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La figure du père dans "Quelques adieux " de Marie Laberge. Discours de l'implicite et stratégies narratives

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par Massiva AIT OUARAB
Université d'Alger - Licence de français 2011
  

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CONCLUSION

Le personnage du père dans le roman, est une figure complexe et problématique. Il a une grande une influence sur les personnages et sur leurs progressions au sein de la fiction, selon Philippe Hamon :

« Définir la compétence du personnage et notamment

contribuer à des sous-classes d'actants bien différenciés, selon

que ces actants sont puissants ou impuissants, qu'ils ont les

moyens ou non d'agir conformément à leur vouloir qu'ils

disposent ou non d'adjuvants, que leur pouvoir est inné ou

acquis. »243(*)

Effectivement, la figure du père, dans Quelques Adieux, est un personnage dont la portée confirme le caractère de puissance, mais aussi celui du «pouvoir inné«, c'est-à-dire, que sa présence ou son absence comporte une faculté de modification sur le plan narratif. Ce «pouvoir inné« que nous venons de citer est en rapport avec le domaine anthropologique : la place qu'occupe la figure paternelle dans la société, est déterminante et en relation directe avec l'usage qu'en font les écrivains. Pour plus de précision, nos pouvons dire que la simple suggestion de la présence de ce personnage dans la fiction, pousse les personnages, inconsciemment, à adopter des comportements parfois incompréhensibles.

A partir de l'écriture de M. Laberge, nous constatons que ce personnage est le noyau central de toutes les transformations que les protagonistes mettent en place, même si sa présence sur le plan narratif, est réduite. Toutefois, à travers les indices formels tels que : le para texte, le temps, l'espace et les personnages, il s'impose. Sa présence ainsi que son statut, dans le récit, sont liés à une écriture influencée par le contexte social. Pourtant, l'écrivaine relate une histoire à caractère universel en recourant à des thèmes qui touchent l'humanité ; mais le travail effectué sur le plan de l'écriture permet aux lecteurs de saisir l'histoire romanesque comme une fiction exceptionnelle, c'est-à-dire qu'il y a transformation d'une histoire ordinaire en une fiction complexe.

Le personnage du père, dans le roman, dispose d'un savoir faire et d'une influence suggérés par l'écriture, à ce propos Y. Reuter insiste sur le fait que :

« Les personnages ont un rôle essentiel dans l'organisation

des histoires. Ils permettent les actions, les assument, les

subissent, les relient entre elles et leur donnent sens. D'une

certaine façon, toute histoire est histoire des personnages. » 244(*)

En prenant en considération la place qu'occupe le père dans la fiction, et en faisant de lui l'élément central de notre problématique, nous nous sommes interrogés sur l'utilisation de ces informations dans le processus de recherche. Il est vrai que notre approche de la fiction a été déterminée par un profond souci de rendre compte de l'influence prépondérante du rôle paternel sur le développement à la fois psychique et social des personnages. Nous avons fait recours à l'examen des stratégies utilisées par M. Laberge afin de faire ressortir la figure paternelle.

Initialement, nous étions orientés vers une étude comparative de l'oeuvre de M. Laberge, Quelques Adieux , et celle d'Assia Djebar, Les Nuits de Strasbourg. Nous voulions analyser l'écriture du corps chez les deux écrivaines afin de dégager des éléments de jonction et de disjonction, dans leurs écrits respectifs, et de cette façon exposer une préoccupation commune aux deux cultures algérienne et québécoise, exprimée à travers une écriture différente, sollicitant un intérêt particulier, basé sur une étude approfondie de l'écriture du corps.

Ce premier désir, était né d'une observation faite à partir des transformations subies par le corps dans la fiction romanesque, et nous avons remarqué que le « corps en souffrance, mutilé, ou bien entièrement tourné vers la reconstruction, le corps francophone se cherche en tout aspect, en toute cause. Il n'est plus simplement un corps imprégné d'âcres odeurs sexuelles, (...) »245(*)il est la représentation d'un besoin, d'une défaillance identitaire.

Cette première approche a intrigué et incité à comprendre ce besoin de faire l'amour non pas pour « un simple acte de connaissance de soi, mais de «naître avec l'autre« (...), c'est-à-dire que le détour par l'autre est nécessaire et fondamental pour accéder au moi246(*). Et nous avons constaté que pour accéder au «moi«, il faut avoir connaissance de son passé et plus exactement de son enfance. Ce savoir constitue le socle du développement humain et donc de l'identité, dont souffrent les personnages, des deux romans.

A ce stade de notre réflexion, nous avons décidé de nous consacrer, essentiellement, aux problèmes liés à l'enfance et provoqués par un élément, qui jusque là nous semblait anodin.

Pour étudier cette nouvelle perspective, nous avons décidé de ne pas entreprendre l'approche comparatiste et de ce fait, choisir un seul ouvrage. Notre mémoire est consacré à Quelques Adieux de M. Laberge, car ce roman rend compte d'un comportement complexe des personnages, lié à un passé et une enfance perturbés, causés par l'absence paternelle. Celle-ci, va constituer et déterminer l'avenir des protagonistes, c'est pour cette raison que nous avons opté pour une problématique qui s'interroge sur l'impact du personnage du père, peu présent dans le récit, sur la relation entretenue par les protagonistes. Et pour élaborer ce travail, nous avons analysé les procédés d'écriture adoptés par l'auteure.

Notre approche se décline comme suit : Nous avons, d'abord, opté pour l'analyse paratextuelle du roman, pour voir si le paratexte peut nous donner des indices sur le personnage du père, avant la lecture de l'oeuvre. Puis, le besoin d'une étude temporelle s'est avérée nécessaire, pour mettre en amont l'utilisation de certaines techniques de narration tels que les analepses, l'ellipse ou encore les temps des verbes, surtout l'imparfait, et mettre en aval, une constante qui découlerait de ces procédés, et qui serait en relation avec la figure du père. Le caractère implicite du père, nous a conduit vers une étude spatiale de l'oeuvre, celle-ci aurait la capacité de nous éclairer sur le parcours des protagonistes, un parcours présent ou passé, dans le but de retrouver la trace de la figure paternelle.

Et en dernier, nous avons choisi l'étude des personnages et plus précisément le personnage du père. Notre désir était d'exposer les différentes facettes de celui-ci, et donc, les différentes fonctions choisies dans la fiction. Ce choix nous est apparu intéressant dans la mesure où il montrerait l'influence du père sur les personnages.

L'analyse paratextuelle, nous semblait essentielle pour indiquer le choix de la structure romanesque de l'écrivaine, c'est-à-dire l'utilisation récurrente des épigraphes, des épigraphiés ainsi que des sous titres. Cette architecture interne du roman, revêt un univers littéraire et culturel, multiple, qui laisse transparaître une écrivaine ouverte sur le monde, mais, également, intéressée par ce qui le préoccupe.

Nous avons commencé ce premier chapitre, avec l'idée de retrouver une trace, un indice de la figure du père, à partir des thèmes qui dominent les exergues, et de la relation sous-titre/contenu , selon J.Y. Tadié :

« Lire la structure d'un texte c'est y relever des

parallélismes dans la fiction comme dans la narration. Le

relevé peut être infini. Pour qu'il reste significatif, il faut

noter les parallélismes qui concernent la totalité du texte.»247(*)

Certes, la composition du roman, « où un élément de paratexte (...) si il consiste en un message matérialisé, a nécessairement un emplacement que l'on peut situer par rapport à celui du texte lui-même : autour du texte, dans l'espace du même volume, comme le titre ou la préface, et parfois inséré, dans les interstices du texte, comme les titres de chapitres ou certaines notes, »248(*) que G. Genette nomme péritexte. Ces indices vont nous permettre de suivre la progression de la fiction, c'est-à-dire, que le relevé des éléments situés en «bord d'oeuvre«249(*)permettent une approche de la fiction de manière réfléchie.

Notre première étape qui se voulait informative sur le plan des éléments redondants, nécessite un approfondissement en rapport avec les informations extraites de l'étude paratextuelle. Cette dernière, expose des thèmes universels qui préoccupent tous les pays du monde, à savoir l'amour, la solitude, la vie, la mort, la passion. Toutefois, nous avons remarqué qu'une donnée se distingue, il s'agit de la référence au passé et à l'enfance.

C'est cette première constatation, qui nous a encouragé à poursuivre notre analyse et à mettre l'accent sur cette donnée.

Afin d'affiner notre recherche, nous avons intégré au premier chapitre l'étude du temps interne, qui regroupe les analepses, l'ellipse et le temps des verbes. Cette deuxième démarche met en avant la présence paternelle à partir des souvenirs des personnages. Ce personnage fugace, n'est pas toujours présent dans la mémoire des protagonistes et est mis en place à partir des analepses.

La mémoire des protagonistes, « est une mémoire brisée, une mémoire complètement en morceaux (...) qui revient donc (...) par hésitations, par débit »250(*). Cette mémoire du passé qu'on nomme analepse, est un procédé d'écriture qui nous renseigne sur le passé des personnages surtout celui de François et d'Anne, et souligne l'importance de certaines images redondantes, souvent liées au Père. Cette utilisation des segments analeptiques est, également, apparente à travers les verbes conjugués à l'imparfait. Ce temps «  domine (...), [et] n'implique pas un temps accompli, fermé, mais une durée qui se construit et ne cesse pas de construire, dans le cheminement des consciences ou, plus justement, dans le cours du texte »251(*), c'est-à-dire que par le biais de cette structure verbale, nous avons tenté de montrer que les analepses sont mises en valeur et que leur aspect rétrospectif, évoque une présence imposante dominant le passé des protagonistes, et qu'il s'agit du personnages du père.

D'ailleurs, ce qui va renforcer ce chapitre consacré aux temps externe et interne, c'est la présence d'une ellipse, divisant le roman, non seulement en deux parties, mais aussi en deux histoires : la première, est celle de la passion vécue par François et Anne, et la deuxième est celle d'Elisabeth qui découvre l'adultère de son défunt époux, François.

Dans notre analyse de l'ellipse, nous soulignons l'importance de la progression de la fiction à partir d'un bond temporel qui n'apparaît pas, selon G. Genette, il s'agit d'une ellipse implicite « c'est-à-dire celle dont la présence même n'est pas déclarée dans le texte, et que le lecteur peut seulement inférer (...) quelque lacune chronologique ou solutions de continuité narrative »252(*)

Ainsi, ce «segment nul de récit«253(*), nous a permis, dans la deuxième moitié de Quelques Adieux, de retrouver le passé d'Anne de façon précise, et surtout le rapport qu'elle avait avec son père. Cette rétrospection, n'a pu être effectuée qu'à partir d'une enquête, entreprise par la veuve de François, Elisabeth, qui voulait coûte que coûte , comprendre l'infidélité de son mari, et cela après sa mort.

Dans le roman de M. Laberge, les sept années de relation adultère entretenue par François et Anne, ne figurent pas ainsi que la maladie du protagoniste et sa mort. Ces informations seront transmises dans la deuxième partie du roman à travers l'enquête de la veuve, et auront pour causes et explications, un passé dépourvu de présence paternelle.

Cette conclusion de carence paternelle, est non seulement le résultat de notre analyse mais c'est aussi la déduction d'Elisabeth. Celle-ci, évalue le comportement de son mari, comme une conséquence directe de la mort de son père. Même celui d'Anne, a été expliqué de la même manière. Nous constatons que le résultat obtenu, affirme notre hypothèse de départ, et c'est ce qui nous a autorisé à entreprendre le deuxième chapitre consacré à l'espace romanesque.

La structure spatiale de l'oeuvre, nous a amené à interroger tous les lieux se rapportant aux déplacements des personnages. Mais le plus intéressant, c'est notre perception de certains thème et objet qui passent du statut intrinsèque au statut d'espaces symboliques. Cette richesse de l'espace rend son accessibilité complexe, et c'est dans cette ambiguïté spatiale que nous avons extrait la figure du père. Pour y parvenir, nous avons présumé que l'analyse de la distribution des lieux empruntés par les personnages, est nécessaire car « dans un texte, l'espace se définit (...) comme l'ensemble des signes qui produisent un effet de représentation »254(*)et c'est justement cette représentation qui nous a permis de dégager une structure signifiante de l'espace.

Tous les espaces utilisés par François et Anne, mettent en avant des images liées à la passion, à la solitude et à l'angoisse. Ces dernières, ont un point commun : le passé de chaque personnage, c'est-à-dire, que ces images « distribuent (...) les signes, où se lient les relations achroniques : la pensée a besoin des métaphores spatiales »255(*)

En d'autres termes, ces signes qui sont pour nous : la passion, la solitude et l'angoisse, sont reliés par une force centripète présente chez chaque protagoniste, et faisant d'eux des victimes de leur passé. Cette force qui « enferme le désir des personnages (...) [et] apporte une contrainte »256(*) sur le plan de l'épanouissement, porte le nom de Père. Celui-ci est présent dans les moments de solitude et d'angoisse exprimées par les protagonistes, dans des lieux fermés, tels que la chambre et l'appartement. Ces endroits sont des lieux « où l'absence d'un personnage (le père) produit une aspiration, un charme (...) insupportable »257(*), dans l'esprit des protagonistes. Ils se retrouvent confrontés à un spectre de leurs enfances : le Père.

Après avoir analysé tous les lieux empruntés par les personnages, nous avons évoqué le besoin d'élaborer une autre étude spatiale basée sur l'aspect symbolique des espaces.

Cette démarche a pour objectif de faire ressortir tous les pères (celui d'Anne, de François et d'Elisabeth) à partir de certains thème et objet, tels que l'amour et ses versants, la mort, et la gravure de Florence. Ces éléments vont nous servir d'intermédiaire entre les personnages et leur passé. Nous avons remarqué que l'amour est un thème paradoxal exprimant, à la fois, la passion et la tristesse. Ces deux sous-thèmes, représentent une base de données informant le lecteur de la progression psychique et émotive des personnages, et de plus, le renseigner sur la raison originelle de toutes modifications conjoncturelles sur le plan romanesque.

A la suite de l'analyse des deux versants de l'amour, c'est-à-dire, la passion et la tristesse, nous avons déduit que les émotions ressenties par les protagonistes désignent : la nostalgie de l'enfance et la puissance d'un souvenir marquant, qui portent l'image de l'absence, celle du père.

Quant au thème de la mort, nous avons été confrontés aux séquelles de la carence paternelle. Nous assistons, non seulement, à une mort physique mais aussi à une mort symbolique du personnage : François, personnage déraciné, ne possédant aucun moyen pour rattraper son enfance, s'abandonne à une passion dévorante et adultère où il masque un sentiment d'inceste, pour ensuite se réfugier dans une maladie incurable, échappatoire. Cette mort, est pour lui une forme de délivrance car son coeur ressemblait à une scène de théâtre où chaque sentiment se mêle à un autre, créant ainsi une confusion dans l'esprit du protagoniste.

Anne vit sa mort différemment, c'est-à-dire, que ce personnage féminin est mort au même moment que son père. A partir de cet instant, son coeur n'a toléré aucun sentiment d'amour. Toutefois, sa relation avec François ainsi que sa disparition, n'ont fait qu'affirmer notre perception de la mort symbolique, chez Anne.

Cette première partie de la symbolique de l'espace, expose « un espace fictionnel très vaste, pour ne pas dire infini, ouvert à toute sorte d'imagination »258(*). C'est en ces termes, que nous constatons que l'espace, n'a plus la même conception ; il passe de l'état de lieu à l'état de thème et d'objet, c'est-à-dire, qu'il prend plusieurs formes pas forcément palpables, comme les thèmes de la mort et de l'amour.

Lorsque nous avons entamé l'analyse de l'espace symbolique, l'image de la gravure s'est, aussitôt, imposée. Cet objet, exposant un arbre sans racines luttant contre le vent vainement, a été, immédiatement, révélateur. L'image qui s'est, rapidement, superposée à celle de la gravure, est le destin de François : N'ayant pas de racines ou plus exactement d'images liées à son l'enfance, il se retrouve à l'âge adulte avec une fragilité psychique qui entraînera sa perte.

Si nous avons décidé de considérer la gravure comme espace symbolique, c'est parce qu'elle « révèle des repères psychiques et dessine une cartographie symbolique »259(*)

Tous les espaces cités, ont pour matière première l'imagination. Celle-ci « est l'expression en images des instincts fondamentaux, l'imagination de la vie traduit symboliquement le vouloir- vivre dans ses variations multiples : peur et dégoût de vivre, (...) »260(*). En d'autres termes, les images extraites de chaque espace géographique et symbolique, témoignent des instincts et des envies ancrés dans les profondeurs de l'individu  mais présents sous différents aspects : peur, angoisse et passion. Et dans ce deuxième chapitre, l'image cachée dans l'esprit de chaque personnage est celle du père.

Pour plus de précision, nous avons rajouté un troisième chapitre consacré au personnage du père. Ce volet touche, directement, la cible de notre recherche et est en mesure d'affirmer ou d'infirmer notre postulat de départ, car « le personnage le plus intéressant est celui qui fait le récit. »261(*). Même si pour le détecter, il a fallu analyser la mémoire de l'enfance de chaque protagoniste et mettre en avant des hypothèses afin de repérer une esquisse du portrait du père.

Nous nous sommes proposés, dans ce dernier chapitre, de rappeler la place qu'occupait et qu'occupe le père dans la société québécoise, avant et après la révolution tranquille. Notre objectif étant d'informer le lecteur sur l'évolution du statut et du rôle paternel, c'est ce qui nous a permis de mieux saisir la figure du père dans Quelques Adieux.

Cette étape informative sur le fonctionnement social du père au sein de la société québécoise, va développer chez le lecteur une image du père qui est en rapport avec celle que nous voudrions transmettre, c'est-à-dire qu'il va projeter sa propre image. Celle-ci sera liée à son vécu et sera en rapport avec la société à laquelle il appartient. Le lecteur va examiner les liens du personnage du père avec la réalité qu'il vit.

De cette première démarche de l'étude du personnage du père, découle le besoin de dresser les portraits physique et moral, des pères présents dans la fiction. Il est vrai que sa présence, dans le récit, est quasi inexistante. Cependant, il est « une image verbale, et n'est que cela. C'est un fantasme qui sert à l'assouvissement du désir ; (...) [et] est porteur du mouvement du désir (...) »262(*). Nous sommes partis de l'idée que le père n'est présent dans le récit, que par le biais des images exprimées par les protagonistes, souvent, provoquées par des périodes d'angoisse, de solitude et de passion intense. Ces images extraites des réminiscences des personnages, nous ont permis de décrire les différents signes du père. Cette description n'est pas gratuite, elle interroge les différentes facettes du père afin de mettre l'accent sur les rapports père/enfant.

Ce dernier point a été exploré en troisième position dans notre analyse du personnage du père. Et c'est dans cette sous partie que nous avons constaté que notre recherche s'avère être sur la bonne trajectoire, c'est-à-dire, que la mise en valeur de la relation père/enfant, a enregistré l'influence du père sur l'épanouissement et le non épanouissement de l'enfant, qui une fois adulte, sans se rendre compte, se comporte en conséquence.

Pour plus de précision, nous avons divisé cette sous partie en deux points : le premier désigne les amants, François et Anne, qui souffrent de déracinement et cela pare qu'ils ont vécu l'absence paternelle. Celle-ci justifie leur adultère, car n'ayant pas eu une enfance normale, ils deviennent « des objets qui convoquent le mouvement d'Eros »263(*) comme compensation à l'amour paternel, c'est ce que nous avons tenté d'exposer et de prouver, non seulement à travers ce premier point mais aussi en se référant au deuxième point. Ce dernier, interroge l'enfance des protagonistes dans le but de cerner les personnages épanouis de ceux qui ne le sont pas. Et c'est à cette étape de notre travail que notre hypothèse se confirme :

Nous avons remarqué que les deux personnages ayant entretenus une relation adultère, François et Anne, souffraient d'une carence paternelle et représentaient des signes de non épanouissements social et familial. Alors que le personnage féminin d'Elisabeth, la femme de François, constitue l'élément le plus équilibré et épanoui de la fiction, car ses liens avec les membres de sa famille et avec son père sont présents et solides. Elisabeth ne connaît pas l'absence et surtout celle du père, c'est ce qui lui a permis d'évoluer sainement.

Ainsi, notre recherche se termine avec un dernier sous titre qui insiste sur le rôle du père au sein de sa famille et au sein de son couple. Cette dernière approche va renforcer les résultats obtenus jusque là, c'est pour cette raison que nous avons opté pour l'énumération des différents pères cités dans le récit, en mettant en évidence leurs comportements avec leurs familles et leurs enfants. Même si, nous ne détenons pas d'informations suffisantes, toutefois « le vide sémantique du personnage fait le plein du texte »264(*) et à partir de la structure verbale, nous avons pu repérer les différentes facettes du père, et donc, les différents comportements adoptés avec la famille ou avec les enfants.

Cette classification a donné naissance à trois catégories du personnage du père : Un père entier, celui d'Elisabeth, responsable de son épanouissement et de sa stabilité sociale et affective. Un père manquant, celui d'Anne, un homme responsable et aimant, mort trop tôt. Cette absence prématurée, a transformé la vie d'Anne, et l'a faite basculer vers une relation adultère, avec un homme ayant les mêmes préoccupations qu'elle. Mais la mort de son amant, François, va entraîner, chez Anne, une mort symbolique qui l'anéantira. Donc, pour compenser la première absence Anne se lance dans une passion, qui engendrera une deuxième absence qui lui sera fatale. Un père manqué, celui de François: un homme démissionnaire, refusant d'assumer ses responsabilités. Ce rejet de la paternité provoquera, chez François, des comportements instables qui donneront lieux à une relation adultère et à une maladie incurable. Perturbé psychiquement, par l'absence paternelle, François se refuse le rôle de père, même si son comportement avec Anne, laisse voir un transfert affectif qui pourrait relever de l'inceste. A ce propos, dans la deuxième partie de l'oeuvre, Elisabeth y fait référence.

Comme nous venons de le voir, le personnage du père est une donnée indispensable pour le bon épanouissement de l'enfant et pour son équilibre familial et donc social.

Ainsi, nous achevons ce travail en soulignant l'intérêt et la rigueur que nous avons portés à l'écriture de M. Laberge. Son écriture met en avant la quête d'identité qu'entreprennent les protagonistes et se termine sur un constat de carence paternelle.

Toutefois, notre orientation de lecture et la perspective choisie, ne remettent aucunement la possibilité d'extraire de l'oeuvre de cette écrivaine d'autres objectifs de recherche, qui peuvent être orientés vers : Une analyse intertextuelle, ou encore une étude comparative avec un autre ouvrage appartenant à une autre littérature. C'est sans doute là matière à une autre étude.

* 243 -PH. Hamon, Introduction à l'analyse du descriptif, Paris, Hachette, 1981, in Thèse de doctorat de littérature Française sous la direction de Jacques Neefs, Qan Sun, Poétique et génétique de l'espace Hérodias de Flaubert, Avril 1994. In http://membres.lycos.fr/sunqian/sommaire.html (site consulté le 26/11/2007)

* 244 - Y. Reuter, L'analyse du récit, Nathan, 2003, p.27.

* 245 -Sandrine Merslet,« Sexualité : projection de l'instance sensorielle en terre littéraire«, Lundi 1janvier2007, in http://www.la-plume-francophone,ov

* 246 -Virginie Brinker, «Le Tangage des corps et des âmes dans Les Nuits de Strasbourg d'Assia Djebar«, Lundi 1janvier 2007, in http://www.la-plume-francophone,over-blog.com/categorie-1039157.html

* 247 -J .Y. Tadié, Le récit poétique, PUF écriture, 1978, p. 144

* 248 -G. Genette, Seuils, Seuil, 1987, p. 8-9

* 249 -Expression utilisée par G. Genette, Seuils, Seuil, 1987, p. 123.

* 250 -Propos de T. Monénembo, utilisés dans l'article de Pius Ngandu Nkashama, «Esthétique de la transgression dans les écritures romanesques«, Mondes Francophones, in http://www.mondesfrancophones.com/espaces/afriques/articles/esthétique-de-la-transgression/view (site consulté le 30/11/2007)

* 251 -G. Marcotte, Le roman à l'imparfait, essai sur le roman québécois d'aujourd'hui, Montréal, Edition La Presse, 1978, p. 13.

* 252 -G. Genette, « Discours du récit », Figure III, Seuil, 1972, p. 140.

* 253 - Expression inspirée de G. Genette, dans Figure III, 1972, p140.

* 254 - J. Y. Tadié, Le récit Poétique, PUF Ecriture, 1978, p.48.

* 255 - Idem, p.47.

* 256 -Ibid, p.74.

* 257 -Ibidem, p.60.

* 258 - H. Mitterrand, Dictionnaire des genres et des notions littéraires, écrit à la rubrique «Réalisme«, p.2

* 259 - M. Ségun «Récits d'îles. Espace insulaire et poétique du récit dans l'Estoire del Saint Graal«, Médiévale, n°47, automne 2004, p. 79-96. In http://www.medievales.revues.org/sommaire1310.html

* 260 - N. Bourbonnais, La symbolique de l'espace dans les récits de Gabrielle Roy, in http ://www.erudit.org/revue/vi/1982/v7/12/20036ar.pdf (site consulté le 1/12/2007 à 23h)

* 261 - L'Aveuglette, «Les gardiens« : OEuvres, Cercle du livre précieux, T.I, p.272.

* 262 - J. Y. Tadié, Le récit poétique, PUF Ecriture, 1978, p.29.

* 263 - Idem, p.40.

* 264 - Ibid, p.45.

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