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Du statut juridique des enfants enrôlés dans les groupes armés à  l'Est de la RDC

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par Eddy BYAMUNGU LWABOSHI
Université libre des pays des grands lacs Goma - Licence en droit public interne et international 2009
  

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CHAPITRE II. L'ENFANT-PRISONNIER DE GUERRE AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

Les combattants qui, au cours d'un conflit armé international, tombent aux mains de la puissance ennemie sont des prisonniers de guerre48(*). Très générale, cette définition du prisonnier de guerre englobe différentes catégories de personnes énumérées par l'article 4 de la troisième Convention de Genève du 12 août 1949 portant sur la protection des prisonniers de guerre. Cependant, il n'est cité à aucun moment dans la liste de cet article 4 le mot « enfant » ou « mineur » susceptible de lui octroyer un régime dérogatoire et protecteur.

Le régime juridique applicable à l'enfant-prisonnier de guerre dépend donc implicitement de celui des adultes. Mais il est également tributaire des droits spéciaux prévus par le droit international humanitaire qui protègent l'enfant entant que personne civile particulièrement vulnérable. Si l'enfant-prisonnier de guerre est doublement protégé comme acteur de la guerre d'une part mais aussi comme victime d'autre part, ce n'est que par emprunt et par assimilation à des statuts protecteurs du droit international humanitaire. Les interrogations liées à l'enfant comme acteur de la guerre ne prenant des dimensions excessives et inacceptables qu'à une époque récente, postérieure à la rédaction de ces Conventions de Genève 4 ; ce n'est que le 8 juin 1977, avec l'adoption des protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949, le premier étant relatif aux conflits armés internationaux, le second aux conflits armés non internationaux, que le problème spécifique de la participation des mineurs aux hostilités va être codifié.

Les protocoles de 1977 additionnels aux Conventions de Genève vont donc être les premiers instruments de droit international à se préoccuper de la participation des enfants aux hostilités ; participation qui peut s'étendre d'une aide indirecte aux combattants jusqu'à l'enrôlement dans les forces armées. Cependant la codification paraît partielle. L'article 77 du premier protocole additionnel ne donne pas satisfaction dans la mesure où il ne prend pas réellement en compte la spécificité de l'enfant-prisonnier de guerre ; les enfants bénéficiant à l'alinéa 3 de cet article « de la protection spéciale accordée par le présent article, qu'ils soient ou non prisonniers de guerre ».

Quant à la Convention Relative aux Droits de l'Enfant (la CDE) du 20 novembre 1989, dont on aurait pu attendre une protection de l'enfant-combattant (ou enfant-soldat) et de l'enfant-combattant prisonnier de guerre, du fait de sa qualité d'enfant ; aucune disposition ne permet en réalité de mieux appréhender une telle protection. En effet, l'article 38, seule disposition de la Convention relative aux conflits armés, renvoie simplement aux règles générales du droit international humanitaire en reprenant le libellé de l'article 77 alinéa 2 du premier protocole. Cet article est même en deçà de la protection du deuxième protocole puisqu'il n'interdit que la participation directe aux hostilités des enfants de moins de quinze ans et surtout n'exige que des « mesures possibles » et non plus « nécessaires » pour empêcher cette participation.

Il n'y a donc pas de définition précise du régime juridique de l'enfant-prisonnier de guerre en droit international humanitaire et lorsque quelques dispositions élaborent une esquisse de statut protecteur, elles sont confuses et par conséquent d'une efficacité relative. L'article 77 du premier protocole additionnel semble par ailleurs significatif de cette confusion qui règne autour du statut juridique de l'enfant-prisonnier de guerre en droit international humanitaire.

En effet, en énonçant dans son article 2 que les parties au conflit doivent « enrôler en priorité les plus âgés » (en parlant des enfants de quinze à dix-huit ans) cela ne révèle t- il pas que même si le droit international humanitaire trouve anormal la participation des enfants aux conflits, il est néanmoins obligé d'accepter cette situation pour leur accorder une protection salvatrice ?

De la même manière, des enfants de moins de quinze ans prenant part aux hostilités, l'Alinéa 3 de cet article 77 prend en compte cette réalité pour les protéger, notamment lorsqu'ils sont « arrêtés, détenus ou internés pour des raisons liées au conflit armé » en vertu de l'alinéa 4 de cet article 77. Le fait qu'une convention internationale réglemente une situation qui se produirait si un article même de cette dernière venait à être violé ne démontre t- il pas l'absence d'homogénéité et donc d'efficacité de la protection de l'enfant-soldat prisonnier de guerre par le Droit International Humanitaire ?

L'état actuel du droit international humanitaire suscite donc des interrogations sur l'efficacité et l'effectivité de la mise en oeuvre des garanties accordées à l'enfant-soldat en tant que prisonnier. « Les Etats parties prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour veiller à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités ». «Si, dans des cas exceptionnels et malgré les dispositions de l'alinéa 2 de l'Art.39 de la Convention de Genève qui disposent que des enfants qui n'ont pas quinze ans révolus participent directement aux hostilités et tombent au pouvoir d'une partie adverse, ils continueront à bénéficier de la protection spéciale accordée par le présent article, qu'ils soient prisonniers de guerre ou non » (Section 1ère). Quand on imagine le traumatisme provoqué chez l'enfant par l'incarcération et ses conséquences néfastes pour sa vie future, de telles limites ne peuvent qu'inciter à rechercher des mesures de substitution et d'atténuation à l'emprisonnement (Section 2ème).

Section I. LA PROTECTION DE L'ENFANT-PRISONNIER DE GUERRE EN DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

Dans la présente section il sera question de voir les limites réelles et quasi inévitables que rencontre la protection des enfants-prisonniers de guerre.

§1. Les limites de la protection de l'enfant-prisonnier de guerre en Droit International Humanitaire

Ces limites sont dues à la catégorisation actuelle de la protection de l'enfant-prisonnier de guerre en fonction de l'âge (A), mais également au déséquilibre de cette protection au regard de la nature du conflit (B).

A. Critiques de la catégorisation de la protection de l'enfant-prisonnier de guerre en fonction de l'âge

Le droit international humanitaire a établit des catégories de protection non compatibles avec la réalité de la guerre (1°). Cependant, ces catégories ont le mérite d'accorder à l'enfant prisonnier de guerre un traitement privilégié (2°).

Une protection illusoirement tributaire de l'âge ou l'inefficacité de la catégorisation actuelle du statut de l'enfant-prisonnier de guerre

Cette inefficacité de la catégorisation actuelle du statut de l'enfant-prisonnier de guerre s'apprécie aussi bien au regard de la situation de l'enfant de quinze à dix-huit ans (a) que de celle de l'enfant de moins de quinze ans (b).

a. La situation de l'enfant de quinze à dix- huit ans

Les personnes de quinze à dix-huit ans incorporées dans les forces régulières sont considérées comme des combattants au sens de l'article 4-1 de la troisième convention de Genève portant sur la protection des prisonniers de guerre et sont dès leur capture des prisonniers de guerre « classiques ». On leur applique ainsi le statut de prisonnier de guerre tel qu'il est appliqué aux adultes. Cependant, l'alinéa 4 de l'article 77 du protocole additionnel relatif aux conflits armés internationaux est moins clair en ce qui concerne les jeunes de seize à dix-huit ans. Le rapporteur de la Commission III disait à ce sujet que « la décision de détenir des personnes de seize, dix-sept ou dix-huit ans dans des locaux séparés de ceux des adultes sera fonction des lois et traditions nationales et du choix des parties au conflit49(*). Pour cette catégorie, il y a lieu de se conformer aux habitudes et à la pratique suivie dans les lieux de détention ou de rassemblement des pays intéressés. La protection de l'enfant de seize à dix-huit ans n'est donc pas homogène ; cette question étant dans une certaine mesure liée au problème de la majorité pénale nationale. En effet, dans certains pays aucune sanction pénale ne peut être infligée à des individus qui n'ont pas atteint un âge minimal ; âge qui varie selon les pays. Par exemple, cet âge est de treize ans au Burundi50(*).

Enfin, nous pouvons soulever une autre interrogation suite aux propos du rapporteur de la Commission III qui parle des enfants de seize à dix-huit ans alors que le droit international humanitaire semble quant à lui distinguer les enfants de moins de quinze ans et les autres. A quel régime juridique est soumis l'enfant de quinze à seize ans ?

b. Le cas de l'enfant de moins de quinze ans

Les raisons pour lesquelles il n'existe pas d'interdiction absolue d'enrôler l'enfant-soldat de moins de quinze ans (b.1) permettent d'expliquer dans une certaine mesure pourquoi la protection de l'enfant de moins de quinze ans dépend bien plus du droit applicable à la captivité de l'enfant que de son âge (b.2).

b.1 Pourquoi n'existe-il pas d'interdiction absolue d'enrôler l'enfant-combattant de moins de quinze ans ?

Selon l'article 77 alinéa 2 du premier protocole additionnel du 8 juin 1977 relatif aux conflits armés internationaux, les Parties au conflit doivent prendre « toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants qui n'ont pas quinze ans révolus ne participent pas directement aux hostilités, notamment en s'abstenant de les recruter dans leurs forces armées ». Cependant la réalité est bien différente comme en Afrique et particulièrement au Soudan par exemple où l'UNICEF a évacué, le 27 février 2007, 2500 enfants-soldats dont certains avaient à peine huit ans51(*).

Nous pouvons alors nous demander pourquoi il s'agit de mesures « possibles » et non pas d'une prohibition absolue de recruter les enfants de moins de quinze ans. Est-ce que l'ampleur prise par la participation des enfants de moins de quinze ans est si importante qu'il est impossible d'empêcher une telle participation de l'enfant de moins de quinze ans aux conflits armés ou bien au contraire le droit international humanitaire ne cherche-il pas à éviter de poser clairement une telle prohibition pour permettre de la sorte l'adhésion du plus grand nombre de pays possible à ses normes?

La réponse se trouve dans les travaux préparatoires des Conventions de Genève du 12 Août 1949. La Conférence diplomatique, instance chargée du consensus autour des normes de droit humanitaire, a pris en compte le fait que des enfants de moins de quinze ans participent volontairement aux hostilités dans des circonstances extrêmes même s'ils ne se rendent pas toujours compte des enjeux liés au conflit52(*).

Paradoxalement, cette Conférence diplomatique a donc préféré réglementer un tel état de fait plutôt que d'aller contre la volonté d'enfants de quinze ans de combattre et ce même si ces derniers ne sont pas capables de discerner les raisons du conflit...

Cependant, la situation risquait de changer avec l'entrée en vigueur du Statut de la Cour Pénale Internationale. Ce statut adopté à Rome le 17 juillet 1998, inclut dans la liste des crimes de guerre relevant de la compétence de la Cour, le fait de faire participer activement à des hostilités les enfants de moins de quinze ans ou de procéder à leur enrôlement, dans les forces armées nationales lors d'un conflit armé international ( article 8 (2)b)XXVI ) et dans les forces armées nationales et autres groupes armés lors d'un conflit armé non international ( article 8 (2)e)XII) ).

b. 2 Une protection bien plus tributaire du droit applicable à la captivité de l'enfant que de son âge

Les enfants de moins de quinze ans, capturés alors qu'ils étaient dans les forces régulières, devraient juridiquement être considérés comme des civils puisque le droit international interdit leur participation au conflit. Pourtant l'intérêt du jeune prisonnier est de se voir attribuer le statut de prisonnier de guerre, avec traitement renforcé en raison de son jeune âge. C'est ce qui se fait en pratique. La protection de l'enfant-prisonnier de guerre (qu'il ait moins de quinze ans ou pas) dépend donc bien plus du droit applicable à la captivité de l'enfant-prisonnier de guerre que de son âge ; âge qui est indifférent pour être enrôlé en tant que soldat ou pas53(*).

L'article 45-1 du premier protocole additionnel des Conventions de Genève confirme cela en ne faisant aucune référence à l'âge du combattant et du sort qu'il lui est réservé en cas de capture : « Une personne qui prend part à des hostilités et tombe au pouvoir d'une partie adverse est présumée être prisonnier de guerre et par conséquent se trouve protégée par la troisième Convention de Genève lorsqu'elle revendique ce statut de prisonnier ou lorsque la partie dont elle dépend revendique ce statut pour elle ».

La capture est ainsi l'instant décisif pour l'application du droit international humanitaire selon la présomption posée par l'article. Nous pouvons alors nous demander quelle est l'utilité de ce seuil de quinze ans vu que le droit international humanitaire est logiquement obligé (pourrait-on dire) de protéger les enfants qui ont moins de quinze ans?

Nous allons voir qu'en réalité l'âge n'est pas une limite pour bénéficier du statut de prisonnier de guerre mais plutôt un facteur pour lui octroyer un traitement privilégié.

Pertinence de la protection en fonction de l'âge au regard du traitement privilégié accordé à l'enfant-prisonnier de guerre

Après avoir recensé les principaux textes protecteurs (a), nous nous attacherons plus particulièrement au rôle de l'âge comme facteur d'atténuation de la responsabilité pénale de l'enfant prisonnier de guerre (b).

a. Les principaux textes juridiques protecteurs

Il n'y a aucune limite d'âge pour être prisonnier de guerre ; l'âge peut seulement être un facteur justifiant un traitement privilégié. C'est ce que rappelle l'article 16 de la troisième Convention de Genève selon lequel toutes les dispositions de la troisième Convention de Genève doivent être reconnues aux intéressés dont l'âge justifie un traitement privilégié.

Ce traitement privilégié est garantit par plusieurs dispositions dont principalement: « Compte tenu des dispositions de la présente Convention relative au grade ainsi qu'au sexe, et sous réserve de tout traitement privilégié qui serait accordé aux prisonniers de guerre en raison de leur état de santé, de leur âge ou de leurs aptitudes professionnelles, les prisonniers doivent tous être traités de la même manière par la puissance détentrice, sans aucune distinction de caractère défavorable, de race, de nationalité, de religion, d'opinions politiques ou autre, fondée sur des critères analogues.

L'article 77-4 du premier protocole selon lequel « s'ils sont arrêtés, détenus ou internés pour des raisons liées au conflit armé, les enfants seront gardés dans des locaux séparés de ceux des adultes». Cette séparation a pour but d'annihiler le risque des exactions commises par les adultes envers ces enfants54(*). Cependant, si l'on peut raisonnablement tenir pour acquis que les enfants de moins de quinze ans seront détenus séparés de ceux des adultes ; la situation est moins claire en ce qui concerne les jeunes de 16 à 18 ans. A cet égard, voici ce que dit le Rapporteur de la Commission III : « La décision de détenir des personnes de seize, dix-sept ou dix-huit ans dans des locaux séparés des adultes sera fonction des lois et traditions nationales et du choix des Parties au conflit »55(*).

Il convient ainsi d'admettre comme lui que pour cette dernière catégorie, il y aura lieu de se conformer aux habitudes et à la pratique suivie dans les lieux de détention ou de rassemblement des pays intéressés et qu'en cas d'incertitude, c'est l'intérêt des jeunes qui devra primer. L'article 50 de la quatrième Convention de Genève qui prévoit l'interdiction d'enrôler les enfants qui sont sous contrôle d'une puissance occupante. Enfin, l'article 8-1 de la déclaration sur les règles communes minima de traitement des prisonniers de guerre.

b. Le rôle primordial de l'âge en matière d'emprisonnement de l'enfant soldat-prisonnier de guerre comme facteur d'atténuation de sa responsabilité pénale

Comme pour tous les autres prisonniers de guerre, le statut n'interdit pas les poursuites pénales pour les infractions graves du droit international humanitaire, notamment les crimes de guerre et les infractions liées à la législation nationale de la puissance détentrice commises par ces enfants.

Cependant, leur responsabilité doit toutefois être appréciée en fonction de leur âge et, en règle générale des mesures éducatives seront imposées et non des peines car on veut éviter que l'enfant soit définitivement perdu par un emprisonnement trop long et peu réparateur.

L'âge a donc un impact positif et indirect sur l'emprisonnement de l'enfant-soldat car sa responsabilité pour les crimes de guerre ou les infractions à la législation sera appréciée en principe en fonction de son âge et des mesures éducatives seront imposés et non une peine.

Il n'est donc pas comme tout autre prisonnier de guerre adulte car quand bien même des sanctions pénales peuvent être prises à son encontre, la peine de mort ne pourra être prononcée contre une personne âgée de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction et en aucun cas être exécutée tel que le prévoit l'alinéa 5 de l'article 77 du premier protocole additionnel aux Conventions de Genève.

Lors de ses visites aux camps de prisonniers de guerre, en vertu du mandat qui lui a été confié par les Etats parties aux traités du droit international humanitaire et notamment l'article 126 de la troisième Convention de Genève, le Comité International de la Croix-Rouge veille au respect des règles accordant une protection spéciale aux enfants. Il insiste également sur la prise en compte de leurs aptitudes restreintes en raison de leur âge qui nécessite l'application de mesures plus favorables à leur égard. Cette protection spéciale découle des dispositions de la quatrième Convention de Genève de 1949, qui devraient aussi figurer dans la troisième Convention, et se réfère notamment aux conditions matérielles et morales de l'internement. Ces dispositions sont énoncées aux articles 82, 85 alinéa 2, 89 alinéa 5, 94 et 119 de la quatrième Convention de Genève mais aussi aux articles 50, 51, 68 et 76 de la même Convention s'ils se trouvent en territoires occupés.

L'arsenal juridique du droit international humanitaire protecteur en matière de responsabilité de l'enfant-prisonnier de guerre paraît relativement bien étendu. Cependant, dans la réalité, ce dernier semble plus être traité comme un prisonnier de guerre classique à qui on accorde une protection spéciale en raison de son âge particulier que comme un prisonnier de guerre où sa qualité d'enfant prédominerait.

En effet, l'absence de statut protecteur propre à l'enfant donne une telle impression.

Si les limites de la protection de l'enfant-prisonnier de guerre se font ressentir au niveau de la prise en compte de l'âge de ce dernier ; elles apparaissent également au regard de la distinction opérée par les protocoles additionnels du 8 juin 1977 en fonction de la nature du conflit. «Une condamnation à mort pour une infraction liée au conflit armé ne sera pas exécutée contre les personnes qui n'avaient pas dix-huit ans au moment de l'infraction ».

B. Une protection déséquilibrée au regard de la nature du conflit ou la distinction opérée par les protocoles additionnels du 8 juin 1977

La protection de l'enfant-prisonnier de guerre paraît être mieux efficace dans le cadre d'un conflit armé international et ce même si nous allons en apprécier également ses limites (1°) que dans le cadre d'un conflit armé non international (2°).

La prise en compte de l'enfant-prisonnier de guerre par l'article 77 du premier protocole relatif aux conflits armés internationaux

L'article 77 alinéa 4 évoque l'enfant-prisonnier de guerre sans pour autant lui octroyer un statut propre à son emprisonnement, tout comme l'article 77 alinéa 3 qui accorde une protection pour les enfants qui n'ont pas quinze ans « qu'ils soient prisonniers de guerre ou pas » pour reprendre son libellé. Le fait qu'ils soient prisonniers de guerre ou pas n'a pas d'importance : le but est de les protéger. Cela peut paraître louable d'un côté dans le sens où l'enfant pris dans le tourbillon de la guerre doit être protégé. D'un autre côté, on aurait pu s'attendre à une protection plus adaptée et à de réelles mesures en faveur de l'enfant-prisonnier de guerre qui est un soldat ne l'oublions pas. Cet article 77 alinéa 4 énonçant simplement que les enfants seront « gardés dans des locaux séparés de ceux des adultes », la protection peut paraître limitée car aucune référence n'est faite à des dispositions spécifiques au problème de l'enfant-prisonnier de guerre.

En effet, n'est- il pas indéniable que l'enfant-prisonnier de guerre a besoin de plus d'attention que l'enfant prisonnier civil qui par exemple en vertu de l'article 82 de la quatrième Convention de Genève a l'avantage, en principe, de devoir être interné avec sa famille.

Enfin, on peut ajouter pour conclure sur ce point que l'alinéa 5 de cet article 77 complète de manière substantielle l'article 77 paragraphe 4 en prévoyant que même si des prisonniers de guerre ont moins de quinze ans ; la peine de mort ne pourra être prononcée contre eux.

Au vu de ces dispositions, la protection de l'enfant-prisonnier de guerre en cas de conflits armés internationaux paraît limitée ; elle est cependant plus étendue que celle relative aux conflits armés non internationaux,...

Une protection plus synthétique en cas de conflits armés non internationaux

Après avoir montré les limites de la protection de l'enfant-prisonnier de guerre en cas de conflits armés non internationaux (a), nous étudierons plus spécifiquement le problème posé en matière d'éducation de cet enfant captif (b).

a. Les limites de la protection de l'enfant-prisonnier de guerre en cas de conflits armés non internationaux

Dans les conflits armés non internationaux, il n'existe pas plus de statut protecteur pour les catégories de personnes civiles et d'internés civils que pour les combattants et les prisonniers de guerre.

Il existe malgré tout une interdiction absolue de recruter et de faire participer aux hostilités des enfants de moins de quinze ans à l'article 4 alinéa 3c du deuxième protocole contrairement lors des conflits armés internationaux où l'alinéa 2 de l'article 77 du premier protocole est moins contraignant en énonçant que : « Les parties au conflit prendront toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités ». L'enfant de moins de quinze ans paraît à première vue mieux protégé en cas de conflit armé non international qu'international...

Cependant, le deuxième protocole renvoie à une protection générale56(*) : la protection de l'article3 commun aux Conventions de Genève (droits minimaux accordés au titre de garanties fondamentales) et celle de l'article 4 alinéa 3d du deuxième protocole prévoyant en effet que « la protection spéciale prévue par le présent article pour les enfants de moins de quinze ans leur restera applicable s'ils prennent directement part aux hostilités en dépit des dispositions de l'alinéa précité et sont capturés ».

La protection est donc synthétique car elle ne s'applique d'une part qu'aux enfants de moins de quinze ans et d'autre part par référence à des normes de portée très générale. En effet, la protection étant plus forte (il est interdit de manière absolue de recruter et de faire participer aux hostilités).

« Les enfants de moins de quinze ans ne devront pas être recrutés dans les forces ou groupes armés, ni autorisés à prendre part aux hostilités». Il semble que la protection issue de la transgression de la règle ne peut être que relative pour permettre à cette dernière règle d'être efficace au maximum. Cependant d'un autre côté, prévoir les conséquences d'une éventuelle violation du droit ne tend-il pas, dans un tel cas, à renforcer la protection ?

Pour conclure sur ce point, nous pouvons donc relever que pour les enfants, comme pour les adultes par ailleurs, il est plus dangereux de participer à la lutte interne contre le gouvernement (en terme de protection accordée par le droit international humanitaire) que de défendre les frontières du pays dont la personne est le ressortissant.

b. La nécessaire continuité de l'éducation de l'enfant-prisonnier de guerre

Le problème qui se pose plus spécifiquement lors d'un conflit armé non international est celui de l'éducation des enfants aussi bien pendant le conflit qu'après celui-ci, notamment lorsque cet enfant doit être jugé pour des infractions qu'il est présumé avoir commises pendant les hostilités.

Dans le cas d'un conflit armé international, ce problème se pose de manière moins grave puisque s'il a été recruté pour participer aux hostilités c'est que la situation du pays dont il est le ressortissant est certainement critique (prête à passer aux mains de l'ennemi).

Dans le cas d'un conflit armé non international, on peut légitimement se demander si l'enfant-prisonnier de « guerre civile » ne devrait pas à ce titre bénéficier d'une protection renforcée avec un effort accentué sur l'éducation notamment. Partant du principe qu'il est inadmissible d'envisager la détention d'un enfant comme une parenthèse dans sa maturation physique et intellectuelle, l'article 94 de la troisième Convention de Genève prévoit que de manière générale« l'instruction des enfants et des adolescents sera assurée ». Or la réalité est toute autre aussi bien pendant le conflit, qu'après ce dernier :

· Pendant le conflit : les forces et groupes rebelles, dépourvus de reconnaissance juridique se considèrent souvent étrangers aux obligations prises par l'Etat sur le plan international. Il est donc difficile que de telles entités non reconnues, acceptent spontanément d'appliquer les standards internationaux. Ce constat vaut en l'espèce pour le problème de la continuité de l'éducation de l'enfant-prisonnier de guerre mais il vaut hélas pour toutes les autres normes du droit international humanitaire bien plus importantes à respecter ;

· Après le conflit (c'est à dire en attente de jugement pour des infractions liées au conflit) :

Au Rwanda, prés de 13OO enfants âgées de 14 ans et plus, accusés de crimes qu'ils auraient commis lors du conflit civil de 1994 étaient encore détenus dans les prisons fin 1996. Même si quelques 340 garçons d'entre eux suivent des cours à la prison centrale de Kigali sur une initiative de l'UNICEF, la situation est toujours délicate pour les autres.

Pilar AGUILAR, qui dirigeait la section de l'éducation de l'UNICEF au Rwanda, défendait le droit à l'espoir de ces jeunes prisonniers : « Où qu'ils se trouvent, les enfants ont le droit à l'éducation»57(*). On pourrait ajouter pour compléter son propos que c'est surtout en prison que l'école est l'une des étapes les plus importantes pour les aider à prendre un nouveau départ dans la vie.

· TRANSITION : La protection de l'enfant-prisonnier de guerre est donc limitée car il ne dispose pas en droit international humanitaire de régime juridique propre à ses besoins d'enfant emprisonné. Cela ne veut pas dire pour autant qu'une telle protection n'existe pas ; mais comme nous l'avons vu en première partie, elle paraît parfois incohérente. Pour pallier de telles limites, la solution demeure d'une part dans la recherche de mesures de substitution à l'emprisonnement et d'autre part dans la mise en oeuvre des dispositions les plus protectrices, notamment humaines, du droit international en la matière (2ème partie).

* 48 F. BOUCHET-SAULNIER., Dictionnaire pratique du droit humanitaire, La découverte, Paris, 1998, p.297.

* 49C.P/J.P., «  Commentaire sur l'article 77 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 Août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (P.1), 8 juin 1977 », disponible sur http://www.icrc.org/dih.nsf/, consulté le samedi le 09 Mai 2009 à 9h30.

* 50 AMNESTY INTERNATIONAL, Rapport 2000, Editions francophones d'Amnesty International, 2000, p.98.

* 51 Presse internationale.,« L'UNICEF évacue par avion 2500 enfants soldats démobilisés des zones de combat du Soudan »,Communiqué de presse,Page 8,disponible sur http://unicef.org/french/newsline/htm,consulté le Samedi 09 Mai 2009 à 10h08.

* 52 C.P/J.P., «  Commentaire sur le paragraphe2 de l'article 77 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 Août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (P.1), 8 juin 1977 », disponible sur http://www.icrc.org/dih.nsf/, consulté le samedi le 09 Mai 2009 à 9h30.

* 53 C.P/J.P., Op.Cit., p.5.

* 54 AMNESTY INTERNATIONAL, Rapport 2000, Editions francophones d'Amnesty international, pp.97-98.

* 55 Ibidem.

* 56 F.BOUCHET-SAULNIER., Op.Cit., pp.180-181.

* 57 V. GRAHAM, « Rwanda : l'école derrière les barreaux », in Education For All 2000 (Education pour tous), Janvier-mars 1997, n°26, UNESCO, p.5.

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