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La nomination des animaux par Adam, dans l'Occident latin du XIIe au XVe siècle. Etude iconographique

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par Maÿlis Outters
Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines - Master 2 d'histoire médiévale 2006
  

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Chapitre 3. Espoir d'un retour à l'harmonie originelle

À travers les hagiographies, puis par l'iconographie, nous remarquons une constante tout au long du Moyen Âge; celle de la quête du Paradis terrestre, une quête physique comme en témoignent les récits de voyageurs. Mais c'est aussi une quête mystique, celle de retrouver l'harmonie originelle entre les créatures, une harmonie qui est preuve de sainteté. La complexification des jardins, leur amélioration au cours des siècles médiévaux nous montre cette quête au niveau de la végétation. Le jardin d'Éden est un modèle pour les jardins aristocratiques laïcs, dans l'espoir de retrouver l'harmonie entre l'homme et la nature. La quête de l'harmonie paradisiaque chez les clercs se retrouve plutôt dans l'harmonie entre l'homme et l'animal.

1. Le saint et les bêtes sauvages

La supériorité spirituelle de l'homme sur l'animal a été fortement et paradoxalement soulignée tout au long du Moyen Âge, alors que le simple rapport de force physique entre l'animal et l'homme n'a jamais été si désavantageux pour ce dernier. Mais il ne s'agit précisément pas de faire valoir un droit de nature de l'homme sur l'animal, fondé sur une puissance plus grande, mais sur une différenciation de dignité entre l'homme et l'animal, l'homme étant fait à l'image de Dieu125(*). Adam, fait à l'image de Dieu, dans son état d'innocence domine tous les animaux. Nous avons vu que l'homme par la faute du péché à perdu sa supériorité sur certain animaux, ou plutôt comme l'expliquent les commentaires, les animaux se sont rebellés contre l'homme pécheur. Ils n'avaient plus de raison de rester dans l'obéissance d'un homme rebelle à Dieu.

Maître Eckhart (†1328) n'impute pas, comme la plupart des commentateurs, au péché originel de l'homme, la perte de l'autorité sur tous les animaux. Adam, selon maître Eckhart, a eu la supériorité sur les animaux parce que sa raison dominait ses passions, ce qui est dans l'état naturel des choses. La passion est naturellement inférieure à la raison or les animaux sont des êtres de passion et l'homme est un être de raison. Qu'un animal n'obéisse pas à un homme n'est donc pas naturel. Car comme l'explique maître Eckhart :

«par nature tout animal est soumis à l'homme : on peut voir qu'un seul homme même jeune et faible conduit et gouverne tout un troupeau de bête de somme ou d'autres animaux. Même un petit garçon monte un énorme destrier, le maîtrise et le conduit par le frein»126(*)

Les bêtes brutes n'obéissent plus à l'homme, quand elles sont agitées par les passions, c'est à dire quand elles ne sont pas dans leur état naturel. L'homme a donc autorité sur tous les animaux dans leur état naturel, non pervertis par les passions, les hommes du Moyen Âge peuvent avoir cette supériorité comme l'avait Adam. Il est donc possible de retrouver cet état harmonieux où les animaux vivaient en paix sous l'égide de l'homme.

L'homme peut retrouver parfois cette domination, par le long travail de l'apprivoisement et de la domestication. Tous les animaux peuvent être domestiqués, comme le prouvent les ménageries médiévales. Cependant les animaux, qui eux n'ont jamais été dans la désobéissance vis-à-vis de Dieu, peuvent parfois se soumettre de leur propre chef à la volonté d'un saint homme, lui même soumis à Dieu. Car même s'il a perdu son pouvoir de supériorité à cause du péché, en luttant contre celui-ci l'homme est capable de retrouver cette souveraineté. La Légende dorée nous donne l'image d'un saint Blaise comparable à Adam au milieu des animaux :

Après avoir reçu l'épiscopat [de Sebaste en Cappadoce], à cause de la persécution de Dioclétien, Blaise gagna une caverne où il mena une vie érémitique, les oiseaux lui apportant sa nourriture, et les bêtes s'attroupant autour de lui d'un coeur unanime, ne le quittant que lorsqu'il leur avait imposé les mains pour les bénir ; et s'ils étaient malades, ils venaient aussitôt le voir et en rapportaient une guérison complète. Le gouverneur de cette région ayant envoyé ses soldats à la chasse, ceux-ci étaient restés bredouilles et étaient arrivés par hasard devant la grotte de saint Blaise. Il y trouvèrent une grande foule de bêtes debout devant lui. toutes leurs tentatives pour les capturer furent vaines, aussi l'annoncèrent-ils stupéfaits à leur maître[...].127(*)

Les hagiographies du haut Moyen Âge regorgent de soumissions de bête sauvages à un saint. Dans son ouvrage sur le bestiaire médiéval, Jacques Voisenet montre que «dans une littérature presque exclusivement cléricale [...] le pouvoir de la sainteté sur le monde physique a été mis en exergue. Il s'étend sur tout le règne animal et permet de faire respecter l'ordre divin d'avant la faute originelle, où les espèces douces et paisibles côtoyaient sans danger les bêtes devenus par la suite féroces [...]. Le saint s'érige en protecteur des animaux les plus faibles, de ceux poursuivis par des prédateurs ou par des chasseurs. Dans ce jeu cruel de la violence quotidienne[...] il s'interpose et réintroduit un équilibre paradisiaque»128(*). Dans Le Pré spirituel de Jean Moschus nous avons l'exemple d'un lion qui se fracasse le crâne contre la tombe du moine qui l'avait soigné et nourri, et qu'en échange il protégeait. Et l'auteur de conclure :

Tout cela se fit non pas qu'il faille lui attribuer une âme raisonnable mais parce que Dieu voulait glorifier ceux qui le glorifiait[...] durant leur vie [...] et montrer comme les bêtes étaient soumises à Adam avant qu'il eut transgresser son commandement et qu'il eut été chassé du Paradis des délices129(*)

Saint Jérôme fut aussi accompagné d'un lion tout dévoué auquel il avait enlevé une épine du pied : c'est la force brute vaincue par la pitié ; de même saint Blaise fait rendre à un loup un pourceau qu'il avait volé à une pauvre femme130(*) et saint François d'Assise apprivoise le loup qui terrorisait les gens de Gubbio.

Beaucoup de bêtes sauvages sont métamorphosées au contact des saints, ermites ou moines. Chez certaines on notera des changements alimentaires, le lion cité précédemment est devenu herbivore au commandement de son moine. «Il s'agit d'une véritable conversion qui leur fait embrasser le mode de vie érémitique, modèle qui s'impose même aux bêtes sauvages alors que de nombreux hommes, dans leur aveuglement, refusent de reconnaître cet idéal»131(*)

* 125 Ch. Cervelon, L'Animal et l'homme, op. cit., p. 57.

* 126 Maître Eckhart, Commentaire de la Genèse, op. cit., p. 397.

* 127 Jacques de Voragine, La Légende dorée, Paris, Gallimard, la Pléïade, 2004, p. 202.

* 128 J. Voisenet, Bêtes et hommes dans le monde médiéval. op. cit., p. 208.

* 129 Moschus, Le pré spirituel, cité dans J. Voisenet, Bêtes et hommes... op. cit., p. 212.

* 130 La Légende dorée, op. cit., p. 203.

* 131 J. Voisenet, Bêtes et hommes... op. cit., p. 209.

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