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Impact de la "propriété foncière" des migrants sur la gestions des ressources naturelles : cas de Dibien dans la Province du Tuy

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par Bôbakebé Florent SOME
Université de Ouagadougou; UFR/Sciences Humaines; Département de Sociologie - Maîtrise option Sociologie Rurale et du développement 2002
  

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1.1.2.3. Régime foncier coutumier et droit foncier moderne d'accès à la terre :

gestion de la confusion

La cohabitation ambiguë des deux systèmes de références a fait l'objet d'une littérature très abondante. Régime foncier coutumier et droit foncier moderne cristallisent pour l'essentiel la grande majorité de la littérature sur le foncier rural en Afrique subsaharienne en général et au Burkina Faso en particulier. L'analyse de cette dualité fait appel à deux sortes de lectures par les différents auteurs qui, d'une part pour soutenir et défendre le régime foncier coutumier, ou, d'autre part la prévalence du droit moderne.

En effet, des auteurs comme OLIVIER DE SARDAN J. P. (1984) estiment que le droit coutumier renvoie dans le langage administratif et juridique, aux tentatives de codifications opérées par l'administration coloniale. Il démontre sans ambiguïté, avec la précision de certaines études sur le foncier, que « au sens le plus strict, le droit coutumier est issu de l'interprétation faite par les administrateurs des droits sur la terre sur les personnes tels que les chefs leur ont décrits rétrospectivement aux premiers temps de l'occupation coloniale. On a donc affaire à un double filtre : d'une part celui des chefs et des notables qui tendent à surestimer et souvent inventer les redevances dont ils bénéficiaient, les privilèges qu'ils détenaient, les terres qu'ils contrôlaient ; d'autre part celui des administrateurs qui cherchent à exprimer cette version en termes proches du droit national occidental, et à le rendre compatible avec les exigences du système colonial », OLIVIER DE SARDAN J.P., (1984 :223)

Le droit foncier moderne, ou encore le droit positif, le droit législatif, est posé par la grande majorité des auteurs comme opposé à celui dit coutumier, qualifié de traditionnel, de légitime, d'archaïque. Pour certains auteurs, le système moderne de gestion de la question foncière a été la formule trouvée par les nouvelles élites de l'après indépendance dans l'ambition d'instaurer un système uniforme et exhaustif de loi et une législation unique dans le but de `'construire la nation'', d'`'unifier le pays'' et de `'moderniser la société''. Même si le Burkina Faso en 1983 sous la révolution, se cachait, comme le fait remarquer TALLET B. (1998), la volonté de changer les structures du pouvoir qui prévalaient dans les zones rurales. Cette ambition politique était d'en finir avec le pouvoir des chefs et leur droit de contrôle sur la terre, et la réforme foncière a été menée aux accents d'une rhétorique révolutionnaire plutôt emphatique qui voulait voir dans les `'seigneurs féodaux'' les pires ennemis du peuple. En effet, la Réorganisation Agraire et Foncière (RAF), adoptée au lendemain de la révolution d'août 1983 par le gouvernement du Burkina en 1984, est posée comme une volonté politique d'uniformiser les modes pluriels d'accès à la terre, d'harmoniser les pluralités d'usage foncier coutumier et de résoudre l'épineuse question de la `'propriété foncière'' surtout en milieu rural. En somme, comme le font remarquer NEBIE, (1997) ; TALLET, (1999), l'Etat entendait à travers la RAF et son décret d'application mener une politique égalitaire d'accès à la terre pour tous, sur le plan national, en mettant fin à l'hégémonie des autorités et des structures coutumières sur la terre. Pour ZONGO M, (2000), de cette vision, la RAF consacre la «délégitimation» des autorités et des structures traditionnelles sans toutefois les remplacer par des structures foncières opérationnelles.

En tout état de cause, les textes de la RAF font de l'Etat, premier propriétaire terrien à travers la création du Domaine Foncier National (DFN) pour ainsi répondre « aux exigences d'une gestion équitable et durable du foncier et des ressources naturelles, promouvoir les investissements et les aménagements pour accroître la productivité du secteur agropastoral, unifier les régimes fonciers divers et contradictoires, faciliter l'accès aux ressources naturelles, réduire les conflits fonciers...» TIEBA (2003 :17). Cette RAF ainsi purgée de tous les droits coutumiers, qu'elle soit acceptée ou contestée, fait de l'Etat le principal régulateur et ordonnateur du jeu foncier national. Cependant, deux décennies déjà passées dans son application, même avec les relectures qui s'en ont suivies, le constat est implacable. Tous les auteurs qui se sont penchés sur l'analyse de son applicabilité, notamment, TALLET, SANOU, et BALAC., (2001) ; MATHIEU, (1999), MATHIEU & al (2003) ; CHAUVEAU, (1997) reconnaissent que la RAF constitue de très loin la référence des communautés locales, car elle est inadaptée et méconnue de la majorité des acteurs sur le terrain. En effet, si au niveau des zones urbaines son application est relativement acceptable (quoiqu'il y ait des tensions et parfois des conflits ouverts autour des lotissements dans les grands centres du pays), au niveau rural, on constate qu'elle n'a pas encore réussi à balayer les systèmes fonciers coutumiers. De cette situation, on assiste alors à une cohabitation très ambiguë entre deux systèmes de référence portant sur des visions de l'espace et de la nature, sur les formes d'appropriation, sur le rôle de l'Etat. Cette dichotomie observée sur le terrain fait l'objet de plusieurs interprétations et de pise de position de la part des auteurs qui se sont penchés sur la question foncière en Afrique Subsaharienne en générale et au Burkina Faso en particulier. Ainsi, Jean Pierre CHAUVEAU (1998) abordant les systèmes de gestion foncière, dans `'la logique des systèmes fonciers coutumiers, 1998'', fait d'emblée le constat de l'échec des tendances de gestion étatique du foncier rural en Afrique. Il estime que c'est l'absence  d'une compréhension suffisamment claire des logiques et de la dynamique des systèmes fonciers traditionnels  qui peut en être la raison fondamentale. Mais précise- t-il, l'identification `'d'une logique'' des systèmes coutumiers se heurte à des difficultés nombreuses et importantes, à savoir la multiplicité des dispositions foncières, la diversité et l'enchevêtrement des droits qui en résultent. Il ajoute que cette logique représente en quelque sorte `'la théorie locale'' des droits fonciers basée sur une conception « topocentrique » de l'espace (principe de l'affection des espaces à usage particulier, reconnaissant autant de droit sur l'espace et sur les ressources que d'usage accepté), ce qui s'oppose à la conception « géométrique », occidentale de la propriété délimitée. Il arrive à la conclusion que « la logique des systèmes fonciers coutumiers ne peut donc être seulement résumée par un type spécifique de rationalité ou de comportement par rapport à la ressource foncière en elle-même ; elle relève aussi de la conduite des affaires foncières, conduite particulière à la situation Ouest africaine où les règles et les droits coutumiers prédominent dans l'affectation de la terre, mais l'affectation de ces droits relève dans une proportion de plus en plus importante de processus de négociation de nature sociopolitique ». CHAUVEAU (1998 : 73).

Gerti HESSELING et Paul MATHIEU (1986) tentent également un essai d'analyse des deux logiques dans la gestion foncière en Afrique Noire. Ils estiment que la cohabitation entre le droit foncier coutumier et celui moderne fait apparaître des absences de concordances. Ce qui laisse voir une juxtaposition de ces droits. Dans tous les cas, diverses interventions montrent que l'application des législations foncières modernes, donc la mise en oeuvre effective de l'autorité étatique, se fait de façon largement partielle et ambiguë. Les deux auteurs se résument en faisant remarquer que « l'application des législations foncières modernes est souvent partielle, ambiguë, caractérisée par des `'errements'' et des décalages entre d'une part, les règles, les principes, les interventions explicites et les effets d'autre part ». Pour Philippe LAVIGNE DELVILLE (1998), c'est la coexistence des deux systèmes de normes foncières, celle de l'Etat et celle du village (la pluralité juridique) qui est le principal facteur d'ambiguïté sur les droits et non l'inadaptation des logiques coutumières à des densités élevées ou des enjeux économiques nouveaux. Cette opinion est largement partagée par Marc-Eric GRUENAIS qui affirme que « dans les communautés africaines, le développement d'un modèle exogène de l'organisation de l'espace, relayé principalement par l'administration coloniale, puis par l'appareil d'Etat des pays africains indépendants amène des bouleversements de fond dans le rapport des sociétés africaines à leur espace ». Or comme le soulignent fort bien Gerti HESSELING et Paul MATHIEU (1986), à cause de ces significations et connotations multiples (économiques, politiques inconscientes : espace vécu, espace vital, « territoire »), le foncier est un enjeu essentiel (J.L. PIERMAY, 1986)) mais un enjeu « chaud » et riche de violences potentielles, si on ne le manipule pas avec délicatesse : cela est d'autant plus le cas qu'on est en situation de transition (sociale, économique et technique). Effectivement la transition soulignée par les deux auteurs se manifeste par le fait que la matrice capitaliste d'un côté n'est pas (encore) implantée et dominante de façon effective et généralisée et de l'autre côté la matrice traditionnelle est ébranlée et se transforme (ou dissout, suivant les cas) de l'intérieur comme de l'extérieur. Dit autrement, MALO (2005 : 9) soutient dans ce même ordre d'idée que «progressivement, la terre passe d'une conception traditionnelle à travers laquelle le foncier est inscrit dans l'organisation de la société tout entière, vers une conception économique et individuelle, liée à la logique d'intervention de l'Etat».

Nous nous trouvons alors dans une logique « d'entre- deux », une logique intermédiaire que Gauthier DE VILLERS (1996) qualifie d' « informelle »9(*) dans la mesure où les pratiques qui jaillissent de ce système hybride ne sont pas codifiées par la coutume, ni par la loi. Cela place alors les différents acteurs sur différents registres de normes et fait dire à LAVIGNE-DELVILLE (1998b : 55) que «le décalage des législations, les contradictions entre normes locales et droit positif, celle du dispositif de gestion foncière locale, font planer sur les droits une incertitude qui autorise des remises en cause et des revendications elles aussi contradictoires. Le décalage entre légalité et légitimité met les ruraux dans une situation d'insécurité, d'illégalité quasi permanente ». PARE, Lancina (2000 : 45) pour sa part estime qu' « au lieu de sécuriser les producteurs, la RAF a plutôt contribué par endroit à multiplier des conflits. Là où les pratiques plurielles régulaient le jeu foncier, sa vision uniformisante a été néfaste. La psychose créée par la RAF demeure encore et explique, en partie le caractère précaire de la plupart des tenures foncières ».

Gerti HESSELING et Paul MATHIEU (1996) dans cette même logique ajoutent que dans le processus de transition globale, entre deux matrices spatiales qui se combinent, s'affrontent, ou se substituent suivant les cas, l'Etat (la RAF au Burkina Faso) a d'abord un rôle de régulateur social. Dans cet affrontement des logiques la réforme foncière ou la législation moderne devrait prendre le dessus en se posant comme un catalyseur, comme un élément déterminant (levier) d'une évolution économique et sociale plus globale et de longue durée.

Ces mêmes deux auteurs parviennent à la conclusion  que la terre est un bien où se rencontrent le capital (la technique et les investissements étrangers) et le travail (les populations locales ou non). Le capital et le travail sont déterminés par des logiques divergentes : pour le capital, la logique est « accroître le rendement ». Pour le travail, la logique est  « la terre des ancêtres », la « loi du village ». La terre présente des significations et des valeurs différentes distinctes qui sont condamnées à cohabiter ou à s'affronter, s'il n'y a pas de conciliation, de solutions syncrétiques qui sont réalisables.

* 6 La notion d'informelle désigne ici selon l'auteur «toutes les formes atypiques (non conformes à des modèles culturels), composites (produites par hybridation, métissage de formes issues de matrices culturelles hétérogènes) et ambiguës, polysémiques (se référant à des codes culturels différents)» p.8

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault