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Le Parti communiste français (PCF) et l'alternance

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par Joël THALINEAU
Université François RABELAIS - TOURS - DEA Droit Public 1979
  

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UNIVERSITÉ FRANÇOIS RABELAIS

UER DE DROIT ET SCIENCES ÉCONOMIQUES

TOURS

LE P.C.F. ET L'ALTERNANCE
Sous la Vème République

Mémoire de DEA de droit public Présenté par : 1. THALINEAU

Sous la direction de : Monsieur A. GORGUES

"Et de même que dans la vie privée, on distingue entre ce qu'un homme dit et pense de lui et ce qu'il est et fait réellement, il faut distinguer encore davantage, dans les luttes historiques, entre la phraséologie et les prétentions des parfis et leur constitution et leurs Intérêts véritables, entre ce qu'ils s'imaginent et ce qu'ils sont en réalité.

K. MARX

- Le 18 Brumaire -

"Le peuple a perdu la confiance des dirigeants ? Il n)/ a qu'a en élire un autre !"

B. BRECHT

SOMMAIRE

- Avant-propos.

- Introduction P. 1

- Première partie : L'ALTERNANCE IMPLIQUE LE MAINTIEN DE L'ETAT BOURGEOIS P. 5

· Section I L'ETAT DU C.M.E P. 5

n Section II- "L'ETAT DU CHANGEMENT" P. 10

L Briser l'Etat 7 P. 10

II. La question de la dictature du prolétariat P. 15

- Deuxième partie : L'ALTERNANCE IMPLIQUE LE MAINTIEN DE LA SOCIÉTÉ BOURGEOISE P. 21

· Section I - SOCIALISME, COMMUNISME ET ALTERNANCE
P. 22

· Section II- LE RESPECT DES FORMES ET PRATIQUES POLITIQUES BOURGEOISES
P. 27

I. Le respect des formes politiques bourgeoises P. 27

II. Le respect des pratiques politiques bourgeoises rélectoralisme P. 31

A) L'électoralisme P. 32

B) Des différents buts de l'électoralisme P. 35

- Conclusion P. 41

AVANT PROPOS

Lorsque nous avons sollicité notre Directeur d'Etudes, pour lui proposer ce sujet, nous pensions détenir déjà quelques informations. Il nous a fallu rapidement "déchanter', car de l'apparente connaissance que nous avions, à la connaissance scientifique que nous avons tenté d'aborder, il y avait un gouffre.

Préjugés, lacunes théoriques, historiques, .., etc...., constituaient notre lot. Aiguillonnés par le temps, nous nous sommes appliqués à pallier notre ignorance. L'ésotérisme de nos lectures ne nous facilitait pas la tâche.

Nous espérons que la synthèse de nos recherches ne sera pas affectée par nos carences initiales. Cette synthèse, nous l'avons voulue vivante, aussi lui avons-nous donnée, parfois, un accent polémique.

Avant d'examiner les rapports que peut entretenir le P.C.F. avec l'alternance, il convient de préciser le sens que l'on donne à celle-ci et de présenter brièvement ce parti.

On définit communément l'alternance, notion apparue récemment (1970-71) et bruyamment dans la vie politique française, comme étant la succession PACIFIQUE d'équipes différentes, voire opposées, au pouvoir. Elle exdut donc le coup d'État IhsuirecUon ou la guerre civile. Les résultats électeraia constituent son moteur. L'alternance impose-t-elle le respect de l'ex constitution sacrale, c'est-

conceine-t-elle la succession d'hommes proposant des politiques différentes mais respectant la même base sociale ? Ou au contraire l'alternance de sociétés, c'est-à-dire l'alternance des modes de production qui caractérisent chaque formation sociale ? On ne peut répondre à ces questions sans hypothéquer gravement nos développements. Réfrénons notre impatience et examinons le P.C.F. et sa doctrine.

Part marxiste-léniniste (1), a pour but fondamental, pour le commun des mortels, l'instauration d'une société communiste (2) qui historiquement doit remplacer la société capitaliste fondée sur/exploitation de l'homme par l'homme.

En effet; la société capitaliste repose sur la division de la société en dao( classes fondamentales et antagonistes : la bourgeoisie, propriétaire des moyens de production et d'échange, et la classe ouvrière dont les membres sont obligés de vendre leur face de travail pour vivre. Au cours du procès de travail, les bourgeois capitalistes extorquent une plus-value sur le travail des ouvriers producte. Les rapports de production sont déterminés par le plus fondamental d'entre eux : le rapport d'exploitebn.

(1) - Dans le préambule des statuts de 1964, il était écrit :"Le P.C.F. fonde son action sur le marxisme-léninisme ..." Dans ceux adoptés en Mai 1979, lors du XXIIIème congrès, on peut lire dans le préambule : "... le P.C.F. s'appuie sur le socialisme scientifique fondé par Marx et Engels, puis, développé par Lénine et d'autres dirigeants et théoriciens du mouvement ouvrier". Nouvelle formule littéraire où marque d'une nécessaire appréciation contingente du léninisme ? Nos développements pourront peut-être répondre.

(2) - Nous admettrons ce postulat pour le moment, mais vu le discours du P.C.F. (nouveaux statuts par exemple), ce n'est pas toujours évident. Voir développements ultérieurs.

Les communistes teillent abolk bute ffitme d'evploitatio" n, et éâblir ainsi une sodété sans classe dams »quelle le travail est souroe d'épanouissement de h? peisonne et non plus source d'aliénaeon. Cela nécessite la suppression de la propriété es* des moyens de production et d'édenge, la fin de la searation du travail manuel et du travail intellectuel, » fin de à séparation de la sodété civile et de lElat.. Cela ne peut se elle du jour au hendemain, aussi une période transitoire caractérise le passage du capitalisme au communisme. Période qui débutera par la prise du pouvoir par la classe ouvrière et ses alliés et qui connakra une lutte de classe aiguë. Pour que /a révolution puisse poser les bases de la nouve» sodée il est nécessaire de brise- l'État capitaliste dictature bourgeoise, et de lui substituer un État ptolétarien la dictature du prolétariat. Cet État prolétarien est voué au dépérissement parallèlement à la dispaneon des classes.

Même aussi grossièrement déalt apparaît que capftaligne et communisme sont exdusie l'un de l'autre. Seule la période transitoire du capitalisme au communisme peut voir subsister des éléments du premier jusqu'à complète dispatition, et se développer des éléments du second jusqu'à complète "mortopoketion". Un pouvoir bourgeois peut-il succéder à un pouvoir prolétarien ? Te/ apparais le contenu de l'alternance que nous envisageons id.

Le P.CF. développe actuellement une stratégie pacifique de passage au socialisme : la démoaatie avancée ou la "démocratie jusqu'au boue' (3). Le pilier de cette stratégie, c'est l'union de la gaude, c'est-à-cire l'union des socialistes et des communistes autour d'un programme commun, que le P.C.F. proposait dès 1959 (4) et qui a été adopté en 1972 (5). Dès la signature de cette alliance, la dmitea v u une menace sérieuse à son pouvoir; et e agité devant l'électorat la menace ; qua-- permanente à l'égard du P.C.F. ; du non-respect de la démocratie par ce parti et pareulièrement sa non acceptation de rendre » pouvok É d'atenture ll le gagnait puis le permit

(3) - Manifeste du Comité Central du 5-6 décembre 1968 "Pour une démocratie avancée, pour uni: France socialiste". Supplément au bulletin de propagande n 7 - Novembre - Décembre 1968.

(4) - Thèses adoptées au XVème congrès du P.C.F. du 24 au 28 Juin 1959. Supplément au bulletin de propagande n°23 - Mai-Juin 1959 p.30 : "L'union que nous préconisons devrait être fondée sur un programme de rénovation démocratique et nationale, discuté et accepté par tous".

(5) - Programme commun de gouvernement du P.C.F. et du P.S.

Éd. Soc. - 1972.

Le P.CF., sétantjetéà caps peser dans la bataille du programme commun, s'est empressé de démentir ces propos, cgii portaient atteint' » à l'image de marge ce désirait mon&er. Cest ainsi qu'il a reconnu et accepté k pn»dpe de Paltemance (6). D'aucuns trouveront à cette reconnaissance, un parfumélectoralisle, rappelons-leur que deux rois déjà k P.C.F a soutenu ou participé au pouvoir (1936 -1945), sans que le retour de ce dernier à la droite ou à une autre majore fasse problème. Donc implicitement, le prindpe était c reconnu puisqu'il avait été appliqué,

Cependant que cette reconnaissance date de 1936, 1945 ou d'aujourd'hui, cela importe peu sur le fond du problème qui nous préoccupe. L'alternance est-elle compatible avec la théorie marxiste- léniniste, donc a priori avec son application dans le projet du P.C.F. ? En effe4 si ce dernier est "conffirme"à la théorie de Marie Engels et Lénine, on peut se demander si communisme et capitalisme peuvent se succéder ainsi; alors qu'ils reposent sur des principes inconaliables. L'alternance de sodétés peut-elle être envisageable pour un mare-léniniste ? Cela egniferait que l'on puisse passer sans problème de l'état de non État a celui dÉtat capitaliste.

.9 cela n'est pas possible, l'alternance de sociétés, peut-elle concerner le communisme dans sa première phase, c'est-à-dire k communisme en construction sur les mires du capitalisme, et ce dernier ? Est-ce que l'État prolétarien peut céder la place à l'État capitaliste après lui avoir prise ?

Si cela n'est pas envisageable, l'alternance reconnue et acceptée par les communistes ne peut- être que l'alternance des hommes. Alors il importe de savoir dans quelle sociétéaura lieu cette alternance ? Capitaliste ? Communiste ? Cest-à-dire avec un État bourgeois ou avec un État prolétarien ? Quel que soit le lieu de cette alternance, apparat qu7l devra être le cadre dans lequel, tour à tour, domineront les inters de a bourgeoisie et ceLey de la dame ouvrière. S cela obit produire dans la sociéW

capitaliste, cela signifie que l'Etat bourgeois' 'servira" aussi bien les keret s' de classe de la bourgeoisie que cetcr du prolétariat La rédproque ne peut-être totalement vraie. En effet dans la sodété communiste, il ny a plus de classe donc plus d'État puisque les marxistes ont démontré que l'existence de l'État était consubstantielle de celle des dames et de leurs luttes.

( 6 ) - Voir notamment G. MARCHAIS à "Armes Égales" émission télévisée le 21.9.1971. Voir aussi le "Défi démocratique" G. MARCHAIS p.116 - GRASSET 1973

Dès lors l'alternance des hommes ne pourrait se faire que dans la première phase du communisme, là où sont en lutte le communisme naissant et le capitalisme agonisant, c'est-à- dire /a dictature du prolétariat. Donc la réciproque ne pourrait jouer que dans cette période, dans le cadre de l'État prolétarien.

On constate que l'essentiel du problème tourne autour du caractère successible ou non des deux sociétés, centré sur la question de l'État.

Selon nous, la théorie marxiste-léniniste ne permet ni l'alternance de sociétés car contraire au matérialisme historique, ni l'alternance d'équipes bourgeoise et prolétarienne dans une société déterminée car cela conduit à une conception non située de l'État.

Nous démontrerons que l'alternance implique que l'État peut "servir" indistinctement les intérêts de la classe ouvrière et ceux de la bourgeoisie. Or cette affirmation est en contradiction avec la conception marxiste de l'État. Nous verrons alors que l'État de la transformation sociale dans le projet communiste n'est rien d'autre que l'État bourgeois. (1 ère partie). Avec un tel État, on ne peut construire la société sans classe, dès lors accepter l'alternance c'est respecter les formes et pratiques politiques bourgeoises (2ème partie).

Première partie
L'ALTERNANCE IMPLIQUE LE MAINTIEN DE L'ETAT II

La stratégie du P.C.F. se développe à partir d'une analyse de la société française au sein de la communauté internationale. Cette analyse, c'est le capitalisme monopoliste d'Etat (CM.E.) - (7), c'est-à-dire "par essence le capitalisme par la permanence des rapports fondamentaux d'exploitation, c'est le stade de l'impérialisme par l'extension des structures monopolistes; et à l'intérieur de ce stade, c'est sa phase contemporaine par le développement de l'intervention de /État et l'interde'pendance croissante entre les monopoles et l'Etarr8).

Ce qui importe pour la suite de notre recherche, c'est l'Etat du C.M.E. Nous verrons qu'à l'occasion de cette analyse, le P.C.F. a produit une certaine vision de l'Etat qui n'est pas sans conséquences sur l'objet de notre étude. En effet, de cette théorie ressort une vision instrumentaliste et neutraliste de l'Etat qui; dès lors, n'a nul besoin d'être brisé en tant que tel au moment de la transition socialiste.

Section I -- L'ETAT DU C.M.E.

1) - L'analyse du P.C.F. a eu l'intérêt de montrer le rôle primordial de l'Etat, donc du politique, dans la société actuelle. Selon lui, l'intervention étatique croissante et permanente a été rendue nécessaire parce que le capitalisme s'avérait incapable de maîtriser ses contradictions, et pour enrayer la tendance à la baisse du taux de profit moyen (9). Ce qui caractérise notre époque, c'est non seulement la prise en charge par l'État des conditions générales de production de la plus-value mais surtout l'intervention directe de l'État dans l'accumulation du capital.

(7) - Concept dégagé lors de la Conférence des P.C. à Moscou en 1960. Il a fait l'objet d'un colloque à Choisy-Le-Roi en 1966, et de la publication d'un traité d'économie politique intitulé "le capitalisme monopoliste d'Etat", aux Ed. Soc. en 1971.

(8) - Le C.M.E. p.9 - Tome I - Ed. Soc.

(9) - Les communistes et l'État p.116 et s. Ed. Soc. 1977 Jean FABRE - Lucien SEVE. - François HINCKER.

Nicos POULANTZAS apporte une critique fondamentale à cette analyse. En effet, celle-ci tend à accroire que le capitalisme ne peut fonctionner "normalement "... que sans "intervention" de l'État " et que si l'intervention étatique est nécessaire, c'est que l'on est en présence d'une "crise structurelle" du capitalisme (incapable de surmonter ses contradictions par lui-même) que l'État parvient à résoudre, en organisant la reproduction capitaliste. (10)

Si l'intervention de l'État redonne au capitalisme une "nouvelle jeunesse', on fait de l'État un moyen, un instrument. François HINCKER abonde dans le sens de cette vision techniciste lorsqu'il affirme que "l'État n'est pas seulement un moyen d'exercice du pouvoir économique" mais surtout un "rouage de l'économie" (11), ou lorsqu'il parle des "fonctions de l'État" qui "comportent une dimension technique". (12)

Cette action salvatrice de l'État à l'époque du C.M.E. nous conduit à penser qu'avant, au stade du capitalisme concurrentiel par exemple, l'État se situait à l'extérieur du système. On retrouve là toute l'idéologie qui tourne autour de la notion "d'État gendarme". Or l'État est toujours intervenu dans l'économique, ce qui a changé, ce sont les modalités de cette intervention. Mais conséquence plus importante encore, si l'État est retiré à l'extérieur du système, cela signifie du fait d'un beau passé, quW existe en son sein une ou des fonctions qui subsistent à chaque époque. Les communistes développent une telle analyse en distinguant dans l'État, fonction de domination et fonction d'organisation (13).

(10)- Nicos POULANTZAS in les classes sociales dans le capitalisme aujourd'hui Ed. Seuil 1974.

(11)- François HINCKER in la Nouvelle Critique 1966 n°176 P.20-21 "1936+30=1966". F. HINCKER était membre du COMITE CENTRAL du P.C.F. jusqu'au congrès de 1979 (XXIIléme).

(12)- F. HINCKER in la Nouvelle Critique 1969 n°28 p.88 "sur l'autonomie de l'Etat"

(13) - Pierre BLOTIN et Jea" CARON, membres du collectif de direction de l'École Centrale du P.C.F., in "Parti, Etat, transition au socialisme" - Nouvelle Critique 1974 n°74 p.5 - Voir aussi "Les communismes et l'Etat" déjà cité p.167.

2) - Théorie instrumentaliste, neutraliste de l'État, qui fait de ce dernier un élément détourné de ce que l'on oserait appeler alors ses "fonctions naturelles". En incluant en un "mécanisme unique" État et monopoles, on aboutit à cette conclusion. Le détournement étant le fait des monopoleurs qui ont envahi l'appareil d'État. Les communistes estiment trouver la justification de leur analyse dans l'identité des dirigeants politiques et des dirigeants monopolistes. L'État est au service et occupé par la classe monopoliste, qui est réduite en l'occurrence à une "clique" de milliardaires (14). Cette constatation, exacte il faut le dire, mais non significative en elle-même ne rend pas compte des contradictions au sein de l'État. En effet, la seule fraction de la bourgeoisie au pouvoir serait la bourgeoisie monopoliste, ce qui escamote le problème de la place occupé par le capital non monopoliste (petit et moyen capital) dans l'appareil d'État. En outre, et beaucoup plus fondamentalement, cette vision ne tient pas compte des luttes de classe qui transpirent jusqu'au niveau de l'Etat. Finalement, celui-ci n'est plus une unité contradictoire des intérêts des différentes fractions de la bourgeoisie dans le cadre de l'antagonisme primordial opposant la classe bourgeoise à la classe ouvrière.

Ce qui ne signifie pas que l'Etat serait l'arbitre entre les différents intérêts des classes en présence ou qu'il prendrait en charge les intérêts de la classe ouvrière. L'État étant la résultante de la lutte des classes, il traduit nécessairement la domination de la classe bourgeoise (actuellement classe dominante) qui conserve son unité au travers du pouvoir d'État, même si ce n'est qu'une fraction de cette classe qui est en position dominante et permet à l'ensemble de la bourgeoisie de "garantir ses intérêts" en les faisant apparaître comme étant l'intérêt général (15).

3) - Sur le plan constitutionnel, les communistes présentent la constitution de la Vème République comme étant 7a traduction institutionnelle du C.M.E. " (16), la marque de la fusion Etat-monopoles.

(14) - Le socialisme pour la France - XXIIème congrès P.C.F.. p.29 et s. - Ed. Soc.

(15) - L'idéologie Allemande - Marx-Engels p.49-106 Ed. Soc. 1968

(16) - Institutions et Pouvoirs en France - F. et A. DEMICHEL - M. PIQUEMAL - Ed. Soc. 1975

Ainsi sont expliqués les atteintes portées à la démocratie (représentative), la centralisation du pouvoir, son caractère autoritaire et personnel. Si cette présentation a l'intérêt de montrer que, parallèlement à la concentration du capital le pouvoir politique a dû se modifier pour répondre à la nécessité actuelle de reproduction élargie du capital, elle reste marquée par la vision simpliste de l'accaparement du pouvoir d'Etat par la seule fraction monopoliste de la bourgeoisie, ainsi que par la vision techniciste de l'État. Le discours du P.C.F. sur la constitution a, par ailleurs, évolué au cours de la dème République. Présentée à ses débuts comme instituant un régime "orientée vers la dictature personnelle et ouvrant la voie au fascisme" (17), la constitution est maintenant "imparfaite mais insusceptible" d'empêcher la mise en oeuvre d'une politique de progrès"(18). Le "retour à sa lettre" serait un "important progrès démocratique" (19). L'évolution du P.C.F. sur le plan institutionnel a suivi le cours de l'élaboration de la théorie du C.M.E. et de sa stratégie d'accès au pouvoir. Nous verrons d'ailleurs ultérieurement que les revendications institutionnelles du P.C.F. se sont toutes inscrites à la baisse depuis 1958.

4) - Pour conclure sur cette présentation du C.M.E. et de son Etat, il nous faut ajouter que le C.M.E. est considéré comme "l'antichambre du socialisme" dans la mesure où les forces productives acquièrent un caractère de plus en plus social, et connaissent un développement tel qu'elles exigent l'intervention croissante et permanente de l'État. Développement qui ne peut se poursuivre sans modification, sans remise en cause des rapports de production. Cette analyse nous paraît contestable d'une part parce qu'elle organise une séparation arbitraire entre forces productives et rapports de production, d'autre part parce qu'elle donne le primat aux forces productives au sein du mode de production pour le déterminer en crise. Cela nous semble erroné, car selon nous les forces productives ne sont rien, sinon un potentiel, sans les rapports de production. C'est au cours du procès de production qu'elles acquièrent une réalité sociale. Aussi, dans cette unité forces productives-rapports de production, la dominance doit être donnée a ces derniers, et si crise il y a (et crise il y a) c'est au sein des rapports de production, dans le cadre de cette unité forces productives-rapports de production qu'elle réside.

(17) - Thèses adoptées au XVème congrès IVRY 24-28 Juin 1959 in
supplément au bulletin de propagande n°23 Mai Juin 1959 p.3 et 4.

(18) - Humanité du 2 février 1978

(19) - G. MASSON, écrivain, membre du comité de rédaction des cahiers du communisme in Le Monde du 14 juillet 1977.

Il nous faut maintenant tirer les conclusions de cette théorie du C.M.E. et de son Etat. Référons-nous à Louis ALTHUSSER pour introduire celles-ci. Du C.M.E., il retient deux thèmes essentiels. (20)

· "Nous sommes entrés dans une phase qui est "l'antichambre du socialisme" où la concentration monopolistique pénètre l'Etat, qui forme avec elle un "mécanisme unique".

· "La France est dominée par une " poignée de monopolistes et leurs commis".

Desquels il tire deux conclusions

· Cette théorie "change la question de l'Etat" qui devient "directement utilisable par le pouvoir populaire". Ce qui évacue le problème de sa destruction et de la dictature du prolétariat.

· Face à la "poignée de monopolistes', "tous les français ont objectivement intérêt à la suppression des monopoles".

Les réflexions de cet éminent "intellectuel assis derrière son bureau" (21) vont nous servir de guide dans notre recherche. Ce qui importe, à propos de l'alternance, c'est de connaître la ou les conséquences de la prise du pouvoir par les représentants de la classe ouvrière et leurs alliés, sur le contenu de l'Etat

(20) - L. ALTHUSSER in "Ce qui ne peut plus durer dans le P.C." p.93-94 Maspéro 1978

(21) - Adresse de G. MARCHAIS, secrétaire général du P.C.F. aux intellectuels du parti, après Mars 1978, leur rappelant que la discussion n'était admise que dans le cadre du monologue. Certains ont compris maintenant qu'ils devaient être, et derrière leur bureau, et dans le rang ... (Voir manifestation pour les élections européennes à l'hôtel PLM a Paris et autres déclarations ultérieures)!...

Interrogeons-nous donc sur :

Section II - L'ETAT DU CHANGEMENT. (22)

Marx, Engels et Lénine (23) montrent que la première tâche des révolutionnaires, après la prise du pouvoir, réside dans la Destruction de l'Etat bourgeois. Selon eux, le changement révolutionnaire ne peut s'effectuer avec et dans cet Etat, qui ne répond qu'à une seule fin ; permettre la reproduction de la domination de la classe bourgeoise, c'est-à-dire la reproduction de l'exploitation. Cette rupture, ce bris de l'Etat bourgeois doit se faire par la "constitution du prolétariat en classe dominante" (24), c'est-à-dire par l'instauration de la dictature du prolétariat. En développant sa stratégie pacifique de conquête du pouvoir, le P.C.F. n'a pu laisser de côté, le problème de l'Etat, et par conséquent de son avenir. Alors où en est la nécessité de briser l'Etat dans le projet actuel du P.C.F. ? La dictature du prolétariat est-elle historiquement dépassée ?...

Ces questions qui nous assaillent, verront leurs réponses fortement marquées par nos développements précédents, et justifieront ce détour sur le contenu de l'Etat du C.M.E.

I - BRISER L'ETAT ?

.1) - Selon le PCF, il y aurait eu depuis les marxistes "classiques" un "changement d'ère révolutionnaire" (25).

Pour les communistes, ce qui importe actuellement, c'est de briser l'unité Etatmonopoles.
· Cette unité étant rompue par l'arrivée des représentants des travailleurs au pouvoir, cela suffit-il alors à assurer le changement ? Selon eux, la réponse est affirmative, dans la mesure où le reste n'est qu'une question de transformation, de réorientation. Il n'est plus question de briser l'Etat bourgeois.

(22) - Titre emprunté a l'ouvrage de JP DELILEZ, Maître-assistant à l'École des Hautes Etudes : "L'Etat du Changement" Ed. Soc. 1977.

(23) - Voir K. MARX "le Manifeste du PC" - "Critique du Programme de Gotha" / Engels "L'anti Duhring" - "Les origines de la propriété et de l'Etat" / Lénine "L'Etat et la révolution".

(24) - Marx in "le Manifeste du P.C." p.45 - Ed. 10-18 - 1962.

(25) - Les communistes et l'Etat - déjà cité - p.143.

"Ce qu'il faut, nous dit-on", "ce n'est pas briser l'ÉTAT EN GENERAL, mais l'Etat capitaliste" (26). Cette citation vient corroborer nos analyses antérieures, en y ajoutant un élément idéaliste. En effet, à quoi mène une telle affirmation, sinon à définir un ETAT EN SOI, un Etat extérieur à la société, extérieur à la lutte des classes. Qu'est-ce que l'Etat en général" sinon une abstraction idéaliste, hégélienne ! Or rappelons que l'Etat n'est que la résultante de la lutte des classes et la traduction de la domination économique d'une classe au niveau politique. Donc ne pas briser "l'État en général" est une ineptie, car l'Etat est toujours l'Etat de la domination d'une classe sur les autres. Mais cela vient à point, lorsqu'on considère au sein de l'Etat deux fonctions : la fonction de domination et la fonction d'organisation, relativement indépendantes l'une de l'autre et, entretenant dans l'Etat actuel des rapports contradictoires (27). La seconde est aujourd'hui pervertie par la première du fait de l'unité Etat-monopoles. Briser l'Etat capitaliste signifie briser cette unité, ce "mécanisme unique" par la prise du pouvoir par les travailleurs. Ne pas briser "l'Etat en général", c'est conserver la fonction d'organisation, fonction qui transcende la lutte des classes, fonction immanente à toute société. Dès lors, pour transformer la société, il suffit d'orienter la fonction d'organisation vers des buts qui sont présentés comme étant "naturellement" les siens. "L'Etat devient alors une forme supérieure de maîtrise collective de toute la vie sociale. Dans le socialisme, l'Etat organisera (#) (28)". En rompant le "mécanisme unique" Etat-monopoles, on réconcilie fonction de domination et fonction d'organisation, car la fonction de domination est assurée alors par et au profit des travailleurs, donc d'une "large majorité" et elle a vocation à disparaître pour laisser place nette à la fonction d'organisation elle-même vouée à l'extinction. Or en parlant d'extinction, les marxistes, et Lénine l'a bien souligné (29), envisageaient l'extinction de l'Etat prolétarien, l'Etat bourgeois lui était supprimé.

(26) - J. CARON et P. BLOTIN - Parti, Etat, transition au socialisme in
Nouvelle Critique 1974 n°75 p.8.

(27) - J. CARON et P. BLOTIN - article précité p.5 et 6. (28)

(28) - Les communistes et l'Etat - précité p.167.

(+) - souligné par les auteurs.

(29)- L'Etat et la révolution p.21 et s. Ed. du Progrès Moscou 1967'

Aussi rien d'étonnant, lorsqu'on nous présente "/'État des monopoles.., comme un rouage économique, qu'un nouveau manipulateur - un gouvernement démocratique - peut immédiatement utiliser (#) (30)" ou encore "le socialisme n'est rien d'autre que le C.M.E. transformé, reconverti au service du peuple tout entier (31)" Il est inutile de briser l'Etat puisquW peut ".servir" immédiatement, il est prêt, il ne lui manque que le bon dirigeant.

Par cette séparation fonctionnelle au sein de l'Etat, on constate finalement que le P.C.F. a oublié que les choses n'avaient de réalité qu'en mouvement, or en opérant arbitrairement des distinctions, le P.C.F. retire aux éléments considérés leur mouvement pour en faire des abstractions creuses et figées. Que peut-être une fonction de domination sans fonction d'organisation. Rien, même si entre elles, on établit des rapports contradictoires, car l'Etat est un et ne peut-être appréhendé que dans le cadre de cette unité. En.procédant ainsi, le P.C.F. pratique une distinction idéologique semblable à celle des juristes qui dissimulent l'unité du pouvoir d'Etat en séparant pouvoir législatif, pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire. Certains communistes succombent parfois aussi à cette idéologie de la séparation des pouvoirs. Ainsi; M. SIMON, à propos du Manifeste de Champigny (32), parle d'un "enrichissement de la théorie de l'Etat en régime socialiste" car "sous le socialisme, la distinction bourgeoise entre l'exécutif et le législatif.. conserve une signification fonctionnelle (33)".

(30) - F .HINCKER in Nouvelle Critique 1966 n°176 p.20-21 précité. (+)-souligné par nous

(31)- G. COGNIOT in "Lénine et la Science Politique" Conférence prononcée à l'institut M. THOREZ le 23/10/1969 - p.10.

(32) - Manifeste du Comité Central du PC Champigny/Marne 5.6/12/68 "Pour une démocratie avancée, pour une France socialiste" Supplément au bulletin de propagande n°7 - Novembre Décembre 1968.

(33) - M. SIMON in " Socialisme, Démocratie et Epanouissement de la personne "Conférence donnée à l'Institut M. THOREZ le 17 Avril 1969 - p.18.

Il faut remarquer que c'est progressivement et en grande partie parallèlement à l'affinement de la théorie du CM.E., que le P.C.F. s'est écarté de cette nécessité de briser l'Etat. Ainsi en 1959, il lui apparak encore nécessaire de détruire l'appareil oppressif d'Etat en préconisant "l'abolition de l'armée, l'épuration de la police (34)".

En 1961, on présente le passage au socialisme comme étant toujours un bond révolutionnaire qui "implique OBLIGATOIREMENT la destruction de la vieille machine d'État (35)

C'est à partir des années 64-66 que l'évolution se fait sentir. Désormais, si l'on parle de changer l'Etat, ce n'est pas pour envisager sa suppression, mais sa démocratisation en rompant le "mécanisme unique Etat-monopoles".

Cependant, jusqu'en 1968-69, la dictature du prolétariat est toujours présente dans le discours du P.C.F. (36). Mais, nous en reparlerons ultérieurement.

2) - Pourquoi la nécessité de briser l'Etat ne présente plus à l'heure actuelle un intérêt primordial pour le changement révolutionnaire ? L'affirmation selon laquelle nous serions rentrés dans "une nouvelle ère révolutionnaire" nous paraît constituer plus un raccourci qu'une réponse acceptable. Aussi, pensons nous qu'il faut se pencher sur cette question en considérant la continuité de l'analyse du C.M.E. et de la nouvelle société à construire. L'accaparement de l'Etat par une clique de monopoleurs. a pour conséquence que l'immense majorité des français sont leurs victimes, et désirent donc unanimement le changement.

Nous avons déjà remarqué que cette analyse ne rendait pas compte de la complexité de l'Etat. Elle ne tient pas compte des contradictions existant à l'intérieur de la bourgeoisie, entre bourgeoisie non monopoliste et bourgeoisie monopoliste et pour cette dernière, des contradictions entre les différentes fractions du capital monopoliste (capital bancaire, capital industriel). C'est au travers de l'Etat que la bourgeoisie assure son unité, et sa domination sur les autres classes. En outre, on ne peut ainsi retrouver à l'intérieur de l'Etat l'expression de la lutte des classes et on escamote le problème de la place des nouvelles couches salariées non ouvrières dans cet antagonisme.

(34) - Thèses XVème congrès 1959 déjà cité p.34 et s.

(35) - Projet de thèses XVIème congrès Mai 1961. Supplément au bulletin de propagande et d'information Mars Avril 1961 n°35 p 30-31.

(36) - XVIIème congrès 1964 Supplément à France Nouvelle n°970 XVIIIème congrès 1967 Supplément au bulletin de 1'Elu communiste Manifeste de Champigny 1968 déjà cité.

Ces nouvelles couches constituent-elles une nouvelle classe, une classe moyenne qui a vocation à absorber l'ensemble du corps social, ou appartiennent-elles pour partie à l'une ou/et l'autre des deux classes fondamentales ?

En affirmant que ces "couches intermédiaires salariées" n'appartiennent à aucune classe, mais qu'elles se "rapprochent de plus en plus de la classe ouvrière" (37), le P.C.F. ne répond pas à ces questions. Pie encore, en affirmant cela, il les place une fois encore à l'extérieur des luttes de classe. Nicos POULANTZAS (38) montre que ces nouvelles couches salariées appartiennent à une petite bourgeoisie ; qu'il qualifie de nouvelle petite bourgeoisie pour la distinguer de la petite bourgeoisie traditionnelle: La petite bourgeoisie est confrontée à l'antagonisme fondamental opposant classe ouvrière et classe bourgeoise, dès lors cela ne peut rester sans conséquences sur les positions de classe (39) prises par cette petite bourgeoisie. La petite bourgeoisie traditionnelle tend à se prolétariser de plus en plus, mais conserve toujours ou n'abandonne que progressivement ses positions de classe bourgeoise. La nouvelle petite bourgeoisie adopte des positions de classe différentes selon qu'il s'agit de la fraction de la nouvelle petite bourgeoisie du secteur public ou de celle du secteur privé (Ingénieur, cadre, Technicien), la première se rapprochant de la classe ouvrière, alors que l'autre adopte des positions de classe bourgeoise (40).

On se rend compte, dès lors, que le fait d'amalgamer tout ce qui n'est pas monopoliste dans un ensemble favorable au changement (les fameux 80 % de français ayant OBJECTIVEMENT intérêt à la suppression des monopoles) représente une prouesse d'une hardiesse théorique peu commune pour des marxistes. "Objectivement situé" pour lutter contre les monopoles, il suffit de leur dire où est leur intérêt pour que ces 80 % le comprennent et agissent en conséquence ...!

(37) - Le C.M.E. Traité marxiste d'économie politique précité p.237-238.

(38) - N. POULANTZAS "Les classes sociales dans le capitalisme aujourd'hui" - précité.

(39) - N. POULANTZAS précité p.16 "distinction entre détermination structurelle de classe et position de classe dans la conjoncture".

(40) - Voir pour appréciation différente C. BAUDELOT et R. ESTABLET J. MALEMORT "La petite bourgeoisie en France" Maspéro 1974. Ces auteurs estiment que l'immense majorité de ce salariat de cette nouvelle petite bourgeoisie appartient au prolétariat qu'ils estiment au 2/3 de la population active

L'Etat pouvant servir immédiatement un gouvernement démocratique désigné par une large majorité de français ayant "accédé à la conscience',' il devenait inutile de conserver la dictature du prolétariat qui ternissait l'image de marque du P.C.F. eu égard aux événements en U.R.S.S.

II - LA QUESTION DE LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT

La dictature du prolétariat a connu un curieux destin dans le mouvement communiste français. Conçue comme une forme qui conditionnait tout changement, elle est vouée aux gémonies un soir de télévision. Pour comprendre l'état du concept en France, ou du moins à l'intérieur du P.C.F., il faut remonter à la longue époque de diffusion idéologique du Komintern et du Kominform après la mort de Lénine.

C'est en effet avec l'arrivée au pouvoir de Staline, mais surtout à partir des années 1930-1940 que le concept a été nié dans sa base marxiste, et cette négation a marqué de son empreinte les P.C. occidentaux, à des degrés divers.

Christine BUCI-GLUCKSMAN (41) affirme que "pour comprendre notre propre histoire, il faut partir d'un point essentiel la déviation stalinienne ; le stalinisme n'est pas la réalisation de la dictature du prolétariat... Elle en est plutôt l'abandon". Cette affirmation de C. BUCIGLUCKSMAN nous montre combien le P.C.F, a été marqué par l'idéologie de l'Internationale. On retrouve cette même idée chez Etienne BALIBAR (42) et chez de nombreux autres membres du P.C.F. Quelle est cette déviation ? C'est ce que nous allons brièvement décrire.

En 1936, l'U.R.S.S. adopte une nouvelle constitution (43) qui aboutit à proclamer la fin de la dictature du prolétariat, pour Irtat du peuple entier. La lutte des classes était considérée comme terminée même si celles-d existaient encore. Or, selon Marx, Engels et Lénine, les classes ne peuvent exister que dans la lutte des classes, La dictature du prolétariat cessait dès lors que les classes en lutte étaient disparues.

(41) - C. BUCI-GLUCKSMAN, philosophe, membre du P.C.F., in DIALECTIQUES n°17 -.1977 - p.25.

(42) - E. BALIBAR, philosophe, membre du P.C.F., in "Sur la dictature du prolétariat" - Maspéro 1976.

(43) - Constitutions et Documents politiques. M. DUVERGER p.628 -Themis 1971.

L'apparition des classes coïncide avec leurs antagonismes, on ne saurait les imaginer telles deux équipes de rugby attendant le coup de sifflet de l'arbitre pour s'affronter (44).

En outre, Marx, Engels et Lénine montrent que l'Etat n'est que la résultante de la lutte des classes. Dès lors, s'il ri, avait plus lutte des classes en U.R.S.S., l'Etat devait disparaître. Or à cette époque, l'Etat soviétique connaissait un renforcement considérable, que l'on expliquait non pas par des luttes de classe intérieures, mais par le danger impérialisme. Ce qui; à notre avis, n'est pas injustifié, dans la mesure où à l'époque de l'impérialisme les luttes de classe sont internationales et ne peuvent pas ne pas avoir de conséquences sur les pays en marche vers la société sans classe.

Le problème est que Staline a affirmé que l'Etat soviétique pouvait interdire de telles répercussions en se renforçant, et surtout en niant les luttes intérieures au moment où sévissait une vaste répression.

Ainsi présenté à l'Internationale, le socialisme apparaissait comme grand vainqueur en U.R.S.S., vainqueur menacé à l'extérieur par l'impérialisme, et dès lors il n'y avait plus grand chemin à effectuer pour que l'U.R.S.S. apparaisse comme un modèle.

Le P.C.F., comme beaucoup d'autres P.C. occidentaux, a accepté et "digéré" cette image dont le vernis a commencé à se craqueler avec le XXème congrès du P.C. U.S. qui dénonça les horreurs de Staline, mais aussi avec certains "coups de mains" de l'Etat soviétique à des Etats "amis" en instance de rupture de ligne.

Le P.C.F., ayant adopté une stratégie de chargement démocratique avec la naissance de la dème République, ne pouvait pas, en poussant jusqu'à son terme cette stratégie, ne pas se démarquer de ces "errements". Comment allait-il le faire ? En analysant en marxiste ces événements ou en supprimant les phénomènes qui faisaient problème, en particulier la dictature du prolétariat ?

Il utilisa jusqu'en 1970 environ, les termes de dictature du prolétariat dans sa présentation de la phase de transition au socialisme. La dictature du prolétariat était une des lois essentielles du passage au socialisme, telles que les avaient définies en 1960 les P.C. à l'occasion du 40ème anniversaire de la révolution d'Octobre de 1917 (45).

En 1964, la cellule Rabelais proposa la suppression de ces termes en raison de leur consonance particulière. G. MARCHAIS répondit que ce 'serait une grave erreur politique (46)".

En termes beaucoup plus imagés, c'est ce que dit G. COGNIOT en affirmant que "Renoncer à la dictature du prolétariat comme le demandent les révisionnistes, c'est châtrer le mouvement des ouvriers, c'est le rendre impuissant (47)",

En présentant la dictature du prolétariat comme une forme institutionnelle quelconque menant au socialisme, le P.C.F. posait comme distinct socialisme et dictature du prolétariat, et définissait la dictature du prolétariat en fonction du seul socialisme. Or, pour Marx, Engels et Lénine, la dictature du prolétariat est la "constitution du prolétariat en classe dominante" pour construire la société sans classe le communisme.

Comme l'explique E. BALISAR, le socialisme seul c'est une 'Auberge espagnole" (48).

(45) - Voir Thèses et résolution XVème congrès précité p.33 Manifeste de Champigny précité p.17.

(46) - G. MARCHAIS XVIIème congrès in supplément à France Nouvelle n°970.

(47) - G. COGNIOT in "Qu'est-ce que le communisme" p.49

Ed. Soc. (3ème Ed. revue et mise à jour 1969).

(48) - E. BALIBAR "Sur la dictature du prolétariat" p.26 et s. précité.

Le socialisme c'est cette période transitoire où le "capitalisme vaincu, mais non anéanti et le communisme déjà né, mais encore très faible" (49) sont en lutte. Or cette période de transition, les marxistes classiques l'ont appelé dictature du prolétariat pour répondre en quelque sorte à la dictature bourgeoise que les travailleurs venaient d'abattre. Comme la dictature bourgeoise qui peut-être une démocratie au sens juridique du terme, la dictature du prolétariat n'est pas un régime constitutionnel, mais la reconnaissance d'un état de fait, d'un certain rapport de forces (50) qui va et doit se traduire dans et par une nouvelle légalité. Briser l'Etat, c'est instaurer la dictature du prolétariat qui institutionnellement se traduira selon des formes qui lui seront propres, et qui en tout état de cause ne pourront être entièrement celles de la bourgeoisie. La dictature du prolétariat diffère fondamentalement de la dictature bourgeoise, car son instauration entraîne immédiatement le début de son dépérissement dans la mesure où il s'agit de construire la société sans classe. La dictature du prolétariat disparaît avec les classes et leurs antagonismes.

Lorsque les événements passés et présents dans les pays de l'Est devinrent trop gênants, eu égard à sa stratégie de changement pacifique basée sur la théorie du C.M.E. (un Etat immédiatement utilisable et 80 % d'objectivement mécontents !), le P.C.F. abandonna la dictature du prolétariat pour prouver sa bonne foi et sa volonté démocratique.

Plutôt que d'analyser en marxiste les événements en question, il fait l'autruche en abandonnant ce qui/ croit faire problème, et attribue ces phénomènes à des erreurs et des insuffisances dans un "bilan globalement positif" (51). Bel escamotage !

(49) - Lénine cité in BALIBAR précité p.144.

(50) - Voir MIAILLE "L'Etat du Droit" p.185 et s. Maspéro 1978.

(51) - Bilan des pays socialistes. Résolution du XXIIIème congrès 9-13 Mai 1979 in Humanité p.VI.

Pourquoi abandonner la dictature du prolétariat ? Parce que "la voie française au socialisme ne saurait être comparable à une voie de type soviétique (52)". Parce que les communistes veulent une voie pacifique et que la dictature du prolétariat c'est la violence, l'illégalité. Or si Lénine a défini la dictature du prolétariat comme "un pouvoir qui s'appuie directement sur la violence et n'est lié par aucune loi (53), c'est pour bien montrer qu'il s'agit là de la domination d'une classe sur une autre. Domination qui par hypothèse ne peut pas reposer sur une loi, mais sur un certain rapport de forces qui lui donne son caractère violent.

Dès l'instauration de cette domination, une certaine légalité va lui donner un caractère de normalité, d'universalité, mais ce n'est pas cette légalité qui peut expliquer cette domination, tout comme Engels remarque que "la violence peut certes déplacer la possession, mais ne peut pas engendrer la propriété privée en tant que telle (54)".

Finalement, on constate donc que l'État n'a pas à être brisé parce que les fonctions qui sont les siennes, permettent son utilisation immédiate, par un gouvernement démocratique soutenu par une large majorité de français objectivement intéressés par le changement. En conséquence, la dictature du prolétariat, présentée sous l'influence idéologique de l'Internationale comme une voie de passage au socialisme, ne correspond plus aux réalités françaises qui permettent un changement pacifique par la construction d'une démocratie avancée, forme de transition vers le socialisme.

Pour que l'alternance soit possible, il faut, disions-nous en introduction, que l'État puisse "servir" indistinctement les intérêts de la classe ouvrière et ceux de la bourgeoisie. Quel est cet Etat ? LEtat bourgeois ou l'Etat prolétarien ? Tel était notre problème. Au cours de nos développements, nous avons vu que le P.C.F. en raison des analyses qu'il effectuait, refusait de briser l'Etat bourgeois et de ce fait développait une conception de "l'Etat en soi',' de l'Etat doté d'un pouvoir propre. Il oubliait ainsi que l'Etat était toujours l'Etat d'une formation sociale donnée, caractérisée par une lutte des classes déterminée et donc par la domination d'une classe déterminée. En un mot, il oubliait que l'Etat, comme toute chose, était situé.

(52) - Les communistes et L'Etat précité - p.146.

(53) - Lénine cité par E. BALIBAR précité - p.51-52.

(54) - F. ENGELS in "le rôle de la violence dans l'histoire". p. 12 - in Ed. Soc. 1976.

Il ne s'agit pas de revenir à une vision instrumentaliste, ou à une quelconque fusion Etat-classe ou fraction de classe dominante, mais de traduire l'état de la lutte des classes en reconnaissant l'Etat comme la "condensation" (55) de cette lutte, c'est-à-dire marquer l'autonomie relative de l'Etat à l'égard du rapport d'exploitation. Autonomie relative qui impose que /Etat ne peut-être un instrument docile dans les mains de la classe dominante en raison des luttes de classe et des intérêts divergents des différentes fractions de la bourgeoisie, mais qui en même temps ne peut pas ne pas être un instrument mais cette fois-ci "l'instrument d'un rapport d'exploitation" (56).

Le P.C.F. ne peut reconnaître cette autonomie relative en fondant Etat et monopoles dans un "mécanisme unique" et en considérant un "Etat en soi" ("l Etat en général').

Nos développements précédents nous permettent d'affirmer que "l Etat du changement" pour /e P.C.F., n'est rien d'autre que l'Etat bourgeois. Etat qui est présenté comme pouvant 'Servir" les intérêts de la classe ouvrière. C'est donc dans ce cadre que l'alternance reconnue et acceptée par le P.C.F. aura vocation à jouer.

Mais l'acceptation de l'alternance pose aussi la question de savoir, si deux sociétés aussi différentes, aussi opposées et donc contradictoires, que le capitalisme et le communisme peuvent se succéder alternativement ? C'est ce que nous allons essayer de déterminer maintenant.

(55) - N. POULANTZAS in "Les classes sociales dans le capitalisme aujourd'hui" précité p 28 et s

Voir entretien in DIALECTIQUES n°17-Avril 1977- p.55 et s.

(56) - M MAILLE in "L'Etat du Droit" - précité - p 231.

Deuxième partie
L'ALTERNANCE IMPLIQUE LE MAINTIEN DE LA SOCIÉTÉ BOURGEOISE

On constate que dans les écrits officiels du P.C.F. (57) comme dans ceux, collectifs ou individuels, de membres du parti (58), la référence au communisme a pratiquement disparu. Ce qui est à l'avant scène du discours du P.C.F., c'est le socialisme. Lorsque le communisme est présent, il apparaît bien diffus à l'arrière-plan. Est-ce à dire que les communistes ont répudié le communisme, comme objectif fondamental de leur engagement ? Ou que le socialisme et le communisme sont synonymes ?...

En réalité, il semble (58 bis) bien que le communisme reste l'objectif du P.C.F., mais il apparaît que les conditions de sa réalisation ont subi quelques métamorphoses théoriques.

Ces questions et cette affirmation nous imposent d'examiner le socialisme et le communisme tels qu'ils sont présentés dans la théorie marxiste-léniniste et l'état du projet actuel du P.C.F. à l'égard de ces deux notions.

Nous verrons alors que la reconnaissance et l'acceptation du principe de l'alternance implique le maintien de la société bourgeoise et le respect des formes et pratiques politiques bourgeoises, dans la mesure où elle ne peut-être qu'alternance des hommes.

(57) - Thèses et résolutions des congrès et des réunions du Comité Central Programme du Parti (Changer de cap Ed. Soc. 1971)

Introduction au Programme Commun de gouvernement Ed. Soc. 1972.

(58) - En dehors de ceux déjà cités, signalons : "Les communistes et la révolution" René ANDRIEU - Julliard 1968/ "Une certaine idée des communistes" J. ELLENSTEIN - Julliard 1979/ "Le défi démocratique" G. MARCHAIS - Grasset 1973.

(58 bis) - Cette formulation nous paraît très appropriée dans la mesure où les nouveaux statuts adoptés au XXIIIème congrès en Mai 1979 dans le préambule parlent de la "société socialiste comme but fondamental" du PCF alors que le préambule des statuts de 1964 parlait de la "société collectiviste ou communiste comme but fondamental du PC". Voir ces derniers in Constitutions et Documents Politiques de M. DUVERGER - p.332-334 Thémis 1971

Section I -- SOCIALISME, COMMUNISME ET L'ALTERNANCE

- I - Selon les marxistes classiques, la société qui historiquement doit succéder au capitalisme, c'est le communisme. Mais la prise du pouvoir par les travailleurs ne constitue pas de facto cette nouvelle société Cette prise du pouvoir n'est que le point de départ de la première phase de construction du communisme, première phase caractérisé par une "lutte entre le capitalisme vaincu mais non anéanti et le communisme déjà né mais encore très faible" (59).

C'est au cours de cette première phase que le "prolétariat se servira de la suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l'Etat" (60), qui n'est autre que "le prolétariat organisé en clasSe dominante' c'est-à-dire la dictature du prolétariat. Cette première phase a été appelée 'Socialisme" parce qu'elle met fin progressivement à la séparation de la société civile et de l'Etat.

Mais comme nous l'avons dit dans notre première partie, dictature du prolétariat et socialisme ne sont qu'une seule et même chose.

Dans cette phase, s'élaborent et s'étendent les éléments propres à la société communiste, qui supplantent ceux du capitalisme, pour que dans une deuxième phase, le communisme se développe sur ses propres bases en achevant d'extirper les éléments capitalistes de la société.

Cette distinction en deux phases n'a, à notre avis, pas d'autres buts que pédagogiques pour bien montrer que la société nouvelle s'élève sur les ruines de l'ancienne, et pour fixer les premières tâches d'orientation générale à effectuer.

Aussi, il nous apparaît vain d'essayer de périodiciser la construction du communisme, non seulement quant à son terme, mais aussi et surtout quant à ses étapes, phases, ... etc ...

La construction du communisme est une linéarité de luttes dialectiquement unies. La présentation mécaniste, volontariste présentant d'abord la prise du pouvoir, puis la dictature du prolétariat ou la démocratie avancée, puis le socialisme, puis l'Etat du peuple tout entier, puis, puis le communisme, nous apparaît totalement infondée.

(59) - Marx in "Manifeste du P.C." précité - p.45.

(60) - ibid.

C'est pourtant à ce genre qu'appartiennent les analyses du P.C.F. Nous l'avons déjà vu à propos de la dictature du prolétariat. Le socialisme nous est présenté comme une réalisation achevée. "Le socialisme, c'est tout à la fois la propriété collective des grands moyens de production, l'exercice du pouvoir politique par la classe ouvrière et ses alliés, la satisfaction progressive des besoins matériels et intellectuels des membres de la société, la création de conditions propres à l'épanouissement de chaque personnalité" (61).

Alors un "grand moyen de production" ne relève pas de la collectivité et le socialisme n'est pas réalisé, et on ne peut pas passer à la phase supérieure.

Notre propos est exagéré, mais à peine. Cette vision statique, "étapiste" de lutte entre le capitalisme et le communisme, permettra peut-être de mieux comprendre que l'on ait pu aboutir ainsi à constituer le socialisme en un mode de production autonome, intermédiaire entre le capitalisme et le communisme (62).

G. MARCHAIS affirma, lors d'une émission de télévision, que 7e socialisme n'est pas un gouvernement, mais un système" qui "remplacera le capitalisme" (63). Propos contradictoires avec ceux de G. COGNIOT qui pense que "le facteur de durée de l'étape socialiste n'autorise nullement à faire du socialisme une formation sociale séparée, autre que le communisme" (64). Il est indéniable que cette thèse est insoutenable dans le cadre tracé par Marx, Engels et Lénine.

(61) - Le Manifeste de Champigny "Pour une démocratie avancée, pour une France socialiste" - précité - p.43.

(62) - Voir M. SIMON in "Socialisme, Démocratie et Epanouissement de la personne" précité p.12 /R. LEROY in "Pseudo-socialismes et socialisme réel" Conférence prononcée à l'Institut M. THOREZ le 14/10/1571 - P.20.

(63) - G. MARCHAIS à l'émission télévisée "ARMES ÉGALES" le 21/9/71 "Le socialisme n'est pas un gouvernement, mais un système. La féodalité à un moment de l'histoire ne répondait plus aux besoins de l'économie, elle a été remplacée par le capitalisme. De même, le socialisme remplacera le capitalisme qui ne répond plus aux besoins modernes".

(64) - G. COGNIOT in "Du socialisme au communisme" Conférence prononcée à l'Institut M. THOREZ le 16/3/1972 - p.3.

On peut affirmer que la constitution du socialisme en mode de production autonome est un héritage du "modèle soviétique" dû à la déviation stalinienne (65). Même G. COGNIOT, qui ne sépare pas ainsi socialisme et communisme, reste marqué par la vision étapiste issue de la pratique de l'U.R.S.S. (66).

II - QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE CES DIVERSES PROPOSITIONS SUR LE PROBLÈME DE L'ALTERNANCE ?

La question est de savoir si l'alternance est possible entre deux modes de production, dont l'un à une assise très ancienne et l'autre la fraîcheur de la rosée. Il nous faut distinguer selon les propositions des marxistes classiques et celles actuelles du P.C.F.

1) - Dans le premier cas, on se situe dans cette période où la lutte entre capitalisme et communisme est particulièrement algue. Nous avons dit que cette période se caractérise par la "constitution du prolétariat en classe dominante" (dictature du prolétariat), où il profite de sa domination politique pour établir; sa domination économique et ainsi bouleverser les rapports de production.

Si la bourgeoisie parvient à reprendre le pouvoir politique ; ce qui est envisageable; pour rétablir sa domination, elle doit réitérer avec l'exploitation des travailleurs. Or si elle montrait quelque velléité de ce genre, on peut prédire, sans jouer les augures, que cela ne pourrait se faire que par une contre-révolution violente, au sens sanglant du terme, en raison de la suppression de son Etat et de l'établissement de nouveaux rapports de production qui commencent à produire leurs effets.

Ainsi, par exemple, après 1789, lorsque l'aristocratie monarchiste et/ou impériale a repris le pouvoir, elle n'a jamais pu mettre fondamentalement en cause le capitalisme. La simple perspective de rétablissement de prérogatives passées, et elle était balayée, parfois au profit d'une autre fraction de la noblesse. Aussi, n'a-t-elle que peu essayé pour des raisons diverses dont celle précitée. L'aristocratie a 'servi" le renforcement du capitalisme, jamais elle n'a pu le remettre en cause.

(65) - E. BALIBAR in "La dictature du prolétariat" précité p.31 C. BUCI - GLIJCkSMAN in revue Dialectiques n°17 Hiver 1977.

(66) - G. GOGNIOT "Qu'est-ce que le communisme ?" précité p.110.

Aussi, apparaît-il, à notre avis, que l'alternance, avec son contenu pacifique, ne peut jouer dans la période de construction du communisme, même dans l'hypothèse d'un retour au pouvoir de la bourgeoisie. Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'essaiera pas de rétablir sa domination, mais elle le fera par une guerre civile.

2) - Le problème se pose différemment pour le P.C.F. actuellement. En effet, son but c'est le socialisme mode de production autonome. Le socialisme se construit en poussant la "démocratie jusqu'au bout". La démocratie avancée est caractérisée par un maintien de l'Etat bourgeois, par le refus de la dictature du prolétariat (nous l'avons vu) et par le maintien des rapports de production capitalistes. Si la bourgeoisie reprend le pouvoir (hypothèse fortement plausible), elle retrouvera son "Etat', sa "Légalité" pour assumer une domination économique qui; tout au plus, aura été ébréchée.

Lorsqu'on constate l'évolution des acquis de 1936, 1945, on se rend compte que le pouvoir des représentants des travailleurs, qui ne touche pas aux rapports de production, à l'Etat bourgeois, ne dérange pas fondamentalement la bourgeoisie. Cela lui permet peut-être même de faire du "ménage" chez elle. La remise en cause de ces acquis, après son retour au pouvoir, ne déchaîne pas les forces populaires. Tout se passe très démocratiquement.

On constate donc que l'alternance est impossible ; à moins d'une guerre civile ; mais nous considérons ici que I 'alternance pacifique ; entre deux modes de production, même si l'un deux est juste en train d'éclore, dès lors que le nouveau pouvoir constitue une rupture radicale de l'ancien. Mais ce n'est pas le cas du projet du P.C.F. Sa "voie de passage au socia/isme" ne remet pas en cause l'essentiel de la domination bourgeoise, son 'Socialisme" n'apparaît pas comme une rupture dans sa phase de construction.

Dès Lors, l'alternance reconnue et acceptée par le P.C.F. ne peut-être qu'une alternance limitée ; c'est-à-dire une alternance des hommes et non de sociétés ; telle qu'en parle J. ELLENSTEIN (67) pour décrire l'alternance selon VALERY GISCARD D'ESTAING dans "Démocratie Française".

Si le P.C.F. pose les vraies questions, écrit J.P. DELILEZ (68) "l'alternance perd son caractère formel". Plus loin, il poursuit en affirmant que "le principe de l'alternance doit permettre précisément de mettre le peuple face au problème du "retour en arrière" (69).

(67) - J. ELLENSTEIN in "Réflexions sur le marxisme, la démocratie et l'alternance" - revue Pouvoirs n°1 - p.73 et s. - 1977

(68) - J.P. DELILEZ in "L'Etat du changement" précité p.94.

(69) - J.P. DELILEZ in "L'Etat du changement" précité - p.186.

Or, le P.C.F. ne pose pas les vraies questions, dans la mesure où la 'société de demain" qu'il propose ("démocratie avancée, à voie de passage au socialisme') respecte l'essentiel de la domination bourgeoise et donc ne met pas le 'Peuple" face au problème du "retour en arrière". Si le projet du P.C.F. entraînait une rupture avec la société bourgeoise, peut-être qu'alors le principe de l'alternance pourrait mettre le peuple dans une telle position. Mais, nous ne le pensons pas car cela revient à dire que le développement de la lutte des classes ne se fait pas dans la conscience. Or, chaque acquis obtenu n'a pu l'être que par une lutte consciente. Dans ce cas, le problème du "retour en arrière" ne se pose pas à chaque consultation électorale, mais au niveau de chaque lutte conhontée avec le problème de son débouché.

Seule, la bourgeoisie nous apparaît être confrontée au problème du "retour en arrière,' dans la mesure où elle, seule, peut déclencher une guerre civile.

En conclusion, on s'aperçoit que si alternance il peut y. avoir, ce ne peut être qu'une alternance des hommes dans le cadre d'une société déterminée. Dès lors, le projet du P.C.F. apparaît comme un projet réformiste qui entend de façon idéaliste "rapprocher l'heure du socialisme" (70) (entendu par nous comme "la première phase" du communisme, et non comme un modèle de production), mais qui en aucun cas ne permettra le passage sans rupture à la société sans classe.

L'alternance, étant incompatible avec l'instauration de la société sans classe, même dans sa 'Première phase',' elle ne peut jouer que dans le cadre de la société bourgeoise, et implique donc le respect des formes et pratiques bourgeoises.

Ceci à l'état actuel du projet du P.C.F., car on peut très bien imaginer dans le communisme en construction, une alternance d'hommes. Mais là encore, il s'agira d'une alternance d'équipes dans le cadre d'une même constitution sociale. L'alternance ne peut-être que "limitée" et pour le moment limitée au cadre bourgeois.

1 (70) - Manifeste de Champigny - "Pour une démocratie avancée, pour une France socialiste" - p.16.

Section II - LE RESPECT DES FORMES ET PRATIQUES POLITIQUES BOURGEOISES

Alternance des hommes dans le cadre de la société capitaliste et de son Etat, telle est, disions-nous, l'alternance reconnue et acceptée par le P.C.F. l'examen de son projet, au niveau des mesures concrètes, corrobore cette analyse, notamment lorsqu'H fixe une certaine déontologie de l'alternance, mais aussi en faisant des institutions, et particulièrement du Parlement "l'enjeu de la compétition" (71). En effet, le projet communiste ne porte pas atteinte aux institutions et s'intègre parfaitement dans le 'jeu" politique traditionnel.

I - jE RESPECT DES FORMES POLITIQUES BOURGEOISES.

1) - Selon le P.C.F., la constitution étant anti-démocratique, il était nécessaire de convoquer une constituante pour promouvoir de nouvelles institutions. Cette revendication qui marquait les premiers congrès de "l'ère gaullienne" a aujourd'hui disparu. La constitution est certes imparfaite, parce "qu'elle ne favorise pas l'évolution de la démocratie" (72) mais elle ne 'peut empêcher la misé en oeuvre d'une politique de progrès " (73). Que de chemin parcouru depuis 1958 entre ces différentes affirmations.

Aujourd'hui, les revendications constitutionnelles du P.C.F. sont donc beaucoup plus modérées. Ainsi en ce qui concerne le Président de la République, son élection au suffrage universel n'est pas considérée comme quelque chose de préjudiciable en elle-même, seule la concentration de nombreux pouvoirs, sans contreseing ministériel, entre ses mains, porte atteinte à la démocratie.

En conséquence, les communistes préconisent soit l'abrogation, soit la modification des articles lui conférant des pouvoirs exorbitants, notamment les articles 16 et 11, ce dernier lui permettant le recours au référendum pour faire plébisciter sa politique contre le Parlement (74).

(71) - M. SIMON in "'Socialisme, Démocratie et Epanouissement de la personne" - précité - p.18.

(72) - G. MARCHAIS au "Club de la presse" émission de radio Europe I Le
29 janvier 1978.

(73) - L'Humanité - 2 Février 1978.

(74) - "Changer de Cap" - précité - p.136-137.

En ne demandant pas, outre les réformes précitées, la suppression de l'élection du président au suffrage universel, le P.C.F. oublie que "l'Assemblée Nationale élue est unie à la nation par un rapport métaphysique, mais le président est uni à elle par un rapport personnel : l'Assemblée Nationale représente bien, dans ses différents membres, les aspects multiples de l'esprit national, mais c'est dans le président que ce dernier s'incarne" (75).

En effet, Les pouvoirs du président trouvent leur fondement dans la légitimité qu'il acquiert de son élection, au suffrage universel. Supprimer toutes ou partie de ses prérogatives ne remet pas en cause le fait qu'il "réunit ... sur sa personne toutes les voix se répartissant et se dispersant des centaines de fois sur les différents membres de l'Assemblée Nationale " (76), Or, par cette élection, l'illusion idéologique d'un président arbitre, d'un président trait d'union entre les différentes classes, d'un président symbolisant la "FRATERNITÉ" de nos frontons publics est entretenue et reproduite.

Lorsque le P.C.F. parie de retour à une démocratie véritable ou à une démocratie avancée, il n'envisage qu'une démocratie représentative, une démocratie élective. De nombreux auteurs ont remarqué son attachement quasi-religieux à la démocratie médiatisée (77). Son point de référence à cet égard constitue le régime issu du programme du Conseil National de la Résistance, c'est-à-dire un régime dans lequel le P.C.F. a pu participer au pouvoir. Le caractère démocratique ou non d'un régime dépend de la possibilité qu'ont les communistes de participer au pouvoir (78).

Aussi; le P.C.F. désire-t-il revenir à un régime parlementaire, dans lequel le Parlement retrouverait sa puissance disparue.

Il n'envisage plus la suppression du Sénat, ni même la réforme de son recrutement alors qu'un publiciste comme M. DUVERGER considéra le système actuel comme "indéfendable" (79).

(75) - K MARX in "Le 18 Brumaire" Ed. Soc.

(76) - K.MARX in "Les luttes de classe en France" à la suite du Manifeste du P.C. - précité - p.122.

(77) - Voir notamment : L. ALTHUSSER in "Ce qui ne peut plus durer dans le P.0 " précité p.73 et s./ G. LAVAU in "Le P.C.F. dans le système politique français" Fond. Nat. Sciences Politiques/ D. LABBE in "Le discours communiste" Fond. Nat. Sciences Politiques.

(78) - D. LABBE in "Le discours communiste" précité p.71 et s.

(79) - M. DUVERGER in "Institutions politiques et Droit constitutionnel "Tome II - p.137 - Thémis 1973.

L'Assemblée Nationale est élue à la proportionnelle qui "seule permet de dégager une majorité représentant vraiment la volonté populaire" (80).

Les revendications constitutionnelles du P.C.F. sont, on le voit, très modestes. Cependant, sur un point, le programme du P.C.F. propose un élément original directement lié à notre étude. Il s'agit du contrat de législature (81). Examinons le contenu de cette notion.

2) - Le programme de gouvernement sur lequel a été élue la majorité constitue le contrat de législature qui est proposé au Premier Ministre après sa désignation par le Président de la République.

Le contrat constitue un engagement réciproque du Parlement et du Gouvernement sur les objectifs et moyens de les atteindre pendant la durée de la législature. Le Premier Ministre est investi de la confiance de la Chambre sur cette base. Dans le programme du P. C. F le contrat de législature devient alors "une loi qui s'impose aux pouvoirs publks". Dans le programme commun, il ne s'agit que d'un "engagement précis et daté" du gouvernement auquel la majorité devra accorder les moyens nécessaires. La procédure du programme commun n'innove pas tellement par rapport à l'article 49-alinéa 1 de l'actuelle constitution.

En ce qui concerne l'application du contrat, le P.C.F. prévoyait la dissolution immédiate de l'Assemblée Nationale, en cas de crise grave, alors que le programme commun laisse au Président de la République une alternative soit dissoudre l'Assemblée, soit nommer un nouveau premier ministre. Dans ce dernier cas, celui-ci présente devant l'Assemblée son programme que les députés acceptent ou refusent en l'investissant ou non.

Cependant, le programme commun prévoit que les députés ne sont pas entièrement libres de leur choix. En effet, le contrat de législature engage les partis de la majorité, aussi leurs députés doivent s'opposer par leur vote négatif à la constitution d'un gouvernement s'appuyant sur "une autre majorité que la majorité de gauche issue du suffrage universel".

Par ces dispositions, se trouve interdite l'alternance des équipes sans intervention des électeurs. En effet, la l'Hème et IVème Républiques n'avaient pas été avares d'exemples de ce type d'alternance. Or, le P.C.F. ne voulait plus que de tels retournements d'alliance soient possibles, par respect du suffrage universel.

(80) -"Changer de cap" précité p.132.

(81) - "Changer de cap" p.132 - Programme commun de gouvernement p.153 - précité.

Il ne fallait pas que ceux qui se faisaient élire sur une politique en fassent une autre au cours de la législature (82).

Cependant, ces mesures étaient-elles assez efficaces pour mettre un terme à ces pratiques ? Notre réponse sera nécessairement ambivalente. En effet, l'union de la gauche sur le programme commun avait manifestement un contenu autre que celui d'une simple alliance électorale, mais rien sinon la menace d'une exclusion du parti (socialiste ou communiste) ne pouvait interdire à un ou plusieurs députés de voter pour un gouvernement n'appliquant pas le contrat. Néanmoins, cette initiative communiste marquait une volonté ferme de respecter le suffrage populaire, et aurait certainement obligé les députés à respecter une certaine cohérence. Cette mesure n'était pas tout à fait innocente et s'adressait aux députés socialistes et radicaux dont l'humeur volage en d'autres temps avait marqué le P.C.

3) - Finalement, les initiatives institutionnelles du P.C.F. ne remettent pas en cause le fonctionnement du système. Ainsi; son attachement à la démocratie représentative montre qu'il n'entame en rien la sacro-sainte séparation société civile-Etat.

La participation de la population à la vie politique, à la gestion des entreprises, n'est conçue que par l'intermédiaire de représentants élus ; sur lesquels les électeurs n'ont aucun pouvoir, hormis lors de leur renouvellement. Le mandat impératif et sa conséquence, la révocabilité de l'élu, les différentes formes d'initiative populaire directe déjà connues sont absentes du projet communiste sans que pour cela des formes nouvelles de participation directe du peuple à la vie sociale soient présentées. L'irruption de l'autogestion n'a semble-t-il pas apportée de modifications notoires à cette vision médiatisée de la vie sociale. Le P.C.F. participe à l'idée populaire selon laquelle la politique est un monde à part.

Le P.C.F. donne l'impression de courir après les formes démocratiques parlementaires bourgeoises du passé. Son acceptation du système va jusqu'à le cautionner. Ainsi, alors que les élections législatives de 1978 ont montré que plus de 50 % des français avaient voté pour la gauche (PC, PS, me, et extrême gauche réunis), le P.C., à deux reprises, demande la convocation du Parlement en session extraordinaire (83), alors qu'une telle réunion ne peut déboucher en aucun cas sur la mise en cause du gouvernement. Cela contribue à discréditer le Parlement qui apparaît comme un lieu de palabres et à renforcer le gouvernement qui seul apparaît livrer les vrais combats, mais surtout cela désamorce les luttes populaires.

(82) - G. MARCHAIS in "Le Défi Démocratique" précité - p.114 et s.

(83) - Avant la session de printemps et avant la session d'automne de l'année 1979.

On comprend mieux à la suite de ces développements, l'utilité des efforts effectués par le P.C.F. pour distinguer démocratie avancée et socialisme (84). En effet, avec la démocratie avancée, les rapports capitalistes sont maintenus et par conséquent, on peut conserver les institutions bourgeoises. Mais si la démocratie avancée était le socialisme en construction (tel que le conçoit le P.C.F., c'est-à-dire comme un mode de production autonome, ou tel qu'il ressort de la théorie marxiste-léniniste c'est-à-dire comme "une première phase" du communisme), il serait nécessaire d'expliquer pourquoi et comment on peut concevoir la construction d'une société nouvelle en conservant notamment les formes et pratiques institutionnelles bourgeoises. La démocratie avancée n'étant qu'une voie de passage au socialisme, on élude ainsi le problème de la transition dans la mesure où l'on connaît les deux extrémités du processus achevé : le C.M.E. d'une part, le socialisme d'autre part. Entre les deux, tout est affaire de volonté majoritaire du peuple. Rien ne vient nous renseigner sur ce que sera cette transition, d'autant que même si l'on dit que par cette voie l'aube du socialisme peut-être proche, le crépuscule du capitalisme semble se faire attendre.

Les institutions étant acceptables, il suffit de conquérir le pouvoir pour transformer le cours des choses. L'inévitable conséquence d'une telle analyse est un comportement électoraliste. C'est la tactique retenue par le P. C F. dès lors qu'il considère que le Parlement peut constituer 'l'enjeu de la compétition". (85)

II - LE RESPECT DES PRATIQUES POLITIQUES BOURGEOISES - L'ELECTORALISME

H WEBER (86) relève que dans le discours de l'Internationale communiste, il y avait une pratique révolutionnaire et une pratique intégrée du suffrage universel. Dans la première, l'élection est un moment de la lutte des classes au cours duquel le mouvement ouvrier constate l'efficacité de son action de sape contre le pouvoir bourgeois et ses appareils idéologiques. Dans la seconde, l'élection est un but auquel tout est subordonné, la lutte électorale remplace la lutte des classes.

(84) - Résolution XXIème congrès précité p. 45 et s.

(85) - M. SIMON in "Socialisme, Démocratie et Epanouissement de la personne" - précité - p. 18.

(86) - H. WEBER et O. DUHAMEL in "Chiznger Le P.C." p. 16 P.U.F. 1979.

Le P.C.F. affirme que la voie qu'il a choisie pour construire le socialisme n'est ni uniquement parlementaire, ni uniquement électorale, mais plus fondamentalement une voie de développement des luttes de classe. Les faits, nous le verrons, infirment ces propositions, tout comme ils montrent deux pratiques électoralistes du P.C.F.

A - L'électoralisme.

1) - Citant Lénine, G. COGNIOT disait dans une conférence à l'Institut. M. THOREZ (87) l'idéal du militant ouvrier est d'être le tribun du peuple". Le problème est de savoir à quoi sert ce tribun. A organiser le changement révolutionnaire ? A légitimer le système ? G. LAVAU (88) montre que par sa fonction tribunitienne, le P.C.F. recueille le mécontentement des travailleurs, qu'il canalise et maintient dans des limites précises. Ce faisant, non seulement le P.C.F. légitime le système, mais en outre il s'intègre à celui-ci comme un rouage important.

En effet, sous la Vème République (mais cela ne date d'elle) le P.C.F. a toujours adopté une conduite orientant les revendications ouvrières vers la seule issue électorale. Ainsi; en 1963, lors de la grève des mineurs, il explique à ceux-ci qu'ils ont obtenu par la voie syndicale tout ce qu'ils pouvaient attendre et que la solution de leurs problèmes dépendait du soutien qu'ils accordaient au P.C. pour le rassemblement contre le pouvoir gaulliste.

En 1968, en traversant les événements sans les comprendre et les maîtriser, il saisira la perche des élections législatives dont le résultat, hélas, ne sera pas à la hauteur de ses illusions. Le mouvement s'accentue avec le programme commun signé en 1972, le pouls de la vie nationale est réduit aux pulsations électorales.

L'électoralisme a pris véritablement son envol, nous le remarquions à l'instant, à partir de l'union de la gauche, mais dès 1959, le P.C.F. développait la nécessité d'une alliance de toutes les forces démocratiques contre le gaullisme.

Cependant, il faudra attendre 1962 pour constater les premiers accords. Le scrutin majoritaire à deux tours favorise et même oblige à de telles alliances. En 1962, le P.C.F. n'est pas "très regardant" sur la "nature" de ses alliés.

(87) - G. COGNIOT in "Lénine et la Science Politique" précité p.5.

(88) - G. LAVAU in "Le P.C.F. dans le système politique français" précité.

En effet, lors des élections législatives des 18 et 25 Novembre, des accords sont passés entre P.C., S.F.I.O. et d'autres républicains, dans lesquels le P.C. retire son candidat parfois arrivé en tête au premier tour pour assurer l'élection d'un "républicain" ; que celui-ci soit réactionnaire comme le Chanoine KIR, ou anti-communiste comme Jules MOCH.

Cependant, cette alliance va se dessiner plus nettement, notamment avec l'influence grandissante de M17TERAND sur la gauche non communiste, au fil des années, pour aboutir à la conclusion de l'union de la gauche sur le programme commun en 1972 après le renouveau du P.S. fraîchement émoulu d'Issy-Les-Moulineaux et d'Epinay.

2) - Ce qui a caractérisé l'électoralisme du P.C.F. de 1959 à aujourd'hui c'est sa défiance viscérale à l'égard de tout ce qui ne sort pas de l'appareil, son refus de l'auto organisation des masses. Le mouvement des femmes, des consommateurs, des écologistes, des régionalistes, ... etc ..., manifeste une volonté de prise en charge des problèmes par les acteurs eux-mêmes, que le P.C.F. ne reconnaît pas ou plutôt reconnaît dès lors qu'elle s'exprime dans le cadre du parti c'est-à-dire sans risque de vagues importantes. Ces mouvements ont été dénigrés par le P.C.F., tout comme certaines manifestations de "l'esprit" de Mai-Juin 1968.

Non seulement, l'électoralisme se manifeste par cette attitude négative à l'égard des formes d'auto-organisation des masses, mais aussi par l'émiettement, la dispersion, voire même l'étouffement des mouvements revendicatifs, dont certains, dans des structures dépendant du parti (89). Méfiance pour ces "mouvements étranges venus d'ailleurs', patience pour les justes revendications pourraient être les deux mots d'ordre de l'électoralisme bon teint pratiqué par le P.C.F. Certains communistes déplorent ce comportement. France VERNIER, dans la Nouvelle Critique d'Avril 1978 remarquait Nous avons aussi craint le "danger gauchiste", les luttes ou mouvements sauvages, irresponsables, etc ... Nous avons trop craint aussi les initiatives venues d'ailleurs et qui 'risquaient" de dévoyer l'action révolutionnaire (lutte des femmes, mouvements écologistes, etc au lieu de nous engager résolument sur tous ces terrains et de faire évoluer par notre action ces mouvements en un sens transformateur". (90)

(89) - Article de Michel BARAK Maître-assistant à l'Université de Provence dans le Monde du 13/12/78 p.2 sur le silence du parti et la non application des principes proclamés (autogestion, droits syndicaux) aux travailleurs des sociétés d'édition et de vente du parti (Club Diderot, CDLP, librairie Racine à Paris).

(90) - F. VERNIER, enseignante à l'université de Tours, in "La Nouvelle Critique" Avril 1978 "Il ne suffit pas de perdre pour avoir raison".

Cependant, les idées véhiculées par ces différents mouvements sont récupérées au moment opportun (91).

Le développement, hors des partis, de ces mouvements marque une certaine sclérose des partis traditionnels, y compris du P.C.F., qui se manifeste par la réduction des luttes de classe aux luttes électorales, la réduction de la politique "aux formes officiellement consacrées comme politiques par l'idéologie bourgeoise" (92).

3) - L'électoraliste est condamné à ne rien faire qui puisse détourner, le moment venu, l'électeur potentiel de la victoire, de la bonne pile de bulletins.

Pendant qu'est "diffusé" cet "appel au calme, la bourgeoisie procède à un matraquage désuet mais toujours opérant sur un corps social atomisé parce que déconnecté des luttes. L'aventure de l'union de la gauche sur le programme commun, c'est l'histoire de l'électoralisme petit bourgeois. Nouveau décalogue issu de tractations d'Etats majors, lu par quelques milliers de personnes, invoqué comme une nouvelle "jouvence' il ne pouvait pourtant, à lui seul, unifier, solidifier, donner une cohérence aux masses qu'Il concernait.

Lors du XXIIIème congrès du P.C.F., il a été affirmé que le programme commun avait été démobilisateur. C'est faux, ce n'est pas le programme commun qui a été démobilisateur, c'est la pratique qu'en ont faite les organisations ouvrières (P.S., P.C., C.G. et C.F.D.T.) (93). En désarmant les luttes, ces organisations ont présenté le programme commun comme la bouée de sauvetage universelle, mais celle-ci ne pouvait porter tous les espoirs qu'à la condition d'être gonflée à bloc par de profonds mouvements de lutte. C'est l'union sans les luttes qui a noyé les français. La nouvelle tactique du P.C.F., d'union à la base, décidée au XXIIIème congrès, ne pourra renflouer l'union de la gauche si elle est conçue comme l'alignement sur les positions communiste. Par contre, si elle est envisagée comme une union contradictoire, sur la base d'une confrontation idéologique entre communistes, socialistes, consommateurs, syndicats, écologistes, ... etc ..., sur la base d'actions unitaires à la base et au SOMMET, dans lesquelles les communistes ne seront pas toujours majoritaires, peut-être verra-t-on naître alors une nouvelle forme de pratique politique.

(91) - Ex l'élection législative partielle de Tours en 1976 Une campagne du
point vert.

(92) - L'ALTHUSSER in revue Dialectiques n° 23 Printemps 78 p.8

(93) - Au cours de la préparation du XXIIIème congrès, les dirigeants ont essayé de démontrer que la démobilisation, ainsi que la conception du "grand soir électoral", n'avaient pas été le fait du P.C.F., mais du P.S. Voir notamment France Nouvelle 12/03/1978 p.5 et s.

En limitant la politique à la sphère électorale, on limite celle-ci à "la production d'un consentement" (94), l'Électeur n'étant qu'un bulletin de vote en instance de transfert. On reproduit ainsi le mode de fonctionnement bourgeois de la politique, en contribuant à la séparation vie privée vie politique.

Avec un comportement électoraliste, le P.C.F. ne peut convaincre qu'II "veut non pas aller au pouvoir, mais donner à la majorité les moyens de l'exercer" (95), surtout si cette attitude présente deux faces : "l'électoralisme - unitaire - l'électoralisme sectaire" (96) comme dans la période récente.

B - Des différents buts de l'électoralisme.

Dans la dernière décennie, la tactique électoraliste du P.C.F. a connu deux orientations différentes à mesure que s'épanouissait et se fanait une certaine vision de l'union de la gauche.

La première période (1970-1974) débute avec le rapprochement P.C. - P.S. consacré par la signature du programme commun. Le P.C.F. adopte alors une attitude résolument unitaire, masquant ainsi les contradictions de l'alliance.

La seconde période commence au lendemain des élections présidentielles de Mai 1974. Dès l'été 1974, en effet, le comportement unitaire du P.C.F. s'infléchit progressivement vers une attitude 'Sectaire" qui apparaît nettement après les élections municipales de 1977.

L'approche d'une consultation électorale (cantonales, municipales) fut toujours ; à l'exception de la plus capitale, les législatives de 1978 ; l'occasion d'une accalmie dans le flot des récriminations.

(94) - C. BUCI- GLUCKSMAN in "changer le P. C." p.133.

(95) - Emile BRETON in la Nouvelle Critique Avril 1978 "Dans mon jargon".

(96) - L. ALTHUSSER in "Ce qui ne peut plus durer dans le P.C." précité p.114.

1) - L'électoralisme unitaire

A l'époque de la signature du programme commun, le P.C.F. était de loin, la première force politique d'opposition. Rappelons que le socialiste DEFERRE avait obtenu au premier tour des élections présidentielles de 1969 environ 5 % des suffrages exprimés, alors que le communiste DUCLOS en recueillait 21,52 % (97). Le P.C.F. pensait alors que l'union de la gauche, dont il avait été l'initiateur, le hisserait plus haut encore et qu'en tout état de cause, il resterait le premier mouvement d'opposition. Or le programme commun va profiter beaucoup plus au P.S. qu'au P.C,.

En effet, si les législatives de 1973 laissent au P.C. la première place dans l'union de la gauche, elles marquent un renforcement très conséquent du P.S. qui, pour la première fois, sous /a dème République, atteint presque 20 % des voix. Ce n'était qu'un début. Comment expliquer ce phénomène, alors que le P. C. F était en plein développement de sa stratégie pacifique de passage au socialisme et déployait tous ses efforts pour montrer une image de parti FRANÇAIS, de parti démocratique respectueux des libertés (98) ?

La réponse est relativement simple. Dès lors que le P.C. et le P.S. sont présentés unis vers un même but, l'électorat toujours marqué par l'image du "couteau entre les dents',' image renforcée complaisamment par la majorité, s'oriente toujours plus facilement vers le P.S. que du côté du P.C.

Or, en ne soulignant pas publiquement la nature contradictoire de l'alliance, le P.C.F. permet l'amalgame des deux partis dans un ensemble flou et idéalisé : l'union de la gauche sur le programme commun.

Les propos du premier secrétaire du P.S. F. MITTERAND déclarant "qu'il n'est pas normal... que cinq millions de Françaises et de Français ... choisissent le P. C. ... (99), et que sur ces cinq millions, "trois peuvent voter socialiste" (100) n'alertent pas le P.C.F., ni même

(97) - in Constitutions et Documents Politiques M. DUVERGER p.432.

(98) - Voir la publication d'un "projet de déclaration des libertés" en 1975 Ed. Soc. Intitulé "Vivre libres".

(99) - F. MITTERAND au congrès d'Epinay le 11/06/71 in "POLITIQUE" F. MITTERAND p.532 Fayard 1977.

(100) - F. MITTERAND au congrès de l'INTERNATIONALE SOCIALISTE à Vienne en 1972.

que cet objectif soit "la raison de cet accord" (101). Par son combat, le P.C.F. a mis l'union en avant et ce faisant, le P.S. ; auquel il ouvre un gigantesque crédit politique en lui délivrant un diplôme de bonne conduite. En effet, malgré son renouveau, le P.S. serait resté, sans union, longtemps marqué par ses pratiques passées. N'oublions pas que tous les membres de la S.F.I.O. ne se sont pas opposés à la venue du Général DE GAULLE, certains d'entre eux participèrent même, à son gouvernement (Guy MOLLET par exemple).

Le congrès d'Epinay avait redonné une cohérence au mouvement socialiste, l'union de la gauche sera le vecteur de son unité, et le support de son expansionnisme.

Le renoncement aux alliances avec la droite (102), à la collaboration de classe (103) sont nommément cités comme étant l'élément fondamental de l'union de la gauche. Le P.C.F. renforce ainsi le mythe de la gauche unie, c'est-à-dire l'idée d'une union sans contradiction, d'une union idéale. Il entre dans un engrenage duquel il ne pourra sortir, où il se condamne à présenter le P.S. soit tout blanc, soit tout noir.

Croyant avoir le vent en poupe, alors qu'il souffle pour le P.S. ; les communistes joueront à fond la carte de l'union de la gauche. Ils seront unitaires pour deux, acceptant même des reculs par rapport au programme commun.

Ainsi; pour les élections présidentielles de 1974, F. MITTERAND n'est pas le candidat de l'union de la gauche, mais le candidat soutenu par l'union de la gauche. Sa plateforme électorale ne sera pas discutée, selon lui ce ne peut-être le programme commun de gouvernement, du fait qu'il s'agit de présidentielles ... Le P.C.F. manifestera un mécontentement public violent suite à la démarche de l'ambassadeur soviétique auprès de GISCARD D'ESTAING entre les deux tours (104). GISCARD D'ESTAING est élu, la gauche échoue de peu, mais échoue.

(101) - F. MITTERAND au congrès de l'INTERNATIONALE SOCIALISTE à Vienne en 1972.

(102) - Préface du programme commun - précité p.25.

(103) - "Le défi démocratique" G. MARCHAIS précité p.135.

Paul LAURENT in France Nouvelle 6 Août 1974.

(104) - Voir à propos des élections présidentielles : entretien avec Thierry PFISTER in "changer le P.C." p.159 et François LONCLI in "Autopsie d'une rupture" Ed. J.C. Simoen 1979.

Le P.C.F., en se fourvoyant dans la lune de miel, au sommet, avec le P.S., a été l'artisan de la puissance nouvelle de celui-ci. La volonté des communistes, d'acquérir le pouvoir, car tel était le fondement de cet électoralisme unitaire, leur a fait oublier ce qu'ils appelleront plus tard la "nature" réformiste, social démocrate autres qualificatifs du P.S.

Pourtant dès le 29 juin 1972, dans un rapport au Comité Central (105), Georges MARCHAIS soulignait l'ambiguïté des attitudes du P.S. serait dangereux, disait-il, de se faire la moindre illusion sur la sincérité ou la fermeté du P.S. au sujet de son engagement". En conséquence de quoi; le parti devait affirmer de façon permanente ses propres positions. Ce rapport allait non seulement rester secret, mais rien dans la pratique du P.C. ne fera soupçonner son existence. Pourquoi cette attitude ?

En 1972, le P.C.F., même s'il a des doutes sur son allié, se croit doté d'un avantage certain, et pense récolter prochainement les résultats de ses efforts pour apparaître sous un nouveau visage. En outre, son objectif est d'aller au pouvoir, or pour arriver à cette fin, il a besoin du P.S., il ne peut donc faire état publiquement de ses inquiétudes à moins de briser l'élan naissant et d'apparaître comme diviseur.

Cependant, ce qui s'était esquissé dans les élections législatives de 1973, approfondi aux présidentielles de Mai 1974, apparaît nettement à la suite d'élections législatives partielles à l'automne .1974 l'union de la gauche favorise le P.S. au détriment du P.C. qui reste à peu près stable. Or, si le P.C.F. envisageait l'union de la gauche comme rampe d'accès au pouvoir, il ne pouvait accepter de perdre à l'intérieur de celle-ci sa position dominante. A partir de ce moment-là, les sentiments unitaires vont être progressivement altérés, (avec de minutieux dosages dans la prévision des cantonales de 1976, et des municipales de 1977) pour faire place au sectarisme.

2) - L'électoralisme sectaire.

Lors de son congrès (XXIème) de Vitry à l'automne 1974, le P.C.F. pose trois questions

au P.S.

· le projet socialiste a-t-il vocation à remplacer le programme commun ?

· Le P.S. maintiendra-t-il ses alliances avec la droite pour les municipales de 1977 ?


· Le P.S. entend-t-il réduire le P.C. à "un rôle de force d'appoint" en affirmant la nécessité d'un rééquilibrage de la. gauche ? (106)

L'union de la gauche pour aller au pouvoir, d'accord ! Mais à condition que ce soit pour "un changement politique réel" pour lequel le P.C.F. constitue la "meilleure garantie" (107).

Finalement, l'avenir dépend de la place du P.C.F. dans l'union pour que le programme commun soit appliqué, pour contraindre, s'il le faut, le P.S. aux listes communes pour les municipales de 1977. Or, actuellement, la place dominante est occupée par le P.S. (tout le fait pressentir après les législatives partielles). Il faut tout faire alors pour rétablir la situation à l'avantage du P.C.F. Cela va donner lieu dans les mois et années suivants à une valse d'hésitation où l'on fait tantôt ami-ami, tantôt ami-ennemi, pour finalement arriver à se faire ennemi-ennemi. Pour remonter la pente, le P.C.F. va essayer de ressaisir ses militants, sympathisants et électeurs, il publiera "l'union est un combat', le ''socialisme pour la France" (XXIIème congrès), les 'Aidez-nous" dans l'humanité ... Il fallait convaincre l'électorat que sans un P.C. fort, le P.S. jouerait des mauvais tours. Celui-ci était-il dès 1974 entrains de fourbir les armes de l'abandon du programme commun ?

Poser le problème de cette façon, c'est présenter l'union à son origine de façon idyllique.

Il faut remonter aux sources. En 1971, le P.S. refait son unité pour "que le parti prenne le pouvoir" (108).

Sous la dème République, le système électoral (scrutin majoritaire à deux tours) conduit inéluctablement celui qui veut prendre le pouvoir à conclure des alliances.

(106) - XXIème congrès à Vitry du 24 au 27 octobre 1974. Rapport du Comité Central présenté par G. MARCHAIS p.64 et s. Edité par le P.C.

(107) - Ibid p. 89.

(108)-F. MITTERAND au congrès d'Epinay in "Politique" p. 533.

Le P.S., se voulant résolument à gauche, la seule alternative possible, était l'alliance avec les communistes. Une alliance voulue dans une optique bien déterminée faire revenir une partie de l'électorat communiste dans le giron socialiste et "équilibrer la gauche" pour que cesse "la vassalisation du P.S." par le P.C. (109).

Thierry PFISTER (110) montre en outre que F. MIr tRAND ne s'est "rallié à la notion

du programme commun que sur un jeu tactique obtenir les 7 % des voix du C.E.R.ES." qui lui permettront de gagner Epinay et de devenir premier secrétaire du P.S. Si la réussite électorale a permis au P.S. de s'éloigner du programme commun, au profit du projet socialiste, cela n'a pas été un "virage à droite',' mais la continuité d'une stratégie.

Dès lors, si le P.C.F. a fait abstraction de ces données, et mis tout en oeuvre pour la réussite du P.S., il ne peut s'en prendre qu'à lui-même et notamment à son comportement électoraliste qui lui fait délaisser le développement des luttes pour le jeu électoral. Ses appels au ressaisissement tombent à plat, sur un corps social démobilisé, et focalisé sur le nouveau "bréviaire" que constituait le programme commun.

Dans l'impossibilité de redresser la barre, il dénonce la trahison du P.S. (qui espérait recueillir les fruits de ce comportement où il tenait la dragée haute au P.C.) qui renoue avec la social-démocratie, avec le réformisme. Mais le P.S. avait-il cessé d'être réformiste ? S'il a pu apparaître comme ayant rompu avec la collaboration de classe, le P.C.F. n'a-t-il pas été le meilleur laudateur de ce changement ? Les nationalisations qui ont constitué apparemment la pierre d'achoppement étaient certes un élément fondamental du dispositif mis en place par le P.C. et le P.S., mais comment se fait-il que cette question n'ait pas été réglée dès l'origine, époque où le P. dominait ? Non, l'objectif non avoué de cette agitation sectaire était d'empêcher les socialistes de considérer le P.C. comme une force d'appoint. Le P.C. préfère renoncer au pouvoir pour lui-même, pour mieux briser son partenaire dont tous les politologues s'accordent à dire que c'est un parti qui, à terme, s'écartèle lorsqu'on le lèse du pouvoir.

Le but de l'électoralisme n'est plus alors de conquérir le pouvoir, mais de tout faire pour que le P.S. n'y arrive pas en force sans cependant sacrifier ses propres positions parlementaires, d'où l'accord du 13 Mars 1978 et le fameux "CA Y EST" à la une de l'Humanité. Comme quoi les vices du parlementarisme bourgeois ont quelques vertus, utilisés par les communistes ...

(109) - Ibid p.539-540.

(110) - Thierry PFISTER in "Changer le P.C." précité p. 162-163.

Nous avons essayé de démontrer que l'acceptation de l'alternance par le P.C.F. était le signe d'une importante évolution théorique. Celle-ci se caractérise par un abandon du marxisme-léninisme conduisant à la reconnaissance de la démocratie bourgeoise et de /'Etat bourgeois comme lieu du changement.

Certains désignent cette évolution comme le symbole de "l'adhésion" du P.C.F. à "l'eurocommunisme" (111). Selon C. BUCI-GLUCKSMAN, celui-ci se présente comme :

1) "la revendication d'une indépendance des P.C. par rapport à Moscou,'

2) "le développement d'une nouvelle stratégie démocratique de passage au socialisme ,

3) "la prisa de conscience de la nécessité d'une transformation des P.C. eux-mêmes". (112)

Nombreux sont encore aujourd'hui les commentateurs politiques qui relèvent dans telle ou telle action du P.C.F., l'influence de Moscou (la fameuse "main de Moscou" ou son ombre). Le P.C.F. ne manque jamais de dénoncer de telles affirmations et d'insister sur l'indépendance des P.C. à l'égard du "grand frère oriental. Ainsi, par exemple, G. MARCHAIS déclarait à l'Association de la Presse Etrangère à Paris en 1977: "...il est exclu de discuter avec Léonid BREJNEV des décisions prises par le P.C. (113)

En outre, de nombreuses fois, le P.C.F. s'est élevé' contre les atteintes aux libertés et à la démocratie en U.R.S.S.

Ce mouvement est certain, néanmoins il apparaît que le P.C.F. ne s'est pas dégagé, encore aujourd'hui, de l'idéologie issue de l'Internationale dans sa période stalinienne. Ainsi sa vision économiste du socialisme ne lui permet pas d'analyser correctement la réalité soviétique et en particulier '7e phénomène de la dissidence". La conception du socialisme, comme mode de production autonome et de la dictature du prolétariat comme voie de passage au socialisme, remonte à Staline à l'époque où il mettait fin à la dictature du prolétariat et proclamait l'État du peuple tout entier.

(111) - Voir à ce propos le n° 88-89 de "RECHERCHES INTERNATIONALES" 1976 - Editions de la Nouvelle Critique.

(112) - C. BUCI-GLUCKSMAN in "Changer le PC" précité p.126 et s.

(113) - G. MARCHAIS à l'Association de la Presse Etrangère à Paris le 1er Juin 1977.

La dénonciation d'une telle absence d'analyse concrète était et est encore très, difficile, d'une part en raison de la séparation dirigeants-dirigés au sein du parti (c'est-à-dire l'absence d'une véritable démocratie) et d'autre part parce que seuls les dirigeants politiques détenaient et détiennent la vérité du marxisme et la dé de son utilisation.

Que le P.C.F. soit engagé sur la voie eurocommuniste, nous l'admettrons, malgré ces réflexions ; mais cela nous apparaît, à l'issue de nos développements, n'être qu'une nouvelle appellation de la social-démocratie.

En effet, eurocommuniste ou non, le P.C.F. comme n'importe quel parti social- démocrate, renonce à briser l'Etat bourgeois et à instaurer la dictature du prolétariat pour construire la société nouvelle.

Rien ne différencie le social-démocrate et "l'eurocommuniste libéral" (114), sinon l'apparence du discours. "Pour eux, l'avenir du monde se résout dans la propagande et la mise en pratique de leurs plans sociaux. Dans la conception de ces plans, toutefois, ils ont conscience de défendre avant tout les intérêts de la classe ouvrière, parce qu'elle est la classe la plus souffrante. Pour eux, le prolétariat n'existe que sous cet aspect de la classe la plus souffrante" (115).

(114) - C. BUCI-GLUCKSMAN distingue "eurocommunisme libéral" et "eurocommunisme démocratique". Le premier, c'est la social-démocratie, le second c'est le retour à La théorie conçue comme guide pour l'action.

(115) - K. MARX "Le manifeste du P.C." - précité p.58.

QUELQUES DATES ...

> 1958

· 29 mai : retour du Général DE GAULLE au pouvoir. Le P.C.F. montre qu'il s'agit d'un premier pas vers le fascisme.

· 28 Septembre : Référendum constitutionnel.

· 23 Novembre : Elections législatives.

A ces deux consultations, le P.C.F. perd environ un cinquième de ses électeurs.

> 1959

· 24/28 Juin : XVème congrès (Ivry). La première tâche des communistes réside dans "l'élimination du pouvoir personnel imposé par les monopoles pour restaurer la démocratie" en instaurant la dictature du prolétariat

> 1960

· Novembre : Conférence de 81 P.C. à Moscou. Adoption de la théorie du C.M.E.

> 1961

· 11/14 Mai : XVIérne congrès (Saint-Denis). La lutte pour la démocratie est imposée par "la logique de l'histoire"."Le programme du parti n'est pas un programme socialiste mais un programme démocratique". Le passage au socialisme implique la destruction de l'Etat bourgeois.

> 1963

· 8 Octobre : M. THOREZ attribue à une erreur de Staline la théorie du parti unique.

> 1964

· 14/17 Mai: XVIIème congrès (Paris). Les positions doctrinales du parti ne permettent pas de supprimer, comme le demande une cellule, l'expression did:ature du prolétariat, mais, dans la résolution du congrès l'expression ne figure nulle part.

> 1965

· 5/19 Décembre : Soutien du P.C.F. à F. MITTERAND pour l'élection présidentielle.

> 1966

· 13 Mars : Comité Central d'Argenteuil : W. ROCHET déclare que la dictature du prolétariat est une expression malencontreuse.

· 1967 :

· 4/8 Janvier : XVIIIème congrès (Levallois-Perret). La dictature du prolétariat est présentée comme une garantie contre les tentatives réactionnaires de sabotage de la transformation socialiste.

> 1968

· Février : Plate-forme commune P.C. - F.G.D.S.

· Mars : Dans une interview au Nouvel-Observateur (n°175) W. ROCHET déclare à J. DANIEL, à propos de l'alternance : "dans l'accord P.C. Fédération du 24 février aucune disposition ne rejette l'éventualité d'une telle alternance".

· 5/6 Décembre : Le Comité Central réuni à Champigny/Mame adopte un manifeste "pour une démocratie avancée, pour une France socialiste".

Ø 1969

· 5 Mai : Faute d'accord, la gauche se présente dispersée à l'élection présidentielle. J. DUCLOS représente le P.C. Il recueille 21,27 % des voix. Le parti préconise l'abstention au 2ème tour.

· 18 Décembre : Naissance d'un nouveau P.S. qui décide de dialoguer avec le P.C.

Ø 1970

· 4/8 Février
· XIXème congrès (Nanterre). "La démocratie avancée est une forme de transition vers le socialisme". G. MARCHAIS devient secrétaire général adjoint.

Ø 1971 :

· 9 Octobre : Le Comité Central adopte un "programme de gouvernement démocratique d'union populaire".

> 1972

· 27 Juin : P.C. et P.S. adoptent un programme commun de gouvernement.

· 13/17 Décembre : XXème congrès (Saint-Ouen). G. MARCHAIS devient secrétaire général.

Ø 1973

· 4/11 Mars : Elections législatives. Le P.C.F. obtient 21,41 % des suffrages exprimés et reste le premier parti d'opposition.

> 1974

· 7 Février : Le P.C.F. adopte l'expression "autogestion".

· 8 Avril : Le Comité Central propose que F. MITTERAND soit le candidat unique de la gauche à l'élection présidentiel.

· 5 Mai : 1er tour de l'élection présidentielle. F. MITTERAND obtient 43,24 °h des suffrages exprimés

· 8 Mai : Le P.C.F. déplore la visite effectuée par l'ambassadeur d'U.R.S.S. auprès de V. GISCARD D'ESTAING.

· 15 Mai : Les communistes déclarent qu'ils n'exigeront pas les ministères importants en cas de victoire de F. MITTERAND.

· 19 Mai : 2ème tour de l'élection présidentielle.

· V. GISCARD D'ESTAING élu avec 50,81 % des suffrages exprimés.

· 24/27 Octobre : XXIème congrès (extraordinaire). à Vitry/Seine. Le P.C. pose trois questions au P.S.

n le P.S. entend-t-il substituer le programme socialiste au programme commun ?

n le P.S. maintiendra-t-il ses alliances avec la droite pour les élections municipales ?

n - Se P.S. veut-il réduire le P.C. à un rôle de force d'appoint ?

Ø 1975

· 15 Mai : Présentation d'un projet de déclaration des libertés : "Vivre libres".

· 9 Juillet : Publication du rapport de G. MARCHAIS' au Comité Central du 29 Juin 1972 et resté secret jusqu'à cette date.

Ø 1976

· 7 Janvier : G. MARCHAIS annonce que son parti renonce à la dictature du prolétariat.

· 4/8 Février : XXIIème congrès (Saint-Ouen). "La dictature du prolétariat ne recouvre pas la réalité de notre politique".

Ø 1977 :

· 13/20 Mars : La gauche présente des listes communes aux élections municipales.

· 21/22 Septembre : Echec des négociations sur la réactualisation du programme commun.

· 1978

· 12 Mars : ler tour des élections législatives. La gauche est battue.

· 13 Mars : Accord P.C. - P.S. en vue du 2ème tour.

· 19 Mars : La droite reste majoritaire à l'assemblée.

· 26/28 Avril : Le Comité Central présente la déviation droitière du P.S. comme la seule cause de l'échec de l'union.

· 13/14/15 Avril : Parution dans le Monde d'un article de J. ELLENSTEIN demandant encore plus de "XXIIème congrès" pour son parti.

· 24/25/26/27 Avril : Parution dans le Monde d'un article de L. ALTHUSSER demandant un retour à la théorie.

· Décembre : Rencontre des intellectuels communistes avec les dirigeants du parti à Vitry. Les débats font l'objet d'une publication très détaillée dans l'Humanité.

1979

· Février : Publication du projet de résolution du XXIIIéme congrès.

· 1er Mars : Ouverture des tribunes de discussion dans l'Humanité et France Nouvelle. Peu d'intervenants contesteront les analyses et le projet de résolution présentés par la direction.

· 9/13 Mai : XXIIIème congrès (Saint-Ouen). Modification importante des statuts. La dictature du prolétariat n'y figure plus. L'adhésion au matérialisme n'est plus une condition d'adhésion au parti. Le but fondamental du parti est le socialisme. Appréciation contingente du Léninisme.






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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon