrique, http://audace-afrique.org/analyses/663-la-cpi-une-cour-raciste.html (consulté le 23/12/2015)

39Ibid

40CPI, Bilan de la justice pénale internationale: la Complémentarité, ANNEXE IV, https://www.icc-

cpi.int/iccdocs/asp_docs/R010/ICC-ASP-8-Res.9-Annex.IV-FRA.pdf, (consulté le 16/02/2016)

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position et de son influence, soit au contraire à le juger plus sévèrement en bafouant littéralement les garanties procédurales (procès équitable, droits de la défense...). Pour ces États, les problèmes de corruption de la justice liés à son efficacité, les problèmes d'indépendance et d'impartialité constituent une barrière érigée par les États eux-mêmes entre la volonté de juger et l'incapacité de juger.

L'article 17 prévoit les conditions dans lesquelles la Cour va constater l'incapacité ou le manque de volonté de l'État à poursuivre. Dans le cas où un État se retrouve dans une telle posture, il peut par anticipation en référer à la Cour qui, après vérification, fera jouer sa compétence subsidiaire pour que les crimes ne restent pas impunis. D'après Francis DAKO, avocat au barreau de Cotonou et coordinateur du bureau Afrique de la Coalition pour la CPI, la critique de certains dirigeants africains et de représentants de l'UA selon laquelle la Cour (CPI) est un tribunal de l'occident contre les dirigeants africains « n'est pas justifiée parce qu'il aurait fallu simplement que les Africains se donnent les moyens de juger sur place les dirigeants africains. En ce moment la Cour n'aurait rien eu à faire41». La réaction de l'UA s'apparente à une campagne de discrédit, pourtant en tant que l'institution continentale par excellence, elle se doit de s'assurer des capacités judiciaires des États africains à participer pleinement à la lutte contre l'impunité par une action pénale. Ce n'est que lorsque ces derniers ne s'en acquittent pas qu'il est tout à fait inévitable et ce conformément au Statut que la Cour prenne le relais.

Néanmoins, cette complémentarité peut variée et même être forcée en fonction des circonstances de l'affaire en cause. Les cas libyens illustrent le premier aspect. La Cour va observer deux raisonnements tout à fait distincts en fonction de la situation de chaque accusé42. Concernant les affaires Saif AL ISLAM et EL SENOUSSI, le Cour va analyser la capacité d'un même pays à juger de manière différente. Dans le 1er cas, elle va estimer par application au principe de la complémentarité, que l'affaire est recevable devant la CPI en raison du fait que la Libye n'avait pas prouvé que l'enquête nationale menée couvrait la même affaire que celle devant la CPI, alors que dans le second cas elle va soutenir l'inverse. Comment se fait-il qu'un même système judiciaire soit en meilleure posture de juger l'un des accusés de façon équitable et pas les autres, lui valant un dessaisissement de la Cour alors qu'en principe lorsque la justice d'un État est effondrée, la Cour devrait en principe se saisir de tous les accusés dans la mesure ou l'infrastructure judiciaire n'existe

41Francis DAKO, « Gbagbo est poursuivi pour des crimes précis », Nord Sud Quotidien, 19 juillet 2012, http://www.iccnow.org/documents/Gbagbo_est_poursuivi_pour_des_crimes_precis,_Francis_Dako_-_Nord-Sud_-_19_Juillet_2012.pdf (consulté le 29/11/2015) 42Judith KHELIFA, Le principe de la complémentarité de la CPI et la résolution libyenne, 8septembre 2014, https://chroniquesinternationalescolla.wordpress.com/2014/09/08/le-principe-de-complementarite-de-la-cpi-et-la-revolution-libyenne/, (consulté le 17/0/2016)

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plus. En décidant de ne se saisir que d'un cas particulier d'une situation, la Cour démontre ici que la complémentarité est à géométrie variable parfois en fonction des garanties d'un procès équitable lié à la personne même de l'accusé. C'est donc une analyse au cas par cas.

Le cas de Thomas LUBANGA illustre l'aspect de la complémentarité forcée. La CPI s'est saisie de cas alors qu'il était déjà en prison au Congo pour des accusations plus graves (génocide et crimes contre l'humanité) que celles portées par la CPI. Ce dernier étant déjà en prison, on ne pouvait soutenir que l'État était en incapacité de juger ou de manque de volonté d'enquêter ou de poursuivre. Des commentateurs ont déploré le fait que la Cour se saisisse inutilement de cette affaire car contraire à la règle de la complémentarité. En se saisissant d'une affaire déjà ouverte au niveau national, le procureur anticipe le fait que la justice congolaise soit en incapacité de véritablement bien juger43. En fin de compte, c'est la RDC qui a décidé de déférer à la CPI, la situation de l'Ituri démontrant de son incapacité à juger. Selon William SCHABAS, « la CPI semble s'être saisie du cas LUBANGA pour légitimer son existence plutôt que mettre en oeuvre une application juste du principe de complémentarité.44»

Si dans le cas du Darfour du Soudan, le manque de volonté de la justice soudanaise de réprimer est constaté cela n'a pas été le cas du Kenya. L'UA avait sommé à la CPI de respecter le principe de complémentarité en raison du fait qu'une Commission avait été créé pour enquêter sur les crimes présumés. Pascal TURLAN, conseiller auprès du procureur de la CPI soutient que rien n'a été fait de la part des tribunaux locaux en ce sens que ladite commission (créée au Kenya) n'a pas véritablement agit. Tout compte fait, l'article 17 du Statut permet à la Cour de passer outre les poursuites engagées au niveau national lorsque celles-ci sont ineffectives ou inefficaces45. Ainsi, la faiblesse des institutions nationales africaines concourt fortement à l'intervention de la Cour.

Il est regrettable de constater que certains États africains vont accepter ou non de poursuivre les crimes au niveau national parfois en fonction de la qualité de la personne en faisant l'objet, on parlera dans ce cas de manque d'intention de traduire la personne concernée en justice. La radicalisation de l'UA à l'égard de la CPI s'est peu à peu construite : les relations hostiles ont commencé lorsque celle-

43A.MELCHIADE MANIRABONA, Vers la décrispation de la tension entre la Cour pénale internationale et l'Afrique: quelques défis à relever, (2011) 45 (2) Revue Juridique Thémis, http://oppenheimer.mcgill.ca/IMG/pdf/Article-Themis-.pdf, (consulté le 21/12/2015)

44Ibid

45EMERY NUKURI, La complémentarité de la justice pénale internationale à la justice nationale des États dans le cas de la Cour pénale internationale, Mémoire de Licence 2010, http://www.memoireonline.com/09/11/4797/m_La-complementarite-de-la-justice-penale-internationale--la-justice-nationale-des-etats-dans-le15.html, (consulté le 16/02/2016)

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ci a fait part de son intention de poursuivre un Chef d'État en exercice en 2009, Omar El BECHIR tandis que la poursuite du président en exercice du Kenya, Uhuru KENYATTA n'a été que la goutte d'eau qui a fait débordé le vase.

La variabilité de la complémentarité joue au profit de la CPI comme elle l'a été à un moment donné au profit des détracteurs actuels de la Cour à savoir les dirigeants africains lorsqu'il s'agissait d'envoyer à la CPI leurs adversaires politiques. Jusqu'en 2009, les rapports entre la CPI et l'UA étaient cordiaux, il y' avait une parfaite coopération entre les deux institutions et les États tant qu'ils trouvaient tous un intérêt dans le travail effectué par la Cour. En effet, cette attitude montre que lorsqu'il s'agit de se débarrasser soit des opposants ou des petits poissons (les plus faibles auteurs sur la pyramide de responsabilité pénale), les États sont prêts à pleinement coopérer et dociles. Mais, dès l'instant où la Cour s'est attaquée à l'un des leurs, la donne a complètement changé. Auparavant, ils usaient de la complémentaire à leur profit en donnant à la Cour n'importe quel criminel pourvu qu'il soit jugé alors que certains États étaient aptes à juger mais ne le voulaient simplement pas. C'est en sens qu'il ont fait entrer la politique dans une institution juridique qui en a fait un très bon usage au point de la retourner aujourd'hui contre les principaux instigateurs puisqu'elle vise désormais les principaux commanditaires des crimes, ceux ayant la plus grande responsabilité dans leur perpétration et qui auraient dû, en vertu du principe « de la responsabilité de protéger » reconnu en droit international, prévenir voir empêcher la commission de tels crimes dans leurs pays: les Chefs d'États africains

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore