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La médiation sanitaire: une réponse à  l'insatisfaction du patient

( Télécharger le fichier original )
par Isabelle Jeanneret
Institut universitaire Kurt Bosch IUKB, CH-Sion - Master européen en médiation 2009
  

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Institut Universitaire
Kurt Bösch

en collaboration avec

IL3, Institut de Formació Continua, FernUniversität Hagen

Universitat de Barcelona

Katholieke Universiteit Leuven Université Paris Descartes

Université de Sherbrooke Università Suor Orsola, Benincasa

Università Cattolica del Sacro Cuore, Milano

La médiation sanitaire

Une réponse à l'insatisfaction du patient

Mémoire présenté en vue de l'obtention
du Master européen en médiation 7ème volée 2007-2009

Tuteur : Présenté par :

Jacques Faget Isabelle Jeanneret

Sion, mars 2009

Table des matières

ABSTRACT

1. LE CONTEXTE SPECIFIQUE DU DOMAINE DE LA SANTE

Pages

8

13

 

1.1

L'individu, la santé et la maladie

14

 

1.2

La relation thérapeutique

20

 

1.3

Les droits des patients

24

 
 

1.3.1. Le droit à l'information

27

 
 

1.3.2. Le consentement libre et éclairé

27

 
 

1.3.3. Les directives anticipées et le représentant

 
 
 

thérapeutique

28

 
 

1.3.4. Le droit au libre choix

29

 
 

1.3.5. Les mesures de contrainte

29

 
 

1.3.6. Le secret professionnel

30

 
 

1.3.7. L'accès au dossier

 
 
 

1.3.8. Le droit d'être accompagné

32

 
 

1.3.9. Les dons d'organe et de tissu

33

 

1.4

Essai de définition de la médiation

34

 

1.5

Conclusion : les enjeux de la médiation sanitaire

38

2.

ETAT DES LIEUX DE LA MEDIATION SANTE EN EUROPE

40

 

2.1.

Expériences au sein de l'Union européenne

42

 
 

2.1.1. En Norvège

43

 
 

2.1.2 Au Royaume-Uni, l'expérience de l'Angleterre

46

 
 

2.1.3 En Belgique

49

 
 

2.1.4 En Italie, l'expérience toscane

53

 
 

2.1.5 Synthèse

56

 

2.2.

Expérience de médiation santé en Suisse romande

57

 
 

2.2.1 Analyse des cadres législatifs

58

 
 

2.2.2 Analyse des pratiques

61

 
 

2.2.3 Synthèse

65

 

2.3

Conclusions

68

3.

LA MEDIATION SANTE : LE MODELE VAUDOIS

69

 

3.1.

L'origine de la demande de médiation santé

70

 

3.2.

La médiation sanitaire au sein du dispositif de recours

72

 

3.3.

Les objectifs du processus de médiation et les conditions

73

 

3.4.

Les étapes communicationnelles

74

 
 
 

2

3.5.1 La phase de pré-médiation 76

3.5.2. La phase de médiation 76

3.5.3. La recherche d'accords 77

3.5.4. L'accord de médiation 77

3.5.5. La vérification de la mise en place des accords 78

3.6. Les limites de la médiation 78

3.7. Typologie des plaignants et spécificités des plaintes 79

3.8. Activités statistiques du BCMS 81

3.8.1. Catégories professionnelles mises en cause 81

3.8.2. Typologie des structures sanitaires mises en cause 82

3.8.3. Articles de loi non respectés : droit des patients 84

3.8.4. Résultats des médiations 85

3.8.5. Activités générales du BCMS 85

3.8.6. Synthèse 87

3.9. Conclusions 88

4. ANALYSE DES EFFETS DE LA MEDIATION SANTE CHEZ

LES PLAIGNANTS 91

4.1. Méthodologie et outils 92

4.1.1. Procédure 92

4.1.2. L'enquête 92

4.1.3. Le déroulement des entretiens 93

4.1.4. Difficultés 94

4.1.5. L'analyse et le traitement des donnés 94

4.1.6. Limites de la recherche 94

4.2. Analyse qualitative : présentation des résultats 95

4.2.1. Catégorie «Avant la médiation» 97

4.2.2. Catégorie «La demande de médiation» 97

4.2.3. Catégorie «Le processus de réparation» 99

4.2.4. Catégorie «Les métamorphoses individuelles» 104

4.2.6. Catégorie «La paix sociale» 106

4.3. Synthèse 108

4.4. Analyse des accords de médiation 112

4.5. Conclusion 114

CONCLUSIONS 115

BIBLIOGRAPHIE 118

ANNEXES 120

Liste des abréviations

BCMS : Bureau cantonal de médiation santé

BRP : Bureau des Relations avec le Public (Italie)

CEMAJ : Centre de recherche sur les modes amiables et juridictionnels de

gestion des conflits, Unine, Neuchâtel

CHUV : Centre universitaire vaudois

CMC : Commission mixte de Conciliation (Italie)

CMS : Centre médical social (aide et soins à domicile)

CTR : Centre de traitements de réadaptation

DSAS : Département de la santé et des affaires sociales

EMS : Etablissement médico-social

EVAM : Etablissement vaudois d'accueil aux migrants

FAREAS : Fondation vaudoise pour l'accueil de requérants d'asile

FSM : Fédération suisse de médiation

HUG : Hôpital Universitaire Genevois

IDS : Institut du droit de la santé de l'Université de Neuchâtel

IUKB : Institut universitaire Kurt Bösch

LAMal : Loi fédérale sur l'assurance-maladie

NHS : National Health Service (Angleterre)

OMS : Organisation mondiale de la santé

ONU : Organisation des Nations Unies

PALS : Patient Advice and Liaison Service (Angleterre)

SCSP : Service cantonal de la santé publique

UE : Union européenne

Isabelle JEANNERET

La médiation sanitaire
Une réponse à l'insatisfaction du patient

A l'instar des autres champs sociaux, le domaine sanitaire occidental traverse une période de crise. L'apparition des droits des patients interroge la relation thérapeutique et invite le malade à devenir « sujet » , acteur autonome et responsable de son projet de soins et de sa santé. Or la taylorisation du système de santé et l' approche organiciste de la médecine parcellisent la vision holistique de l'être humain et fragmentent la parole. Le soignant s'éloigne des attentes du patient qui reste dans son statut d'« objet ». Cette opposition génère une insatisfaction croissante et une méfiance réciproque.

Ce mémoire explore l'évolution de la médiation sanitaire institutionnelle articulée à la protection des droits des patients et la gestion des plaintes dans 5 états européens, en mesure les effets sur l'insatisfaction du patient et sur le lien soignant-soigné. L'étude met en exergue les attentes du patient à l'égard des professionnels de la santé et donne des pistes de solutions pour favoriser le dialogue, restaurer la confiance mutuelle, et réinventer une relation thérapeutique partenaire.

Mots-clés :

Institution, santé, maladie, pouvoir, dépendance, relation, droits des patients, conflit, gestion des plaintes, médiation, intercompréhension, dialogue éthique, équité, autonomie, responsabilité, réparation, lien social, régulation , prévention, qualité.

Remerciements

Je remercie toutes les personnes qui, de près ou de loin, m'ont apporté leur aide précieuse tout au long de mon parcours de formation et qui ont contribué à l'élaboration de ce mémoire.

Je tiens à remercier en premier lieu les patients, les proches et les professionnels de la santé de leur confiance et du temps d'échange riche qu'ils m'ont accordés.

Un remerciement particulier va à Madame Chantal Thouverez, médiatrice et responsable du BCMS à Lausanne pour sa précieuse contribution sans laquelle cette recherche n'aurait pas été possible.

Je tiens à remercier Monsieur Olivier Guillod, directeur de l'Institut du Droit de la Santé, Monsieur le Conseiller d'Etat Pierre-Yves Maillard, chef du DSAS du canton de Vaud et le Docteur Jean Martin, ancien médecin cantonal vaudois et membre de la Commission suisse de bio-éthique de leurs avis éclairés

Merci à Monsieur Jacques Faget, de son soutien, son aide et ses encouragements durant l'élaboration de ce mémoire.

Je tiens à remercier Madame Marie-France Parel de son efficace contribution et Madame Christiane Bauer du temps consacré à la relecture et de son soutien constant.

Enfin, je remercie Mélanie, Véronique, Camille et Fanny de leur patience et leur soutien tout au long de ma formation.

« Vous n'avez pas l'impression d'être considéré quand on ne vous dit rien, c'est une facon de dire « Tu n'es pas aimé ~~ On est perdu ~

« Ces choses retenues, ces

émotions qui restent, qu'on ne peut pas exprimer, ça peut donner des maladies graves, des cancers »

« Si on ne peut pas s'exprimer, il y aura plus de problémes de sante, ça peut ronger la sante, ça l'influence, ça aggrave la situation, ça augmente la souffrance morale »

« Quand on se sent écouté, on prend de l'assurance, on peut lutter, on peut se battre. On demande un dialogue équitable »

« Les gens peuvent se tromper, c'est humain. Mais le reconnaître c'est important »

« Moi aussi j'ai fait des erreurs, ça veut dire que je ne suis pas parfait »

« Qui d'autre connaît mieux son corps que le patient ? Ici, on ne soigne pas les gens, on soigne la santé »

« Sans confiance, je préférerais mourir chez moi, je n'irais tout simplement pas me faire soigner »

« Le système américain est dangereux, nuisible même, dans le sens que les médecins ne peuvent exercer leur profession sans crainte d'un proces. En cela, la médiation peut apporter un équilibre entre les soignants et les soignés

Paroles de médiés Mai - Juillet 2008

Abstract Introduction

L'évolution de la société occidentale amène le citoyen à l'autodétermination et la responsabilisation : le domaine de la santé n'est pas épargné par cette tendance. La littérature scientifique révèle qu'une transformation fondamentale de la relation soignant-soigné est en cours : «d'objet de soins», le citoyenpatient-client devient «sujet», partie prenante dans la relation thérapeutique. Sa perception de la qualité des prestations et son attente englobent non seulement l'excellence du soin technique, mais également la dimension relationnelle et communicationnelle des professionnels de la santé. L'apparition des droits des patients et leur instauration dans les législations a suivi cette mutation sociétale récente et modifié les bases du rapport soignant-soigné, passant d'un modèle dominant-dominé à un modèle de partenariat. L'Etat, garant de la protection des intérêts citoyens, est censé s'adapter à ces changements et mettre à disposition de la population des moyens favorisant le dialogue et le respect.

Parallèlement, l'évolution de la médecine vers une technicisation de plus en plus pointue a orienté nos systèmes de santé dans une logique de spécialisation : la pluralité d'acteurs et de disciplines qui interagissent autour du patient complexifie la coordination et la communication : l'organisation et le fonctionnement, basés sur l'efficacité et l'économicité, hiérarchisent la parole et fractionnent la vision holistique du patient et les actions de soins. De ce fait, les professionnels de la santé ont tendance, malgré eux, à percevoir la personne de manière réductrice au travers de sa pathologie ou de sa dépendance et à oublier l'importance d'une prise en charge individualisée et du dialogue éthique dans la relation thérapeutique : le patient redevient «objet de soins».

Le désir du patient de prendre part à son projet de soins, d'être informé clairement, de prendre des décisions concernant sa santé et sa vie et de prendre la parole se confronte à l'évolution du monde sanitaire qui lui s'écarte sensiblement des attentes citoyennes et de l'idéal soignant : un terrain propice à la conflictualité.

Le champ sanitaire neuchâtelois n'échappe à cette évolution qui fragilise les rapports soignant-soigné en recherche d'un nouvel équilibre, fragilité augmentée par la mise en oeuvre, dès 2006, d'une nouvelle planification sanitaire qui engendre depuis lors des résistances, des souffrances, une démotivation chez les soignants et une insatisfaction grandissante de la population à l'égard de leur système de soins . La complexité de cette situation expose les soignants à des manquements relationnels qui réduisent l'espace de parole du patient et le respect de sa dignité. L'émergence d'une tension de masse est perceptible depuis plusieurs mois au travers des médias et du discours de rue.

Dans le cadre de notre activité professionnelle, nous nous sommes aperçus d'une baisse manifeste du nombre de plaintes émanant de notre champ de pratique.

Depuis l'an 2000, nous occupons le poste d'infirmière de santé publique au Service de la santé publique du canton de Neuchâtel, en Suisse. Notre activité principale réside dans la surveillance des institutions pour personnes âgées et la gestion administrative des plaintes : évaluation de la qualité des soins et de l'accompagnement, traitement des problèmes de non respect des droits fondamentaux humains, des droits des patients et de la personne âgée dépendante. Sur la base d'une statistique, nous avons constaté une nette diminution du nombre de plaintes dès le début 2006, confirmée en 2007. Voulant vérifier si ce constat se limitait à notre domaine d'activité, nous avons identifié auprès du médecin cantonal de l'époque - chargée de la gestion des plaintes et de la protection des droits des patients - le même phénomène dans les autres champs sanitaires. D'autre part, les dossiers déposés auprès de l'Autorité de conciliation en matière de santé restaient peu nombreux depuis son instauration en 1995. Autre constat : des plaintes émanant du champ sanitaire neuchâtelois nous sont parvenues par le biais d'une association vaudoise pour la défense des personnes âgées.

Une étude récente a montré que le trois quart de la population résidant en
Suisse consulte au moins une fois par année. Ceci revient à dire que sur une
population totale de 170'000 habitant, 127'500 d'entre-eux entrent annuellement

en relation thérapeutique. A supposer que le 0,036% des citoyens soit insatisfait, à l'instar de la réalité vaudoise1, ce ne sont pas moins de quarantecinq personnes qui annuellement souhaitent hypothétiquement exprimer leur insatisfaction.

Or depuis deux ans et dans un contexte de changement structurel et organisationnel, le nombre de plaintes reçues par les deux instances officielles non juridictionnelles2 est insignifiant. Que traduit ce silence ?

Hypothèse

Nous estimons qu'un conflit sociétal sous-jacent existe et que la parole du patient insatisfait n'est pas favorisée dans notre canton. Dans ce cas, l'on peut admettre que le dispositif de recours non juridictionnel de notre canton ne répond pas aux besoins citoyens et ne garantit pas le respect de leurs droits. Sensibles à cette observation, nous avons choisi de mener une recherche sur la médiation sanitaire liée aux droits des patients, partant de l'idée que :

? La médiation institutionnelle offre un espace de parole particulier qui garantit la prévention du non respect des droits du patient.

Objectifs

Cette étude a tenté :

o au niveau européen, d'identifier les différents modèles de gestion des plaintes en lien avec les droits des patients, la place de la médiation au sein de ces dispositifs et son mode d'application;

o au niveau suisse, d'analyser un modèle de service de médiation basé sur une approche normative de la médiation et privilégiant sa logique communicationnelle;

1 Moyenne annuelle de 185 plaintes traitées par les Commissions d'examen et le Bureau cantonal de médiation

Santé pour 700'000 habitants

2 Service de la santé publique - Autorité de conciliation en matière de santé

o au niveau des médiés, d'analyser les attentes des plaignants et les effets de la médiation sur leur insatisfaction et sur les rapports soignant-soigné.

Méthodologie

o constitution d'une bibliographie et d'un porte-feuille de documentation; o sélection des chapitres et documents utiles;

o recueils d'informations lors des stages : BCMS, HUG, Médiation Jura

o entretiens semi-dirigés d'une à deux heures avec huit personnalités professionnelles, politiques, juridiques et éthiques, dix plaignants et neuf professionnels de la santé ayant vécu une médiation au BCMS , quatre citoyens neuchâtelois

o ? élaboration d'une grille d'entretien pour chaque groupe cible; o analyse qualitative réalisée sur les entretiens avec les plaignants.

Résultats

L'étude européenne ciblée sur la Norvège, l'Angleterre, la Belgique, l'Italie et les six cantons romands a démontré l'instauration des droits des patients dans tous les textes de loi et un développement discret de la pratique de la médiation dans sa forme enseignée à l'IUKB au sein des dispositifs de recours. Chaque état étudié protège les patients de manière plus ou moins affirmée selon leur culture propre. Seule l'Angleterre prévoit l'intervention d'un médiateur formé. Mis à part la Belgique, les trois autres pays étudiés ont développé une politique de gestion des plaintes visant l'amélioration des prestations de soins alors que cette cohérence ne se retrouve pas en Suisse romande. Neuchâtel est le seul canton romand à n'avoir pas instauré la médiation sanitaire dans sa loi de santé. La médiation jurassienne et valaisanne est légiférée, mais son mode d'application ne répond pas à ses caractéristiques. Le modèle vaudois reste le plus fidèle aux principes déontologiques de la médiation et son mode opératoire s'appuie sur sa logique communicationnelle.

L'analyse qualitative démontre que la médiation vaudoise répond aux attentes
des plaignants et montre des effets bénéfiques à long terme qui contribuent à la
restauration de la confiance et du lien social avec les professionnels de la santé

et stimulent leur autodétermination et leur responsabilisation face à la gestion de leur vie et de leur santé.

En revanche, la médiation ne garantit pas la prévention du non respect des droits du patients mais y contribue largement, moyennant certaines conditions que le modèle vaudois remplit, notamment le respect de l'indépendance du tiers et du principe de confidentialité, la saisine directe et la formation du médiateur.

Limites de la recherche

Les documents à disposition pour mener l'étude européenne ne contenaient pas de statistiques suffisamment étoffées sur les activités des dispositifs de recours pour en mesurer l'efficacité sur l'insatisfaction des plaignants.

Concernant l'analyse qualitative, nous souhaitions initialement mettre en perspective les représentations réciproques des patients et des professionnels de la santé. C'est à contre coeur que nous avons renoncé à traiter le corpus relatif aux professionnels de la santé.

Nous espérons que certains étudiants en médiation, sensibles au domaine de la santé, s'intéresseront à mener cette recherche croisée .

Depuis une vingtaine d'année, le domaine sanitaire occidental est touché par la crise de l'Etat Providence. Des politiques de rationalisation ont obligé les systèmes de santé à se réorganiser selon une logique économique. De plus, le développement de la science médicale et les avancées techniques ont induit un fonctionnement fragmenté selon des logiques de spécialisation pour soigner efficacement la maladie au détriment d'une vision holistique de la personne. L'identité sociale du patient se réduit donc à sa maladie ou à l'organe en souffrance : «le cancéreux stade 4, le foie du 27, l'appendicite d'hier». Le danger d'une déshumanisation des soins est nettement perceptible :

«Cette politique de rationalisation à outrance s'est concrétisée par une sorte de taylorisme médical qui a provoqué une parcellisation des tâches et transformé les hôpitaux en des usines à soigner»3.

Or, l'évolution de nos sociétés amène les patients et leurs proches à mieux s'informer sur la maladie - notamment par Internet - et sur leurs droits et à revendiquer une prise en soins individualisée dont la clé de voûte est l'établissement d'une relation soignant-soigné égalitaire faite de confiance mutuelle, d'une communication transparente, d'un dialogue discursif et d'un accompagnement humain empreint de tolérance et d'empathie. Autrefois légitimés par leurs savoirs et leurs compétences, les professionnels de la santé se voient aujourd'hui confrontés à des patients consommateurs et des proches exigeants qui remettent leurs pratiques et leurs capacités communicationnelles en question. On est loin de l'image du patient modèle, issue de la théorie fonctionnaliste de Talcott Parson, sociologue américain, qui consiste en une approche opérationnelle de la construction du lien social supposant, dans le cas du médecin, à garder une distance affective avec ses patients dont le rôle attendu est fait d'obéissance et de coopération. De récentes études ont démontré des différences individuelles et culturelles face au vécu de la maladie, de la douleur et de la souffrance morale qui nécessitent une approche individualisée du patient dans un esprit collaboratif et la prise en compte des

3 J.-P. Bonafé-Schmitt, «La santé, cycle de vie, société et environnement», Ed. Réalités sociales, Lausanne, 2004, p.131

familles dans le projet de soins, sachant que la maladie est désorganisatrice du lien social.

Le domaine sanitaire vit donc une période de mutation sociétale entre le déclin de rôles sociaux établis et l'émergence de nouvelles formes identitaires et culturelles. Le désordre qui en résulte génère une crise de confiance nourrie par l'insécurité et le doute des citoyens non seulement à l'égard des professionnels de la santé mais aussi à l'égard de l'ensemble du système sanitaire.

Avant de mesurer les enjeux de la médiation dans ce contexte , nous souhaitons mettre en évidence les éléments particuliers liés à la santé et la maladie, à la relation soignant-soigné, présenter les droits des patients garantis par les Etats romands et un essai de définition de la médiation.

1.1. L'individu, la santé et la maladie

La santé est un état précaire qui ne présage rien de bon

J. Romains

Le thème de la santé est une préoccupation universelle qui aujourd'hui est au centre d'un questionnement profond dans nos sociétés occidentales. Sous l'angle humoristique, la phrase de Jules Romains sous-entend la notion d'équilibre fragile qui caractérise la santé et la finalité inexorable de la vie : la mort. Mais qu'est-ce la santé ? Que signifie être en santé ? Que veut dire avoir droit à la santé ? Enfin, comment définir le concept de la santé ? Celui-ci est en réalité une idée assez récente, issue du développement de la science médicale et de l'amélioration des conditions de vie datant du 20ème siècle.

Avant l'ère industrielle, l'histoire fut marquée par le combat pour la survie de l'espèce humaine, l'incapacité à lutter contre la maladie ne permettant pas de concevoir la santé. Les découvertes scientifiques médicales, notamment celles des bactéries, amenèrent une compréhension du phénomène de nombreuses maladies et influencèrent la représentation de la santé qui, jusqu'ici, était considérée comme la simple absence de maladie. Les recherches et l'organisation des actions de soins étaient désormais destinées à lutter contre les attaques microbiologiques, à repousser les vagues épidémiques en vue de

protéger la population contre les maladies transmissibles, entre autres la tuberculose et la syphilis. C'est à partir de ces nouvelles stratégies sanitaires et sociales qu'est née la conception de la santé qui, aujourd'hui encore, influe sur les structures sanitaires européennes.

L'Encyclopédie Larousse nous dit que la santé est:

«L'état de quelqu'un dont l'organisme fonctionne normalement» ou encore «un fonctionnement satisfaisant, un bon équilibre psychique»4.

La maladie, quant à elle, est définie comme une «altération organique ou fonctionnelle qui atteint quelqu'un»5.

La santé est vue ici comme un état d'être satisfaisant qui relève d'un fonctionnement physique ou mental normal alors que la maladie est traduite comme une dégradation de cette normalité : une vision du «tout ou rien» sans prise en considération des interactions potentielles entre les deux aspects biologiques structurants de l'individu ni, d'ailleurs avec son environnement. C'est après la deuxième guerre mondiale que le concept de la santé vit un tournant important suite à la définition de l'OMS de 1948 : «Etat de complet bien-être physique, mental et social ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité»6.

Cette notion de la santé souligne deux idées nouvelles d'importance :

1. la santé ne se caractérise pas uniquement par l'absence de maladies. D'une part, le sentiment de bien-être global ne dépend pas nécessairement de la présence d'une altération ou d'une modification de la santé. D'autre part, la présence de troubles ne signifie pas forcément «perte», mais plutôt «diminution» de la santé, qui présuppose des actions de soins ciblées sur les capacités restantes et non sur la maladie uniquement;

2. la santé est un état dynamique, les aspects physique, mental et social de l'individu étant en interrelation.

4 Encyclopédie Larousse, vol. 9, Larousse, Lizy-sur-Ourcq, 1985, p. 9317

5 Encyclopédie Larousse, vol. 6, Larousse, Lizy-sur-Ourcq, 1985, p. 6567

6 Site Internet : http://pedagogie.ac-amiens.fr/svt/sante/page%201.htm

Le sens du bien-être englobe «la notion d'épanouissement personnel ainsi que des valeurs d'identité, de liberté, de participation et d'utilité»7. Cette définition va donc bien au-delà du traitement de la maladie car la réponse aux besoins fondamentaux8 de l'être humain engage des responsabilités collectives. La santé selon l'OMS est donc l'affaire de tous.

Cette vision de la santé considère l'être humain comme un tout indivisible qui devrait orienter les actions thérapeutiques vers une prise en compte holistique de l'individu. Or, depuis 1948, l'avancée scientifique et technologique de la médecine s'est axée sur les aspects physiques puis génétiques de la maladie. D'autre part, la vie par essence est une lutte et un effort permanents d'adaptation. Dès lors, comment considérer le malade dans sa globalité ? Comment concilier un bien-être total avec le combat perpétuel que représente la vie ? Ces constats amènent certains auteurs à dire que la définition de l'OMS en est une vision idéalisée vers laquelle tendre. Pour Marie-Françoise Collière, la conception actuelle de la santé recouvre les notions de maladie et de vie :

«L'une et l'autre n'existent pas tant comme des entités en soi mais elles sont étroitement dépendantes de la vie dans ses différentes manifestations. [...] Santé et vie sont intimement liées en ce sens que la santé représente l'ensemble des possibilités qui permettent à la vie de se maintenir et de se développer»9.

C'est la reconnaissance du lien entre la santé et la vie qui, selon l'auteure, permet d'admettre la «grande complexité» du paradigme de la santé et la prise en compte des fondamentaux de la vie déterminant la santé. Celle-ci, au même titre que la vie, consiste en un processus dynamique, en mouvement constant du fait de l'âge chronologique et des facteurs d'influences familiaux, sociaux, culturels, économiques, écologiques et politiques. L'auteure souligne que la santé comme la vie est «précaire et instable», notion de fragilité dans l'équilibre, émise dans la «pseudo» plaisanterie de Jules Romains.

7 L. Berger, D. Mailloux-Poirier «Personnes âgées, une approche globale, démarche de soins par besoins», Ed. Etudes vivantes, Montréal, 1989, p. 108

8 La réponse aux besoins fondamentaux veut dire «la satisfaction des besoins vitaux (nourriture, logement, etc.)une enfance bien vécue, une personnalité résiliante, une bonne pratique personnelle de la santé (style de vie), un bon soutien social, un bon environnement de travail, une justice sociale et économique (égalité des chances pour tous, indépendamment du sexe, de l'âge, de la religion, avoir accès à des services publics et médicaux), la paix et la

liberté»

9 M.-F. Collière, «Soigner, le premier art de la vie», InterÉditions, Paris, 1996, p.219

Pasqualina Perrig-Chiello et Frédéric Darbellay font référence dans leur ouvrage à la terminologie «idéale» de l'OMS et à la prolongation de l'espérance de vie de ses dernières décennies pour définir la santé comme suit :

«Etat d'équilibre en constante évolution qu'il s'agit encore et toujours de stabiliser»10.

Au-delà des préoccupations financières qu'elle suscite aujourd'hui et que nous n'aborderons pas ici, ceux-ci nous disent encore que la santé est :

«un concept multidimensionnel [...] pris dans un réseau de causalités multiples et ancrées dans les biographies individuelles : elle est à la fois objective et subjective»11.

Selon eux, le sens donné à sa propre santé est :

«Le reflet d'une réalité individuelle, biographique, sociale, écologique et économique objectivement donnée» mais «également l'objet d'une réalité subjectivement construite par les perceptions individuelles»12.

Quant à Marie-Françoise Collière, elle postule que le sens donné à la vie va résolument influencer la santé, la perception subjective d'être bien, en forme, heureux, serein, étant indépendante de l'âge, du degré d'autonomie et de l'état biologique avéré. Le processus dynamique de la santé individuelle apparaît comme une :

«découverte et mobilisation permanente du réseau de capacités et de potentialités de chaque personne, compte tenu de ses conditions de vie»13.

Par capacités et potentialités, l'on entend, d'une part, la biologie individuelle regroupant les caractéristiques physiques et psychiques intrinsèques de l'organisme qui déterminent les ressources corporelles, cognitives et sociales mises en jeu dans le maintien de l'autonomie et le processus d'adaptation et, d'autre part, les valeurs, représentations, habitudes de vie et comportements qui conditionnent le processus décisionnel en faveur ou défaveur de la santé.

10 P. Perrig-Chiello / F. Darbellay, «La Santé: cycle de vie, société et environnement», collectif, Ed Réalités sociales, Lausanne, 2004, p. 10

11 Ibidem, p. 10

12 Ibidem

13 M.-F. Collière, «Soigner, le premier art de la vie», InterEditions, Paris, 1996, p. 220

Par conditions de vie, l'on comprend les facteurs d'influence externes appartenant, d'une part, à l'environnement familial et social (affectif et relationnel), les conditions socio-économiques, politiques, écologiques et, d'autre part, les choix de société en termes d'orientation des actions de santé publique, d'offres de prestations de soins et la qualité des relations du système sanitaire avec la population. Du point de vue sociétal, l'organisation de la santé publique vise à rassembler les moyens socio-économiques, culturels et pédagogiques afin de permettre à l'individu de s'épanouir et de se réaliser selon ses capacités, ses désirs et ses espoirs.

La structure actuelle du système sanitaire est complexifiée du fait de la multiplicité d'acteurs et de disciplines scientifiques qui interagissent entre eux et autour de la pathologie du patient. Il ne s'agit pas de mettre en oeuvre les connaissances de chacun de manière superposée, mais de trouver un langage et un mode opérationnel communs qui puissent assurer les reliances entre ces nombreux savoirs. Médecins, infirmières, psychologues, sociologues, chercheurs, informaticiens, administrateurs, techniciens suivent tous le même objectif (agir sur la maladie) et, par là, sont amenés à mettre en jeu leurs compétences réciproques dans une dimension transdisciplinaire.

Dans ce milieu, le patient14 intervient en faisant appel à ses ressources physiques, cognitives et sociales pour comprendre et s'adapter à ce contexte spécifique dont la pathologie qu'il présente est au centre des préoccupations. Ainsi, Pasqualina Perrig- Chiello et Frédéric Darbellay voient le concept de santé comme :

«[...] un système [...] composé de sous-systèmes en constante interaction [...] fruit d'une interaction locale et globale entre les micro- et les macro-systèmes de l'individu, de la famille et du groupe social, pris dans les contextes culturels et environnementaux»15.

L'apparition d'une maladie peut être traduite comme un «état de déséquilibre» au sein de cette structure dynamique.

14 Le terme «patient» utilisé dans ce document englobe celui de «résidant»

15 P. Perrig-Chiello / F. Darbellay, «La santé: cycle de vie, société et environnement»,collectif, Ed. Réalités sociales, Lausanne, 2004, p. 12

Pour conclure, l'individu tend à vouloir maintenir le contrôle sur sa vie et à lui donner sens. Il met en jeu ses capacités pour structurer son existence, se donner des buts et les moyens d'y parvenir, construire des relations sociales et s'adapter au monde environnemental. Ses propres facultés d'interprétation et d'actions ont une incidence non négligeable sur la qualité et la durée de sa vie, indépendamment des facteurs d'influence externes et de son état de santé objectif. Son statut de patient l'inscrit dans un système de soins dont les actions diagnostiques et thérapeutiques sont ciblées sur sa pathologie et non sur son être global. Selon son âge, son sexe, son éducation, sa culture et les facultés personnelles que nous venons de voir, l'individu malade se montrera plus ou moins proactif dans le processus de restauration de sa santé.

Face à cette multiplicité de facteurs individuels et externes que constitue le concept de la santé, la notion de «droit à la santé» fait appel non pas à un droit exclusif, mais à la dimension d'accessibilité et de qualité des prestations de soins. Il s'agit donc d'un droit collectif et non individuel.

Enfin, une certaine inégalité à interagir et à maintenir son autonomie existe entre les individus d'une même société, chacun ayant son potentiel propre d'autodétermination. Cela nous amène à postuler que cette inégalité individuelle ajoutée à la complexité de l'approche médicale plus organiciste qu'holistique, participent à l'altération du dialogue et à la construction d'une tension de masse entre le système de santé et les citoyens qui se traduit par une conflictualité croissante au sein de la relation thérapeutique et par des manifestations de violence dans les structures hospitalières.

La santé n'appartient plus aux seuls soignants, mais révèle aujourd'hui une problématique qui, outre les coûts directs et indirects qu'elle engendre16, concerne l'ensemble de la collectivité. Il s'agit aujourd'hui de tout mettre en oeuvre pour encourager l'autodétermination du patient, établir un dialogue éthique dans la relation thérapeutique, restaurer la confiance entre les citoyens et leur système de santé.

16 Multiplication des examens diagnostics et des hospitalisations par défaut de coordination, renforcement de la sécurité dans les hôpitaux, juridicisation des conflits

1.2. La relation thérapeutique

L'idée de «colloque singulier» date de la deuxième moitié du 18ème siècle, époque à laquelle le médecin, dans les sociétés occidentales, acquiert, de par son savoir et la naissance de corporations, une identité professionnelle et une notoriété publique reconnues. Les échanges entre patients et médecins s'organisent alors dans une relation duale, intime, dépassant souvent le cadre médical, scène de débats d'idées et de confrontations de savoirs17.

Le Petit Robert définit «la relation» comme un «lien, rapport; lien de dépendance ou d'influence réciproque (entre personnes); le fait de communiquer, de se fréquenter».

Conditionnée par des aspects historiques, sociaux et culturels, la relation thérapeutique, forte des caractéristiques de dépendance ou d'influence de tout rapport, s'articule autour de deux principes fondamentaux : la bienfaisance18 du médecin et l'autonomie du patient. Cette relation particulière convoque d'une part, deux individus et, d'autre part, deux fonctions différenciées: la personne du médecin à qui l'on demande des prestations de soins et la personne requérante de soins qui alors devient un patient. L'interrelation et les échanges qui en découlent évoluent sur deux niveaux: le premier relevant de l'histoire, des expériences et des valeurs culturelles et sociales individuelles et, le deuxième, lié au contexte social dans lequel s'inscrit la relation thérapeutique, déterminée par certains aspects tels que la figure du médecin et de la médecine, le degré de confiance qu'elle génère, la représentation et l'imaginaire collectifs sur lesquels se construisent les attentes du patient.

Les progrès de la médecine et l'apparition des droits des patients ont provoqué des changements profonds complexifiant le cadre de la relation thérapeutique actuelle. D'un côté, l'importance du soin du corps prévaut aujourd'hui sur celui de l'âme, la priorité étant donnée à l'efficacité scientifique de la médecine au

17 M. Louis-Courvoisier, «Le malade et son médecin : le cadre de la relation thérapeutique dans la deuxième moitié du XVIII siècle», http://www.cbmh.ca/archive/00000526/01/cbmhbchmv18n2louis-courvoisier.pdf

18 Le principe de bienfaisance nous vient du précepte de la médecine hippocratique «d'abord ne pas nuire», notion fondatrice du code déontologique des médecins qui détermine leurs comportements et attitudes et la mission sociale qui leur est confiée. La version moderne du serment d'Hippocrate, «le serment médical» intègre le paradigme des droits des patients et valorise l'approche médicale humaniste et l'autonomie du patient

détriment d'une vision holistique du patient et d'une réponse individualisée. Les découvertes médicales telles les antibiotiques ou la biogénétique ont accentué l'image d'une médecine surpuissante et, par là, renforcé la figure du médecin, autant que les attentes du patient à son égard. De l'autre côté, les législateurs occidentaux, suivant les principes de la Déclaration de la promotion des Droits des patients de 1994, ont instauré ceux-ci dans leurs textes, soucieux de défendre l'autonomie de leurs citoyens au nom des principes d'égalité et du respect de leur libre arbitre. Ces nouveaux droits remettent en cause le modèle paternaliste de la médecine ancré depuis le début du siècle passé et convoquent un modèle participatif qui repose sur les principes d'autodétermination du patient et de responsabilité médicale. Or, le passage «abrupt» d'un archétype défini par un rapport «dominant-dominé» à un modèle participatif ne se fait pas sans difficulté :

«Nombreux sont les médecins qui ont senti une mise en cause de leur mission et, sans doute, de leur autorité. Ils on dû apprendre la transparence et l'humilité : partager l'information comme le doute, s'incliner devant une volonté contraire à la leur. Du côté des patients, certains se sont senti dépassés, la responsabilité des décisions thérapeutiques générant plus d'angoisse que ne leur procurait de réconfort la liberté de les prendre. Ils ont dû apprendre l'autonomie et la confiance en eux : demander l'information, accepter le doute, affirmer leur choix»19.

L'acquisition de l'autonomie du patient et l'abandon du pouvoir médical dans ce contexte idéalisé d'une médecine «qui peut tout» complexifient la construction d'une relation soignant-soigné dans laquelle le patient et le professionnel sont censés établir un rapport de confiance, un partage équitable, prenant en compte les composants de la relation thérapeutique20 et les limites de la science médicale: déficiences technologiques, erreurs humaines, impuissance face au vieillissement, à des maladies incurables et à la mort. A cela s'ajoute la dimension sociale du patient dont la maladie peut affecter la constellation familiale et appelle à une relation thérapeutique élargie, plus particulièrement dans des situations chroniques, de fin de vie ou d'incapacité de discernement dans lesquelles les proches expriment le besoin d'être associés au projet de soins.

19 O. Guillod in « La relation thérapeutique : état des lieux», D. Sprumont ( sous la dir. de), Rapport IDS No 1, 2003, p.47

20 Composants de la relation thérapeutique : confiance, respect, intimité, empathie et pouvoir

Ordre des infirmières et infirmiers de l'Ontario, «La relation thérapeutique», 2006, p.3 http://www.cno.org/docs/prac/51033nurseclient.pdf

Un placement à demeure, une hospitalisation de longue durée ou encore des soins ambulatoires réguliers accentuent le degré de dépendance de la personne fragilisée, son besoin de réassurance et celui de ses proches.

Si un réel partenariat s'est développé par des adaptations mutuelles progressives, des représentations et comportements antérieurs peinent à disparaître et «parsèment d'embûches cette évolution»21. Certains professionnels résistent encore à l'idée d'aborder les questions de prise en charge financière, à partager leurs doutes, voire à proposer des alternatives de traitements, l'information perdant alors de sa substance puisqu'elle paraît vouloir convaincre le patient d'adhérer à la proposition unique.

Le besoin d'informations compréhensibles et les nombreux questionnements qu'il génère, la remise en question des propositions de traitement et l'expression de l'insatisfaction devraient être accueillies par le soignant avec empathie et respect et donner lieu à une discussion équitable et authentique.

«Ce processus doit s'ancrer dans la confiance. Or la confiance ne peut pas simplement découler d'un argument d'autorité ou de l'affirmation d'un savoir. Elle se construit, notamment à travers la transparence, la tolérance et la sincérité»22.

C'est donc par l'établissement d'un dialogue éthique et humain que le rapport de confiance peut s'établir entre le soignant et le soigné, et participer autant au développement d'une intercompréhension au sein du colloque singulier qu' à l'empowerment23 du patient et plus largement à l'humanisation des soins.

Pour Jean Martin, la capacité de dialogue éthique relève de compétences propres à l'exercice de la médecine dans les règles de l'art et non pas uniquement d'une «composante optionnelle» à bien plaire, le défaut d'échanges et d'informations claires étant considéré aujourd'hui comme un fait de malpractis parfois condamnable24.

21 O. Guillod, «La relation médecin-patient : état des lieux», D. Sprumont (sous la dir. de) Rapport. IDS No 1, 2003,

p. 48

22 Ibidem, p. 49

23 J. Martin, «Dialoguer pour soigner : les pratiques et les droits », Ed. Médecine & Hygiène, Chêne-Bourg-Genève,

2001, p. 6 : «Empowerment ou capacitation : participation active des patients aux démarches préventives, thérapeutiques et de réadaptation»

24 Ibidem, p.14

D'autre part, l'auteur estime que la manifestation spontanée d'empathie, de regrets ou d'excuses lors d'un événement fâcheux, défavorable à la santé physique ou morale du patient, qu'il soit d'ordre relationnel ou technique, est «humainement souhaitable, et déontologiquement normale» mais aussi «le meilleur moyen d'éviter d'envenimer la situation»25.

Selon Jocelyne Pourveur, l'accroissement du nombre de plaintes et de procès qui remettent en question le pouvoir médical relèverait plus d'une contestation sur la manière dont il s'exerce que sur son existence et serait l'expression du désir d'autonomie et «d'une plus grande prise de conscience de sa propre santé»:

«Le patient interpelle et demande au corps médical comment il s'y prend. Le

modèle de la relation patient-médecin dans laquelle le médecin, compte-tenu de sa compétence, est doté d'un pouvoir de décision absolu dans ce quiintéresse et touche directement au malade et à sa vie, tendrait à être dépassé»26.

La légitimation des droits des patients et l'idée d'une médecine surpuissante ont modifié la perception citoyenne de la science médicale et les rapports de l'individu avec les acteurs du système de santé, le médecin se transformant en magicien. Face à un résultat thérapeutique insatisfaisant, les attentes déçues et le désarroi du patient ou de ses proches s'expriment par la colère et un profond sentiment d'injustice, qui sans dialogue transparent, sincère et empathique, l'orienteront vers un dépôt de plainte.

C'est dans ce contexte que l'intervention de la médiation , au-delà de sa logique de gestion des conflits, permet de lever les malentendus, d'instaurer un dialogue éthique entre les partenaires, de donner un sens à l'événement douloureux, de favoriser la réconciliation et la restauration du lien social et, par les engagements du professionnel de la santé, d'agir sur la qualité des soins et le respect des droits du patient.

25 J. Martin , Dialoguer pour soigner : les pratiques et les droits», Ed. Médecine & Hygiène, Chêne-Bourg, Genève 2001, pp. 15-16

26 J. Pourveur, «La médiation en milieu hospitalier : du mythe à la réalité», Mémoire Master IUKB, Sion 2001, p. 27

1.3. Les droits des patients

La notion de droits conférés au patient est relativement récente dans le sens qu'elle découle directement des principes fondamentaux des Droits de l'Homme (1948) qui reconnaissent l'importance à accorder à l'intérêt et au bien-être de la personne. Cette reconnaissance se manifeste entre autre :

«[...] par le consentement aux soins, le respect de la vie privée, l'interdiction de toute forme de discrimination en raison du patrimoine génétique, l'encadrement du don d'organe et de tissus»27.

La Déclaration de l'OMS sur la promotion des droits des patients de 1994 traduit cette évolution de pensée en reconnaissant à chacun les droits suivants :

o droit au respect de sa personne en tant qu'être humain;

o droit à l'autodétermination;

o droit à l'intégrité physique et mentale;

o droit à la sécurité de sa personne;

o droit au respect de sa vie privée;

o droit au respect de ses valeurs morales, culturelles;

o droit au respect de ses convictions religieuses et philosophiques;

o droit à la protection de sa santé par des mesures appropriées de prévention des maladies et de soins;

o droits aux moyens d'atteindre le meilleur état de santé dont on est capable.

En 1997, une Convention européenne des droits de l'homme et de la biomédecine est signée par la majorité des Etats, indépendamment du degré de développement de leur système de santé : une reconnaissance officielle des droits du patient en Europe qui met en exergue le respect de la personne, l'encouragement à exercer son libre arbitre et l'engagement des Etats à se donner les moyens d'assurer des soins de qualité en les adaptant à leur propre contexte. Cette convention fait appel à des droits collectifs et individuels.

27 N. Fraselle, in «Nouvelle encyclopédie de bioéthique : médecine et environnement biotechnologique», de G. Hottois et J.-N. Missa, collectif, Ed. De Boeck Université, Paris Bruxelles, 2001, p. 330

Nadine Fraselle précise que cette convention «vise à protéger l'être humain dans sa dignité et son identité et à garantir à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentaux à l'égard des applications de la biologie et de la médecine»28.

Il est à noter que l'importance de l'autodétermination émane, d'une part, des progrès de la médecine et des risques inhérents à son développement, de la complexification des systèmes de santé qui déshumanise la prise en charge du patient et, d'autre part, de mouvements sociaux en faveur du respect des droits de l'Homme qui se développaient dans le monde entier. Ces différents facteurs ont généré un changement sociétal dans le sens qu'ils ont contribué à encourager la proactivité du patient en le considérant consommateur de prestations de services médicaux à visée curative, préventive, réparatrice ou prédictive.

L'auteure précise :

«Appliqué au secteur des soins de santé, le droit à la consommation s'affine pour rendre au patient la place première qui lui revient dans la relation patient - médecin, à savoir celle d'un sujet de droits, maître de son destin et non celle d'un objet du processus de consommation»29.

Les droits reconnus aux patients, d'une part, visent à protéger leur identité, leur dignité et leur intégrité en tant que personne humaine, à préserver leurs

droits et libertés face à la bio-médecine et, d'autre part, engagent la collectivité à mettre sur pied des moyens qui garantissent la qualité des prestations de soins et de les adapter dans le but d'assurer l'exercice de ces droits. Selon Nadine Fraselle, la société est tenue de favoriser l'expression de l'insatisfaction en prévoyant des dispositifs de recours à l'égard des patients qui estiment que leurs droits n'ont pas été respectés. Elle dit en substance :

«Ainsi, les patients qui estiment que leurs droits n'ont pas été respectés doivent avoir la possibilité de porter plainte. A côté des tribunaux, des mécanismes indépendants doivent, notamment, garantir que les informations concernant la procédure sont mises à disposition des patients et que ceux-ci peuvent avoir recours et accès à une personne indépendante qui les conseille sur la meilleure

28 N. Fraselle in «Nouvelle encyclopédie de bioéthique : médecine et environnement biotechnologique», de G. Hottois et J.-N. Missa collectif, Ed. De Boeck Université, Paris Bruxelles, 2001, p. 330

29 Ibidem

façon d'agir[...]. Les patients ont le droit d'obtenir que leurs plaintes soient examinées et qu'il soit statué à leur sujet de façon approfondie, équitable et rapide et d'être informée de la suite qui leur est donnée»30.

En Suisse, l'ensemble des lois de santé romandes contiennent une majorité des droits reconnus au patient, suite à leur révision datant en principe du début des années 2000. L'édition en 2005 d'une brochure intitulée «L'Essentiel sur les droits des patients» est la résultante d'une recherche d'uniformisation en termes de promotion de ces droits par les services de santé publique de six cantons31. Cette brochure décline les neuf droits reconnus au patient mais rappelle, au préalable, ses devoirs qui s'apparentent aux logiques de collaboration et de compliance attendues dans un processus de soins et de traitements :

«[...] ils ont aussi d'ailleurs, dans leur propre intérêt, certaines responsabilités. Ainsi, il leur incombe d'informer de la manière la plus exacte possible le soignant des symptômes ressentis, des traitements reçus ou en cours, ainsi que des effets des thérapies déjà suivies. De même, il est de la responsabilité du patient de suivre le traitement prescrit ou, en cas d'interruption, de l'annoncer à son soignant»32.

Il est stipulé en fin d'introduction :

«[...] une relation transparente permet le développement d'un cadre thérapeutique de qualité et que celui-ci peut contribuer à rendre la maladie et les traitements plus supportables»33.

Nous comprenons par là que le respect de l' autodétermination du patient par les professionnels de la santé contribue à la construction d'une relation thérapeutique de confiance basée sur un dialogue éthique et que ce dernier est un facteur de qualité des prestations de soins qui peut influencer l'état de santé. Les droits reconnus au patient clarifiant les relations entre le soigné et le soignant se déclinent comme suit :

30 N. Fraselle in «Nouvelle encyclopédie de bioéthique : médecine et environnement biotechnologique», de G. Hottois et J.-N. Missa collectif, Ed. De Boeck Université, Paris Bruxelles, 2001, p. 333

31 Cantons concernés : Vaud, Valais, Fribourg, Neuchâtel, Jura et Bern

32 Brochure «L'essentiel sur les droits des patients dans les cantons de Berne, Fribourg, Jura, Neuchâtel, Vaud et Valais», Ed. Sanimédia, Information en santé publique, Lausanne, 2005, p. 3

33 Ibidem, p. 4

1.3.1. Le droit à l'information34

«Le patient a le droit d'être informé de manière claire et appropriée sur son état de santé, sur les examens et traitements envisageables, sur les conséquences et les risques éventuels qu'ils impliquent, sur le pronostic et sur les aspects financiers du traitement.

Au moment de son admission dans un établissement sanitaire, le patient reçoit, en principe, une information écrite sur ses droits et ses devoirs et sur les conditions de son séjour».

Sans demande particulière du patient, le professionnel de la santé est tenu de lui donner naturellement une information complète, objective, précise et claire qui permette d'exercer son libre arbitre, soit de consentir ou non à un traitement, de demander un second avis professionnel interne ou externe, de lever le secret pour une transmission d'informations le concernant entre professionnels ou à son représentant thérapeutique. L'information donnée lui est donc en principe strictement destinée Deux particularités limitent toutefois cette information : l'une concerne son «refus de savoir» sans restriction de soins et, l'autre, les situations d'urgence dans lesquelles l'information par évidence suit les décisions et les actions de soins effectuées sans son consentement.

1.3.2. Le consentement libre et éclairé35

«Aucun soin ne peut être donné sans le consentement libre et éclairé du patient capable de discernement, qu'il soit majeur ou mineur.

Le patient capable de discernement a le droit de refuser des soins, d'interrompre un traitement ou de quitter un établissement sanitaire s'il le souhaite».

Sur la base d'une information claire et complète, le patient peut ainsi exercer son pouvoir de décision en toute connaissance de cause, libre en tout temps de revenir sur celle-ci. La capacité de discernement, par principe reconnue à tout être humain est traduite par l'aptitude à évaluer une situation et à exercer son libre arbitre de manière cohérente. Sont considérés exempts de cette faculté, les enfants en bas âge et les personnes souffrant d'une altération cognitive de naissance, par suite de maladie psychiatrique, traumatisme ou consommation

34 Ibidem, p. 4

35 Ibidem, p. 6

abusive d'alcool ou de drogues. Les troubles psychiques, le grand âge, la mise sous tutelle ou encore être mineur ne sont pas considérés comme «incapacités de discernement».

1.3.3. Les directives anticipées et le représentant thérapeutique36

«Toute personne a le droit de formuler des directives anticipées pour spécifier le type de soins qu'elle aimerait recevoir ou non, au cas où elle ne serait plus en mesure d'exprimer sa volonté.

Elle peut aussi désigner une personne, un représentant thérapeutique, chargée de se prononcer à sa place sur le choix des soins à lui prodiguer dans les situations où elle ne peut plus s'exprimer».

Le professionnel de la santé doit respecter les désirs de la personne. Ceci relève donc de la responsabilité du patient de remettre à ses proche, soit au directeur de l'institution, au médecin ou à son représentant thérapeutique, un document daté et signé de sa main qui précise ses volontés en termes de soins dans son propre cas : par exemple refus d'acharnement thérapeutique lors d'un cancer, d'un coma prolongé, d'un état de vieillesse avancée ou encore refus d'une prise en charge allopathique. Ces directives anticipées sont modifiables en tout temps ou peuvent, le cas échéant, être annulées par la personne ellemême. Dans une situation d'incapacité de discernement, le professionnel de la santé est tenu de rechercher ces directives, de se renseigner si un représentant thérapeutique a été désigné et, dans ce cas, de lui fournir l'information claire et précise permettant à ce dernier d'accepter ou de refuser le traitement proposé en faveur de la personne. Le secret professionnel est donc levé face à lui. La présomption des désirs intervient dans des situations d'urgence dans lesquelles les professionnels agissent sans le consentement de la personne mais au plus près de ses intérêts. Dans les cantons de Neuchâtel et du Jura, la loi prévoit que les proches consentent sans l'accord du patient, alors que les lois vaudoise, fribourgeoise et bernoise stipulent que le professionnel doit prendre l'avis des proches sans «toutefois être lié par cet avis». Quant à la loi valaisanne, elle ne prévoit pas le devoir de prendre avis des proches.

36 Ibidem, p. 8

1.3.4. Le droit au libre choix37

«Dans le cas d'un traitement ambulatoire, le patient a le droit de choisir librement le professionnel de la santé auquel il souhaite s'adresser.

En principe, il a également le droit de choisir librement l'établissement sanitaire d'intérêt public où il souhaite être soigné.

La prise en charge par l'assurance de base peut cependant s'avérer partielle pour les traitements ambulatoires hors du lieu de résidence ou de travail, ainsique les traitements hospitaliers hors canton, sauf en cas d'urgence ou de nécessité médicale».

Pratiquement, le patient choisit le professionnel de la santé qui peut l'orienter vers un confrère s'il ne peut répondre à la demande par indisponibilité ou limites de compétences spécifiques. Dans les institutions sanitaires publiques, le patient est tenu d'accepter d'être soigné par les médecins à sa disposition. Il peut cependant demander un second avis médical provenant d'un professionnel externe à l'établissement.

Toutefois, le libre choix est limité dans deux situations :

o l'institution choisie doit correspondre aux besoins de traitement du patient en termes de moyens et avoir un lit disponible pour lui;

o une personne couverte par la seule assurance de base LAMal ne peut être hospitalisée ou institutionnalisée dans un établissement hors canton pour des raisons de remboursement.

En cas de doute, les patients sont «vivement» conseillés de se renseigner préalablement auprès de leur caisse maladie en ce qui concerne la prise en charge d'un traitement ou d'une hospitalisation.

1.3.5. Les mesures de contrainte38

«Par principe, toute mesure de contrainte à l'égard des patients est interdite».

37 Ibidem, p. 10

38 Ibidem, p. 12

Partant du principe du droit fondamental de l'être humain à son entière liberté d'action et de décision, la mise en place d'une mesure de contrainte est un acte grave, exempt du consentement libre et éclairé de la personne et qui limite la liberté individuelle. Elle ne peut être considérée comme une mesure thérapeutique. Par mesure de contrainte, l'on entend «l'enfermement, l'interdiction de circuler librement ou d'entrer en contact avec ses proches, l'isolement, l'attachement ou la contention médicamenteuse»39. Pratiquement, l'attachement s'effectue au moyen de ceintures, de gilets ou de draps. Celui-ci risque donc de porter atteinte à la dignité et à l'intégrité de la personne. Toute mesure de contrainte doit être limitée dans le temps, documentée, argumentée objectivement et réévaluée régulièrement pour définir la pertinence de son maintien ou de sa levée. En cas d'incapacité de discernement, l'accord du représentant thérapeutique est requis.

1.3.6 Le secret professionnel40

«Le patient a droit au respect de la confidentialité.

Les professionnels de la santé ont l'obligation de respecter le secret professionnel, aussi appelé secret médical. Ils doivent garder pour eux les informations dont ils ont eu connaissance dans la pratique de leur profession. Sauf exception prévue par la loi, ils ne peuvent pas les transmettre sans l'accord de leur patient.

Le secret professionnel s'applique également entre professionnels de la santé». Le secret professionnel est à la base du lien de confiance qui doit s'établir dans la relation thérapeutique et «protège le patient et ses intérêts». Celui-ci ne peut être invoqué contre le patient qui garde sans cesse le droit à l'information et à l'accès au dossier : le soignant ne peut donc pas invoquer le secret professionnel pour refuser l'information au patient ou l'accès à son dossier, ni lorsqu'un conflit les oppose. La transmission d'informations ou de documents à d'autres professionnels ou aux assureurs ne peut se faire qu'avec accord de l'intéressé. Ce dernier peut, en revanche, exiger la transmission de son dossier à un autre professionnel de son choix.

39 Ibidem, p. 12

40 Ibidem, p. 14

Le secret professionnel n'est pas absolu dans quatre situations prévues par la loi. Ainsi, le professionnel de la santé est délié du secret :

o lorsqu'une loi fédérale ou cantonale le contraint à éclairer les autorités, notamment en cas de maladies transmissibles telles la tuberculose, la méningite, la rougeole ou le SIDA;

o lorsque ces lois l'autorisent à informer l'autorité comme, par exemple, la loi sur la circulation routière qui autorise le médecin à révéler l'état de santé altéré d'un patient qui restreint ses facultés de conduite;

o sur sa demande et pour des raisons importantes, celui-ci peut être délié du secret par l'autorité compétente, par exemple lorsqu'un médecin désire informer le conjoint sur la maladie grave et transmissible de son patient qui refuse de renseigner son partenaire;

o en cas de constat de maltraitance de mineurs ou d'actes de soins dangereux ou de maltraitance perpétrés par des professionnels de la santé sur un patient, celui-ci est tenu de les dénoncer à l'Office des mineurs ou au médecin cantonal.

1.3.7. L'accès au dossier41

«Le patient a le droit de consulter son dossier et de s'en faire expliquer la signification.

Il peut s'en faire remettre en principe gratuitement les pièces, en original ou en copie, et peut les transmettre au professionnel de la santé de son choix».

Le dossier médical n'est consultable que par le patient lui-même, les proches ne pouvant y accéder que sur son accord préalable. Ce droit recouvre les documents relatifs à l'historique médical, les diagnostics actifs, le suivi de l'évolution de l'état de la personne, la médication prescrite, les résultats d'examens et d'expertises et les rapports post-opératoires ou d'hospitalisation. Les notes dites personnelles du professionnel sont sous le seau du secret

41 Ibidem, p. 16

professionnel et donc non accessibles. Par notes personnelles, l'on entend des écrits de type «aide-mémoire» qui servent à se rappeler rapidement de la situation et du nom de la personne.

En revanche, les observations, même écrites à la main, ne sont pas considérées comme notes personnelles si celles-ci sont intégrées au dossier et font partie du suivi de l'évolution du patient (observations infirmières, par exemple).

Dans le cas où le professionnel de la santé estime que la consultation du dossier risque d'entraîner des conséquences graves pour le patient, il peut demander que celui-ci le consulte en sa présence ou celle d'un autre professionnel de son choix. Enfin, le dossier d'un patient décédé n'est pas accessible aux proches sans autorisation officielle de l'organe de surveillance.

1.3.8. Le droit d'être accompagné42

«Un patient qui séjourne dans un établissement sanitaire a droit à une assistance et des conseils pendant toute la durée de son séjour.

Il a le droit de demander le soutien de ses proches et de maintenir le contact avec son entourage.

S'il le souhaite, il peut faire appel à un accompagnant extérieur».

Sur demande du patient, un proche ou un accompagnant peut l'assister dans les démarches administratives liées à une hospitalisation ou un placement en institution médico-social et est autorisé à participer à des colloques de réseau ou à des entretiens avec des instances.

Il est à noter que ce droit est strictement réservé au patient qui peut accepter ou refuser les visites de l'accompagnant.

42 Ibidem, p. 18

Par proche, l'on entend toute personne connaissant bien le patient, qui entretient avec lui une relation de parenté ou amicale dans un esprit bienveillant : famille, amis, partenaire. L'accompagnant supplée au manque de réseau social du patient par sa présence empathique et sa chaleur humaine, son soutien et ses conseils.

1.3.9. Les dons d'organe et de tissu43

«Une personne peut décider de son vivant de donner ses organes à des fins de transplantation.

Le don d'organe ou de tissus ne peut en aucun cas faire l'objet de transactions commerciales».

La loi fédérale du 1er juillet 2007 sur la transplantation d'organes, de tissus et de cellules, intitulée «Loi sur la transplantation», prévoit une réglementation uniforme du champ de la transplantation. Sans directives anticipées sur ce sujet ou l'expression ferme et récurrente de son opposition, le consentement de la personne décédée est présumé en ce qui concerne le prélèvement de ses organes ou tissus; les proches doivent alors être consultés au préalable et ont le droit de refuser le prélèvement.

Si la personne de son vivant exprime clairement son opposition, son désir doit être respecté, les proches ne pouvant s'y opposer.

Un problème éthique réside dans l'application des droits à l'information et au consentement libre et éclairé qui touchent à l'une des valeurs essentielles émanant de l'évolution des pratiques de la médecine : l'autonomie.

«Le principe selon lequel le médecin dispose de la liberté thérapeutique ne l'affranchit nullement de l'obligation de mettre le patient en situation de prendre une décision en connaissance de cause quant à son propre corps [...]. En matière médicale comme dans tout autre rapport contractuel, le consentement des parties est requis pour que le contrat soit valable. Depuis longtemps, l'exigence est confirmée dans le chef du médecin qui doit recueillir le consentement libre et éclairé du patient»44.

43 Ibidem, p. 20

44 N. Fraselle in "Nouvelle encyclopédie de bioéthique : médecine et environnement biotechnologique", de G. Hottois et J.-N. Missa, collectif, Ed. De Boeck Université, Paris Bruxelles, 2001, p. 333

Or, nous verrons au travers de notre recherche que ces deux droits constituent la source principale de plaintes avant le refus d'accès au dossier et que l'harmonie recherchée dans la relation thérapeutique recourt indubitablement au respect de l'autodétermination du patient.

1.4. Essai de définition de la médiation

Le flou conceptuel autour de la médiation émane, selon Jean-Pierre BonaféSchmitt, d'une «polysémie» des pratiques de la médiation dans tous les champs sociaux, qui rend son concept encore plus nébuleux et amène à la confusion. Cette variabilité de l'exercice de la médiation existant aussi dans le domaine sanitaire appelle, en premier lieu, à une classification en deux catégories distinctes : les activités et les instances de médiation :

1. Les activités de médiation

«[...] action menée par un tiers impliqué dans une relation triangulaire, en dehors de toute relation de pouvoir. L'action de ce tiers peut porter aussi bien dans le champ de la gestion des conflits que dans celui de la communication ou encore celui de la sécurité»45.

Toute personne intervenant dans des rapports entre patients - soignants ou l'administration hospitalière dans une position de tiers est aussitôt désignée «médiateur».

En Suisse, l'ouverture de «L'espace de médiation» au coeur du HUG, en novembre 2007, en est un exemple concret. L'espace de médiation participe à l'amélioration de la communication entre les patients et les unités de soins par le biais de coordinatrices en lien direct avec l'ensemble des acteurs hospitaliers, sans que soit pratiquée la médiation au sens de la littérature et de la formation IUKB. Cette initiative s'inscrit dans une démarche d'amélioration continue articulée à la gestion des plaintes, démarche soutenue par le directeur de l'institution hospitalière genevoise depuis une dizaine d'années. Le terme «médiation» choisi pour cet espace de parole

45 J.-P. Bonafé-Schmitt, in «La santé : cycle de vie, société et environnement», de P. Perrig-Chiello et H-B. Stähelin, collectif, Ed. Réalités sociales, Lausanne, 2004, p. 125

rapidement mis sur pied évoquait pour les coordinatrices et leur supérieur hiérarchique l'idée de «mise en lien» puis, par expérience, celle de «visage humain» de l'hôpital.

Dans les rapports conflictuels de travail, le tiers nommé reste le plus souvent une personne issue du domaine administratif ou juridique qualifiée de «médiateur naturel». A Lausanne, le service juridique du CHUV pratique des activités de médiation dans les conflits opposant patients et professionnels de la santé.

2. Les instances de médiation

«[...] se distinguent des activités de médiation non seulement par le statut du tiers, marqué par son indépendance, son impartialité et son absence de pouvoir, mais surtout par son mode d'action qui repose sur une rationalité communicationnelle et non instrumentale comme dans les activités de médiation»46.

Pour l'auteur, la différence entre l'activité et l'instance de médiation réside dans l'action du médiateur : le tiers agit dans le but de favoriser, chez les parties, l'émergence d'aptitudes communicationnelles les amenant à redevenir acteurs par la réappropriation de leur conflit et par la co-construction d' une «intercompréhension», notion issue de la théorie de «l'agir communicationnel» de Jürgen Habermas47:

«Dans cette perspective, la médiation s'apparente à un processus visant à permettre aux personne de se construire comme acteur, de promouvoir une capacité d'action, une autonomie dans la gestion de leurs conflits et plus largement de leurs relations sociales»48.

L'expérimentation réalisée par les médiés fait référence aux logiques
communicationnelle et éducative de la médiation selon Jean-Pierre Bonafé-

46 J.-P. Bonafé-Schmitt, «La santé : cycle de vie, société et environnement», de P. Perrig-Chiello et H.B. Stähelin, collectif, Ed. Réalités sociales, Lausanne, 2004, p. 125

47 J.-P. Bonafé-Schmitt, «La médiation, une alternative à la justice ?, Ed. Syros-Alternatives, 1992, p. 146 « Si l'on

définit l'action du médiateur comme un «agir communicationnel», dans le sens où l'entend Jürgen Habermas, il est nécessaire que soit organisé un processus de médiation permettant «la mise en discussion» des actes de langage de manière à rendre possible la compréhension mutuelle entre acteurs. Comme on peut le voir, ce processus repose sur une logique communicationnelle, c'est-à-dire que le rôle du médiateur consiste à créer les conditions processuelles pour permettre une bonne communication orientée vers l'intercompréhension.[...] Par essence, la médiation repose sur une réappropriation par les parties du pouvoir de gérer leurs conflits, l'intervention du médiateur se limitant à favoriser la communication entre elles ».

48 J.-P. Bonafé-Schmitt, « La santé : cycle de vie, société et environnement », de P. Perrig-Chiello et H.B Stähelin, collectif,Ed. Réalités sociales, Lausanne, 2004, p. 125

Schmitt, expérimentation qui est supposée se perpétuer dans la vie familiale, professionnelle et sociale des médiés par un effet pédagogique.

Il définit la médiation dans sa logique de gestion des conflits comme :

«[...] un processus, le plus souvent formel, par lequel un tiers impartial, le médiateur, tente à travers l'organisation d'échanges entre les parties de leur permettre de confronter leurs points de vue et de rechercher avec son aide une solution au conflit qui les oppose»49.

La formalité du processus fait appel au cadre et aux règles garantis par le médiateur ainsi qu'au comportement attendu des parties, terrain favorable au débat d'idées, et à la recherche de solutions.

Michèle Guillaume Hofnung définit la médiation selon deux notions. La première fait état d'un mode de gestion des conflits visant à régler un litige ou un conflit. Cette approche, dit-elle, «peut servir une demande de médiation institutionnelle visant à gagner du temps et à apaiser le conflit» :

«La médiation est un mode de résolution des conflits basé sur la coopération, faisant appel à un tiers impartial, le médiateur, sans pouvoir décisionnel. Le médiateur doit amener les parties à exprimer leurs attentes, besoins et objectifs véritables pour pouvoir ensuite trouver les solutions qui leur conviennent »50.

Cette définition correspond à la majorité des pratiques institutionnelles basées sur la logique instrumentale de la médiation. Nous n'adhérons pas à cette vision tronquée de la médiation.

La deuxième notion intéresse particulièrement le domaine de la santé en crise, dans le sens qu'elle évoque les idées de restauration de la relation dans la durée et de régulation sociale. Elle intègre non seulement les concepts de prévention et de résolution des conflits mais, en sus, ceux de création ou de réparation du lien, de consolidation du tissu social :

«La médiation est un mode de construction et de gestion de la vie sociale grâce à l'entremise d'un tiers impartial, indépendant, sans autres pouvoirs que ceux reconnus par les partenaires qui s'adressent à lui»51.

49 Ibidem, p. 125

50 M. Guillaume-Hofnung, in «Hôpital et médiation», (sous la dir. de ), collectif, Ed. L'Harmattan, Paris, 2001, p. 17

51 Ibidem

Par ses dimensions de construction et de gestion sociale, la médiation dans le domaine de la santé représente, pour l'auteure, la possibilité d'établir des «passerelles entre les partenaires d'un système».

Pour Jean-François Six, la médiation est une «démarche éthique, une action» et non une cause à défendre. Parlant de l'initiation à la médiation, il en explique les quatre principes : la médiation est un non-pouvoir, n'est pas une vénération de soi, son initiation ne consiste pas en une manière d'influencer pour obtenir de l' adhésion à une cause, mais plutôt à ouvrir la voie à la médiation par la reconnaissance de l'autre.

«Vouloir établir la médiation comme si c'était une cause à faire triompher n'a pas de sens; elle n'est pas un absolu à mettre en place mais une perspective relationnelle vers laquelle on essaie de tendre. Une politique totalitaire, une ferveur religieuse fanatique sont contraires à la médiation, sans oublier que l'on peut tout à fait indûment utiliser des médiateurs pour servir sa propre cause»52.

Quant à Jacqueline Morineau, elle explique l'apparition de la médiation par la logique actuelle de refus du chaos qui régit la société, refus exprimé par l'évitement, la fuite ou la banalisation du désordre qui, dit-elle, «nous prive dramatiquement des fruits» qu'il nous offre :

«La prise de conscience des différents mécanismes ancestraux de domination de l'homme sur l'homme en est un des éléments essentiels. Mais curieusement, c'est le rejet du désordre et le besoin d'un espace pour l'accueillir qui vont être la cause de son avènement.[...i Le conflit indissociable de la violence est le cri qui surgit pour que le désordre puisse retrouver sa place.[...]»53.

L'auteure postule que l'acquisition de savoirs a permis à l'homme moderne de développer un sentiment de contrôle sur le monde et l'a orienté vers une quête du «bon fonctionnement», au détriment de la recherche de sa propre vérité. La rationalité d'ordonnancement, base de la science, l'autorise à penser aujourd'hui qu'il domine la nature et la matière, qu'il exerce un plein pouvoir sur l'existence. Comment, dès lors, lui faire admettre ses limites et ses vulnérabilités ? Refus du chaos oblige ! Mais à quel prix ? Par la négation des

52 J.-F. Six, «Médiation », Ed. du Seuil, Paris, 2002, p. 235

53 J. Morineau, «L'esprit de la médiation», Ed. Erès, Ramonville Saint-Agnes, 2001, p. 63

peurs et de la violence qu'elles génèrent et dont les expressions sociales ou individuelles ne cessent de croître. Pour l'auteure, la médiation autorise le conflit, première manifestation du chaos, à reprendre sa place par le biais de la rencontre, de lui redonner son vrai sens , d'en comprendre les enjeux et de permettre à la colère, aux humiliations et injustices, aux désirs refoulés et la violence «d'être» .

«Proposer un lieu où la violence réciproque puisse se dire et se transformer, vouloir la réintégration du désordre participent nécessairement à une véritable révolution sociétale car il faut aller à contre-courant d'un état d'esprit et des usages et coutumes établis. Il s'agit de reconnaître qu'il s'agit d'un bouleversement dans la relation de l'homme avec la société et avec luimême»54.

Dans cette perspective, Jacqueline Morineau estime qu'une rigueur et un cadre spécifique sont nécessaires pour concéder au tiers la faculté d'accueillir «la décharge émotionnelle» libérée par la scénographie du conflit, la reconstruction du «drame» dans son espace et sa temporalité propres. Cette disposition particulière fait sans doute référence à une formation ad hoc et à des aptitudes relationnelles, entre autres l'humilité, l'impartialité, la créativité, la bienveillance, l'empathie, l'écoute, l'objectivité et la capacité de gérer le stress.

1.5. Conclusion : les enjeux de la médiation sanitaire

On reconnaît la grandeur d'une

civilisation par la qualité des soins qu'elle s'accorde.

A. Einstein

Toute situation de soins représente une rencontre entre un soignant et un soigné dans une organisation sociale reflétant les valeurs culturelles de cette société. Dans le monde occidental, cette interrelation présuppose une intercompréhension. Or, à l'annonce d'une maladie, le patient entre dans un monde qu'il ne comprend pas, dans l'appréhension de sa mort. Son besoin de reconnaissance se traduit par l'attente d'un dialogue éthique dans la relation thérapeutique et organisationnelle. L'enjeu démocratique consiste alors à lui

54 Ibidem, p.65

donner la parole dans ce cadre spécifique et l'enjeu éthique à le considérer dans son individualité et sa différence et à répondre à ses propres besoins de compréhension.

Dans ce cadre là, la médiation dans sa dimension de régulation sociale peut rétablir non seulement le lien entre le soigné et le soignant mais, plus largement, entre le soigné et la société entière au travers de l'institution de santé. En effet, une relation thérapeutique ne concerne pas uniquement les acteurs de cette relation, mais l'ensemble de la société : la quête individuelle d'affirmation de ses droits que poursuit le patient actuel participe d'un mouvement sociétal en recherche d'un ordre nouveau au sein du système de santé. Dans le même ordre d'idée, la crise de confiance perçue dans le colloque singulier est le symptôme d'un conflit plus profond opposant les citoyens et leur système de soins. L'enjeu de la médiation est d'apporter une réponse adaptée au besoin de parole et de reconnaissance des patients insatisfaits, de rétablir la confiance réciproque par l'établissement d'un dialogue éthique, d'une intercompréhension et de restaurer le lien social.

L'Etat, garant de la protection des droits humains fondamentaux et des patients, est censé mettre en oeuvre un dispositif de recours favorisant l'expression de l'insatisfaction des patients.

Nous avons mené une étude européenne et nationale dans le but d'identifier de les modèles de gestion des plaintes en lien avec les droits des patients, la place de la médiation au sein de ces dispositifs et son mode d' application.

C'est le résultat de cette recherche que nous présentons au chapitre suivant.

2. ETAT DES LIEUX DE LA MEDIATION SANTE EN

EUROPE

La déclaration des droits des patients par l'OMS55 de 1994, issue d'une consultation de 36 pays, poursuit l'objectif de promouvoir le développement de ces droits en Europe selon des principes et des stratégies communs. Fin 2002, une charte européenne émanant du Conseil de l'Europe et de l'OMS réaffirme cette volonté en précisant quatorze droits qui semblent menacés56. Dès la fin des années 90, leur intégration dans les cadres législatifs respectifs s'amorce. Cependant, l'enjeu est complexe : non seulement ces nouveaux droits redéfinissent la relation thérapeutique et les rapports entre les institutions hospitalières et les citoyens, mais ils questionnent aussi la pertinence des dispositifs usuels de régulation sociale. En cas d'insatisfaction ou d'erreur médicale, le droit de plainte remet en cause leurs aspects normatifs administratifs ou juridiques ne répondant pas aux cas particuliers du contexte sanitaire singulièrement complexe. Le constat du gouvernement belge à cet égard est probant :

«... le patient qui rencontre des problèmes à la suite d'une intervention d'un praticien professionnel ignore souvent à qui les soumettre et quelle action entreprendre. De nombreux problèmes restent donc sans solution et un sentiment de malaise s'installe chez le patient. Si le patient entreprend [...] des démarches, il est rare qu'il bénéficie de toute l'écoute souhaitée [...] en justice, les procédures sont souvent très longues et très onéreuses et ne débouchent que rarement sur une solution»57.

La protection des intérêts du patient appelle donc les politiques à rechercher de nouveaux moyens non juridictionnels d'envisager la création de cohésion sociale :

55 A. Jacquerye, «Etude exploratoire de la médiation hospitalière », Fondation Roi Baudoin, Belgique, 2007, p. 11 : « Droits des patients composés de 5 thèmes : les droits humains et valeurs dans les soins de santé, l'information, le consentement, la confidentialité et la préservation de l'intimité, les soins et le traitement»

56 14 droits essentiels de l'individu sont réaffirmés dans cette charte : droit à des mesures de prévention, droit

d'accès, droit à l'information, droit au consentement, droit au libre choix, droit à la vie privée et à la confidentialité, droit à la rapidité, droit à l'observance de standards de qualité, droit à la sécurité, droit à l'innovation, droit d'éviter les souffrances inutiles et la douleur, droit à un traitement personnalisé, droit à la réclamation, droit de compensation

http://www.activecitizenship.net/index2.php?option=comdocman&task=docview&gid=22&Itemid=86

57 E. Volckrick in «Médiation et santé : actes du colloque CEMAJ-IDS, O. Guillod et C. Guye-Ecabert, 1er juin 2007, Ed. Weblaw Berne, Schülthess Zürich-Bâle, 2008, p 22

«La médiation se présente comme un dispositif qui ne pose pas à priori un modèle de pertinence normative. Elle convoque différents registres normatifs et cognitifs et ouvre l'espace non pas à une objectivation mais à une co-construction interprétative58».

Se référant à une recherche belge sur «l'évolution des politiques publiques» dans le domaine de la santé mentale, Elisabeth Volckrick décrit le modèle de «l'Etat-réseau» qui tend à prendre forme et à remplacer «l'Etat-providence» :

«Premièrement, il s'accompagne d'une nouvelle sémantique : y apparaissent des termes comme négociation, proximité, contrat, projet, efficacité, flexibilité, management, satisfaction, responsabilisation, citoyenneté, client, partenariat, ... et aussi médiation. Deuxièmement, si on associe l'Etat-réseau à des droits, ce serait à une extension et à une complexification des droits de l'homme vers ce que l'on a appelé des droits moraux, des droits de participation, des droits culturels ... mais aussi vers une nouvelle manière d'envisager d'anciens droits [...] l'action de l'Etat-réseau [...] s'appuie sur de nombreux intervenants aux statuts très différents : des associations, par exemple, vont accompagner des exigences éthiques de respect des usagers59».

Les mutations sociales profondes et les nouveaux repères qui se dessinent renvoient à l'autonomisation et à la responsabilisation du citoyen-patient, censé désormais prendre en charge sa santé et faire respecter ses droits, nouvelle posture qui interroge sa relation de dépendance face au professionnel de la santé. L'idée de médiation dans le domaine sanitaire est le reflet de cette évolution - passage entre la modernité et la post-modernité que Jacques Faget n'hésite pas à qualifier de «rupture»60 - et de la recherche d'un nouveau mode de gouvernance de «sociétés complexes». Son expansion dans tous les champs sociaux rappelle à l'auteur la fluidité de l'eau s'infiltrant dans tous les espaces sociaux en se conformant aux conditions environnementales auxquelles elle est soumise :

«Adoptant les lois de la propagation des fluides, cet outil des temps brouillés, affranchi des adhérences institutionnelles et des logiques d'ordre, se répand à la manière d'une matière mouvante, élastique, s'immisçant dans les interstices, épousant les formes de son contenant, se coulant dans des contextes sociaux et institutionnels très diversifiés. La nécessité d'aménager des jeux de passage entre des échelles, des espaces et des temporalités multiples et enchevêtrées, conduit à concevoir des modalités flexibles, adaptables, modulables de régulation61».

58 Ibidem, p 20

59 Ibidem, pp. 20-21

60 J. Faget, «Médiation et action publique - La dynamique du fluide», Ed. Presse universitaire de Bordeaux, 2005, p. 19

61 Ibidem, p. 12

Pour lui, la légitimité d'un pouvoir s'acquière aujourd'hui par ses efforts qui traduisent «sa capacité à produire du flux, du mouvement, à créer de nouveaux espaces où se bricolent des micro-ajustements62».

L'état des lieux présenté vise à identifier, sous l'angle de sa «dynamique fluide», l'essor et les modalités d'adaptation de la médiation sanitaire articulée au respect des droits des patients dans le contexte de l'Union Européenne et en Suisse, plus précisément dans sa partie francophone.

2.1 Expériences au sein de l'Union européenne (UE)

L'analyse porte sur la Norvège, le Royaume-Uni, la Belgique et l'Italie, choix représentatif de l'UE dans une logique Nord-Sud et repose sur les cadres légaux relatifs aux droits des patients, la place de la médiation dans les procédures de gestion des plaintes et la typologie des modèles implantés. Les sources d'informations proviennent d'une étude exploratoire belge de la Fondation Roi Baudoin, éditée fin 2007 et les actes du colloque «Médiation et santé» organisé par l'Institut suisse du droit de la santé en juin 2007. Nous tenterons de classifier ces modèles selon trois profils distincts décrits par Jacques Faget63: l'approche nominaliste, normative et substantialiste de la

62 Ibidem, p. 12

63 Ibidem, pp.13-14-15 :

« Une approche nominaliste : la médiation c'est ce que l'on baptise ainsi. Rentrent alors dans son champ tous les programmes qui s'en réclament. On peut citer, entre autres exemples, la médiation des apprentissages, la médiation culturelle ou la médiation thérapeutique [...]. Le terme médiation semble convoqué pour authentifier le caractère novateur des projets développés [...] adopter une approche normaliste présente l'avantage d'éviter le débat complexe sur la ligne de démarcation entre ce qui est et ce qui n'est pas de la médiation et d'avoir une vue d'ensemble des usages d'un terme qui doit probablement son succès à son imprécision[...].

Une approche normative : sont qualifiées de médiations les pratiques sociales qui correspondent à des critères éthiques, élaborés par des praticiens et des universitaires, constituant une «doxa». Ce qui fonde la médiation, c'est avant tout la posture du tiers. Elle est un processus consensuel de construction ou de réparation du lien social et de gestion des conflits dans lequel un tiers impartial, indépendant (mediare, étymologiquement être au milieu) et sans pouvoir décisionnel, tente, à travers l'organisation d'échanges entre les personnes ou les institutions, de les aider soit à améliorer, soit à établir une relation ou régler un conflit. Dans cette conception restrictive sont disqualifiées toutes les pratiques qui s'affranchissent de cette éthique et le concept de médiation - et donc les techniques d'intervention qui s'en réclament - est inaltérable, quelles que soient ses niches institutionnelles ou sociales. La posture du tiers est rigoureusement la même dans tous les champs de la médiation et ne saurait fluctuer au gré de leur fragmentation [...]. Ce courant est représenté en France par Jean-Pierre Bonafé-Schmitt [...], M. Guillaume-Hofnung [...], J-F. Six .

Une approche substantialiste : la médiation est un terme générique dans lequel il faut inclure toutes les façons non verticales (par opposition à la force, au jugement, à l'arbitrage...) de réguler les conflits ou d'établir la communication. On nomme ainsi tout processus qui participe à la résorption des antagonismes et facilite la production d'un monde commun. Le terme est alors souvent confondu avec la négociation, le compromis, la conciliation, la régulation ... Cette approche qui définit la médiation par ses objectifs la considère comme un processus de production d'une vision du monde dont la fonction est de maintenir de la cohésion, de produire du global dans une société qui part en morceaux. De ce point de vue, largement adopté par les politologues, l'Etat est un médiateur et ses représentants ou les élus ont une double fonction : cognitive, ils aident à comprendre le monde, le rendent intelligible, lui donnent du sens et normative, ils définissent des critères d'action pour sa transformation ».

médiation. A noter que l'analyse du Royaume-Uni et celle de l'Italie se limitent aux exemples spécifiques de l'Angleterre et de la Toscane.

2.1.1. En Norvège

2.1.1.1. Cadre législatif

C'est en 1999 que la Norvège promulgue une loi intitulée Patients Rights Act, destinée à défendre les intérêts du patient adulte et de l'enfant. Cette loi engage l'Etat autant que les provinces, les communes et les professionnels de la santé à garantir le respect de ces droits. Suit, en 2001, une réforme qui réorganise le système de santé et redistribue les responsabilités en matière de soins primaires et secondaires64.

Autrefois décentralisée, la gestion des soins secondaires incombe désormais aux cinq Regional Health Authorities, alors que les communes poursuivent la gestion des soins de première ligne. Les cinq autorités régionales bénéficient d'une certaine latitude dans l'administration des services de santé mis à disposition de la population.

Hormis le financement, l'Etat se porte garant de faciliter les relations entre les institutions de soins et leur personnel soignant, entre les organisations nationales et les patients et entre les patients et les unités de soins.

Le Patient Rights Act prévoit l'introduction d'une fonction d'Ombudsman dans chacun des dix-neuf comtés :

«... fonction sauvegardant les droits des patients et garantissant leurs intérêts dans leurs relations avec les services en soins de santé et étant un outil d'amélioration de la qualité des services de soins de santé»65.

Le Patient Ombudsman, dépendant du Ministère de la santé et des services sociaux, est chargé de traiter les plaintes émanant des institutions hospitalières,

64 A. Jacquerye, «Etude exploratoire de la médiation hospitalière », Fondation Roi Baudoin, Belgique, 2007, p. 81 : Les soins primaires concernent les soins infirmiers à domicile, les soins de santé préventifs individuels et environnementaux, les médecins généralistes et les centres d'appel et d'urgence. Les soins secondaires regroupent les hôpitaux et les médecins spécialistes»

65 Ibidem, p 84

de participer activement à leur processus d'amélioration continue et, sur la base d'une analyse globale, d'émettre des recommandations aux autorités législatives de sa région.

Externe aux institutions, le Patient Ombudsman bénéficie d'un pouvoir décisionnel et juridique. Aucune exigence de formation spécifique n'apparaît dans les dispositions. En revanche, des connaissances juridiques sont requises pour occuper cette fonction, ce qui signifie que la plupart d'entre-eux sont avocats. S'initient, en 2007, des débats politiques à propos de leur domaine de compétences et de leur pouvoir juridique. Deux volontés se précisent, l'une visant à étendre leur champ d'activité au domaine des soins primaires sur le modèle suédois et l'autre à élargir leur pouvoir juridique sur le modèle formel du Civil Ombudsman66.

2.1.1.2. Pratique

Le bureau du Patient Ombudsman régional, composé d'un à dix professionnels bénéficiant d'une double compétence juridique et médicale, procède selon ses méthodes propres pour répondre à sa mission :

o accueil du plaignant, information;

o orientation vers le County Medical Officer67 lors de situations graves;

o orientation du plaignant vers le Norvegian System of Compensation to Patients68 en cas de dommage corporel;

o investigation;

o transmission de rapports aux hôpitaux en vue d'élaborer des mesures internes d'amélioration69.

66 A. Jacquerye, «Etude exploratoire de la médiation hospitalière », Fondation Roi Baudoin, Belgique, 2007, p. 85 : « Civil Ombudsman ou Parliamentary Ombudsman : cette fonction de médiation portant sur les actes administratifs appelée également Civil Ombudsman, existe depuis 1962. La Norvège a voulu offrir un interlocuteur aux citoyens parfois démunis face à une administration publique conséquente. Ce dispositif permet de lutter contre les injustices et d'éviter de longs procès en justice. Parmi toutes les plaintes traitées par le Civil Ombudsman, seules 20 à 40 d'entre-elles concernent la santé (soit 2 à 3% de l'ensemble des plaintes). Il faut rappeler qu'à l'origine ce poste n'était pas destiné pour les soins de santé. Le Civil Ombudsman dépend directement du Parlement et agit au niveau national. Il traite les plaintes en deuxième recours après l'intervention du Patient Ombudsman et il a le pouvoir d'arbitrage».

67 County Medical Officer : autorité de surveillance instituée dans les 19 comtés

68 Norvegian System of Compensation to Patients : section administrative du ministère de la santé composé de 50 personnes dont 10 médecins conseil qui traitent les plaintes selon les logiques «no-fault» et «malpractice system».

69 A. Jacquerye, «Etude exploratoire de la médiation hospitalière», Fondation Roi Baudoin, Belgique, 2007, p.84

La procédure de plainte prévoit une saisine directe par écrit, téléphone ou sur rencontre, l'anonymat étant garanti sur demande du patient. Le Patient Ombudsman a droit d'accès à toutes les informations provenant des instances publiques ou administratives, autorités et services de santé pour traitement de la plainte qui, in fine, débouche sur une décision ou une prise de position ferme à l'attention du service de soins ou de l'hôpital. Une copie du rapport final envoyée au plaignant l'informe sur les actions entreprises.

Sur les 10'000 plaintes déposées chaque année, 5'000 d'entre-elles sont traitées par les Patient Ombudsmen :

o 23% : besoin de clarification

o 19% : reconnaissance d'une faute

o 17% : besoin de conseils

o 16% : démarche citoyenne dans une logique de prévention o 12% : demande de compensation

o 12% : demande d'examen ou de traitement différent70.

Publié dans la presse, le rapport annuel relève les activités, les prises de positions et les conclusions de l'Ombudsman.

La fonction d'Ombudsman, intimement liée à l'amélioration continue des services et institutions de soins, est perçue favorablement par les acteurs professionnels de la santé. Elle reflète la préoccupation des pouvoirs publics norvégiens à répondre aux besoins des citoyens et traduit l'existence d'une culture du dialogue et de remise en question bien ancrée (Civil Ombudsman depuis 1962). Agnès Jacquerye relève un taux de 75% de satisfaction chez les plaignants. Il n'est pas impensable que l'ouverture d'esprit, la transparence et la pro-activité du Patient Ombudsman dans le processus d'amélioration continue qui caractérisent le modèle norvégien soient à l'origine de ce résultat.

L'action du tiers n'est pas basée sur l'établissement de la communication et ne
favorise pas le dialogue éthique entre patients et professionnels de la santé :
les parties ne se rencontrent pas. La plainte investiguée par les experts du

70 A. Jacquerye, «Etude exploratoire de la médiation hospitalière», Fondation Roi Baudoin, Belgique,2007. p.86

bureau du Patient Ombudsman donne lieu à une prise de position et des décisions qui visent à l'amélioration de comportements professionnels et des prestations des soins. Cependant, l'espace d'expression qu'il offre aux patientsplaignants, son rôle d'information, ainsi que le pouvoir qui lui est conféré contribuent à la création d'un sens commun. Rappelons la satisfaction des plaignants et des professionnels de la santé à l'égard des interventions du tiers. L'on peut donc admettre que ce modèle qui participe à la régulation sociale est apparenté à l'approche substantialiste de la médiation.

Rien ne laisse présager un éventuel essor de la médiation dans ce dispositif bien établi, hormis la volonté des pouvoirs publics de mener une étude sur les sources d'insatisfaction du 25% de plaignants, étude qui pourrait peut-être mettre en exergue l'attente d'une rencontre avec le professionnel mis en cause.

2.1.2. Au Royaume-Uni, l'expérience de l'Angleterre

Le National Health Service (NHS) régit l'ensemble du système sanitaire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord. Suite à l'enregistrement croissant de plaintes liées aux délais d'attente, à la qualité des soins et au comportement des professionnels, le NHS élabore, en 1992, la National Health Service Patient's Charter dans le but d'améliorer les prestations de soins. Cette charte, faite de droits des patients et de recommandations destinées aux professionnels, est perçue par le personnel comme un «document politique» destiné à réduire les plaintes qui, dans son application, encourage la critique du patient. En 1997, les conclusions d'une étude mandatée par le Ministère de la santé mettent en exergue l'inadéquation de cette charte dont l'effet pervers principal est le consumérisme médical qu'elle induit. La proposition d'édicter des chartes locales est retenue. Conscient des faiblesses de son champ sanitaire, le Royaume-Uni s'engage, dès 2001, dans une réforme qui cherche à impliquer les citoyens et les malades dans les soins, ainsi qu'à améliorer la qualité des prestations et les comportements professionnels à l'égard des patients. En 2003, le NHS édicte la brochure d'information publique«Your guide to the NHS» et des normes de qualité destinées aux établissements hospitaliers, The Standards for Better Health.

2.1.2.1. Cadre législatif

En matière de droits des patients, la Human Rights in Health - A Framework for Local Action, éditée en 2007, prévoit des principes uniformes issus des droits humains - dignité, égalité, respect, équité, autonomie - à l'intention des autorités locales chargées d'élaborer leur propre charte. D'autre part, des normes de qualité, The Standards for Better Health, obligent les institutions hospitalières à mettre en place un système interne de régulation des plaintes : information, garantie d'absence de représailles, de suivi et d'actions d'amélioration. Celles-ci doivent justifier d'améliorations concrètes qui, fin 2008, feront l'objet d'une publication. La charte anglaise se compose de droits concernant l'accès aux services, la considération et le respect du patient-consommateur et l'information. Agnès Jacquerye relève que ces droits, diffusés avec parcimonie et sans effort d'explication, se perçoivent néanmoins dans les pratiques.

La gestion des plaintes anglaise est régie par une loi, la Social Care England-The Local Autority Social Service Complaints - Regulation, entrée en vigueur en 2006 et diffusée au public sous forme d'une brochure nommée «Learning from complaints». En vue de répondre aux attentes des patients, le système de plaintes doit être en mesure de garantir certains critères : visibilité, accessibilité, rapidité, impartialité, efficacité71. Les principes retenus révèlent une volonté d'allier la gestion des plaintes à l'amélioration continue des services de soins et de résoudre les insatisfactions dans une logique de proximité72.

2.1.2.2. Pratique

Chaque institution de soins est donc tenue de créer une fonction de Complaint Manager. Sa mission repose sur l'élaboration de la procédure de plaintes, l'information, le conseil, l'orientation, la résolution des problèmes, le soutien aux équipes de soins, la réalisation d'enquêtes en collaboration avec des Investing

71 A. Jacquerye, «Etude exploratoire de la médiation hospitalière», Fondation Roi Baudoin, Belgique, 2007, p.106

72 Ibidem : «Une bonne procédure de plainte devrait arriver à ce que les patients qui se plaignent aient leurs problèmes résolus de manière rapide et si possible par des agents de l'établissement. Les plaintes devraient être considérées comme des informations donnant l'occasion aux établissements hospitaliers de s'améliorer sans tomber dans un processus négatif de blâme. Les autorités locales devraient développer une culture d'écoute et d'apprentissage à partir des informations apportées par les plaintes qui devraient être intégrées dans le programme qualité. Cette culture devrait donner des occasions de travailler en partenariat avec les prestataires de soins»

Officers et la gestion de l'ensemble des dossiers de plaintes. Une information écrite sur le suivi de la plainte est envoyée au patient insatisfait par le directeur de l'établissement hospitalier.

Dans certains cas, le Complaint Manager et le patient peuvent d'un commun accord faire appel à un médiateur externe certifié par le Center for Effective Dispute Resolution. En situation grave, le gestionnaire des plaintes bénéficie d'une aide directe du «Health Service Ombudsman73» national.

Une fonction complémentaire d'accompagnement, le Patient Advice and Liaison Service (PALS), collabore étroitement avec le Complaint Manager. Il se charge d'actes de présence, de renseignements, d'aide ou de liaison entre l'institution hospitalière et le NHS. Ses interventions de proximité permettent de résoudre certains problèmes en amont de la procédure de plainte et de faire des recommandations au directeur de l'Hôpital et au NHS. Agnès Jacquerye parle de «Early Warning system» national.

En cas d'insatisfaction du traitement local, le patient transmet sa plainte à la «Healthcare Commission» responsable de la surveillance du respect des normes de qualité. La procédure décrite fait mention - sans autre précision - de conciliation et de médiation confondues :

«Après avoir vérifié que la plainte est recevable, cette commission délègue la charge d'examiner la plainte à une personne (ou plusieurs, en général 3 membres si le cas est grave) qui constituent l'Independant Review Panel. Une recherche de conciliation ou de médiation est alors engagée»74.

La réforme sanitaire de 2001, nous explique Agnès Jacquerye, a instillé une dynamique de changement radical dans le champ sanitaire anglais tant au niveau culturel, structurel qu'organisationnel. Priorité est donnée aujourd'hui au bien-être des patients et des soignants, dans un souci d'amélioration constante des prestations de soins, la préoccupation première restant la diminution du temps d'attente.

73 Ibidem, p. 108: « Le Health Service Ombudsman a pour mission d'investiguer les plaintes qui concernent les services prodigués ou qui auraient dû être prodigués par les professionnels de la santé, introduites aux paliers précédents mais qui n'ont pas été clôturées, introduites en cas d'erreurs de décision médicale. Au-delà de la gestion des plaintes, l'Ombudsman tient également un rôle dans l'amélioration de la qualité en formulant des recommandations. Le Health Service Ombudsman est organisé en plusieurs bureaux et emploie plus de 270 personnes dont des responsables d'enquêtes et des conseillers, les Internal Professionnal Advisers IPAS»

74 Ibidem p.107

Des efforts perceptibles sont déployés pour améliorer la communication au sein des institutions hospitalières. Le rôle combiné du PALS et du Complaint Manager nous fait penser au modèle développé par l'Hôpital universitaire genevois depuis un an qui, dès les premières tensions, favorise l'expression de l'insatisfaction, accompagne et soutient le plaignant et interagit directement dans les unités pour remédier aux défauts et aux manques avant la plainte manifeste. Les tiers anglais comme, les coordinatrices genevoises, assurent la reliance entre le patient, les services de soins et la direction pour remédier aux défauts et aux manques dans un but global d'amélioration de la qualité des prestations de soins et de résorber les tensions. Le dispositif anglais participe donc à la régulation des rapports sociaux au sein des institutions sanitaires, sans toutefois que le plaignant et le professionnel mis en cause ne se rencontrent, ce qui nous laisse penser à une approche substantialiste de la médiation. Or, la médiation professionnelle est prévue dans le dispositif de proximité lors de conflits patents. C'est dire que le modèle anglais s'assimile à l'approche normative. Au même titre que dans les autres champs sociaux, il n'est pas impensable que celle-ci connaisse un essor favorable dans les prochaines années.

2.1.3. En Belgique

L'implantation de la médiation sanitaire a suivi le mouvement lancé par l'OMS. Dès 1999, le gouvernement belge montre la volonté d'élaborer des droits du patient. Il faudra trois ans de débats politiques pour aboutir à la concrétisation de dispositions législatives.

2.1.3.1. Cadre législatif

Une loi «Droits des patients», promulguée en 2002, notifie huit droits et prévoit l'instauration d'une fonction de médiation médicale pour toute plainte relative au non respect de ces droits (art.17) :

«La mission prioritaire de la fonction de médiation est de prévenir autant que possible le dépôt de plaintes. Ainsi, lors de chaque manifestation de mécontentement du patient, la fonction de médiation encourage celui-ci à prendre contact avec le praticien professionnel concerné»75.

Les attentes du gouvernement face à la médiation expliquent les autres missions dévolues à cette fonction qui visent à éviter une procédure de dommage et intérêts :

1. la prévention des questions et des plaintes par le biais de la promotion de la communication entre le patient et le prestataire de soins;

2. la communication d'informations sur l'organisation, le fonctionnement et les règles de procédure de la fonction de médiation;

3. Le traitement des plaintes en vue de trouver une solution;

4. L'information du patient au sujet des possibilités en matière de règlement de sa plainte en l'absence de solution76.

D'autre part, la loi prévoit des conditions relatives à la fonction de médiateur face à «l'indépendance, le secret professionnel, l'expertise, la protection juridique, l'organisation, le fonctionnent, le financement, les règles de procédure et le ressort »77.

Cette même loi institue une commission fédérale «Droits des patients» (art.16) qui a pour mission de conseiller le Ministre de la santé publique, la mise sur pied des services de médiation, l'évaluation de leur fonctionnement et le traitement des plaintes à leur sujet. Au sein de cette commission, un service de médiation fédéral «Droits du patient» est compétent pour le renvoi des plaignants à la fonction locale de médiation et pour le traitement des plaintes provenant des secteurs ambulatoires : médecins privés, soins à domiciles, thérapeutes.

Un arrêté royal datant du 8 juillet 2003 est modifié en mars 2007 par un nouvel
arrêté qui stipule que le médiateur ne peut prendre position au cours du
processus de médiation et relève les notions d'incompatibilité entre la fonction

75 Ibidem, p.12

76 Ibidem

77 Ibidem, p. 13

de médiateur et d'autres emplois au sein de l'institution hospitalière. Une loi récente, datant de mai 2007, prévoit une procédure, dite «no-fault», d'indemnisation des patients lors de dommages causés par des prestations de soins.

2.1.3.2. Pratique

L'hôpital, libre d'instaurer un service de médiation propre ou commun à d'autres institutions, désigne son médiateur par le directeur. Un rapport annuel, non accessible au public, renseigne les autorités sur les activités de médiation.

L'évaluation faite en 2006 par le Conseil national des Etablissements hospitaliers met en exergue un résultat décevant de l'exercice de la médiation hospitalière depuis son instauration :

o une minorité d'institutions hospitalières ont institué la fonction de médiation liée à la relation soignant-soigné;

o une majorité d'entre-elles voient cette fonction dévier vers une gestion de plaintes hétéroclites qui ne relèvent pas des soins : notion «fourre-tout» qui affaiblit l'autorité morale de la fonction de médiation;

o la notion d'indépendance n'est pas respectée lorsque le directeur assume cette fonction de médiation;

o la notion du secret professionnel n'est pas respectée dans des pratiques particulières, comme la transmission de la plainte à l'égard d'un médecin à son chef hiérarchique qui, lui-même, intervient dans le traitement. De ce fait, la fonction de médiation est perçue comme dépendante de la direction et perd son aspect de neutralité78.

Les associations de patients autant que le Conseil national de l'Ordre des médecins expriment leurs insatisfactions face au fonctionnement de ces services : flou législatif quant à l'indépendance et aux compétences des médiateurs locaux et aux champs d'activité de la médiation. Quant aux tiers concernés, ils émettent le souhait d'améliorer leur pratique. Dans le but de mener une réflexion de fond sur les enjeux et la pratique de la médiation, les

78 Ibidem, p.13 : Conseil national Fonction de médiation-loi du 22 août relative aux droits du patient. Bulletin 113 (22.04.06) »

médiateurs francophones et néerlandophones ont créé, en 2005, deux associations soeurs de médiateurs en institution de soins (AMIS79.- WOVAZ)80. C'est dire que la médiation hospitalière belge ne répond pas aux attentes de départ.

La médiation hospitalière est pensée dans sa logique instrumentale de gestion des conflits dans un but gestionnaire d'améliorer les prestations de soins et d'éviter les procédures de dommage et intérêts. L'absence de définition de la médiation et du profil du tiers dans la loi relative aux droits des patients est un terrain propice à la diversité d'interprétation et de pratiques qui se rapprochent de l'arbitrage : prise de position du tiers, recommandations. L'exemple belge s'inscrit donc davantage dans une dimension de contrôle social que dans une logique de défense des droits des patients et de restauration du lien social. La révision successive des textes, ajoutée à la réflexion des médiateurs sur leurs pratiques - et dans un pays coutumier des rapports négociés dû à son contexte multiculturel -, nous laissent en présager un développement ultérieur favorable dans sa dimension normative, quand bien même l'on perçoit des résistances au niveau gestionnaire et une volonté politique mitigée d'en comprendre les enjeux sociaux. Pourtant, il ne faut pas négliger le fait que la Belgique se dirige vers un état confédéral de type suisse qui risque, par la redistribution des pouvoirs centraux aux provinces, de provoquer une fragmentation des législations sur la médiation.

Pour conclure, il est intéressant de relever que l'environnement hospitalier belge est confronté à des problèmes liés à l'interculturalité. Elisabeth Volckrick81 évoque, sans autre précision, le besoin de médiation culturelle liée aux difficultés de langue mais également à la diversité des conceptions de la santé qui s'est traduite par 65'000 interventions en dix-neuf langues dans les hôpitaux belges durant l'année 2005. L'on peut supposer l'existence de personnes-relais - idée développée depuis plusieurs années en France - issues des communautés migrantes représentatives qui font office de traducteurs au sein de la relation soignant-soigné.

79 http://www.mediateurs-amis.be/

80 E. Volckrick, «Médiation et santé», Actes du colloque CEMAJ-IDS, 1er juin 2007, Ed. Weblaw Berne, Schultess Zürich- Bâle, 2008, p.24

81 Ibidem, p. 24-25

2.1.4. En Italie, l'expérience toscane

L'Italie connaît une importante réforme dès 1990, qualifiée par Manuel Bellonzi82 de «révolution copernicienne» en termes de réorganisation de l'administration centrale et locale. Dès 1992, le système sanitaire national (SSN) subit une révision de fond de ses réglementations.

2.1.4.1. Cadre légal national

Un nouveau Décret (No 502- 30.12.92) concède l'article 14 aux droits des citoyens et à leur protection administrative. La protection des droits du patient est alors pensée dans une logique extra-juridique. Par des principes d'efficience, d'économicité et de fiabilité, cette loi prévoit la mise sur pied d'un dispositif d'amélioration des prestations qui repose sur la participation des «citoyens - usagers-patients»; en cas d'insatisfaction, ceux-ci peuvent désormais déposer, par voie administrative, «une observation, une opposition, une dénonciation ou une plainte» dans un délai de 15 jours. Ce même droit est octroyé aux associations représentatives de la communauté L'expression du patient devient donc la référence en termes d'évaluation non seulement du respect de ses droits, mais également de la qualité des prestations de soins sur les points professionnels techniques et sur «les aspects relationnels et organisationnels» :

«... la personnalisation et l'humanisation de l'assistance, le droit à l'information, les prestations hôtelières, ainsi que le fonctionnement de l'activité de prévention des maladies ...]. Pour la première fois, le thème de la protection extrajudiciaire des droits des usagers est abordé dans les cas où des actes ou des comportements empêchent ou limitent l'accès à des prestations d'assistance2»83.

Un Décret du Président du Conseil des Ministres de 1995 réaffirme l'objectif de la Charte des services sanitaires publics, à savoir la protection des droits des usagers et le droit à la plainte, comme le prévoit le Décret No 502.

82 M. Bellonzi, «Médiation et santé», actes du colloque CEMAJ-IDS, 1er juin 2007, Ed. Weblaw Berne, Schulthess, Zürich-Bâle, 2008, p. 4

83 Ibidem, p. 5-6

L'expression de l'insatisfaction est alors destinée à la mesure de la qualité du service telle qu'elle est perçue par les usagers et non plus à l'évaluation des aspects professionnels techniques. Pour ce faire, deux organes internes à l'hôpital sont prévus par la loi :

o organe de première instance : le Bureau des Relations avec le Public (BRP) chargé d'initier des améliorations et de gérer les plaintes, la décision finale relevant de la direction;

o organe de seconde instance : la Commission Mixte de Conciliation (CMC) destinée à étudier les problématiques mises en exergue par la plainte, en collaboration avec les associations de volontaires et de protection. Présidée par le Médiateur régional84, la CMC se compose de collaborateurs de l'institution hospitalière et de représentants associatifs. Cette instance est censée enquêter plus que traiter les conflits sur un mode négocié.

La mise en application de ce dispositif de protection s'effectue selon les conditions spécifiques à chaque région.

2.1.4.2. Pratique toscane

Dès 1995, la Toscane adopte une Délibération de la Junte Régionale destinée à l'application de la Directive sur la Charte des services sanitaires publics et, plus spécifiquement, à la mise en vigueur d'un projet de règles liées à la protection des usagers-patients. Celles-ci visent à renforcer les aspects qualitatifs de l'activité sanitaire et les mesures de protection requises par le Décret national No 502. En 2004 et 2006, des ajustements législatifs tentent de «débureaucratiser» la procédure de plainte en instaurant la possibilité de rencontre entre le plaignant et les personnes mises en cause en vue d'une conciliation. Le dispositif ne prévoyant pas de système « Dommage et intérêts », le but de ces rencontres est bien de traiter le conflit à sa source et de reconstruire le rapport de confiance entre le patient et le soignant :

84 Médiateur régional : greffé sur l'organisation administrative régionale-rôle de défenseur des droits civiques, chargé d'enquêtes et de recommandations à l'égard des institutions

«La médiation de la CMC ne peut avoir pour but de produire une mesure contraignante, mais bien de réaliser les conditions d'une satisfaction réciproque des parties. Cette occasion de redonner la parole aux sujets concernés permet d'ouvrir des canaux de communication brisés, de rétablir des liens sociaux compromis, de partager à nouveau un même langage ou d'en créer un nouveau»85.

Les plaintes des usagers-patients font l'objet d'une étude par un Observatoire régional de la Charte des services sanitaires publics. Celles-ci se répartissent en huit catégories : «les aspects relationnels, l'humanisation, les informations, les temps d'attente, les aspects hôteliers et de confort, la structure et la logistique, les aspects bureaucratiques et administratifs et les aspects technicoprofessionnels». La relative stabilité du nombre de plaintes enregistrées et traitées en majorité par le BRP dans trois établissements hospitaliers entre 1999 et 2005 - moyenne annuelle de 2'800 plaintes - relève une variation significative entre les diverses catégories : diminution au niveau des aspects bureaucratiques, administratifs et technico-professionnels (14,5%),
augmentation au niveau des aspects relationnels (19%) et des temps d'attente (31,5%)86. Le nombre de dossiers traités par les CMC entre 2003 et 2005 ant plus que doublé en trois ans (77 à 159 plaintes). Manuel Bellonzi explique cette variation brutale par la mise en oeuvre successive de plusieurs commissions dans l'ensemble du réseau régional. A fin 2005, quatorze hôpitaux - des seize institutions que compte le panel hospitalier toscan - sont dotés d'une CMS.

Le modèle toscan reflète cette recherche de régulation sociale visant à quitter la logique juridique du règlement des conflits pour garantir la protection du citoyen-patient. A la lumière des statistiques qui mettent en exergue une augmentation du contentieux liée aux rapports soignant-soigné, l'auteur entrevoit des perspectives de développement de la médiation sanitaire toscane du fait d'un besoin évident d'approches amiables rapides et peu coûteuses pour résoudre les conflits d'ordre relationnels :

«Si l'on pense à toutes les hypothèses de conflit qui concernent la dynamique relationnelle entre médecins et patients, on comprendra aisément qu'il n'est pas possible de trouver un juge habilité à trancher de telles controverses»87.

85 M. Bellonzi, «Médiation et santé», actes du colooque CEMAJ-IDS, 1er juin 2007, Ed Weblaw Berne, Schulthess Zürich-Bâle, 2008, p.11

86 Ibidem , p. 15 : Chiffres 2005 sur un total de 2819 plaintes

87 Ibidem, p. 18

Si la mission intéressante du BRP rappelle le rôle d'alarme du PALS anglais - organe de première ligne qui désamorce les prémices de tension, le BRP résolvant plus de 90% des plaintes - la médiation toscane des CMC relève d'une approche substantialiste décrite par Jacques Faget88 à savoir le règlement du conflit, l'établissement de la communication, la construction d'un monde commun et une confusion entre les concepts de médiation et de conciliation. Il faut savoir que les CMC toscanes se composent de sept membres devant lesquels les parties sont censées communiquer et restaurer des liens brisés. L'on peut aisément imaginer la pression de masse exercée sur les parties au moment de la séance. Rien ne laisse penser à un processus dans lequel le tiers, impartial et neutre, tente d'amener les parties à trouver elles-mêmes des solutions. D'autre part, le médiateur régional assure une fonction administrative d'Ombudsman dont le rôle est de défendre les intérêts citoyens. Son approche ne peut être considérée dans sa dimension normative. La constance du nombre de dossiers enregistrés et la surenchère d'insatisfaction provenant des aspects relationnels - corrélés à une culture du combat qui juridicise les rapports sociaux89 et à une culture religieuse catholique peu encline aux rapports transversaux - ne nous permettent pas de penser que la médiation puisse se profiler aussi facilement dans les «niches institutionnelles» toscanes, voire italiennes à l'instar des exemples précédents. De ce fait, la culture de la médiation peine à prendre racine dans tous les champs sociaux italiens confondus.

2.1.5. Synthèse

A la lumière de que nous venons de voir, nous relevons que chaque pays étudié a intégré les droits des patients dans sa législation ou dans un cadre formel et a procédé à la mise en place d'un système de régulation des plaintes non juridictionnel suite à la Déclaration de la promotion des Droits des patients de l'OMS en 1994. Selon leur culture et les motivations des pouvoirs publics, ce dispositif vise, dans trois cas sur quatre, à défendre ou à protéger les droits du

88 J. Faget in «Médiation et action publique -La dynamique du fluide», (sous la dir. de) , Ed. Presses universitaire de Bordeaux, 2005, p.12

89 Scatolero Duccio, cours Master , IUKB, 2007

citoyen-patient-consommateur, la Belgique souhaitant prévenir les plaintes dans une logique de contrôle social. La gestion des plaintes est intégrée au processus de qualité interne et, dans le cas du PALS anglais, au processus d'amélioration au niveau national. Chaque système de régulation des plaintes ambitionne de favoriser la communication au sein des institutions hospitalières, dont trois encouragent explicitement l'expression de l'insatisfaction, la Belgique se montrant plus réservée à cet égard. Trois pays sur quatre disposent d'une instance de recours interne, le Patient Manager norvégien intervenant en seconde ligne. Dans deux cas, une offre d'aide de proximité agit en amont du dépôt officiel de plainte. Il s'agit du PALS anglais et du BRP italien. Enfin, la médiation est pensée dans son approche substantialiste dans trois pays sur quatre, l'Angleterre faisant appel à des médiateurs formés et agréés.

Approches de médiation et niveau d'intervention

Synthèse

Norvège

Angleterre

Belgique

Italie

Types d'approches en médiation

Substantialiste

Normative

Substantialiste

Substantialiste

Niveau interne

 

Complaint Manager

Patient Advice and
Liaison Service PALS

Médiateur sans
formation

Médiation
culturelle

Bureau des
relations avec le
public BRP
Commission mixte
de conciliation
CMC

Niveau régional

Patient -
Ombudsman

Médiateur certifié
indépendant

 

Médiateur régional

Niveau national

County Medical
Officer

Norvegian System
of Compensation

Health Service
Ombudsman

Commission
Fédérale « Droits
de patients »

Médiation

 

Nous passons maintenant à l'état des lieux de la médiation sanitaire en Suisse romande.

2.2. Expérience de médiation santé en Suisse romande

Pour des raisons linguistiques, nous avons ciblé notre recherche sur les cantons de langue française, à savoir Vaud, Genève, Jura, Fribourg, Valais et Neuchâtel. L'analyse romande porte sur les textes légaux qui régissent la fonction de médiation et sur sa mise en pratique. Nous avons procédé au recueil des données pratiques par un stage au Bureau cantonal de médiation

santé vaudois (BCMS), une rencontre avec la médiatrice jurassienne, un entretien téléphonique avec les médiateurs valaisans et genevois et un échange de courriel avec le médiateur fribourgeois.

2.2.1. Analyse des cadres législatifs

Nous relevons d'emblée que le canton de Neuchâtel n'a pas instauré de fonction de médiation, l'autorité de conciliation en matière de santé et le service de la santé publique, par le médecin cantonal, faisant office de dispositif de recours. Concernant les cinq cantons qui intéressent donc notre étude, la médiation s'inscrit dans les lois de santé cantonales entre 1996 et 200690.

Pour Johanne Gagnebin, la place de la médiation dans les textes de loi respectifs est d'importance car celle-ci détermine la nature de ses liens avec les instances de surveillance et de recours existants :

«Le canton de Vaud insère la médiation dans les dispositions concernant l'organisation et les compétences des autorités chargées de l'application des lois sanitaires et prend forme d'un organe indépendant de l'administration, mais rattaché au Conseil d'Etat. Le canton de Genève la place dans le chapitre consacré aux autorités, mais renvoie pour les détails à la loi cantonale sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients. Les cantons de Fribourg, du Jura et du Valais préfèrent la placer, respectivement, pour les deux premiers dans les dispositions concernant les droits des patients et, pour le troisième, dans celles concernant la relation entre les patients, professionnels de la santé et établissements sanitaires»91.

Hormis l'exemple vaudois92 qui relie le médiateur aux deux commissions d'examen des plaintes, la médiation dans les autres cantons est articulée à la commission de surveillance des professionnels de la santé et des droits des patients de manière plus ou moins accentuée. Cette relation est perceptible au

90 Loi VS sur la santé du 9 février 1996 (RSVS 800.01) / Loi FR sur la santé du 16 novembre 1999 (RSF 821.0.1) / Loi VD sur la santé publique du 29 mai 1985, modifiée le 19 mars 2002 (RSV 800.01) / Loi GE sur la santé du 7 avril 2006 (RSG K 1 03) / Loi JU du 14 décembre 1990, modifiée le 20 décembre 2006 (RSJU 810.01)

91 J. Gagnebin in «Médiation et santé», actes du colloque CEMAJ-IDS, 1er juin 2007, Ed. Weblaw Berne, Schulthess Zürich Bâle, 2008, pp.55-56

92 Vaud : Règlement du 17 mars 2004 sur le médiateur, l'organisation des commissions d'examen et des plaintes de
patients, le fonctionnement du Conseil d'Etat et la procédure en matière de sanctions et de retrait d'autorisation

travers des règles d'application qui concernent le statut du médiateur, ses compétences et la procédure de médiation93.

La définition de la médiation n'apparaît pas dans les législations et les termes utilisés dans les textes pour qualifier le conflit et réglementer la procédure rappellent une approche plus juridique qu'amiable : «litige, affaire, convocation, citation, assignation, instruction, comparaître, négociation, conciliation ». A cet égard, Johanne Gagnebin estime qu'il est rendu difficile aux patients et professionnels de la santé de se situer par rapport à la conciliation ou l'arbitrage, de se faire une idée précise de la médiation et d'en mesurer les avantages spécifiques. Cette confusion pourrait être renforcée par la possibilité d'assistance juridique prévue dans les dispositions jurassienne, valaisanne et fribourgeoise. La présence d'un juriste dans le processus risque de dénaturer les objectifs de la médiation -qui rappelons-le, consistent en la restauration de la communication, la réappropriation du conflit par les parties, la recherche commune de solutions et la restauration du lien social- par une approche plus juridique que communicationnelle,

Concernant la formation du médiateur, la loi jurassienne définit les compétences requises pour la fonction de médiation à l'art. 4, al. 3 de l'Ordonnance sur les droits des patients : formation sans précision, expériences et compétences relationnelles.

Les dispositions genevoises à cet égard sont les plus complètes, les critères de sélection étant liés à l'inscription du médiateur sur une liste de professionnels agréés par le Conseil d'Etat94.

En ce qui concerne les droits des patients, nous relevons que trois lois sur cinq
contiennent les neufs droits élaborés par Sanimédia, le Jura et le Valais n'ayant

93 Genève : loi sur la commission de surveillance des professionnels de la santé et des droits des patients, du 7 avril 2006 (K 3 03) et le règlement sur la constitution et le fonctionnement de la commission de surveillance des professionnels de la santé, du 22 août 2006 (K 3 03.01) / Fribourg : règlement du 21 novembre 2000 concernant les fournisseurs de soins et la commission de surveillance (RSF 821.0.12) / Valais : ordonnance du 20 novembre 1996 sur l'exercice des professions de la santé et leur surveillance (RSVS 811.10) / Jura : ordonnance du 24 avril 2007 concernant les droits des patients (RSJU 810.021) qui réglemente aussi les compétences du médiateur et la procédure face à l'autorité de surveillance des professions de la santé

94 RComPS GE, art. 9, al. 4, lettres a -f

pas retenu d'articles concernant le droit d'être accompagné. Enfin, si le canton de Genève assimile l'approche en médiation à la gestion des conflits opposant patients et professionnels de la santé dans une logique d'intérêt public, les quatre autres cantons la relient à la protection des citoyens et à la promotion des droits des patients dans les cas vaudois et fribourgeois.

Aucune législation ne prévoit une reliance entre la gestion des plaintes,
l'instance de médiation et un processus d'amélioration des prestations de soins.

Une corrélation plus ou moins proche entre le gouvernement et la fonction de médiation existe dans les cinq cantons :

o les Conseils d'Etat vaudois, jurassien et valaisan détiennent le pouvoir de

nommer le médiateur avec une spécificité vaudoise : le tiers est

préalablement désigné par la Commission d'examen des plaintes;

o la commission de surveillance fribourgeoise nomme un de ses membres;

o le médiateur genevois prête serment devant le Conseil d'Etat avant de

s'inscrire sur un tableau de médiateurs agréés.

Le rapport de dépendance accru, perceptible dans les modèles des cantons de Vaud, Jura, Valais et Fribourg, pourrait mettre en question les notions d'indépendance et de confidentialité indispensables à l'exercice de la médiation. Il faut relever que les lois vaudoise95 et genevoise96 stipulent clairement la notion d'indépendance du médiateur face aux autorités, l'exemple vaudois allant jusqu'à définir cette indépendance au niveau du fonctionnement global. Les dispositions genevoises limitent le temps de procédure à trois mois, prévoient la transmission de l'accord pour information au bureau de la commission de surveillance qui peut interrompre ladite procédure en cas d'intérêt public97, respectant l'autonomie du médiateur au sein du processus. Seul Genève s'assure de l'absence de pouvoir du médiateur sur les parties98.

95 LSP VD, art. 15a, al.2

96 RComPS GE , art. 10, al.1

97 LCSPSDP GE, art. 16, al.1, 2, 3, 5

98 Op cit

L'on peut donc admettre que les modèles des cantons de Vaud et de Genève respectent de manière plus tangible que les trois autres les aspects d'indépendance et de confidentialité propres à la médiation.

Enfin, la possibilité de saisir directement l'instance de médiation existe dans quatre cantons, la commission de surveillance genevoise étant habilitée à recevoir toute plainte et, le cas échéant, à orienter le patient vers un médiateur agréé. Dans ce cas seulement, la procédure genevoise est gratuite. Le Valais prévoit un «modeste émolument», alors que les trois cantons restants stipulent clairement la gratuité de la procédure dans leurs textes.

2.2.2. Analyse des pratiques

Cette analyse de pratiques tentera de classifier les cinq fonctions de médiation selon la définition de l'instance de médiation, selon Jean-Pierre Bonafé Schmitt, qui repose sur le statut du tiers et sur son mode d'action. Rappelons-en les caractéristiques : indépendance, impartialité, absence de pouvoir et mode d'action communicationnelle non instrumentale.

2.2.2.1. Vaud : Le bureau cantonal de médiation santé

La médiatrice vaudoise, au bénéfice d'un doctorat en sciences de gestion et d'une formation universitaire en médiation, est liée par un contrat de travail au département de la santé. Engagée à plein temps, elle gère les dossiers de plaintes et promeut la culture de la médiation et les droits des patients dans les institutions de soins et les associations civiles. Responsable du Bureau cantonal de médiation santé (BCMS), elle jouit d'une totale indépendance environnementale, organisationnelle et fonctionnelle. Seul un rapport annuel informe les pouvoirs publics de ses activités et met en exergue des problématiques de santé publique sujettes à réflexion. La loi ne prévoyant pas de suppléant en cas de récusation, la médiatrice peut faire appel à un ancien stagiaire fort de compétences reconnues en médiation et de connaissances du domaine de la santé.

La pratique vaudoise s'apparente à la conception normative de la médiation enseignée à l'IUKB : entretien préalable, séance de médiation dans une logique communicationnelle, évaluation de la mise en application des accords. L'élaboration des accords repose sur des aspects d'amélioration de comportements et de prestations de soins en lien avec les droits des patients. Ceux-ci sont signés par chaque partie quelques jours après la séance, leur laissant ainsi le loisir de se récuser.

Depuis l'ouverture du Bureau de médiation en mai 2004, plus de 600 dossiers de plaintes ont été traités par la médiatrice, dont le tiers en médiation.

Les quatre notions qualifiant une instance de médiation sont, à notre avis, présentes dans cet exemple, ce qui permet d'expliquer le résultat de l'activité du Bureau depuis son ouverture.

2.2.2.2. Genève : L'instance de médiation

Les trois médiatrices genevoises désignées par le Conseil d'Etat répondent aux critères de reconnaissance de la Fédération suisse de médiation (FSM). Formées en médiation familiale, deux d'entre-elles possèdent une formation initiale d'avocate, de laborantine pour la troisième. L'approche en médiation prévoit un entretien préalable et privilégie en séance la reprise du dialogue pour tenter de concilier les parties dans la rationalité gagnant-gagnant.

Alors que la loi mentionne clairement qu'un mandataire n'est pas admis dans le processus, celui-ci est accepté tacitement, mais plutôt déconseillé par le tiers saisi. Les plaintes émanent principalement d'un défaut de communication. Depuis l'instauration de la médiation sanitaire en 2007, la commission de surveillance a transmis six dossiers au total, ce qui ne satisfait pas les médiatrices attitrées qui souhaiteraient plus d'indépendance et une procédure moins formelle afin de favoriser l'essor de la médiation dans ce domaine. Fervent défenseur de la médiation, le conseiller d'Etat en charge du

Département de la santé souhaitait traiter la moitié des dossiers de plaintes par ce biais.

L'indépendance relative des médiatrices face à la commission de surveillance peut expliquer en partie le nombre restreint de plaintes traitées en médiation. Un deuxième facteur défavorisant est lié au mode de saisine qui définit sa gratuité : une procédure de médiation enclenchée par une saisine directe est payante au tarif habituel. A contrario, si le plaignant est orienté vers la médiatrice par la commission, la procédure est gratuite. Considérant les propos recueillis et la loi qui définit les notions d'indépendance et d'absence de pouvoir, ajoutée à cela une formation ad hoc, nous estimons que l'approche genevoise correspond à la qualification d'une instance de médiation.

2.2.2.3. Fribourg : La fonction de médiation

Le médiateur fribourgeois est formé spécifiquement à la médiation santé. La question de la supervision était en cours au moment de l'enquête, fin septembre 2008.

Les séances de médiation se passent dans les locaux de la direction du Service de la santé publique. Toute personne susceptible d'aider à la résolution du conflit est admise, mandataire inclus. Cependant, le processus réunit le plus souvent les parties en conflits et le tiers. La procédure utilisée consiste en un téléphone ou entretien préalable avec chaque partie suivi d'une à trois séances de médiation de 1 heure et demie à 2 heures qui suffisent en principe à résoudre le conflit. Une copie des accords signés est classée dans un dossier qui réunit l'ensemble des éléments de plaintes : ce dossier n'est accessible qu'aux parties et au tiers.

Le processus de médiation se divise en plusieurs étapes : consentement à la médiation, facilitation au dialogue, emphase et reformulation. L'action du tiers favorise la recherche de solutions par les parties elles-mêmes. Annuellement, six à huit plaintes sont traitées en médiation, dont 80% aboutissent à un accord

et 60% permettent la restauration du lien social entre le patient et le professionnel de la santé.

A l'instar de l'exemple genevois, nous retrouvons une indépendance relative face à la commission de surveillance qui reçoit les plaintes et oriente le patient ou non en médiation. D'autre part, les médiations s'effectuent dans des locaux étatiques. Mis à part ce bémol, nous estimons que la médiation fribourgeoise relève d'une instance de médiation si l'on considère l'autonomie laissée au médiateur dans la conduite de la procédure et du processus.

2.2.2.4. Jura : Le service de médiation santé

Les textes de loi jurassiens précisent certains critères en termes de formation et de procédure. Or, la médiatrice désignée par le Gouvernement n'est pas formée en médiation. Médecin, elle a suivi une sensibilisation de deux jours à la médiation.

Le processus utilisé est le suivant :

o écoute empathique par téléphone;

o proposition d'une rencontre avec le professionnel mis en cause; o envoi du résumé de la plainte au mis en cause;

o entretien téléphonique avec le mis en cause.

L'entretien empathique suffit à apaiser la majorité des patients qui refusent, en principe, une rencontre avec le professionnel de la santé. Entre le 1er janvier et le 30 septembre 2008, douze plaintes ont été enregistrées, dont une a suscité la rencontre des parties. Dans ce cas, une salle et une secrétaire du Service de la santé publique sont mis à disposition. Un procès-verbal signé en fin de séance est remis à chaque partie, une copie étant réservée au Service de la santé publique. La médiatrice estime que le service de médiation répond en partie aux attentes des patients insatisfaits, le reste relevant d'attentes irréalistes.

2.2.2.5. Valais : La fonction de médiation

La situation valaisanne francophone est proche de l'exemple jurassien. Des dispositions législatives précisent la procédure, alors que celles-ci ne sont pas appliquées. Le médecin-médiateur du Bas-Valais n'est pas formé en médiation, ni en communication. Aucune rencontre entre les parties en conflit n'a eu lieu depuis son début d'activité en 2004. La procédure d'ordre administratif repose, dans un premier temps, sur une évaluation de la problématique sur dossier, voire par un entretien avec le plaignant pour compléter les données. Dans un deuxième temps, le «confrère» est contacté par téléphone pour un entretien de sensibilisation : le médiateur tente alors de le persuader d'envoyer des excuses ou une explication écrite au plaignant. Cette activité est compatible avec l'exercice de sa profession dans la mesure où il traite trois plaintes annuelles. Un rapport circonstancié, établi par sa secrétaire, justifie de son activité auprès des autorités chargées de le rémunérer. Le médiateur interrogé estime que cette fonction doit être exercée par un médecin fort de compétences relationnelles et de connaissances spécifiques du domaine médical.

Les notions d'indépendance, d'impartialité, d'absence de pouvoir et de mode d'action communicationnelle non instrumentale ne sont pas présentes dans ces deux exemples. La gestion des conflits consiste en une approche hybride entre régulation naturelle empirique et gestion administrative. A notre avis, il n'existe pas de médiation sanitaire au Jura et en Valais.

2.2.3. Synthèse

La médiation sanitaire en Suisse romande - mis à part le cas du canton de Neuchâtel - s'est instaurée dans les législations sur des modèles hétérogènes dont certains traits communs peuvent être mis en exergue :

o l'instance ou la fonction de médiation est rattachée aux pouvoirs publics et placée hors des institutions hospitalières;

o l'offre de médiation concerne les conflits opposant professionnels de la santé et patients dans l'ensemble du domaine sanitaire cantonal;

o elle ne concerne pas les résidants à demeure des établissements sociaux tels que des institutions pour handicapés;

o aucune définition de la médiation n'est déclinée dans les dispositions législatives cantonales;

o les termes utilisés dans les textes font référence à une approche plus juridique que communicationnelle.

En conséquence, nous estimons que l'institutionnalisation de la médiation santé dans les cantons étudiés répond à une nécessité de moyens de contrôle social. A l'instar de la situation internationale, la médiation suisse romande est pensée dans sa logique instrumentale de gestion des conflits, ignorant les avantages sociaux plus larges qui reposent sur ses aspects communicationnels et pédagogiques : établissement d'un dialogue éthique, restauration de la confiance et du lien social.

Concernant l'analyse des pratiques, nous relevons que trois cantons sur six ont mis sur pied une fonction de médiation apparentée aux critères d'une instance, décrite par Jean-Pierre Bonafé-Schmitt.

Enfin, si les textes traduisent la volonté politique unanime d'utiliser la médiation dans sa rationalité instrumentale de gestion des conflits, il semble que la formation du tiers puisse orienter le processus vers une approche plus communicationnelle propice à la construction de l'intercompréhension selon Habermas. L'indépendance environnementale et fonctionnelle, le mode de saisine directe, la confidentialité et la promotion de la culture de la médiation et des droits des patients qui caractérisent le modèle vaudois paraissent également jouer en sa faveur.

Panorama des dispositions
cantonales

VD

GE

JU

FR

VS

Désignation du médiateur

Conseil d'Etat

Liste par

Conseil d'Etat

Gouvernement

Commission
surveillance

Conseil d'Etat

Critères de désignation

 

Formation universitaire 30 ans Expérience

Connaissances juridiques et médicales Qualification et aptitudes a la médiation Probité

Formation Expériences

Compétences relationnelles

Membre

Commission de surveillance

 

Révocation du médiateur

Commissions

Conseil d'Etat

Elu pour 4 ans

 
 
 
 
 
 
 
 

Domaine de compétences

Droits patients Information

Aide aux parties

Droits patients

Droits patients Information

Droits patients

Groupes cibles

Patients Résidant

Patients Professionnels.

Patients

Patients

Patients

Limites de compétences

Q. financieres

Intént public

Honoraires

Honoraires Comportements professionnels

H onoraires Comportements professionnels incorrects

 
 
 
 
 
 

Pouvoir sur la procédure

 

Commission

 
 
 

Délai de procédure de médiation

 

3 mois

 
 
 

Procédure gratuite

OUI

OUI

 

OUI

NON

 
 
 
 
 
 

Saisine

Directe

Commission

Directe

Directe

Directe

Mandataire accepté

NON

NON

OUI

OUI

OUI

Accompagnant du patient

OUI

 
 
 
 

Procès verbal de la séance

 
 

OUI

 
 
 
 
 
 
 
 

Indépendance

OUI

OUI

 
 
 

Impartialité - neutralité

Récusation

Récusation

Suppléance

Suppléance Récusation Suppléance

Récusation

Confidentialité

OUI

OUI

OUI

OUI

OUI

Absence de pouvoir

 

OUI

 
 
 

Tableau comparatif
des pratiques

VD

GE

JU

FR

VS

Formation en médiation

OUI

OUI

NON

OUI

NON

Autres formation

Dr en sciences
de gestion

Avocat-
laborantine

Médecin

Non enregistré

Médecin

Gestion des conflits

médiation

médiation

administrative

médiation

administrative

Organisation d'échange

OUI

OUI

NON

OUI

NON

Nombre de plaintes traitées

160 / an

6 / 2 ans

12 en 9 mois

6 -- 8 / an

3 / an

Instance de médiation

OUI

OUI

NON

OUI

NON

Indépendance

OUI

OUI

NON

OUI

NON

Impartialité

OUI

OUI

NON

OUI

NON

Absence de pouvoir

OUI

OUI

NON

OUI

NON

Action communicationnelle non instrumentale du tiers

OUI

OUI

NON

OUI

NON

2.3. Conclusions

En conclusion, les pouvoirs publics ont su s'adapter aux changements des rapports sociaux entre patients et professionnels, notamment induits par l'apparition des droits des patients en s'efforçant, de façon plus ou moins réussie, de créer des espaces d'expression et de communication dans un but de régulation ou de contrôle social, espaces dans lesquels la médiation s'est profilée en épousant la forme de son contenant :

o modèles anglais et genevois : intervention d'un médiateur externe, formé et reconnu par les autorités;

o modèle fribourgeois : médiateur formé, issu de la commission de surveillance;

o modèle belge : médiateur sans formation, collaborateur de l'institution sanitaire;

o modèle norvégien : Ombudsman externe à plein temps, équipe d'experts;

o modèle vaudois : médiateur formé à plein temps, promotion de la culture de la médiation;

o modèle italien : commission conciliatoire.

On peut se demander pour quelle raison la défense des droits des patients ne concerne que le domaine hospitalier dans les pays européens, alors que les trois instances de médiation romandes offrent leurs prestations pour les plaintes issues du domaine sanitaire primaire et secondaire. Qu'advient-il des insatisfactions liées aux prestataires de première ligne tels que les médecins installés, les services de soins à domicile ? La même question se pose de manière générale sur le sort de l'insatisfaction issue des institutions sociales ou spécialisées pour personnes handicapées. Une révision de la loi de santé publique vaudoise en cours va dans ce sens en prévoyant d'étendre l'offre de médiation santé à tout citoyen résidant à demeure dans une institution sociale ou spécialisée. C'est dire que les autorités vaudoises favorisent l'expression du plaignant et soutiennent le développement de la démocratie sanitaire.

L'on peut envier le système anglais qui intègre de manière manifeste la gestion des plaintes au système Qualité global.

Il est toutefois regrettable que l'essor de l'approche normative de la médiation reste modeste en Europe et que les politiques s'intéressent à sa logique de gestion des conflits, alors que ses rationalités communicationnelle et pédagogique génèrent autodétermination et responsabilisation des acteurs du conflit et participent à la restauration de la confiance de la population dans son système de soin, à la cohésion sociale et à l'amélioration de la qualité des soins. Les autorités belges, genevoises et fribourgeoises montrent, à notre avis, une certaine ambivalence face à la médiation malgré son instauration. Des facteurs défavorisant son essor sont probants : main mise des commissions de surveillance sur la saisine pour les uns, choix de tiers non formés pour l'autre. Comment expliquer ce phénomène. D'une part, la protection des droits des patients incombe à l'Etat et la médiation répond à des critères économiques et temporels avantageux (rapide, simple, peu coûteuse). D'autre part, la symbolique de paix que le terme suscite dans les esprits et l'aspect confidentiel du processus qui entretient une image «mystique et occulte» peuvent engendrer une crainte de perte de contrôle.

C'est dire la méconnaissance manifeste de la médiation et de ses avantages et la nécessité de promouvoir sa culture au sein de la collectivité.

Après ce survol européen, nous passons au chapitre suivant qui présente une analyse pointue du Bureau cantonal de médiation santé vaudois, modèle qui à notre avis répond à l'éthique de la médiation autant qu'aux attentes des intéressés : politiques et plaignants.

3. LA MÉDIATION SANTÉ : LE MODÈLE VAUDOIS

Comme nous venons de le voir dans l'analyse précédente, le Bureau cantonal de médiation santé (BCMS) est un fait unique en Suisse romande. Ouvert en 2004, son champ d'activité s'étend au domaine de santé public ou privé, offrant des prestations de médiation entre patients et professionnels de la santé en situation de conflit, des entretiens d'évaluation et d'orientation et des séances de promotion des droits des patients au sein de la collectivité associative et professionnelle. Unique en son genre par son caractère indépendant au niveau fonctionnel et environnemental, le BCMS respecte l'entière confidentialité, exempt de tout droit de regard étatique sur le traitement des dossiers de

plaintes. Seul un rapport annuel renseigne les autorités sur le fonctionnement global du service et sur ses activités. Le modèle de médiation utilisé poursuit les objectif centraux de restauration du lien social entre le soignant et le soigné ou ses proches et l'amélioration de la qualité des prestations de soins. L'action du tiers favorise la communication, l'instauration d'un dialogue équitable entre les parties et l'action commune de recherche de solutions. Les protagonistes se réapproprient leur conflit et co-construisent de nouvelles normes par l'élaboration d'accords qui les engagent dans l'avenir à des modifications d'attitudes, de comportements et, au niveau des professionnels de la santé, des améliorations organisationnelles ou communicationnelles au sein des structures prestataires de soins. Enfin, le BCMS est un des rares lieux de stages pratiques qui accueille une vingtaine d'étudiants en médiation par an. Nous avons personnellement bénéficié d'une semaine de stage, d'un encadrement formateur et participé à huit séances de médiation.

Pour ces raisons, nous présentons ce modèle de service institutionnalisé qui, nous le verrons dans le prochain chapitre, répond en grande majorité aux attentes des plaignants, à la nécessité de l'«établissement de passerelles» comme l'entend Guillaume-Hofnung entre les différents acteurs du domaine sanitaire en crise mais également aux attentes de l'Etat en termes de régulation sociale et de prévention du non respect des droits des patients.

3.1. L'origine de la demande de médiation santé

Au début des années 90, plusieurs affaires traitant de maltraitance sur des personnes âgées institutionnalisées furent dénoncées par voie de presse. Fait d'urgence, l'Etat mit sur pied une unité de surveillance des prestations de soins dans le cadre des 150 établissements médico-sociaux (EMS) vaudois, ainsi qu'une commission d'examen des plaintes. Plusieurs cantons romands suivirent cette initiative dont Neuchâtel qui créa, en 1992, un poste d'infirmière de santé publique. En 1996, la médiatisation de nouveaux actes de malveillants et des abus financiers dans certains EMS ébranlèrent le canton. Le mode de gestion des plaintes et de surveillance ne suffirent manifestement pas à éviter ces dérives. L'Etat, garant du respect de la dignité de ses citoyens, fut remis en

question. Une enquête parlementaire menée entre 1997 et 2001 mit en lumière des problématiques jugées «sérieuses». Le rapport de la commission releva entre autre :

o une méconnaissance du phénomène de la maltraitance; o une inadéquation de l'appareil légal et réglementaire;

o une sous-dotation en personnel des services concernés;

o un manque de contrôle, une réaction tardive du Conseil d'Etat99.

Ses propositions et recommandations visaient à garantir la protection des personnes très âgées, notamment par le biais d'un renforcement en dotation soignante et en surveillance, d'une amélioration des conditions de travail du personnel, de l'interdiction des mesures de contention et du traitement forcé, de l'instauration d'une Commission d'examen des plaintes (COP) avec anonymisation du plaignant et la mise en place de la médiation, sans oublier l'adaptation des textes de loi et la demande d'une étude universitaire sur la maltraitance. D'autres cas graves émanant d'institutions mirent en exergue la nécessité globale d'une cohérence dans le traitement des problématiques, soit la création d'une deuxième commission destinée à traiter les plaintes émanant du domaine hospitalier aigu. Du point de vue de Pierre-Yves Maillard, actuel chef du DSAS, l'instauration du nouveau dispositif de recours s'imposait : «Il existe une évolution de la société face à l'autorité. On ne peut plus traiter les patients comme avant100». Dès 2002, une commission parlementaire fut chargée de réviser la loi selon les recommandations du rapport d'enquête : accorder plus d'importance aux droits des patients, de leurs proches et définir clairement la mission des commissions d'examen des plaintes et celle du médiateur. Elle fut acceptée en mars 2003. Jean Martin, ancien médecin cantonal, se souvient : «Je n'ai eu aucun problème à passer le projet au parlement [...]. Mais il fallait un service indépendant ! C'était important. Aussi au niveau architectural, hors Etat101». La même année, la commission d'examen des plaintes «Patients» entra en fonction, suivie de peu par l'ouverture du bureau cantonal de médiation santé, le 1er mai 2004.

99 «Rapport de la Commission d'enquête parlementaire sur les EMS», 30 janvier 2001, page 185

100 P.-Y. Maillard, «Entretien du 22 août 2008», Extraits

101 J. Martin, «Entretien du 7 février 2008», Extraits

Par respect des notions de neutralité et de confidentialité propres à la déontologie de la médiation, des locaux détachés de l'appareil étatique furent loués au centre de Lausanne. C'est donc une conjonction d'éléments qui amena la médiation santé à s'inscrire dans le champ sanitaire vaudois : les scandales médiatisés, la pression de mouvements sociaux, la mise en lumière des problématiques, la volonté politique d'y remédier et l'apparition des droits des patients.

3.2. La médiation sanitaire au sein du dispositif de recours

Conseil de santé
16 membres
Mesures disciplinaires- Décision

Commission d'examen des
plaintes EMS
13 membres
Instruction- Préavis

Commission d'examen des
plaintes « Patients »
13 membres
Instruction- Préavis

Bureau cantonal de médiation
santé
1 médiateur formé
Evaluation- Médiation

Le dispositif officiel mis à disposition de la population vaudoise (700'000 habitants) a l'avantage de diversifier le traitement des plaintes selon leur nature : insatisfaction, malpractis, comportements et attitudes incorrects ou abusifs des professionnels. Le BCMS est un organe de premier recours destiné au traitement des plaintes en saisine directe et de manière rapide, gratuite et confidentielle. Les affaires de moeurs, les fautes professionnelles, les différends concernant les honoraires, les vols et spoliations de biens ainsi que les conflits avec des assureurs-maladie ne relèvent pas de la médiation santé vaudoise. La médiatrice, désignée par les commissions d'examen des plaintes et nommée par le Conseil d'Etat, exerce son activité à 100% en totale indépendance. Les compétences lui sont reconnues pour traiter les dossiers relatifs au non respect des droits des patients. En cas de non aboutissement de la médiation, le

plaignant est orienté vers la Commission d'examen des plaintes pour instruction et préavis au chef du DSAS ou au Conseil de santé pour enquête et décision disciplinaire.

3.3. Les objectifs du processus de médiation et les conditions

L'idée qui sous-tend l'action de la médiatrice rejoint, à notre avis, celle de Bonafé-Schmitt, à savoir que la relation soignant-soigné est une relation sociale et non uniquement thérapeutique. De ce fait, le rapport «dominant-dominé» est réajusté par la médiatrice au travers des actes de langage jusqu'à l'instauration d'une «approche plus participative et consensuelle102» servant la compréhension mutuelle et la collaboration des parties à la recherche de leurs propres solutions.

D'autre part, le processus de médiation agit sur le rapport de dépendance instauré dans la relation thérapeutique entre «celui qui sait» et «celui qui demande» en associant les acteurs du conflit à une prise de décision commune et satisfaisante pour chacun : l'élaboration des points d'accords.

Les conditions processuelles amènent le professionnel de la santé à abandonner un langage hermétique et une posture supérieure au profit d'un dialogue éthique.

Le rétablissement de l'équilibre dans le rapport soignant - soigné résulte d'un mode opératoire qui s'inspire de la logique communicationnelle de la médiation basée sur l'organisation des échanges de paroles et la mise en discussion des actes de langage des parties allant vers l'intercompréhension selon BonaféSchmitt.

102 J.-P. Bonafé-Schmitt in «La Santé : cycle de vie, société et environnement», de P. Perrig-Chiello et H.B. Stähelin, Ed. Réalités sociales, Lausanne, 2004 p. 1

3.4. Les étapes communicationnelles

Les étapes communicationnelles103

Disposition personnelles

Se rencontrer

Ecoute - Franchise

S'expliquer sur les faits

Humilité -Ouverture d'esprit

Parler de son ressenti

Capacité à comprendre les explications données

Dissiper les malentendus

Capacité à se remettre en cause

Renouer le dialogue

Capacité à reconnaître ses erreurs

Confronter ses points de vue

Capacité à se mettre à la place de l'autre

Mieux se comprendre

Capacité à présenter ses excuses

Se réconcilier

Capacité à excuser, à pardonner

Restaurer la confiance

Capacité à réparer

Recherche des solutions

Capacité à éviter la reproduction de l'incident

Elaborer un accord

Autocritique

 

Empathie

Selon le nombre de participants, le degré de charge émotionnelle et de souffrance du plaignant, la complexité de la situation et les dispositions individuelles des acteurs, l'exploitation des différentes étapes communicationnelles implique deux à quatre heures de séance, voire une deuxième rencontre de durée comparable. L'explication des événements, du ressenti et les questionnements réciproques dans l'écoute et le respect mutuels enrichissent l'échange de paroles et le débat d'idées utiles à l'intercompréhension.

Le passage d'une étape à l'autre n'est pas linéaire : la réconciliation approchant, il n'est pas rare que le débat d'idées reprenne sur un point ou un autre. L'entrée en médiation requiert néanmoins des médiés quelques dispositions, notamment le désir de résoudre le conflit, de se réconcilier, la sensibilité aux soucis de l'autre et des capacités communicationnelles constructives. La reconnaissance des erreurs, l'expression d'excuses sincères et le pardon désignent une étape clé que nous qualifierons de «seconde rencontre» dans le sens que les personnes, à cet instant précis, entrent dans un registre de communication vrai, humain qui révèle l'établissement d'un rapport équitable par un changement de perceptions réciproques.

103 C. Thouverez, «Présentation du fonctionnement et de l'activité du BCMS», cours IUKB, 2007, p. 3

L'organisation de ces échanges comme l'explique Bonafé-Schmitt permet «une confrontation des points de vue» et une «capacité d'action» en vue d'une recherche de solutions.

3.5. Le modèle d'action de la médiatrice

Comme nous l'avons précédemment énoncé, l'action de la médiatrice repose sur la rationalité communicationnelle de la médiation, ce qui signifie qu'elle crée les conditions processuelles qui facilitent une communication de qualité allant vers l'intercompréhension et la réappropriation du conflit par les parties, devenant alors «actrices de leur conflit : organisation des échanges de paroles, mise en discussion des actes de langage et processus». Il incombe au tiers, par son action d'empowerment, de faire émerger des capacités de langage et l'autonomie de chaque partie et des dispositions de coopération dans la recherche de solutions. Le mode opératoire de la médiatrice vaudoise s'inspire de la théorie de l'agir communicationnel de Habermas dont les effets pédagogiques sur les médiés s'apparentent à l'expérience du monde vécu. Le processus utilisé s'allie au modèle d'action communicationnelle décrit en cinq phases par Bonafé-Schmitt104:

Modèle d'action communicationnelle

 

Modèle du BCMS105

 

1.a.

Entretien préalable avec le plaignant

1. Phase de pré-médiation

1.b.

Entretien préalable avec la personne mise en cause

 

2.a.

Séance de médiation avec les parties

2. Phase de médiation

2.b.

2ème séance en cas de nécessité

3. La recherche de l'accord

3.

Rédaction d'une convention d'accord

4. L'accord de médiation

4.

Signature des accords

5. La vérification de l'exécution de l'accord

5.

Vérification de la mise en place des accords

 

La rédaction d'une convention d'accord sous-entend son élaboration et son projet dans le cadre d'une action commune de recherche de solutions par les parties.

104 J.-P. Bonafé-Schmitt in «La médiation, une alternative à la justice ? », Ed. Syros-Alternatives, Paris, 1992, pp. 211- 226

105 C. Thouverez, «Présentation du fonctionnement et de l'activité du BCMS», cours IUKB, 2007, p. 6

Dans la pratique du BCMS, la signature des accords suit la séance de médiation de quelques jours.

3.5.1. La phase de pré-médiation

L'entretien préalable individuel est destiné à l'analyse de situation :

o «comprendre le vécu de chaque partie;

o cerner les spécificités;

o identifier le ressenti;

o identifier les objectifs, les logiques d'acteur;

o expliquer l'approche en médiation et les règles de comportement; o évaluer si les conditions d'entrée en médiation sont remplies106».

La démarche d'analyse pointue met en lumière la nature de la problématique et son degré de gravité, l'état psychique, les attentes non exprimées (financières) et la capacité de compréhension du plaignant qui déterminent l'entrée ou non en médiation. L'accueil de décharges émotionnelles, parfois intenses, et une explication de l'approche apaisent les personnes et les prédisposent à l'esprit de médiation.

3.5.2. La phase de médiation

La construction de l'intercompréhension par l'organisation des échanges de paroles et l'agir communicationnel de la médiatrice transforme les deux versions initiales des faits en une lecture partagée et une compréhension mutuelle des problématiques. Cette approche communicationnelle crée un espace d'expression au niveau de la pensée et des émotions, un espace d'échange et d'écoute favorable à l'introspection dans lequel se modifient peu à peu les perceptions réciproques. Les transformations cognitives opérées durant cette phase permettent à chaque personne de retrouver son autonomie par la reprise de pouvoir sur elle-même et la reconnaissance de l'autre. Cette mutation profonde se manifeste chez le professionnel de la santé par la

106 BMVD, « Rapport d'activité 2007 », p. 2

reconnaissance de ses torts scellée par l'expression d'excuses ou de regrets sincères et la prédisposition à mener des actions concrètes d'améliorations personnelles ou organisationnelles. Le plaignant, quant à lui, accueille les excuses et lui accorde son pardon.

3.5.3. La recherche d'accords

Cette phase de création se caractérise par l'action commune dans la recherche de solutions satisfaisantes pour les deux parties.

De nouvelles normes relatives à l'amélioration des rapports soignant - soigné et des prestations de soins émergent de cette coopération sous-tendue par l'autodétermination et la responsabilisation. La retranscription écrite des points d'accords sur le flip shart et la vérification auprès des médiés de la justesse des termes aiguisent leur intérêt et favorisent l'appropriation du projet.

3.5.4. L'accord de médiation

L'édiction de ces nouvelles normes suscite apaisement du plaignant et réconciliation des parties. Le contenu des accords porte principalement sur des engagements visant l'amélioration du respect de la dignité du patient et de ses droits et celle des prestations de soins :

o «amélioration du comportement du professionnel de la santé à l'égard du patient ou de sa famille;

o renforcement de la communication avec le patient, sa famille ou ses proches;

o associer le patient, sa famille ou ses proches au projet de soins; renforcer la qualité des soins dans sa pratique personnelle;

o améliorer la prise en charge des patients, de leur famille ou de leurs proches au sein de l'établissement sanitaire dans lequel le professionnel de la santé travaille et en collaboration avec une équipe107».

La signature des accords qui suit la séance de médiation de quelques jours clôt le processus dans la majorité des cas.

107 C. Thouverez, «Implantation de la médiation sanitaire dans le canton de Vaud» : étude de cas», Mémoire DUM, IUKB, Sion, 2005, p. 120

3.5.5. La vérification de la mise en place des accords

Une séance de vérification, préalablement définie au moment de l'élaboration de l'accord, est préconisée dans des situations de relations de dépendance afin d'évaluer l'application des engagements et d'éviter des représailles, notamment lorsqu'il s'agit d'une plainte provenant d'un résidant vivant dans une institution médico-sociale.

3.6. Les limites de la médiation

L'hostilité et l'indifférence aux préoccupations de l'autre, manifestées par certaines attitudes et comportements obligent parfois la médiatrice à mettre fin à la séance de médiation.

Les manifestations inhibitrices de la médiation se caractérisent chez les professionnels par :

o «un manque d'authenticité et d'humilité;

o une impossibilité de se remettre en question et d'améliorer ses prestations (relationnelles et/ou techniques);

o un manque de volonté à résoudre durablement les problèmes énoncés et à
faire évoluer ses propres comportements et/ou voire ceux de l'équipe108».

Concernant les plaignants, nous retenons les attitudes et comportements inadéquats suivants :

o «non-observation des règles et principes de participation : manifestation exacerbée et prolongée de colère, manque d'écoute, refus d'entendre les explications données, impossibilité de progresser, difficultés à accepter les excuses;

o tendances manipulatrices et fausses accusations à l'égard des médecins dans l'espoir d'obtenir des indemnités financières;

o méfiance persistante et enfermement dans des scénarios très négatifs [...] entraînant un rejet des explications données;

o désir de prolonger une situation dramatique qui semble être une raison de vivre ou un moyen de survie;

o incapacité à changer d'avis ou à adopter le point de vue de l'autre;

o comportement paradoxal : satisfaction à l'issue de la médiation, puis refus de signer l'accord109».

108 BCMS, Rapports d'activités 2004, 2005, 2006, 2007

109 C. Thouverez, «Présentation du fonctionnement et de l'activité du BCMS», cours IUKB, 2007, p. 8

D'autre part, les plaintes émanant de personnes atteintes d'une pathologie psycho-organique qui contestent leur traitement ou leur hospitalisation forcée à des fins d'assistance posent la question de leurs facultés de discernement et des risques pour eux-mêmes et autrui. L'analyse de situation demande une approche particulièrement prudente :

«Réflexion et précaution s'imposent d'autant que des démarches ont parfois étéentreprises conjointement par les médecins psychiatres auprès de la Justice de Paix, en cours d'hospitalisation, afin de renforcer la protection du patient110».

Dans ces cas de figure, une proposition de médiation n'est simplement pas envisageable.

Enfin, par manque de structures spécifiques dans le canton, certains patients psychiatriques de 40 à 60 ans résident dans des EMS dont la moyenne d'âge dépasse les 80 ans. Ces personnes ressentent une profonde injustice qui les motive à déposer plainte au BCMS. La problématique étant liée à des orientations politiques, une médiation ne remédierait pas à leur condition de vie pénible.

3.7. Typologie des plaignants et spécificités des plaintes

Les plaintes déposées au BCMS émanent d'une personne, patient ou proche ou des membres d'une famille, suite à un défaut de communication, de prestations de soins ou d'attitude et de comportement d'un professionnel de la santé.

Ces manquements proviennent de plusieurs facteurs :

o «absence de philosophie de soins dans l'institution sanitaire; o défauts d'organisation du travail;

110 Ibidem, p. 9

o carences dans la qualité des prestations données;

o déontologie professionnelle déficiente;

o problèmes de compétences;

o méconnaissances ou non application délibérée de la Loi de santé».

Les caractéristiques des plaintes des patients qui révèlent une souffrance profonde sont, d'une part, des sentiments d'abandon, d'impuissance, d'irrespect de leur personne, d'anxiété face à leur mort prochaine due à un défaut de vigilance ou d'erreur thérapeutique et, d'autre part, des souffrances physiques dues à une insuffisance d'évaluation clinique, la peur d'un handicap, d'une limitation ou d'une dégradation fonctionnelle.

Les personnes se sentent atteintes dans leur dignité humaine et, parfois, dans leur intégrité provoquant une altération de leur bien-être.

La demande de médiation traduit la volonté de reprendre le contrôle sur soi et d'agir pour les autres :

o «comprendre les motifs et leurs circonstance;

o découvrir l'Autre en tant qu'être humain occupant un poste à responsabilités;

o lui faire prendre conscience de ses omissions, erreurs et/ou négligences; o modifier les comportements du professionnel;

o améliorer la qualité des prestations pour la communauté des futurs malades; o rechercher un apaisement personnel111».

La médiatrice vaudoise qualifie l'action des plaignants de démarche responsable, constructive, généreuse et citoyenne.

Quant aux plaintes déposées par la famille du patient, elles mettent en exergue une souffrance morale liée à des sentiments de culpabilité, d'exclusion ou de frustration :

o «culpabilité : désir de réhabilitation face au proche, désir

d'accompagnement ou d'investissement par devoir;

o exclusion par les professionnels : dans le projet thérapeutique, l'accompagnement ou le changement d'institution;

o frustration : par manque de dialogue, de considération ou de partage de savoirs au sujet du proche112».

111 Ibidem, p.10

112 Ibidem, p. 12

Dans la majorité des cas, les attentes des proches sont ciblées sur les besoins d'expression et de validation de leur souffrance par les professionnels mis en cause.

Le volet suivant présente les statistiques du BCMS.

3.8. Activités statistiques du BCMS

Les tableaux comparatifs se basent sur l'étude des rapports d'activités et, pour l'année 2008, sur des données qui nous ont été transmises par la médiatrice. Cependant, certains chiffres 2008 ne sont pas encore disponibles. La répartition des catégories professionnelles et de la typologie des structures sanitaires mises en cause, des droits des patients non respectés, du résultat des médiations et des activités générales liées au traitement des plaintes permettent une identification mesurable des problématiques, de leur source et des moyens pour y remédier.

3.8.1. Catégories professionnelles mises en cause

Ce tableau comparatif représente les catégories professionnelles qui ont suscité une médiation directe ou indirecte.

Catégories professionnelles mises en cause

2004 2005 2006 2007 2008 Total

Directeurs

2

4

6

 
 

12

Médecins

19

31

33

21

 

104

Infirmières

4

3

15

7

 

29

Equipes pluridisciplinaires

 
 
 

8

 

8

Dentistes

4

 
 
 
 

4

Opticiens

1

 
 
 
 

1

Physiothérapeutes

 

1

 
 
 

1

Ambulanciers

 

1

 
 
 

1

Assistants sociaux

 

1

 

1

 

2

Educateurs

 
 

1

1

 

2

Agents de sécurité

 
 

1

 
 

1

Pédicure

 
 
 

1

 

1

Total 30 41 56 39 166

Nous constatons que les médecins occupent la première position (63%), suivis des infirmières (17%) et des directeurs d'institution (8%). La catégorie des médecins concerne les professeurs, chefs de clinique, médecins-assistants, médecins exerçant leur pratique en privé ou en clinique, médecins des domaines d'entreprise ou pénitencier.

La catégorie des infirmières réunit l'ensemble des professionnelles, responsables d'unité et praticiennes au sein d'équipes de soins en institutions hospitalières ou médico-sociales.

Les catégories des directeurs et des pédicures font référence en principe à des professionnels d'EMS.

Les directeurs, les médecins et les infirmières sont mis en cause de manière régulière, alors que les autres catégories font l'objet de plaintes ponctuelles.

En ce qui concerne les catégories des dentistes et des opticiens, l'absence de plainte constatée depuis 2005 s'explique par une orientation de ce type de plaintes vers des associations professionnelles spécifiques après quelques mois de pratique.

La catégorie des agents de sécurité appartient au dispositif mis en place par l'hôpital universitaire pour pallier à la recrudescence de la violence perpétrée contre les soignants.

3.8.2. Typologie des structures sanitaires mises en cause

Cette statistique met en évidence le type d'institution mis en cause soit directement, soit par le biais d'une plainte ciblée sur un de ses collaborateurs. Il est utile de relever que les médiations collectives se généralisent depuis deux ans. Ceci s'explique par le fait que les professionnels de la santé mis en cause s'accompagnent aujourd'hui de leur supérieur hiérarchique, voire des responsables infirmiers.

Typologie des structures sanitaires mises en cause

2004 2005 2006 2007 2008 Total

Hôpitaux universitaires

3

8

10

4

 

25

Hôpitaux de zone et régionaux

9

10

11

10

 

40

Cliniques

4

2

4

3

 

13

EMS

4

2

12

9

 

27

CMS

 

2

5

2

 

9

CTR

 

2

1

 
 

3

Médecins privés

6

13

9

9

 

37

Services santé pénitenciers

 
 

1

 
 

1

Services santé entreprises

 
 

1

 
 

1

Institutions pour handicapés

 

1

1

 
 

2

Foyers médico-sociaux

 
 
 

1

 

1

FAREAS

 
 

1

 
 

1

EVAM

 
 
 

1

 

1

Office du tuteur général

 

1

 
 
 

1

Dentistes privés

4

 
 
 
 

4

Total 30 41 56 39 166

A noter, en premier lieu, que le réseau hospitalier vaudois compte vingt-deux établissements d'intérêt public, dont trois hôpitaux universitaires, sept hôpitaux de zone, deux hôpitaux régionaux, trois établissements psychiatriques et sept centres de traitements et de réadaptation qui représentent un total de 3'130 lits.

La répartition des structures sanitaires mises en cause met en évidence les hôpitaux (24%) et les médecins privés (22,5%) en première position, suivis par les EMS (16%) et l'hôpital universitaire vaudois (15%) en deuxième position, puis des cliniques privées (8%) en troisième position.

Les structures mises en cause de manière linéaire sont les hôpitaux, les cliniques, les EMS, les CMS et les médecins privés.

Il est intéressant de constater que les services de santé pénitenciers et d'entreprises, les institutions pour handicapés, les foyers médico-sociaux de la FAREAS et de l'EVAM ne sont pas mis en cause avant 2006. Ce phénomène pourrait-il s'expliquer par la promotion active des droits des patients et du BCMS au sein de la collectivité depuis quatre ans ? Nous n'avons pas d'éléments pour confirmer ou infirmer cette hypothèse, mais pouvons espérer qu'il se poursuive par souci d'équité et que, désormais, les personnes captives ou étrangères puissent faire valoir leurs droits en matière de santé au même titre que les autres citoyens.

Le tableau qui suit met en exergue les droits des patients non respectés par les structures sanitaires et par les professionnels de la santé.

3.8.3. Articles de loi non respectés : droit des patients

Articles de la LS non respectés113

2004 2005 2006 2007 Total

Art. 20 2ème avis médical

 

1

 
 

1

Art. 20a Accompagnement des patients

6

1

1

1

9

Art. 21 Droit à l'information

37

17

25

18

97

Art. 23 Consentement libre et éclairé

1

3

7

6

17

Art. 23a Directives anticipées

6

3

 
 

9

Art. 24 Accès au dossier médical

15

7

4

4

30

Art. 80 Secret professionnel

1

1

 
 

2

Art. 89 Secret médical

 
 
 

1

1

Art. 94 /124 Compétences - atteinte à la dignité

 

8

16

9

33

Association des articles 21, 23a, 94, 124

 
 

3

 

3

Total 66 41 56 39 202

La répartition des articles de loi non respectés place clairement en première position l'article «droit à l'information» (48%), suivi, en deuxième position, des articles 94 et 124 concernant les compétences médicales et infirmières114 (16%) et de l'article 24 «Accès au dossier médical» (15%).

Les 33 plaintes liées aux articles 94 et 124 relevant d'aspects déontologiques ou de mal pratique ont été orientées par la médiatrice vers des instances habilitées à prendre des mesures disciplinaires. La violation du droit à l'information nous renvoie au défaut de dialogue éthique dans la relation thérapeutique. Les chiffres nous montrent que l'attente prioritaire du patient est de recevoir des informations claires. Contrairement à ce que nous pouvions penser, le droit à un deuxième avis médical, considéré dans le discours comme une marque de méfiance de la part du patient, provoque en réalité moins

113 Loi vaudoise sur la santé publique du 29 mai 1985, mise à jour le 1er octobre 2003

114 Ibidem art. 94 et 124

Art.94 : Compétences : le médecin a seul qualité :

a) pour déterminer ou apprécier l'état physique ou psychique des personnes et prescrire les mesures propres à la conservation et au rétablissement de leur santé selon l'état des connaissances professionnelles et scientifiques admises [..]

Art.124: Rôle et compétences : L'infirmière est une personne formée pour donner professionnellement les soins ciaprès :

a) soutien et suppléance dans les activités quotidiennes

b) accompagnement dans les situations de crise et dans la période de fin de vie [..]

d'insatisfactions que la réticence des médecins à remettre le dossier, qui selon la loi, appartient au patient.

3.8.4. Résultats des médiations

Médiations abouties et non abouties115

2004 2005 2006 2007 2008 Total

Médiations abouties (accords signés des 2 parties)

27

37

42

37

27

170

Médiations non abouties

3

4

14

2

0

23

Total

30

41

56

39

27

193

2004: 8 mois d'activité

2008 : résultat au 30 septembre = 9 mois d'activité

La présentation des résultats ne distingue pas médiations directes et indirectes.

Nous relevons que le taux de réussite confirmé par la signature des accords atteint 88% en moyenne depuis l'ouverture du BCMS et que le résultat 2008 montre un taux de réussite de 100% en neuf mois d'activité.

Le taux de 12% de médiations concerne les séances interrompues suite au non respect des règles de participation ou le refus ultérieur de signature de l'accord, quelques jours après la séance de médiation. Ces situations sont révélatrices des limites de la médiation santé.

Nous terminons cette étude du modèle vaudois par une présentation de statistiques de l'ensemble des activités du BCMS.

3.8.5. Activités générales du BCMS

Cette répartition met en exergue, outre l'approche en médiation, la variété des modes opératoires de la médiatrice pour répondre aux attentes et besoins des plaignants dans le respect de sa mission et des règles éthiques.

Les chiffres indiqués correspondent au nombre de dossiers traités. Les données 2008 correspondent à 9 mois d'activité, soit de janvier à septembre. Les totaux sont représentatifs de 53 mois d'activité.

115 Rapports d'activité BCMS 2004, 2005, 2006, 2007 et données 2008 recueillies auprès du BCMS

Statistiques BMVD

2004 2005 2006 2007 2008 Total

Médiations directes

11

30

36

30

17

201

Médiations indirectes

19

11

20

9

10

Dossiers en cours au 30 septembre 08

 
 
 
 

8

Séances d'évaluation de l'accord

 

1

6

5

2

14

Entretien / orientation vers le professionnel

 

8

13

12

10

213

Entretien / orientation vers autre instance

11

21

20

21

23

Entretien seul

25

15

11

14

9

Orientation immédiate vers autre instance

 

27

52

40

37

156

Ecoute téléph. de personnes fragilisées

n.e.

n.e.

n.e.

6

5

11

Personnes indécises: temps de réflexion

n.e.

7

 

n.e

n.e.

7

Abandon du plaignant en cours de procédure

n.e.

n.e.

n.e.

6

n.e.

6

Dossiers en cours au 31 .12

 

6

 

3

 
 

Total

66

120

158

143

121

608

Conférences sur les droits des patients

22

52

41

43

45*

158

n.e. : non enregistré

 
 
 
 
 
 

*Conférences : 36 effectuées - 9 program.

 
 
 
 
 
 

2004 : 8 mois d'activité
2008 : 9 mois d'activité

Le 33% des dossiers de plaintes, ayant trait au non-respect des droits des patients, a été traité par l'approche en médiation, soit en médiation directe (65%), soit en médiation indirecte (35%). L'approche de médiation en navette a été privilégiée dans des cas de figure particuliers tels que des conflits à caractère violent, des situations d'urgence (maltraitance - mesures de contention) ou, au contraire, lors de petits différends pouvant se régler sans rencontre des protagonistes.

Le 20% des plaintes a fait l'objet d'un entretien unique ayant pour effet l'apaisement des plaignants par l'encouragement à régler le différend directement avec le professionnel de la santé (37%) ou par un temps d'écoute et de dialogue (63%).

Dans le premier cas de figure, la médiatrice restait disponible en cas de besoin. Dans le deuxième cas, l'entretien d'écoute active concernait des personnes en détresse momentanée qui, après l'expression de leurs ressentis, sont parvenues d'elles-mêmes à lâcher prise et à abandonner l'idée de mener une action contre le professionnel de la santé.

Le 41 % des dossiers, relevant de faits incompatibles avec la mission du BCMS, a été orienté vers une autre instance, soit à réception de la plainte (62%), soit après un entretien préalable (38%). L'orientation vers des professionnels spécialistes a parfois été jugée nécessaire en regard des limites de la médiation. En situation de faits graves, les personne ont été aiguillées vers les commissions d'examen des plaintes, le conseil de santé, la Fédération des médecins suisses, la Société vaudoise des médecins, voire le tribunal.

Le 6% restant concerne des entretiens téléphoniques de soutien, des dossiers en suspens ou clos pour abandon du plaignant et des séances d'évaluation de la mise en place des accords qui, si nous nous référons au modèle d'action communicationnelle présenté au point 4.5, fait partie intégrante du processus.

Quant aux conférences sur les droits des patients, les chiffres indiqués montrent l'importance donnée à ces activités de promotion de la médiation santé.

3.8.6. Synthèse

Suite à cette analyse précise, nous observons que les plaintes traitées en médiation portent en majorité sur:

1. le non respect des articles de loi suivants : o droit à l'information,

o droit à l'accès au dossier médical,

o droit au consentement libre et éclairé;

2. les catégories professionnelles des médecins et des infirmières : o médecins hospitaliers et privés;

3. les structures hospitalières, médico-sociales et les hôpitaux universitaires

Nous remarquons également que le traitement de la demande se diversifie en fonction de la source du problème énoncé et que les réponses variées, complémentaires aux activités de médiation, participent à :

o la mise en lumière de problématiques liées aux compétences ou à la déontologie professionnelles;

o l'apaisement des plaignants;

o l'émergence de capacités à gérer seul le différend;

o l'instauration d'un accompagnement thérapeutique adapté.

3.9. Conclusions

C'est suite à des scandales médiatisés que la médiation santé est entrée dans le domaine public vaudois. Conscients des limites de l'appareil judiciaire et de l'administration dans la gestion des problématiques relatives au respect de la dignité et de l'intégrité des patients, les parlementaires, dans le cadre de leur enquête, recherchèrent une nouvelle forme de gestion sociale pouvant répondre aux besoins de l'Etat. L'on peut donc admettre que la médiation santé a été pensée par les politiques comme un outil de règlement amiable des conflits permettant le respect des droits des patients et la paix sociale. Aujourd'hui encore, les membres des commissions d'examen des plaintes et les responsables politiques expriment leur satisfaction à l'égard de l'activité du BCMS en regard du nombre de dossiers clos. L'apaisement des souffrances du patient a également été évoqué en entretien. Or, nous l'avons vu dans notre étude, les pratiques du BCMS se basent sur les logiques communicationnelles et pédagogiques de la médiation et non sur sa rationalité purement instrumentale de gestion des conflits. La liste des avantages de la médiation santé vue sous son angle communicationnel intègre, outre l'évitement de scandales, de recours aux médias ou à la justice et l'apaisement des plaignants, des bénéfices qui concourent non seulement à une cohésion sociale plus approfondie mais également à l'amélioration de la qualité des soins :

o la restauration de la confiance mutuelle et du lien social;

o le renversement du rapport «dominant-dominé» qui génère une

humanisation des relations «soignant-soigné» par des changements de

perceptions et de comportements des professionnels de la santé; o le regain d'autonomie du patient;

o la protection de l'image du professionnel de la santé mis en cause et de la structure sanitaire qui l'emploie;

o des ajustements organisationnels ou fonctionnels visant à améliorer les prestations de soins et à éviter la reproduction de défauts.

Les effets de la médiation santé sur les médiés et plus précisément sur les professionnels sont mesurables : la majorité d'entre-eux ne sont ultérieurement plus mis en cause et certains proposent spontanément au patient de s'adresser au BCMS. C'est dire que la médiation opère peu à peu un changement sociétal dans la communauté des professionnels de la santé.

A propos de l'institutionnalisation de la médiation santé, nous nous référons aux propos de Jacques Faget116 qui, parlant de médiation pénale et de justice restauratrice, estime que son institutionnalisation est désormais incontournable et que la défense farouche de l'indépendance et de l'autonomie de ses procédés risque d'en fragiliser ses pratiques communautaires. Par institutionnalisation, l'auteur entend sa légalisation, sa professionnalisation et sa juridicisation. Pour lui, les médiateurs eux-mêmes sont responsables de cette tendance du fait de leur recherche de légitimation et de ressources financières. D'autre part, la culture française s'inquiète peu du besoin et des risques de césure entre l'Etat, son administration et la société, comparativement aux pays anglo-saxons. La France n'hésite pas à institutionnaliser : preuves en sont les diplômes d'Etat délivrés en fin de formation, notamment dans le domaine de médiation familiale.

L'exemple vaudois est un modèle hybride d'institutionnalisation. L'articulation entre les principes éthiques et les exigences institutionnelles ne semble pas mettre en danger la déontologie de la pratique :

o la loi de santé prévoit un article relatif à l'indépendance du fonctionnement du médiateur et à son impartialité;

o dans la pratique, nous avons identifié le respect de ces notions;

116 J. Faget, in « La justice réparatrice et médiation pénale. Convergence ou divergences ? » de M. Jaccoud ( sous la dir. de ), collectif, Ed. L'Harmattan, Paris, 2003, p. 241

o la médiatrice détient un diplôme en médiation IUKB, alors que la loi de santé ne réglemente pas ce point.

En d'autres termes, conscient de l'importance du respect des principes éthiques de la médiation, l'Etat de Vaud s'est donné les moyens de les respecter et soutient le BCMS, satisfait du règlement définitif du contentieux sanitaire à moindres frais et remous. Quant au BCMS, il exerce son activité dans les règles de l'art de la médiation.

Reste le nombre de médiations abouties qui montre un taux de réussite de 88%. Jacques Faget117 faisant toujours référence à l'institutionnalisation de la médiation dans le domaine de la Justice restauratrice, explicite que le taux de réussite varie proportionnellement au niveau de formation du tiers :

«...calculé en fonction du nombre, du niveau et de la qualité de formations, la supervision et l'analyse de pratique, la fréquentation de colloques, le nombre de lectures spécialisées.[...] L'explication, corroborée par l'observation des pratiques, montre en effet que plus le niveau de formation est élevé, plus les principes éthiques de la médiation sont respectés, tandis que les procédés utilisés par les personnes non formées sont largement plus directifs, voire parfois autoritaires»118.

Une certaine obligation de résultats aurait pu motiver ce résultat positif. Or, comme nous l'avons précédemment dit, les accords sont signés quelques jours après la médiation et le refus de signatures concerne des plaignants atteints de pathologies psycho-organiques.

Nous voyons deux hypothèses qui pourraient expliciter ce phénomène particulier au domaine sanitaire sans qu'il nous soit possible de les vérifier.

Premièrement, nous pensons à la crainte d'un procès ou de détérioration de la renommée, vécue par les professionnels de la santé, crainte qui déterminerait favorablement les dispositions d'entrée en médiation. Rappelons les désirs de résoudre et de se réconcilier qui jouent un rôle majeur dans le déroulement du processus.

117 J. Faget, "La justice réparatrice et médiation pénale. Convergence ou divergences ? » de M. Jaccoud, (sous la dir. de ) collectif, Ed. L'Harmattan, Paris, 2003, p. 241

118 Ibidem

Deuxièmement, pour avoir participé à des séances, nous postulons que la formation ad hoc et les compétences relationnelles de la médiatrice jouent un rôle important dans l'établissement de l'intercompréhension

Enfin, si nous reprenons la définition de la médiation de Guillaume Hofnung, le
médiateur n'a d'autres pouvoirs «que ceux reconnus par les partenaires quis'adressent à lui». Or, la médiation santé vaudoise est exercée par une seule

personne. Nous concevons que sa légitimité se construit au travers du processus de médiation, ceci dès l'entretien préalable.

Après ces réflexions, nous estimons que le modèle vaudois de médiation santé institutionnelle représente un bon compromis entre les attentes politiques en termes de cohésion sociale et la pratique de la médiation dans sa dimension de gestion et régulation sociale au sens de Bonafé-Schmitt et de GuillaumeHoffnung.

Le chapitre qui suit présente une recherche sur les attentes et les effets de la médiation santé. Nous tenterons de mettre en évidence les changements de perceptions qui s'en dégagent, d'analyser les phénomènes et identifier les conséquences.

4. ANALYSE DES EFFETS DE LA MEDIATION SANTE CHEZ

LES PLAIGNANTS

Pour compléter notre recherche, nous avons mené une enquête auprès de plaignants ayant vécu une médiation au BCMS à Lausanne, afin d'identifier ses effets sur leur insatisfaction et sur les rapports soignant-soigné.

Avant d'en exposer les résultats, nous présentons en premier lieu les données méthodologiques propres à cette enquête, ainsi que les caractéristiques des personnes interrogées.

4.1. Méthodologie et outils

4.1.1. Procédure

Pour des raisons de confidentialité, la médiatrice santé du canton de Vaud s'est chargée de sélectionner douze personnes susceptibles d'accepter cette démarche :

o une demande officielle du BCMS leur a été envoyée pour signature;

o contactées par téléphone pour convenir d'un rendez-vous à l'endroit de leur

choix, certaines personnes nous ont accueillis chez elles, d'autres dans des

lieux publics proches de leur domicile;

o une attestation de confidentialité datée et signée nous engageant à respecter l'anonymat et l'exactitude de leurs propos leur a été remise en fin d'entretien;

o une copie de chaque attestation a été remise à la médiatrice vaudoise pour classement aux dossiers.

Une personne n'a pas répondu à nos appels téléphoniques, une autre n'est pas venue au rendez-vous fixé.

Caractéristiques des dix personnes interrogées

 

Entre 30 et 45 ans :

3

Age

Entre 46 et 60 ans :

5

 

Entre 61 et 85 ans :

2

 

Féminin :

6

Sexe

 
 
 

Masculin :

4

 

Patients :

5

Statut

 
 
 

Proches :

5

4.1.2. L'enquête

Dans un premier temps, nous avons élaboré une grille d'entretien dans l'idée de recueillir des données susceptibles de mesurer les effets de la médiation en répondant aux questions suivantes :

o quels étaient les besoins et les attentes des personnes insatisfaites ? o comment la médiation a-t-elle répondu à ces besoins et attentes ?

o quels sont les effets mesurables de la médiation ?

Nous avons procédé à dix entretiens individuels de type semi-dirigé, d'une heure et demie à deux heures, en récoltant les propos de manière manuscrite et simultanée. La grille d'entretien nous a permis de construire l'entretien autour des questions fondamentales qui nous intéressaient, nous laissant la liberté d'approfondir ou non certains thèmes par des questions secondaires préalablement mises en réserve. L'utilisation de questions ouvertes nous a demandé, à plusieurs reprises, de recentrer les personnes sur le thème de l'entretien.

4.1.3. Le déroulement des entretiens

Après nous être présentés (nom, prénom, âge, profession, statut d'étudiant), nous avons expliqué clairement les objectifs de notre recherche et donné les garanties de confidentialité. Durant l'entretien, nous avons été très attentifs à laisser un espace de parole, principalement lorsque les personnes ont été prises d'émotions à l'évocation de l'épisode douloureux. Le suivi de la grille d'entretien n'a donc pas été rigoureux, mais nous a servi de guide line.

En fin d'entretien, nous avons remercié les personnes de nous avoir accordé ce temps. Toutes les personnes étaient ouvertes à compléter le recueil de données par téléphone en cas de besoin. Nous avons également reçu des remerciements de leur part et des signes de reconnaissance de nous être intéressés à leur histoire. D'une manière unanime, ces personnes nous ont encouragés à mettre sur pied un service de médiation sanitaire dans notre canton de domicile qui, selon eux, répond à un réel besoin citoyen. Ces rencontres nous ont beaucoup touchés par leur authenticité et leur humanité.

4.1.4. Difficultés

Dans les premiers entretiens et par manque de pratique, il nous a été difficile de rester centrés sur les thèmes du sujet exploré. D'autre part, l'attitude d'écoute empathique, l'attention particulière donnée à la transcription des propos et le contrôle de l'entretien nous demandaient une concentration soutenue qui, dans les lieux publics, s'est relâchée en fin d'entretien. Le recueil des données n'a donc pas été d'une qualité uniforme.

4.1.5. L'analyse du corpus et le traitement des données

Les données recueillies ont été anonymisées au moment de leur retranscription intégrale sur traitement de texte informatique, les documents manuscrits détruits mécaniquement.

Plusieurs lectures des entretiens nous ont été nécessaires pour nous imprégner de l'essence commune du corpus. La posture du chercheur en quête de sens a été parfois difficile à tenir, conscients de nos propres interprétations lors de l'interrogation du corpus.

Nous avons utilisé la grille de lecture issue du guide d'entretien pour rechercher, sur le mode transversal, les verbatims significatifs.

Après codage, ces verbatims ont été extraits du corpus manuellement (papierciseaux), puis organisés en items.

In fine, l'ordonnancement de ces items a mis en exergue cinq catégories de type descriptif.

4.1.6. Limites de la recherche

Notre analyse porte sur une monographie de 10 situations, ce qui limite la
représentativité des éléments observés. D'autre part, nous sommes conscients
que le recueil manuscrit des entretiens a probablement estompé certaines

nuances importantes au niveau des propos, ce qui pourrait réduire la profondeur du champ d'interprétation. Néanmoins, pour avoir vécu ces entretiens et analysé seuls l'ensemble du corpus, nous estimons que l'écart entre l'enregistrement et le recueil manuscrits des données est limité. Il serait intéressant de valider le résultat de notre recherche auprès des personnes interrogées afin de mesurer les convergences ou divergences d'interprétation.

4.2. Analyse qualitative : présentation des résultats

L'arbre thématique qui suit facilite la lecture originale du corpus.

Avant la demande

La demande de médiation

La souffrance morale

Les besoins individuels

Les attentes citoyennes

L'espace d'expression

L'espace de dialogue

Le processus de réparation

La reconnaissance des torts

Les marques de sympathie

Les excuses formelles

Les engagements moraux

Les engagements
individuels

Les engagements
institutionnels

L'apaisement à l'issue de la
séance

Les métamorphoses
individuelles

La capacité du lâcher-prise

Le renforcement des
capacités
d'autodétermination et de
responsabilisation

Du patient passif au patient
pro actif

La restauration du lien
social

La paix sociale

La reprise ou la création
d'un lien thérapeutique

Les obstacles à la
restauration du lien
thérapeutique

L'apaisement définitif

4.2.1. Catégorie «Avant la médiation»

Avant la médiation

 

La souffrance morale

 

La souffrance morale

 

Les personnes ont explicitement fait part de leurs sentiments de colère, de révolte, d'angoisse, de tristesse, d'humiliation, d'impuissance, d'injustice, de culpabilité parfois conjugués qui révélaient une souffrance morale altérant leur bien-être :

o une grande souffrance à cause du doigt et de son comportement (P1-p1); o une grande colère de ne pas avoir été écoutée (J1-p1);

o j'étais en colère. Ils nous ont complètement ignorés (O4-p1);

o je ressentais de la révolte, d'être freinée là (Q13-p4);

o j'avais envie de me foutre le tour. J'avais des tensions, des angoisses; j'étais déstabilisé (R15-p3);

o j'étais tellement triste, désappointée, en colère (N1-p1);

o j'étais perdue, je ne dormais plus, j'étais terrorisée, j'étais très nerveuse (K1- p1). Je me sentais même coupable (K9-p1);

o je me suis sentie méprisée (M3-p2).

Une personne a exprimé son sentiment d'insécurité :

o il y avait des tensions... Je n'avais pas un sentiment de sécurité (S3-p1).

4.2.2. Catégorie «La demande de médiation»

La demande de médiation

 

Les besoins individuels

 

Les attentes citoyennes

Un désir d'action représente la motivation principale de la demande de médiation. L'épuisement, la recherche de sérénité, la volonté de résolution amiable du problème et le désir d'un face à face en sécurité sont relevés dans les propos :

o il fallait que je fasse quelque chose (L2-p2);

o j'étais fatiguée. J'avais besoin de poser le truc après six mois de parcours du combattant (Q10-p3);

o ma conscience m'a dit de chercher une tierce personne. Quand on traite un problème, on oublie (P2-p1);

o je ne voulais pas être seule en face de lui (M2-p2). Sans être médecin, on est mal aussi pour se défendre contre eux (M7-p2);

o je ne suis pas pour l'agressivité. Je voulais essayer d'arranger les choses à l'amiable, je préfère le dialogue par rapport à l'attaque (J5-p1);

o je ne suis pas procédurière. Ça ne faisait pas revenir mon mari, une plainte en justice (N10-p6).

Initialement, une personne souhaitait clairement une procédure en justice et a été orientée vers la médiation :

o je voulais l'envoyer en prison (K3-p1). J'ai demandé de l'aide à l'assistante sociale ... elle m'a conseillé de ne pas porter plainte ... m'a donné les coordonnées du BCMS.

Les besoins individuels

Le besoin d'expression et d'écoute ressort explicitement ou implicitement de manière unanime dans les propos recueillis. Etre entendu, être écouté, dire, savoir révèlent chez ces personnes une quête de reconnaissance de leur vécu douloureux et des torts subis, ainsi qu'une volonté de comprendre ou d'éveiller la conscience et l'humanité des professionnels :

o qu'on m'entende !!! Si j'en avais le droit. Mais je ne savais pas si c'était une raison valable. Ce qui m'a beaucoup bouleversé, c'est...l'atteinte à sa dignité ( N15-p6);

o de pouvoir m'exprimer, exprimer ma colère par rapport à son propos dérisoire. lui dire qu'il avait tort (M10-p3);

o je voulais qu'il m'écoute; je voulais qu'il reconnaisse l'erreur médicale (K7- p1);

o de dire, d'être entendue et d'être reconnue (J2-p2);

o il m'a pris pour une bête. Je me posais mille questions : pourquoi ce comportement ? (P8-p2)

o de savoir pour quelle raison H avait été transféré d'un jour à l'autre sans

nous en avoir parlé... La reconnaissance des erreurs de leur part (O10-p2);
o de parler en face du médecin, lui dire qu'il y avait quelque chose qui

coinçait. que je lui avais fait confiance, qu'il prenne sa part de responsabilité,

qu'il reconnaisse ses erreurs (Q6-p3);

o je voulais qu'on m'entende, que les médecins entendent mon parcours, que ça leur remette les pieds sur terre (R4-p1). Je recherchais de la reconnaissance, qu'ils reconnaissent qu'ils se sont trompés et qu'ils ont manqué de m'informer (R22-p4);

o ... je voulais rencontrer ces personnes, échanger des informations et des points de vue (S1-p1);

o je voulais qu'on m'explique, j'avais des questions. Je n'avais pas reçu de réponses satisfaisantes (L1-p2).

Les attentes citoyennes

Un esprit citoyen solidaire animait six personnes au moment de la demande de médiation. L'idée d'agir directement sur les professionnels leur permettait d'espérer des réajustements futurs d'attitudes, de comportements ou des pratiques professionnelles participant à l'amélioration de la qualité des prestations de soins :

o je voulais agir directement sur les médecins pour qu'ils ne fassent plus ou qu'ils puissent faire leur travail comme il faut (L7-p3);

o il fallait que je puisse évoquer ce problème à une tierce personne pour lui

donner une leçon, pour qu'il ne répète pas ça aux autres (P3-p2);

o qu'il fasse attention avec ses futures patientes. Pour moi, je pensais que

j'étais foutue (K16-p2);

o ça peut empêcher que ça n'arrive plus. Ce sera une satisfaction pour moi (L27-p5);

o que ça n'arrive plus pour quelqu'un d'autre (M9-p3);

o c'est aussi pour les autres personnes dans la même situation que moi (Q43- p6).

L'une d'entre-elle estimait qu'il était de son devoir de faire cette démarche : o si je ne parle pas, là je cautionne (P18-p4).

4.2.3. Catégorie «Le processus de réparation»

Le processus de réparation

L'espace d'expression

L'espace de dialogue

La reconnaissance des torts

Les engagements moraux

L'apaisement à l'issue de la
séance

Les marques de sympathie

Les excuses formelles

Les engagements
individuels

Les engagements
institutionnels

Lors de la médiation, la qualité de l'ambiance durant la séance, sereine et sécurisante, a été appréciée :

o le climat était calme, respectueux. Il n'y avait pas d'esprit d'animosité, la médiatrice y est pour beaucoup (N32-p7);

o je me suis sentie en sécurité (Q27-p4).

L'espace d'expression

Ce cadre communicationnel privilégié a permis aux personnes d'exposer leur version des faits, d'exprimer leur vécu, leur souffrance, leurs ressentis et d'interroger les professionnels de la santé dans un but de clarification. L'on remarque, au travers des propos, que l'espace de médiation concède une place à l'expression des émotions :

o j'ai pu lui dire (M20-p4);

o ... ça m'a fait un bien immense. J'ai pu m'exprimer, c'était un soulagement moral (R28-p5);

o j'ai dit mon ressenti. Je me suis senti très écouté. On m'a écouté (P19-p4);

o j'ai fait part de mes ressentis, de mon sentiment d'injustice (Q16-p4). Il a écouté, il a entendu (Q18-p4);

o j'ai beaucoup pleuré... J'ai bien pu parler, j'ai pu dire. Jusque là, il ne savait

pas toutes les douleurs, toutes les souffrances que j'ai vécues (K23-p3);
o j'ai pu poser toutes mes questions, leur dire ce que j'avais vécu (N21-p7);

o j'étais satisfaite d'avoir pu raconter ma fille, pourquoi je pensais qu'elle était

tombé malade (L22-p4). Le médecin ne savait rien de tout ça... Pour eux,

c'était un cas à traiter, pour moi, une personne humaine... Ils étaient là, ne

disaient rien (L13-p4).

L'espace de dialogue

Trois personnes se sont exprimées sur la qualité des échanges. Au travers de leurs propos, les dimensions d'équité, d'authenticité et de respect mutuel sont perceptibles :

o c'était un dialogue, un vrai (P19-p3):

o la médiation c'est une discussion, c'est calme, c'est bien, on peut se regarder (N69-p10);

o il n'avait aucune position de pouvoir (S19-p3).

Les questions de départ ont été honorées par des explications de la part des professionnels de la santé dans la transparence. Les échanges d'informations et le débat d'idées ont levé des malentendus, mis en exergue des dysfonctionnements institutionnels et certaines limites de la médecine. L'intercompréhension qui en a résulté est perceptible dans les propos suivants :

o on nous a dit qu'il était insupportable. On a pu creuser un peu (O9-p2). Il a expliqué les raisons de ce transfert en psy fermé (O15-p3);

o le docteur m'a expliqué. Pour moi, des rayons X, c'est un soin curatif pas palliatif (N34-p8). Par rapport aux droits des patients, j'ai aussi compris la position du médecin : mon mari ne voulait pas être réanimé (N33-p7);

o ... elle a compris ce que j'ai vécu et que ce n'était pas correct. Elle ne savait pas les événements vécus avec le Professeur. Je croyais qu'elle savait. En fait, aucun médecin n'a communiqué avec les autres dans cet hôpital (R24- p4);

o il a appris beaucoup sur le chaos général de cette institution et les conséquences qu'il peut y avoir (S47-p7);

o ils m'ont fait leur aveu d'impuissance (L34-p5).

La reconnaissance des torts

Les attentes formulées varient selon les personnes mais elles portaient unanimement sur un besoin de reconnaissance de leur situation, de leur souffrance et sur la validation des erreurs commises et des torts subis.

> Les marques de sympathie

Pour certaines, l'expression de sympathie jugée sincère ou des gestes de reconnaissance de la part des professionnels ont suffi à la réparation :

o son attitude était humble et correcte. Je me suis sentie écoutée. Je crois qu'ils ont compris, ils ont reconnu que c'était traumatisant, ils ont été touchés N27-p7).

o j'ai été reconnue (N41-p8);

o la doctoresse n'a pas donné d'excuses franches mais une très forte compréhension. Elle a été profondément touchée (R33-p5);

o il n'y a pas eu d'excuses parce que je ne leur demandais rien. Je demandais juste qu'ils reconnaissent que les choses ne se sont pas passées comme elles auraient dû. Le plus important, ça a été les gestes de reconnaissance. (L30-p5);

o d'emblée, le Dr M. a reconnu. Il n'a pas fait d'opposition (O14-p3);

o j'étais libéré en ce sens qu'ils avaient reconnu l'erreur qu'ils avaient faite (O17-p3).

L'une d'entre-elle a fait part de sa satisfaction d'avoir été reconnue dans son identité et l'on sent, dans son propos, le sentiment positif généré par la reconnaissance du professionnel :

o ils m'ont reconnu, moi, A, qui je suis (P20-p3).

Une autre personne s'est sentie reconnue au travers d'une attitude d'écoute respectueuse :

o des excuses ... si j'ai reçu des excuses ? Je crois que oui (N38-p8).Ils m'ont écouté, c'est ce qui était important (N39-p8).

> Les excuses formelles

La qualité des excuses, jugées sincères, a eu une répercussion positive : réconfort, assurance d'une prise de conscience des professionnels de la santé, espoir d'une amélioration future :

o j'ai senti qu'elle comprenait ce que je lui disais, ce qu'elle entendait. J'ai aussi senti ses excuses sincères (J18-p3);

o mon beau-père et ma belle-mère ont reçu des excuses écrites et orales : c'était important pour eux, surtout sur les mots et le comportement au moment des excuses (S34-p5);

o apporté un réconfort dans le sens d'une déculpabilisation (O28-p4);

o il a présenté ses excuses, ça veut dire qu'il a pris conscience, qu'il y aura un changement à futur (P23-p5) .

L'attitude humaine des professionnels de la santé faite de respect, d'humilité et d'empathie dans ce moment clé a favorisé le pardon des plaignants :

o je ne leur tiens pas rigueur : ils ont été humbles, compatissants (N65- p10);

o j'ai ressenti avec le directeur un bon bagage de droit et du respect de l'être humain dans ses sentiments (S18-p3). Il n'avait aucune position de pouvoir (S19-p3).

Le manque de spontanéité et d'authenticité lors de la présentation des excuses ainsi que la banalisation des faits ont été identifiés par trois personnes. Malgré l'attitude du soignant jugée supérieure et humiliante, l'une d'elles s'est dite satisfaite de l'entendre prononcer son mea culpa :

o il a fait ses excuses car il était obligé, par peur (K34-p4). Sur la forme, ses excuses m'ont fait du bien (K36-p4). Ce n'est pas à une personne égale qu'il a fait ses excuses mais à une personne qu'il prend pour une analphabète (K54-p6);

o il me semble qu'il a fait des excuses, qu'il avait mal évalué la situation. Je n'ai pas senti qu'il était sincère (M14-p3). Il a dû faire des excuses pour ... je ne sais pas trop comment vous dire... il ne pouvait pas faire autrement.(M25-p4);

o il a tenté de minimiser les faits. Ses excuses ont été faites à reculons (J18-p3).

Les engagements moraux

Les déclarations d'intentions formalisées dans les contrats d'accords ont répondu aux attentes citoyennes exprimées. Les accords ont porté sur des points d'amélioration individuels et/ou institutionnels. L'on remarque que les points d'amélioration retenus par les médiés, qui se sont spontanément exprimés sur ce sujet (la moitié), concernent principalement des aspects communicationnels liés aux droits des patients en termes d'information, de consentement libre et éclairé et d'accompagnement : prise en compte de la parole du patient ou du proche dans l'approche diagnostique, renforcement de l'écoute et de l'information, intégration des proches dans le projet de soins :

> Les engagements individuels

Les personnes pensent avoir contribué à un changement d'attitudes et de comportements des professionnels de la santé au travers de leur engagement moral :

o il y a eu un engagement des professionnels à prendre à l'avenir plus d'attention dans l'écoute, l'information et la communication avec les patients (J10-p2);

o ... s'est engagé à être plus attentif avec les patients qui auraient les mêmes symptômes, d'écouter mieux les proches qui connaissent la personne (M17-p3);

o il m'a proposé de retirer sa facture. Il s'est engagé à me les rembourser (Q21-p4);

o il a fait un engagement moral de mieux informer (Q44-p6).

> Les engagements institutionnels

L'on retrouve le renforcement de l'information lié au consentement libre et éclairé. Dans le deuxième cas, la personne s'est rappelée précisément des points d'accords : une amélioration des transmissions concernant les directives anticipées, le répondant thérapeutique ainsi qu'un renforcement des transmissions verticales :

o il ne s'est pas excusé. Il m'a dit qu'il avait fait un ajout sur le papillon d'information pour les femmes de 40 ans et plus, l'information de se renseigner à sa caisse-maladie (Q32-p5);

o leurs engagements ont été : mettre en place une fiche d'information sur le répondant thérapeutique dans le dossier et un document sur les directives anticipées, mettre un panneau indicatif à l'entrée du service pour informer qui est de garde ... améliorer la communication en mettant en place deux tournées du médecin-chef pour rencontrer les familles, informer les assistants, respecter l'information en pyramide (N30-p7).

L'apaisement à l'issue de la séance

Les médiés se sont exprimés sur le sentiment de soulagement ressenti au terme de la séance de médiation qui démontre les vertus thérapeutiques des marques de reconnaissance des professionnels sur leurs blessures morales :

o ça amène du réconfort d'être pris en compte. En procès, c'est toujours en cours, c'est jamais fini (R31-p5);

o j'étais soulagée, contente, satisfaite ... J'avais un tel poids sur le coeur (J9- p2);

o ça m'a énormément calmée (N35-p8);

o ça m'a enlevé un poids, je n'y pense plus (M26-p4);

o ça a été évacué là-bas (M23-p4);

o j'étais satisfaite : j'ai posé ma colère. La colère m'a fait tellement de mal (K24-p3);

o j'étais satisfaite d'aboutir (Q24-p4);

o ça m'a apporté un bien-être, a enlevé une pression, j'étais soulagé (R34- p6);

o la qualité de la poignée de mains à l'issue de la 2ème séance était plus agréable. Ça rétablit un niveau relationnel plus humain (S29-p4).

4.2.4. Catégorie «Les métamorphoses individuelles»

Les métamorphoses
individuelles

La capacité du lâcher-prise

Le renforcement des
capacités
d'autodétermination et de
responsabilisation

Du patient passif au patient
pro actif

Les impacts positifs de la médiation sont mesurables au niveau psychologique et cognitif :

La capacité du lâcher-prise

Les personnes ont décidé d'abandonner leurs émotions négatives et de s'ouvrir à nouveau à la vie.«Boucler la boucle / tourner la page / voir devant / tout lâcher» sont les termes utilisés pour caractériser ce nouvel état d'esprit, passage du passé au futur :

o c'est essentiel de constater que le médecin-chef avait fait son propre chemin, que ce n'était pas des paroles de médecin mais de personne ayant eu un débordement, ça répare, ça cicatrise, on peut écrire une nouvelle page (S34-p5);

o c'est important de pouvoir dire. Ça m'a sorti ça de la tête. On tourne la page (M22-p4);

o j'ai beaucoup pleuré pendant la médiation, j'ai beaucoup pleuré aussi après,

durant quelques jours. Et puis plus rien du tout. Après, j'ai pu voir devant

(K25-p3). Je tiens une force bestiale... Ma vie a changé en bien totalement;

je valorise la vie à chaque minute (grand sourire) (K44-p5);

o je me suis engagée personnellement de revivre tout ça différemment avec les informations que j'ai reçues (N29-p7);

o ça m'a permis de tout lâcher (N36-p8) ... Je garde les bons souvenirs. Je l'ai effacé dans l'image de malade (N47-p8). Je suis tournée vers autre chose ... je suis dans une autre phase, je m'en sors bien (N47-p8);

o j'ai pu boucler la boucle avec ce médecin (Q34-p5);

o j'ai pris conscience qu'on n'allait pas avoir d'enfant (Q12-p4). J'ai pu laisser ce fardeau et utiliser mon énergie pour le futur (Q23-p4).

Le renforcement des capacités d'autodétermination et de responsabilisation

Les impacts sur les capacités d'autodétermination sont probants. Les personnes perçoivent chez elles une capacité d'affirmation nouvelle depuis la médiation. Elles s'autoriseront désormais à devenir actives non seulement dans un rapport soignant-soigné mais aussi dans leur vie : passage de l'état de victime impuissante au statut d'acteur responsable :

o je suis plus sûre de moi (K44-p5);

o je perçois un changement de statut de patient. J'ai subi sans rien dire.

Aujourd'hui, je veux être active dans la relation soignant-soigné (J15-p3);
o moi, je me défendrai avant pour faire changer les choses. Avant, j'étais

plutôt timide (L40-p7);

o avant , j'aurais jamais osé dire non (M30-p5).

L'effet pédagogique de la médiation est explicite dans deux propos :

o j'ai appris ... je sais que je dois être plus explicite avec le médecin, mettre les problèmes sur la table plus vite, challenger le médecin, être plus sûr de moi si une situation part à la dérive, réagir plus tôt. C'est une leçon importante (S39-p5);

o je ne vais plus rester dans le dépit (S54-p8);

o j'ai appris beaucoup beaucoup (P24-p5). Je dois faire attention à ce que le médecin me dit, si c'est juste ou non (P25-p5).

Suite à la médiation, une personne s'est responsabilisée en prenant soin de sa santé psychique :

o j'ai entrepris depuis une psychothérapie qui vient de se terminer depuis quelques semaines. Je me sens bien (J17-p3).

> Du patient passif au patient pro actif

Les médiés se sont dits mieux renseignés sur leurs droits depuis la médiation et déterminés à les faire respecter :

o je me sens plus sûre de mes droits. Je vais désormais moins me laisser imposer des choses par les médecins (J14-p3);

o je sais qu'il existe la brochure bleue. Ca me donne l'opportunité de savoir me prendre moi-même : mes droits et mes limites, de défendre mes droits (P27-p4) ;

o je veux qu'on m'explique, qu'on m'informe. Je trouve important qu'on s'écoute chacun, le dialogue entre le médecin et le patient est très important. Sans ça, dans la maladie, c'est terrible pour le patient (K51- p6);

o ce doit être un rapport de confiance sinon je stopperai la relation avec le médecin (R37-p6). Par rapport aux informations, je demanderai maintenant qu'on me renseigne. Je ne vais plus accepter qu'on ne me dise rien (R38-p6);

o si ça devait se repasser, je serais peut-être plus vigilante, j'exigerais des explications, des entretiens (N48-p9);

o chaque fois, je demande qu'ils me fournissent une copie des résultats (O33-p4).

Connaissant ses droits, une personne se sent aujourd'hui plus sûre face aux médecins qui reprennent leur dimension d'êtres humains perfectibles :

o ça donne la sécurité que les médecins ne sont pas des Dieux, qu'on peut leur taper sur les doigts quand ils font faux (Q41-p6).

4.2.5. Catégorie «La paix sociale»

La paix sociale

La restauration du lien social

Les obstacles à la restauration du lien

La reprise ou la création
d'un lien thérapeutique

L'apaisement définitif

La restauration du lien social

Les propos de deux personnes mettent en exergue l'effet de régulation de la médiation sur les rapports sociaux :

o un lien relationnel futur ? Je pourrai le saluer si je le rencontre une fois (S30- p4);

o Je suis allée l'autre jour à l'Hôpital, j'ai passé mes meilleures salutations au médecin. Je l'ai vu récemment au carrousel avec ses enfants. On s'est parlé un peu (N68-p10).

La reprise ou la création d'un lien thérapeutique

Après la médiation, trois personnes ont fait preuve d'ouverture à l'idée de continuer un colloque intime soignant-soigné :

o si la doctoresse était installée, je continuerais la relation (R39-p6);

o oui, j'ai retrouvé confiance en la Dresse. Je pourrais envisager d'entrer en

matière pour me faire soigner par elle, les faits la concernant étaient d'une

part moins graves et, d'autre part, j'ai senti qu'elle comprenait ce que je lui

disais, ce qu'elle entendait;

o j'ai aussi senti ses excuses sincères (J18-p3);

o oui, s'il se retrouve aux urgences, par exemple, ça me permettra de vérifier s'il a changé (P26-p5.

De nouveaux liens se sont établis après la médiation :

o je ne le connaissais pas avant la médiation et maintenant, nous avons une relation suivie (L36-p6);

o je me suis inscrit dans un programme de recherche ... C'est le Dr V. qui s'en occupe, je suis allé deux fois..., il était très gentil avec moi, on n'a pas reparlé de tout ça. C'est un très bon médecin (O34-p4).

> Les obstacles à la restauration du lien thérapeutique

Une attitude de défense, un manque de sincérité lors de la formulation d'excuses ou une atteinte profonde à l'intégrité ont été des obstacles à la restauration du lien de confiance. La perspective d'une reprise du lien thérapeutique dans ces cas n'était pas envisageable :

o s'il avait fait des excuses sincères, ça aurait été autre chose, mais là ... On l'a jamais revu (M25-p4);

o ce n'est pas à une personne égale qu'il a donné ses excuses, mais à une personne qu'il prend pour une analphabète (K54-p6). Il n'existe plus, fini, terminé (K55-p6);

o non, en ce qui concerne le Dr Y., je n'irai plus jamais me faire soigner chez lui ; les faits le concernant étaient à mon sens trop graves. Il a tenté de minimiser la situation. Ses excuses ont été faites à reculons (J18-p3);

o avec le professeur, non, C'est allé trop loin ... Il m'a donné des médicaments en me trompant (R40-p6).

La médiation a révélé des dysfonctionnements institutionnels importants. La reconnaissance des torts et les engagements des professionnels présents n'ont pas suffi à rétablir la confiance envers le médecin mis en cause ni envers l'établissement :


· en le médecin-chef, non. En l'institution, non. C'est une question de vie ou de mort (S44-p6).

L'apaisement définitif

La médiation a répondu aux besoins d'expression, de compréhension, de reconnaissance et aux attentes citoyennes. Les cinq personnes déterminées à saisir la justice en cas d'échec ont, avec soulagement, abandonné définitivement cette idée :

o je serais allé plus loin (P11-p2);

o je savais que j'avais la possibilité de recours au niveau juridique, que j'avais raison et que s'ils ne reconnaissaient pas leurs erreurs, j'irais plus loin (J8- p2);

o s'il était resté sur ses positions, la médiation n'aurait pas réussie. On aurait dû aller plus loin (019-p3);

o j'avais besoin de faire une action en justice (K60-p6). Heureusement que le BCMS existe. Le procès aurait prolongé la souffrance et fait revivre les mauvais moments sans être sûr de gagner (K64-p7);

o je lui ai proposé de venir en médiation, que sinon, j'irais en justice (Q7-p3).

4.3. Synthèse

o besoins des plaignants : aspects psychiques;

o attentes des plaignants : aspects relationnels et citoyens.

Les effets de la médiation perçus par les personnes interrogées se situent au niveau de leurs besoins et de leurs attentes initiales :

Besoins psychiques :

Points de satisfaction :

o Agir, résoudre le conflit

o Implication personnelle résolution

du conflit à l'amiable

o Rencontrer les mis en cause dans

un espace neutre et sécuritaire

o S'exprimer

o Présence du tiers

o Prise de parole, équilibre du temps
de parole, accueil des émotions

o Sensibiliser les professionnels

o Prise de conscience des professionnels

 

Reconnaissance des erreurs

o Etre reconnu

o Reconnaissance mutuelle :

 

sincérité, marques de sympathie, excuses formelles, pardon

o Retrouver la sérénité

o Apaisement, rétablissement du bien-être moral

Attentes relationnelles et

Points de satisfaction :

citoyennes :

 

o Etre écouté, être entendu

o Ecoute, respect

o Etre compris

o Empathie, validation de la souffrance, reconnaissance des torts subis

o Comprendre (quête de sens)

o Intercompréhension, établissement
d'une relation humaine égalitaire

o Participer à l'amélioration de la

o Les accords : espoir ou garantie

qualité des soins (attitudes - comportements -information - pratique)

d'améliorations concrètes

Un effet implicite est mesurable au niveau psychologique et cognitif de ces personnes. Le schéma qui suit tente d'imager la dynamique du phénomène observé à partir de l'agir communicationnel du tiers durant la médiation :

Agir communicationnel du tiers

Expérience du monde vécu

Capacités
langagières
Empowerment

Reconnaissance
Engagements

Ouverture à autrui
Autodétermination

Restauration du lien

Gestion autonome
de sa vie

Effets pédagogiques
à long terme

Paix sociale
Amélioration de la qualité des soins

Par l'agir communicationnel du tiers, les personnes initialement enfermées dans leur souffrance et leurs besoins se sont construites progressivement en acteurs responsables de leur conflit.

1. celles-ci ont développé des capacités de langage nouvelles : emploi du «JE», langage respectueux, expression personnelle sur les plans de la pensée, du vécu, des ressentis, des émotions et des besoins;

2. cette forme de communication non violente a influé sur l'attitude et le comportement des professionnels, encouragés à leur tour par le tiers à engager un dialogue sur le même mode constructif : transparence, sincérité, respect;

3. les échanges d'informations dans un dialogue équitable et l'intercompréhension qui a suivi ont renforcé les plaignants dans «le sens de leur propre valeur» et sensibilisé aux préoccupations des professionnels. Un changement positif des perceptions réciproques est ici mesurable : vision objective de l'autre;

4. les marques de reconnaissance reçues des professionnels de la santé ont amplifié la dynamique de renforcement de la confiance en soi et de leur ouverture à l'autre. A ce stade, les personnes ont développé la capacité à pardonner aux professionnels sincères.

5. leur action directe sur la qualité des soins (relationnels - techniques) ou sur des dysfonctionnements institutionnels les ont confortés dans leur statut de citoyen et leur sentiment d'utilité.

On peut admettre que l'agir communicationnel du tiers a favorisé l'empowerment et la recognition119 réciproque des deux parties. Le phénomène observé chez les personnes interrogées peut donc être corrélé aux effets psychologiques et cognitifs décrits dans le modèle transformatif de Baruch Bush et Joseph Folger120:

Empowerment : «Passage de la faiblesse à la force, de l'inquiétude à la sérénité, de la confusion à la clarté, de la crainte à la confiance, de la désorganisation à la concentration, de l'incertitude à la capacité de décision» 121.

119 J. Faget, cours IUKB, Master janvier 2008, p. 65

120 Ibidem : «Empowerment : [...] la restauration chez l'individu du sens de sa propre valeur et de sa force et de sa propre capacité à traiter les problèmes de sa vie»

121 Ibidem : «Recognition : [...] la reconnaissance et l'empathie pour la situation et les problèmes d'autrui : Empowerment et recognition travaillent ensemble et se renforcent mutuellement [...]

Recognition : «Passage de l'auto-centration à la sensibilité à l'autre, de

l'auto-protection à l'attention à l'autre, de la défense à l'ouverture, de la suspicion à la confiance»

Ces transformations intrinsèques positives ont eu un impact favorable sur les rapports soignants-soignés et sur le «bien vivre ensemble» :

o dans certains cas, une ouverture à la continuité du lien thérapeutique; o dans la majorité des cas, la restauration du lien social;

o dans tous les cas, l'apaisement définitif du conflit.

Par apaisement définitif, nous entendons l'abandon du désir de saisir la justice, la paix intérieure retrouvée et la clôture définitive du dossier .

Effets des médiations abouties

Apaisement du plaignant

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

10/10

Réconciliation des parties

X

 

X

X

X

X

X

X

X

X

9/10

Restauration du lien social

X

 

X

X

X

X

X

X

X

X

9/10

Restauration relation thérapeutique

X

 

X

X

 

X

X

 

X

 

6/10

Clôture du dossier

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

10/10

4.4. Analyse des accords de médiation

Structures de soins mises en cause :

3 Cabinets privés

2 Hôpitaux universitaires

2 Hôpitaux de zone

1 Hôpital psychiatrique

1 Hôpital régional

1 Hôpital de réadaptation

Total : 10

Professionnels de la santé mis en cause :

1 Directeur

10 Médecins

2 Equipes infirmières

Total : 13

Sur les dix médiations concernées, cinq d'entre-elles concernaient un plaignant et un professionnel de la santé.

Les cinq médiations collectives ont réuni les acteurs suivants :

o 2 médiations : le plaignant et deux professionnels

o 1 médiation : le plaignant, son accompagnant et trois professionnels

o 1 médiation : deux plaignants et un professionnel

o 1 médiation : le plaignant, trois accompagnants et trois professionnels.

? ce qui explique le nombre de treize professionnels mis en question.

Nous avons réuni les différents points d'accords en cinq thèmes : quatre thèmes concernent directement les professionnels de la santé et un thème se rapporte aux institutions de soins.

Thèmes d'accords J K L M N O P Q R S Résultats

Amélioration du comportement personnel à l'égard des patients et de leurs proches

X

X

 

X

 

X

X

 
 

X

6/10

Développement d'un partenariat : intégration du patient et de ses proches dans le projet de soins

X

X

 

X

X

X

X

X

 

X

8/10

Amélioration de la communication personnelle avec les patients et les proches

 

X

 

X

X

 

X

X

 

X

6/10

Amélioration de la qualité de la pratique individuelle des soins

X

X

 

X

X

X

X

X

 

X

8/10

Amélioration de la prise en charge institutionnelle des patients et de leurs proches : information - transmissions

X

 
 
 

X

X

 
 
 

X

4/10

4/5 4/5 0 4/5 4/5 4/5 4/5 3/5 0 5/5

Lecture verticale :

o en premier lieu, nous relevons l'absence d'accords à l'issue de 2 médiations (L-R). En processus de deuil, les deux personnes ont été satisfaites de s'être exprimées et de recevoir des marques de sympathie;

o 1 protocole d'accord (S) contient des points d'amélioration au niveau des 5 thèmes. Dans cette situation, la médiation a permis de restaurer le lien social sans toutefois reconstruire la confiance ni en l'institution, ni en les professionnels de la santé;

o 3 protocoles d'accords (K-M-P) comportent des points d'amélioration au niveau des 4 thèmes concernant les professionnels de la santé;

o 3 protocoles d'accords (J-N-O) comprennent des points d'amélioration au niveau de 3 thèmes se rapportant aux professionnels de la santé et du thème concernant l'institution;

o 1 protocole d'accord (Q) contient des points d'améliorations au niveau de 3 thèmes concernant les professionnels de la santé.

Lecture horizontale :

o les 8 protocoles d'accords relèvent des points d'amélioration au niveau de 2 thèmes se rapportant aux professionnels de la santé : développement d'un partenariat et amélioration des pratiques professionnelles individuelles;

o 6 protocoles d'accords comportent des points d'amélioration au niveau des 2 autres thèmes relatifs aux professionnels de la santé : amélioration du comportement personnel et de la communication;

o 4 protocoles d'accords relèvent des points d'amélioration au niveau institutionnel : amélioration de la prise en charge institutionnelle

En résumé, nous constatons que les professionnels de la santé principalement mis en question sont des médecins et que les points d'améliorations les concernant se situent prioritairement au niveau de leur pratique professionnelle et de l'intégration des patients et des proches dans le projet de soins.

4.5. Conclusion

Quels sont donc les effets mesurables de la médiation ?

- l'expérience de la médiation peut être apparentée à un processus d'apprentissage « du monde vécu » dont les effets pédagogiques renforcent les ressources cognitives et les compétences sociales nécessaires à la gestion autonome de sa vie et de ses problèmes. A noter que les médiés prennent conscience de l'existence et de l'importance des droits des patients en cours de processus.

- la médiation est donc bien un processus au sens de Jean-Pierre BonaféSchmitt, qui vise à se construire comme acteur, à promouvoir une capacité d'action, une autonomie dans la gestion de ses conflits et, plus largement, de ses relations sociales;

- d'autre part, elle permet d'établir des passerelles de compréhension entre les acteurs du domaine de la santé, comme l'entend Michèle GuillaumeHofnung. Nous l'avons constaté non seulement au niveau des rapports soignants -soignés (dialogue éthique- intercompréhension), mais aussi entre les professionnels eux-mêmes ( transmissions - information);

- la médiation a pour effet de mettre en exergue des manquements relationnels, des erreurs professionnelles et des dysfonctionnements institutionnels et, par la construction d'une nouvelle normalité (accords), elle participe à l'amélioration de la qualité des soins;

- enfin, elle est un mode de régulation sociale qui a pour effet la consolidation du tissu social (restauration du lien social - paix sociale) et participe à la reconstruction d'une confiance mutuelle entre citoyens et professionnels de la santé.

CONCLUSIONS

Afin de confirmer ou infirmer notre hypothèse de recherche, nous nous référons à :

o l'analyse sur l'état des lieux de la médiation en Suisse romande; o l'analyse du modèle de service de médiation vaudois;

o l'analyse qualitative sur les effets de la médiation.

Nous estimons que la médiation institutionnelle ne prévient pas aussi radicalement que nous le présupposions le non respect des droits du patient, mais qu'elle y contribue sous réserve des conditions suivantes :

1. les textes de loi prévoient l'ensemble des conditions requises pour l'instauration d'une instance de médiation telle que décrite par Jean-Pierre Bonafé-Schmitt :

? indépendance, impartialité, absence de pouvoir et mode d'action communicationnel du tiers;

2. la mise en oeuvre de la médiation institutionnelle s'apparente à l'approche normative définie par Jacques Faget :

? processus de construction ou de réparation du lien social et de gestion

des conflits qui invariablement repose sur la posture du médiateur;

3. la notion de confidentialité est respectée;

4. la médiation est accessible en mode de saisine directe;

5. les deux parties montrent une volonté réelle de résoudre le conflit : ? absence d'hostilité, sincérité, humilité.

Lorsque l'ensemble de ces pré-requis est présent, les conditions processuelles et l'agir communicationnel du tiers créent un espace d'expression particulier dans lequel s'opèrent des transformations psychologiques et cognitives qui affermissent les capacités d'autodétermination et de responsabilisation des parties. Forts de ces nouvelles compétences sociales et informés de leurs droits, les patients ou leurs proches s'assureront à l'avenir de participer activement au projet de soins et revendiqueront auprès des professionnels de la santé le respect de ces droits. Quant à ces derniers, c'est par la reconnaissance de leurs manquements et leurs engagements concrets qu'ils participeront activement au développement d'une prise en soins individualisée et établiront une relation équitable et bienveillante avec leurs patients.

Au travers de notre recherche, nous avons pu montrer que la médiation est une démarche éthique qui contribue à la reconnaissance réciproque, à la paix sociale, à l'humanisation des relations soignants-soignés et à la démocratisation du domaine sanitaire.

La crise identitaire que traversent aujourd'hui les soignants, ajoutée aux besoins légitimes des patients et à leurs attentes parfois démesurées à l'égard d'une figure «Toute puissante» de la médecine, est source de conflictualité qui va croissante. En témoigne la juridicisation des conflits qui rompt tout canal de communication, engorge les tribunaux et laisse fréquemment les plaignants dans l'insatisfaction par le classement sans suite de leur dossier.

Au même titre que la santé, l'état d'équilibre précaire des rapports sociaux dans ce domaine complexe en mutation demande à se stabiliser pour le bien-être et l'épanouissement de tous. Les progrès de la médecine et l'apparition des droits des patients appellent la société à réinventer une relation thérapeutique basée sur un équilibre des pouvoirs et des responsabilités. La culture paternaliste a vécu; il s'agit aujourd'hui de passer à une culture en partenariat dont les pierres angulaires sont la transparence, la confiance, l'équité, la bienveillance et le respect mutuel.

Par ses effets apaisant et pédagogique, nous sommes convaincus du bienfondé du développement de la médiation sanitaire dans cette période de mutation sociale. Cependant, nous avons constaté une méconnaissance de celle-ci au sein de la collectivité, tant du point de vue de sa définition que de ses nombreux avantages. Trop souvent comprise dans le sens d'un moyen amiable de gérer le conflit ou confondue avec l'approche juridique ou conciliatoire, il s'agira pour nous de réfléchir à la manière de promouvoir la culture de la médiation sanitaire dans notre canton et de proposer, le moment venu, un modèle de service proche du Bureau cantonal de médiation santé vaudois, ceci dans l'intérêt général.

L'idéal serait de sensibiliser parallèlement les politiques, les corporations professionnelles et la population afin que les intérêts convergent vers un projet pérenne.

Conférences, présentations, articles de presse, cours de sensibilisation ou encore théâtre forum selon la méthode d'Augusto Boal sont autant d'outils de diffusion potentiels.

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http://www.fr.ch/v_ofl_bdlf_courant/fra/821012.pdf

Jura

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Documents

Présentation du fonctionnement et de l'activité du BCMS Support de cours DUM, IUKB, Sion, 2007

Commissions vaudoise d'examen des plaintes « Patients » Rapports d'activité 2004 à 2007

Commission vaudoise d'examen des plaintes « EMS » Rapports d'activité 2004 à 2007

Bureau cantonal de médiation santé Rapports d'activité 2004 à 2007

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Charte européenne des droits des patients http://www.activecitizenship.net/index2.php?option=comdocman&task=docview&gid=22&Item id=86

Evolution de la déontologie médicale : « Du serment d'Hippocrate au serment médical : de la médecine au social »

http://droit-medical.com/perspectives/6-la-forme/57-serment-hippocrate-serment-medical

Rapport de la Commission d'enquête parlementaire sur les EMS vaudoise Grille d'entretien « patients et proches »

Grille d'entretien « professionnels de la santé »

Liste des entretiens

? Avec des personnalités de références ? Avec 9 professionnels de la santé






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