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Sciences et Politiques institutionnelles au Burkina Faso: élaboration et réformes de la Constitution de la IVème République

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par G. Jean Luc ZONGO
Université Ouaga II Burkina Faso - DEA sciences politiques 2011
  

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SECTION II : Les modes non-étatiques de mobilisation des connaissances scientifiques.

Les modes non étatiques sont les modes utilisés par les associations de la société civile et les partis politiques. Adoptant une attitude méfiante à l'égard des structures dites techniques81(*), certaines de ses associations ont mis en place leurs propres comités de réflexion sur l'élaboration de la constitution. Ainsi, on distinguera les comités mis en place par les organisations de la société civile (Paragraphe I) de ceux mis en place par les partis politiques (Paragraphe II).

§1 : Les comités de réflexion des associations de la société civile

Au niveau des associations de la société civile, la socialisation des sciences doit beaucoup à l'engagement des intellectuels et à la position critique qui s'en est suivie. Leur action peut être éclairée grâce à une lecture qui croise la perspective de l'histoire politique avec celle de la sociologie et de l'histoire sociale. En effet, non seulement les évènements historiques de cette époque ont exigé d'eux une prise de position, mais aussi leur position dans l'espace professionnel a joué pour certains un rôle considérable. De façon plus précise, il faut distinguer les intellectuels mobilisés occasionnellement au sein de l'Église catholique de ceux qui évoluaient déjà dans le cadre militant du Mouvement Burkinabé des Droits de l'homme et des Peuples (MBDHP). Ce sont les seules organisations de la société civile à avoir eu le courage, au sein de la commission constitutionnelle, de s'opposer formellement au Front populaire sur le terrain de la « lutte pour l'imposition de la vision légitime du monde social82(*) ». Elles se sont retrouvés devant la nécessité de réfuter les thèses pseudo-scientifiques du Front populaire et les prétentions hégémoniques qu'elles drainaient, par la construction d'une argumentaire solide, capable de déconstruire ces thèses par lesquelles la junte militaire espérait instaurer une démocratie « truquée », conforme à leurs intérêts en tant que dominants du moment. Pour ces organisations de la société civile, il fallait user des ressources intellectuelles à leur disposition pour provoquer la « dérive démocratique83(*) » que les dirigeants du Front populaire abhorraient profondément. Si l'Église a dû mettre en place un comité ad hoc pour la circonstance (A), l'organigramme du MBDHP, qui comprenait déjà une commission arbitrale (B) lui dispensait d'une telle entreprise.

A) Le comité de l'Église catholique

L'abbé Paul Ouédraogo a été le représentant officiel de l'Église catholique au sein de la commission constitutionnelle. Mais les positions qu'il a défendu au sein de celle-ci ont été produites par « un comité de réflexion d'une quinzaine de membres (théologiens, personnes consacrées, intellectuels laïcs)84(*) ». Constitué par l'abbé Paul Ouédraogo, ce comité était composé de juristes, de sociologues, de politologues, et de sociologues des institutions. L'abbé Paul lui-même, en plus d'être théologien et canoniste, a fait des études de sociologie des institutions et d'anthropologie du développement85(*). Il s'agit donc d'un groupe de spécialistes de certaines sciences dont la connaissance est indispensable pour traiter de questions politiques et constitutionnelles. Il n'est peut-être pas très osé de dire qu'un tel engagement des laïcs aux côtés des personnes consacrées répond aussi à l'appel que le Pape Jean-Paul II, dans son exhortation apostolique post-synodale Christifideles Laici86(*), lançait aux laïcs. Lors de sa visite au Burkina Faso en 1990, le Pape a renchéri son appel : « chacun reçoit une mission pour l'Église, c'est-à-dire pour servir Dieu, pour servir ses frères et la société [...] Dans la période de renouvellement que vit votre pays, l'Église, et les laïcs en particuliers, sont appelés à travailler pour que ce renouvellement se fasse sur la base du respect de la personne humaine et de la famille. La vie humaine est inviolable. Le droit à la vie doit être défendu sans cesse comme droit premier, origine et condition de tous les autres droits de la personne87(*) ». Un tel appel entre d'ailleurs dans la logique de la doctrine sociale de l'Église.

Ce comité de l'Église catholique a produit des contributions écrites qui, à la fois exposent ces thèses et critiquent celles du pouvoir. Elle trouvera un allié de taille dans le Mouvement de Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples.

B) La commission arbitrale Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples (MBDHP)

Pour une organisation de défense des droits de l'homme, la ligne de défense est bien évidemment celle d'une démocratie qui respecte absolument ces droits.

Le MBDHP a été créé en février 1989 par un groupe d'intellectuels engagés, venus de divers horizons professionnels. L'annonce de l'élaboration d'une constitution est apparue pour le MBDHP, comme une aubaine à saisir pour réhabiliter les droits de l'homme en crise dans le pays notamment depuis le début des années 80. S'il appelle à élaborer une « constitution conforme aux spécificités » de notre peuple, ce n'est pas qu'il adhère et fait sienne la rengaine des intellectuels organiques du Front populaire. Il connait certes les réalités. Il s'est en effet doté d'un organe interne qui mène dans le pays des études et des recherches relativement aux droits de l'homme : c'est la commission arbitrale présidée à cette époque par Yago Modeste et composée de trois sous-commissions présidée par Cissoko Mamadou, Laurent Bado et Claude Wetta. Mais la plupart de ces « spécificités  de notre peuple » étaient considérées par le MBDHP comme des plaies qu'il fallait « exhéréder88(*) » grâce à la constitutionnalisation des droits de l'homme. Tout comme au niveau de l'Église catholique, le MBDHP a produit des écrits qui non seulement exposent son point de vue, mais aussi critiquent les thèses pseudo-scientifiques du Front populaire. Certains partis politiques vont abonder dans le même sens.

* 81 Elles ont été identifiées comme étant à la solde du Front populaire. Entretien avec Philippe Ouédraogo, juillet 2010, représentant du PAI au sein de la commission constitutionnelle.

* 82 P. Bourdieu, cité par G. Sapiro, Sapiro G., Modèles d'intervention politique des intellectuels. Le cas français, Actes de la recherche en sciences sociales 2009/1-2, n° 176-177, p. 8-31.

* 83 Otayek René. L'Église catholique au Burkina Faso : un contre-pouvoir à contretemps de l'histoire ? In : Constantin F. (ed.), Coulon C. (ed.) Religion et transition démocratique en Afrique. Paris : Karthala, 1997, p. 243.

* 84 Ibid. p. 244.

* 85 Entretien avec Mgr Paul Ouédraogo aujourd'hui archevêque de Bobo, le 16 août 2010. Ancien secrétaire général de la conférence épiscopale, il était au moment de l'élaboration de la constitution secrétaire général de la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel. C'est donc en intellectuel avisé qu'il a été désigné par ses collègues prêtres pour représenter l'Église catholique au coeur de la commission constitutionnelle. (Entretien)

* 86 Cahiers pour croire aujourd'hui, n°32, 15 février 1989 ;

* 87 Sidwaya n°1444, 23 janvier 1990

* 88 Entretien avec Halidou Ouedraogo (août 2010), actuellement président d'honneur du MBDHP. Il les énumère : partage équitable des richesses avec les populations pauvres, le statut de la femme et de l'enfant, lutte contre l'excision, le mariage forcé, le problème des castes, de la chefferie traditionnelle et de la féodalité, le problème des vieilles personnes, etc.

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