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Liberté de presse et accès aux informations administratives en république du Bénin

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par Stéphane SONON
Université de Nantes - DEA 2004
  

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A- Les manuels de procédures

En sa séance du Conseil des Ministres du 30 Octobre 1996, le Chef de l'Etat du Bénin a « instruit tous les responsables des départements ministériels d'élaborer des guides des usagers et des manuels de procédures en vue de mettre à la disposition du public, des informations utiles pour bénéficier des prestations de l'Administration dans des délais précis et pour éviter que l'ignorance des uns ne soit plus exploitée par les autres»128(*).

Ainsi, sous la présidence de la Cellule de la Moralisation de la Vie Publique129(*), un ouvrage composé de cinq (05) volumes a été élaboré pour mettre à la disposition des usagers, des guides pratiques des différents structures et services de l'Administration.

A travers cet ouvrage, l'usager connaît désormais ses droits et devoirs, les conditions qu'il doit remplir pour bénéficier d'une prestation de l'Administration ainsi que le délai prescrit pour qu'une suite lui soit donnée.

Pour une prestation déterminée, l'ouvrage mentionne les pièces prévues par la loi et autres textes en vigueur. Il mentionne aussi le temps suffisant pour que l'Administration étudie la demande de l'usager et pour lui donner une suite qui peut être soit le rejet, soit la satisfaction de la demande. Ce temps peut être fixé par la loi ou les textes réglementaires en vigueur ou résulter de la pratique quotidienne de la structure administrative concernée.

Le non respect de cet engagement est sanctionné par les dispositions du décret N° 2000-616 du 07 décembre 2000 portant organisation des relations entre les services de l'Administration et les usagers. Ce décret permet de régler rapidement les dysfonctionnements de l'Administration.

Au terme du décret, «Tout dépôt de requête donnant lieu à l'une des prestations figurant dans le guide des usagers, doit être immédiatement suivi de la délivrance d'un récépissé portant les mentions ci-après : date de dépôt, coût de l'acte, délai de réponse130(*)».

En définitive, le guide des usagers est l'engagement que prend l'Administration de satisfaire l'usager s'il remplit les conditions figurant dans le guide. Seulement, peu de Béninois sont au courant de ces manuels et leur prix d'achat prohibitif n'a pas permis à beaucoup de personnes de se les approprier.

B - Les initiatives secondaires

Jusqu'à une certaine époque, le Journal Officiel (J. O) du Bénin ne paraissait plus. Le journaliste ayant déjà des difficultés pour se procurer la moindre loi ou le moindre texte officiel, l'absence de ce journal ou sa parution irrégulière venait en ajouter aux difficultés d'accès à l'information. C'est pour pallier cette situation que des mesures ont été prises pour rendre le J. O béninois effectif. Sa parution est désormais régulière.

Ensuite, dès 1999, année de sa nomination, le nouveau ministre de la communication a tenté aussi de pallier ce déficit d'information du public. Il a instauré une rencontre hebdomadaire dénommée «Point de presse» avec les journalistes. Elle se tient chaque jeudi, et constitue une occasion pour les journalistes d'écouter la version du gouvernement sur les sujets d'actualités nationales ou internationales. Le ministre concerné par un dossier de l'actualité peut être sollicité. Mais ces rencontres ont tout l'air d'une séance de propagande politique et constitue une tribune de réplique à l'opposition. Le discours politique et non technique qui y est livré ne permet pas d'y voir un début de solution aux blocages des informations officielles par les fonctionnaires.

Il est aussi utile de mentionner l'aide de l'Etat à la presse. En effet, depuis 1997, le gouvernement inscrit annuellement dans la loi des finances un montant de trois cent millions de francs CFA (300 000 000) au titre de l'aide de l'Etat à la presse. L'article 8 de la constitution dispose : «L'Etat (...) assure à ses citoyens l'égal accès, à la santé, à l'éducation, à la culture, à l'information, à la formation professionnelle et à l'emploi». Le droit à l'information s'analyse ainsi comme un droit au même titre que l'éducation et la santé. Ces fonds, depuis six (6) ans, ont servi à organiser des formations à l'intention des journalistes, à équiper les organes de presse et à procéder à des études pour le développement de la presse au Bénin. Mais, cette initiative est loin d'avoir donné les moyens aux journalistes pour «pénétrer l'administration publique».

Par ailleurs, un projet de «loi relative à l'information et à la communication» a été envoyé à la Commission nationale de Codification. Il a passé quatre années (4 ans) au niveau de cette institution. Ce projet de loi apparaît comme une fusion de la loi de 1960 et la loi de 1997. Après le travail de la Commission, le projet est envoyé aux différentes institutions pour avis, avant son envoi à l'Assemblée nationale. La HAAC à laquelle doit être soumis tout projet de loi sur la presse a donné son avis le 19 avril 2004 sur le projet. Cependant, ce projet de loi n'a pas fait mention d'une disposition spéciale sur l'accès des journalistes aux sources d'informations publiques. C'est une autre loi qui est prévue à cet effet : la loi sur l'accès aux sources publiques d'informations. Elle sera abordée dans la dernière session de ce chapitre.

Enfin, il faut mentionner, qu'actuellement au Bénin, se déroule un débat sur l'institution d'un Médiateur de la République. Celui-ci, selon les attributions qui seront les siennes, sera chargé d'améliorer les relations entre les usagers et l'administration. Le projet de loi instituant le médiateur a été adopté par le Gouvernement en la séance du Conseil des ministres  du 28 avril 2004, pour son envoi à l'Assemblée nationale. Malgré ces initiatives, le journaliste n'échappe pas toujours aux risques de divers procès s'il accède aux informations administratives et les publie. Plusieurs exemples existent au delà du Bénin.

Paragraphe 2 : L'accès aux documents et ses conséquences juridiques en matière pénale

Si l'accès aux documents officiels peut être d'une utilité considérable pour le journaliste, il convient de retenir que le journaliste n'a pas pour vocation de publier les communiqués et les documents officiels. En cela, il est nécessairement amené à diffuser des informations et documents confidentiels. Ce qui l'expose à certains délits : le recel de document (A) et le recel de violation du secret professionnel ou du secret de l'instruction (B).

A- Le recel de document administratif

Le journaliste n'est pas soumis à l'obligation du secret professionnel dans la publication de ces documents. Aussi, n'est-il pas lié par le secret de l'instruction à l'occasion de la publication des photocopies de procès verbaux ou des dossiers d'instruction. La loi a bien défini les personnes liées par le secret de l'instruction131(*). Certes, l'article 38 de la loi de 1881 a interdit la reproduction des pièces d'un dossier de l'instruction , sauf  «demandes écrites du juge chargé de l'instruction ». Ensuite, en vertu des articles 47 et 48 de la loi, cette interdiction ne peut être invoquée par les parties, car seul le ministère public est habilité à en poursuivre l'application.

Or les documents ou informations à l'instruction de l'enquête, étant pénalement protégés, le journaliste bien que n'étant pas cité parmi ces personnes liées par le secret de l'instruction, court le risque d'une action en justice sous le coup du délit de recel ou de complicité de recel de documents administratifs. Pis, s'il présente le document comme preuve de ses écrits, il est poursuivi du chef de recel de documents administratifs. Le journaliste béninois court quotidiennement ce risque. Ce qui amène le président de l'ODEM du Bénin M. François AWOUDO, à déclarer que : «il y a une contradiction entre le droit des médias qui privilégie la preuve des faits et le code pénal qui punit en cette matière la détention de la preuve132(*) ». Pourtant, ce délit mérite quelques éclaircissements dans le contexte du droit béninois des médias.

Est-ce que le fait de publier les informations ou des documents pénalement protégés constitue t-il un délit de recel ? Les premières décisions des juridictions françaises allaient dans l'affirmative. Ainsi constituait le délit de recel d'information le fait «pour un journaliste d'utiliser le contenu des procès-verbaux d'auditions établis en cours d'enquête de crime flagrant et concernant une procédure en cours, en vue de leur diffusion et de leur publication133(*)». Or ces décisions souffraient de deux insuffisances : le délit de recel doit porter sur une chose. Ce que l'information diffusée n'est pas. Ensuite, le receleur doit être en détention de la chose. Ce qui est difficile à prouver pour un document exploité et non publié en fac-similé ; à moins d'une perquisition dans les locaux du journal. Ce qui est une autre violation du droit de la presse ; les sources d'information du journaliste étant protégées par la loi134(*).

Il a fallu un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation française pour mettre finalement un terme à cette anomalie : la Cour a écarté le délit de «recel d'information» qui avait été retenu contre le journal, pour celui de «recel de document».

En effet, par un arrêt en date du 3 février 1995 qui est intervenu dans la procédure qui opposait le «Canard Enchaîné» à M. Jacques Calvé, en raison de la publication par le journal des avis d'imposition de ce PDG de Peugeot, la Cour a clairement distingué entre la publication de documents, qui est susceptible de constituer le délit de recel et la publication de l'information qui elle, ne l'est pas. Les documents sont donc des choses au sens où l'article 321 du code pénal qui porte sur le recel l'entend. La détention, la diffusion de photocopie de procès-verbaux d'un dossier d'instruction, d'avis d'imposition, ou d'autre documents couverts par un secret pénalement protégé, sont donc susceptibles de faire l'objet de poursuite pour recel. Or seule une perquisition dans les locaux du journal peut prouver la détention de ces documents.

Qu'en est-il des cas où le journaliste, couvert par la protection de la source d'information, détient des informations qui ne peuvent provenir que des sources qui sont liées par le secret professionnel, de l'obligation professionnelle ou du secret de l'instruction?

* 128 http: www.moralisation.gouv.bj/guide.htm

* 129 La Cellule de la Moralisation de la Vie Publique est une structure mise en place par le Président de la République afin de lutter contre la corruption. Elle est dirigée par un conseiller du Chef de l'Etat chargé de la moralisation de la vie publique.

* 130 Article 2

* 131 Hormis les cas visés par l'article 378 du CPP qui concerne le secret professionnel, sont tenus au secret de l'instruction : les personnes qui concourent à la procédure d'enquête ou d'instruction à savoir : les magistrats, les officiers et agents de police judiciaire, les experts et le greffe.

* 132 Entretiens avec le Président de l'ODEM

* 133 Arrêt du 10 décembre 1991, 11è chambre de la Cour d'appel de Paris

* 134 L'article 109 al 2 du code de procédure pénale français dispose :  « Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine ».

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote