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Influence du profil parental sur la santé mentale des adolescents en milieu urbain

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par Erick Irien MUKALA MAYOYO
Institut Supérieur des Techniques Médicales de Kinshasa - Licence en Santé Communautaire, Option Epidémiologie 2008
  

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CHAPITRE II: RECENSION DES ÉCRITS

Le présent chapitre se consacre à la revue de la littérature. Il vise à mettre au point des connaissances sur la question. Pour ce faire, quelques bases de données ont été interrogées : Medline, BDRSI, BDSP et autres. Les catalogues ont été consultés (tel que : CisMeF). Les descripteurs utilisés ont permis de sélectionner les périodiques, les articles et les ouvrages pertinents. Ce chapitre est subdivisé en sept sections : La section 1 s'intéresse à la définition des concepts, la section 2 parle brièvement de l'adolescence, la section 3 se consacre aux profils et comportements parentaux, la section 4 fait état de la santé mentale des adolescents en s'appesantissant sur les indicateurs retenus (résilience et estime de soi), la section 5 explique brièvement le cadre théorique de l'étude, la section 6 résume les variables à l'étude et en fin, la section 7 présente les hypothèses de travail.

2.1 Définition des concepts

- Profil du parent

Si nombre de chercheurs, notamment Van Lierde (1990) et d'autres théoriciens de l'attachement s'accordent sur le fait qu'un parent est une figure à laquelle l'enfant s'attache pour satisfaire à ses besoins primaires ; dans ce texte, le profil du parent est donc une disposition (socioéconomique...) de celui-ci à répondre de manière satisfaisante aux besoins économiques, affectifs et/ou cognitifs de l'enfant ou l'adolescent.

- Statut socioéconomique

Dans cette étude, le SSE d'un parent est l'ensemble de ses caractéristiques : son niveau d'instruction, sa profession et son revenu, lui permettant de répondre efficacement aux besoins des enfants/adolescents.

- Santé mentale

Plusieurs auteurs, notamment Canadian Mental Health Association (CMHA, 2004), OMS AFRO (2004) et Townsend (2004) ont tenté de définir ce concept ; mais, il a été retenu dans ce texte que la santé mentale est l'ensemble d'aptitudes et capacités d'une personne qui lui permettent de s'adapter de façon équilibrée aux adversités de l'environnement interne/externe et de composer de manière satisfaisante avec lui-même et avec autrui.

La santé mentale devrait être appréhendée d'après Townsend (2004) selon les dimensions : psychobiologique, psychosociologique, psycho développementale..., et les indicateurs. Ainsi, cette recherche se base sur la dimension psycho développementale étant donné que les adolescents sont encore en mutation ; En plus, elle considère ne fût-ce que deux indicateurs qui sont : l'adaptation psychologique (résilience) et l'estime de soi parmi tant d'autres tel qu'indiqué par Anaut (2005) et André (2004, 2005).

- Résilience

Malgré de nombreuses considérations définitionnelles sur ce concept (Luthar, 2006 ; Sameroff, 2006), pour cette étude, la résilience est un trait psychologique qui renvoie à la manière de réagir spécifiquement face à une situation jugée insatisfaisante ou indésirable pour maintenir son équilibre mental et/ou social.

- Estime de soi

Lorsque André (2004, 2005) considère l'estime de soi comme un miroir qui donne une image de soi, ce concept est un trait psychologique qui désigne la manière de s'apprécier ou de se considérer par rapport aux autres (surtout les pairs) devant des situations de la vie quotidienne.

2.2 Adolescence

L'adolescence est une période des changements en même temps biophysiologiques et psychologiques. Dolto a employé la métaphore du homard qui stipule que « Les homards, quand ils changent de carapace, perdent d'abord l'ancienne et restent sans défense, le temps d'en fabriquer une nouvelle. Pendant ce temps-là, ils sont très en danger... » ; Ceci, pour désigner l'adolescence qui correspond aussi à une phase des transformations physiologiques liées à l'intégration du corps sexué en relation avec la restructuration affective et intellectuelle de la personnalité. Avec cette figure de style, elle a souhaité en réalité démontrer le « drame » vécu par l'adolescent et tous les changements/répercussions que cette délicate période engendre (Enyouma et coll., 1999).

Cette adolescence que d'aucuns qualifient d'une « période qui succède à l'enfance et précède l'âge adulte » pour ainsi parler d'une période de transition, de passage entre l'enfance et l'âge adulte, a été séparée de la conception traditionnelle vers XIXème siècle dans les pays occidentaux ; pour les pays africains où la solidarité semble être mise à l'avant plan, rien n'est signalé à l'heure actuelle. Mais cette phase, caractérisée par ses deux pôles : de l'enfance et de l'âge adulte, fait toujours entrevoir l'origine des difficultés, d'ambivalence, des conflits (partout au monde) qui marquent ce que l'on appelle « crise d'adolescence » (Perrin-Escalon & Hassoun, 2004).

Cette période d'adolescence se situe entre la puberté : phénomène physiologique par lequel l'organisme humain se transforme pour accéder à la fonction de reproduction, qui débute vers 10-12 ans chez les filles et 12-14 ans chez les garçons et l'âge adulte, considéré comme la fin de la croissance physique et mentale, vers 20 #177; 2 ans, avec des différences interindividuelles liées à la génétique et aux facteurs environnementaux, est marquée par des transformations physiologiques (voir le tableau I ci-dessous) avec leurs implications psychologiques ; et, le comble pour cette étape de vie est que le psychisme du jeune homme doit tout faire pour s'adapter à la métamorphose du corps (et aux exigences sociétales), ce qui n'est pas toujours facile à faire (Enyouma et coll., 1999).

 Tableau I

Récapitulatif des transformations biophysiologiques de l'adolescent

Transformations

Garçons

Filles

Garçons et filles

Poussée de croissance staturo-pondérale

13-14 ans les épaules s'élargissent

11-12 ans le bassin s'élargit

Taille et poids augmentent de façon toujours harmonieuse

Modifications hormonales et sécrétions d'hormones caractères sexuels primaires et caractères sexuels secondaires

- Développement des testicules et de la verge

- Possibilité d'éjaculation

- Poils sur la joue

- Mue de la voix

- Développement des ovaires

- Apparition des premières règles (ménarches)

- Développement des seins

- Sécrétion d'hormones au niveau des glandes surrénales et de l'hypophyse

- Développement de pilosité sur les dessous de bras et le pubis.

Source : Enyouma et coll. (1999)

Ces modifications biophysiologiques nécessitent la protection et l'encadrement des parents ; sinon, il se développera chez l'adolescent, la dysmorphobie (peur illégitime d'avoir un développement disharmonieux et d'être déformé) et des distorsions imaginaires, fantasmatiques qui peuvent conduire à une altération de l'estime de soi si l'adaptation psychologique n'a pas réussi (Enyouma et coll., 1999).

Il relève de la recension des écrits qu'à cette phase, « l'adolescent a du mal à accepter l'image que lui renvoie le miroir : il peut se trouver trop gros ou trop maigre, trop petit ou trop grand » ce qui ne correspond pas aux modèles médiatiques... n'adhérant pas à sa nouvelle image, l'adolescent accordera alors une grande importance à sa tenue vestimentaire, parfois résolument provocante par son originalité relative, calquée sur les extravagances vestimentaires de son modèle ou de ses pairs ; ou son laisser-aller ; ou encore la maltraitance de son corps par des pratiques de tatouages ou de piercing : le marquage de se l'approprier, une manière de manifester sa différence par rapport au monde des adultes, ainsi que celle d'appartenir à tel ou tel autre groupe (Perrin-Escalon & Hassoun, 2004 ; Pommereau, 2002).

On considère l'adolescence, du point de vue évolutif, comme une saison d'attentes multiples où la vulnérabilité et la sensibilité la plus vive aux carences sont accrues ; c'est ainsi qu'elle est souvent tirée au négatif : « ce n'est plus l'enfance et ce n'est pas encore l'âge adulte » (Pommereau, 2002). Mais s'il arrivait que cet être prenne conscience de cette considération sociétale, il y a lieu de se poser la question sur ce qui peut arriver d'emblée à son psychisme comme retentissements.

Sur le plan social, l'adolescence est une situation charnière qui, d'un côté place l'enfant dans la dépendance parentale et de l'autre le tire vers l'autonomie. Cette double motivation, c'est-à-dire l'aspiration à la liberté et à l'autonomie d'une part, et le besoin de l'affection et de la protection parentales de l'autre place l'adolescent sur une position oscillatoire : l'attitude de révolte et de soumission car il veut manifester sa toute-puissance mais tout en ayant des sentiments d'impuissance (Enyouma et coll., 1999). L'adolescent qui s'émancipe peu à peu de la tutelle parentale vers le statut adulte a plus besoin de ses pairs, ses camarades qui sont désormais des nouveaux agents de la socialisation à la place des parents. La famille, in fine les parents, devront bien protéger l'adolescent dans son désengagement affectif, ont expliqué les mêmes auteurs.

Tous ces éléments font que l'adolescence soit une période à risque parce que l'enfant qui cherche à ajuster sa personnalité et son identité, qu'il va d'ailleurs gagner à travers le travail de reconnaissance de soi-même et de l'adulte ; ce qu'on peut simuler à sa propre estime, mais aussi celle qui s'exprime au travers du regard des autres se trouve délaissé, maltraité et même rejeté par ses parents qui sont préoccupés par des conflits de générations, car dans la société d'aujourd'hui, il semble que les valeurs et les repères apparaissent brouillés, la famille se transforme, le chômage menace, les cultures se côtoient sans forcément se reconnaître, les adultes dénient la vieillesse et redoutent la mort. Tout ceci est ce qui fait que l'adolescent ait du mal à trouver sa place (Perrin-Escalon & Hassoun, 2004).

En bref, sur le plan psychologique, l'adolescence se caractérise par la prise de conscience, l'adaptation du jeune aux transformations anatomiques, l'identité sexuelle, l'impulsion majeure à son potentiel énergétique, la perte des idéaux infantiles, personnels et parentaux, l'affirmation de son identité (Bizouard, 2007). Ce qui fait que le parent, quelles que soient ses conditions sociales, est tenu de sécuriser, encadrer, aider et orienter/accompagner ce jeune dans la bataille qu'il affronte ; sinon ce dernier prend la tangente vers les troubles de la personnalité, et autres.

2.3 Profil des parents : SSE et son incidence sur la santé mentale

Quand arrive le moment de parler des questions de l'avoir dans le continent africain et particulièrement en RDC, on se voit honnêtement contraint de parler de la pauvreté puisque la vision de la noblesse est encore fugitive pour la plupart des personnes.

La pauvreté qui, d'après Leblanc (2007), n'a encore aucune définition acceptée à l'échelon mondial, se mesure à l'aide de quelques indicateurs : le taux de chômage, le produit intérieur brut (PIB), les prix de consommation, le commerce international et autres. Selon la même source, la situation économique est effectivement une réalité fluctuante dans le temps et dans l'espace, c'est ce qui contribue à la difficulté d'en élaborer une définition précise et un indice de mesure fiable qui puissent réellement tenir compte de la réalité des gens visés.

Devant des obstacles qui s'opposent à l'élaboration d'une définition ou d'un indice de mesure de la pauvreté, deux approches peuvent être envisagées pour la mesurer ; les mesures relatives de la pauvreté qui considèrent un pauvre comme celui dont les revenus s'éloignent trop des autres individus de la population ; la mesure absolue quant à elle, juge comme pauvre, celui qui n'a pas de moyens d'acheter un panier des biens particuliers ou de débourser pour les services jugés primaires ou essentiels. Dans une même perspective, d'après la banque mondiale, « une personne se trouve dans un état de pauvreté absolue lorsqu'elle ne dispose pas de moyens de subsistance nécessaires à l'achat d'un panier alimentaire de 2,15 dollars par jour » et, en revanche, « une personne se trouve dans un état de pauvreté relative lorsqu'elle ne dispose pas des ressources économiques suffisantes pour bénéficier d'un niveau de vie acceptable dans la société dans laquelle elle vit, soit moins de 60% de la médiane du pays » (OMS, 2002 ; Statistique canada, 1997).

Les deux approches édictées au Canada ne semblent pas être à l'abri de l'arbitraire parce qu'il est tout à fait mal aisé de distinguer le nécessaire du secondaire, indique Statistique canada (1997).

Malgré l'absence de la définition convenue de la pauvreté et, malgré l'absence d'un consensus social sur ce sujet, à Statistique canada, un outil a été mis au point. Il s'agit de l'indice du seuil de faible revenu (SFR) qui s'intéresse aux dépenses en famille, servant à distinguer les unités familiales à revenu supérieur et moyen des autres unités familiales qui sont à faible revenu ; tout en soulignant que : « une unité familiale est considérée à faible revenu lorsque son revenu est inférieur à la valeur du seuil, correspondant à sa taille d'une cellule familiale et de sa taille de région de résidence » (Statistique canada, 1997).

Au Canada, on évalue les pauvres sur base de quatre critères : mesure du panier de consommation (13,1%), seuil de faible revenu avant impôt (10,9%), seuil de faible revenu après impôt (14,7%) et mesure des besoins essentiels (8,0%), a souligné Leblanc (2007). Par ailleurs, en RDC, la culture des impôts est quasi-absente ; ce qui fait que la mesure portera sur deux critères, à savoir : la mesure du panier de consommation (MPC) et la mesure de satisfaction des besoins essentiels (MBE).

Le sommet du millénaire organisé en septembre 2000 par l'initiative de l'ancien secrétaire de l'Organisation des Nations Unies (ONU), Monsieur Kofi Annan, a abouti à l'adoption des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) par 189 pays dont la RDC. Le but de ces OMD étant d'atteindre le niveau de développement acceptable à l'échelle internationale et d'éradiquer la pauvreté à l'horizon 2015. Le premier objectif vise à « réduire l'extrême pauvreté et la faim ». Selon les décideurs réunis, il existe encore une proportion élevée de la population qui dispose de moins de un dollar par jour, l'indice de l'écart de pauvreté est inquiétant pour les pauvres, beaucoup d'enfants souffrent de l'insuffisance pondérale, la proportion de la population n'atteignant pas le niveau minimal de l'apport calorique (2300 calories/personne/jour) est encore élevée (ONU, 2005).

Il faut réduire la pauvreté. Or, les progrès vers la réalisation des OMD sont toujours mitigés ; car, il se remarque des revers quant à ces objectifs. Au lieu que les cibles en progression soient stoppées et inversées, on observe toujours la croissance exponentielle. Tel est le cas de VIH/Sida qui affecte aujourd'hui plus de 40 millions de personnes dans le monde (OMS, 2006).

Selon quelques chercheurs, notamment Malele (2007), près de 43% du PIB congolais est affilié au secteur agricole qui repose d'ailleurs en grande partie sur la femme. Les auteurs pensent que la pauvreté en RDC est chronique. La pauvreté chronique (ou structurelle) étant décrite comme une situation d'un ménage ou d'un individu qui, une fois tombé dans la pauvreté, tend à y demeurer pour une longue période de temps. L'observation suggère que depuis plus de trente ans, les ménages congolais vivent, d'une génération à l'autre, dans une situation de pauvreté dite structurelle.

Les constats inquiètent au jour le jour. Les villages et beaucoup de quartiers urbains ressemblent à des camps de réfugiés : habitations rudimentaires, absence d'eau potable et d'éclairage, accès difficiles aux soins selon le droit à la santé, quantité et qualité de l'alimentation insuffisantes et irrégulières (c'est le phénomène de délestage nutritionnel), habillement inadéquat, exclusion et marginalisation, ajoutés à la liste l'accès difficile aux établissements d'enseignement puis les abandons scolaires (Malele, 2007).

Les populations victimes de la pauvreté chronique ne peuvent s'en sortir au moyen des stratégies macroéconomiques classiques ; les ménages n'ayant qu'un niveau très limité de pouvoir d'achat et de transactions monétaires. L'amélioration des conditions de tels ménages passe par la construction d'un minimum d'actifs réels dont dépend la survie quotidienne (DSRP/RDC, 2005).

Les grandes décisions sont prises pour éradiquer ou sinon réduire l'extrême pauvreté ; mais ce sont toujours des décisions documentaires. Il existe encore un fossé entre l'intention et l'action. Mais alors, au fond, un impératif moral se pose, tel que l'ont fait les dirigeants des pays du G8 en 2000, à Okinawa, à travers une question ; Quel sera l'avenir de la génération de l'espoir projeté à l'horizon 2030 si l'on continue à croupir dans la pauvreté ? (OMS, 2006).

La pauvreté et la santé forment un cercle vicieux étant donné que la pauvreté est en même temps un déterminant de taille et une conséquence potentielle de la morbidité. Même si on la définit en fonction du niveau de revenu, du statut socioéconomique, du niveau d'instruction ou d'éducation ou encore des conditions de vie, la pauvreté est un important facteur qui détermine les problèmes sanitaires (OMS, 2002).

La pauvreté engendre une baisse de l'espérance de vie, elle favorise l'augmentation de la mortalité infanto-juvénile, elle entraîne la détérioration de l'hygiène de la reproduction, un risque des maladies infectieuses (tels que la tuberculose et le VIH/Sida), l'augmentation de la consommation des substances psycho-actives (tels que le cannabis, le tabac, l'alcool, les stupéfiants...) ; elle entraîne l'augmentation des maladies non transmissibles et le recrudescence des problèmes de santé mentale (tels que le suicide, les comportements antisociaux et de violence, les maladies mentales...) ; en dernière analyse, la pauvreté expose l'humain à des risques environnementaux (OMS, 2002, 2006).

Les effets produits par la pauvreté sont nombreux et multiformes. Les enfants en sont des victimes soit directes soit indirectes. Dans une méta-analyse de Doumont et Libion (2003) qui ont pris en compte les résultats de la recherche de Miller, il est souligné qu'il existe un lien entre les comportements que les parents peuvent adopter dans certaines circonstances (telle que la situation socioéconomique sordide) et les comportements de santé des adolescents.

Vitaro et Caron (2000 ; dans Leblanc, 2007) ont d'ailleurs mentionné que la pauvreté est reconnue depuis de nombreuses années comme le facteur macrosocial et le plus important qui permet de prédire les problèmes de santé mentale et d'adaptation quoique cette pauvreté soit associée à d'autres facteurs d'exposition et que ses effets soient indirects. C'est pour cela que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en son article 12.1 stipule que toute personne a le droit d'avoir des capacités à atteindre et de jouir du meilleur état de santé physique et mental (Groupe des huit, 2000). OMS (2006) souligne que la pauvreté prédispose l'être humain à la maladie. Quant à la santé mentale, la discrimination, l'exclusion et la marginalisation sociales... liées à la condition sociale et économique affectent lourdement le système d'équilibre psychologique des enfants, des adolescents aussi bien que des adultes (WFMH, 2002).

2.4 Santé mentale des adolescents

Il s'avère important de rappeler que la santé mentale est un concept multidimensionnel et immatériel. Ce travail se propose de l'aborder dans une perspective psycho développementale puisqu'il est question des sujets en mutation que sont des adolescents. Qui plus est, le champ d'action reste immense pour une dimension psycho développementale dont il est question dans cette étude ; d'où la nécessité de retenir quelques indicateurs. La résilience et l'estime de soi sont des indicateurs retenus dans ce texte ; leur choix a été dicté par la raison purement pragmatique : nombre des adolescents sont quotidiennement exposés aux adversités au sein de leurs familles ; de ce fait, ils doivent constamment recourir à leurs stratégies d'adaptation psychologique (coping) afin de maintenir leur équilibre psychosomatique et leur estime de soi.

2.4.1 Résilience

Nombre des écrits recensés indiquent que l'adaptation psychologique est soit un développement normal nonobstant les conditions difficiles de vie ; soit une capacité à surmonter les adversités de la société tout en restant en équilibre, soit une adaptation exceptionnelle malgré l'exposition à des stresseurs significatifs, soit un processus dynamique dans lequel une personne interagit avec son environnement pour produire une évolution donnée en dépit des situations adverses (Anaut, 2005 ; Lecomte, 2005 ; Sameroff, 2006).

Malgré toutes ces considérations, Anaut (2003, 2005) souhaite que ce concept soit défini selon les domaines. A titre d'exemple, en psychologie (et santé mentale), la résilience se révèle au regard des situations stressantes c'est-à-dire des stress importants et/ou cumulés, face à des événements traumatisants ou des contextes à valeur traumatique. C'est ainsi que la résilience est ici considérée comme étant un processus dynamique qui implique l'adaptation positive dans un cadre d'une adversité significative.

Plusieurs recherches, notamment celles de Luthar (2006) et Sameroff (2006) ont posé des questions pertinentes : La résilience est-elle innée ou acquise ? Et si elle est acquise, est-elle propre à l'individu ou elle dépend des contextes ? Et bien d'autres questions. Par ailleurs, le processus de résilience est un phénomène tout à fait complexe ; il implique l'interaction des facteurs personnels (psychoaffectifs et caractéristiques internes de sujets tels que la personnalité, les processus défensifs...) et sociaux (relation d'attachement, environnement immédiat/médiat...). La résilience concerne aussi bien l'individu, le groupe familial et/ou la communauté sociale. C'est ainsi que Manciaux et ses collaborateurs ont indiqué que la résilience peut-être considérée comme « capacité d'une personne ou d'un groupe à se développer bien, à continuer à se projeter dans l'avenir en dépit d'événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes sévères » (Anaut, 2005).

Du point de vue individuel, la résilience serait liée à la génétique parce qu'elle dépend du type de personnalité : compétences cognitives, comportementales, défenses du Moi, et autres. En revanche, du point de vue social, elle est liée au mode et au cadre de vie. Plusieurs concepts y sont associés, permettant une bonne appréhension de ce concept ; ce sont entre autres : les compétences sociales, le stress et coping, les facteurs de risque et de protection, la vulnérabilité, les événements traumatisants, l'attachement, l'estime de soi et bien d'autres. Raison pour laquelle les théoriciens de la résilience s'accordent sur le fait que ce concept a connu l'influence de la théorie de l'attachement de Bowlby (1960 - 70), de la théorie de stress et coping de Lazarus et Folkman (Anaut, 2002, 2003, 2005).

Les sujets qui ont une bonne résilience surmontent favorablement les situations difficiles de la vie. Ces « tuteurs de résilience » manifestent des attitudes presque semblables ; la liste non exhaustive comprend les caractéristiques suivantes : ces gens manifestent de l'empathie et de l'affection, ils ne se découragent pas face aux échecs apparents, ils laissent à l'autre la liberté de parler ou de se taire, ils s'intéressent le plus souvent aux côtés positifs de l'autre, ils respectent le parcours de la résilience d'autrui, ils facilitent l'estime de soi d'autrui, et autres (Lecomte, 2005).

L'auteur précité indique que « les résilients ne sont pas des héros solitaires, dignes d'admiration pour avoir surmonté les pires difficultés... ce sont des femmes et des hommes ordinaires, mais qui ont su saisir les mains disponibles qui se sont présentées à eux ». Pour les enfants et adolescents blessés, les éléments qui permettent de devenir résilients présentent trois facettes principales, à savoir : « se sentir aimé, se développer dans un environnement structurant, découvrir que la vie a du sens ». La recherche de Lecomte (2005) conduite auprès des personnes maltraitées et devenues parents ainsi qu'aux biographies des personnes résilientes a abouti à l'élaboration d'un modèle simple de la résilience de l'enfant et du jeune qu'il a intitulé : « le triangle fondateur de la résilience ». Selon ce modèle, c'est lorsqu'un adulte manifeste de la sensibilité envers l'enfant (Lien) et qu'il impose des règles (Loi) que ce dernier trouve de la signification et de l'orientation pour son existence (Sens).

Anaut (2003, 2004, 2005) stipule que la résilience est un processus multifactoriel qui est issu de l'interaction entre l'individu et son environnement. Les facteurs de la résilience sont soit individuels : habiletés de résolution de problèmes, autonomie, compétences sociales, altruisme, empathie, sociabilité, popularité, capacité de distanciation face à un environnement perturbé, perception d'une relation positive avec un adulte..., soit familiaux (dans la structure et/ou dans la dynamique familiales).

Selon la même source, dans la structure de la famille, les facteurs de résilience sont : âge des parents, nombre d'enfants (< 5 enfants), espace entre les naissances, espace physique suffisant, spiritualité, idéologie, discipline éducative..., dans la dynamique familiale, les facteurs sont : qualité de communication, interactions chaleureuses et positives, support et affection. Ils peuvent enfin être sociaux et/ou communautaires tels que : les pairs, la communauté sociale (école, quartier...), la communauté religieuse ou idéologique, la société et culture, la solidarité, les attentes élevées, l'implication active, les valeurs d'entraide et de tolérance sociales, la diversité des supports et des sources sociales et bien d'autres.

Luthar (2006), Masten (2007), Sameroff (2006) et Yates (2006) indiquent que les enfants (et les adolescents) sont confrontés à de nombreux risques dans de multiples contextes sociaux. Il s'avère donc nécessaire d'étudier la résilience en épidémiologie en vue d'une prise des décisions appropriées dans le domaine socio sanitaire.

Dans le monde actuel, plusieurs enfants font face à des facteurs d'exposition importants ; en plus, nombre d'entre eux connaissent un bon développement socio-affectif. Ceci fait que les décideurs politiques et les prestataires de services se doivent de comprendre la pesanteur des facteurs de risque sur l'éclosion des maladies mentales en vue de les prévenir au lieu d'attendre pour traiter les troubles déjà cristallisés (Luthar, 2006). Dans la mesure où ces facteurs d'exposition qui sont susceptibles d'altérer la résilience des enfants ont été confirmés dans une perspective épidémiologique, les actions préventives en psychiatrie et santé mentale deviennent très efficaces, car étant basées sur les résultats de recherche.

2.4.2 Estime de soi

Ce concept désigne généralement le rapport intime à soi, un jugement secret sur soi-même et parfois qui se déroule inconsciemment chez une personne (André, 2004). Les écrits recensés indiquent que les personnes à basse estime de soi sont généralement les enfants et les adolescents du fait que c'est à ces stades de vie que se construit la personnalité. L'estime de soi est aujourd'hui devenue une aspiration légitime aux yeux de tous, d'autant plus qu'elle est considérée comme une nécessité pour survivre dans une société qui est de plus en plus compétitive et bourrée d'adversités. Certains chercheurs soulignent que « le manque d'estime de soi joue un rôle central dans les difficultés individuelles et sociales qui affectent notre état et notre nation » (André, 2005).

Le chercheur susmentionné stipule que l'estime de soi est une donnée fondamentale de la personnalité, elle est surtout placée au carrefour de trois composantes essentielles du soi : la composante cognitive, la composante émotionnelle et la composante comportementale ; on l'évalue en tenant compte des paramètres sociaux sur une approche soit familiale, sociale ou générale.

André et Lelord (1999) mentionnent que l'estime de soi ne peut être conçue en dehors du groupe social dans lequel on évolue, c'est ainsi que certains auteurs la considèrent comme le reflet du sentiment de popularité et d'approbation par autrui. Pour les enfants et les adolescents, avoir une bonne estime de soi est avant tout le fait d'être ou de se sentir aimé plutôt que d'être ou de se croire dominant, indiquent les chercheurs. Chez les enfants et les adolescents, l'estime de soi semble recouvrir au moins cinq dimensions, à savoir : le physique, la réussite ou le rendement scolaire, les compétences athlétiques, la conformité comportementale (par rapport aux adultes) et la popularité c'est-à-dire le fait d'être aimé et apprécié.

Des statistiques révèlent que, pour les gens qui vivent dans des conditions sociales favorisées, la plupart d'entre eux présentent une bonne estime de soi ; tels que 90% des hommes d'affaires s'estiment supérieurs aux hommes d'affaires moyens, 90% des professeurs de lycée s'estiment supérieurs à leurs collègues, 70% des élèves de grandes écoles pensent avoir des capacités au-dessus de la moyenne (André, 2005). Les recensions des écrits indiquent que seul 10% des adolescents de milieux favorisés versus 30% des adolescents de milieux défavorisés soit le triple de la première catégorie, sont plus préoccupés par des problèmes de mésestime de soi qui est à son tour en étroite liaison avec l'adaptation psychologique.

Lorsque les facteurs environnementaux surmontent la capacité de l'affirmation de soi, de la confiance en soi et de l'estime de soi entraînant des doutes sur soi, il s'installe aussi trois types de difficultés : i) le déficit de l'affirmation de soi, qui se manifeste par des comportements sociaux observables, ii) le manque de confiance en soi, qui se remarque par des difficultés dans la prise des décisions quotidiennes et iii) la mésestime de soi (mauvaise estime de soi) qui consiste à ne pas s'apprécier ni s'aimer par rapport aux autres. Cette dernière (mésestime) se manifeste par : une connaissance de soi médiocre et biaisée, une tendance à l'autocritique féroce, une faible résilience, une grande dépendance, une dictature du doute, une tendance à la procrastination (qui consiste à tout remettre au lendemain) et une propension au défaitisme et aux renoncements (André, 2004).

Certains facteurs contribuent à l'amélioration de l'estime se soi chez les enfants et les adolescents, on cite généralement : la famille, l'entourage et les soignants. Ces groupes de gens, surtout la famille, jouent un rôle capital, en provoquant un déclic et en accompagnant de manière bienveillante et soutenante, les efforts déployés par l'enfant ou l'adolescent pour son changement ; en l'aidant : à faire taire le critique intérieur (la petite voix qui répète incessamment des paroles décourageantes), à écouter les critiques des autres plus attentivement que les siennes propres, à augmenter sa tolérance à l'échec et à être son meilleur ami ainsi qu'à ne plus confondre valeur et performance. Tout ceci, ne se réalise que si la famille est avant tout en mesure de répondre aux besoins matériels et relationnels de l'enfant (André, 2004 ; Fanget, 2003).

Selon ces chercheurs, les auteurs qui ont travaillé sur l'acquisition de l'estime de soi ont souligné l'importance, pour le bon développement de cette dernière, de l'expression par les parents d'un amour inconditionnel, quels que soient leurs conditions sociales et statut matrimonial, à leurs enfants, indépendamment des performances de ces derniers ; car, la sensibilité à l'échec, très liée au niveau de l'estime de soi de l'enfant, est fortement modulée par des facteurs relationnels au sein de la famille.

Selon André (2005), l'estime de soi joue plusieurs rôles chez l'enfant tout comme chez l'adulte ; elle favorise la capacité à s'engager efficacement dans l'action, elle augmente les phénomènes cognitifs d'auto-évaluation, elle favorise le bien-être émotionnel... En d'autres termes, explique l'auteur, « une bonne estime de soi facilite l'engagement dans l'action, est associée à une auto-évaluation et permet une stabilité émotionnelle plus grande ».

Anaut (2005) a montré qu'il existe une corrélation réciproque entre l'estime de soi d'un enfant et l'adoption des stratégies adaptatives efficaces ; elle mentionne en outre que, l'enfant qui a une bonne estime de soi recourt à ses parents (ou à ses aînés) devant des adversités, à la recherche du soutien social (tel que le fait de demander conseils et réconfort), il peut remettre en question le problème ou se réconforter face à la réalité. Raison pour laquelle les deux variables sont retenues dans cette étude.

Les sujets à faible estime de soi présentent beaucoup de difficultés psychologiques (anxiété, dépression, alcoolisme, psychopathies diverses...) et sont exposés à développer des troubles de comportement graves (maladies mentales). L'estime de soi qu'on compare au « véritable système immunitaire du psychisme », protège contre les adversités au même titre que l'immunité biologique le fait pour les agressions microbiennes et virales (André, 2005). D'où la nécessité d'étudier les facteurs qui l'affectent en épidémiologie.

2.5 Cadre théorique de l'étude

Il a été question dans les pages précédentes, de recenser les écrits de différents chercheurs sur les profils et les comportements parentaux ainsi que sur la santé mentale des adolescents. Cette section s'attèle spécifiquement sur le cadre théorique appliqué à la présente étude. Ce cadre est composé de deux théories : la théorie de l'attachement et celle de stress et coping.

2.5.1 Théorie de l'attachement

La recherche sur l'attachement commence avec Bowlby. La théorie prend en compte la versatilité et la stabilité des traits de la personnalité, l'attachement lui-même, les comportements qui visent à maintenir cet attachement, le modèle interne opérant, les comportements des soins maternels et la sensibilité maternelle, le phénomène de la conscience réflexive et l'adaptabilité de l'être humain à son environnement. Dans cette étude, il est question d'examiner le concept central de la théorie qu'est l'attachement.

a. Versatilité et stabilité des traits caractéristiques de l'homme

L'attachement est un phénomène inné. Il a été étudié pour toute la première fois chez les animaux supérieurs. Ce phénomène est alors assimilé rapidement aux fonctions cérébrales. Le cerveau devant subir des différenciations au cours de la vie. Les structures encéphaliques du nouveau-né ne sont pas vraiment développées à la naissance, elles se développent donc plus rapidement depuis la prima enfance ; entre temps, l'enfant reste fortement dépendant de sa mère tel qu'il l'a été au cours de sa vie intra utérine. Le un quart du développement cérébral humain s'effectue avant la naissance et le trois quart de la différenciation devant s'effectuer en relation directe avec le milieu environnant (Leblanc, 2007).

D'après Bowlby, lors de ce développement, il se remarque une flexibilité ; mais, celle-ci se paie. Les systèmes comportementaux, chez les vertébrés supérieurs dont les hommes, sont marqués par une forte versatilité face à l'environnement. La labilité ou sensibilité est liée à la génétique, elle est remarquablement observée lors de la prima enfance et régresse avec le temps. Ce qui fait que la personnalité de l'individu qui est liée à la génétique est davantage influencée par l'environnement d'abord immédiat (familial) puis médiat c'est-à-dire social (Bowlby, 1973). L'on remarque que la sensibilité de l'organisme de l'homme à l'égard de l'environnement dans lequel il évolue en bas âge et la flexibilité de ses comportements en présence permettent à l'individu de s'adapter de manière équilibrée (Leblanc, 2007).

D'après cet auteur, cela est possible si seulement la personne arrivait à se comporter de façon correcte dans un environnement familial et social. Cependant, ce qu'il faut savoir est que cette sensibilité ne garantit pas l'adaptabilité. C'est seulement, une fois que seront développés les traits de la personnalité que l'autorégulation pourrait définir une orientation du développement quelconque. Cette orientation est donc le fruit de l'interaction individu - environnement ; cela implique que si l'environnement exerce des fortes pressions sur l'individu, celui-ci peut voir son développement être dévié surtout si ce sujet est jeune (enfant ou adolescent).

b. Attachement

Les comportements d'attachement sont considérés comme une classe distincte des comportements ayant trait à la sexualité et à la nourriture (Bowlby, 1988 ; dans Leblanc, 2007). Un comportement d'attachement est défini comme étant toute une forme de comportement qu'une personne acquiert et maintient, décrivant sa proximité avec une autre personne ; cette dernière qu'il différencie et préfère individuellement, et qu'il conçoit comme étant habituellement plus forte et plus sage ; en d'autres termes, qu'il considère comme figure (Leblanc, 2007).

Pour Bowlby, c'est la mère qui est surtout une figure d'attachement ; mais, il ajoute que toute personne chargée de fournir des soins à l'enfant et à laquelle ce dernier s'attache constitue aussi une figure de l'attachement. Le rôle de cette figure est pour l'enfant, avant tout, la protection ou la sécurité, essentiellement contre les prédateurs et d'autres stresseurs (Leblanc, 2007).

L'évolution de la science a permis aux psychologues et pédopsychiatres de dire que le petit individu (foetus) s'attache à sa mère et à son père depuis sa vie intra utérine. L'affection entre conjoints est perçue par le futur bébé depuis le sein de sa maman et il est ensuite capable de reconnaître la voix, l'odeur, le toucher... de son père dès sa naissance (Enyouma et coll., 1999 ; Grossmann & Grossmann, 2008). Cela veut dire que parler de l'attachement ne devrait pas seulement faire appel à la mère mais aussi au père.

« La peur d'être séparé d'une figure d'attachement est une réaction instinctive à l'indice d'un risque accru de danger. Un être jeune aperçoit un tel risque dans le fait d'être seul. La peur et l'attachement remplissent la même fonction de protection. Toute défection possible de la figure d'attachement fait naître l'angoisse intense chez l'individu attaché. Cette peur est une réaction d'adaptation fondamentale puisqu'elle contribue à la survie de l'espèce » (Leblanc, 2007).

La peur ne s'apprend pas, elle est liée à la génétique. Ce qui fait qu'une fois séparé de la figure d'attachement, l'enfant se sent automatiquement en insécurité. Donc, la peur et l'attachement sont liés au fonctionnement du système nerveux central; ce dernier les régule au même titre que d'autres paramètres biologiques: température, respiration, tension artérielle (Leblanc, 2007 ; Grossmann & Grossmann, 2008 ; Hennigausen & Lyons-Ruth, 2008).

Lorsque l'enfant se sent attaché, il a la joie et se sent en sécurité. Mais, lorsqu'il y a rupture ou fragilisation de cette relation, c'est l'anxiété (sentiment d'insécurité imminent) et le chagrin qui se déclenchent. Comme tous les paramètres biologiques se développent en interaction avec l'environnement, l'attachement se développe aussi en interaction entre l'inné et l'acquis (Bowlby, 1996 ; dans Grossmann & Grossmann, 2008).

c. Comportements d'attachement

«Les schèmes comportementaux de l'enfant qui contribuent à l'attachement et qui visent le maintien de la proximité avec la mère sont la succion, l'agrippement, la poursuite visuelle et auditive, les pleurs, le sourire et le babil» (Leblanc, 2007); il convient de joindre à cela les incitations tactiles et olfactives.

Ce genre des comportements est de type réflexe dans trois premiers trimestres de la vie extra utérine de l'enfant et dont la réponse satisfaisante ou déprimante dépend de son environnement immédiat. Signalons que ces comportements juvéniles sont suscités par la fatigue, la douleur, le froid, la mauvaise santé, l'absence maternelle et autres; à la quête d'aide, stipule Leblanc (2007). Au fil des ans, lorsque l'enfant prend petit-à-petit conscience de la figure maternelle, déjà à partir du quatrième mois post natal, d'après certains chercheurs, il commence à ne s'attacher qu'à celle-ci en rejetant les figures étrangères. Il faut attendre trois ans après la naissance pour voir ces attitudes diminuer de moins en moins afin de disparaître complètement.

d. Modèle interne opérant

Au fur et à mesure que l'enfant se développe, le système nerveux central (SNC) se différencie et devient plus sophistiqué. Il produit des jugements adéquats car l'archéocortex laisse place au néocortex; les comportements primitifs deviennent alors modelés (Townsend, 2004). L'enfant qui n'avait besoin que de sa mère pour sa sécurité a maintenant besoin de toute figure qui peut assumer ce rôle; ou alors, ce jeune élabore des stratégies qui lui permettent de survivre au moment où cette figure est absente. Toutes ces opérations sont liées aux modèles internes opérants qui se construisent chez l'enfant. «Le concept de modèle interne opérant renvoie à des modèles d'interactions intériorisés durant la petite enfance et qui agissent sur le comportement en traitant les informations liées à l'attachement... Les modèles internes opérants sont les représentations mentales du monde, des autres, de soi et des relations avec les autres. Ils guident le comportement, de même que les sentiments, l'attention, la mémoire et les cognitions» (Leblanc, 2007).

Ces modèles, au fur et à mesure que l'enfant grandit, s'internalisent et constituent les habitudes de l'enfant. Mais, ils dépendent de la manière dont l'enfant a été et continue d'être traité par ses parents. C'est ainsi que, d'après Leblanc, l'attachement qui dépendait de la qualité de la relation avec la mère (et le père) au cours de trois premières années de vie deviendra de plus en plus une qualité propre à l'individu à partir du moment où ce dernier acquiert son autonomie biopsychosociale.

e. Sensibilité maternelle/paternelle

La mère, y compris le père, contrairement au système comportemental de l'attachement de l'enfant, disposent d'un système comportemental de soins. Les comportements de soins maternels sont divers: prendre l'enfant, le toucher, le bercer, lui sourire, lui donner les soins habituels, jouer avec lui, entrer dans sa pièce où il se trouve... (Ainsworth et coll., 1979 ; dans Leblanc, 2007 ; Grossmann & Grossmann, 2008).

Cependant, un fait se constate, une fonction qui a été jadis maternelle est aujourd'hui l'apanage de tous les deux parents. D'où les termes de paternité et maternité. D'après une même source, ces comportements sont produits pour répondre à la détresse infantile afin de placer l'enfant en sécurité. C'est ainsi que Bowlby (1969) décrit la sensibilité maternelle comme capacité qu'a la mère de reconnaître les signaux de son enfant et sa capacité de donner la réponse rapide et appropriée à ses demandes. Cette sensibilité se transmettrait d'ailleurs dans 75% environ, d'après les disciples de Bowlby.

f. Types d'attachement

La manière dont la mère/le père répond à l'enfant en cas de nécessité joue un rôle important dans le développement des schèmes d'attachement. Dans la mesure où l'enfant constate que sa figure d'attachement répond favorablement à ses besoins (demandes) d'attachement, il déploie des stratégies primaires qui sont sous-tendues par son système comportemental d'attachement. Dans ce cas, l'enfant se sent en sécurité car il acquiert la confiance en sa figure d'attachement qui est d'ailleurs disponible (Leblanc, 2007).

Pour ce chercheur, on dira d'un attachement qu'il est sécure lorsqu'il correspond à l'attachement de type B. Toutefois, lorsque l'enfant s'apercevra que ses stratégies sont sans effet, il deviendra craintif d'avoir recours à sa figure d'attachement et cette situation pourra lui procurer de l'anxiété. Dans ce cas, l'attachement est insécure.

Si l'enfant emploie des stratégies pour inhiber son attachement, il est appelé un enfant anxieux-évitant ou l'enfant de type A. Dans la mesure où ces stratégies permettent d'hyperactiver cet attachement, il est anxieux-ambivalent ou un enfant de type C. S'il arrive que, malgré les efforts déployés par le parent pour activer le système d'attachement de l'enfant, ce dernier n'obéit pas à cette incitation, on parle d'un enfant dont l'attachement est désorganisé/désorienté ou un enfant de type D, a indiqué la même source.

D'après certains auteurs, dans la population générale, la proportion du type d'attachement sécure (B) serait de 52%, celle de l'attachement anxieux-évitant (A) serait de 17%, celle de l'attachement anxieux-ambivalent (C) serait de 11%, et enfin, celle de l'attachement désorganisé/désorienté (D) serait de 20%. Le parent de l'enfant anxieux-évitant (A) présente souvent des restrictions émotives ; dans la relation sécurisante (B), l'enfant qui obtient de la part de sa figure la réponse, celle-ci met l'enfant en confiance et en sécurité ; dans la relation ou l'attachement de type C, la figure se doit de développer beaucoup plus de stratégies de soins qui consistent à garder l'enfant plus près d'elle ; l'enfant de type désorganisé/désorienté (D) perçoit sa figure comme étant impuissante, menaçante et hors de contrôle (Leblanc, 2007).

g. Conscience réflexive

La conscience réflexive est la capacité de l'être humain à comprendre les états mentaux d'autrui : intentions, pensées, désirs, émotions et croyances pour donner du sens aux comportements afin de pouvoir les anticiper (Leblanc, 2007). Cet auteur stipule que la relation sécurisante avec la figure d'attachement est à même de promouvoir le développement de la conscience réflexive de l'enfant.

Ce concept est intégré dans le modèle de l'attachement en ce qu'il permet à l'enfant, autour de dix-huit mois de la vie extra utérine, de commencer à comprendre et interpréter les intentions... de sa figure d'attachement qui sont différentes des siennes. Ce que Leblanc qualifie de l' « effet miroir ».

La conscience réflexive permet de prendre en compte les états mentaux de soi et des autres, ce qui aurait un effet protecteur ; si cette conscience est fragile, elle rend l'humain vulnérable aux traumatismes ultérieurs et aux stresseurs. « En réaction à une relation insécurisante, les enfants anxieux-évitants (A) auraient tendance à sur-contrôler leurs émotions, alors que les enfants anxieux-ambivalents (C) auraient tendance à les sous-contrôler ». Quant aux enfants dont l'attachement est de type désorganisé/désorienté (D), lorsqu'ils prennent en compte les états mentaux de leurs parents, cela est pour ces enfants soit terrifiant, soit anéantissant. En plus, partager leurs états mentaux avec leurs parents, plutôt qu'être une source d'enrichissement, peut être dangereux pour ces enfants (Leblanc, 2007).

h. Adaptabilité de l'individu

D'après la théorie de l'attachement dans le système familial, « la personnalité serait le produit des interactions entre l'individu et des personnages clés, notamment ses figures d'attachement, au cours de ses premières années de l'enfance ». L'enfant qui a tiré profit de cette sécurité et confiance aborde lui aussi le monde avec toute confiance ; en suite, en présence des situations potentiellement alarmantes, cet enfant aura à faire facilement face à ces situations ou encore à demander de l'aide pour surmonter celles-ci, a indiqué Leblanc (2007).

L'adaptabilité est alors la capacité pour l'individu de fonctionner de manière efficace, tant sur le plan du travail que dans ses plans relations inter humaines. Ceci implique que les personnes qui ont une bonne adaptabilité font preuve d'un équilibre harmonieux, d'initiative, de confiance en soi, de l'estime de soi et de capacité à recourir à une aide en cas de nécessité. D'après Bowlby, « certaines valeurs et pratiques psychosociales d'une famille qui peuvent entraîner chez l'enfant une faible santé mentale sont les mêmes que celles qui risquent de le conduire à un échec sur le plan scolaire et social et éventuellement financier » (Leblanc, 2007).

Ainsi donc, selon la même source, la résilience (stratégies d'ajustement psychologique) et/ou la vulnérabilité de l'humain aux événements stressants seraient alors déterminées en grande partie par des modèles d'attachement qu'il a développés durant la prima enfance ; et, la sécurité puis la conscience réflexive sont des éléments qui protègent l'enfant lorsqu'il doit faire face aux stresseurs ultérieurs.

i. Autres déterminants dans la qualité de l'attachement

Ce sont : les différences individuelles (tempérament), la sensibilité maternelle/paternelle c'est-à-dire le type de parentage ainsi que l'écologie (Leblanc, 2007).

j. Parcours d'un individu

Il paraît de fois difficile de prédire la stabilité de l'attachement sur le cours de la vie de l'individu. Quelques études ont mentionné que l'attachement serait stable dans 84% environ de cas autour de six premières années de vie et peut subir les influences environnementales dans au moins 16% ; ces fluctuations proviennent des interactions et transactions enfant-environnement social (Leblanc, 2007).

Au fil de l'âge, l'enfant rencontre des événements qui contribuent au maintien de sa qualité d'attachement, d'autres qui favorisent la déviation de son attachement. Les facteurs sont : les changements du niveau conjugal ou professionnel chez les parents ; la naissance d'un autre enfant ; l'influence des autres individus sur le modèle interne opérant de l'enfant (comme les gardiens, les enseignants, des membres de famille ou des amis) ; la qualité de la relation parent-enfant ou parent-adolescent ; la combinaison des expériences précoces, subséquentes et contextuelles ; certains facteurs de risque tels : perte de la mère, départ ou démission du père ; certains facteurs protecteurs dont le support d'un bon enseignant, la psychothérapie (Leblanc, 2007).

- Incidence de la défavorisation (pauvreté) sur la qualité de l'attachement parent-adolescent

Une méta-analyse a révélé une surreprésentation de l'attachement insécurisant A et C dans les échantillons de dyades mère-enfant de faible SSE. Dans une autre méta-analyse basée sur les échantillons de faible SSE, une proportion atteignant 25% pour les enfants désorganisés/désorientés (D) a été relevée, cette proportion a été significativement plus élevée que celle des échantillons de milieux socioéconomiques moyens, soit 15% (Van Ijzendoorn & Kroonernberg, 1988 ; dans Leblanc, 2007).

L'étude de Leblanc stipule que les conditions de vie défavorisées ont un impact négatif sur l'interaction parent-enfant surtout sur la qualité de l'attachement. Et pourtant, Bernier et Dozier (2003) qui ont mené des recherches portant sur les relations entre le statut socioéconomique et l'attachement ont souligné que ces liens sont négatifs (Leblanc, 2007). Voilà pourquoi, il s'est avéré nécessaire d'examiner la relation entre le profil des parents c'est-à-dire leur SSE et la santé mentale des adolescents c'est-à-dire leur adaptation psychologique et leur estime de soi.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille