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Les troubles du comportement à bord des navires

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par Frédéric Travers
Ecole nationale de la marine marchande - Diplôme d'étude supérieur de la marine marchande 2008
  

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Partie 1: Troubles du comportement : définition - généralités -

données chiffrées

1) Généralités et définition des troubles du comportement

Définition suivant l'Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S) :

Selon l'O.M.S : « Les troubles du comportement se caractérisent par un changement du mode de pensée, de l'humeur ou du comportement qui ne rentre plus dans les normes ou les croyances culturelles. »

Associés à une détresse morale ou une altération des fonctions mentales, les troubles du comportement deviennent pathologiques.

Cette définition, qui fait référence aux « normes » ainsi qu'aux « croyances culturelles », laisse entrevoir tout de suite les difficultés d'interprétation et de reconnaissance de ce type de trouble : en effet, chaque personne a le droit d'être « différente ».

Il n'est pas interdit d'avoir un comportement étrange, de ne pas être habillé comme tout le monde, de ne pas avoir les mêmes habitudes que nos semblables, nos collègues de travail, de ne pas utiliser les mêmes codes sociaux que ceux régis par la profession, celle de marin en l'occurrence.

Dans sa thèse sur « Le Normal et le pathologique », soutenue en 1943, Georges Canguilhem (philosophe et historien des sciences 1904-1995) affirme que « l'état pathologique n'est qu'une variation quantitative et qualitative de la normalité ». [1].

La question est donc de savoir qu'est ce que la normalité ?

Selon le Docteur D. Drapier, médecin psychiatre, enseignant à l'université de Rennes, dans son
cours sur le « normal et le pathologique ». [2], une certaine normalité correspond à l'association de :

- la normalité idéale, c'est-à-dire les critères élaborés par la société, l'opinion publique, les médias, les hommes politiques...

- la normalité fonctionnelle qui correspond à l'idéal individuel,

- la normalité subjective qui est en fait une représentation interne qui fluctue en fonction de l'humeur,

- la normalité statistique, purement mathématique.

Au total, les écrits confirment qu'il est difficile de définir un trouble du comportement car la normalité ne peut pas s'appréhender de façon simple et univoque : elle est le résultat d'un mélange culturel, sociologique, statistique et scientifique.

2) Les pathologies psychiatriques répertoriées au C.C.M.M

Les troubles du comportement représentent trois pour cent de l'ensemble des pathologies ayant motivé un appel au C.C.M.M.

3%

1%

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O
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Les cas de troubles du comportement à bord des navires répertoriés au travers des consultations

Peau et T cell ous Cut.

effectuées par le C.C.M.M sous estiment probablement la réalité.

Respiratore

En effet, compte-tenu des difficultés de reconnaissance et d'identification de ces troubles, mais aussi des conditions de vie à bord, je peux raisonnablement supposer que :

- certains troubles du comportement n'ont pas été identifiés comme comportement anormal dans le contexte du bord.

- d'autres ont été reconnus comme comportement anormal mais pas identifié comme pathologiques.

- certains ont bien été reconnus comme relevant d'une pathologie mais n'ont pas motivé le recours à une téléconsultation.

Dans ce travail je n'ai pu traiter que les troubles du comportement identifiés comme pathologique à bord et ayant fait l'objet d'un appel pour téléconsultation au C.C.M.M.

Il est à noter que les troubles anxieux représentent plus de la moitié de l'ensemble des troubles du
comportement. Les troubles de la personnalité représentent à eux seuls quinze pour cent des appels.

% 5% 6% 6%

On retrouve ensuite les troubles dus aux toxiques (drogues, alcool..), les épisodes dépressifs, les

15%

insomnies non organiques et pour finir les troubles délirants, qui ne représentent que cinq pour cent des appels pour troubles du comportement mais sont particulièrement difficiles à prendre en charge à bord.

Il est à remarquer que la plupart des troubles du comportement ont pu être soignés à bord : il est donc particulièrement important de bien les connaître afin de pouvoir assurer leur prise en charge.

Je peux constater, que seuls sept pour cent des cas psychiatriques ont nécessité une évacuation sanitaire (dix huit pour cent pour l'ensemble des téléconsultations, toutes pathologies confondues).

Après avoir constaté que les troubles du comportement ne sont pas si rares chez les marins, je me suis intéressé aux facteurs pouvant favoriser leur survenue à bord.

3) Rapport sur les « modalités de sortie de la profession de marin par la maladie mentale »

J'ai été intéressé par le travail du Docteur Cuzon (attaché de consultation de médecine maritime au centre de pathologies professionnelles CHU de Brest) qui a publié en 2002 un rapport sur les « modalités de sortie de la profession de marin par la maladie mentale ». [3].

Il m'a paru important d'évoquer ce rapport, car l'étude réalisée cible les départs anticipés à la retraite pour des maladies à connotation « psychiatrique ». De par son sujet, ce rapport est l'un des rares à aborder la santé mentale des marins à bord. Il permet aussi de se rendre compte que ces troubles ne sont pas si rares.

Cette étude est élargie à l'ensemble du monde maritime : marine militaire, marine marchande et pêche maritime.

Le Dr Cuzon part d'une observation :

« Un nombre croissant de marins sortent de la profession de manière anticipée par rapport à cet âge de 55 ans, qui naguère, les faisait accéder à la retraite avec cette fierté d'avoir fait une belle carrière, un beau métier. »

« Les constatations :

Pour une population de 14000 marins (celle de la région Bretagne) il a été constaté que chaque année, une moyenne de 202 marins sortait de la profession par voie de la maladie.

Les sorties pour « maladies psychiatriques » au nombre de 120 sur 4 ans se placent au 3e rang des maladies conduisant à l'éviction de la profession. »

Ainsi, dans son travail, le Docteur Cuzon révèle que les départs en retraite anticipés ne sont pas tous liés à une maladie « physique » pouvant entraîner une inaptitude à la navigation, mais sont de plus en plus en rapport avec des maladies à connotation psychiatrique.

Les causes possibles

Selon le Docteur Cuzon, trois indicateurs pourraient favoriser la survenue de ces problèmes psychiatriques dans le milieu maritime :

? L'indicateur trouble de la personnalité.

Il considère que certaines personnes ont des dispositions à avoir un comportement déviant : c'est-àdire des troubles du comportement témoignant d'une personnalité fragile. Il décrit que ces troubles peuvent exister avant le début de la navigation ou peuvent être révélés à l'occasion de celle-ci.

? L'indicateur rupture affective.

? Pour finir, l'indicateur évènement professionnel.

Il peut se décliner selon trois modes :

- l'évènement de mer brutal, le sinistre, le naufrage, dont on comprend bien la marque qu'il va laisser sur le sujet.

- le désinvestissement professionnel.

- les conditions de travail à bord associant :

- La nécessité de quitter un milieu familial terrestre et vivre l'absence.

- La conjonction et l'interpénétration d'un milieu de travail et de vie.

- L'éloignement.

- La pénibilité de la tâche (physique ou mentale incluant le peu d'attrait).

- Les contraintes spécifiques aux navires avec des nuisances telles que le bruit et les vibrations.

- La confrontation aux autres qui est constante dans un milieu clos et hiérarchisé. - La confrontation aux risques de la navigation et la nécessité de les anticiper.

Cela, c'est à quoi doit s'attendre tout marin. Ce sont les contraintes spécifiquement maritimes de la profession.

Le Dr Cuzon décrit donc trois indicateurs comme facteurs favorisants du développement d'un trouble psychiatrique : le trouble de la personnalité, la rupture affective et l'évènement professionnel.

Si la pré-existence d'un trouble de la personnalité lors de l'entrée dans la profession (difficile à dépister lors de la visite médicale d'aptitude) peut être une cause favorisante de la survenue d'un trouble du comportement à bord, il me paraît plus difficile d'évaluer la part des deux autres facteurs dans l'apparition d'un trouble du comportement chez le marin.

En ce qui concerne la rupture affective, il est difficile de dire si cette rupture intervient comme facteur favorisant ou comme conséquence du trouble psychologique. Certes, le marin est souvent absent mais au-delà de ce cliché peut-on pour autant affirmer que la vie de marin est incompatible avec la stabilité de la relation de couple ?

On peut aussi y ajouter de nouvelles contraintes apparues avec de nouvelles modalités d'exploitation des navires, avec une nouvelle organisation du travail à bord :

- Il y a l'apparition des équipages multiculturels (confrontation des différentes cultures mais aussi acceptation des conditions de travail différentes selon la nationalité),

- et la majoration du stress quand on occupe un poste à responsabilités car les exigences sécuritaires sont de plus en plus présentes.

A ce stade, il ne s'agit que d'hypothèses qui justifieraient d'être analysées et confirmées par des études à grande échelle suivant les normes habituelles pour une validité scientifique incontestable permettant de recommander des mesures de prévention.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery