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Pénalisation et dépénalisation (1970 - 2005)

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par Gatien-Hugo RIPOSSEAU
Université de Poitiers - Master II Droit pénal et sciences criminelles 2004
  

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Section II - La fièvre législative ou la pénalisation comme remède apparent aux maux de la société.

Le législateur utilise de plus en plus le droit pénal pour tenter de répondre à un nombre croissant de malaises sociaux que les instances extra pénales ont échoué à résoudre ou du moins à réguler. Il en résulte un véritable processus de pénalisation de la précarité par la criminalisation de comportements marginaux constituant le plus souvent des « incivilités » (§ 1) et la pérennisation des politiques de pénalisation relatives à l'immigration clandestine (§ 2).

Cette instrumentalisation du droit répressif contribue à encombrer le système pénal qui a pourtant fait l'objet d'une certaine rationalisation à certains égards au service de son économie et de son bon fonctionnement.

§ 1- Le récent processus de pénalisation de la précarité.

L'actuelle pénalisation de la précarité est avant tout tributaire d'un contexte, celui de la montée du sentiment d'insécurité qui s'est accentuée ces dernières années (A). Le législateur s'est donc montré particulièrement réactif en décidant de pénaliser cette forme de misère sociale en 2003 (B).

A - La pénalisation de la précarité, réponse à la montée du sentiment d'insécurité

« Ne plus rien laisser passer, faire régner en France un sentiment de sécurité »238(*). Tels sont les mots par lesquels Nicolas SARKOZY, ministre de l'Intérieur, résumait l'esprit qui devait animer et soutenir ses projets de loi.

Le but premier de cette pénalisation de la précarité résidait avant toute chose dans la nécessité de lutter contre la multiplication de ces fameuses incivilités à l'origine d'une grande inquiétude et d'un fort sentiment d'exaspération au sein de la population. Il s'agissait donc de s'attaquer à toutes ces formes de petite délinquance dont l'augmentation conséquente polluait toujours plus le quotidien des Français, et favorisait dans le même temps la montée d'un inquiétant sentiment d'insécurité.

Déjà en 1977, dans son rapport intitulé « Réponses à la violence », A. PEYREFITTE déplorait une explosion des crimes et délits, et témoignait de la crispation sécuritaire des Français. Pourtant, dès 1982, alors que la délinquance et la criminalité se stabilisent, on constate une persistance de ce sentiment d'insécurité. Celui-ci, néfaste pour le bon développement économique et social d'une société, est facteur de tensions sociales et engendre souvent une poussée des idéologies extrémistes.

Ainsi, concernant les chiffres de la délinquance précédent la loi du 18 mars 2003239(*), on peut constater en 2001 un ralentissement de la progression du phénomène criminel. L'essentiel de celui-ci (63%) résulte de l'augmentation du nombre de vols caractéristiques de la petite délinquance : vols à la roulotte, vols simples, etc. Le mouvement des crimes et délits contre les personnes reste, quant à lui, stable (même s'il a été multiplié par quatre depuis 1972) et représente 6,76% de l'ensemble des crimes et délits.

En outre, les comportements délictuels évoluent. Ainsi, les vols commis au préjudice des particuliers s'accompagnent le plus souvent de violences individuelles ou collectives. De nouvelles formes de vols apparaissent et se propagent, comme celles concernant les téléphones mobiles. Les délinquants s'approprient violemment un appareil en cours de communication pour ne pas se retrouver bloqués par le code verrouillage. A Paris, près d'un vol sur deux est un vol à l'arraché de téléphone portable.

Cette part considérable prise par la petite délinquance au sein des statistiques criminelles résulte avant tout de la relative impunité dont jouissent ses auteurs, en raison du faible préjudice causé par leurs actes et des difficultés liées à leur identification. Il en résulte chez les victimes, un sentiment d'abandon et la conviction de l'inefficacité des pouvoirs publics. Toutes ces carences débouchent sur la montée d'un sentiment d'insécurité, l'accroissement de la méfiance des citoyens, et le renforcement d'une tension sociale latente. La médiatisation à outrance des actes de délinquance joue également un rôle non négligeable dans la montée du sentiment d'insécurité à l'origine de ce malaise social : la délinquance est banalisée, et l'exceptionnel se trouve même fréquemment généralisé de façon hyperbolique dans les représentations médiatiques du phénomène de la délinquance. Le sociologue Sébastien ROCHE définit le sentiment d'insécurité comme « un processus de lecture du monde environnant qui est saisi chez les individus comme un syndrome d'émotion (peur, haine, jalousie) cristallisée sur le crime et ses auteurs »240(*). Ce sentiment ne reflète pas forcément la réalité mais s'impose aux esprits comme l'idée que l'on se fait de sa propre sécurité. Il n'y a pas besoin d'avoir été soi-même victime d'une infraction ou d'en connaître une pour se sentir inquiet. Les faits que l'on craint ne sont pas ceux auxquels on a été directement ou indirectement confronté, mais ceux que l'on perçoit comme pouvant nous arriver.

Ce sentiment d'insécurité se ressent plus fortement dans les grosses agglomérations où un nombre important de personnes en situation déjà précaire préfèrent fréquenter le monde de la rue ou viennent à y basculer par la force des choses. Certains comportements sont facteur de la montée palpable de ce sentiment d'insécurité. C'est le cas de la mendicité et du vagabondage, qui seront d'ailleurs envisagés dans un sens de pénalisation accrue par la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003.

D'autres attitudes, souvent considérées comme anodines, peuvent contribuer fortement au développement croissant du sentiment d'insécurité au sein de la population française. Il s'agit de ce que l'on appelle pudiquement les « incivilités ». En effet, ce sentiment d'insécurité ne procède pas tant de la délinquance elle-même, que du contact plus ou moins fréquent que certains citoyens peuvent avoir avec elle. Sans définition précise, les « incivilités » reflètent avant tout une réalité sociologique. Prises isolément, elles n'attirent en général qu'une faible réprobation de la part de ceux qui les subissent. Il peut s'agir, par exemple, du défaut de politesse, d'une forme d'agressivité verbale ou encore du manque d'hygiène ou de bruit dans les habitations collectives. Mais, ajoutées les unes aux autres, ou commises dans certaines situations, ces incivilités prennent une dimension autrement moins supportable. Ainsi en est-il de la mendicité agressive ou de l'occupation de halls d'immeubles souvent inscrites sur la longue liste des incivilités qui polluent le quotidien d'un nombre croissant de citoyens.Ces comportements inquiètent et dérangent. Un certain nombre d'entre eux sont perçus comme des incivilités parce qu'ils menacent nos « rituels de mise à distance d'autrui », sans pour autant constituer des infractions pénales au sens propre du terme. Le sociologue E. GOFFMAN montrait que « la non observance de certains rituels suffit à faire naître le sentiment du danger par la rupture qu'ils établissent dans l'ensemble des obligations sociales »241(*).

Ce climat d'insécurité, source de méfiance, de tension sociale, est allègrement « récupéré » par les initiatives politiciennes obéissant à une logique pragmatique de stigmatisation débouchant sur un discours purement populiste et au final, sur l'utilisation systématique et parfois déraisonnable de l'arme pénale : la loi du 18 mars 2003 en est l'illustration contemporaine la plus flagrante.

* 238 ROGER P, Le projet de loi Sarkozy sur l'immigration suscite l'hostilité des associations et suscite l'hostilité des associations et les réticences de M.Fillon, Le Monde, 10 octobre 2003.

* 239Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 « pour la sécurité intérieure ».

* 240 ROCHE S., La société incivile, Seuil collection, 1996.

* 241 GOFFMAN E., Stigmate, Minuit, Paris, 1989.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand