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La nomination des animaux par Adam, dans l'Occident latin du XIIe au XVe siècle. Etude iconographique

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par Maÿlis Outters
Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines - Master 2 d'histoire médiévale 2006
  

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4. Les animaux du Paradis

On perçoit un changement parmi les animaux à la fin du XIIIe siècle. Hormis le bétail (caprins, bovins et ovins) très représenté dans tout le corpus iconographique, pour des raisons que nous avons évoquées plus haut (en référence au texte d'Isidore de Séville, et par le fait que l'homme ait maintenu sa supériorité sur ces animaux), les animaux du Paradis prennent une place importante. Comme le lion, le paon et le chameau, tous trois présents dans les Heures du duc de Bedfort (ill. 26).

Même si les bestiaires insistent plus sur l'orgueil et la vanité du paon, celui-ci par sa beauté et sa majesté appartient au bestiaire du jardin paradisiaque : sa queue ouverte ressemble au firmament, il devient l'apanage des jardins aristocratiques. Pour le Physiologus, «le paon est un oiseau charmant, plus que tous les oiseaux du ciel»121(*) . Le paon appartient plus au jardin courtois, au jardin des délices, qu'au jardin du Paradis, mais l'amalgame entre ces deux jardins allant croissant, il n'est pas étonnant de le voir dans une bible du XVe siècle, d'autant plus qu'elle est destinée à un homme de la haute aristocratie, le duc de Bedfort, fils d'Henri IV d'Angleterre alors régent de France. La symbolique paléochrétienne a pu favoriser l'entrée de cet animal dans le Paradis, puisque présent dans les catacombes, le paon représentait la vie éternelle aux coté du cerf et de la colombe122(*) , deux animaux représentés dans l'enluminure. Or s'il ne manque qu'une chose dans l'Éden, c'est bien la mort.

La présence du lion est presque systématique et l'on peut être tenté de dire que ce n'est pas un animal exotique au Moyen Âge123(*). Sa présence paraît toute naturelle dans le bestiaire de Meermanno (ill. 28), au milieu d'animaux domestiques : une vache, une chèvre, un bélier, un cheval, un chien et un lapin. Cependant elle est nécessaire pour montrer qu'Adam n'avait pas la même domination sur les animaux que les hommes contemporains de cette enluminure, pour montrer que tous les animaux pouvaient se côtoyer. De plus, son titre de roi des animaux permet au lion d'être une des figures essentielles du Paradis, une figure indispensable.

Quant au chameau, qui est l'animal symbolique de l'Orient, il rappelle que la jardin d'Éden se situe en Orient. L'éléphant, est doublement un animal du Paradis, par son exotisme, et par son symbolisme. Il est l'image d'Adam et d'Ève. L'article sur l'éléphant de Guillaume le Clerc dans son Bestiaire d'Amour, nous présente ces animaux qui viennent d'Inde et d'Afrique et les compare au premier couple :

«En ces bestes par verite

sont Eve et Adam figure

quant il furent en paraïs»124(*).

Adam et Ève sont souvent mis en parallèle avec le couple que forment l'éléphant et l'éléphante. Les comparaisons véhiculées par les bestiaires ne manquent pas entre ces deux couples. Les éléphants sont chastes, et ne s'accouplent qu'après avoir mangé du fruit de la mandragore, fruit offert par la femelle pour aguicher le mâle. La femelle n'enfante que dans l'eau pour protéger sa progéniture du venin du serpent ou du dragon, ennemi par excellence de l'éléphant. Au delà du couple primitif, les éléphants représentent toute la descendance d'Adam qui doit attendre l'arrivé du nouvel Adam, le Christ, pour se relever du péché, comme un éléphant tombé qui ne peut se relever même aidé de douze autres (les prophètes), sinon grâce à un saint petit éléphant, Car d'après les bestiaires seul un éléphanteau parviendra à relever l'éléphant tombé. L'éléphant malgré cette double interprétation est plus rare dans le corpus iconographique (ill. 2, 4, 27).

C'est pourquoi dans le bestiaire de Saint-Petersbourg (ill. 4), l'éléphant et le chameau se retrouvent au même niveau, ils représentent l'Orient, le berceau géographique du Paradis. À la fin du Moyen Âge les représentations se fixent et l'éléphant représente plus l'Afrique et le dromadaire l'Asie. Il n'est pas rare de voir des dromadaires dans les bestiaires du XIIIe siècle (voir les ill. 4, 7, 8, 10, 13), le bestiaire de la Boldeian Library (ill. 18) copie du fameux bestiaire d'Aberdeen (ill. 5) a même rajouté l'animal que son modèle avait omis. Le bestiaire d'Aberdeen s'est contenté d'animaux indigènes, mis à part les lions.

Enfin le dernier animal qui pourrait appartenir aux «animaux du Paradis» serait la licorne. Les bestiaires racontent que la licorne se fait capturer une fois endormie sur le sein d'une vierge. L'interprétation mystique est que la licorne représente le Christ descendu sur terre dans le sein de la Vierge et capturé et tué par les hommes. L'association de la licorne avec une vierge, puis avec la Vierge Marie, la met souvent au milieu de l'hortus conclusus, ce jardin clos et interdit à l'homme depuis le péché originel. L'hortus conclusus est l'Éden ou le fruit de la Vierge qu'est le Christ. Par association d'idées, la licorne devient animal du Paradis. Symbole de virginité et de pureté comme l'éléphant, elle symbolise la sainteté du Paradis, et le plus bel exemple en est la série de la dame à la Licorne, conservée au musée de Cluny. Les licornes font une apparition remarquée au XVe siècle au détriment de l'autre animal à la majestueuse ramure, le cerf.

La bible flamande du XVe siècle (ill. 27) qui tente du recréer l'ambiance paradisiaque à travers une végétation florissante, a aussi sélectionné ses animaux. Outre la chèvre et un quadrupède (peut-être un cheval), nous avons le cerf christique, ainsi que des animaux exotiques, ceux du Paradis, le lion, l'éléphant et la licorne.

* 121 A. Zucker, Physiologos. Le bestiaire des bestiaires, Grenoble, éd. Millon, 2004, p. 267.

* 122 G. Duchet-Suchaux, M. Pastoureau, Le bestiaire médiéval, op. cit., p. 105.

* 123 ibid, pp. 90-92, Michel Pastoureau hésite quant à déterminer l'exotisme du lion tant il fait parti intégrante de l'environnement visuel de l'homme au Moyen Âge, sur les chapiteaux, les blasons, les enluminures, les vêtements, etc.

* 124 Guillaume le Clerc, Bestiaire d'Amour, Paris, BNF, ms. fr. 14969, fol. 60.

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