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La nomination des animaux par Adam, dans l'Occident latin du XIIe au XVe siècle. Etude iconographique

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par Maÿlis Outters
Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines - Master 2 d'histoire médiévale 2006
  

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3. Une créature à disposition de l'homme ou la créature soeur ?

L'animal est une créature mise à la disposition de l'homme qui peut s'en servir et le tuer. Cette idée jalonne les écrits chrétiens. Par exemple à partir du XIIe siècle, on lit dans l'Elucidarium que les animaux sont faits pour l'homme, qu'ils soient bons ou mauvais. L'Elucidarium d'Honorius Augustodunensis a une grande influence dans le monde médiéval puisqu'on y retrouve des passages dans de nombreux manuscrits en langue vulgaire. Lui qui n'a eu aucune influence dans le monde universitaire parisien, a longtemps alimenté la vie religieuse des foules, et transmet des idées admises par le plus grand nombre :

Dieu créa les animaux nuisibles avec autant de soin que les anges et pour sa plus grande gloire. Les mouches et moustiques piquent l'homme et le rappellent à l'humilité, ce sont des moustiques, non des lions ou des ours qui ont dévasté le royaume de pharaon, les fourmis et les araignées lui donnent l'exemple du travail. Toutes les créatures sont bonnes, et toutes ont été créées pour l'homme, qu'elles soient belles, curatives, nourrissantes ou édifiantes.107(*)

Pour minimiser la puissance physique qu'a l'animal sur l'homme, les interprètes de la Bible mettent en valeur la dignité de l'homme qui a été fait à l'image de Dieu. L'animal est une créature bien distincte de l'homme. En 1277, les autorités ecclésiastiques et théologiques ont condamné la thèse philosophique selon laquelle était interdit par la loi naturelle «le meurtre des animaux irraisonnables, tout comme celui des animaux raisonnables, même si elle l'interdisait à un degré moindre»108(*). le «meurtre» n'est pas un terme adéquat aux animaux, puisqu'il s'applique nécessairement à un être humain.

Saint Thomas d'Aquin affirme que les animaux ne perçoivent pas l'immatériel, le spirituel, de ce fait il condamne les procès des animaux, car ces derniers n'ont pas la notion du bien et du mal109(*) .

Albert le Grand, qui montre comment l'animal est parfois capable de déductions, apporte une autre restriction en soulignant que, pour l'animal le plus intelligent, les signes restent toujours des signaux, mais ne deviennent jamais ce que nous appellerions aujourd'hui des symboles. Deux différences essentielles qui semblent établir une frontière imperméable entre l'homme et la bête. La bête s'éloigne de l'homme.

D'autre part, d'après le récit de la Création, l'animal est la créature soeur de l'homme : ils ont été façonnés tous les deux le sixième jour, à partir de la glaise par la main de Dieu. Il existe deux termes en latin pour signifier le nom : nomen, désigne le nom des personnes et vocabulum, qui désigne plutôt le nom commun, le mot. Or pour le nomination des animaux la Bible et ses commentaires utilisent en majorité le terme nomen. Le fait que les animaux aient une anima, un souffle de vie qui les anime, les rapprochent plus des hommes que des choses ou des êtres inanimés. Adam a reçu le même souffle de vie du Créateur.

Isidore de Séville dans son texte mentionnant la nomination des animaux (annexe, texte 2) utilise les deux termes nomen et vocabulum. L'objectif de l'ouvrage étant le recension des étymologies des noms d'animaux, les mots, peut-être Isidore a-t-il préféré utiliser un terme «technique», grammatical, les noms donnés par Adam étant les noms communs faisant l'objet d'une étude étymologique par la suite. Cependant le fait que ce soit un passage biblique, Isidore a préservé le vocabulaire imposé par saint Jérôme. Une autre hypothèse voudrait qu'Isidore ait voulu faire preuve de son savoir linguistique et montrer l'étendue de ses connaissances latines. Les deux termes désignant le nom, sont utilisés régulièrement l'un après l'autre.

Aux derniers siècles du Moyen Âge, sous l'effet des prédications des mendiants, s'opère une démonisation des animaux. Certaines bêtes sont de plus en plus précisément assimilées à certains péchés capitaux. Ce qui diffère des siècles précédents où l'animal était considéré comme un être inférieur mais souvent envisagé dans une perspective positive. Cette transition se fait au début du XIIIe siècle lorsque s'ouvre chez les théologiens le grand débat sur la rationalité de l'âme humaine. L'homme a été tiré vers la rationalité et l'animal vers l'irrationalité. Un fossé infranchissable se creuse alors entre ces deux créatures. Les êtres hybrides, mi-homme, mi-animal disparaissent. Cependant quelle que soit l'époque, les êtres hybrides n'ont pas leur place dans la scène de la nomination des animaux. Les créatures mi-homme, mi-animal sont considérées, par quelques récits légendaires sur la Création110(*), comme des ratés de la création, repoussés aux extrémités de la terre, et qui n'ont donc pas eu le droit d'appartenir à l'ensemble parfait de la Création que Dieu considéra comme «très bon», à la fin de son travail.

Il reste cependant l'exception de saint François d'Assise que nous étudierons plus loin, qui a eu une vision sur les animaux souvent opposée à ses contemporains. Pour lui les animaux sont sans aucun doute les créatures soeurs dont l'homme devrait s'inspirer un peu plus souvent.

* 107 Y. Lefebvre, L'Elucidarium et les lucidaires, op. cit., §65, 67, p. 116.

* 108 La Condamnation parisienne de 1277, art. 20, trad. D. Piché, cité dans Ch. Cervelon, L'Animal et l'homme, op. cit., p. 58.

* 109 M. Pastoureau, Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental,op. cit.

* 110 D. Maclagan, La Création et ses mythes, Paris, Le Seuil, 1977.

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