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La Cour de Justice de la CEDEAO à  l'épreuve de la protection des Droits de l'Homme

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par Thierno KANE
Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrises en sciences juridiques  2012
  

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B. Une aubaine dans l'espace ouest africain

« Ce sont toujours les plus faibles qui aspirent au droit et à l'égalité, les plus forts ne s'en soucient pas » disait le grand philosophe grec, Aristote. Si la victime, à cause de son état impécunieux ne parvient pas à saisir un juge, cela fait une injustice de plus mise sur son dos. On peut dire que cette possibilité offerte par la CEDEAO constitue indubitablement une aubaine pour le justiciable ouest africain, si on sait qu'en Afrique la plupart des populations vit sous le seuil de la pauvreté. Selon Delphine d'ALLIVY KELLY, avec le caractère forain de la Cour, la CEDEAO a levé le voile pour permettre une « accessibilité pratique et économique »47(*). L'on est amené à cet effet à dire qu'avec ce système d'assistance juridictionnelle, l'indigence n'est plus un handicap pour accéder à la justice communautaire.

A la lecture des arrêts rendus jusque-là par la CJ CEDEAO, on constate que les ressortissants nigérians sont les principaux requérants. Cela s'explique, pas parce que le Nigéria soit le mauvais élève de la CEDEAO en matière de protection des droits l'homme mais simplement par le fait que le siège de la Cour se trouve à Abuja. La proximité avec la justice permet ainsi d'accéder plus facilement au prétoire du juge. L'obstacle financier, pour ceux qui se trouvent hors d'Abuja, est ainsi endigué par cette mobilité de la Cour de justice communautaire.

Par rapport aussi au système africain de protection des droits de l'homme, nous pouvons dire que l'existence de la CJ CEDEAO est un véritable havre pour les citoyens ouest africains, victimes de violations de droits humains. Entre la juridiction communautaire et la juridiction régionale, nous sommes persuadés que le citoyen ouest africain choisira sans anicroche la première48(*).

Sans être un pourfendeur aux idées nihilistes du système africain de protection des droits de l'homme, nous pouvons relever certaines faiblesses institutionnelles qui semblent annihiler l'efficacité de ce contrôle. En effet, la Commission peine encore à imposer la protection des droits de la Charte par les Etats. La procédure des communications est emblématique du mandat de protection de la Commission. C'est par ce biais quasi-judiciaire que celle-ci est censée concrètement faire respecter les droits de la Charte par les Etats parties. Mais cette procédure est longue et les décisions prises au titre des communications sont trop souvent inappliquées par acteurs étatiques. Par exemple, la décision Diakité c/ Gabon a été rendue en 2000 alors que l'affaire avait été portée devant la Commission en 1990.

Ce sont ces lacunes non exhaustives qui semblent à nos yeux justifier la mise en place d'un organe judicaire qui complétera le travail de la Commission. Là aussi, s'il est vrai qu'avec la mise en place de la CADHP49(*), l'Afrique peut « s'enorgueillir d'une véritable juridiction à l'échelle régionale en matière de protection des droits et libertés »50(*), il n'en demeure pas moins qu'elle prête elle aussi le flanc à la critique.

D'abord, il serait illusoire dans la quête permanente d'une protection effective des droits de l'homme de prévoir un système de déclaration facultative unilatérale de la part des Etats qui acceptent la compétence de la Cour pour examiner les requêtes individuelles51(*). Le mimétisme hérité du modèle de la Convention européenne de 1950 abandonné en 1998 peut-il faire long feu en Afrique ? Nous estimons que ce système juridictionnel d'importation ne peut pas prospérer en l'état dans la réalité actuelle africaine. Qu'on se rappelle ! La France n'avait-elle pas attendu 1981 pour faire une telle déclaration alors que la convention existait depuis 1950 ? Les Etats africains sont encore très jaloux de leur souveraineté pour permettre à leurs citoyens d'accéder au prétoire de la juridiction régionale. En introduisant la procédure de déclaration supplémentaire de compétence concernant les requêtes individuelles, le Protocole semble donc opérer un recul dans la pratique du système actuel de protection des droits de l'homme. Depuis l'entrée en vigueur du Protocole établissant la CADH, seuls 26 Etats sur 54 membres de l'UA l'ont ratifié et parmi eux seulement 5 Etats ont accepté la déclaration autorisant les individus et les ONG à saisir la Cour régionale52(*).

Une justice encline à condamner les violations des droits de l'Homme doit dès l'abord être généreuse sur le plan principiel avec les justiciables. Faute de quoi, elle reste à l'état virtuel. La CEDEAO déroge fondamentalement aux mécanismes de protection des droits de l'homme prévus à l'échelle régionale. Sur le plan principiel, elle est généreuse avec les justiciables.

A la lumière donc de ce qui précède, l'on retient que l' « organe mère » - la CEDEAO- a secrété des instruments juridiques pertinents qui sont à la base de l'action de la Cour. Le recours individuel est symptomatique des nouvelles ambitions de la CEDEAO ; la construction d'une Communauté fondée sur le droit. Sur le même registre de ce principe sacro-saint de protéger les citoyens ouest africains, ces derniers peuvent invoquer une panoplie d'instruments exogènes pour étayer le bien-fondé de leurs prétentions.

* 47D.A.KELLY, « Le juge africain est entré dans l'Histoire » (Commentaire de l'arrêt du 27 octobre 2008, Hadijatou Mani Koraou c/ Niger de la Cour de justice de la CEDEAO,) in combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr (consulté le 20 janvier 2012)

* 48 Dans l'affaire ChiefEbrimahManneh c/République de Gambie du 5 juin 2008, on peut lire par exemple qu'un des témoins avait conseillé au requérant de saisir la CJ CEDEAO au détriment des autres juridictions.

* 49 Les Etats africains soucieux d'améliorer le système régional de protection des droits de l'homme ont signé le 9 juin 1998 le protocole de Ouagadougou créant la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui va entrer en vigueur le 25 janvier 2004. Cette cour est opérationnelle depuis 2009.

* 50 A.B.FALL, op.cit.

* 51Aux termes de l'article 5 § 3 du Protocole, « ont qualité pour saisir la Cour : a) la Commission ;b) l'Etat partie qui a saisi la Commission ; c) L'Etat partie contre lequel une plainte a été introduite devant la Commission ; d) l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation des droits de l'homme, e) les organisations inter-gouvernementales africaines ».

* 52Selon le professeur Babacar Kanté, même « la décision prise par les Chefs d'Etat ou de gouvernement de fusionner la Cour africaine des droits de l'homme et la Cour de justice de l'Union Africaine n'est pas nécessairement de nature à garantir une protection plus efficace des droits fondamentaux. B. KANTE «  la production d'un nouveau constitutionnalisme en Afrique : Internationalisation et régionalisation du droit constitutionnel » in Land, Law and Politics in Africa, MediatingConflict and Reshapping the State, Leiden-Boston 2011 pp.240-257

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