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Sexe, contestation, drogue et rock'n'roll

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par Damien VAQUIE
Université Paul Valéry - Montpellier III - Maà®trise de musique 2003
  

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C. Solidarité, contestation et contre-culture

Malgré les différentes fractions de la jeunesse durant les années 1960 (mods, hippies) apparaît une dimension de solidarité internationale d'une

20 Ces mesures sociales ont été recueillies de l'ouvrage suivant : LACOUR-GAYET Robert, L'Amérique contemporaine, De Kennedy à Reagan, Paris, Fayard, 1982, pp. 172-180.

21 Cette analyse socio-économique a été tirée de l'ouvrage suivant : MIGNON Patrick HENNION Antoine, Rock, De l'histoire au Mythe, Paris, Anthropos, collection Vibrations, 1991, p. 55.

jeunesse unie pour changer l'ordre social : «Throughout the West (as well as in Japan and parts of Latin America), it is the young (qualified as perhaps only a minority of the university campus population) who find themselves cast as the only effective radical opposition within their society.»22 (NdT : « A travers l'Ouest (aussi bien au Japon que dans certaines parties de l'Amérique Latine), c'est la jeunesse (qualifiée comme peut-être seulement une minorité de la population des campus) qui trouve elle-même la classe comme la seule opposition radicale effective envers leur société. »). Leur revendication s'effectue à travers une volonté de se démarquer du reste de la société de par une attitude vestimentaire et culturelle inédite et non conforme aux exigences de l'ordre établi. «From Berlin to Berkeley, from Zurich to Notting Hill, Movement members exchange a gut solidarity, sharing common aspirations, inspirations, strategy, style mood and vocabulary. Long hair is the declaration of independence, pop music their esperanto and they puff pot in their peace pipe.»23 (NdT : « De Berlin à Berkeley, de Zurich à Notting Hill, les membres du Mouvement échangent une même solidarité, partageant des aspirations, des inspirations communes, une stratégie, un style vestimentaire et un vocabulaire commun. Les cheveux longs sont leur déclaration d'indépendance, la musique populaire leur espéranto et ils fument dans leur peace pipe. »). Cette solidarité juvénile apparaît corrélative au mouvement hippie dont nous avons vu précédemment les caractéristiques idéologiques. Selon Joel Fort24 la plupart des jeunes ne luttent pas pour instaurer un changement social et apparaissent comme leurs aînés, résignés et acceptant leur statut. Malgré une attention considérable apportée à la nouvelle gauche qui figure la jeunesse américaine, cette dernière n'en représente pas plus de quelques dizaines de milliers issus de divers groupes comme le Student for a Democratic Society, des associations militantes contre la

22 WHITELEY Seila, The Space Between the Notes : Rock and the counter-Culture, London and New York, Routledge, 1992,p. 2.

23 Ibid, p. 3.

24 Ibid, pp. 61-62. Cette analyse a été rapportée par l'auteur de l'ouvrage suivant : FORT Joel, The Pleasure Seekers : The Drug Crisis, Youth and Society, Grove Press, New York, 1969, p. 210.

guerre au Vietnam, des défenseurs des droits des étudiants ainsi que certains hippies et yippies pour les plus modérés mais aussi des groupes plus radicaux comme les Black Panthers et les Bérets Bruns. «There is a much larger group of our young who [...] express their underlying discontent with the status quo by their involvement in folk-rock. American pop culture today is probably for the first time determinated by youth who, with folk-rock, acid-rock, raga-rock, light shows, posters art and psychedelic scene in general, have determined the cultural values for the society» (NdT : « Il y a un large groupe de notre jeunesse qui [...] exprime son mécontentement sous-jacent avec le statut quo par son dévouement dans le folk-rock. La culture populaire américaine actuelle est probablement pour la première fois déterminée par la jeunesse qui, avec le folk-rock, l'acid-rock, le raga-rock, les jeux de lumières, les posters d'art et la scène psychédélique en général, ont déterminés les valeurs culturelles pour la société. »). Selon Richard Middleton et Jill Muncie : «The fight was not on the level of the political system but that of personal freedom : the freedom to experience and enjoy.»25 (NdT : « Le combat ne se portait pas au niveau du système politique mais sur celui de la liberté personnelle : la liberté d'expérimenter et d'aimer. »). L'été 1967 marque un tournant dans la contreculture britannique. En effet, cette dernière marque une recrudescence des adhérents affiliés à ce mouvement mais plus que tout, les Beatles affirment leur sympathie envers la contre-culture de par la sortie le premier juin de cette même année de leur album-concept à caractère psychédélique intitulé Sergent Pepper Lonely Hearts Club Band en arborant des tenues issues du folklore hippie tandis que ces derniers présentaient une attitude conventionnelle jusqu'à présent.

Les années 1960 sont à mes yeux une époque où la solidarité est la particularité première qui lie les adolescents. Durant la seconde moitié de cette décennie, l'expérimentation commune était la règle. Cette solidarité permettait aux adolescents de consolider leur appartenance à une catégorie sociale

25 Ibid, p. 62.

nouvellement reconnue dont les membres disséminés pouvaient fusionner non pas à la pour défendre un intérêt individuel et ponctuel mais pour s'attaquer à des normes et des valeurs qui ne sont plus en phase avec les conditions sociales du moment. Le nombre permettait une assise de leurs revendications qui ne s'imposaient pas nécessairement sur un terrain particulier mais pouvaient se prévaloir dans la vie quotidienne de par l'attitude et la façon de se vêtir. Ainsi les garçons se démarquent de leurs aînés par le port des cheveux longs et les filles par celui du pantalon. Il en résulte le début d'une remise en cause des codes régis selon le sexe. En inversant ces codes vestimentaires, les jeunes aspirent à de nouvelles relations sociales entre sexes opposés basés sur un respect mutuel en tant qu'être à part entière libre de choisir selon ses désirs aussi bien dans sa vie privée que dans ses aspirations pour son propre avenir. L'égalisation des sexes s'instaure peu à peu en corrélation à une liberté sexuelle grandissante. Pour s'attaquer à des telles normes aussi anciennes que l'humanité, le nombre est primordial.

L'importance du nombre, de la quantité des sympathisants donne un certain écho à ces revendications. Ces dernières sont acceptées de chaque adolescent qui veut faire partie de l'aventure vers un changement social. Cette notion de collectivité est très présente durant la fin des années 1960 jusqu'à en définir un nouveau mode de vie au travers des communautés hippies. Ceci est visible jusque dans les milieux artistiques contre-culturels de cette époque. Les années 1960 sont marqués par la réussite des groupes de rock, c'est à dire la renommée de formations populaires dans lesquelles tous les membres sont connus du public. Ceci est assez différent de nos jours puisque l'interprète se trouve projeté à la lumière tandis que les musiciens deviennent des éléments interchangeables anonymes. Durant les années 1960, le parcours souvent sinueux, quelquefois sans issue, vers la réussite est commun à l'ensemble du groupe dans lequel chaque membre est égal à l'autre. Tout se fait communément chez les adolescents comme l'exploration des paradis artificiels, l'écoute des

derniers disques parus quand bien même ce genre d'occupations peut se faire seul. Cette sorte de solidarité provient pour ma part d'un refus de ces jeunes à l'individualisation de la société. Les communautés hippies restent l'exemple le plus significatif de cette fraternité qui n'a jamais été égalée depuis lors.

1. Les penseurs de la contre-culture26

Afin de définir la pensée américaine des années 1960, Daniel Royot utilise les termes de déclin et de fragmentation. En effet, il existe une rupture entre ceux qui pensaient modifier la société sur le devant de la scène politique et ceux qui remettaient en question l'American Way of Life de par leurs agissements dans la vie quotidienne, définissant même la contre-culture. Deux auteurs sont alors très liés à ce mouvement : Theodore Roszak avec son ouvrage intitulé The Making of a Counter-Culture (Reflexions on the Technocratic Society and Its Youthful Opposition) ainsi que Charles Reich avec The Greening of America, tous deux parut en 1970. Ce premier définit la société américaine par le terme de technocratie, phase terminale de la société industrielle. Ce terme fut déjà utilisé par Paul Goodman dans Growing Up Absurd. Selon Theodore Roszak, la société étant devenue hautement modernisée et rationalisée se concentrait sur une efficacité grandissante. Afin d'obtenir un rendement et une productivité élevée, il est nécessaire que cette dernière possède une maind'oeuvre importante et docile. Charles Reich partage ce même aspect à la seule différence qu'il n'emploie pas le terme de technocratie mais celui de corporate state (NdT : Etat organisé). Selon lui, les Etats-Unis sont comparables à une grande entreprise dont le gouvernement dirige les objectifs économiques à caractère capitaliste au profit de la majorité qui n'a d'autre alternative que de se plier. La loi du marché devient alors supérieure aux droits des citoyens. La technique asservissait ainsi l'homme dans un but de meilleure rentabilité.

26 Cette partie est très fortement inspirée de l'ouvrage suivant : ROBERT Frédéric, op. cit., pp. 61-66.

L'utilisation des ordinateurs par exemple ne servait donc qu'à une meilleure compétitivité malgré une réduction du personnel éventuelle.

Comme nous l'avons vu précédemment, les jeunes s'opposent aux principes américains traditionnels tels que la réussite, le profit, la compétition, principes qui définissent à eux seul à la fois le capitalisme ainsi que les valeurs de l'Américain moyen. La contre-culture prend le contre-pied d'une sorte d'intellectualisme prescrivant à l'individu de se réaliser pleinement. Les adeptes de cette dernière, comme les beatniks par exemple, porte un intérêt majeur à l'instant-tout, principe épicurien par excellence d'où les sens devaient s'éveiller. De ce fait, les contestataires portent leur action sur deux terrains : sur le plan politique et sur le plan culturel. En effet, la culture conventionnelle qui leur avait été imposée leur paraissait étrangère puisqu'elle est synonyme d'aliénation. Leurs aînés paraissaient comme des rouages à tout moment éjectables d'un système paternaliste leur dictant une ligne de conduite à adopter. Cette remise en cause ne s'effectue pas uniquement sur le plan politique et social mais elle tente de s'en prendre à l'armature socio-économique de cette nouvelle société, la société de consommation. En effet, la société était comparable à une machine accélérant sans cesse son allure entraînant avec elle les individus dans une course effrénée. Afin de reprendre le contrôle de la machine, les contestataires mirent en place une nouvelle culture en adéquation avec les besoins des jeunes. Selon Mario Savio et les adeptes de la nouvelle gauche, la société aliénait l'individu et le façonnait selon ses besoins. Ces derniers imaginèrent des modèles de société plus ou moins utopistes dans lesquels les relations humaines seraient plus égalitaires, plus libres et dont la concurrence et la course à la réussite seraient exclus.

Selon Charles Reich, le système universitaire américain aliénerait les jeunes. En effet, il les enrôle dans un premier temps, puis les conditionne et les uniformise afin de rentrer dans le moule social. L'étudiant doit suivre la même ligne de conduite sans changer de direction. Mario Savio épouse les idées de

Theodore Roszak et de Charles Reich parce qu'il pensait lui aussi que l'université était l'un des vassaux de la technocratie. En 1964, son discours intitulé An End to History considérait le travail comme aliénant et inintéressant et devait être remplacé par des fonctions artisanales plus en accord avec les voeux et les aptitudes de chacun. Le travail est de ce fait présenté comme une dépersonnalisation de l'individu au lieu d'être un épanouissement car ce dernier ne pouvait directement bénéficier du fruit de ses efforts. Le réseau familial était lui aussi sujet à controverse. Il apparaissait à ses yeux trop rigide et trop strict, éloigné de toute affectivité. Les relations entre individus selon Mario Savio devaient être remplacées par un mode de vie communautaire basé sur l'entraide, la fraternité et un règlement moins restrictif, valeurs contraire au modèle américain puisque les Etats-Unis sont considéré à cette époque comme le pays anti-communautaire par excellence.

Les contestataires étudiants pensaient que la confrontation envers la société de consommation était possible au travers des religions orientales afin de s'éloigner de toute obsession matérialiste. Des personnalités comme Allen Ginsberg ou Timothy Leary affirmaient que l'être humain pouvait s'épanouir au travers des religions venues d'Orient et percevaient l'intérêt porté par les communautés hippies à la magie noire et au bouddhisme Zen. Ces pratiques pouvaient être considérées comme un antidote à la société industrielle mais aussi un moyen de se confronter contre l'univers conventionnel parental. Theodore Roszak connaît une grande popularité chez les jeunes grâce à une pensée qui allait dans leur sens lorsqu'il dénonçait l'organisation scientifique rigide de la société entravant l'épanouissement du corps, de la sensualité et des sentiments afin d'être en pleine osmose avec la réalité extérieure. Deux penseurs affiliés à la contre-culture sont très importants pour Theodore Roszak : Herbert Marcuse et Paul Goodman. Ce premier lui paraissait quelquefois trop matérialiste pour mener à bien des expériences visionnaires pertinentes. Herbert Marcuse reprochait aux hippies leur comportement excentrique qui pouvait leur prévaloir

une sorte d'incrédibilité aux yeux du reste de la société mais il était convaincu que certains avaient le pouvoir de créer une société meilleure aux antipodes des valeurs conventionnelles fondées sur une appréciation plus forte de l'individu et de la liberté. Selon Theodore Roszak, Paul Goodman représentait à la perfection l'utopie contre-culturelle. Selon ce dernier, la révolution contre-culturelle permettait de transformer le comportement et la conscience des individus et de réorganiser la société en de petites communautés. Pour cela, le changement devait être progressif et non-violent mais surtout selon le bon gré de chacun. Paul Goodman, contrairement à Herbert Marcuse, approuvait les hippies dans leur façon anticonformiste de se vêtir, de penser et de vivre. Charles Reich pensait de même. Selon lui, les jeunes avaient pris conscience de leur conditionnement éducatif qu'ils avaient reçu. Ils remettent en question de façon introspective leur passé et se demandent si une vie différente leur aurait été meilleure. Il comprenait leur désarroi face à la pauvreté dans un pays aussi riche, aux industries polluantes destructrices (comme par exemple la Dow Chemical productrice du napalm servant à l'effort de guerre au Vietnam) et à la course vers l'argent du monde des affaires. Charles Reich pensait que la révolution contre-culturelle ne devait pas trouver son origine dans le contexte social mais dans la conscience de chaque individu. D'après lui, les actions menées par les étudiants visant les hauts dignitaires de l'Etat ne pouvaient être couronnées de succès puisque cela représentait une occasion à l'ordre établi d'illustrer son autorité et ainsi de rehausser le pouvoir des grandes industries afin de faire régresser les contestataires. L'Etat aurait alors moins de pouvoir sur l'individu lorsque ce dernier aurait la possibilité de mener une existence de manière autonome et pourrait participer à la conception des lois qui régissent la société. Pour cela, l'individu doit adopter un nouveau mode de vie qui laisserait libre cours à ses souhaits. Cela pourrait donner un panel des possibilités existentielles aux classes sociales les plus aisées qui n'oseraient se plier à de tels modes de vie par pur conformisme. Selon Charles Reich, cette révolution contre-culturelle ne

peut aboutir que si cette nouvelle conscience individualiste prime sur l'Etat. Ce théoricien possède une vision optimiste de la contestation. Il ne voit pas une bande d'adolescents capricieux désirant renverser la société mais un mouvement salvateur qui tente d'ébranler les fondations du pays.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway