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L'enseignement/apprentissage en langues nationales: une alternative au renforcement des compétences intellectuelles pour un développement durable

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par Aristide Adébayo ADJIBODOU
Université d'Abomey-Calavi (BENIN) - DEA en Sociolinguistique 2006
  

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0. Introduction générale.

La gestion des langues nationales, patrimoines linguistiques et moyens de communication des pays africains, demeure encore aujourd'hui un voeu pieu. Malgré les nombreuses intentions de prise de décisions politiques en la matière, on constate que la majorité des pays africains n'ont dans leur système éducatif formel et dans l'administration que l'utilisation exclusive de la langue des pays colonisateurs (français, anglais, espagnol, portugais, etc.).

Au Bénin, les institutions étatiques de pouvoir et de contre pouvoir comme le Gouvernement, l'Assemblée Nationale, la Cour Constitutionnelle, la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication, le Conseil Economique et Social, la Haute Cour de Justice etc., n'ont pour moyen de communication que le français de façon exclusive. Cela constitue une barrière pour la participation directe des non lettrés aux débats de développement et de construction engagés au niveau de ces institutions.

Pourtant, le vent du renouveau démocratique qui a balayé l'Afrique Noire a commencé par le Bénin et a atteint la majorité des pays africains. Une des conséquences de la pluralité politique devrait être l'implication effective à tous les niveaux de décision des différents acteurs de la vie publique, y compris les couches défavorisées. Le médium de communication utilisé étant le français, les masses analphabètes représentant plus de 80% de la population du Bénin se voient d'office exclues des débats réels hormis les quelques interventions que leur offrent les différentes émissions interactives des chaînes privées de radios installées aujourd'hui au Bénin.

On pourrait se demander si aucun besoin administratif ou social ne se fait ressentir en la matière.

Les intentions politiques exprimées depuis plusieurs décennies, les comportements en matière de communication linguistique dans l'administration, lors des différentes rencontres et pendant les périodes électorales démontrent avec pertinence le besoin accru et imminent de la formalisation de l'utilisation des langues nationales dans l'administration en général, dans le système éducatif en particulier. En effet, la plupart des leaders politiques à divers niveaux se fraient un chemin sur la hasardeuse piste de l'utilisation des langues nationales pour s'adresser publiquement aux populations afin de leur démontrer leur proximité et leur lien de sang ethnique et dans l'administration, et surtout pour mieux leur faire passer les messages qu'ils souhaitent vulgariser.

Les discours intellectuels aussi bien scientifiques que politiques depuis les périodes des indépendances, mettent de façon honnête ou rusée l'accent sur l'importance des langues nationales dans l'animation de la vie publique, administrative, politique et sociale des populations.

- Tous sont donc conscients de la situation linguistique du pays ;

- Tous reconnaissent que pour atteindre les masses, il ne peut exister meilleur moyen de communication que les langues nationales ;

- Tous sont convaincus que pour un débat honnête et franc, il faut utiliser les langues nationales comme moyen de communication.

Il est donc facile de croire a priori que la question de la gestion des langues nationales serait chose évidente puisque partagée de tous. Pourtant, on en est encore à l'étape des intentions.

Aujourd'hui plus que jamais, le Bénin comme tous les Etats africains en général, a besoin d'oser en matière de gestion des langues sous peine de voir exclure du processus en cours, plus de 80% des Béninois autant concernés que ceux qui ont le privilège d'être au parfum des événements et de les condamner ainsi à vivre en marge de la gestion de la chose publique.

En effet, pour une participation efficiente de toutes les couches de la société béninoise, la question des langues nationales ne saurait être indéfiniment occultée. C'est pourquoi, en suivant les pas de certaines recherches antérieures à la nôtre, nous en faisons une préoccupation pour éplucher les différents aspects en vue d'aboutir à des propositions concrètes, applicables à moyen et à long terme.

0.1. Problématique.

La question de la multiplicité des langues n'est pas l'apanage de l'Afrique en général ou du Bénin en particulier. Elle fait partie de l'histoire soit récente soit lointaine de tous les peuples du monde.

La configuration linguistique du Bénin n'est pas inquiétante. La cinquantaine de langues recensées sur le territoire pourrait faire croire à un babélisme national ; pourtant, il n'en est rien. D'autres pays aussi bien proches que lointains disposent d'énormes richesses linguistiques qui pourraient être considérées comme un handicap (Papouasie Nouvelle Guinée, 800 et 856 langues ; Indonésie, 428 et 670 ; Nigeria, 400 et 410, Cameroun, 258 et 270)1. D'autres en disposent moins (Angola, 29 ; Sénégal, 20 ; Mali, 12 et Niger, 10)2.

Le Bénin, comme bon nombre d'Etats africains (07 au moins)3 a été colonisé par la

1 Ouane, Adama, 1995, "Introduction : Regard de l'intérieur de la prison linguistique" in Vers une culture multilingue de l'éducation, s/d Ouane, Etudes de l'IUE, Hambourg, IUE, pp. 3 - 20.

2 Idem. Ibid., p. 6.

3 Cf. Matala-Tala, L., 2000, Unilinguisme ou multilinguisme en droit comparé : le cas des africains,
Communication lors d'un Colloque organisé par l'Association française des constitutionnalistes, Rennes, 7-8
décembre 2000. A paraître, cf. http// www.droitconstitutionnel.org/ColloqueRennes/Matala-Tala/Matala-

France et a hérité de leur langue comme moyen de communication et langue de l'administration.

Il est caractérisé par un plurilinguisme, conséquence logique de sa diversité ethnique et culturelle. Son héritage linguistique colonial lui a conféré l'utilisation du français comme langue officielle, langue de l'administration et langue de travail. Pourtant, plus de 80% de la population est analphabète (ne sachant ni lire, ni écrire le français), donc exclu des débats politiques et économiques si rien n'est fait pour améliorer la situation. Il est donc important de se pencher sur les éventuelles possibilités d'implications réelles de toutes les filles et tous les fils du pays à la gestion de la chose publique. Cela ne pourrait se faire sans le dialogue avec les populations, sans l'apport de leur réflexion intellectuelle ; cela ne pourrait se faire sans que ces populations ne soient informées de la façon dont leur cité est constituée, pensée, administrée et gérée ; cela n'est pas possible si les populations ne sont pas amenées à apporter leur contribution (de toutes sortes) à l'élaboration des briques pouvant permettre l'élévation de l'édifice commun qu'est la Nation.

Cette série d'affirmations nous convainc de ce que les rôles individuel et collectif des citoyens sont primordiaux dans la construction de la cité. Seulement aujourd'hui, au Bénin, après les intentions administratives, politiques et les besoins sociaux en matière de langue, le constat est que les langues nationales n'ont formellement pas encore leur place dans les systèmes administratifs et éducatifs de notre pays.

Pour une utilisation judicieuse des langues nationales dans le processus de démocratisation des structures, il faudra les introduire aussi bien dans l'administration (locale et centrale) que dans les institutions étatiques.

0.2. Intérêt du sujet.

Il est important de souligner la différence qu'il y a entre l'enseignement/apprentissage en langues nationales et l'introduction des langues nationales dans le système éducatif. Le premier se sert des langues nationales comme vecteur et support de travail dans toutes les matières tandis que le second utilise les langues nationales comme matière à enseigner.

Il peut paraître chauvin d'évoquer et de soutenir l'enseignement/apprentissage en langues béninoises. D'aucuns peuvent y voir une intention malsaine et une tendance utopique au nationalisme africain. Pourtant, cela ne revêt aucun caractère démagogique.

Le présent travail de recherche dépasse les simples considérations de l'alphabétisation

Tala.texte.htm1#I ., (10 août 2003).

en langues nationales ou de l'introduction des langues nationales dans les systèmes éducatifs et/ou administratifs mais pose les jalons pour l'enseignement/apprentissage en langues nationales en se basant sur les programmes d'enseignement officiels en vigueur au Bénin.

Partant de ce qui a été fait jusqu'à présent en matière d'introduction des langues nationales dans le système éducatif, nous exposerons les arguments qui peuvent aujourd'hui sous-tendre l'option de l'enseignement/apprentissage en langues nationales et proposer un programme concret et applicable pour l'enseignement/apprentissage en langues nationales.

Cela permettra donc de faire évoluer considérablement le débat sur l'utilisation des langues nationales dans le processus démocratique en cours et dans le développement de la Nation.

0.3. Hypothèse.

Il est possible et plus facile d'enseigner et de transmettre le savoir aux enfants en se servant des langues nationales plutôt que de le faire avec une langue étrangère.

L'implication effective des populations dans la construction du processus démocratique en cours et leur participation aux différents changements sociaux et structurels dans notre pays passent par l'utilisation des langues nationales à tous les niveaux de la vie (sociale, politique et administrative) aux côtés du français, langue officielle du Bénin.

0.4. Méthodologie de recherche.

Pour la réalisation du présent travail, nous nous sommes inspiré des travaux antérieurs relatifs aux différentes expérimentations de l'introduction des langues nationales dans l'enseignement, en procédant à une revue documentaire. Des recherches ont été faites aussi sur Internet.

Nous avons eu des entretiens avec des personnes ressources, linguistes, sociologues, spécialistes en alphabétisation et en éducation des adultes

Ces recherches et entretiens nous ont permis d'évaluer les forces et les faiblesses des différentes expériences et de proposer une approche cohérente d'enseignement/apprentissage en langues nationales relative à la situation du Bénin.

Chapitre 1. Les langues en cohabitation, la politique et l'aménagement linguistiques au Bénin.

1.1. Les langues en cohabitation au Bénin : statut, rôle et fonction. 1.1.1. Les différentes langues parlées au Bénin.

Comme la plupart des Etats de l'Afrique, le Bénin est un Etat multilingue à l'image des différents groupes socioculturels et ethniques qui le composent ; on y trouve plus d'une cinquantaine de langues dont plus du tiers dans le septentrion.

Malgré la multiplicité des langues, on note une homogénéité linguistique comme le montrent les travaux de recherche qui ont abouti à l'établissement de l'Atlas et études sociolinguistiques même si, certains développements parlent d'hétérogénéité linguistique.

Le passé colonial a laissé au Bénin la langue française comme langue de l'administration et de communication officielle. Au Bénin donc les langues nationales cohabitent avec le français.

Les langues du Bénin se répartissent en trois groupes linguistiques dont :

- les langues du groupe « kwa » comprenant la totalité des langues de la partie méridionale du pays ;

- les langues du groupe « gur » ou « voltaïque » comprenant la plupart des langues de la partie septentrionale du pays ;

- les langues du groupe « afro-asiatique » et autres langues.

L'hétérogénéité linguistique s'observe surtout au niveau des langues du groupe « gur » ou « voltaïque » et ceci à deux niveaux : la glossonymie (aucun élément ne permet un regroupement à l'intérieur de cette famille) et l'intercompréhension (une absence d'intelligibilité systématique est notée hormis quelques cas rares)

Les langues du groupe « kwa », où l'on observe plus d'homogénéité linguistique, se répartissent en deux sous-groupes à l'intérieur desquels on observe une unité à ce double niveau de la glossonymie et de l'intercompréhension. Il s'agit du sous-groupe « gbe » comprenant les langues qui au point de vue glossonymique désignent la langue par le lexème « gbè ». Le sous-groupe « éc1è » comprend les langues parlées dans l'aire culturelle yoruba.

L'Altas Socio-linguistique (CNL-Bénin 1983) fait état de cinquante deux (52) langues
appartenant à trois (03) groupes (ces 52 langues ont été recensées sur la base du

sentiment linguistique).

- Le groupe « kwa » ;

· Sous-groupe « ecté »

ecté-yoruba, ecté-nago, ecté-cabe, ecté-ica, ecté-ife, ecté-idaaca, ecté-ije~ (holi), mokolé

· Sous-groupe « gbè »

fongbè, àjagbè, àyizogbè, maxigbè, agunano, kogbè, wémegbè, tofingbè, gungbè, xwelagbè, xwlagbè, saxwegbè, toligbè, gengbè, cigbè, såtogbè

· Autres langues du groupe « kwa » foodo, cokosi, basa

- Le groupe « gur » ;

baatonum, ditammari, yom, biali, waama, lakpatom, nateni, gulmacema, m'belime, anii, kabye, kotokoli, moore, bulba, kufalu, looso, lamba, cenka, sola (metope)

- Le groupe « afro-asiatique » ;

boko (groupe Mande), dendi (groupe Songhaï - Zarma), fulfulcte (groupe OuestAltantique), hausa (groupe tchadique)

Des travaux postérieurs ont proposé des classifications différentes de celle-ci ; mais ceux-ci ne modifient pas fondamentalement les données que nous avons présentées et qui représentent une configuration générale de la situation linguistique du Bénin.

Aujourd'hui, il serait prétentieux d'avancer avec certitude des chiffres exacts par rapport au nombre de locuteurs de chaque langue compte tenu de plusieurs raisons dont :

- la mobilité de l'ensemble de la population du pays ;

- l'intelligibilité systématique au sein de certaines langues du groupe « kwa » notamment.

Selon le Troisième Recensement Général de la Population et de l'Habitation (RGPH 3)4, des groupes socio-linguistiques sont distingués et constituent des rassemblements de langues selon l'intercompréhension entre ces dernières. Ils se présentent comme suit :

Groupes
sociolinguistiques

%

Composantes

Groupe Fin

39,2

Fon, 17,6% ; Gun, 6,3% ; Ayizo, 4,3%, Maxi, 3,5% ; Weme, 2,5% ; Tori, 2,4% ; Kotafon, 1,4% ; Tofin, 1,3% ; Seto, 0,3%

Groupe Aja

15 ,2

Aja, 8, 7% ; Saxwe, 2,6% ; Xwla, 1,4% ; Mina, 1,2% ; ,

Xweda, 0,7% ; Waci, 0,5% ; Défi, 0,1%

Groupe Yoruba

12,3

Nago 6,8% ; Yoruba, 1,8 ; Idaasha, 1,5% ; Holidjè,

1,4% ; Ife, 0,4% ; Mokolé, 0,3% ; Cabe, 0,1%

Groupe Bariba

9,2

Baatonum, 8,3% ; Boo, 0,8% ; Boko, 0,1%

Groupe Peulh

6,9

Peulh fulfuldé, 5,5% ; Gando, 1,4%

Groupe Otamari

6,1

Berba, 1,4% ; Ditammari, 1,3% ; Waama, 1,0% ;

Natimba, 0,9% ; Otamari, 0,6% ; Gourmantché, 0,5%; Yendé, 0,2%; Betyobé, 0,1% ; Gagamba, 0,1%.

Groupe Yoa Lokpa

4,5

Yoa, 1,8% ; Lokpa, 1,2% ; Anni, 0,3% ; Koto-Koli, 0,2% ; Windji-Windji, 0,2% ; Kabye, 0,1% ; Soruba Biyobe, 0,1 ; Tanéka, 0,1%

Groupe Dendi

2,5

Dendi, 2,4% ; Djerma, 0,1%

Autres ethnies

1,4

Autres ethnies, 1,0% ; Haoussa, 0,3% ; Zerma, 0,1%

 

Population en % selon les groupes socio-linguistiques et leurs composantes en 2002. (Source, INSAE : RGPH 3).

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand