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Pénalisation et dépénalisation (1970 - 2005)

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par Gatien-Hugo RIPOSSEAU
Université de Poitiers - Master II Droit pénal et sciences criminelles 2004
  

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Université de Poitiers

Faculté de droit et sciences sociales

Pénalisation et dépénalisation

(1970-2005)

Mémoire de Master II recherche droit pénal et sciences criminelles

présenté par Gatien-Hugo RIPOSSEAU

Sous la direction de Jean-Paul JEAN

Année 2004/2005

Remerciements

M. Jean-Paul JEAN, pour m'avoir aidé à orienter mes recherches et à structurer ma pensée.

M. Philippe MICHEL-COURTY, pour le temps passé à la relecture de mes recherches et à la mise en forme de ces dernières.

Merci également à tous ceux qui m'ont soutenu et encouragé tout au long de ma démarche.

Sommaire

Remerciements 1

Sommaire 2

Liste des abréviations 3

Introduction 4

Partie I - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation en fonction de la qualité de l'auteur ou de la victime. 17

Section I - Le processus de pénalisation, consacré à la protection de catégories de victimes déterminées. 17

§ 1 - La protection des personnes particulièrement vulnérables, archétype de l'émergence d'un droit pénal catégoriel. 17

§ 2 - La pénalisation des atteintes à la respectabilité d'autrui. 29

Section II - Le processus de dépénalisation au profit d'auteurs déterminés. 37

§ 1 - La récente dépénalisation des infractions non intentionnelles opérée en faveur des titulaires d'un pouvoir décisionnel. 37

§ 2 - La dépénalisation en matière de moeurs, vecteur d'intégration sociale de personnes déterminées : les femmes et les homosexuels. 44

Partie II - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation dans une finalité d'adaptation du droit. 49

Section I - La pénalisation au service de politiques publiques. 49

§ 1 - Le recours au droit pénal pour des impératifs de santé publique. 49

§ 2 - La pénalisation : un instrument au service de la lutte contre « l'insécurité routière ». 63

Section II - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation dans une finalité d'adaptation du droit aux évolutions de la société. 69

§ 1 - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation en droit des affaires. 70

§ 2- Le recours au droit pénal pour cadrer les évolutions techniques. 75

Partie III - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation face à l'encombrement du système pénal. 83

Section I - La logique pragmatique du processus de dépénalisation au service de l'économie du système pénal. 83

§ 1 - Dépénalisation et décriminalisation au service de l'économie du système pénal. 83

§ 2 - Dépénalisation de fait et développement des alternatives aux poursuites : des instruments de gestion de contentieux de masse. 88

Section II - La fièvre législative ou la pénalisation comme remède apparent aux maux de la société. 95

§ 1- Le récent processus de pénalisation de la précarité. 95

§ 2 - Les politiques de pénalisation de l'immigration clandestine. 101

Conclusion générale 105

Bibliographie 110

Annexes 117

Table des matières 122

Liste des abréviations

Op.cit. = opere citado = dans l'ouvrage précité

Ibid. = ici même

v = voir

p.-= page

pp. = pages

s. = suivant

n° = numéro

coll.= collection

Ed. = édition

art. = article

al. = alinéa

chap. = chapitre

J.O.= Journal officiel de la République française

BO Min just.: Bulletin officiel du ministère de la Justice

B.C. = bulletin criminel

Crim. = Chambre criminelle

circ. = circulaire

CEDH = Cour européenne des droits de l'homme

CSDH = Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme

CP et ACP = Code pénal et ancien Code pénal

CSP = Code de la santé publique

chr. = chronique

D.= Recueil Dalloz

PUF = Presse universitaire française

JCP = Jurisclasseur périodique (Semaine juridique)

Dr. Pén. = Revue de droit pénal

RSC. = .Revue de sciences criminelles et de droit comparé

APC = Archives de politique criminelle

RDPC = Revue de droit pénal et de criminologie

Rev.jur.Prosp. = Revue juridique de droit prospectif

RD publ. = Revue de droit public

Rev. Sociétés = Revue de droit des sociétés

Rép.pénal = Répertoire pénal (Jurisclasseur pénal)

Introduction

La pénalisation et la dépénalisation sont deux phénomènes à la fois concurrents et complémentaires, qui, suivant leur évolution respective, donnent à un système pénal déterminé ses caractéristiques et ses grands traits. La pénalisation et la dépénalisation constituent en effet deux indicateurs fondamentaux permettant d'identifier les politiques criminelles successives qui vont venir guider l'intervention du droit pénal quant à l'intensité de son action, et au champ de cette dernière.

Ce sont ces deux phénomènes et leur évolution qui déterminent les valeurs protégées par le droit pénal à un moment donné et leur postérité au sein du système répressif.

Il existe deux facteurs essentiels de la pénalisation, dépénalisation qui constituent autant de sources de création et de suppression de la loi : le groupe social d'une part, et le politique d'autre part1(*). Ces deux sources ne sont pas exclusivement attachées au droit pénal mais c'est vraisemblablement dans le cadre de ce dernier qu'elles jouent le rôle le plus symbolique.

 « La création d'un texte doit se réaliser autour de la valeur sacralisée et la disparition d'un texte doit s'élaborer en opposition à la valeur consacrée »2(*). Ce rejet peut se justifier soit par l'obsolescence de la valeur protégée, soit par la disparition des circonstances qui imposaient la protection de la valeur en question à un moment donné. Or, cette évolution qui peut tendre aussi bien vers l'adhésion que vers le rejet d'une valeur, traduit le processus normal d' évolution des états forts de la conscience collective telle que E. DURKHEIM l'a souligné3(*). Tout ceci souligne le fait que l'édiction ou la suppression de la norme (plus particulièrement la norme pénale), obéit notamment à la technique de l'évaluation sociologique de l'importance de la valeur qui doit ou ne doit plus être protégée par le droit pénal. Ainsi, les valeurs qui inspirent le législateur pénal ne sont pas des valeurs juridiques, elles appartiennent au contraire à une réalité normative extra juridique. Autrement dit, à une valeur juridique préexiste une valeur sociale. C'est finalement la réalité sociale et les besoins de la société qui poussent le législateur à poser de nouvelles normes ou à en supprimer d'anciennes4(*) : ainsi, le groupe social participe tant au processus de pénalisation qu'au processus de dépénalisation.

Le politique intervient également comme source de pénalisation et de dépénalisation qui sont autant d'armes et de témoins du jeu politique. « La dépénalisation, tout comme la pénalisation, est une arme essentielle pour le politique en lui permettant d'imposer ses idéaux : ainsi, il impose ses convictions philosophiques morales ou sociales, ses choix de société »5(*).

Notions voisines indirectement liées à la pénalisation, dépénalisation :

Avant de donner une définition précise de la pénalisation et de la dépénalisation, il convient d'identifier des notions qui leur sont voisines et directement ou indirectement liées. Quatre couples de notions, constituées à partir d'un néologisme, ne sont qu'indirectement liées à la pénalisation, dépénalisation car elles ne concernent pas exclusivement le droit pénal :

La déjuridicisation, juridicisation.

La déjudiciarisation, judiciarisation.

La déjusticialisation, justicialisation.

La déjuridictionnalisation, juridictionnalisation.

La déjuridicisation apparaît pour Michel GIROT comme un phénomène qui préconise l'appréhension autre que juridique d'un comportement auquel s'attachaient antérieurement des effets de droit6(*). A l'inverse, la juridicisation se présente comme le mouvement qui tend à favoriser une réponse juridique à une situation donnée.

La pénalisation, dépénalisation se différencie ensuite de la déjudiciarisation, judiciarisation.

La déjudiciarisation se présente comme un mécanisme tendant à éviter le processus judiciaire. Les solutions au conflit de droit pénal sont recherchées ici « hors la cour ». L'intervention des tribunaux judiciaires est ainsi court circuitée. A l'inverse, la judiciarisation favorise leur compétence.

La pénalisation, dépénalisation sont enfin à distinguer de la déjusticialisation, justicialisation et de la déjuridictionnalisation, juridictionnalisation.

Ces notions sont considérées comme synonymes pour Michel VAN DE KERCHOVE7(*) : selon lui, la déjusticialisation et la déjuridictionnalisation tendent à faire sortir une situation de la compétence de la justice, pour transférer ces compétences vers des autorités non juridictionnelles. A l'inverse, la justicialisation et la juridictionnalisation favorisent l'intervention de la justice.

Tous ces mouvements, qu'ils soient d'avancée ou de retrait du droit, sont des composants non exclusifs de la pénalisation, dépénalisation, car ils ont vocation à trouver leur place dans des branches très diversifiées du droit : droit civil, droit commercial, droit administratif, etc.

Notions voisines directement liées à la pénalisation, dépénalisation :

Contrairement à ces notions, il en existe quatre autres qui sont directement liées à la pénalisation, dépénalisation : il s'agit de la décriminalisation, la criminalisation, la correctionnalisation et la contraventionnalisation.

En ce qui concerne la décriminalisation, criminalisation, la polysémie du terme « crime » impose la distinction de deux acceptions.

Stricto sensu, pris dans son acception purement pénaliste, le crime est l'infraction la plus grave au sommet de la classification tripartite édictée par le droit pénal français. Suivant cette conception, la décriminalisation se révèle en la transformation d'un crime en délit ou en contravention. A l'inverse, la criminalisation serait l'action d'ériger en crime un délit ou une contravention8(*).

Lato sensu, le « crime » représente toutes les infractions; le terme est envisagé ici non plus dans une optique purement pénaliste , mais à travers sa conception criminologique. Ainsi, selon cette approche du terme « crime », la décriminalisation consiste à supprimer l'incrimination et la criminalisation à l'édicter. C'est cette seconde conception du crime dans la criminalisation, décriminalisation qui fédère le plus les divers opinions et travaux menés en la matière même si quelques divergences apparaissent.

Selon J.LECLERCQ, « la décriminalisation implique la suppression de l'incrimination et cette suppression entraîne celle de la peine »9(*). Selon cette conception, criminaliser serait bien le fait d'ériger un comportement (autrefois ignoré par le droit pénal) en infraction : cette conception de la criminalisation n'est pas remise en cause, mais quelques dissonances sur la notion de décriminalisation apparaissent selon les auteurs. Ainsi, pour le professeur VAN DE KERCHOVE, la décriminalisation conduit à l'annulation de la criminalisation d'un certain comportement, ce qui ne signifie pas que le comportement est légitimé par le droit ; le comportement décriminalisé reste illégal quand il a besoin d'une réaction sociale et non d'une réaction criminelle »10(*). Mireille DELMAS-MARTY voit que la décriminalisation est « la pleine reconnaissance juridique et sociale du comportement décriminalisé » et implique « la reconnaissance d'un droit légitime à un mode de vie qui était précédemment contraire à la loi »11(*). Pour Jean PRADEL, la décriminalisation « entraîne la dispersion du droit pénal, le comportement sortant de la sphère du droit pénal et même du droit tout court, soit qu'il devienne pleinement « légitime » ce qu'implique l'abrogation, soit à la rigueur qu'il cesse d'être poursuivi »12(*). Georges LEVASSEUR considère quant à lui que la décriminalisation « consiste à cesser d'incriminer un comportement, tout au moins sous une certaine qualification. Elle comporte trois variétés :

- la cessation totale de l'incrimination. Le fait n'est plus défendu sous sanction pénale. Il est permis (sauf responsabilité civile, commerciale, administrative, etc.).

- la simple disqualification. Le comportement précédemment incriminé le reste, mais il ne l'est plus qu'en tant qu'infraction mineure ; il se trouve donc puni de peines moins fortes.

- le maintien de la qualification avec peines sensiblement différentes dans le sens d'une moindre rigueur. Il y a de multiples exemples dans le domaine des substituts aux courtes peines d'emprisonnement »13(*). Enfin, le comité européen pour les problèmes criminels distingue décriminalisation « de jure » et décriminalisation « de facto ». La décriminalisation « de jure » est constituée des « processus par lesquels la « compétence » du système pénal pour infliger des sanctions à titre de réaction à une certaine forme de comportement lui est retirée pour ce qui concerne ce comportement précis. Cela par un acte législatif ou par la façon dont la magistrature interprète la législation ». En revanche, la décriminalisation « de facto » est définie par le comité comme « un phénomène consistant à diminuer (progressivement) les réactions du système de la justice pénale en face de certaines formes de comportements ou de certaines situations, sans qu'aucun changement n'intervienne dans la compétence de ce système »14(*).

Pour cette recherche, la définition de la décriminalisation sera celle qui consiste à appréhender ce phénomène comme le fait de faire cesser totalement l'incrimination existante, que le comportement décriminalisé soit de ce fait devenu légitime ou non. La décriminalisation sera envisagée comme un processus qui ne relève que de la compétence du législateur, de telle sorte qu'il ne sera jamais fait de distinction entre la décriminalisation de droit et la décriminalisation de fait. La criminalisation et la décriminalisation sont deux phénomènes qui s'insèrent respectivement aux deux extrémités de la pénalisation, dépénalisation pris dans leur aspect temporel : la criminalisation est la première opération du processus de pénalisation et la décriminalisation est la dernière opération du processus de dépénalisation.

 

La correctionnalisation réside dans l'action de qualifier une infraction en délit, que le comportement soit antérieurement non incriminé ou incriminé sous la qualification de contravention ou de crime. Elle est donc à la fois facteur de pénalisation et de dépénalisation. Elle est un facteur de dépénalisation tout d'abord, lorsqu'elle entraîne un crime vers une qualification correctionnelle. Elle constitue ensuite un facteur de pénalisation, lorsqu'elle criminalise un comportement en délit ou lorsqu'elle transforme un comportement contraventionnel en comportement délictuel. Dans le cas précis où le comportement n'était pas incriminé auparavant, la correctionnalisation s'apparente donc à une forme particulière de criminalisation. Aussi, Wilfrid JEANDIDIER distingue fort subtilement la correctionnalisation législative (ou légale) et la correctionnalisation judiciaire. Cette distinction fait apparaître que dans le second cas, la correctionnalisation peut être le fait de magistrats qui décident que le jugement d'un crime sera de la compétence du tribunal correctionnel et non de celle de la cour d'assises.

La correctionnalisation, comme la contraventionnalisation, est un aspect de la pénalisation, dépénalisation.

La contraventionnalisation consiste à faire d'un comportement une contravention, que ce dernier ait été incriminé ou pas par le droit antérieur. Ainsi, la contraventionnalisation appartient tantôt au mouvement de pénalisation, tantôt au mouvement de dépénalisation.

Elle s'inscrit dans la dépénalisation lorsque le comportement était antérieurement qualifié de délit ou de crime. Elle s'insère au contraire dans le mouvement de pénalisation lorsque le comportement ne constituait pas une infraction pénale dans le droit antérieur : à ce titre, la contraventionnalisation est elle aussi une forme particulière de criminalisation.

A l'opposé des concepts précédents, la criminalisation, décriminalisation, la correctionnalisation et la contraventionnalisation sont des notions directement liées à la pénalisation, dépénalisation et elles se réalisent par conséquent exclusivement dans ce double mouvement. Ces notions sont donc des composantes de ce double mouvement qu'il convient de préciser après en avoir décrit la genèse conceptuelle.

Genèse conceptuelle des notions de pénalisation, dépénalisation :

Les notions de pénalisation et dépénalisation, bien que d'existence aussi ancienne que celle des lois répressives, n'ont véritablement fait l'objet d'études que très tardivement.

Par exemple, les premiers ouvrages faisant référence à la dépénalisation datent des années 197015(*), alors que la conceptualisation de cette notion apparaît dans les années 1960 avec les premières recherches sur les dysfonctionnements du système pénal. L'inflation pénale, l'inadaptation aux mutations économiques et politiques, les interrogations sur la délimitation du champ de l'intervention du doit pénal au regard des objectifs de cohérence assignés à la protection sociale du fait de la politique criminelle... autant de phénomènes perturbateurs desquels vont résulter la crise du système pénal. La dépénalisation apparaît ainsi comme un remède susceptible de juguler cette crise du système pénal : on estime que si il y a trop de pénal ou que si il est inadapté, il n'y a qu'à rétrécir son champ d'action ou éventuellement à le supprimer. La dépénalisation tout comme la crise, ne sont alors envisagées qu'à travers une acception réductrice car il n'est retenu que les aspects strictement conjoncturels de ces deux phénomènes, nonobstant la perception faussée de leur rapport à laquelle elle renvoie.

La pénalisation, quant à elle, ne sera analysée comme un phénomène autonome qu'à partir des années 1990 et ne fera l'objet que de très peu d'études d'ordre conceptuel de la part de la doctrine.

Définition des concepts de pénalisation, dépénalisation :

S'agissant des concepts eux-mêmes, de pénalisation, dépénalisation, il sera préférable d'identifier dans un premier temps la dépénalisation, notion richement définie par la doctrine, pour dans un deuxième temps déterminer précisément le sens de son antonyme, par opposition au sens de la notion de dépénalisation qui sera adopté pour cette recherche.

La dépénalisation est un concept sur lequel la doctrine a abondamment réfléchi, d'où la pluralité d'approches qui en résulte. Néanmoins, cette notion pour le moins protéiforme qui a donné lieu à des acceptions hétérogènes, peut être conçue de deux façons différentes eu égard aux différents travaux doctrinaux. L'examen des opinions professées en la matière révèlent l'existence de deux grandes tendances, voire de deux grandes écoles sur le sens de la dépénalisation16(*).

La première école est celle que l'on pourrait appeler « l'école du recul du droit pénal ». Pour ce courant doctrinal, la dépénalisation désigne « toutes les formes de désescalade à l'intérieur du système pénal », cela vise les processus de correctionnalisation et de contraventionnalisation : cette opinion est celle adoptée par le Comité européen des problèmes criminels17(*).

D'autres ont entendu la dépénalisation dans le même sens, mais de façon moins restrictive. Ainsi, P.CORNIL considère que la dépénalisation peut aussi viser « toute atténuation du taux de la peine d'une infraction déterminée »18(*). Enfin, G.LEVASSEUR entend quant à lui la dépénalisation de façon encore plus large puisqu'elle consiste « à maintenir l'incrimination, mais à atténuer plus ou moins la répression la rendant en fait exceptionnelle ou plus douce. Tous les rouages de la justice pénale jouent un rôle dans ce ralentissement du rythme répressif : la police, le parquet, le juge, les autorités d'exécution et le législateur »19(*). L'école du recul du droit pénal exclut donc expressément la décriminalisation du champ de la dépénalisation qui elle même, est ici envisagée comme un processus interne au droit pénal exclusivement.

La seconde école est « l'école du retrait du droit pénal ». Selon J.PRADEL20(*) et M.DELMAS-MARTY21(*), « la dépénalisation est toute forme de dessaisissement du système pénal au profit d'une autre variante, civile, administrative ou de médiation ». Ce point de vue est également partagé par la Commission de révision du Code pénal belge22(*) et avait déjà fait l'objet d'un consensus entre M.ANCEL et M.BERIA qui considéraient la dépénalisation, d'une façon générale, comme « un affaiblissement de la réaction sociale qui tantôt abandonne la voie proprement pénale, tantôt y substitue d'autres voies moins traumatisantes et plus efficaces »23(*). L'école du retrait du droit pénal inclut donc quant à elle la décriminalisation dans le concept de dépénalisation et envisage également ce phénomène comme un processus qui n'est pas exclusivement interne au droit pénal, mais comme une dynamique qui va affecter d'autres branches du droit à l'issue du dessaisissement du droit pénal. En revanche, ce courant n'inclut pas la désescalade susceptible d'affecter une incrimination dans sa conception de la dépénalisation.

A ce sujet , deux auteurs se situent en marge de ces deux grandes écoles et adoptent tout de même une conception intéressante de la dépénalisation, en ce qu'elle emprunte en quelque sorte des éléments à chaque tendance. J.LECLERC considère que « toute décriminalisation est une dépénalisation » mais que « la dépénalisation ne se limite pas à la décriminalisation ; elle englobe aussi toutes les formes d'atténuation ou de modification des sanctions applicables aux infractions qui ne sont pas décriminalisées »24(*). M.VAN DE KERCHOVE distingue « dépénalisation relative » et « dépénalisation absolue ». Il définit la dépénalisation relative comme toute forme de désescalade à l'intérieur du système pénal, comme par exemple la correctionnalisation et la contraventionnalisation ; la dépénalisation absolue concerne quant à elle l'annulation des peines à l'égard d'un certain comportement25(*).

Pour conclure, les points de vue respectifs de ces deux écoles apparaissent en réalité moins opposés qu'ils ne sont complémentaires; en effet, si on regroupe ces deux courants, on aboutit au processus complet qui est suivi lors de la dépénalisation d'un comportement. La désescalade d'une incrimination peut tout d'abord se traduire par un adoucissement des peines encourues en fait, puis en droit (et éventuellement un rétrécissement du champ d'application de l'incrimination), suivi par un changement de qualification (correctionnalisation puis contraventionnalisation) qui aboutira enfin par une décriminalisation qui sera parfois relayée par la mise en place d'un système de régulation concurrent au droit pénal.

Pour cette étude, la définition de la dépénalisation qui sera retenue celle-là (alliant les deux courants). La conception retenue sera donc large mais exclura en revanche le cas particulier des dépénalisations qui consistent en une décriminalisation assortie d'un transfert de compétence vers un système de sanction spécifique que l'on pourrait qualifier de « droit administratif répressif» ou de « droit administratif pénal ». Le choix arbitraire d'exclure cette solution du champ de la recherche se fonde sur le fait que ce droit ne constitue qu'un transfert de sanction du droit pénal stricto sensu, vers un autre droit répressif qui s'inscrit d'ailleurs dans la notion de matière pénale telle que définie par la CEDH en vertu de l'article 6 CSDH. En outre, il conviendra de distinguer dépénalisation de droit et dépénalisation de fait, cette dernière expression désignant le phénomène de raréfaction des poursuites et/ou d'atténuation des sanctions prononcées au titre d'une infraction déterminée. La dépénalisation de fait, contrairement à la dépénalisation de droit (qui sera simplement appelée dépénalisation) n'est jamais le fait du législateur, mais résulte au contraire de l'intervention des autres rouages de la justice pénale : la police, le parquet et le juge principalement.

Par conséquent, la pénalisation telle qu'elle va être conçue dans cette recherche, consiste en  « la réalisation d'un mouvement inverse selon lequel un comportement incriminé ou non incriminé, est nouvellement pris en compte par le droit pénal dans le sens d'une accentuation de la réaction sociale. La pénalisation apparaît donc comme le processus de création (criminalisation) ou de renforcement des incriminations (élargissement du champ d'application d'une incrimination et/ou d'alourdissement de la peine) mais aussi, de façon plus générale, comme l'augmentation du recours au droit répressif 26(*)».

Délimitation de l'objet de recherche :

Le champ temporel de la recherche sera limité pour l'essentiel à la période 1970-2005, nonobstant l'historique rapide des incriminations et du mouvement de pénalisation, dépénalisation dont elles ont pu faire l'objet antérieurement à cette période. Il est en effet indispensable de ne pas occulter cet aspect historique pour ne pas réduire le double mouvement de pénalisation, dépénalisation à une vision tronquée de sa teneur et de son évolution. Ce n'est qu'une telle vision d'ensemble qui permettra d'une part, de ne pas trahir la dimension à la fois sociologique et politique de ces deux phénomènes et d'autre part, de pouvoir porter un regard critique sur la cohérence de l'évolution du droit aussi bien au niveau de son orientation idéologique que de son application.

Cette recherche tendra à déterminer quels sont les principaux secteurs qui ont fait l'objet d'une pénalisation ou d'une dépénalisation, ainsi que les justiciables qui en définitive ont bénéficié ou subi ces évolutions du droit.

Il sera également envisagée la question de l'effectivité concrète de ces deux processus ; à savoir si la pénalisation renforce réellement l'arsenal répressif ou si elle s'avère inefficace pour des raisons techniques ou en considération de l'état antérieur du droit ; corrélativement, sera soulevé le problème des effets concrets de la dépénalisation relativement à son aspect d'atténuation concrète ou illusoire de la pression du pénal sur les justiciables.

Il sera enfin question de la dimension instrumentale de ces deux phénomènes et de leur implication en terme d'orientations prises par le législateur pénal au cours de la période étudiée. Ces trente dernières années ont-elles révélées une relative continuité dans l'évolution du droit pénal, ou ont-elles été au contraire le théâtre d'une véritable rupture en terme de politique criminelle ? En d'autres termes, le droit pénal « moderne »27(*) tel que nous le connaissons et qui lui-même aurait marqué une rupture par rapport au droit pénal « classique »28(*), a-t-il fait l'objet lui aussi d'une révolution qui l'aurait fait basculer dans l'ère de la post-modernité ? A ce sujet, la réforme du Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 constitue vraisemblablement une étape cruciale dans l'histoire de notre droit pénal : c'est la première fois depuis 1810 que l'on réformait le Code Napoléonien pourtant critiqué depuis de nombreuses années. Cette réforme tant attendue, s'avère ainsi une indication précieuse au sujet de l'existence éventuelle d'un droit pénal « post-moderne », à travers l'analyse du double mouvement de pénalisation, dépénalisation qui résulte d'une étape si importante de l'évolution du droit pénal.

La reforme du Code pénal de 1994 : une politique d'adaptation dans la continuité du droit existant.

La réforme du Code pénal de 1994 est le fruit d'un long processus ponctué par de multiples travaux issus de différentes commissions qui se sont succédées, et ce depuis 1887. Le résultat obtenu finalement en 1992 est consécutif à la création d'une commission de révision en 1974, qui diffusera le fameux Avant-projet dit définitif de la partie générale du code en 1976, qui sera présenté au ministre de la Justice en 1978. Néanmoins, ce premier pas important dans la refonte du Code pénal sera relayé par d'autres étapes marquant chacune des avancées dans la conduite de ce projet d'envergure. Les premiers textes portant sur les infractions elles-mêmes sont livrés en 1980. En 1983, une autre mouture de la partie générale est proposée et, en février 1986, une nouvelle étape est franchie par la dépôt des textes sur le bureau du Sénat. Il faudra ensuite, de 1989 à 1992, trois années de discussions parlementaires et de navettes pour aboutir aux quatre lois du 22 juillet 1992, fondatrices de cette réforme mûrement travaillée.

Ce nouveau Code pénal est donc le résultat d'un travail de longue haleine outrepassant les changements politiques, ce qui explique les solutions de compromis, d'accords mesurés qui en résultent et qui confèrent à ce nouvel édifice du droit répressif, un esprit de continuité eu égard au droit tel qu'il existait antérieurement à cette réforme pourtant tant attendue. C'est en effet un code qui, dans l'ensemble ne renie pas les enseignements du passé, mais qui semble plutôt les remettre au goût du jour. Clair dans l'expression, rationnel dans la présentation et plus cohérent dans l'échelle des peines, voilà quelques unes des principales qualités de cette nouvelle mouture du Code pénal. Pour M. COUVRAT, il ne résulte pas de cette réforme « d'affirmation politique nettement marquée ni de ligne doctrinale bien établie. Plutôt une adaptation à l'évolution de notre temps »29(*). Cela étant, un double mouvement de pénalisation et de dépénalisation est tout de même perceptible, le premier l'emportant inexorablement sur le second.

Le mouvement de pénalisation dans le nouveau Code pénal de 1994 :

Dans le sens de la pénalisation, plusieurs éléments sont à mettre à l'actif de la réforme : tout d'abord, la création de nouvelles circonstances aggravantes, par exemple, en matière de meurtre, de violences, de vol et d'escroquerie où les listes deviennent impressionnantes. Ensuite, on peut également noter un phénomène relatif d'augmentation des peines qui frappe certains domaines dont ceux de l'homicide involontaire, de l'abus de confiance, des menaces, des discriminations et du viol notamment30(*). Dans un état d'esprit comparable, selon le projet de 1986, un nouveau Code pénal se doit  « d'opposer de fermes réponses aux formes modernes de la criminalité et de la délinquance qui menacent le plus durement dans notre société la personne humaine ». C'est cette orientation qui a été prise en matière de trafic de stupéfiants et de proxénétisme, catégories au sein desquelles certaines infractions, lorsqu'elles sont commises en bandes organisées, deviennent des crimes. Enfin, certaines incriminations ont été créées à l'occasion de la réforme du Code pénal. Ces nouvelles incriminations sont d'importance variable car certaines d'entre elles, à l'image des « appels téléphoniques malveillants », constituent des comportements déjà réprimés par la jurisprudence antérieurement à la réforme sous des qualifications plus générales, si bien qu'il ne s'agit pas toujours de criminalisations à proprement parler. En outre, les crimes contre l'humanité, bien qu'étant de « nouveaux crimes » dans le Code pénal, n'étaient pas pour autant ignorés par le droit pénal puisque la jurisprudence avait eu à plusieurs reprises l'occasion de les circonscrire à partir de la définition première donnée par le statut de tribunal militaire international de Nuremberg. Au rang des innovations substantielles, on peut citer les tortures et actes de barbarie31(*), l'entrave aux mesures d'assistance, la provocation des mineurs à la mendicité ou à l'alcoolisme, l'organisation de groupements aux fins de trafic de stupéfiants, de nouvelles hypothèses de discriminations, le crime de terrorisme écologique, le délit de harcèlement sexuel, les conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine, ou encore le délit de mise en danger. Le mouvement de pénalisation s'est également manifesté par la protection accrue de certaines catégories de victimes parmi lesquelles figurent les mineurs et les personnes particulièrement vulnérables en raison de leur âge, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience physique ou psychique. Cette vulnérabilité de la victime est devenue une circonstance aggravante très fréquente et a même fait l'objet de la création d'une infraction spécifique afin de préserver au mieux les intérêts de ce type de victimes : « l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse ». Les infractions contre les mineurs se sont multipliées, un chapitre regroupant toutes les atteintes aux mineurs, celles qui étaient déjà visées mais aussi de nouvelles comme la provocation à la consommation habituelle et excessive de boissons alcoolisées ou la commission habituelle de crimes ou de délits. Il est tout de même important de constater que, en ce qui concerne la catégorie générale des atteintes aux personnes, « ce mouvement d'accentuation de la répression, n'a pas été « prémédité » ni même voulu. Il est dû surtout à l'adoption d'un certain nombre d'amendements parlementaires »32(*). Il faut néanmoins relever à ce titre, que la nouvelle présentation du code révèle la volonté du législateur de placer la protection de la personne au premier rang des valeurs protégées par le droit pénal, ce qui semble aller de pair avec une relative élévation de la répression des atteintes relatives aux personnes. Cependant, ce Livre II consacré aux crimes et délits contre les personnes, ainsi mis en avant par la réforme, conserve « la quasi-totalité des infractions traditionnelles » et, « sauf quelques exceptions, la définition de leurs éléments constitutifs n'a pas été sensiblement modifiée »33(*). Dans un tout autre registre, une innovation se démarque toujours dans le sens d'une accentuation de la répression, elle concerne l'imputabilité des infractions : c'est la responsabilité pénale des personnes morales. Ces dernières se trouvent promues au rang d'auteurs ou de complices d'infractions. La responsabilité des personnes morales de droit privé et de droit public (à l'exception de l'Etat et des collectivités territoriales pour les activités insusceptibles de faire l'objet d'une convention de délégation de service public) est en effet instaurée par le nouveau Code pénal, mais cette responsabilité obéit au principe de spécialité.

Le mouvement de dépénalisation dans le nouveau Code pénal de 1994 :

La refonte du Code pénal de 1810 est en revanche plus timide quant à la dépénalisation qui paraît s'effacer devant l'accentuation de la répression qui domine cette réforme. Ce mouvement fébrile de dépénalisation s'explique sûrement par le fait que des dépénalisations importantes sont intervenues en amont de la réforme. En effet, les années 1970 et le début des années 1980 ont été marquées par la dépénalisation massive d'infractions en matière de moeurs, avec la décriminalisation de l'IVG, de l'adultère, puis de l'homosexualité. L'Ordonnance du 1er décembre 1986 a également opéré une dépénalisation en matière de concurrence, qui a été suivie de la décriminalisation de l'émission de chèques sans provisions en 1991.

Tout d'abord, la disparition de circonstances aggravantes apparaît plutôt rare consécutivement à la réforme du Code pénal et ce n'est pas la disparition de certaines incriminations qui contrebalance cette tendance. Le nouveau Code pénal a été allégé de plusieurs infractions au rang desquelles on peut citer la décriminalisation du vagabondage, de la mendicité, de certains petits délits contre la chose publique, de la détention de fausse monnaie, de la contre façon de clé ou encore la disparition d'infractions machistes en matière d'abandon de famille, comme les délits d'abandon de femme enceinte ou d'abandon de foyer. La décriminalisation de toutes ces infractions va évidemment dans le sens d'un allègement de la répression mais ce n'est pas le cas pour certaines infractions, qui, bien qu'ayant disparues du Code pénal, restent punissables par le biais des circonstances aggravantes attachées à certaines infractions, de sorte que la suppression de ces incriminations ne saurait en réalité s'analyser comme une décriminalisation. Ainsi, la castration, l'infanticide et le parricide restent des comportements répréhensibles, même après leur disparition du Code pénal. Force est de constater que l'allègement des peines est aussi un phénomène rare au sein de cette réforme. Bien que l'IVG sans le consentement de l'intéressée soit devenue une infraction, il faut tout de même signaler que l'incrimination d'auto avortement n'est plus assortie que d'une faible peine que le tribunal peut refuser de prononcer au terme de cette nouvelle mouture du nouveau code. C'est finalement une loi du 27 janvier 1993 qui aura pour effet de décriminaliser totalement cette dernière incrimination, avant même que le nouveau Code pénal n'entre en vigueur. Aussi, certaines inflexions des peines s'expliquent par des raisons techniques, à l'instar de l'importation et de l'exportation illicites de stupéfiants, punies d'une peine privative de liberté de 10 ans au terme de la réforme contre 20 ans antérieurement. Cette réduction de la peine d'emprisonnement s'explique par le soucis de libérer les cours d'assises de ce contentieux important pour qu'elles se concentrent sur la répression des infractions de production et la fabrication illicite de stupéfiants dont la peine a été maintenue à 20 ans de réclusion criminelle. A ce sujet, il apparaît regrettable que la réforme n'ait pas servi d'occasion pour revoir l'incrimination de consommation illicite de stupéfiant, restée inchangée depuis la loi du 31 décembre 1970 et qui aurait vraisemblablement mérité une attention particulière de la part du législateur de 1992. En outre, une nouveauté mérite attention, car elle opère une réduction remarquable de la répression d'une catégorie d'infractions : les contraventions. Le nouveau Code pénal se distingue à cet égard par l'abandon des peines privatives de liberté en matière contraventionnelle34(*).

C'est donc une réforme qui, pour l'essentiel, s'est inscrite dans un projet cohérent à la fois d'actualisation du droit et de compromis pondéré des différentes opinions exprimées lors des longs travaux préparatoires. Il en a résulté un code au caractère non révolutionnaire qui ne marque pas de rupture avec le droit antérieur, bien qu'un certain mouvement de pénalisation se démarque quelque peu après l'analyse des nouvelles dispositions35(*). La nouvelle mouture du Code pénal ne présente donc pas cet esprit de révolution ou encore de rupture qui est la caractéristique essentielle du droit pénal « post-moderne ».

Plan de la recherche :

De l'étude du double mouvement de pénalisation, dépénalisation tel qu'il se distingue depuis les années 1970, se dégagent quelques tendances fortes.

Tout d'abord, ce double mouvement de pénalisation, dépénalisation s'est inexorablement effectué en fonction de la qualité de l'auteur ou de la victime (I). Ce double processus a également obéi à une véritable finalité d'adaptation du droit (II) pour finalement être confronté à la problématique de l'encombrement du système pénal (III).

Partie I - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation en fonction de la qualité de l'auteur ou de la victime.

Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation s'est opéré au profit de catégories de personnes bien déterminées. D'une part, un mouvement de pénalisation a eu pour but d'assurer une protection accrue de certaines catégories de victimes (Section I), et d'autre part, un mouvement de dépénalisation a eu pour finalité d'alléger, voire de supprimer totalement la pression du droit répressif sur certaines catégories d'auteurs déterminés (Section II).

Section I - Le processus de pénalisation, consacré à la protection de catégories de victimes déterminées.

La protection de victimes particulièrement vulnérables a été une des véritables directions prise par le mouvement de pénalisation observé au cours de la période étudiée (§1). Le législateur a également pris le parti d'assurer à chacun, une protection toute particulière contre les atteintes à la respectabilité qui peuvent résulter de différentes pratiques qui s'inscrivent, soit dans le cadre de l'exercice d'une activité professionnelle, soit dans le cadre de la vie quotidienne (§2).

§ 1 - La protection des personnes particulièrement vulnérables, archétype de l'émergence d'un droit pénal catégoriel.

Dans le cadre de la protection accrue de catégories de personnes particulièrement vulnérables, le législateur a pris deux directions : il a tout d'abord criminalisé l'abus frauduleux de la vulnérabilité d'autrui pour ensuite adapter cette incrimination à la répression des mouvements sectaires (A), puis il a développé une législation visant à combattre le  « trafic des êtres humains » par le biais du durcissement des peines attachées à des incriminations déjà existantes, et également via de nombreuses criminalisations (B).

A - La criminalisation de l'abus frauduleux de la vulnérabilité d'autrui et la lutte contre les mouvements sectaires.

· La criminalisation de l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse.

Le législateur, à l'occasion de la réforme du Code pénal de 1994, a introduit une nouvelle incrimination (art.313-4 CP) à la teneur fortement protectrice des intérêts des plus faibles : les mineurs et les personnes particulièrement vulnérables.

· Origine de l'incrimination :

Cette nouvelle incrimination reprend une infraction de l'ancien Code pénal qui était tombée en désuétude : « l'abus des besoins d'un mineurs » de l'article 406 ACP. Cette incrimination réprimait le fait d'abuser des besoins, des faiblesses ou des passions d'un mineur, dans le but de lui faire conclure, à son préjudice, des actes déterminés par la loi. Cette infraction issue d'un décret-loi du 16 juillet 1935 était vraisemblablement dépassée sociologiquement en 1994 ; elle ne concernait d'une part, que les seuls mineurs et d'autre part, que des actes limitativement énumérés par l'article 406 ACP (des obligations, des quittances ou décharges, prêts d'argent ou de choses mobilières, etc.). Ce délit était à l'origine puni d'un emprisonnement de 2 mois à 2 ans et d'une amende de 3600 à 36 000 F36(*).

Plus de 40 ans après la criminalisation de ce type de comportements, la loi n°77-1468 du 30 décembre 1977 (article 19-I de la loi) a fait passer le quantum de l'amende encourue de 36 000 F à 2 500 000 F37(*).

· La nouvelle incrimination issue de la réforme du Code pénal de 1994 :

Dans un soucis d'extension de la protection accordée aux plus vulnérables entendus au sens large, le législateur de 1992 a bien évidemment repris les hypothèses déjà visées par l'article 406 ACP, mais a surtout pris le parti d'opérer une profonde refonte de l'incrimination d'une part, et une aggravation des peines encourues au titre de ces comportements d'autre part. La réforme du Code pénal de 1994 a en effet introduit un délit d' « abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation da faiblesse » (article 313-4 CP) qui protège deux catégories de personnes en situation de faiblesse : les mineurs tout d'abord, et les personnes particulièrement vulnérables en raison de leur âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse. Le nouveau délit de l'article 313-4 assure donc la protection du plus grand nombre et met véritablement en exergue la volonté du législateur de veiller tout particulièrement à la sauvegarde des intérêts de personnes non pas oubliées par le droit antérieur, mais protégées de la même manière que les individus lambda par le droit répressif avant sa réforme.

Cet effort du législateur était louable, seulement ce dernier a particulièrement eu la main malheureuse pour l'élaboration de ce délit.

Cette infraction nécessite en effet le fait d' « obliger » la personne protégée à un acte ou une abstention (préjudiciable pour elle) : or, le terme « obliger » renvoie à la violence ou à la contrainte qui découle de l'incrimination d'extorsion. Le terme « amener » aurait été plus judicieux : même si cela n'aurait pas empêché les problèmes de qualification avec l'escroquerie et dans une moindre mesure avec le vol, cela aurait au moins supprimé les conflits de qualification avec l'extorsion.

L'article 313-4 exige également que cet abus ait obligé la victime à un acte ou à une abstention qui lui est « gravement » préjudiciable, ce qui laisse supposer qu'il peut y avoir des abus légers de la vulnérabilité qui sont licites : cela pose le problème de savoir où doit se situer le seuil de gravité requis.

Par ailleurs, toutes les innovations de ce délit ne sont pas mauvaises : le législateur a judicieusement préféré les termes d' « acte ou abstention », à l'énumération restrictive et pour le moins incomplète des actes effectués par la victime elle même à son détriment. Cette nouvelle terminologie a le mérite d'être susceptible d'englober toutes les hypothèses d'abus qui pourraient survenir.

Enfin, le délit de l'article 313-4 CP est puni plus sévèrement que l'ancien « abus des besoins d'un mineurs » puisqu'il est passible de 3 ans d'emprisonnement (au lieu de 2 ans pour l'article 406 ACP) et une amende identique (2 500 000 F).

Au final, la réforme du code pénal aura été l'occasion d'accroître la protection des plus vulnérables quantitativement, par la dilatation du champ d'application de l'article 406 ACP du fait de l'extension des catégories de personnes protégées et des actes susceptibles de tomber sous le coup de la répression. Néanmoins, qualitativement, la protection, bien que renforcée par l'aggravation des peines encourues, se veut imprécise, ce qui augmente le risque de conflit de qualification, voire d'inapplication de la loi.

La postérité du délit d' « abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse » de l'article 313-4 CP, s'inscrit dans l'édiction de la loi du 12 juin 2001. Cette loi, afin d'assurer une répression accrue des mouvements sectaires et une protection plus efficace des adeptes victimes, aménagera quelque peu l'article 313-4 CP quant à sa place au sein du Code pénal, et y adjoindra le nouveau délit de «  manipulation mentale ».

· La protection des personnes particulièrement vulnérables dans le cadre de la lutte contre les mouvements sectaires :

Ces dernières années, le législateur a encore marqué sa volonté d'assurer une protection toujours plus importante à des catégories particulières de personnes. Cette protection s'inscrit ici dans le cadre particulier des mouvements considérés comme sectaires, qui exploitent l'état de faiblesse ou d'ignorance de personnes vulnérables en quête d'un but ou d'une croyance quelconque à laquelle se raccrocher pour vivre plus serein, ou tout simplement exister dans une société qui leur paraît cruelle et à la dérive. Ce sont ces personnes vulnérables qui viennent se réfugier ou que l'on attire malhonnêtement dans un système malveillant, que le législateur a entendu préserver tout particulièrement par le biais du droit pénal.

· Origine des sectes en France :

Les sectes actuellement implantées sur le territoire français sont apparues en deux temps.

Le premier temps correspond au début du XX ème siècle où des mouvements religieux, nés pour l'essentiel dans des pays anglo-saxons viennent s'enraciner dans la société française et rejoindre la contestation de la doctrine officielle de l'Eglise déjà exprimée par des groupes issus de la mouvance catholique. Le second courant, également en provenance des Etats-Unis, date de la fin des années 1960 et se teinte d'orientalisme, d'ésotérisme ou de gnosticisme.

C'est la convergence d'un certain nombre de facteurs sociétaux se nourrissant à la fois de la contestation (de la doctrine des religions dites traditionnelles), du mal être et de la faiblesse de certaines personnes, qui a conduit au développement spectaculaire des sectes.

· Agissements des sectes et répression avant la loi du 12 juin 2000 :

Les pratiques de certaines sectes s'avèrent particulièrement graves ; on peut brièvement citer parmi elles la déstabilisation mentale38(*) ; le caractère exorbitant des contributions financières ; la rupture avec l'environnement familial voire l'embrigadement des enfants ; tout cela sans compter toutes les atteintes à l'intégrité physique comme l'esclavagisme sexuel, voire encore les atteintes à la vie des adeptes via notamment des rituels de provocation au suicide des adeptes.

La plupart de ces agissements constituaient déjà des infractions pénales avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 juin 2001 qui marque un renforcement du système répressif destiné à éradiquer les mouvements sectaires.

Le droit pénal permettait déjà de réprimer ces agissements, tant au stade du recrutement, qu'à des stades postérieurs à celui-ci et même au stade pour le moins délicat du départ de la secte par l'adepte39(*). Le Code pénal, de part ses dispositions relatives aux atteintes à l'intégrité corporelle et aux atteintes aux biens, assurait déjà en théorie une protection suffisante. De plus, la protection des mineurs était déjà relativement bien organisée par le droit en général40(*). Les autres codes comme le Code de la santé publique, le Code du travail ou encore le Code de la consommation constituaient un complément précieux pour la répression des agissements sectaires. Cependant, ces infractions, qu'elles figurent dans le Code pénal ou dans d'autres codes, n'étaient pas toutes imputables aux personnes morales que représentaient les mouvements sectaires. Outre ces différentes incriminations, la dissolution des sectes était d'ores et déjà possible au pénal grâce à la peine complémentaire de la dissolution41(*).

Pourtant, très peu de ces agissements ont donné lieu à des poursuites judiciaires42(*). Cette ineffectivité du système répressif est due principalement à deux facteurs : d'une part, les parquets ne disposent que rarement d'éléments suffisants pour mettre en mouvement l'action publique ; d'autre part, les conséquences inéluctables des méthodes employées par les sectes constituent à l'évidence des obstacles à la connaissance de ces agissements par les autorités judiciaires : la peur du scandale et la peur des représailles poussant souvent les victimes à ne pas porter plainte. De plus, lorsque les poursuites sont engagées, on assiste souvent à des désistement liés aux pressions graves exercées et/ou aux indemnisations proposées par la secte.

· Genèse de la loi du 12 juin 2001 :

Les pouvoirs publics ont été sensibles à la prolifération des sectes et à l'impunité qui bénéficie de facto à ces dernières.

A la suite du rapport présenté en 1983 par M.Alain VIVIEN qui préside aujourd'hui la MILS (la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes créée le 7 octobre 1998 pour remplacer l'Observatoire Interministériel sur les Sectes), l'Assemblée Nationale a décidé en 1995 et 1999 la constitution de deux commissions d'enquête dont les travaux43(*) ont mis en évidence l'importance des dérives sectaires en particulier sur le plan économique.

La nécessité de légiférer était clairement affirmée et apparaissait même comme une évidence tant et si bien que la fièvre législative sur ce sujet des sectes donna lieu à une impressionnante succession de propositions de loi sous la seule onzième législature (1997-2002). Or, « dès lors que légiférer est présenté comme une évidence pour répondre à une situation douloureuse, il y a fort à parier que la loi pénale aura une visée déclarative outre ses fonctions classiques »44(*). Cette crainte apparaît s'être réalisée à propos de certaines dispositions de la loi n°2001-504 du 12 juin 2001 « tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales »45(*).

· La loi du 12 juin 2001 elle-même et ses apports dans la protection des personnes particulièrement vulnérables :

Cette loi issue d'une proposition de loi déposée le 20 novembre 1998 à l'initiative du sénateur Nicolas ABOUT, a opéré une extension du champ de la responsabilité des personnes morales, une aggravation de la répression en cas de maintien ou de reconstitution d'une personne morale dissoute, une extension de la procédure de dissolution civile, et a surtout créé deux nouvelles infractions : celle de « promotion en faveur des mouvements sectaires » et celle de « manipulation mentale ».

C'est surtout la nouvelle incrimination de « manipulation mentale » qui apparaît intéressante dans l'optique de l'étude des phénomènes de pénalisation, dépénalisation centrés sur la protection de catégories particulières d'individus. Il convient néanmoins de remarquer (outre les nouvelles dispositions relatives à la dissolution des personnes morales) que l'extension du champ de la responsabilité des personnes morales permet de pallier l'incohérence de notre législation en la matière et d'assurer une meilleure effectivité de la répression des mouvements sectaires lorsque des agissements auront été poursuivis et condamnés par les tribunaux répressifs. Cependant, bien que ces initiatives soient bénéfiques en théorie, elles ne paraissent pouvoir être efficaces qu'en cas de poursuite et de condamnation des agissements illicites commis par les sectes. Or, il est évident que le véritable mal dont souffre notre système répressif relativement aux mouvements sectaires, se trouve en amont de tout cela : c'est la difficile réunion de preuves contre ces mouvements, et la peur des victimes à déposer plainte qui paralysent le système pénal en son entier et le rendent inefficace. Ces nouvelles mesures sont donc louables sur leur principe, mais elles occultent les réels problèmes de mise en oeuvre du droit, qui, ceci dit, sont d'une extrême complexité à résoudre dans une société démocratique comme la nôtre.

· Le délit de « manipulation mentale » :

En ce qui concerne le nouveau délit de « manipulation mentale »(223-15-2 CP), issu de la loi du 12 juin 2001, il faut nuancer cette initiative législative qui pourrait apparaître comme une criminalisation novatrice. Cette nouvelle incrimination n'est qu'un aménagement de l'ancien article 313-4 CP qui réprimait l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse.

En effet, l'article 21 de la loi du 12 juin 2001 abroge cet article 313-4 et introduit un nouvel article 223-15-246(*). Deux innovations substantielles sont à signaler.

Tout d'abord, l'article 223-15-2 a été inséré dans un titre deuxième consacré aux atteintes à la personne humaine. Ce passage d'un délit contre les biens, assimilé à une infraction proche de l'escroquerie, à une infraction contre les personnes, exprime que la valeur protégée est d'abord la personne de la victime et non ses biens. La localisation géographique de l'article dans le Code pénal n'est pas dépourvue de sens.

Ensuite, et c'est là l'innovation la plus importante, l'article 223-15-2 institue une circonstance aggravante « lorsque l'infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement », communément qualifié de secte, « qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir, ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités » : c'est le nouveau délit de « manipulation mentale »47(*). Il porte alors les peines à 5 ans d'emprisonnement et 5 000 000F d'amende (750 000 €). La manipulation mentale est certes un délit issu d'une criminalisation puisque la loi institue une nouvelle incrimination pour réprimer spécifiquement un comportement donné, mais cette criminalisation a tout de même pour support une incrimination préexistante (l'ancien article 313-4 CP) sur laquelle s'appuie la nouvelle infraction issue de la loi du 12 juin 2001.

Cette nouvelle incrimination, présente dans l'esprit du législateur, l'avantage de surmonter les obstacles liés au consentement donné par les adeptes d'une secte à tous les agissements qui leur sont demandés. Elle risque cependant d'être la source d'autres difficultés.

Tout d'abord, l' « état de sujétion » est une notion aux contours imprécis, tout comme l'exigence de « pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement » qui n'est pas d'avantage une garantie contre l'arbitrage du juge. Sans doute le caractère gravement préjudiciable de l'acte ou de l'abstention pourrait-elle être de nature à éviter les débordements de l'application du texte. Cependant, cette condition conduit, elle aussi, inévitablement à une appréciation subjective. Néanmoins, la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH), dans son avis du 21 septembre 2000, ne s'est pas opposée au contenu du nouvel article 223-15-2 CP.

Il existe cependant des risques de dérives du droit intrinsèques à la criminalisation de ce type de comportements : « Dans la volonté du législateur de protéger des individus contre eux-mêmes, il y a naturellement un risque d'arbitraire qui résulte du maniement de notions dont le sens, variable en fonction des époques et des modes, contient, en germe, le risque de dérapages. Mais, en allant plus loin, on peut également critiquer l'économie du dispositif. La protection des victimes contre elles-mêmes peut à l'extrême conduire à la mise en place d'une police de la pensée et à la définition du « religieusement correct », en contradiction avec la liberté de penser et de religion »48(*).

En outre, l'absence de jurisprudence publiée sur l'article 223-15-2 CP ne permet pas encore de dire si la fonction déclarative de politique criminelle de ce texte aux contours imprécis demeurera sa seule fonction.

A l'issue d'une telle pénalisation, le législateur animé d'une volonté de protection des individus les plus vulnérables, proies privilégiées des mouvements sectaires, est retombé dans les écueils d'une inflation pénale superficielle ; plutôt que de créer une nouvelle incrimination imprécise jusqu'alors inappliquée, le législateur aurait dû consolider l'édifice du droit existant, suffisant pour réprimer les agissements sectaires, en s'attaquant au problème de la mise en oeuvre du droit, qui, à l'évidence, constitue le réel obstacle en la matière. Favoriser une application ferme du droit existant d'une part, et développer une vaste campagne d'information d'autre part, auraient été des initiatives plus judicieuses en terme de lutte contre les mouvements sectaires.

B - La lutte contre le trafic d'êtres humains.

Le législateur depuis la réforme du Code pénal de 1994, a voulu s'attaquer tout particulièrement a une forme singulière de criminalité : celle qui vise à tirer profit de la particulière vulnérabilité de certaines personnes : les mineurs, les personnes étrangères, les personnes démunies, etc. La protection de ces personnes s'est traduite par une véritable politique de pénalisation qui s'est organisée sur trois terrains. Le législateur a tout d'abord pris le parti de lutter contre les « conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine » avant d'accroître la protection des mineurs et des personnes particulièrement vulnérables dans le cadre de l'exploitation sexuelle qu'ils sont susceptibles de subir. Enfin, le dernier secteur pénalisé fut celui de l' « exploitation de la mendicité d'autrui ». L'engagement des pouvoirs publics dans la lutte contre l'exploitation de la vulnérabilité ou de la dépendance d'autrui s'est achevée par la criminalisation de la « traite des êtres humains ». L'édiction de cette dernière infraction est venue parachever cette volonté de protection en réprimant les comportements spécifiques qui visent à permettre ou à faciliter la commission des infractions précédemment pénalisées en la matière depuis maintenant une dizaine d'années.

Dans l'optique de protection des personnes particulièrement vulnérables, le législateur a tout d'abord pris l'initiative de criminaliser les conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine à l'occasion de la réforme du code pénal de 199449(*). « La lecture des travaux parlementaires révèle que la création des deux incriminations qui y correspondent (article 225-13 et 225-14 CP), résulte de la volonté de lutter contre les phénomènes d'exploitation qui se sont multipliés à la faveur de la crise économique des deux dernières décennies »50(*). Les articles 225-13 et 225-14 CP sanctionnent deux types de comportements différents qui procèdent de la même intention blâmable d'aboutir à l'assujettissement d'un être humain vis à vis d'un autre et ce, sans aucune considération pour la dignité de la victime asservie.

L'article 225-13 vise à protéger la personne vulnérable ou en état de dépendance contre l'exploitation qui consiste pour elle à fournir des services à autrui non rétribués ou en échange d'une rétribution manifestement sans rapport avec l'importance du travail accompli. L'hypothèse initialement visée ici est essentiellement celle de l' « esclavage domestique ». Ce phénomène est bien connu : une jeune étrangère est prise en charge par une famille française en vue d'y effectuer des tâches ménagères et garde d'enfants. L'employeur lui confisque ses papiers et la victime est contrainte de travailler 15 à 18 heures par jour sans être rémunérée ou pour une rémunération dérisoire, etc. L'article 225-14 érige quant à lui en infraction le fait de soumettre une personne vulnérable ou en état de dépendance à des conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine. Cette nouvelle incrimination vise, outre l'esclavage domestique qui peut également entrer dans son champ d'application, l' « esclavage économique » qui est un phénomène qui touche particulièrement les travailleurs clandestins.

Par ailleurs, la circulaire du 14 mai 1993 précise que ces infractions sont destinées à « sanctionner plus sévèrement les « marchands de sommeil » et autres personnes exploitant des travailleurs en situation irrégulière, même si ces incriminations protègent de façon générale toutes les personnes vulnérables ou en situation de dépendance ». En effet, force est de constater que si ces textes ont été à l'origine instaurés pour combattre un type particulier de délinquants, ceux qui tirent profit de la misère des clandestins, la généralité des termes employés par le législateur permet de réprimer l'esclavage économique dans son acception la plus large : sont susceptibles de tomber sous le coup de ces textes, aussi bien l'exploitation de travailleurs en situation irrégulière que l'exploitation, par un employeur d'une entreprise utilisant une main d'oeuvre non clandestine, imposant à ses salariés, brimades, vexations et conditions de travail attentatoires à leur dignité.

Initialement punis de 2 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amendes (article 225-13 et 225-14) ou de 5 ans et 150 000 € lorsqu'elles étaient commises à l'égard de plusieurs personnes (article 225-15), les deux incriminations ont fait l'objet de nettes modifications par la loi n°2003-239 du 18 mars 2003. Cette loi ouvertement volontariste et répressive, comme le suggère d'ailleurs son intitulé51(*), a procédé à une surpénalisation des deux délits allant dans la sens d'une protection accrue des personnes particulièrement vulnérables bien sûr, mais aussi et surtout dans le sens d'une protection particulièrement ferme des mineurs52(*). La loi du 18 mars 2003 a en outre quelque peu précisé la notion de « personnes vulnérables ou en situation de dépendance » grâce à l'introduction de l'article 225-15-1 qui fait référence aux mineurs et aux étrangers qui bénéficient désormais vraisemblablement d'une présomption légale de vulnérabilité attachée à leur qualité. Ainsi, le législateur a relevé que c'est précisément parce que ces victimes sont en situation de clandestinité ou de minorité, qu'elles sont vulnérables et que les auteurs de ces délits parviennent à commettre ces méfaits.

La seconde direction prise par le législateur dans sa politique de pénalisation de l'exploitation des personnes en situation de faiblesse, a été la protection des mineurs et des personnes particulièrement vulnérables dans le cadre de leur exploitation sur le plan sexuel.

Outre l'aggravation des peines encourues pour atteinte sexuelle sur un mineur53(*) et l'aggravation de la répression du proxénétisme simple par la loi du 15 novembre 200154(*), le législateur a axé sa politique de protection des plus faibles sur la lutte contre l'exploitation sexuelle et mercantile dont certains mineurs font l'objet. Cette pénalisation du proxénétisme et même du recours à la prostitution des mineurs répond à un funeste phénomène qui a fortement affecté l'opinion publique ces dernières années. La France compterait officiellement près de 3000 enfants prostitués. En 1998, un rapport émanant du Conseil de l'Europe avançait même le chiffre de 8000. En France comme dans la plupart des pays européens, l'immigration clandestine joue un rôle de première importance dans l'apparition d'une nouvelle prostitution enfantine, les enfants d'Afrique du Nord et d'Europe de l'Est étant d'ailleurs les plus nombreux. Plus préoccupante encore est la situation de certains pays relativement à la prostitution enfantine. La prostitution enfantine et le tourisme sexuel sont deux phénomènes en pleine expansion « qui se sont développés à grande échelle dans plusieurs pays asiatiques, d'Amérique du Sud et d'Europe de l'Est »55(*). Les pouvoirs publics français ont alors décidé de réprimer ce type de pratiques plus sévèrement encore que par le passé et ce, à cause de leur accroissement et du caractère insupportable de cette prolifération. C'est la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale56(*) qui a été l'instrument de cette pénalisation du proxénétisme des mineurs et du tourisme sexuel. Cette loi va en effet introduire un article 225-7-1 qui incrimine spécifiquement le proxénétisme de mineurs de 15 ans qui constitue désormais un crime assorti de 15 ans de réclusion criminelle et d'une amende de 3 000 000 €. Ensuite, cette même loi a crée le délit de recours à la prostitution d'un mineur (article 225-12-1) puni de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. Cet article a d'ailleurs particulièrement vocation à réprimer la pratique du tourisme sexuel grâce aux dispositions dérogatoires qui y sont attachées concernant l'application de la loi française dans l'espace (article 225-12-3). Cet article 225-12-1 sera ensuite complété par l'article 50 de la loi du 18 mars 2003 qui y ajoute un alinéa 2 relatif au recours à la prostitution des personnes particulièrement vulnérables.

Le troisième secteur pénalisé dans l'optique d'une protection accrue des victimes vulnérables, est l'exploitation de la mendicité d'autrui. Jusqu'à présent, l'article 227-20 CP punissait la « provocation de mineurs à la mendicité » de 2 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende (alinéa 1) et de 3 ans et 75 000 € lorsque ce délit était commis à l'égard d'un mineur de 15 ans (alinéa 2). Ce dispositif tendait à lutter contre les pratiques consistant pour certains parents démunis et peu scrupuleux , à inciter leurs enfants à mendier pour procurer une source de revenu supplémentaire au foyer. Seulement, il existe d'autres formes de provocation à la mendicité qui s'avèrent beaucoup plus graves, tant par leur ampleur que par la diversité des personnes qui peuvent en être victimes. En effet, se développe de plus en plus à travers le monde, l'exploitation de la mendicité des plus faibles par de véritables réseaux criminels organisés. Ce sont souvent des enfants errants et étrangers (indiens ou asiatiques notamment) qui sont les victimes de cette exploitation. L'article 64 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure abroge l'article 227-20 relatif à la provocation de mineur à la mendicité et introduit les articles 225-12-5 à 225-12-7 réprimant l'exploitation de la mendicité d'autrui. Ce nouveau délit prend en compte l'existence de réseaux criminels (avec la circonstance de « bande organisée » prévue par l'article 225-12-7) et érige la minorité ou la particulière vulnérabilité de la victime en circonstance aggravante de l'incrimination. Ce nouveau dispositif réprime donc des hypothèses plus larges d'exploitation de la mendicité d'autrui car il étend la protection aux personnes particulièrement vulnérables et envisage la réalité criminelle des réseaux d'exploitation mafieux, ce qui constitue l'innovation la plus substantielle au regard du droit antérieur qui permettait déjà de protéger les personnes particulièrement vulnérables de ces pratiques avec l'incrimination d'abus frauduleux de l'état de faiblesse ou d'ignorance.

Enfin, la dernière innovation du législateur a été la criminalisation de la « traite de êtres humains » aux articles 225-4-1 à 225-4-8 CP et ce, par l'article 32 de la loi du 18 mars 2003. Il faut savoir que « la traite des êtres humains représente la troisième source de profit pour les organisations criminelles, immédiatement après le trafic de stupéfiants et le trafic d'armes »57(*). Le phénomène de la traite des êtres humains est un phénomène mondial qui génère un chiffre d'affaires d'environ 30 milliards de dollars par an58(*). Les victimes de ce trafic, vendues en dehors de leur pays d'origine par des trafiquants internationaux, sont devenues de nouvelles sources de revenu pour les mafias mondiales. D'après Pino ARLACCHI, vice secrétaire général de l'ONU,  « il y a dans le monde 200 millions d'esclaves, dont un nombre d'enfants compris entre 700 000 et 2 millions ». C'est l'ampleur de ce phénomène qui a conduit la communauté internationale à affirmer sa volonté de réprimer spécifiquement cette forme de criminalité organisée en pleine expansion. Dans le cadre des Nations Unies, un protocole additionnel à la Convention contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir et à réprimer la traite des êtres humains, a été négocié puis adopté par l'Assemblée générale des Nation Unies en novembre 2000 et signé par la France à Palerme le 12 décembre 2000. Ainsi, en France, en janvier 2002, l'Assemblée Nationale a adopté à l'unanimité une proposition de loi créant une infraction de traite des êtres humains et renforçant le dispositif permettant de lutter contre les infractions qui peuvent être commises dans le cadre de la traite. Cette proposition de loi n'a pu être discutée par le Sénat avant la fin de la législature. Examinant le projet pour la sécurité intérieure, le Sénat, à l'initiative de son rapporteur Patrick COURTOIS, a décidé d'insérer dans le projet de loi l'incrimination de la traite des êtres humains, afin de faciliter la lutte contre les réseaux qui exploitent toutes les formes de misère et de vulnérabilité. Le système répressif attaché à cette infraction tient lui aussi compte de la minorité de la victime ou de sa particulière vulnérabilité et parachève ainsi l'oeuvre pénalisatrice emprunte de protection des plus faibles engagée avec une particulière fermeté depuis la loi du 4 mars 2002. Néanmoins, concernant la criminalisation de la traite des êtres humains, la France ne figure pas au rang des pays précurseurs au sein de l'Union Européenne. En effet, le 25 avril 1995, le Parlement belge adoptait une loi destinée à réprimer la traite des êtres humains et la pornographie enfantine. Le droit italien protège les victimes de la traite des êtres humains depuis un décret-loi du 25 juillet 1998 et a même érigé cette infraction en crime depuis une réforme intervenue en 2001. La Suisse quant à elle,(qui n'est pourtant ni membre de l'Union Européenne, ni membre de l'espace Schengen) réprimait déjà avant la France la traite des êtres humains dans son Code pénal59(*).

§ 2 - La pénalisation des atteintes à la respectabilité d'autrui.

Les salariés, tout comme les personnes susceptibles de faire l'objet d'un traitement discriminatoire dans leur vie quotidienne, ont bénéficié d'un mouvement de pénalisation de ces atteintes à la respectabilité par la criminalisation de différents types de harcèlements (A) et la criminalisation des discriminations sous toutes leurs formes (B).

A - La criminalisation des harcèlements.

Les incriminations de harcèlement de moral et sexuel, sont des infractions protectrices des intérêts des travailleurs, qui ont connu un essor considérable ces dernières années. Le harcèlement sexuel (art.222-33 CP), tout d'abord, a fait l'objet d'une incrimination autonome par une des quatre lois du 22 juillet 199260(*), et a successivement vu son champ d'application s'élargir par la suite, à la faveur de deux lois intervenues en 1997 et 2002. Le harcèlement moral (art.222-33-2 CP) a enfin fait l'objet d'une criminalisation par la loi du 17 janvier 2002 dite de modernisation sociale.

· La criminalisation du harcèlement sexuel :

Le délit de harcèlement sexuel est né à l'occasion de la réforme du Code pénal de 1994. A l'origine ignoré des projets législatifs relatifs au nouveau Code pénal, ce délit est apparu grâce à une série d'amendements intervenus dans un contexte où le harcèlement sexuel tenait une place importante dans l'actualité du moment. Il est vrai qu'à cette époque, cette question était d'actualité eu égard aux nombreux procès devant les conseils des prud'hommes au cours desquels il était question de harcèlement sexuel. A cette époque, la condition des salariés a également été dénoncée par des enquêtes sociologiques qui ont révélé le caractère fréquent, voire banalisé des pratiques de harcèlement sexuel dans le monde du travail61(*). C'est donc dans ce contexte de véritable prise de conscience de l'ampleur de ce phénomène social que les parlementaires décidèrent de criminaliser spécialement les comportements constitutifs de harcèlement sexuel. La facilité d'adoption du texte pénal incita le gouvernement à compléter immédiatement cette première réforme par un « volet social ». C'est ainsi que la loi du 2 novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle est venue modifier le Chapitre relatif à l'égalité professionnelle du Code du travail (art. L.122-46 à L.122-48), ainsi que les dispositions relatives aux discriminations sexistes dans l'emploi du même code (art. L.123-1).

En outre, il convient de préciser l'apport de cette criminalisation du harcèlement sexuel au regard du droit antérieur. Cette criminalisation ne constitue pas une révolution dans la lutte contre ce type de harcèlement : la plupart des agissements qu'elle désigne étaient déjà sanctionnables et effectivement punis auparavant. Le fait d'user de contraintes morales pour exercer des actes impudiques était en effet inclus dans la définition de l'ancien délit d'attentat à la pudeur. Le délit de harcèlement sexuel ne constitue en réalité qu'un démantèlement du délit de l'attentat à la pudeur. Cependant, l'incrimination d'attentat à la pudeur était généralement considérée comme trop sévère pour ces comportements, ce qui entraînait une déqualification des faits en violences ou voies de fait (contravention de 5e classe). Au final, cette incrimination spécifique qui stigmatise ces agissements, comporte tout de même un intérêt majeur : ajuster l'intensité de la réaction sociale à ce type de comportements en punissant moins sévèrement62(*) que sur le fondement de l'attentat à la pudeur mais plus durement que sur la base de la contravention de violences volontaires entraînant une ITT inférieure à huit jours.

L'évolution de l'incrimination va quant à elle révéler une mauvaise manie du législateur : la « pénalisation aveugle » par l'élargissement toujours plus conséquent du champ d'application de l'incrimination. Cette dilatation inquiétante de l'incrimination va avoir lieu en deux temps. Le premier temps d'élargissement du champ d'application de l'incrimination eut lieu à l'occasion de l'entrée en vigueur d'une loi du 17 juin 1998 qui ajouta « l'exercice de pressions graves » aux manifestations des abus d'autorité susceptibles de tomber sous le coup de la répression63(*). Le second temps de l'élargissement est le fait de la loi n° 2002-73 du 11 janvier 2002 dite de modernisation sociale, qui ampute purement et simplement le texte de la condition d'abus d'autorité et des modalités répréhensibles de ce dernier.

On en arrive à une extension considérable de l'incrimination qui pose de nombreux problèmes64(*). Tout d'abord, la suppression des procédés du harcèlement pose problème au regard du principe de la légalité criminelle, les comportements répréhensibles n'étant plus visés par la loi. Ensuite, l'abus d'autorité n'étant plus exigé, toute tentative amoureuse jugée trop pressante ou ressentie comme telle serait passible des tribunaux65(*). Enfin, il n'est pas certain que ce délit ne puisse pas être commis par un acte isolé étant donné que l'incrimination de harcèlement sexuel, contrairement à celle du harcèlement moral, ne mentionne pas la nécessité d'« agissements répétés ».

Au final, la raison dont a fait preuve le législateur de 1992, pour ne pas tomber dans les écueils protectionnistes dénoncés outre atlantique66(*), n'a pas résisté au désir de pénalisation qui se concrétisa en 2002. La criminalisation du harcèlement a en effet été suivie d'une pénalisation excessive, aveugle, qui s'est caractérisée par la mise en place d'un système dont la cécité a vocation à aboutir à des solutions si déraisonnables, qu'elles finiront par être ridicules si les juges refusent de faire preuve de plus de mesure que le législateur.

· La criminalisation du harcèlement moral :

Avant la loi de modernisation sociale, seul le harcèlement sexuel donnait lieu à une incrimination spécifique. Or, à l'image de la criminalisation du harcèlement sexuel en 1992, celle qui concerne le harcèlement moral procède de la même démarche, à savoir l'incitation des instances communautaires par le biais de la Charte sociale européenne67(*). La France, via la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 dite de modernisation sociale, a choisi la voie pénale pour assurer la protection des travailleurs sur son territoire à laquelle elle s'était engagée au titre de son adhésion à la Charte sociale européenne.

Le Code pénal contient désormais une incrimination autonome relative au harcèlement moral (art. 222-33-2 CP) qui est reprise dans le Code du travail en tant qu'élément constitutif d'une autre infraction dont le but est de réprimer le comportement discriminatoire consécutif à de tels agissements (art. L.122-4968(*), al 2 et L.152-1-1). La définition des incriminations, que ce soit dans le Code pénal ou dans le Code du travail, est relativement homogène d'une part, et très souple d'autre part. Cette souplesse des éléments de l'infraction a vraisemblablement été conçue par le législateur, comme le meilleur moyen de laisser au juge, la faculté de réprimer les différentes formes de harcèlement moral qui leur seront soumis, au nom du caractère protéiforme de ce phénomène social. Par ailleurs, dans les deux textes, le harcèlement moral n'est pas considéré comme un abus d'autorité. Il est donc possible, en vertu de ce délit, de réprimer aussi bien le harcèlement moral « vertical » qui implique une relation hiérarchique, que le harcèlement moral « horizontal » qui se caractérise par l'absence de tout rapport d'autorité, comme c'est le cas par exemple lorsque le harcèlement intervient entre salariés ou encore entre un salarié et un client. Les seules différences sont au nombre de deux; tout d'abord, le Code pénal n'exige pas le statut de salarié contrairement au Code du travail. Toutefois les agissements répétés constitutifs de ce type de harcèlement restent circonscrits à la sphère professionnelle, le législateur n'ayant pas cru bon d'incriminer les formes de harcèlement tout aussi préjudiciables qui peuvent surgir dans la sphère privée, conjugale ou familiale, ou bien encore le voisinage. Ensuite, les sanctions attachées aux deux incriminations ne sont pas tout à fait les mêmes : l'article 222-33-2 du Code pénal prévoit 1 an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende tandis que l'article L.152-1-1 du Code du travail est assorti d'une peine privative de liberté identique mais d'une amende de 3750 €.

En outre, les comportements de harcèlement moral n'ont pas attendu la loi de modernisation sociale pour se voir réprimer : on avait déjà la possibilité de qualifier les faits pénalement par le biais notamment du harcèlement sexuel, des discriminations entravant l'exercice d'une activité, de la provocation au suicide et surtout des conditions de travail contraires à la dignité humaine69(*).

Pour conclure, la criminalisation du harcèlement moral semble opportune si l'on considère que ces agissements méritent de pouvoir être appréhendés de façon spécifique et ce, au service d'une meilleure effectivité de la loi pénale. Cependant, l'incrimination en question manque de précision, ce qui est un facteur de dérive potentielle à ne pas négliger : l'application de la loi est donc ici encore largement conditionnée par l'appréciation du juge pénal qui se voit de plus en plus déléguer la fonction de rationalisation des textes imprécis qu'il est appelé à appliquer.

B - La criminalisation des discriminations : la volonté d'assurer l'égalité dans un contexte d'éclatement de la société.

La lutte contre les discriminations est un phénomène qui ne cesse de s'intensifier en France depuis maintenant 1972, date à laquelle la première forme de discrimination a été criminalisée. Cette pénalisation répond vraisemblablement à la montée des minorités au sein de la société française et à la nécessité de leur assurer au quotidien, un traitement équivalent à celui du plus grand nombre. Cette pénalisation répond d'ailleurs à une seule exigence : le respect de l'autre dans son être et dans sa différence. Cette lutte contre le mépris de la différence est organisée autour de trois secteurs de répression qui ont tous connu une pénalisation toujours plus accrue au fil du temps : les discriminations proprement dites qui interviennent dans le secteur économique, les propos racistes (publics ou non) et les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.

· La lutte contre les discriminations proprement dites :

En France, la lutte contre les discriminations a été marquée par une forte propension du législateur à la pénalisation qui s'est d'ailleurs opérée dans deux directions différentes : il s'est tout d'abord évertué à étendre considérablement le champ d'application des discriminations répréhensibles, à la fois quant aux motifs discriminatoires et quant au domaine de ces discriminations ; puis, il a procédé parallèlement à des aggravations successives des peines encourues pour de telles atteintes à l'égalité.

La lutte contre les discriminations a tout d'abord débuté avec la criminalisation des discriminations « racistes » ; c'est donc la lutte contre le racisme qui a initié la lutte contre les discriminations qui n'a cessé de prendre de l'ampleur par la suite. La « loi PLEVEN » du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme a introduit dans l'ancien Code pénal, l'article 416 qui sanctionne alors certains comportements discriminatoires dans le domaine de l'emploi et de la fourniture d'un bien ou d'un service70(*). Ensuite, la loi n° 75-625 du 11 juillet 1975 étend la répression aux discriminations fondées sur le sexe ou la situation de famille. La loi du 7 juin 1977 a ensuite amendé la loi de 1972. Dans le contexte de certains appels au boycott de produits en réponse au conflit israélo-arabe, cette loi a complété la liste des comportements réprimés en ajoutant la notion « d'entrave à une activité économique quelconque » pour les motifs raciaux ou religieux énoncés par la loi de 1972. La loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 étend quant à elle la protection assurée par les textes de l'ancien Code pénal, aux victimes des discriminations fondées sur les moeurs71(*). Ensuite, une loi du 13 juillet 1989 élargit la répression aux discriminations fondées sur le handicap, puis une loi du 12 juillet 1990 fit de même concernant les atteintes à l'égalité fondées sur l'état de santé de la victime72(*). La réforme du Code pénal a également été l'occasion de pénaliser les discriminations fondées sur l'activité syndicale et les opinions politiques. Par ailleurs, la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 a étendu le champ des discriminations répréhensibles à celles qui sont fondées sur l'apparence physique, le patronyme, l'orientation sexuelle et l'âge. Cette loi a également procédé à la pénalisation des autres formes de discrimination via l'élargissement des cas de discrimination sanctionnables73(*). Enfin, la loi n° 2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades a ajouté les discriminations fondées sur les caractéristiques génétiques à la liste des discriminations condamnables.

La seconde direction que prit la pénalisation des discriminations, est celle d'un durcissement des sanctions encourues, parallèlement à l'extension du champ d'application de la répression en la matière. Ainsi, les peines encourues au titre de l'article 416 ACP sont passées d'1 an d'emprisonnement et 20 000 F d'amende, à 2 ans d'emprisonnement et 200 000 F d'amende à l'occasion de la réforme du Code pénal (art.225-2 CP). Le Code pénal de 1994 a également repris les incriminations prévues en cas de discriminations commises par un dépositaire de l'autorité publique ou en charge d'une mission de service public (art.432-7 CP), punies de 3 ans d'emprisonnement et 300 000 F d'amende. Le second temps de l'aggravation des peines est le fait de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la Justice aux évolutions de la criminalité. Par le biais de cette loi, les peines passent de 2 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende, à 3 ans et 45 000 € d'amende pour les discriminations dites « simples ». Cette loi introduit les discriminations « aggravées »74(*) qui élèvent la sanction à hauteur de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende. Enfin, dans le but de sauvegarder la cohérence dans l'échelle des peines en la matière et pour ne pas réserver au fonctionnaire un sort équivalent à celui du « simple particulier », la loi de 2004 a également rehaussé les sanctions prévues à l'égard des premiers75(*).

Au terme de cette vue rapide du mouvement de surpénalisation des discriminations, s'impose un constat qui est celui de l'échec du système répressif dans ce domaine : le droit pénal s'avère en effet impuissant face au phénomène des discriminations, les résultats de la répression étant pour le moins mitigés. Par, exemple, selon les informations du casier judiciaires publiées chaque année dans le rapport de la Commission Nationale des Droits de l'Homme (C.N.C.D.H), on est passé de 16 condamnations prononcées pour discrimination raciale en 2001, à 29 condamnations en 2002, ce qui est loin du nombre supposé de faits commis76(*).

· La répression des propos racistes :

Des qualifications juridiques réprimant les propos racistes existaient déjà dans la France du XIX éme siècle, mais auraient été omises dans la loi du 29 juillet 1881. Le décret-loi du 21 avril 1939, dit « loi MARCHANDEAU », pris à la suite de manifestations racistes et antisémites, intégra dans la loi du 29 juillet 1881, les notions de diffamation et d'injure raciales ou religieuses, mais en prévoyant que ces faits n'étaient répréhensibles qu'à la condition qu'ils aient pour but d'exciter à la haine entre les citoyens. C'est surtout la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972, dite « loi PLEVEN », qui a franchi un pas important en prévoyant de réprimer les faits de diffamations et injures raciales et d'incitation à la haine raciale. Cette loi a tout d'abord supprimé la condition relative au but d'excitation à la haine et a également étendu la répression aux diffamations et injures publiques fondées sur l'ethnie ou la nationalité ; cette loi a en outre pris en considération les propos qui visent un individu et pas seulement un groupe d'individus. Enfin, cette loi a également crée une nouvelle infraction de provocation publique à la discrimination , à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes, en raison de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une « race » ou une religion déterminée. Pour finir, la loi n° 90-615 du13 juillet 1990, dite « loi GAYSSOT », a criminalisé les propos négationnistes avec l'insertion d'un article 24 bis à la loi sur la presse qui vise à réprimer toute contestation du génocide juif77(*).

Malgré un arsenal juridique sévère et une structure qui ne cesse d'ailleurs de se renforcer78(*), les condamnations pénales restent quantitativement peu nombreuses et les poursuites engagées aléatoires quant au résultat, de sorte que cette pénalisation perd de son pouvoir dissuasif du fait du caractère on ne peut plus incertain de la sanction. En effet, en 2001, il y eut 137 condamnations pour propos racistes et en 2002, 133 condamnations (chiffre provisoire) n'ont donné lieu qu'à 9 peines de prison ferme : l'ineffectivité de la loi s'avère criante !

· La pénalisation des infractions motivées par un mobile discriminatoire :

A coté des discriminations qui peuvent intervenir dans la vie économique et des propos discriminatoires, le législateur a également mis en place un système répressif pour lutter contre les violences spécialement motivées par des considérations de nature discriminatoire. En effet, jusqu'à 2003, aucune disposition de notre législation pénale ne permettait d'appréhender les atteintes à l'intégrité physique d'une personne ou les atteintes à ses biens résultant d'un dol spécial, la motivation discriminatoire. La loi n° 2003-88 du 3 février 2003, dite « loi LELLOUCHE », visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, conduit à prendre en compte le mobile de l'infraction dans la qualification pénale retenue, comme élément constitutif de l'infraction par exception au principe qui régit le droit pénal français. Cette loi conduit à retenir la circonstance aggravante pour des infractions d'atteinte aux personnes (meurtres, tortures, violences) et pour des infractions d'atteinte aux biens (dégradations). Ensuite, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, dite « loi PERBEN II », a ensuite élargi aux menaces, vols, extorsion la liste des infractions pour lesquelles la circonstance aggravante à caractère raciste ou antisémite peut être retenue. Enfin, afin de lutter contre les violences perpétrées à raison d'un mobile discriminatoire, le législateur a retenu, dans le même esprit que la circonstance aggravante « raciste », celle qui vise à appréhender le « mobile homophobe » pour les infractions de nature sexuelle. C'est la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui a retenu cette nouvelle circonstance aggravante pour les infractions de moeurs (viols et autre agressions sexuelles).

Ces circonstances aggravantes s'avèrent elles aussi très peu appliquées en pratique79(*) et la loi du 3 février 2003 n'a pas eu pour effet de ralentir la progression en France des actes racistes ou antisémites.

La lutte contre les discriminations en France procède incontestablement d'une volonté politique sans faille. Cette volonté, et c'est un phénomène on ne peut plus contemporain, s'exprime ici encore par le recours au droit pénal pour pallier l'éclatement de la société conjugué au développement d'un phénomène d'effritement des valeurs morales et sociales communes. Ce recours au droit répressif ne remplit pas sa fonction de prévention générale et pire encore, traduit l'impuissance des pouvoirs publics devant l'ampleur de ces atteintes inacceptables à la dignité d'autrui.

Section II - Le processus de dépénalisation au profit d'auteurs déterminés.

Les auteurs de certaines infractions ont eux aussi bénéficié d'un allègement, voire d'une suppression de la pression du droit répressif depuis les années 70. D'une part, les titulaires d'un pouvoir décisionnel, et plus particulièrement les décideurs publics, ont vu leur responsabilité pénale fléchir à l'occasion de la dépénalisation partielle des infractions non intentionnelles (§1). D'autre part, le mouvement de dépénalisation observé depuis les années 70 en matière de moeurs, a profité à la fois aux femmes et aux homosexuels qui ont connu la suppression totale de leur responsabilité pénale concernant certains types de comportements jadis sévèrement réprimés (§2).

§ 1 - La récente dépénalisation des infractions non intentionnelles opérée en faveur des titulaires d'un pouvoir décisionnel.

Les fonctions de décideur public ont fait l'objet d'un double mouvement de flux et de reflux du droit pénal : jouissant jadis d'une certaine impunité, le droit pénal a ensuite instauré une responsabilité très stricte à leur égard, pour enfin s'orienter vers un certain fléchissement depuis la dépénalisation partielle des fautes non intentionnelles (A). Les chefs d'entreprise, eux n'ont pas réellement bénéficié de ce mouvement de dépénalisation bien que leurs fonctions entrent dans le champ d'application de la nouvelle législation en matière d'infractions non intentionnelles (B).

A - Le double processus de flux et de reflux du droit pénal relatif aux fonctions de décideur public.

La responsabilité pénale des décideurs publics, dans son principe, est le fruit d'un long cheminement marqué par une évolution progressive, ponctuée par le passage d'une immunité totale de ces derniers, à une pénalisation jugée excessive de leurs fonctions, pour finalement aboutir à une dépénalisation partielle par le biais de la loi du 10 juillet 2000 relative à la définition des délits non intentionnels.

· Historique de la pénalisation des fonctions de décideurs publics :

Dans la mesure où l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 séparait les fonctions judiciaire et administrative, les juges ne pouvaient pas poursuivre les agents publics sans être accusés de forfaiture. Par la suite, l'article 75 de la Constitution de l'an VII avait supprimé cette immunité mais conditionnait la poursuite d'un fonctionnaire ou d'un élu local à l'autorisation du Conseil d'Etat. Si le décret du 19 septembre supprime cette garantie, les juges répressifs sanctionnent alors uniquement les fautes personnelles. A partir de l'arrêt THEPAZ du 14 janvier 1935 du Tribunal des conflits, une faute de service a pu, en revanche, être sanctionnée pénalement. C'est le décret du 19 septembre 1935 qui a fait bénéficier les élus locaux d'un privilège de juridiction ; ils ne pouvaient être poursuivis dans leur circonscription de fonction pour l'usage de leur pouvoirs de police. Par la suite, l'intervention des collectivités locales dans les domaines économiques et sociaux se renforçant, la loi du 18 juillet 1974 élargit le privilège de juridiction à toutes les prérogatives des maires.

Depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, les élus locaux ne disposent d'aucun privilège de juridiction, pas plus que d'une quelconque immunité. Depuis la loi du 4 janvier 1993, toutes les fautes des décideurs publics, détachables ou non de la fonction, sont en effet assujetties à la réglementation de droit commun.

Le phénomène de pénalisation de la vie publique s'inscrit dans un mouvement général de pénalisation de la société française. La multiplication des risques et des accidents liés à la révolution industrielle est à l'origine de ce sentiment que tout événement doit avoir une cause. Il en résulte que l'opinion publique n'accepte plus la fatalité et que depuis les années 1980, on est passé d'une « démocratie de confrontation à une démocratie d'imputation »80(*). A ce titre, le développement de la pénalisation des élus locaux s'explique par la volonté de trouver un bouc émissaire. Ce phénomène se traduit par une inflation pénale (entre 1984 et septembre 1999, 278 lois et 665 décrets ont prévu de nouvelles sanctions pénales) qui devient particulièrement préoccupante en matière d'infractions non intentionnelles. De plus, la décentralisation (loi du 2 mars 1982) et la multiplication des textes répressifs ont étendu le champ du contrôle du juge. La forte médiatisation des affaires a aussi contribué au développement d'un sentiment de malaise chez les décideurs publics ; en effet, si les élus locaux sont, de plus en plus poursuivis, ils sont rarement condamnés pour des fautes non intentionnelles, mais néanmoins, bien que le nombre de condamnations soit limité, le caractère infamant des poursuites pénales81(*) constitue un frein à l'action publique locale.

La pénalisation des élus locaux, voire nationaux, est perverse car elle a vocation à pallier les lacunes de la responsabilité politique alors qu'elle ne repose pas sur les mêmes fondements82(*). La responsabilité politique, contrairement à la responsabilité pénale, ne s'appuie pas sur la détermination formelle des fautes. La responsabilité politique est, de plus, seulement sanctionnée par la destitution alors que la responsabilité pénale conduit à une peine entendue au sens large. La responsabilité politique relève enfin d'une imputation fictive, qui touche le titulaire de la fonction la plus haute dans la hiérarchie administrative, alors que la responsabilité pénale se fonde sur la personne coupable d'un fait.

· La responsabilité pénale des décideurs publics pour des infractions intentionnelles :

S'agissant des infractions intentionnelles, le nouveau code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 comporte dans sa rubrique relative « atteintes à l'administration publique », trois grands types de délits imputables aux élus locaux.

Tout d'abord, les abus d'autorité dirigés contre l'administration : il s'agit de l'édiction de mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi et de l'exercice de l'autorité publique illégalement prolongée.

Il y a ensuite les abus d'autorité dirigés contre les particuliers qui englobent les atteintes à la liberté individuelle, les discriminations, les atteintes à l'inviolabilité du domicile, etc.

Il y a enfin les manquements au devoir de probité ; il peut s'agir de corruption, de trafic d'influence et de délit de favoritisme en matière de délégation de service public ou de marchés publics, ou encore de prise illégale d'intérêts, etc.

· Bref aperçu de la teneur du risque pénal en matière de délits non intentionnels :

La pénalisation des fautes non intentionnelles a quant à elle découlé d'un manque de connaissances techniques, de moyens financiers et de l'absence de prise de conscience du risque local. En tant qu'exécutifs locaux et contrairement au principe selon lequel la responsabilité est personnelle, les maires peuvent être poursuivis sur le fondement de l'article 121-3, alinéa 3 CP.

Cette situation concerne leurs pouvoirs de police administrative générale et spéciale. Le maire a également une obligation d'entretien des biens du domaine communal pour éviter tout risque d'accident.

De plus, en tant que chef du personnel de la collectivité, l'élu local peut être poursuivi s'il n'a pas assuré les conditions d'hygiène et de sécurité indispensables pour garantir l'état de santé des agents publics.

La pénalisation des élus locaux au cours de l'exercice de leurs fonctions électives a également été accentuée par l'interprétation pour le moins extensive de la faute non intentionnelle par le juge pénal.

Or, si la pénalisation des élus locaux est apparue, à l'origine, comme un remède aux insuffisances de la décentralisation, elle constitue cependant un frein à l'action publique locale et a engendré une réelle désaffection pour les fonctions électives locales83(*). La plupart des maires sortants qui se représentent sont souvent des personnalités qui se consacrent à la vie politique : ces derniers ont davantage d'expérience, de connaissances techniques et juridiques, ce qui leur permet de mieux évaluer et prévenir le risque pénal important qui découle des infractions non intentionnelles imputables aux élus locaux. Il en résulte que ce phénomène de pénalisation pourrait conduire à la professionnalisation des fonctions publiques, ce qui aurait pour conséquence de réduire l'accès aux fonctions électives. Cette solution serait de plus contraire au principe constitutionnel de l'égal accès aux fonctions publiques reconnu par l'article 6 DDHC84(*). Elle risque en outre, d'engendrer une apoplexie du fonctionnement des collectivités territoriales car les élus locaux sont enclins à gérer leur collectivité sans prendre d'initiative afin de limiter le risque pénal.

Soucieux de mettre un frein à la pénalisation jugée excessive de la vie publique, le législateur a souhaité alléger la responsabilité pénale des élus locaux et des décideurs publics en matière d'infraction non intentionnelles, afin de résoudre la crise des vocations pour les fonctions et mandats locaux et par conséquent garantir la décentralisation.

· La dépénalisation partielle des délits non intentionnels par la loi du 10 juillet 2000 :

Une première initiative a été prise en 1996, pour limiter la pénalisation des fonctions de décideurs publics, mais cette dernière, visant à modifier l'article 121-3, al.3, n'a pratiquement eu aucun impact sur la jurisprudence postérieure. En effet, la loi n°96-393 du 13 mai 199685(*) conditionnait la faute non intentionnelle au fait que la personne en cause n'ait pas rempli les diligences normales au regard des moyens dont elle dispose et de sa fonction, ce qui semblait impliquer une appréciation in concreto de la situation du prévenu. Or, la Cour de cassation a supprimé la portée normative de ce texte en considérant qu'elle appréciait déjà les situations in concreto alors qu'il était évident qu'antérieurement à la réforme de 1996, elle appréciait in abstracto la faute d'imprudence ou de négligence de l'auteur indirect d'un dommage.

Ce coup d'épée dans l'eau n'eut pas pour effet de décourager les députés, qui, trois ans plus tard, décidèrent de remettre à nouveau en cause la pénalisation des fonctions de décideurs publics.

La loi du 10 juillet 2000 trouve son origine dans la question orale suivie d'un débat posée en avril 1999 par le sénateur H.HAENEL (Haut-Rhin) sur les responsabilités des maires. Durant le débat, E.GUIGOU, Garde des Sceaux, a annoncé la création d'un groupe de travail sur la responsabilité des décideurs publics. Par la suite, le sénateur P.FAUCHON (Loir-et-Cher), qui était déjà à l'origine de la loi du 13 mai 1996, a déposé le 7 octobre 1999, une proposition de loi visant à définir les délits non intentionnels. Malgré les amendements des députés, les sénateurs ont voté leur texte dans les mêmes termes non sans l'avoir au préalable retiré de l'ordre du jour. Le Gouvernement a dû recourir au vote bloqué pour faire adopter les trois amendements qu'il avait déposés. La proposition de loi a été adoptée après une deuxième lecture par l'assemblée nationale le 29 juin 2000.

La loi n°2000-647 du 10 juillet 200086(*), dite « loi FAUCHON », est donc le résultat d'un compromis puisqu'elle donne, à la demande des députés, une définition précise du lien indirect entre la faute et le dommage. De plus, les sénateurs n'ont obtenu ni une dépénalisation des fautes praeter intentionnelles ni l'élargissement de la pénalisation des personne morales de droit public en raison de l'hostilité des députés.

En substance, bien que la nouvelle législation concerne tous les justiciables, elle a vocation à dépénaliser les fautes non intentionnelles des élus locaux.

La loi du 10 juillet 2000 intervient donc uniquement dans les cas où l'accusé est l'auteur indirect du dommage. Dans ce cas, la loi prévoit deux hypothèses.

Si la faute génératrice d'un dommage est régie par une loi ou un règlement, la faute correspond à la violation manifeste du texte. Même s'il y a un espoir que le dommage ne se réalise pas, la mise en danger d'autrui correspond à une circonstance aggravante des fautes d'imprudence et de négligence. Dans cette deuxième hypothèse, la faute qualifiée doit être caractérisée, c'est-à-dire grave et démontrée. Elle doit en outre exposer une personne physique à un risque d'une particulière gravité. Cette définition prend en compte le risque qu'on ne pouvait ignorer et non plus le risque qu'on devait connaître.

Il ressort de ces considérations que la nouvelle législation tend à la dépénalisation des fautes non intentionnelles puisque l'absence de « faute manifestement délibérée » ou de « faute caractérisée » conduit à la relaxe de l'élu local poursuivi, alors que le droit antérieur à 2000 retenait sa responsabilité pénale pour une « faute simple » d'imprudence ou de négligence. L'exigence d'une faute qualifiée, en cas de lien de causalité indirecte avec le dommage, présente donc l'avantage de tenir compte des degrés de gravité des fautes pour engager la responsabilité pénale87(*) et impose par conséquent une appréciation in concreto des circonstances de l'espèce.

La législation française est, dès lors, dans une position médiane par rapport aux législations européennes. A l'instar de ces homologues allemand, espagnol et portugais, le législateur français n'a pas prohibé la condamnation des décideurs publics pour négligence. Il tend néanmoins à limiter la pénalisation des élus locaux et des agents publics pour des fautes praeter intentionnelles sans aller jusqu'à reconnaître une immunité comme son homologue anglais. Avec la nouvelle loi, le système français se rapproche donc du régime danois, qui organise la relaxe des élus locaux en cas de négligence simple88(*).

Un autre apport de la loi du 10 juillet 2000 concerne la charge de la preuve : la nouvelle législation prévoit en effet un renversement de la charge de la preuve par rapport au droit antérieur puisqu'il appartient désormais au ministère public d'établir la faute indirecte caractérisée ou délibérée, alors qu'avant c'était à la personne incriminée d'établir qu'elle n'avait commis aucune faute. A défaut d'une telle preuve rapportée par le ministère public, le décideur public sera relaxé du chef des poursuites engagées à son encontre.

Enfin, il fut retenu la proposition du rapport d'étude sur la responsabilité pénale des décideurs publics demandé par le Gouvernement (Rapport J.MASSOT) quant à l'emploi du terme « règlement » au singulier pour interdire au juge répressif d'avoir une lecture extensive de ce vocable89(*). Selon la jurisprudence, en plus des décrets et arrêtés pris par l'autorité administrative, le juge s'appuyait sur des circulaires administratives ou des instructions ministérielles prévoyant une obligation de sécurité pour retenir la responsabilité pénale des décideurs publics. Cette formulation restrictive limite la pénalisation des délits non intentionnels des élus locaux.

Il faut également signaler que l'interprétation extensive de la faute non intentionnelle des élus locaux (assimilée à toute violation d'une obligation de sécurité et de prudence) par le juge répressif, obéissait à des considérations de nature indemnitaire. En effet, avant la loi du 10 juillet 2000, la collectivité susceptible de payer les dommages et intérêts ne pouvait être poursuivie si l'élu était relaxé à cause de la représentation : dans ce système, retenir la responsabilité de l'élu était le seul moyen d'indemniser la victime. Ce système était vraisemblablement vecteur de pénalisation de la vie publique.

La loi du 10 juillet 2000 est venue corriger cet aspect de la responsabilité pénale en cas de délit non intentionnel, et ce, en limitant son champ d'application aux seules personnes physiques. Ainsi, désormais, en cas de causalité indirecte, la responsabilité pénale des personnes morales et physiques sont indépendantes, puisque la responsabilité des premières sera retenue en cas de faute simple, tandis que les élus locaux (personnes physiques) jouissent d'une immunité pour une faute d'une importance comparable. En pratique, l'exonération de la personne physique conduira en revanche à la responsabilité de la personne morale pour garantir les droits des victimes.

B - Les incidences de la dépénalisation partielle des fautes non intentionnelles sur la responsabilité pénale des chefs d'entreprise.

Le législateur, bien que souhaitant alléger la responsabilité pénale des décideurs publics en matière d'infractions non intentionnelles, a exclu l'élaboration de dispositions spécifiques à ces derniers qui seraient apparues comme portant atteinte au principe d'égalité devant la loi. Ne voulant pas « créer une  caste de privilégiés »90(*), il a voulu une réforme qui fut d'application générale ; c'est ainsi que la seconde grande catégorie concernée par la nouvelle législation, outre les décideurs publics, est celle des chefs d'entreprise. Doivent en effet être considérés comme des auteurs indirects les chefs d'entreprise ou leurs délégataires poursuivis du chef d'homicide ou de blessures involontaires lorsqu'il leur est reproché de ne pas avoir assuré le respect de la réglementation applicable au sein de l'entreprise ou d'avoir manqué à leur obligation générale de sécurité.

S'est alors posée au législateur la question de savoir comment mettre en oeuvre une telle réforme tout en évitant qu'elle est en quelque sorte des effets « indésirables », qu'elle affaiblisse la répression là où on ne la souhaitait pas, essentiellement dans le domaine très sensible de la sécurité du travail.

Lors des travaux préparatoires, les parlementaires et le Gouvernement ont exprimé à maintes reprises le soucis que les dispositions nouvelles n'aboutissent pas à «une dépénalisation injustifiée de comportements dangereux, notamment, en matière de droit du travail ». Devant l'Assemblée Nationale, le Garde des Sceaux, E.GUIGOU, portant une appréciation sur la version finale de l'article 121-3 CP, a déclaré : «A l'analyse, il apparaît que l'application de ce texte en matière (...) d'accident du travail, n'aura nullement pour conséquence d'affaiblir la répression , ce qui aurait été contraire à l'objectif recherché par le législateur et le gouvernement »91(*). Bien entendu, la circulaire d'application du 11 octobre 2000 reprend cette analyse en l'argumentant. Telle est également l'orientation de la jurisprudence de la Cour de cassation92(*).

Il ressort de la jurisprudence que la possibilité qu'avait l'auteur indirect du dommage de connaître les risques auxquels il a exposé autrui, ne peut être apprécié de manière abstraite ou uniforme. Elle dépend de la précision, de la nature et de la force des obligations incombant à l'intéressé en matière de sécurité, mais également du champ d'intervention de celui-ci, de ses compétences techniques, des moyens mis à sa disposition pour s'acquitter de son devoir, etc. Cela explique que l'existence d'une faute caractérisée n'est pas appréciée de la même façon en la personne d'un maire, responsable de l'ensemble des affaires de la commune, d'un chef d'entreprise ou d'un professionnel auquel il est confié une tâche précisément définie.

En définitive, la loi du 10 juillet 2000 « invite le juge à une appréciation toujours plus nuancée de la responsabilité plutôt qu'à un bouleversement uniforme des solutions jurisprudentielles existantes »93(*).

§ 2 - La dépénalisation en matière de moeurs, vecteur d'intégration sociale de personnes déterminées : les femmes et les homosexuels.

Les dépénalisations qui sont intervenues en matière de moeurs ont véritablement été un vecteur d'intégration sociale pour des personnes déterminées. Les femmes, grâce à cette dépénalisation, ont bénéficié d'une véritable amélioration de leur condition en gagnant le droit d'interrompre leur grossesse à une époque où la contraception n'était pas encore entrée dans les habitudes de vie des français ; ensuite, la dépénalisation de l'adultère a permis de mettre fin à l'inégalité flagrante qui pénalisait lourdement les femmes en matière d'entorse aux règles de la vie maritale. Les homosexuels ont quant à eux vu leur orientation sexuelle admise par le droit, et même protégée par le celui-ci via la criminalisation des discriminations dont ils peuvent faire l'objet dans leur vie quotidienne. Ce mouvement de dépénalisation en matière de moeurs a largement participé à l'« émancipation » de la femme (A) et à l'intégration des homosexuels dans notre société (B).

A - La décriminalisation de l'IVG et de l'adultère.

· La décriminalisation de l'adultère :

La répression de l'adultère dans l'ancien Code pénal était imprégnée par une sévérité marquée envers la femme qui se voyait pénalisée par une lourde inégalité eu égard à l'indulgence du législateur dont pouvait bénéficier son mari94(*). Dans le but d'éradiquer cette injustice flagrante des textes alors en vigueur, une proposition a été faite de maintenir l'incrimination mais dans des conditions de stricte égalité entre les deux époux mais elle n'a pas été adoptée. Cette proposition n'a pas été retenue pour deux raisons :, la désuétude de la répression d'une part et le contexte international, d'autre part.

A partir du milieu du XX ème siècle, on assista à une décadence assez rapide de la répression pénale : de près de 5000 condamnations au début des années 50, le nombre chuta à quelques centaines quelques années plus tard, pour atteindre moins de 200 condamnations (196) en 1974. La désuétude de la répression se révéla avec plus de netteté encore, lorsqu'on s'aperçut que les rares fois où l'infraction était poursuivie, c'était à l'initiative de maris trompés qui cherchaient uniquement à établir l'infidélité de leur épouse (au moyen d'un constat de commissaire de police) afin d'obtenir une preuve facile de la cause de divorce.

De plus, la dépénalisation de l'adultère répondait à un voeu général et plus particulièrement à une recommandation émise dès 1954 par le IX ème Congrès International de droit pénal de La Haye.

C'est donc après des débats parlementaires marqués par une rapidité exceptionnelle, que la décriminalisation de l'adultère fut décidée. C'est ainsi que fut voté l'article 17 de la loi du 11 juillet 1975 qui abrogea les articles 336 à 339 ACP relatifs à l'adultère95(*).

Il est en revanche une infraction dont la dépénalisation a provoqué de vifs débats : l'avortement.

· La décriminalisation de l'IVG :

« L'histoire de délit, longtemps appelé avortement, est celle d'un adoucissement progressif de la répression, puis d'une dépénalisation de plus en plus caractérisée »96(*). Puni de la réclusion criminelle dans le Code pénal de 1810 (pour la mère et le tiers), l'avortement (art.317 ACP) va ensuite se voir correctionnaliser par une loi de 1923. 1 décret-loi du 29 juillet 1939 crée ensuite un fait justificatif faisant disparaître la répression lorsque la continuation de la grossesse mettrait en péril la vie de la mère : ce texte charnière dépénalise en quelque sorte, l' « avortement thérapeutique ». A partir de 1955-1960, le mouvement de libéralisation prend de l'ampleur, à la faveur de la montée en puissance du désir d'émancipation des femmes qui revendiquent la liberté d'interrompre leur grossesse, et également l'instauration d'une égalité entre toutes les femmes, qui à l'époque, se trouve rompue par les conditions dans lesquelles certaines d'entres elles avortent et ce, en raison de leur milieu social97(*).

Les années 70 furent ensuite le théâtre de débats vifs et passionnés relatifs à la dépénalisation de l'IVG. Pourtant, le Garde des Sceaux a adressé aux parquets en 1973, une circulaire qui les invitait à ne plus engager de poursuites sans avoir au préalable directement référé à la Chancellerie. Ainsi, cette politique de dépénalisation de fait a eu pour effet de faire chuter le nombre des condamnations pour avortements à 10 en 1974. C'est donc dans un domaine où la loi était ostensiblement inappliquée, que le débat a suscité de nombreuses réactions lors du débat sur la dépénalisation. Malgré une opinion publique pour le moins mitigée et de farouches oppositions politiques à la dépénalisation98(*), cette dernière est intervenue en deux temps par le biais de lois de 1975 et 1979. Tout d'abord, la loi du 11 juillet 1975 a suspendu pour cinq ans l'application des textes répressifs, lorsque l'IVG était pratiquée dans certaines conditions qui tenaient, soit au but thérapeutique de l'intervention, soit à son caractère précoce. La loi du 31 décembre 1979 écarte ensuite définitivement la répression dans ces conditions.

La décriminalisation de l'IVG se distingue donc par le fait qu'elle s'est échelonnée dans le temps en plusieurs étapes successives. En effet, la dépénalisation telle qu'elle résulte des lois de 1975 et 1979, ne s'avère être que partielle, puisque l'article 317 ACP n'est en aucun cas abrogé, son application est seulement écartée dans des conditions précisément définies : en cas d'avortement thérapeutique, ou en cas d'IVG précoce ayant lieu dans les dix premières semaines. Ce n'est que l'évolution postérieure qui va consacrer une véritable dépénalisation totale (décriminalisation) de l'IVG : l'IVG ne sera alors plus vue comme un mal exceptionnellement toléré, mais comme une pratique licite à part entière.

A l'issue de la réforme du Code pénal de 1994, l'article 223-12 alinéa 1 incriminait le fait pour la femme enceinte d'interrompre sa grossesse en l'assortissant d'une peine de principe. Mais, avant même que le nouveau Code pénal entre en application, une loi du 27 janvier 1993 vint abroger ce les deux 1er alinéas de l'article 223-12 et décriminalisa ainsi la pratique de l' « auto avortement »99(*). Cette loi de janvier apportera même une protection particulière à la liberté d'avorter en créant le délit d'entrave à l'IVG pour répondre à l'action de « commandos » venus dans des hôpitaux empêcher des IVG.. Plus tard, une loi du 4 juillet 2001 vient durcir les peines encourues au titre du délit d'entrave à l'IVG100(*) et allonger le délai légal de l'IVG autorisée, de dix semaines à douze semaines.

La femme enceinte n'est désormais plus la cible de la répression pénale, qu'elle pratique l'avortement sur elle-même ou qu'elle le fasse pratiquer par un tiers au delà du délai autorisé par la loi. La loi a en effet opéré un recentrage de la répression sur le personnel médical qui pratique l'IVG sur la femme enceinte en violation des dispositions légales. L'article 223-10 CP réprime l'IVG sans le consentement de l'intéressée et l'assortit d'une peine de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende. De plus, la loi du 4 juillet 2001 a abrogé l'article 223-11 CP qui réprimait certains cas d'IVG avec le consentement de l'intéressée, pour les transférer dans le CSP. La répression concerne ici trois cas : l'IVG pratiquée après la douzième semaine, l'IVG pratiquée par une personne qui n'est pas médecin et enfin l'IVG pratiquée dans un lieu autre qu'un établissement hospitalier.

L'IVG est donc véritablement décriminalisée aujourd'hui et la femme enceinte, jadis considérée comme une déviante lorsqu'elle avait recours à ce type de pratiques, est aujourd'hui vue comme une personne qui a la liberté totale de disposer de sa grossesse et qui voit même cette liberté spécialement protégée par le droit pénal. La répression se concentre désormais sur les seules personnes capables de faire respecter les prescriptions légales relatives à l'IVG : le personnel médical, voire le tiers non qualifié qui propose ces services et pratique l'IVG dans des conditions qui ne peuvent que nuire à la sécurité de la femme enceinte.

B - La décriminalisation de l'homosexualité :

L'article 331, alinéa 2 du Code pénal de 1810 réprimait des attentas à la pudeur se traduisant par des actes impudiques ou contre nature commis avec un mineur de 15 ans du même sexe.

Ce délit, tout comme l'adultère et l'IVG, s'est distingué par un relâchement progressif de la répression : en 1974, on ne recensait que 147 condamnations pour des faits d'homosexualité tels qu'ils étaient réprimés par la loi. La dépénalisation de l'homosexualité a tout d'abord été envisagée lors de l'examen de la loi du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs. Les partisans de la décriminalisation ont en effet saisi le Conseil constitutionnel car ils estimaient que le texte contrevenait au principe d'égalité ; selon eux, la loi aboutissait à créer deux majorité sexuelles : la première fixée à 15 ans pour les personnes hétérosexuelles, et la seconde fixée à 18 ans pour les personnes hétérosexuelles qui faisaient ainsi l'objet d'une discrimination. Le Conseil constitutionnel , dans une décision du 19 décembre 1980101(*), a quant à lui affirmé que le texte n'était pas contraire au principe d'égalité car toutes les personnes appartenant à la même catégorie faisaient l'objet du même traitement : pour le Conseil, il s'agissait en réalité d'une différenciation des actes et non d'une discrimination directe entre les individus. Suite à cette décision du Conseil constitutionnel, le législateur a finalement décidé de maintenir dans la loi de 1980, l'incrimination des actes impudiques commis avec un mineur du même sexe.

Finalement, la loi n° 82-683 du 4 août 1982 abrogea l'alinéa 2 de l'article 331 ACP, de sorte que l'homosexualité entre ou avec partenaires âgés de 15 à 18 ans et consentants, ne tombe plus désormais sous le coup de la répression.

La dépénalisation de l'homosexualité apparaît comme une véritable évolution des moeurs et la politique criminelle adoptée envers cette catégorie de personnes s'est avérée constituer une étape importante de l'intégration des homosexuels dans notre société. Longtemps stigmatisés, cette orientation sexuelle a été tout d'abord tolérée grâce à la décriminalisation, puis ensuite reconnue par le droit avec la criminalisation des discriminations fondées sur les moeurs par une loi du 25 juillet 1985.

Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation ne s'est pas révélé uniquement intuitu personae : au delà de la qualité de l'auteur ou de la victime, ce mouvement a pris en considération les diverses évolutions qui sont intervenues dans notre société, dans une finalité d'adaptation du droit (Partie II).

Partie II - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation dans une finalité d'adaptation du droit.

Au cours de la période étudiée, l'intervention du double mouvement de pénalisation, dépénalisation s'est montrée sectorisée : le législateur a choisi de recourir au droit répressif dans le but d'étayer de véritables politiques publiques (Section I) ou encore afin de s'adapter aux différents types d'évolutions que connaissent nos sociétés contemporaines (Section II).

Section I - La pénalisation au service de politiques publiques.

Le droit pénal est souvent le moyen privilégié par le législateur pour étayer des politiques publiques qui visent à avoir un impact particulier sur les conduites individuelles et sur l`évolution des mentalités. Cette volonté d'infléchir certains comportements par le biais de la pénalisation , a été concrétisée en matière de santé publique (§1) et de lutte contre l' « insécurité routière » (§2).

§ 1 - Le recours au droit pénal pour des impératifs de santé publique.

Dans le cadre de la mise en place de politiques de santé publique , le législateur a fait le choix de pénaliser la consommation de produits dangereux pour la santé tels que les stupéfiants, l'alcool, ou encore le tabac (A). Cependant, après une période de pénalisation des pratiques euthanasiques, on assiste actuellement à une phase de reflux du droit pénal, à la faveur d'une adaptation du droit à l'évolution des états forts de la conscience collective qui s'est opérée en la matière (B).

A - La réponse pénale favorisée en matière de consommation de produits dangereux pour la santé.

· La pénalisation de l'usage de stupéfiants.

· Historique de la criminalisation de l'usage de stupéfiants en France :

La pénalisation de l'usage de stupéfiants en France telle qu'on la connaît actuellement, procède de la loi du 31 décembre 1970. Néanmoins, le terme d' « usage de stupéfiants » apparaît dans la loi de 1916102(*) modifiant la loi du 19 juillet 1845 sur les substances vénéneuses. Elle vise l'usage en société de différents produits (opium, morphine, cocaïne, haschich). La loi de 1916 prohibe à la fois l'achat, la vente, l'emploi, l'usage en société, le fait de faciliter cet usage mais aussi de se faire délivrer les substances au moyen d'ordonnance fictive. Cette loi, qui réprime la tentative de tous ces comportements, a prévu un système de sanctions pour le moins injustes, puisque aucune distinction n'est établie à l'époque entre l'usager et le trafiquant, punis des mêmes peines : 3 mois à 2 ans de prison et 1000 à 10 000F d'amende. En outre, la confiscation des substances saisies, la confiscation des biens du contrevenant et la fermeture des établissements sont également prévues.

Cette criminalisation de l'usage de stupéfiants en société précède d'ailleurs la prohibition de l'absinthe intervenue en 1917 pour des motifs de santé publique.

C'est ensuite la loi du 29 juillet 1939103(*) qui vient abroger le droit antérieur pour retenir des solutions encore plus répressives : 3 mois à 5 ans d'emprisonnement (contre 3 mois à 2 ans précédemment) sont encourus au titre des comportements visés par la loi de 1916.

Par la suite, seront créés le Code de la Pharmacie en 1951 puis le Code de la santé publique (CSP) en 1953. Dans le Code de la Pharmacie, les modifications précédentes de la loi du19 juillet 1845 sont regroupées dans le titre III, « Restrictions au commerce de certaines substances ou de certains objets », chapitre Ier « substances vénéneuses » (article 115 à 119). L'article 116 recense toutes les infractions en matière de stupéfiants et prévoit des peines d'amende de 120 000 à 1 200 000F et un emprisonnement de 3 mois à 5 ans également applicable à ceux ayant usé desdites substances en société, et à ceux qui auront été trouvés porteurs sans motif légitime de l'une des substances prohibées. De surcroît, l'article 119 double les peines en cas de récidive et un grand nombre de peines complémentaires sont prévues. Le ministre de la Justice, à cette époque, recommandera aux parquets de distinguer « entre les toxicomanes qui s'adonnent aux stupéfiants obtenus illicitement et les trafiquants qui leur fournissent »104(*). Par ailleurs, dans la première catégorie, celle des usagers, la circulaire de 1952 crée deux sous catégories : les toxicomanes qui le sont à la suite d'un traitement thérapeutique et qui ne sont donc pas responsables et à l'égard desquels les mesures répressives seront appliquées avec moins de rigueur qu'en ce qui concerne les toxicomanes qui s'adonnent à la drogue par plaisir, qui, quant à eux, ne bénéficient d'aucune mansuétude de la part des pouvoirs publics qui les voient même comme des « inadaptés » parmi lesquels on recrute les « auteurs d'autres délits graves ». Par la suite, la loi du 14 avril 1952 relative au taux des amendes, est venue doubler les peines pécuniaires prévues à l'article 116: ces dernières passent de 240 000 à 2 400 000F. L'année suivante, l'ensemble de ces textes sera inséré dans le CSP au titre III, « Restrictions au commerce de certaines substances ou de certains objets » du livre IV, « Professions médicales et auxiliaires médicaux », et les articles 115 à 119 modifiés sont devenus les articles 626 à 630 CSP. Par la suite, la loi du 24 décembre 1953, qui n'entrera jamais en vigueur à cause de l'absence de règlement pour sa mise en oeuvre, prévoira pour la première fois une obligation de soins pour les usagers de stupéfiants.

· Le contexte international avant la loi du 31 décembre 1970 : 

« On ne peut évidemment pas détacher la politique française du contexte international et des conventions auxquelles la France a souscrit »105(*).Avant le vote de la loi du 31 décembre 1970, quatre textes sont ratifiés par le Gouvernement français.

Il s'agit tout d'abord de la Convention internationale de l'opium, signée à La Haye le 23 janvier 1912106(*).

Il y aura ensuite la Convention de Genève, signée le 19 février 1925 et promulguée en 1928. Elle prévoit, outre la limitation des importations, des exportations, de la fabrication et de la distribution, la répression de l'usage des substances visées par le traité (opium, cocaïne, morphine, diacétymorphine, chanvre indien et tout autre stupéfiant). Le traité invite les Etats membres à empêcher l'usage de ces substances pour des usages autres que médicaux et scientifiques et les parties s'engagent à prendre les sanctions pénales adéquates pour toutes les infractions visées par cette convention.

La France a également ratifié la Convention de Genève du 13 juillet 1931 promulguée par un décret de juin 1933. La France a signé la Convention de Genève le 26 juin 1936 et elle entrera en vigueur le 11 décembre 1946, après amendement par le protocole signé à Lake Success à cette date.

Enfin, la Convention Unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 pose en préambule l'idée d'une lutte universelle contre l'abus des stupéfiants. L'adhésion de la France à la Convention de 1961 date de la fin de l'année 1968, donc après qu'une opinion publique favorable à une action contre la drogue se soit dessinée. Dans cette Convention Unique, certains termes annoncent les arguments de santé publique invoqués lors des travaux préparatoires de la loi du 31 décembre 1970107(*).

· Le contexte français avant la loi du 31 décembre 1970 ou la « pénalisation anticipée » de l'usage solitaire de stupéfiants :

Dans ce contexte international de lutte contre la drogue, le législateur français voulait renforcer l'arsenal existant, pour à la fois dissuader les citoyens français d'user de tels produits et faire cesser cette pratique du coté des usagers. La crainte d'une épidémie faisait par contre entrer la toxicomanie dans la lutte contre les fléaux sociaux qu'il convenait d'éradiquer au même titre que la syphilis ou la tuberculose. Cette dualité, entre répression et santé publique, marque les débats et les options choisies par le texte de 1970, inscrit au CSP mais prévoyant des sanctions pénales.

Afin de préparer les débats parlementaires, le ministre de la Justice procède à une enquête dans les juridictions fin 1969108(*) afin d'avoir une image précise des affaires de stupéfiants en cours et en particulier des caractéristiques des inculpés. Cette enquête révèle que des poursuites sont exercées contre des personnes qui ont fait usage de stupéfiants, sous les qualifications de détention ou de port illicite de stupéfiants, en l'absence d'incrimination spécifique d'usage individuel109(*). Par la suite, soucieux de prendre en compte la dimension sanitaire de l'usage de stupéfiants, le gouvernement décide, à titre expérimental, de mettre en place un dispositif permettant le traitement ou la surveillance par les services sanitaires, des personnes signalées par le parquet110(*). Au niveau pénal, la loi de 1970 était entrée en application environ un an avant qu'elle ne soit votée, ceci d'autant plus que le ministre de la Justice a édicté une circulaire affirmant cette orientation d'anticipation de la pratique sur le droit111(*). Ainsi, la loi de 1970 paraît être la consécration législative de la pratique antérieure des parquets de laquelle résultait déjà la pénalisation de fait de l'usage individuel de stupéfiants.

Il est néanmoins intéressant de se pencher sur les débats parlementaires qui ont précédé le vote de la loi n°70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses112(*).

· Bref aperçu de la teneur des débats parlementaires relatifs à la loi du 31 décembre 1970 :

Dans son premier rapport, « le rapport 1555 », P. MAZEAUD, rapporteur de l'administration générale de la République, préconisait, s'agissant de la consommation de stupéfiants, le vote d'un article qui n'incriminait que « l'usage en société ». Cette incrimination existait déjà avec les lois du 12 juillet 1916 et 24 décembre 1953 que le rapport prétendait modifier. M. MAZEAUD, dans ce premier rapport a insisté sur le fait que la Commission des lois, dont il était le rapporteur, a abouti à ce choix délibéré après de nombreux débats au cours desquels certains des intervenants prônaient la criminalisation de tout usage solitaire de stupéfiants113(*). Or, la formule restreinte à laquelle s'était finalement ralliée la Commission des lois (limitée au seul usage en société) était le fruit d'une première confrontation entre deux propositions de loi qu'avaient déposées quelques mois plus tôt, sur le Bureau de l'Assemblée, M. MAZEAUD d'une part, le 15 octobre 1969114(*), et M. WEBER d'autre part, le 5 novembre 1969115(*). M.WEBER, lui, proposait de « punir tout individu convaincu de s'être adonné régulièrement à la pratique des stupéfiants ». Ensuite, et ce fut le tournant de la question relative à l'incrimination de l'usage, le Gouvernement, entre le 23 et le 29 juin 1970, décida d'intervenir via de nombreux amendements modifiant complètement la proposition de loi mise au point par la Commission des lois de l'Assemblée Nationale et présentée par M.MAZEAUD dans le « rapport 1155 ». En effet, il semble que le Gouvernement, souhaitant consacrer la pratique antérieure des parquets au sujet de la pénalisation de fait de l'usage solitaire, a voulu imposer la criminalisation de ce type de comportements à l'occasion de la loi de 1970. Pour ce faire, les différents ministères impliqués, que sont le ministère de la Justice et celui de la Santé, se sont évertués à convaincre M.MAZEAUD de se prononcer en faveur de la criminalisation de l'usage solitaire. L'exécutif réussit finalement à parvenir ses fins ; il aurait été impensable que le rapporteur de la Commission des lois, M.MAZEAUD, ne défende pas un projet tenu pour élaboré par sa famille politique, le parti gaulliste majoritaire à l'Assemblée. Ainsi, à la veille du vote du 30 juin, M.MAZEAUD a recommandé dans son « rapport supplémentaire 1330 »116(*), la position adoptée par le Gouvernement.

C'est ainsi que l'article L.628,1 CSP sera adopté le 30 juin 1970 dès sa première lecture par l'Assemblée Nationale, en dépit d'un ordre du jour très chargé et des protestations exprimées par bon nombre de députés sur le caractère inadmissible des conditions de l'adoption de ce texte, voté dans la précipitation malgré l'importance de la question qui leur était soumise117(*).

· L'incrimination d'usage illicite de stupéfiants en elle-même :

L'usage illicite de stupéfiants, tel qu'il résulte de la loi du 31 décembre 1970, figure à l'article 628 CSP. Cet article prévoyait une peine d'emprisonnement de 2 mois à 1 an et une amende de 500 à 15 000F et de nombreuses peines accessoires ou complémentaires118(*).

Aujourd'hui, l'incrimination d'usage figure à l'article L.3421-1 CSP depuis l'ordonnance du 15 juin 2000 relative à la partie législative du CSP119(*). Le nouvel article L.3421-1 CSP prévoit désormais les peines principales d'1 an d'emprisonnement et 3750€ d'amende. Le législateur a prévu deux sanctions secondaires : à titre complémentaire obligatoire, la confiscation des produits incriminés et saisis avant le procès (article L.3421-2 CSP) ; à titre complémentaire facultatif, la fermeture d'établissement dans lequel a été commis le délit (article L.3422-1 CSP).

Le CSP prévoit, outre les mesures répressives exposées supra, des alternatives de nature sanitaires, avec l'injonction thérapeutique des articles L.3411-1 à L.3414-1 CSP. L'idée de prévention spéciale par les soins est en effet prégnante dans le dispositif de lutte contre ce qui est présenté comme un fléau des temps modernes. D'une part, le lancement de la poursuite est entravé par le désir des toxicomanes de se soigner, et d'autre part, au cas où l'action publique aurait été lancée, une cure peut être ordonnée par le juge d'instruction ou le juge des enfants ou même ultérieurement par la juridiction de jugement. En cas d'exécution de l'injonction de soins, le tribunal a la faculté de ne pas prononcer les peines prévues par l'article 3421-1 CSP.

Tout ce système laisse clairement apparaître la double dimension du problème de la consommation de stupéfiants : soigner et punir. Le toxicomane, considéré à la fois comme malade et comme déviant, est d'une part, menacé d'une privation de liberté et d'une peine pécuniaire pour l'atteinte à l'intégrité physique qu'il s'inflige et qu'il est le seul à supporter, et d'autre part accompagné dans le traitement de son addiction, tout ceci procédant d'une coopération entre la justice et les autorités sanitaires.

· Recours au droit pénal au service de la lutte contre la consommation de tabac et d'alcool.

Dans leur lutte contre le tabac et l'alcool, le législateur et le Gouvernement ont pris parti en faveur de la solution répressive. Ce recours au droit pénal s'inscrit dans la mise en place de politiques de santé publique, destinées à infléchir les pratiques qui menacent la santé des citoyens qui les reproduisent et ce, malgré le caractère nocif de leur usage pour eux-mêmes. Il est donc question ici de protéger la population contre elle-même, à raison des habitudes de vie qu'elle a développées et qui menacent la santé publique, du fait des maladies et également des accidents qui en découlent, en particulier en ce qui concerne la consommation d'alcool. Cette lutte contre des produits comme le tabac et l'alcool ne procède pas exclusivement de cette volonté de protéger la population contre elle même en terme de santé, elle est également due, en réalité, à des considérations plus pragmatiques : en effet, le tabac et l'alcool sont des produits qui font supporter à la société toute entière, le coût des soins des nombreux usagers devenus malades en raison de la consommation de ces produits addictifs. C'est donc la prise de conscience du caractère nocif de ces produits qui a poussé les pouvoirs publics à agir, à la fois pour la santé des citoyens (en raison du nombre de maladies et d'accidents) et en faveur d'une réduction des coûts sociaux qui résultent du traitement des méfaits de la consommation de tabac et d'alcool.

La lutte anti-alcoolique par des moyens légaux est un travail qui a commencé avec les débuts de la IIIème République. Le tabagisme, quant à lui, n'est pas combattu depuis aussi longtemps, au moins dans les lois et règlements, car, jusqu'à une date relativement récente, l'Etat était détenteur du monopole de la fabrication du tabac en France. En matière de lutte contre le tabac, c'est la « loi VEIL » (du nom du Ministre de la santé à l'initiative duquel la loi a été votée) du 9 juillet 1976120(*) qui a marqué le début d'une réelle politique de santé publique.

Ordinairement, les deux fléaux que sont la tabac et l'alcool font l'objet de textes distincts, mais puisqu'ils consistent l'un et l'autre en des phénomènes de dépendance, les spécialistes de la santé publique ont insisté pour en faire la cible d'une unique loi, celle qui fut promulguée le 10 janvier 1991121(*) et qui entra en vigueur le 1er janvier 1993.

La préparation de cette loi a donné lieu à des débats contradictoires opposant d'un coté les « hygiénistes » insistant sur la gravité du mal et sur le nombre d'accidents et de maladies, et de l'autre, les députés des régions viticoles invoquant le fait que le vin, boisson antique, fait partie intégrante de notre « patrimoine culturel » ; ces derniers étaient également appuyés par les représentants des régions tabacoles, qui, quant à eux, promettaient de fabriquer des produits moins nocifs et insistant sur la défense du tabac français contre les cigarettes étrangères bien plus dangereuses.

Au terme de ces affrontements parlementaires, c'est la doctrine développée par M. DRAY, député socialiste qui l'emporta : il mit en effet en exergue que l'inégalité devant la maladie et la mort est l'une des plus choquantes de celle qui divise la société française, et que, parmi ces causes, on note une consommation d'alcool et de tabac plus malsaine, en qualité et en quantité, chez les classes défavorisées. Or, cette dernière catégorie de la population est en même temps, à cause d'une culture insuffisante, peu sensible aux campagnes d'éducation fondée sur des arguments rationnels, tandis que la publicité commerciale, enveloppée d'irrationnel et de rêve, la persuade aisément de consommer tabac et alcool. Supprimer ou réduire la publicité à laquelle les classes « culturellement favorisées » savent mieux résister, c'est donc lutter contre les inégalités122(*).

La loi du 10 janvier 1991 a ainsi pris le parti d'agir sur la publicité de l'alcool et du tabac ; néanmoins, les dispositions adoptées en matière de lutte contre le tabac sont loin de se limiter à la seule publicité dont il pourrait faire l'objet. En effet, ce produit ne jouit pas de la tradition immémoriale qui ennoblit le vin et il est de plus considéré comme plus nocif. Ce sont les raisons pour lesquelles, sans établir une nouvelle prohibition dont il redoutait les effets pervers, le législateur a mis en place un système tout à fait propre à dissuader les fumeurs de s'adonner à leur plaisir : plus de prise en compte du coût du tabac dans le calcul de l'indice des prix (ce qui sera la porte ouverte à des augmentations ultérieures toujours plus dissuasives du prix du tabac), leçons antitabagiques dispensées au personnel enseignant, interdiction de fumer dans des lieux affectés à un usage collectif, institution d'une manifestation annuelle (le 31 mai) intitulée « Jour sans tabac »123(*).

S'agissant de la publicité de l'alcool et du tabac, le dispositif de la loi de 1991 a interdit toute publicité (directe ou indirecte) ou propagande en faveur de l'alcool ou du tabac, quel que soit le support utilisé à cette fin. Cette loi a donc mis fin à la pratique de la publicité par le biais des supports cinématographes et d'affichage commercial ordinaire en plein air. Il subsiste seulement deux exceptions qui sont la presse écrite et la radiodiffusion (avec des réserves) pour la publicité de l'alcool, et la seule presse écrite, moyennant des restrictions très strictes pour le tabac. Le parrainage124(*) est également envisagé par la loi de 1991 qui est venue l'interdire et, cette fois-là, que le support soit licite ou non. Cette question a vivement été débattue, car sa prohibition a privé de ressource beaucoup d'activités très nobles.

Les sanctions de l'inobservation des règles relatives aux publicités interdites sont désormais, à titre de peine principale, une amende allant de 50 000F(7500 €) à 500 000F(75 000 €) ou 50% des dépenses consacrées à l'opération illégale. Il faut signaler que la loi de 1991 ne modifie pas le quantum de l'amende encourue mais supprime l'emprisonnement de 2 mois à 2 ans jusque là prévu ; les députés ont supprimé l'emprisonnement parce qu'ils ont constaté qu'il n'était jamais prononcé, ce qui fait de cette loi la consécration d'une certaine dépénalisation de fait des délits en la matière. Une particularité est à noter relativement au « dépassement de quantité de publicité écrite » consacrée aux produits du tabac : dans ce cas, la loi de 1991 avait prévu une amende allant de 25 000 F(3750 €) à 250 000F(37 500 €), ce qui était plus doux que ce que prévoyait antérieurement la loi VEIL de 1976, qui alignait la répression de ce délit sur celle des autres (c'est à dire les délits de publicité interdite).

Cependant, il est difficile de pencher en faveur d'une analyse qui consisterait à affirmer qu'il s'agit d'une loi de dépénalisation car le recours au droit pénal est tout d'abord considérablement élargi par la criminalisation de bon nombre de pratiques de publicité commerciale jusque là légales. Ensuite, une disposition prévoit, en cas de récidive, une nouvelle peine complémentaire très répressive qui est l' « interdiction de vente d'une boisson ». Le nouveau dispositif apparaît donc plus comme une rationalisation des solutions en la matière.

B - L'actuelle rationalisation de la répression des pratiques euthanasiques :

L'euthanasie est un problème de société pour le moins délicat qui procède tout d'abord de difficultés d'ordre terminologique. La définition étymologique de l'euthanasie, considérée comme une « bonne mort », une « mort douce », semble aujourd'hui archaïque. Au début du XIXème siècle, l'euthanasie a pu désigner ce que nous appelons aujourd'hui les soins palliatifs, et qui recouvraient quelques gestes simples censés apaiser le patient. Dans son acception contemporaine, l'euthanasie se définit comme la mort provoquée pour épargner au malade des souffrances physiques et psychiques insupportables. Il existerait d'ailleurs non pas « une », mais « des » euthanasies puisqu'on distingue l'euthanasie active125(*), de l'euthanasie passive126(*) et du suicide médicalement assisté127(*).

En automne 2003, une affaire médiatisée à outrance a relancé le débat sur l'euthanasie en France ; Vincent HUMBERT, un jeune homme lourdement handicapé après la survenance d'un accident de la circulation, est décédé en septembre 2003 des suites d'un acte d'euthanasie pratiqué par son médecin, via l'injection d'une substance létale.

La position du droit pénal traditionnel est simple : l'euthanasie, prise dans son acception contemporaine la plus large, est pénalisée, selon les qualifications de droit commun, en tant que crime ou délit. C'est sur ce fond de pénalisation classique et non spécifique de l'euthanasie que s'affrontent une position conservatrice d'inspiration jusnaturaliste, et une position permissive que l'on pourrait qualifier de positiviste sociologique128(*).

L'euthanasie a d'ailleurs fait l'objet de lois de dépénalisation en Europe puisque la Hollande et la Belgique ont opté pour une dépénalisation de l'euthanasie en 2001. Votée le 10 avril 2001, la loi hollandaise définit, sous le terme « critères de minutie », les obligations du médecin qui pratique une euthanasie ; le non respect de ces critères de minutie rend l'acte ainsi pratiqué, passible de 12 ans de réclusion criminelle et d'une très forte amende.

En Belgique, les députés ont voté, le 16 mai 2001, la légalisation de l'euthanasie dans certaines conditions, très voisines de celles posées par la loi hollandaise ; le non respect des conditions posées par la loi expose l'auteur de l'acte illégal à la réclusion criminelle à perpétuité, en vertu de l'article 394 du code pénal belge qui réprime le meurtre commis avec préméditation. Il existe également un pays européen qui n'autorise pas l'euthanasie active mais qui accepte le suicide assisté (article 115 du Code pénal) : la Suisse. Les moyens destinés à abréger les souffrances du malade dans la dignité, sont sollicités par le malade lui-même auprès d'une association qui le lui fournit, après avoir s'être assuré de la situation du malade et du sérieux de sa demande129(*).

En France, en l'absence de système spécifique à la réalité que constitue l'euthanasie, les faits de cette nature tombent irrémédiablement sous le coup de la loi pénale qui, dans son application, a fait l'objet d'une relative casuistique et d'une certaine dépénalisation de fait due à la fois, aux implications de notre système de justice et à la particularité de l'euthanasie, « crime noble » qui touche chacun.

· La répression des actes euthanasiques par les tribunaux français :

Il existe une casuistique officieuse en matière d'euthanasie, qu'il s'agisse des incriminations pénales retenues pour ces faits par les juridictions, ou de leur répression par ces dernières. La pratique judiciaire révèle en effet une adaptation des qualifications pénales retenues aux faits poursuivis et de surcroît, une certaine mansuétude dans ses décisions, voire même dans l'opportunité de l'engagement des poursuites qui se font rares en la matière, en comparaison avec l'ampleur des pratiques euthanasiques dans le milieu hospitalier. On peut ainsi parler de dépénalisation de fait d'un phénomène qui est aussi répandu qu'il provoque l'émotion.

· Qualifications retenues pour réprimer l'euthanasie :

D'une part, selon les circonstances, l'euthanasie a finalité homicide peut être condamnée en tant que meurtre (article 221-1 CP) ou assassinat (article 221-3 CP)130(*). Les juges ont la plupart du temps évité de qualifier de tels actes d'empoisonnement (article 221-5 CP) qui aurait pourtant été une qualification judicieuse pour appréhender les cas d'euthanasie active ; c'est sans doute la délicate caractérisation des éléments constitutifs de cette infraction qui explique cette retenue131(*).

D'autre part, pour les cas litigieux dans lesquels la volonté n'est pas nettement établie, des qualifications de droit commun distinctes de l'homicide volontaires ont été appliquées : il s'agit de la non assistance à personne en danger (article 223-6 CP) et de l'homicide involontaire (article 221-6 CP).

Issu de la loi du 25 octobre 1941, le délit de non assistance à personne en danger est le fondement sur lequel la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu le 3 janvier 1973 un célèbre arrêt, dans l'affaire Gatineau132(*). Cet arrêt précise les conditions dans lesquelles un médecin peut s'abstenir de mettre en oeuvre des traitements extraordinaires. Dans cette affaire, le médecin ayant été relaxé, la Cour de cassation rejeta le pourvoi, approuvant les juges du fond de n'avoir reconnu aucune faute professionnelle à l'encontre d'un médecin qui aurait tenté de prodiguer des soins à une patiente, mais s'était heurté à son « refus obstiné et même agressif » (les éléments constitutifs du délit de non assistance à personne en péril n'étant pas réunis eu égard à ce refus).

Enfin, dans l'hypothèse d'un arrêt de soins, la jurisprudence a parfois opté pour la qualification d'homicide involontaire133(*).

· La dépénalisation de fait des pratiques euthanasiques consacrée par la pratique judiciaire :

De nombreux auteurs considèrent que l'absence d'incrimination spécifique de l'euthanasie est en quelque sorte compensée par la pratique judiciaire de répression des faits euthanasiques134(*). Il est vrai que si quelques procès médiatiques donnent l'impression d'une certaine sévérité de la justice envers les médecins qui pratiquent l'euthanasie, ces procès ne font que masquer la rareté des condamnations dans ce domaine. Cette réalité s'explique sans doute d'abord par le caractère exceptionnel des faits d'euthanasie. Cependant, il faut également prendre en compte la politique libérale des magistrats ; en vertu du principe de l'opportunité des poursuites (article 40 CPP), le procureur de la République peut décider de ne pas poursuivre en cas de dénonciations de faits d'euthanasie. Les pratiques euthanasiques sont donc sujettes à une dépénalisation de fait en amont du procès pénal.

Si le procureur de la République décide de donner suite à la dénonciation, c'est la Cour d'assises qui est en principe compétente et, là encore, les verdicts témoignent d'une grande mansuétude des jurés envers les homicides euthanasiques qui se soldent souvent par une décision d'acquittement ou une peine minimale135(*). Devant les Cours d'assises, tout se passe comme si la prise en compte du mobile euthanasique submergeait toute autre considération juridique. Cette mansuétude est notamment rendue possible par les larges possibilités d'individualisation de la peine qui permettent de réduire considérablement son quantum136(*) et par la faculté de prononcer un sursis pour l'exécution de toute peine, même criminelle137(*). Devant les Cours d'assises également, l'euthanasie est donc une pratique qui jouit d'une certaine dépénalisation de fait.

En réalité, la pratique judiciaire en la matière, témoigne de l'inadéquation qui existe entre la loi, qui réprime l'euthanasie comme un acte homicide « classique », et l'opinion publique, qui voit majoritairement cette pratique, le signe d'une médecine humaine, respectueuse de la dignité de chacun dans les ultimes moments de son existence. La justice se voit ainsi déborder par l'équité intrinsèque au système de justice populaire et à ses implications d'ordre passionnel.

Pour mettre fin à ces décisions jugées par certains comme excessivement clémentes, il a été envisagé de créer un crime d'euthanasie puni de 10 ans d'emprisonnement et de 500 000F d'amende138(*). Ce projet n'a pas abouti mais certains auteurs plaident encore aujourd'hui pour cette spécialisation de la répression en matière d'euthanasie. Pour eux, cette infraction permettrait d'assurer une meilleure sécurité juridique. De plus, même maintenue dans la catégorie criminelle, l'infraction d'homicide euthanasique serait moins sévèrement réprimée que le meurtre, si bien que les jurés seraient moins réticents à condamner les faits d'euthanasie.

Quoi qu'il en soit, en l'état actuel du droit, pour éluder cette impunité fréquente de l'auteur de faits euthanasiques devant la Cour d'assises, il est possible de procéder à une correctionnalisation : par le biais des qualifications correctionnelles, on fait échapper ces comportements à l'appréciation clémente des jurés pour faire primer le droit sur l'émotion du fait de l'examen de l'affaire par des juges professionnels. Néanmoins, il est incontestable que la pratique de la correctionnalisation judiciaire, conçue pour assurer une meilleure effectivité de la loi pénale, constitue tout de même une sorte de dépénalisation de fait. De plus, même si le verdict est susceptible de s'avérer plus lourd que devant les Cours d'assises, les peines encourues n'en restent pas moins dérisoires au regard de celles qui sont attachées aux qualifications criminelles. Ainsi, la correctionnalisation judiciaire témoigne elle aussi d'une certaine dépénalisation de fait de l'euthanasie.

· La proposition d'instituer une « exception d'euthanasie » :

Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a rendu public le 3 mars 2000 un avis n°63 intitulé Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie. Le rapport du CCNE formule une proposition de nature juridique : tout en recommandant de ne pas modifier les incriminations du Code pénal, il préconise la consécration légale d'une « exception d'euthanasie ».

L'exception d'euthanasie serait un moyen de défense au fond des individus poursuivis pour euthanasie.

Le Comité vise dans certains passages de son avis, les situations dans lesquelles l'exception d'euthanasie aurait vocation à jouer : il s'agit des cas, sans doute rares, « où la mise en oeuvre résolue des trois démarches (...) (soins palliatifs, accompagnement, refus de l'acharnement thérapeutique) se révèle impuissante à offrir une fin de vie supportable. Peuvent être évoqués, à titre d'exemples, les cas exceptionnels où la douleur n'est pas maîtrisée en dépit des moyens disponibles ; la personne totalement et définitivement dépendante de machines pour vivre, demande à en finir (...) ».

Cette exception d'euthanasie (après étude de l'avis du Comité139(*)) peut s'analyser comme une cause justificative sui generis propre aux cas d'euthanasie, comme l'état de détresse de la femme est une cause justificative inhérente à l'avortement et irréductible aux causes d'irresponsabilité traditionnelles. La différence essentielle tiendrait bien sûr au contrôle des tribunaux : alors que l'état de détresse de la femme n'est pas contrôlé par le juge, l'exception d'euthanasie devrait faire l'objet d'un contrôle judiciaire étroit140(*).

· La dépénalisation partielle de l'euthanasie par la loi du 22 avril 2005 :

L'euthanasie a récemment fait l'objet d'une réforme qui a eu pour objet de décriminaliser certaines pratiques constitutives d'homicide euthanasiques. C'est la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie141(*) qui est venue dépénaliser des pratiques si courantes qu'elles mettaient en évidence l'obsolescence de la norme pénale.

La loi rappelle tout d'abord que le médecin doit se faire un devoir (au moins déontologique) de ne pas tomber dans les écueils de l'acharnement thérapeutique qui se caractérise par des traitements inutiles, disproportionnés ou qui n'ont pour effet que de maintenir le malade en vie artificiellement. Dans ce cas, le médecin peut décider de suspendre ou de ne pas entreprendre de traitement142(*). La loi du 22 avril 2005 énonce également la possibilité pour toute personne majeure, de rédiger des directives anticipées relatives à sa fin de vie concernant la limitation ou l'arrêt de traitement, pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Pour être prises en compte par le médecin, ces directives doivent avoir été rédigées moins de trois ans avant l'état d'inconscience de la personne143(*).

Ceci étant, la loi nouvelle qui concerne exclusivement les malades en fin de vie, c'est-à-dire « en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause », envisage deux cas bien distincts : celui du malade encore conscient et celui du malade hors d'état d'exprimer sa volonté.

Lorsque le malade en fin de vie encore conscient ne peut voir sa souffrance soulagée que par un traitement qui peut avoir pour effet secondaire de mettre fin à ses jours, le médecin peut procéder à ce traitement après en avoir informé le malade144(*). Ensuite, lorsqu'une personne en fin de vie décide de limiter ou d'arrêter son traitement, le médecin respecte sa volonté après l'avoir informée des conséquences de son choix145(*).

Dans le cas particulier du malade en fin de vie hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut en tout état de cause être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le Code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance notamment, ait été consulté146(*). Ensuite, la loi rappelle la possibilité pour le médecin (après avoir respecté la procédure collégiale et consulté la personne de confiance, voire le cas échéant les directives anticipées de la personne) de limiter ou d'arrêter un traitement qui serait synonyme d'acharnement thérapeutique pour le malade hors d'état d'exprimer sa volonté147(*). Enfin, lorsque le malade a désigné une personne de confiance, l'avis de cette dernière au sujet des décisions d'investigation, d'intervention ou de traitement prises par le médecin, prévaut sur tout autre avis non médical, à l'exception des directives anticipées148(*).

La loi nouvelle est une loi de dépénalisation de l'euthanasie puisqu'elle décriminalise certaines pratiques euthanasiques en les encadrant strictement. Cependant, il ne s'agit que d'une dépénalisation partielle de l'euthanasie, étant donné que le législateur a délibérément adopté une conception restrictive de l'euthanasie en ne visant que les seuls cas relatifs aux malades en fin de vie. Or, dans son acception contemporaine, l'euthanasie se définit comme la mort provoquée pour épargner au malade des souffrances physiques et psychiques insupportables, sans distinction des cas où ce dernier se trouve en fin de vie ou non. C'est la raison pour laquelle cette loi nouvelle aurait par exemple été inopérante dans des affaires comme celles du jeune Vincent HUMBERT qui, bien qu'il souffrît sans commune mesure, était loin d'être en fin de vie.

La loi du 22 avril 2005 est une initiative qui a au moins le mérite de rationaliser le droit pénal français en offrant aux praticiens de la santé, une certaine sécurité juridique et une meilleure lisibilité du risque pénal qui découle de l'exercice de leur profession. Enfin, à défaut d'être pleinement consensuelle, la loi opère un relatif rapprochement entre le droit et la réalité sociologique qui se doit de ne pas être en rupture avec la norme à laquelle elle se trouve assujettie. C'est cette adhésion minimum de la conscience collective au droit qui confère à la norme sa légitimité, synonyme pour elle d'effectivité.

§ 2 - La pénalisation : un instrument au service de la lutte contre « l'insécurité routière ».

Ces vingt dernières années ont été le théâtre d'une pénalisation particulière des infractions en matière de sécurité routière Le législateur a, d'une part, créé de nouvelles incriminations pour réprimer des comportements qui ne l'étaient pas sous l'empire du droit antérieur (par le biais d'une véritable criminalisation), ou encore afin de donner une base légale spécifique à la répression de comportements déjà appréhendés par le droit pénal par le biais de textes plus généraux (A). Il a, d'autre part, aggravé les peines encourues au titre de certaines infractions au Code de la route (B), ciblant ainsi son action sur la dissuasion accrue qui pouvait en résulter Cette tendance à la pénalisation des infractions routières procède plus particulièrement de la mise en place, ces dernières années, d'une véritable politique publique en la matière, qui compte tout de même des précédents, parmi lesquels la loi du 10 juillet 1987.

La loi du 10 juillet 1987 renforçant la lutte contre l'alcool au volant :

La loi du 10 juillet 1987149(*) marque un tournant dans la répressions des infractions au Code de la route, puisque, afin de lutter efficacement contre la conduite sous l'empire alcoolique, source de nombreux accidents, cette dernière est venue pénaliser spécifiquement ce type de comportements par le doublement des peines principales encourues au titre de la conduite en état d'ivresse150(*) et du délit de fuite151(*) : la répression de ces deux infractions passe d'un emprisonnement de 1 mois à 1 an et d'une amende de 500F à 15 000F à 2 mois à 2 ans d'emprisonnement et 2000F à 30 000F d'amende. Cette loi vint également pénaliser d'autres infractions déjà existantes, en augmentant là encore les peines principales qui y étaient attachées152(*).

C'est néanmoins surtout ces cinq dernières années que la pénalisation des déviances routières a pris une dimension particulièrement remarquable. Cette pénalisation s'inscrit dans une réelle volonté du gouvernement de mettre fin à ce que M. Gilles DE ROBIEN, ministre de l'équipement et des transports (en 2003), qualifie de « barbarie routière ».

L'actuel mouvement de pénalisation des infractions en matière de circulation routière :

Lors de son intervention du 14 juillet 2002, Jacques CHIRAC, Président de la République, avait présenté la sécurité routière comme l'un des trois grands chantiers de son quinquennat, avec l'insertion. Il commença cette politique avec la loi d'amnistie de la dernière élection présidentielle153(*), qui écarte toute mansuétude à l'égard des délinquants routiers et qui, de fait, se montre beaucoup moins généreuse que les précédentes à ce sujet. Depuis, le nombre de victimes a décliné de façon relativement significative : de juillet 2002 à juin 2003, 6350 personnes ont été tuées sur les routes françaises, soit une baisse de 18% (1405 de moins) par rapport à l'année précédente. Cette politique publique, mise en oeuvre par l'exécutif actuel, fait suite à certaines initiatives du Gouvernement précédent qui, bien qu'elles ne témoignent pas d'une rigueur comparable, procède d'une même volonté. Pour répondre aux impératifs qu'il s'étaient assignés, les pouvoirs publics ont à la fois créé de nouvelles incriminations et fait le choix d'une aggravation des infractions déjà existantes.

A - La pénalisation par la création de nouvelles incriminations : criminalisations ou spécialisation de la répression ?

· La conduite après usage de stupéfiants :

C'est la loi du 3 février 2003154(*) qui a inséré dans le code de la route les articles L.235-1 à L.235-5 qui régissent la nouvelle infraction de « conduite après usage de stupéfiants ». Cette nouvelle infraction réprime la fait pour toute personne de « conduire un véhicule alors qu'il résulte d'une analyse sanguine qu'elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants ». En vertu de cet article L.235-1, la peine est de 2 ans d'emprisonnement et de 4500 € d'amende155(*). En effet, contrairement à d'autres pays européens, la France n'avait pas fait de la conduite sous l'influence de stupéfiants une infraction spécifique. Il est vrai qu'une partie non négligeable des accidents mortels paraît pourtant due à un usage de drogue, qui entraîne des troubles du comportement et une perte des réflexes.

Cependant, ce qui est regrettable, c'est que les études statistiques menées en la matière, qui identifient le nombre d'accidents parmi lesquels sont impliqués des conducteurs ayant consommé des produits stupéfiants, ne puissent pas déterminer les cas dans lesquels il existe un véritable lien de causalité en la survenance de l'accident et la consommation de stupéfiants. Autrement dit, à chaque fois qu'un accident se produit et qu'il résulte des analyses sanguines que le conducteur avait fait usage de stupéfiants, on met en avant la seule consommation de stupéfiants comme cause de l'accident en question alors qu'il n'est que rarement établi si le contrevenant était réellement sous l'influence de la drogue au moment de la conduite de son véhicule. Cette faille dans l'évaluation de la dangerosité de la conduite après usage de stupéfiants a contribué à stigmatiser un peu plus les consommateurs de stupéfiants qui se sont vus considérés, par la société toute entière, comme des conducteurs irresponsables et dangereux.

Etant donné que la conduite sous l'emprise de l'alcool est sévèrement réprimée, il paraît néanmoins judicieux d'avoir comblé le vide de la législation en matière de stupéfiants. Ce qui est déplorable là encore, c'est que la loi nouvelle réprime la « conduite après usage de stupéfiants » et pas la « conduite sous l'influence de stupéfiants », qui, elle, aurait légitimé la criminalisation d'un tel comportement par la dangerosité qu'elle représente. De fait, le consommateur d'alcool et le consommateur de drogue ne sont pas sur un pied d'égalité : le premier, contrairement au second, se voit sanctionné pour son état dangereux et dispose des moyens pour déterminer s'il lui est autorisé ou non de conduire eu égard à la législation en vigueur156(*).

D'après certains parlementaires, ce comportement était déjà répréhensible avant la loi du 3 février 2003 : ils affirment que la combinaison de l'article L.3421-1 CSP punissant l'usage de stupéfiants, et des lois de 1999 et de 2001 (rendant le dépistage obligatoire en cas d'accident mortel et possible en cas d'accident corporel) permettait déjà de sanctionner toute personne conduisant sous l'emprise de stupéfiants. Il est vrai qu'en cas de dépistage positif, le procureur de la République pouvait poursuivre sur le fondement de l'article L.3421-1 CSP et cette circonstance pouvait peser sur la décision du tribunal relative à l'homicide ou aux blessures involontaires. Néanmoins, le dépistage ne pouvait avoir lieu qu'en cas d'accident de la circulation ; la nouvelle incrimination, parce qu'elle offre la possibilité aux forces de l'ordre d'organiser des contrôles aléatoires, même en l'absence d'infraction préalable ou d'accident (article L.235-2 code de la route), axe la répression sur la notion de dommage « potentiel » causé à autrui (du fait de la consommation de stupéfiants), mais là encore sans être réellement en mesure d'évaluer ce danger.

Cette nouvelle incrimination paraît donc injuste pour les justiciables auxquels elle s'adresse tant le risque pénal paraît impossible à identifier pour eux.

· L'usage du téléphone portable :

En l'absence d'un texte spécial, les condamnations157(*) se fondaient sur l'article R.412-6 du Code de la route158(*). Un décret du 31 mars 2003159(*) a finalement créé un article R.412-6-1 dans le Code de la route qui réprime spécifiquement ce comportement par une amende de seconde classe et le retrait de plein droit de 2 points du permis de conduire. Il ne s'agit donc pas d'une criminalisation, mais seulement d'un texte spécifique qui vient conforter la répression de ces comportements par le droit antérieur grâce à un texte « fourre-tout ».

· Le délit de conduite sans permis :

La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité160(*) a recréé le délit de conduite sans permis qui est désormais puni d'un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende (article L.221-2 Code de la route).

· Les délits d'homicide et de blessures involontaires commis par un conducteur :

C'est la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la « violence routière »161(*) qui a innové en ce qui concerne les infractions d'homicide et de blessures involontaires commis dans le cadre de la sécurité routière. Il faut signaler d'emblée que le terme « violence », juridiquement impropre dans cette hypothèse, est hautement symbolique et révèle la volonté pour le moins répressive des pouvoirs publics à l'égard des chauffards qui, « par leurs violations du Code de la route acceptent l'idée d'attenter à l'intégrité d'autrui et adoptent un comportement « pré-violent » qui peut se traduire par des chocs... »162(*).

Cela étant, la loi du 12 juin 2003 ne met pas en place un système d'aggravation de la répression à raison du modus operandi spécifique que constitue la conduite d'un véhicule terrestre à moteur dans la commission d'infractions involontaires par le chauffeur imprudent. Il s'agit bien d'un système de répression autonome par la création de trois nouvelles incriminations. On ne peut tout de même pas parler de criminalisation puisque les comportements appréhendés par la loi du 12 juin 2003 étaient déjà sanctionnables sous l'empire du droit antérieur. Cependant, ce nouveau système de répression des infractions non intentionnelles commises dans le cadre de la circulation routière s'inscrit dans un mouvement de pénalisation redoutable qui passe par l'aggravation de la répression de ces comportements, en comparaison des sentences encourues jusqu'alors.

Trois nouvelles infractions sont insérées au Code pénal, punies de 2 à 10 ans d'emprisonnement selon la gravité du dommage causé :

- l'homicide involontaire commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, puni de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende (article 221-6-1 CP)163(*)

- les blessures involontaires commises dans le contexte routier, desquelles ont résulté une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à trois mois, punies de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende (article 222-19-1 CP)164(*)

- les blessures involontaires commises dans le même contexte, desquelles ont résulté une ITT inférieure ou égale à trois mois qui devient un délit puni d'un emprisonnement de 2 ans et de 30 000euros d'amende (article 222-1-20 CP)165(*).

De plus, aux quatre circonstances aggravantes déjà prévues (mise en danger délibérée, consommation d'alcool, usage de stupéfiants et délit de fuite), la loi ajoute deux hypothèses : celle où le conducteur n'était pas titulaire du permis ou avait fait l'objet d'une annulation, invalidation, suspension ou rétention de permis, et celle où le conducteur a commis un excès de vitesse égal ou supérieur à 50 km/h. Si le délit est commis avec deux ou plus de ces circonstances, les peines sont encore élevées (jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende pour l'homicide involontaire).

· Le refus de créer un délit spécial d' « atteinte involontaire à l'enfant à naître » :

Un amendement166(*) proposait de combler le vide juridique révélé par plusieurs arrêts de la Cour de cassation refusant d'appliquer l'article 221-6 CP et qui conduisaient à des solutions incohérentes. Ce dispositif a finalement été écarté au motif qu'il relevait d'une question d'une ampleur autre que celle des accidents de la route, certains parlementaires voyant dans cette nouvelle incrimination, une remise en cause indirecte de l'IVG. Pour certains auteurs, au contraire, cette conception du problème est la conséquence d'une confusion entre « IVG » et « IIG » (Interruption Involontaire de Grossesse)167(*).

B - L'accentuation de la répression relative aux incriminations existantes.

Une autre caractéristique de ce mouvement de pénalisation qui a touché les infractions en matière de circulation routière est le choix par le législateur de peines plus sévères à l'égard de certains comportements, qui, si ils ne sont pas toujours la cause immédiate de la survenance d'un accident, participent au moins à la création de risques ou à l'inobservation des règles élémentaires du « savoir vivre » sur la route.

Tout d'abord, la distance de sécurité entre deux véhicules a fait l'objet d'une pénalisation par un bond dans la classification des contraventions : un décret du 23 novembre 2001168(*) en a précisé la notion et aggravé les sanctions (contravention de 4e classe et non plus de 2e classe, article R.412-12 Code de la route)169(*).

Un décret du 31 mars 2003 aggrave la répression de l'absence de port de la ceinture de sécurité, contravention de 4e classe et non plus de 2e classe (article R.412-1, Code de la route)170(*). Cette infraction est, quant à elle, une « infraction sans plaignant » et le législateur, en pénalisant cette imprudence malheureusement encore très répandue, a souhaité protéger les individus contre eux-mêmes et non sanctionner un comportement dangereux pour autrui.

La loi du 12 juin 2001 transforme également la contravention de 5e classe, le fait de conduire malgré un permis invalidé (après retrait de la totalité des points, article R.221-1, Code de la route) en délit puni de 2 ans d'emprisonnement et 4 500 € d'amende. Cette aggravation des peines harmonise la répression de comportements très proches, la conduite après annulation, suspension ou rétention du permis qui est un délit puni de 2 ans d'emprisonnement et 4 500 € d'amende.

La même loi a par ailleurs renforcé la répression de la commercialisation des kits de débridage (destinés à augmenter la vitesse d'un vélomoteur)171(*) et des détecteurs de radars172(*). Ces deux comportements, qui étaient des contraventions de 5e classe, deviennent des délits punis de 2 ans de prison et 30 000 € d'amende.

Enfin, le décret du 11 juillet 2003 aggrave la répression de la circulation en dehors de la chaussée ou sur une voie de circulation réservée à d'autres catégories de véhicules (article R.412-7, Code de la route), et du stationnement sur un emplacement réservé aux personnes handicapées ou aux grands invalides (Article R.417-11, Code de la route) qui deviennent des contraventions de 4e classe et non plus de 2e classe. Les pouvoirs publics n'ont donc pas oublié le coté moral des transgressions au Code de la route qui, dans une certaine mesure, s'inscrit dans la prise de conscience que ce mouvement de pénalisation entend provoquer chez chaque conducteur, et ce, par la dissuasion qui découle du recours accru au droit pénal.

Les résultats de cette politique de pénalisation de la circulation routière se sont pour l'instant montrés très satisfaisants, puisque selon l'Observatoire National Interministériel de Sécurité Routière (O.N.I.S.R), en métropole, on enregistre une baisse de 8,7% du nombre de tués en 2004, par rapport à 2003. L'objectif de descendre en dessous des 5000 tuées en 2005 (5500 en comptant les départements d'outre-mer) semble plus que jamais réalisable, au regard des premiers chiffres du début de l'année 2005 qui traduisent déjà une baisse de 5% du nombre de tués sur les routes françaises173(*). Néanmoins, les chiffres du mois de juillet 2005 traduisent un hausse de 7% du nombre de tués sur les routes par rapport au mois de juillet 2004 : ces derniers chiffres traduisent t-ils les limites du système dissuasif mis en place ? Rien n'est moins sûr, l'objectif du Gouvernement reste encore et toujours de descendre en dessous des 5000 tués sur les routes en 2005.

Section II - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation dans une finalité d'adaptation du droit aux évolutions de la société.

Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation a été guidé par un impératif : celui d'encadrer aux mieux les mutations que la société a pu connaître au cours de la période étudiée. La dépénalisation a été le moyen de rationaliser le champ d'application du droit pénal dans la sphère des affaires qui est un domaine qui n'a connu jusqu'alors que des phases de pénalisation successives (§1). La pénalisation a également été le moyen de cadrer les évolutions techniques récentes dont le développement suscite l'inquiétude des pouvoirs publics (§2).

§ 1 - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation en droit des affaires.

Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation apparaît très nettement en droit des affaires ; après l'émergence d'un noyau dur d'incriminations, la sphère des affaires a fait l'objet d'une pénalisation croissante à partir de la seconde guerre mondiale (A). Ce n'est que récemment que l'on observe un certain reflux du droit pénal qui traduit la nécessité de se dégager du schéma interventionniste qui caractérisait le droit des affaires au sortir de la seconde guerre mondiale (B).

Le droit pénal des affaires est né depuis, voire même un peu avant, le Code pénal de 1810 qui contenait déjà quelques incriminations spécifiques à la pratique des affaires. Ainsi, figuraient déjà dans ce code, dès son origine, le faux monnayage (art.132 et s.), la banqueroute (art.402 à 404), l'abus des besoins, faiblesses ou passions d'un mineur (art.406), la tenue non autorisée de maisons de prêt, gages ou nantissement (art.411), les entraves apportées à la liberté des enchères (art.412), la violation d'un secret de fabrique (art.418), l'altération des prix (art.419 et 420) sans compter la répression de l'usure issue d'une loi du 3 septembre 1807.

Ces premières incriminations vont globalement constituer le noyau dur du droit pénal des affaires jusqu'à la première moitié du XXème siècle. Cette dernière période est ensuite marquée par trois grandes étapes dans l'émergence d'un droit pénal des affaires. Tout d'abord, la loi du 1er août 1905, pionnière des textes du droit de la consommation, vient réprimer les fraudes et les falsifications. Ensuite, le Décret-loi du 8 août 1935 crée, notamment, trois nouveaux délits en droit des sociétés : la présentation ou la publication d'un bilan inexact, l'abus des biens sociaux ou du crédit et l'abus des pouvoirs ou des voix. Enfin, les deux grandes ordonnances du 30 juin 1945 marquèrent une étape décisive dans la construction progressive de cette nouvelle branche du droit pénal puisqu'elle est à la fois révélatrice d'une certaine conception de l'intervention de l'Etat au sortir de la guerre et qu'elle marquent le début d'un mouvement de pénalisation caractérisé de la sphère des affaires.

A - La pénalisation croissante du droit des affaires depuis le lendemain de la seconde guerre mondiale.

Ces deux ordonnances du 30 juin 1945 sont relatives, pour la première, à la réglementation sur les prix (ordonnance n° 45-1983), et pour la seconde, à la procédure applicable aux infractions à la législation économique (ordonnance n° 45-1984). L'ordonnance relative aux prix est venue définir notamment les délits de prix illicites, de pratique des prix illicites et des actions assimilées à cette pratique. Ces deux ordonnances de 1945 ont très vite vieilli même si elles ont eu une durée de vie formelle de plus de quarante ans, cependant, elles ont marqué leur époque par la conception hautement interventionniste qui découle de leur dispositif : au lendemain de la seconde guerre on est en effet entré dans une économie dirigiste, fortement encadrée par l'Etat qui réglemente strictement le marché174(*). C'est à partir de cette période que l'on observe en droit pénal des affaires, une tendance inflationniste caractérisée, et ce, dans tous les domaines touchant au droit des affaires.

Tout d'abord, dans le domaine des finances, et plus précisément dans le secteur boursier, la loi du 23 décembre 1970 crée deux nouvelles incriminations, insérées dans l'ordonnance du 28 septembre 1967 qui avait institué la COB : la publication d'informations inexactes et surtout le délit d'initié, amélioré par plusieurs textes successifs. La politique criminelle d'adaptation aux nouveaux enjeux économiques devient ensuite plus nette par la suite, puisque la loi du 22 juillet 1988 crée la manipulation des cours et la loi du 2 août 1989 criminalise la communication d'une information privilégiée. C'est ensuite la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 dite de modernisation des activités financières qui remodèle quelque peu les incriminations majeures en la matière. A tout cela s'ajoute la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 qui ouvre de nouveaux horizons aux infractions boursières. La lutte contre le blanchiment de l'argent sale résulte quant à lui principalement de la loi n° 96-392 du 13 mai 1996.

Ensuite, dans le domaine du droit des sociétés, le texte fondamental résulte de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 dont un titre entier (le titre II) est consacré aux dispositions pénales et équivaut à un véritable Code pénal des sociétés commerciales. D'ailleurs, la loi du 31 décembre 1970 sur les sociétés immobilières a été fortement marquée par ce modèle.

En matière de concurrence, le choix du législateur a été celui de la répression para pénale en ce qui concerne les ententes abusives, les abus de position dominante et les concentrations. Ce choix se confirmera d'ailleurs plus nettement avec la création du Conseil de la concurrence par la grande ordonnance du 1er décembre 1986 sur la liberté des prix et de la concurrence qui sera par la suite remodelée par la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales175(*). La répression pénale stricto sensu s'impose cependant pour protéger les concurrents contre les diverses agressions qu'il est susceptible de subir, avec la loi du 31 décembre 1964 à laquelle se substitue la loi du 4 janvier 1991 sur les marques de fabrique, de commerce ou de service.

La consommation a également fait l'objet d'une pénalisation non moins substantielle, par des interventions parcellaires et compartimentées qui, en s'additionnant, forment un véritable monument législatif, prélude d'une codification. Au titre des textes essentiels, on peut citer la loi du 2 juillet 1963 qui a créé le délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, loi qui sera d'ailleurs remodelée par la célèbre « loi ROYER » du 27 décembre 1973. La loi s'est ensuite évertuée à protéger les consommateurs contre les agressions incessantes dont ils sont victimes, avec notamment la loi du 22 décembre 1972 qui réglemente sévèrement le démarchage de marchandises à domicile ou sur le lieu de travail. La loi n° 78- 22 du 10 janvier 1978 assurera quant à elle l'information et la protection des consommateurs dans certaines opérations de crédit. Il y aura également la loi du 23 juin 1989 sur l'information et la protection des consommateurs contre diverses pratiques commerciales. La loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 a renforcé la protection des consommateurs et la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 a finalement institué le Code de la consommation. Le marché immobilier est lui aussi un domaine dans lequel la pénalisation sera effectuée en faveur du consommateur, par l'édiction de nombreuses règles qui le protègent tout spécialement.

Parallèlement à cette inflation pénale en droit des affaires, une innovation se distingue de par les répercussions qu'elle implique dans ce domaine : c'est la responsabilité des personnes morales (art.121-2 CP) qui trouve son origine dans la réforme du Code pénal de 1994. Cette nouveauté relative à l'imputation des infractions a eu un retentissement tout particulier en droit pénal des affaires qui est un domaine dans lequel les incriminations sont la plupart du temps assorties d'amendes conséquentes afin de tenir compte de l'ampleur des intérêts financiers en jeu. Ce nouveau domaine de responsabilité pénale a dès lors été conçu de façon pragmatique en droit pénal des affaires ; c'est en effet le moyen imaginé par le législateur pour rendre possible le recouvrement de ces lourdes amendes dont les dirigeants de société ne pouvaient pas toujours s'acquitter176(*).

Toutes ces lois successives montrent bien la volonté du législateur de s'adapter au mieux aux mutations socio économiques qui rythment l'évolution de la société. Cela révèle également que l'Etat a fait le choix délibéré du recours au droit pénal pour veiller à la bonne santé de cet ordre socio économique. A cet égard, certains auteurs dénoncent d'ailleurs ce mouvement de pénalisation comme étant abusif et proposent même des solutions pour opérer une réglementation de la sphère des affaires, sans recourir au droit pénal177(*). Parallèlement à ce mouvement de pénalisation en droit des affaires, s'est récemment dessiné un mouvement inverse de dépénalisation. Certes, ce mouvement de dépénalisation ne contrebalance pas la pénalisation dont le monde des affaires a jusqu'alors fait l'objet, mais il révèle néanmoins la volonté de remettre en cause l'intervention infructueuse du droit répressif en procédant à l'épuration de cette branche du droit pénal grevée de nombreuses dispositions inappliquées.

B - Le récent processus de dépénalisation en droit des affaires.

Avant d'évoquer le domaine du droit des affaires au sein duquel le mouvement de dépénalisation s'est montré le plus important (le droit des sociétés), il faut évoquer le cas particulier des procédures collectives qui ont elles aussi bénéficié d'une dépénalisation relativement importante.

Tout d'abord, l'ordonnance du 23 novembre 1958 correctionnalisa la forme la plus grave de la banqueroute : la banqueroute frauduleuse qui était jusqu'alors punie de peines criminelles. Le droit de la faillite sera ensuite profondément réformé par la loi du 13 juillet 1967, pour enfin subir un important mouvement de dépénalisation avec la loi du 25 janvier 1985. Cette loi a eu pour but la suppression d'incriminations alors considérées comme désuètes. Des multiples cas de banqueroute et de délits assimilés, la loi de 1985 en a retenu seulement quatre, qui correspondent aux faits les plus graves. Ainsi, cette loi se caractérise d'une part, par un certain nombre de décriminalisations, et d'autre part, par un mouvement de dépénalisation partielle qui est le fait de la substitution de la faillite personnelle aux peines d'emprisonnement et/ou d'amende antérieurement encourues pour les mêmes faits178(*).

En ce qui concerne le droit des sociétés, le mouvement de dépénalisation est remarquable et procède d'une réaction des praticiens et de la doctrine face à la conception éminemment répressive du droit des sociétés qui ressortait de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. Cette loi accordait une place prépondérante à la sanction pénale en ce que son titre II, exclusivement consacré aux « dispositions pénales », comptait plus de soixante dix articles qui définissaient souvent plusieurs infractions. A cet égard, la doctrine n'a même pas réussi à s'accorder sur le nombre d'infractions contenues dans la loi de 1966 : variant entre « environ 126 »179(*) et « environ  200 »180(*). Un décret n° 67-236 du 23 mars 1967, complétant la loi de 1966 avait confirmé cette orientation du droit des sociétés en prévoyant de nombreuses contraventions. Cette présence presque permanente de la peine a bien sûr posé la question de sa pertinence. Les commentateurs n'ont jamais cessé de contester l'utilité d'un recours aussi abondant au droit pénal pour sanctionner des actes consistant souvent dans l'inobservation d'une obligation professionnelle. Il en a résulté le projet d'opérer une dépénalisation du droit des sociétés sous la pression des milieux d'affaires et avec l'assentiment de la doctrine. Les partisans d'une « dépénalisation massive » du droit des sociétés se sont tous alliés derrière un rapport au Premier ministre181(*), qui préconisait non seulement la suppression de toutes les infractions non intentionnelles, mais aussi une rédaction plus restrictive des infractions intentionnelles. Ces recommandations étaient vraisemblablement bien trop excessives car elles prônaient une dépénalisation massive qui n'épargnait pas les délits-phares d'abus de biens sociaux par le biais d'une redéfinition restrictive de leur incrimination. Ce ne fut pas l'ambition de la dépénalisation à laquelle la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE), a procédé.

La loi NRE a en effet opéré une dépénalisation en droit des sociétés, mais cette dernière s'avère bien plus modeste et moins spectaculaire que celle qui avait été préconisée par le rapport MARINI. Elle a en effet porté sur des délits qui avaient été peu, sinon jamais appliqués. Il n'empêche qu'elle a supprimé vingt délits182(*), ce qui lui donne une portée indiscutable, nonobstant la faiblesse de leur mise en oeuvre antérieure. La loi NRE de 2001 a tiré les conséquences du constat que la sanction pénale s'est avérée un moyen inefficace pour contraindre les dirigeants à exécuter un certain nombre des obligations de faire auxquels ils sont astreints. La loi leur a ainsi substitué des « référés injonctions » par lesquels les actionnaires ou associés peuvent demander au président du tribunal de commerce d'imposer aux dirigeants qu'ils exécutent leurs obligations au moyen d'une astreinte ou par la désignation d'un mandataire chargé de procéder à la communication (art 122 et 123 de la loi NRE). La sanction pénale a également été supprimée dans les cas où le droit pénal commun prévoit des infractions qui s'appliquent aux faits qui en font l'objet. C'est le cas des délits punissant des fraudes dans la constitution des sociétés anonymes qui ont été supprimés, parce qu'ils visent des faits qui relèvent sans aucune difficulté des délits de faux ou d'escroquerie : ces suppressions, parce qu'elles n'enlèvent en rien le caractère punissable des pratiques qu'elles sanctionnaient jusqu'alors, ne constituent pas de réelles décriminalisations stricto sensu. Même si elle a peu de conséquences répressives, la dépénalisation opérée par la loi NRE constitue un moment important de l'évolution du droit pénal des sociétés, en ce qu'elle procède d'une nouvelle conception de la place de la sanction pénale en droit des sociétés commerciales. Cette nouvelle conception se veut utilitariste , c'est ce qui explique la suppression de la sanction pénale lorsqu'elle est manifestement incapable de parvenir à l'effet pour lequel elle avait été prévue, ou encore lorsqu' elle s'avère constituer un doublon dénué d'utilité au regard de l'existence de délits de droit commun. Cette première dépénalisation opérée en 2001 constitue la première manifestation législative de l'abandon d'un recours systématique à la sanction pénale comme support des obligations imposées aux dirigeants de société commerciale.

Ce mouvement de dépénalisation a eu une postérité en 2003 et 2004, par le biais de lois et d'ordonnances. Ce sont en effet deux lois du 1er août 2003183(*) et deux ordonnances du 25 mars 2004184(*) et du 24 juin 2004185(*) qui ont poursuivi la rationalisation du droit pénal des sociétés commerciales entamée avec la loi NRE du 15 mai 2001. Ces quatre lois et ordonnances abrogent des incriminations qui étaient parfaitement inappliquées ou qui faisaient double emploi avec des textes du Code pénal mieux adaptés. Ces lois et ordonnances de 2003 et 2004 opèrent en effet une dépénalisation de certaines infractions, la plupart du temps formelles, qui concernaient, soit les règles relatives au capital, soit les règles relatives au fonctionnement des organes de décision, soit la protection des obligataires et des actionnaires prioritaires sans droit de vote186(*). Ces diverses décriminalisations, lorsqu'elles ne concernent pas des infractions spécifiques constituant des doublons au regard du droit pénal classique, s'accompagnent de l'instauration d'injonctions judiciaires ou encore de nullité des actes dont la forme n'a pas été respectée.

Toute cette évolution récente en droit des sociétés commerciales traduit un net reflux du droit pénal au profit du droit civil, qui, dans une optique purement pragmatique, a été préféré au symbole que constitue le recours à l'arme pénale jugée quant à elle inefficace, voire superfétatoire dans certains cas. Le droit pénal se voit ainsi rationalisé, et le contrôle du fonctionnement des sociétés commerciales optimisé par des mesures plus adaptées aux enjeux en cause. Cette évolution dépénalisatrice s'avère salutaire et a certainement vocation à prendre de l'ampleur à l'avenir dans le contexte libéral qui est le nôtre et qui ne cesse de s'imposer comme étant « le » modèle de société moderne, voire « post-moderne »

§ 2- Le recours au droit pénal pour cadrer les évolutions techniques.

Depuis les années 70, les progrès techniques se sont montrés particulièrement importants et cette évolution a vu l'émergence d'un nouveau type de criminalité qui suscite l'inquiétude des pouvoirs publics dont la crainte est de ne pas pouvoir maîtriser ces nouvelles formes de déviance. La pénalisation a donc été le vecteur de la mise en place d'un cadre aux évolutions techniques en matière d'éthique biomédicale (A) et d'informatique (B).

A - Le mouvement de pénalisation caractérisée en matière d'éthique biomédicale.

« Vu de l'an 2000, un des phénomènes historiques dont on ne mesure pas encore toute l'importance tient dans les formidables avancées récentes des sciences biologiques et médicales. Cela constitue assurément un bienfait pour l'humanité à cause des multiples améliorations que cela apporte pour la vie, la santé, la génération...Mais c'est aussi un grand sujet d'inquiétude en raison des risques vertigineux que cela engendre : de plus en plus, le scientifique dispose de la vie humaine, le crée, la façonne, l'altère...187(*) ». C'est cette inquiétude et les enjeux qu'elle implique nécessairement qui ont conduit le législateur à opter le recours au droit pénal pour encadrer les évolutions techniques pour le moins exponentielles en matière biomédicale.

Ce choix législatif de l'arme pénale pour faire barrage aux excès ou abus des progrès des sciences biomédicales ne date pas de 1994, mais a au contraire été précédé d'une initiative certes plus discrète, mais qui marque cependant le début de la pénalisation caractérisée dans ce domaine et ainsi l'émergence de la répression d'une nouvelle forme de criminalité : la criminalité « en blouse blanche ». En effet, la première loi « bioéthique » en France est la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales. Elle s'est efforcée d'encadrer les expérimentations sur la personne humaine en imposant des conditions qu'elle assortit pour certaines de sanctions pénales188(*). La pénalisation en matière d'éthique biomédicale se poursuit ensuite avec les lois n° 94-653 et 94-654 du 29 juillet 1994189(*) qui marquent quant à elle la volonté ostensible des pouvoirs publics de stigmatiser les comportements qu'elle dénonce en brandissant la menace massive de sanctions pénales. Avec cette législation de 1994, c'est en effet tout un champ nouveau d'incriminations qui s'ouvre, un chapitre nouveau du droit pénal qui s'écrit. Au prétexte qu'il s'agit de problèmes techniques entièrement nouveaux bien qu'ils touchent à l'éternelle question de la vie, le législateur préfère, au lieu de s'en remettre au droit pénal existant, créer de multiples infractions particulières qui tendent à proscrire les violations éventuelles des règles de bioéthique qu'il vient de consacrer juridiquement.

La loi du 29 juillet 1994 a créé une division spéciale dans le Code pénal pour y introduire plusieurs dizaines d'infractions nouvelles en matière d'éthique biomédicale qu'elle répartit en trois sections consacrées successivement à la protection de l'espèce humaine, du corps humain et de l'embryon humain.

Au titre de la protection de l'espèce humaine, elle incrimine tout d'abord « le fait de mettre en oeuvre une pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes », qui constitue alors (en 1994) le seul crime en matière d'éthique biomédicale (art.511-1 CP). Il s'agit de ce que l'on nomme couramment les manipulations génétiques dans un but d'amélioration de la « race » (circulaire du 19 janvier 1995) si redoutées qu'il est apparu nécessaire qu'une incrimination particulièrement préventive soit créée, car consommée même en l'absence de résultat.

Au titre de la protection du corps humain, sont alors pénalisés les prélèvements illicites d'organes (art.511-2 et 511-3), de tissus, cellules ou produits (art.511-4, 511-5) et de gamètes (art.511-6 et 511-9). Il y a illicéité en l'absence de consentement de la personne concernée (art.511-3, 511-5, 511-6), en cas de trafic contre paiement (art.511-2, 511-4, 511-9), en cas de violation du principe de l'anonymat (art.511-10, 511-13) ou des règles d'autorisation administrative et de sécurité sanitaire (art.511-7, 511-8, 511-8-1, 511-8-2, 511-11, 511-12, 511-14). Ces différents délits sont punissables à hauteur de 7 ans d'emprisonnement (art.511-2 et 511-3) ou de 5 ans (art.511-4, 511-5, 511-6, ; 511-9) et de 2 ans pour les autres.

Au titre de la protection de l'embryon humain, sont visés comme les plus graves et passibles de 7 ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende : le trafic d'embryons (art.511-15), le don illicite d'embryons (art.511-16), la production et l'utilisation d'embryons à des fins industrielles ou commerciales (art.511-17), la production à des fins expérimentales (art.511-18) et l'expérimentation sur embryons (art.511-19). Le détournement d'assistance médicale à la procréation est quant à lui passible de 5 ans d'emprisonnement (art.511-24). Les autres délits de cette section sont quant à eux sanctionnés de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. Il existe en outre d'autres infractions en matière d'éthique biomédicale, qui, bien que ne figurant pas au livre V du Code pénal, sont issues de la même législation de 1994 ou bien d'une autre de semblable inspiration190(*)

Au terme de ce rapide panorama de la législation en matière d'éthique biomédicale telle qu'elle résulte de la loi du 29 juillet 1994, plusieurs remarques sont nécessaires pour évaluer la substantifique teneur de ces dispositions. Tout d'abord, le système répressif ainsi mis en place se révèle particulièrement sévère, la grande masse des délits en matière d'éthique biomédicale étant punis soit de 7 ans d'emprisonnement (et 100 000 € d'amende), soit de 5 ans d'emprisonnement (et 75 000 € d'amende). Le législateur en édictant de telles peines a nettement voulu tabler sur les vertus dissuasives attachées traditionnellement au droit répressif. Ensuite, le principal reproche que l'on pourrait adresser à cette législation, est que les incriminations qui la composent, sont particulièrement défectueuses. Cet écueil se manifeste d'une part, par le fait que trop souvent, « le législateur utilise des termes techniques et savants sans même les définir ou des termes très peu précis qui ne peuvent que mettre le pénaliste chargé de leur application dans le plus grand embarras »191(*). Il est d'autre part regrettable que le législateur abuse de la technique d'incrimination par renvoi. Dans ce cas, les difficultés de lecture rendent le texte pénal en lui même souvent très obscur, voire même parfois incompréhensible : ce sont les textes de renvoi figurant dans le CSP qui lui donnent sa véritable signification.

Cette loi du 29 juillet 1994 apparaît donc défectueuse dans sa rédaction, ce qui est un facteur indéniable de paralysie de la répression et d'ineffectivité du système dans sa globalité. C'est ainsi que pour des impératifs de qualité de la loi, tant au niveau rédactionnel, qu'au niveau de son adéquation à la réalité des progrès scientifiques du moment, le législateur s'est fixé l'objectif de revoir le texte dans un délai maximum de cinq ans. Cependant, cette promesse n'a pu être tenue et il faudra finalement attendre la loi du 6 août 2004192(*) pour que cette législation soit revue. Malheureusement, la nouvelle loi relative à la bioéthique, souffre des mêmes maux que la première : les incriminations, qu'elles soient nouvelles ou simplement revues dans leur rédaction, se trouvent toujours grevées de termes techniques difficilement accessibles aux juristes et de renvois récurrents. Néanmoins, quelques innovations symboliques sont à signaler. La loi du 6 août 2004 a en effet pris le parti de stigmatiser un peu plus les atteintes aux règles en matière d'éthique biomédicale, en créant au sein du Livre II du Code pénal (relatif aux crimes et délits contre les personnes), un titre II intitulé crimes contre l'espèce humaine, juste après le titre I consacré au crimes contre l'humanité. Ce titre II comporte deux infractions : le crime d'eugénisme et celui de clonage reproductif auxquels sont attachées des peines identiques193(*). Ce titre II aux vertus hautement symboliques se distingue donc tout d'abord par la criminalisation du clonage reproductif qui figure à l'article 214-2. Ensuite, les pratiques eugéniques sont sorties du Livre V194(*), véritable partie fourre-tout du code dans laquelle on trouvait même les infractions contre les animaux, pour figurer désormais à l'article 214-1. Ce crime a également fait l'objet d'une pénalisation particulière à l'occasion de la nouvelle loi puisque la répression au titre de ce comportement passe de 20 ans, à 30 ans de réclusion criminelle et 7 500 000 € d'amende pour les personnes physiques. Ces dernières encourent même la réclusion criminelle à perpétuité lorsque ces crimes (eugénisme ou clonage reproductif) sont commis en bande organisée (art.214-3), ou lorsqu'il s'agit de la participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation de l'un de ces crimes (art.214-4). Outre les innovations relatives aux crimes contre l'espèce humaine, cette nouvelle loi se caractérise par une notable accentuation de la répression puisqu'on observe d'une part, la criminalisation de certains comportements195(*) et d'autre part, l'aggravation des peines attachées à des infractions issues de la législation de 1994196(*).

Cette loi du 6 août 2004 ne bouleverse donc pas le système mis en place en 1994, elle s'inscrit au contraire dans la volonté de stigmatiser encore un peu plus les éventuelles violations de l'éthique biomédicale consacrées juridiquement. Pour ce faire, elle crée de nouvelles incriminations pour suivre l'évolution des progrès, elle accentue la répression des infractions déjà existantes, et surtout, elle crée la catégorie des crimes contre l'espèce humaine placés au sein du Livre II juste après les crimes contre l'humanité, tout un symbole... Les lois du 29 juillet 1994, à cause de leur défectuosité paralysante, n'avaient donné lieu à aucune application jurisprudentielle. Dès lors, il apparaît déplorable que la loi nouvelle n'améliore pas la qualité du système de répression en la matière, de sorte que ce dernier a vocation à demeurer dans le registre du symbole, faute d'être appliqué et donc d'être efficace.

B - La création d'un droit pénal de l'informatique

La plupart des grandes découvertes technologiques ont engendré, à côté des progrès économiques, sociaux et culturels qui en sont la finalité sociale, des retombées négatives diverses, parmi lesquelles figurent au premier chef la délinquance. L'informatique ne fait pas exception à cette sorte de loi sociologique de développement des sociétés industrielles et on peut même dire qu'elle en constitue une illustration particulièrement suggestive et amplifiée. L'invention de l'informatique et son développement fulgurant au cours des quarante dernières années ont en effet engendré une « délinquance informatique » qui n'a cessé de se multiplier.

Ainsi, au début des années 1980, la répression des délits informatiques apparaît « parcellaire »197(*), dépassée par l'évolution technique qui se montre exponentielle en la matière, la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, les fichiers et les libertés n'ayant créé des délits spéciaux qu'en matière d'atteinte informatique aux personnes. Les atteintes aux biens ne peuvent alors ressortir que des incriminations traditionnelles, vol, escroquerie, abus de confiance notamment.

C'est face à cet accroissement spectaculaire d'une forme de délinquance à la fois spécifique et complexe que le législateur, après avoir tenté de contenir cette nouvelle forme de déviance par le biais des incriminations traditionnelles198(*), a consacré l'émergence d'un véritable droit pénal de l'informatique. Il faut avouer que ce nouveau dispositif autonome était très attendu et s'est vite avéré nécessaire pour les professionnels, car bien que le droit pénal traditionnel permît déjà de sanctionner des fraudes informatiques, de nombreux agissements malveillants restaient impunis : vol de données, vol de temps machine, la falsification et la modification de données ou de programmes ainsi que leur destruction, etc.

La loi du 5 janvier 1988 relative à la fraude informatique199(*) ajoute un nouveau Chapitre au Code pénal intitulé « de certaines infractions en matière informatique ». Quatre catégories d'incriminations d'atteintes aux biens se dégagent de cette loi de 1988200(*) et viennent compléter les atteintes informatiques aux personnes issues de la loi de 1978 : l'accès frauduleux (art.462-2 ACP), les atteintes portées au bon fonctionnement du système (art.462-3 ACP), les atteintes à l'intégrité physique et à l'authenticité des données (art.462-4 ACP), et enfin, outre la falsification de documents informatisés (art.462-5 ACP) qui constitue une infraction autonome, l'utilisation d'un « faux informatique » (art.462-6 ACP)201(*). La répression de la tentative des délits cités est également prévue par la loi du 5 janvier 1988 (art.462-7 ACP) et est punie des mêmes peines que le délit lui-même.

Depuis, la répression des infractions commises par le biais de l'outil informatique a beaucoup progressé et ce, dans plusieurs domaines. Cette avancée du mouvement de pénalisation en matière de délinquance informatique est le fait d'une part, de la création de circonstances aggravantes permettant d'appréhender ce modus operandi spécifique, et d'autre part, de l'accentuation de la répression des incriminations qui résultent de la loi de 1988 sur la fraude informatique.

Tout d'abord, la répression des infractions de droit commun commises à l'aide de, ou exclusivement sur, les réseaux numériques, à l'instar de la diffusion de contenus illicites, relève de l'application de la loi pénale générale bien que certaines incriminations aient fait l'objet d'adaptations aux spécificités des réseaux numériques. Ainsi, constitue une circonstance aggravante, le fait de commettre le délit de proxénétisme « grâce à l'utilisation, pour la diffusion de message à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications »202(*). Dans une approche similaire, l'article 227-3 CP, qui punit de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation à caractère pornographique d'un mineur, porte les peines à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende lorsqu'un réseau de télécommunication a été utilisé pour la diffusion de ces images à destination d'un public non déterminé. En matière de délinquance économique et financière, la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne a inséré un article L 163-4-1 nouveau dans le code monétaire et financier qui punit de 7 ans d'emprisonnement et de 750 000 € d'amende le fait, « de fabriquer, de détenir, d'offrir ou de mettre à disposition des équipements, instruments, programmes informatiques ou toutes données conçus ou spécialement adaptés » pour commettre des délits de contrefaçon ou de falsification de cartes de paiement.

Ensuite, les infractions spécifiques contre les biens sont envisagées dans le nouveau Code pénal, au sein au sein du Chapitre III du Titre II du Livre troisième (art.323-1 à 323-7 CP). Ces infractions ont toutes fait l'objet d'une accentuation de la répression par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004. Ainsi, l'accès frauduleux (art.462-2 ACP, art.323-1 CP) est désormais passible de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende contre 1 an et 15 000 € antérieurement à la loi de 2004. De plus, la répression des délits d'entrave au bon fonctionnement du système (art.462-3 ACP, art.323-2 CP) et d'atteinte à l'intégrité et à l'authenticité des données (art.462-4 ACP, art.323-3) passe de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende à 5 ans et 75 000 €, la tentative de ces délits étant toujours punissable au titre de l'article 323-7 CP. En outre, la loi du 21 juin 2004 a introduit un article 323-1-1 qui réprime spécifiquement la fourniture de moyens dans le dessein de commettre les infractions citées supra.

Enfin, s'agissant des crimes et des délits contre les personnes, le Chapitre IV du Titre II du Livre II du Code pénal comprend une Section V relative aux atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques (art.226-16 à 226-24). Ainsi, à titre d'exemple, l'article 226-18 CP punit de 5 ans d'emprisonnement et de 300 000 € d'amende le fait de collecter des données par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite, ou de procéder à un traitement d'informations nominatives concernant une personne physique malgré son opposition.

En tout état de cause, la délinquance informatique, et en particulier celle qui s'inscrit dans l'utilisation de réseaux de télécommunication , reste une délinquance difficilement maîtrisable, car difficile à évaluer et donc malaisée à déceler à cause de l'ampleur de ces réseaux. Ce qui est certain, c'est que la délinquance informatique en général est une délinquance qui a vocation à croître au fil du temps, à cause de l'avance qu'elle prend régulièrement sur le droit : elle innove et le droit pénal s'adapte tant bien que mal. C'est la contingence du droit au progrès qui est ici vraisemblablement un facteur déterminant de l'évolution de cette nouvelle forme de transgression des règles sociales établies.

Après avoir été guidé par la qualité de l'auteur ou de la victime et par la nécessité d'adapter le droit aux évolutions qu'a pu connaître notre société, le double mouvement de pénalisation, dépénalisation s'est vu confronté à l'encombrement du système pénal (Partie III).

Partie III - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation face à l'encombrement du système pénal.

Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation fait preuve de paradoxe dans son évolution : d'un côté ; le législateur entreprend de dépénaliser certains domaines afin d'optimiser le fonctionnement du système pénal (Section I)et de l'autre, il encombre ce dernier par de véritables politiques publiques de pénalisation (Section II) qui d'une part, n'apportent souvent aucune amélioration à la répression des comportements visés, et d'autre part, nuisent à la lisibilité du droit répressif. Ce paradoxe met en exergue l'absence de cohérence de l'action du législateur à long terme : il s'agit plus d'une accumulation d'interventions ponctuelles, que d'une politique criminelle globale.

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Section I - La logique pragmatique du processus de dépénalisation au service de l'économie du système pénal.

Certaines entreprises de dépénalisation ont pour point commun leur pragmatisme : elles ont toutes été le fruit du constat que le fonctionnement et même l'efficacité du système pénal est dans une large mesure contingente des contentieux qu'il a vocation à traiter. Ainsi, afin de faire face à certains contentieux dits de « masse », le législateur a entrepris des « campagnes » de décriminalisation et de dépénalisation (de droit)(§1), voire de dépénalisation de fait (§2) pour éviter l'asphyxie du système pénal du fait de l'importance quantitative de ces contentieux.

§ 1 - Dépénalisation et décriminalisation au service de l'économie du système pénal.

L'économie du système pénal est une préoccupation perpétuelle du législateur. C'est dans l'optique de désencombrer les tribunaux correctionnels qu'un mouvement de dépénalisation a été initié en matière de circulation routière (A) et d'émission de chèques sans provision (B).

A - Le mouvement de dépénalisation en matière de circulation routière dans les années 1980.

Au cours des années 1980, dans le domaine de la circulation routière, ne se manifeste aucune volonté délibérée de dépénalisation, tout au moins entendu au sens commun d'abandon des poursuites. Ceci est renforcé par le fait qu'à cette période, de nouvelles infractions apparaissent203(*) et la répression de certains comportements s'aggrave204(*). Néanmoins, se dessine une certaine forme de dépénalisation en la matière, conséquence inéluctable de l'importance du contentieux auquel il apparaît impossible de faire face sans nuire à la lutte contre d'autres types de délinquance. Le droit de la sécurité routière n'échappe pas au reflux du droit pénal motivé par l'impossible emprise du droit sur le fait. « Les termes numériques du problème condamnent en fait l'idéal que seraient la personnalisation et l'individualisation de l'action répressive»205(*).

Le mouvement de dépénalisation de certaines infractions routières s'est traduit d'une part, par une importante vague de contraventionnalisations et d'autre part, par les implications des procédures utilisées afin de ne pas entraîner un encombrement des tribunaux de police suite à cette contraventionnalisation massive.

Ce mouvement de dépénalisation se caractérise donc tout d'abord par un certain nombre de contraventionnalisations. Le mouvement n'est pas nouveau dans les années 1980, mais il semble accéléré. Par exemple, c'est l'encombrement des tribunaux répressifs par les affaires d'accident de la circulation routière qui a motivé le législateur, dès 1958, à disqualifier en simple contraventions les blessures par imprudence n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois. Une contraventionnalisation massive a ensuite été réalisée par la loi du 30 décembre 1985 et des décrets postérieurs : de nombreux articles de la partie législative du Code de la route ont été transférés dans la partie réglementaire dans le but clairement affirmé de décharger les tribunaux correctionnels de bon nombre d'infractions routières et notamment de celles qu'on appelait les délits papiers. Cette vague de contraventionnalisations a transformé en contraventions, le défaut d'autorisation ou de pièces administratives exigées pour la circulation des véhicules, l'usage d'autorisations ou de pièces administratives périmées ou annulées, le défaut de permis de conduire (sauf récidive), le défaut d'assurance, voire les infractions à la réglementation relative aux barrières de dégel et au passage sur les ponts. La plupart de ces infractions sont devenues des contraventions de 4e classe, les autres (défaut de permis, défaut d'assurance et infractions aux barrières de dégel et au passage sur les ponts) des contraventions de 5e classe. La partie législative du Code de la route s'est ainsi appauvrie afin d'opérer un recentrage de la répression sur les délits subsistants ; les tribunaux correctionnels ont ainsi pu se focaliser sur les principales atteintes involontaires à la vie humaine ou sur des délits obstacles comme la conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou encore le délit de fuite.

Cette dépénalisation en matière d'infractions routières se décline ensuite à travers les implications des procédures utilisées pour faire face à cette contraventionnalisation massive. Le législateur n'a pas souhaité encombrer d'avantage les tribunaux de police avec le mouvement de contraventionnalisation auquel il s'est livré pour décharger les tribunaux correctionnels. Ainsi, les contraventions de 5e classe et certaines contraventions de classe inférieure mais punissables d'emprisonnement ou de suspension de permis de conduire, relèvent de la procédure ordinaire (citation directe) ou de la procédure simplifiée dite de l'ordonnance pénale. A ce sujet, toujours afin de pouvoir traiter le plus d'infractions possibles sans encombrer les tribunaux de police, le Garde des Sceaux recommande de procéder par la voie d'ordonnance pénale lorsque ni l'emprisonnement, ni aucune peine complémentaire n'apparaissent nécessaires. « Et l'on constate que cette procédure simplifiée est en pratique très utilisée, ce qui aboutit à faire perdre à la loi une partie de sa force, puisque, par cette procédure, les peines encourues d'emprisonnement ou de suspension de permis de conduire ne peuvent être prononcées »206(*). Les autres contraventions207(*) sont alors soumises à l'amende forfaitaire. Ainsi, pour permettre l'application de l'amende forfaitaire et donc optimiser les capacités du système pénal en matière de traitement simplifié du contentieux contraventionnel, certaines contraventions, sans changer de classe, ne sont plus punissables de l'emprisonnement208(*) depuis le décret du 18 septembre 1986. Toujours dans le but de pouvoir recourir à l'amende forfaitaire, la répression d'un certain nombre de récidives a été abandonnée209(*).

B - La décriminalisation de l'émission de chèques sans provision.

Le chèque a été introduit en France au cours du Second Empire et a très vite donné lieu à des débordements sources de préjudices financiers pour un nombre de victimes sans cesse en augmentation. La constatation du caractère préjudiciable des pratiques de certains débiteurs négligents, va conduire à une pénalisation toujours plus forte et envahissante en matière de chèque. En matière de chèques sans provision, une loi du 14 juin 1865 criminalise l'émission d'un chèque sans date et l'émission d'un chèque sans provision pour pallier l'impossibilité de réprimer ses pratiques frauduleuses au titre de l'escroquerie (art. 405 ACP) : à compter de cette loi, ces deux comportements constituent des délits. Par la suite, le décret-loi du 30 octobre 1935 reprendra toutes les incriminations élaborées en matière de chèque et créera le délit d'acceptation de mauvaise foi d'un chèque sans provision.

Paradoxalement, c'est la prise de conscience du nombre de pratiques irrégulières en matière de chèques qui va motiver la pénalisation comme la dépénalisation initiée par la suite via de différentes réformes successives. En effet, devant la multiplication des chèques sans provision, s'ouvre « la phase de reflux du droit pénal »210(*). Les chiffres des émissions sans provision ont considérablement augmentés et, corrélativement, celui des condamnations pénales pour défaut de provision : 5 600 en 1950, 10 420 en 1960, 19 187 en 1965 et 22 567 en 1966. On peut dire que l'explosion de ce contentieux date des années 60. Certes, le nombre de condamnations a fortement augmenté, mais ce nombre reste bien inférieur à la prolifération des chèques sans provision, et ce, à cause de l'encombrement sans précédent des parquets et des tribunaux correctionnels, véritablement submergés sous l'importance de ce contentieux de masse. Cet encombrement a été à l'origine d'une première phase de reflux du droit pénal, celle de la dépénalisation de fait de l'émission de chèques sans provision puisque seulement 8% des infractions étaient réprimées. Cette « impunité quasi-totale » et « cette disparité inadmissible de la répression » furent jugées « incompatibles avec la dignité de la justice »211(*). Une réforme substantielle du droit existant s'est alors avérée indispensable.

Une première réforme fut mise au point par la loi du 3 janvier 1972 dont l'application partielle212(*) sur le plan pénal, se solda par un échec. Cette loi a tout d'abord contraventionnalisé l'émission des chèques sans provision d'une valeur inférieur à 1000F (contravention de 5e classe213(*)), tout en gardant la qualification délictuelle pour les chèques d'une valeur égale ou supérieure à 1000F214(*). On espérait ainsi diminuer l'embouteillage des juridictions pénales, la régularisation instituée à cette occasion devant entraîner la disparition d'une infraction sur trois ; mais il est apparu que l'application totale de la loi eût conduit à multiplier par sept le nombre des poursuites pénales, et que les tribunaux pourraient y faire face encore moins facilement que par le passé.

Face à cet échec, la loi du 3 janvier 1975 a eu pour objectif d'amender substantiellement le droit tel qu'il résultait de la loi du 3 janvier 1972 et a opéré une dépénalisation encore un peu plus poussée de l'émission de chèques sans provisions. Elle n'a pas décriminalisé l'émission de chèques sans provisions, puisqu'elle a pris le parti de garder la délit qui y est attaché ; néanmoins, celui-ci est compris comme devant être rare, étant donné qu' « il sera seulement celui de l'escroc confirmé »215(*). La loi de 1975 non seulement, ne fait plus état de l'exigence de « mauvaise foi », abandonnée par la loi de 1972, mais elle abandonne également l'emploi de l'adverbe ambigu « frauduleusement », qui avait eu la préférence du législateur de 1972. Le délit d'émission sans provision qui subsiste, est celui du tireur qui émet un chèque sans provision dans l'intention de porter atteinte aux droits d'autrui, L'intention devant être clairement caractérisée, le délit d'émission de chèque sans provision a ainsi vu son champ d'application considérablement réduit par cette loi de 1975. Cette initiative législative de 1975 n'a cependant pas enrayé l'augmentation du nombre de chèques sans provision : ainsi, en 1986, on déplorait presque neuf millions de chèques sans provision, ce chiffre dépassant même les douze millions en 1990216(*).

Ce processus de dépénalisation entamé depuis de nombreuses années déjà, aura pour terme la loi n° 91-1382 du 30 décembre 1991 relative à la sécurité des chèques et des cartes de paiement ( elle même quelque peu modifiée par une loi du 16 juillet 1992). La loi de 1991 décriminalise l'infraction d'émission de chèque sans provision, mais conformément au droit commun, certaines hypothèses d'émission sans provision demeurent punissables au titre de l'escroquerie217(*). En tout état de cause, l'émission de chèque sans provision ne constitue plus une infraction spécifique. La France rejoint ainsi les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne où l'émission sans provision n'est pas d'avantage un délit spécifique.

Désormais, le juge pénal n'est plus compétent en matière d'émission de chèques sans provision, hors les cas de récidive après l'interdiction bancaire qui résulte d'une première émission sans provision : cette première émission entraînant une interdiction bancaire d'autres émissions, la violation de cette interdiction reste délictueuse.

En définitive, la rationalisation du droit pénal au profit de sanctions de nature économiques218(*) mieux adaptées à la nature de ce contentieux et donc plus efficaces a permis de considérablement soulager l'activité des tribunaux correctionnels. La décriminalisation de l'émission des chèques sans provision entrée en vigueur en 1992 a en effet réduit de 10 % le volume des affaires poursuivies devant les tribunaux correctionnels en 1992 et 1993, après une période de stabilité de ce volume jusqu'en 1991219(*).

§ 2 - Dépénalisation de fait et développement des alternatives aux poursuites : des instruments de gestion de contentieux de masse.

La gestion des contentieux de masse s'est également opérée grâce à l'émergence et au développement des procédures alternatives aux poursuites. De l'utilisation de ces nouveaux instruments de gestion des contentieux de masse résulte une dépénalisation de fait des infractions qui viennent à être traitées grâce à ces nouvelles procédures. Cette dépénalisation de fait a touché l'usage de cannabis (A) et certaines infractions courantes comme le vol simple (B).

A - La dépénalisation de fait de l'usage de cannabis.

En matière d'usage de stupéfiants, « des solutions locales s'imposent au détriment de l'unité du droit. La tolérance de certaines juridictions dans les grandes villes contraste avec la sévérité de tribunaux de province. L'inertie du législateur conduit le Gouvernement à intervenir par voie de circulaires afin d'harmoniser l'application de la loi et de corriger ses imperfections les plus graves »220(*). Cette politique criminelle se heurte néanmoins à la réticence de certaines juridictions, de sorte que la dépénalisation de fait qui s'est mise en place principalement depuis 1995, apparaît comme une « dépénalisation de fait à géométrie variable ». Cette dépénalisation s'avère néanmoins nécessaire pour la gestion du contentieux de masse que constitue la consommation de stupéfiants et plus particulièrement de cannabis.

Plusieurs périodes se succèdent en matière de politique pénale à l'égard des usagers de stupéfiants.

Cette dépénalisation de fait de l'usage de cannabis, implicitement recommandée par le rapport PELLETIER, est le fait d'une importante circulaire du Ministère de la Justice du 17 mai 1978221(*). La circulaire propose la mise en oeuvre d'une procédure allégée de mise en garde des usagers de chanvres indiens. Si cette procédure allégée est proposée, c'est en raison du caractère particulier du produit qu'est le cannabis : la consommation de cannabis ne justifie en effet pas un traitement de désintoxication car elle n'engendre pas de dépendance physique. L'usager visé par la circulaire est un usager récréatif et non un véritable toxicomane, il ne peut donc pas bénéficier de l'option médicale offerte par le législateur. Ainsi, l'usager de « drogue douce » doit pouvoir bénéficier d'un traitement particulier qui n'a pas été envisagé par la loi de 1970, qui, si elle lui était appliquée avec rigueur, le conduirait systématiquement vers une sanction pénale, puisqu'il ne peut pas être orienté vers une traitement médical, à l'image de l'héroïnomane par exemple. La circulaire de 1978 s'efforce ainsi de corriger cette malfaçon de la loi de 1970 qui conduirait à une flagrante inégalité de traitement entre les toxicomanes. Les parquets sont alors invités à examiner attentivement les cas pour lesquels il lui paraît absolument indispensable d'engager des poursuites. Dans tous les autres cas, il se borne à l'usager une simple mise en garde. A l'égard des usagers de drogues dures, la circulaire privilégie l'action sanitaire en suggérant de multiplier les injonctions thérapeutiques. Cette circulaire sera diversement accueillie par les différentes juridictions et, en 1984, le Gouvernement éprouvera même le besoin de rappeler que la procédure de mise en garde doit être appliquée aux usagers de cannabis.

A partir de 1986, la politique criminelle change complètement. Abandonnant la distinction entre drogues dures et drogues douces, la circulaire du 12 mai 1987 choisit de distinguer usage occasionnel et usage d'habitude222(*). L'usage occasionnel donne alors lieu à un avertissement par le parquet. Si l'habitude est constatée, les poursuites s'imposent quelle que soit la substance consommée. Cette circulaire très répressive n'aura pas plus d'influence sur la jurisprudence que les précédentes. Le Gouvernement renonce alors à tout objectif d'harmonisation du droit.

La circulaire du 28 avril 1995 admet les poursuites pénales tout en recommandant tout en recommandant de développer le recours à l'injonction thérapeutique223(*). Elle rappelle que les parquets peuvent recourir au classement sans suite avec avertissement pour les usagers de drogues douces. La répression reste alors pour le moins inégalitaire pour ces usagers qui, suivant leur situation géographique, vont bénéficier ou non de la politique libérale qui est consécutive à cette circulaire de 1995.

Le plan triennal de lutte contre les dépendances adopté en 1999 relance la politique publique de lutte contre la drogue. Il constate l'échec des actions précédemment menées en la matière et l'explique par le manque de coordination des acteurs publics. Ce plan préconise alors de rappeler l'interdit pénal et de réaffirmer la priorité donnée au traitement pour que la prohibition soit enfin efficace. En d'autres termes, il s'agit de renouveler sa foi dans la loi de 1970224(*) et de décréter que « logique d'ordre public et de santé publique doivent être indissolublement intégrées »225(*). Dans cette perspective, le plan distingue usage, abus et dépendance. Il recommande de prévenir l'usage en rappelant l'existence de l'interdit pénal, tout en évitant l'incarcération des usagers interpellés par le recours à des mesures de soin incitatives. Cependant, ce manque de coordination, voire de cohérence dans la politique de lutte contre la consommation de stupéfiants en général et plus particulièrement du cannabis ne s'est pourtant pas dissipée comme le montrent les déclarations contradictoires du Garde des Sceaux et du ministre de l'Intérieur. Le Garde des Sceaux affirme que la priorité doit être donnée à l'interpellation des « personnes dont la consommation cause des dommages sanitaires ou sociaux pour elles-mêmes ou pour autrui » et que « les interpellations de simples usagers donneront lieu à des procès verbaux simplifiés ». Le ministre de l'Intérieur considère quant à lui que « cette priorité ne dispense pas, par ailleurs, d'intervenir à propos de la consommation de tous les produits prohibés par la loi, notamment le cannabis ». Néanmoins, malgré ces divergences, le plan triennal a été l'occasion d'améliorer les réponses alternatives apportées au traitement des infractions de consommation de cannabis. D'une part, la procédure d'avertissement reçoit un fondement légal dans le rappel à la loi du procureur de la République (art. 41-1, 1° Code de procédure pénale), et d'autre part, la loi du 23 juin 1999 étend à l'usage de stupéfiants, le domaine de la composition pénale (art. 41-2 Code de procédure pénale). Le Gouvernement, comme le parlement se sont défendus de vouloir dépénaliser l'usage des stupéfiants par le recours à la composition pénale. En réalité, la consécration législative de ces alternatives aux poursuites officialise bien la politique de dépénalisation de fait menée en la matière, certes de manière variable, par les différents parquets, et ce, depuis un certain nombre d'années déjà. Le rappel à la loi et la composition constituent des outils indispensables aux différents parquets pour pouvoir gérer le contentieux de masse que constitue la consommation de stupéfiants en général. Ces procédures ont en effet été consacrées dans une optique purement utilitaire : celle de pouvoir apporter une réponse pénale à des infractions qui représenteraient une réelle menace pour le bon fonctionnement du système pénal si elles ne faisaient pas l'objet d'une procédure dérogatoire simplifiée.

Depuis 2002, la politique criminelle menée en matière de lutte et de prévention contre la consommation de cannabis, a bien intégré ces alternatives aux poursuites. Elles se sont d'ailleurs développées essentiellement à cause de l'explosion de la consommation de cannabis particulièrement chez les jeunes226(*). En effet, ce contentieux qui était déjà considéré comme problématique il y a dix ans à cause de son ampleur, a connu une véritable expansion particulièrement en France. La consommation de cannabis a doublé dans notre pays depuis une décennie. A l'âge de 16 ans, les jeunes Français sont actuellement les premiers consommateurs d'Europe. Chez les jeunes, scolarisés ou non, les chiffres sont préoccupants. 50 % d'entre eux ont expérimenté au moins une fois le cannabis, souvent par curiosité ou par pression de conformité. La plus grande part d'entre eux n'a pas persisté mais 30 % l'ont intégré dans leur comportement habituel à des degrés variables227(*). C'est ce phénomène observé un peu partout en Europe, mais qui prend une dimension particulièrement importante en France, qui a contraint les différents parquets à utiliser de plus en plus les alternatives aux poursuites dont ils disposent. Hormis la composition pénale qui « présente l'intérêt pédagogique d'un retour à la sanction pénale et du refus de toute permissivité »228(*), d'autres alternatives aux poursuites sont également utilisées. Elles peuvent aller du simple rappel à la loi, à l'obligation d'être pris en charge et suivi par les autorités sanitaires et sociales, sur une période plus ou moins longue. Il s'agit ici des mesures de classement avec orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ou de classement sous condition. Le respect des obligations fixées par le parquet conditionne le classement sans suite de la procédure.

Le maintien d'une réponse pénale à l'usage de cannabis apparaît aujourd'hui la préoccupation première de cette politique pénale qui doit composer avec l'explosion de la consommation de cannabis et le soucis de rappeler l'interdit légal qui prend ses sources dans la loi du 31 décembre 1970. Cette loi du 31 décembre 1970, qui malheureusement, n'a jamais connu la reforme pourtant préconisée par bon nombre d'auteurs et de praticiens, paraît ainsi vouée à s'adapter artificiellement (par le biais des procédures alternatives aux poursuites) à l'évolution du contentieux et à celle des mentalités. Cette situation est pour le moins déplorable dans le sens où la loi se montre déconnectée des situations qu'elle a vocation à régir et perd de sa crédibilité. Cette loi de 1970 semble pour le moins dénuée d'efficacité si on se réfère aux répercussions qu'elle a eu en terme de dissuasion et c'est la raison pour laquelle une réforme de cette dernière dans le sens d'une rationalisation de la sanction (et non d'une décriminalisation) destinée aux usagers de cannabis paraît être la meilleure solution. Cette solution qui pourrait par exemple se caractériser par une contraventionnalisation, serait bénéfique tant au niveau de la légitimité de la règle, qu'au niveau des garanties apportées aux justiciables qui, dans la situation qui est la nôtre, dépendent plus des différentes politiques pénales locales que d'une réelle politique criminelle unique en la matière. Une refonte de l'incrimination d'usage (L.3421-1 CSP) s'inscrirait ainsi dans un mouvement d'accentuation de la sécurité juridique qui se trouve mise à mal par la déresponsabilisation de l'Etat au profit des magistrats avec le développement des procédures alternatives aux poursuites. Cette réforme pourrait aussi restaurer une relative confiance et un consensus minimum des usagers envers la règle de droit. Enfin, une telle évolution du droit mettrait fin au développement d'une politique hypocrite de dépénalisation de fait qui ne fait que masquer les imperfections de la loi de 1970.

Une telle réforme a d'ailleurs été discutée au Sénat le 21 juin 2004, consécutivement à une nouvelle proposition de loi. Cette proposition de loi préconise une dépénalisation de l'usage de stupéfiants par la contraventionnalisation de l'usage occasionnel et la consécration des alternatives aux poursuites déjà pratiquées dans ce domaine. En effet, les premières interpellations pour usage simple ne seraient plus un délit mais feraient l'objet d'une contravention de la 5ème classe. L'interpellation d'un usager de stupéfiant par la police ferait alors l'objet d'un procès verbal transmis au procureur, lequel disposerait d'une large palette de moyens pour mettre en place une réponse de sanction- prévention adaptée. Après deux contraventions pour usage de stupéfiant en moins de 24 mois, toute nouvelle infraction du même chef constituerait un délit passible du Tribunal Correctionnel qui pourrait prononcer, soit une injonction de soins en alternative aux poursuites, soit une amende (de 1 à 1500€), et/ou une ou plusieurs peines complémentaires contenues dans les articles 131-16 et 131-17 du Code pénal, et/ou le placement, sur avis médical, dans un Centre agréé spécialisé dans le traitement de la toxicomanie.« Le système ainsi mis en place ne réduirait pas la lutte contre la toxicomanie à la simple perception d'espèces par voie d'amende. Par l'éventail des solutions offertes au juge, il appréhenderait la dimension humaine du problème de la drogue et permettrait que la nouvelle loi soit appliquée systématiquement et rapidement. Rien ne serait pire que remplacer une loi inappliquée par une loi inapplicable »229(*). Malheureusement, un an après, cette proposition de loi n'a toujours pas été adoptée et paraît même ne plus être à l'ordre du jour. Le législateur ne semble pas encore tout à fait prêt à modifier la législation de 1970, malgré l'inapplication caractérisée de celle-ci et les inégalités qui en découlent nécessairement.

B- La dépénalisation de fait d'infractions courantes : l'exemple du vol simple230(*).

La petite délinquance et notamment le vol simple (art.311-1 CP) occupe une place prédominante dans les faits constatés par les services de police et de gendarmerie : les vols simples constituent près de 45% des faits constatés en 2001. Cette infraction recouvre l'ensemble des soustractions frauduleuses sans violences telle que les vols de véhicules, les vols à l'étalage chez les commerçants ou les vols sans violence sur la voie publique. Le nombre de vols simples constatés par la police et la gendarmerie a augmenté de 6% entre 1991 et 2001231(*). Cette infraction représente d'ailleurs encore près des trois quarts de l'ensemble des infractions de vol et recel constatés par la police au cours d'une année.

D'un point de vue judiciaire, le traitement de cette infraction a subi d'énormes transformations au cours des dix dernières années et ce, au service de l'économie du système pénal, qui, s'il avait pour objectif d'apporter une réponse traditionnelle à tout ces faits de petite délinquance, risquerait de défaillir confronté à ce contentieux de masse. C'est donc pour sauver le système pénal d'une véritable apoplexie, que le vol simple a fait l'objet d'une véritable dépénalisation de fait, par une opération de tri des affaires poursuivies entre classement sans suite, procédures alternatives aux poursuites et poursuites à proprement parler.

Une étude réalisée récemment portant sur l'activité des parquets des sept principales juridictions d'Ile-de-France232(*) (représentant 20% de l'activité nationale) donne une vision détaillée du traitement des affaires pour vol simple.

La décision la plus fréquente reste le classement sans suite, principalement pour préjudice peu important. Pour des raisons identiques qui tiennent au caractère souvent bénin de ce type de délit, le vol simple fait l'objet de procédures alternatives plus souvent que d'autres contentieux. Ces dernières représentent en effet 23% des orientations pour ce type d'affaires contre 21% tous contentieux confondus. Enfin, 25% des affaires de vol simple sont poursuivis par les parquets soit un taux très inférieur à celui observé pour l'ensemble des affaires (43%).

La part des vols simples au sein des condamnations pour délit se situe autour de 20% de 1984 à 1993. Elle diminue ensuite et tombe en dessous de 10% à partir de 1999 pour atteindre 7,6% en 2001233(*).

A la lecture de ces quelques chiffres, il apparaît qu'outre le classement sans suite qui a toujours représenté une part importante dans le traitement des vols simples, les procédures alternatives aux poursuites remplissent un rôle qui ne cesse de croître en la matière. Le législateur a dû trouver une solution pour répondre rapidement et efficacement à un fort contentieux de masse (au sein duquel le vol simple représente une part non négligeable) et surtout ne pas laisser se développer la pratique du classement sans suite, véritable déni de justice même lorsqu'il concerne des infractions de faible importance comme le vol simple : c'est donc une logique pragmatique qui a gouverné l'émergence de ces procédures alternatives aux poursuites ainsi que leur développement postérieur234(*).

C'est ainsi que l'arrivée et le développement de des procédures alternatives a été le moyen de cette dépénalisation de fait qui a touché le traitement judiciaire du vol simple235(*). Le développement des procédures alternatives aux poursuites a donc offert aux parquets la possibilité d'orienter les affaires de vol simple en fonction de la gravité des faits et de la qualité de l'auteur, de sorte que la réponse pénale se trouve graduée. C'est cette graduation de la réponse pénale qui a conduit à privilégier les voies alternatives pour les primo délinquants et donc à réserver le cas des poursuites aux récidivistes, présentant un risque particulier de récidive. Ainsi, la part des récidivistes au sein du nombre total des condamnés pour vol simple est passée de 31% en 1989, à 49% en 2001 et le nombre de condamnations pour vol simple a chuté de plus de 73% de 1984 à 2001.

Toutes les évolutions conduisant à une baisse des condamnations pour vol simple, sans modification substantielle des sanctions, il s'ensuit logiquement une baisse des incarcérations pour de tels faits : ainsi, entre 1993 et 2002, les entrées en établissements pénitentiaires justifiées par une affaire de vol simple sont divisées par deux236(*). Cette diminution des flux s'accompagne d'une baisse de moitié de ce type de délinquants dans la population des condamnés incarcérés237(*). Apparaît alors le second impératif poursuivi par le processus de dépénalisation des vols simples par la création des procédures alternatives aux poursuites : la, maîtrise de la surpopulation carcérale qui est devenue, au même titre que le traitement judiciaire rapide des infractions courantes de la petite délinquance, une véritable préoccupation de politique criminelle.

Section II - La fièvre législative ou la pénalisation comme remède apparent aux maux de la société.

Le législateur utilise de plus en plus le droit pénal pour tenter de répondre à un nombre croissant de malaises sociaux que les instances extra pénales ont échoué à résoudre ou du moins à réguler. Il en résulte un véritable processus de pénalisation de la précarité par la criminalisation de comportements marginaux constituant le plus souvent des « incivilités » (§ 1) et la pérennisation des politiques de pénalisation relatives à l'immigration clandestine (§ 2).

Cette instrumentalisation du droit répressif contribue à encombrer le système pénal qui a pourtant fait l'objet d'une certaine rationalisation à certains égards au service de son économie et de son bon fonctionnement.

§ 1- Le récent processus de pénalisation de la précarité.

L'actuelle pénalisation de la précarité est avant tout tributaire d'un contexte, celui de la montée du sentiment d'insécurité qui s'est accentuée ces dernières années (A). Le législateur s'est donc montré particulièrement réactif en décidant de pénaliser cette forme de misère sociale en 2003 (B).

A - La pénalisation de la précarité, réponse à la montée du sentiment d'insécurité

« Ne plus rien laisser passer, faire régner en France un sentiment de sécurité »238(*). Tels sont les mots par lesquels Nicolas SARKOZY, ministre de l'Intérieur, résumait l'esprit qui devait animer et soutenir ses projets de loi.

Le but premier de cette pénalisation de la précarité résidait avant toute chose dans la nécessité de lutter contre la multiplication de ces fameuses incivilités à l'origine d'une grande inquiétude et d'un fort sentiment d'exaspération au sein de la population. Il s'agissait donc de s'attaquer à toutes ces formes de petite délinquance dont l'augmentation conséquente polluait toujours plus le quotidien des Français, et favorisait dans le même temps la montée d'un inquiétant sentiment d'insécurité.

Déjà en 1977, dans son rapport intitulé « Réponses à la violence », A. PEYREFITTE déplorait une explosion des crimes et délits, et témoignait de la crispation sécuritaire des Français. Pourtant, dès 1982, alors que la délinquance et la criminalité se stabilisent, on constate une persistance de ce sentiment d'insécurité. Celui-ci, néfaste pour le bon développement économique et social d'une société, est facteur de tensions sociales et engendre souvent une poussée des idéologies extrémistes.

Ainsi, concernant les chiffres de la délinquance précédant la loi du 18 mars 2003239(*), on peut constater en 2001 un ralentissement de la progression du phénomène criminel. L'essentiel de celui-ci (63%) résulte de l'augmentation du nombre de vols caractéristiques de la petite délinquance : vols à la roulotte, vols simples, etc. Le mouvement des crimes et délits contre les personnes reste, quant à lui, stable (même s'il a été multiplié par quatre depuis 1972) et représente 6,76% de l'ensemble des crimes et délits.

En outre, les comportements délictuels évoluent. Ainsi, les vols commis au préjudice des particuliers s'accompagnent le plus souvent de violences individuelles ou collectives. De nouvelles formes de vols apparaissent et se propagent, comme celles concernant les téléphones mobiles. Les délinquants s'approprient violemment un appareil en cours de communication pour ne pas se retrouver bloqués par le code verrouillage. A Paris, près d'un vol sur deux est un vol à l'arraché de téléphone portable.

Cette part considérable prise par la petite délinquance au sein des statistiques criminelles résulte avant tout de la relative impunité dont jouissent ses auteurs, en raison du faible préjudice causé par leurs actes et des difficultés liées à leur identification. Il en résulte chez les victimes, un sentiment d'abandon et la conviction de l'inefficacité des pouvoirs publics. Toutes ces carences débouchent sur la montée d'un sentiment d'insécurité, l'accroissement de la méfiance des citoyens, et le renforcement d'une tension sociale latente. La médiatisation à outrance des actes de délinquance joue également un rôle non négligeable dans la montée du sentiment d'insécurité à l'origine de ce malaise social : la délinquance est banalisée, et l'exceptionnel se trouve même fréquemment généralisé de façon hyperbolique dans les représentations médiatiques du phénomène de la délinquance. Le sociologue Sébastien ROCHE définit le sentiment d'insécurité comme « un processus de lecture du monde environnant qui est saisi chez les individus comme un syndrome d'émotion (peur, haine, jalousie) cristallisée sur le crime et ses auteurs »240(*). Ce sentiment ne reflète pas forcément la réalité mais s'impose aux esprits comme l'idée que l'on se fait de sa propre sécurité. Il n'y a pas besoin d'avoir été soi-même victime d'une infraction ou d'en connaître une pour se sentir inquiet. Les faits que l'on craint ne sont pas ceux auxquels on a été directement ou indirectement confronté, mais ceux que l'on perçoit comme pouvant nous arriver.

Ce sentiment d'insécurité se ressent plus fortement dans les grosses agglomérations où un nombre important de personnes en situation déjà précaire préfèrent fréquenter le monde de la rue ou viennent à y basculer par la force des choses. Certains comportements sont facteur de la montée palpable de ce sentiment d'insécurité. C'est le cas de la mendicité et du vagabondage, qui seront d'ailleurs envisagés dans un sens de pénalisation accrue par la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003.

D'autres attitudes, souvent considérées comme anodines, peuvent contribuer fortement au développement croissant du sentiment d'insécurité au sein de la population française. Il s'agit de ce que l'on appelle pudiquement les « incivilités ». En effet, ce sentiment d'insécurité ne procède pas tant de la délinquance elle-même, que du contact plus ou moins fréquent que certains citoyens peuvent avoir avec elle. Sans définition précise, les « incivilités » reflètent avant tout une réalité sociologique. Prises isolément, elles n'attirent en général qu'une faible réprobation de la part de ceux qui les subissent. Il peut s'agir, par exemple, du défaut de politesse, d'une forme d'agressivité verbale ou encore du manque d'hygiène ou de bruit dans les habitations collectives. Mais, ajoutées les unes aux autres, ou commises dans certaines situations, ces incivilités prennent une dimension autrement moins supportable. Ainsi en est-il de la mendicité agressive ou de l'occupation de halls d'immeubles souvent inscrites sur la longue liste des incivilités qui polluent le quotidien d'un nombre croissant de citoyens.Ces comportements inquiètent et dérangent. Un certain nombre d'entre eux sont perçus comme des incivilités parce qu'ils menacent nos « rituels de mise à distance d'autrui », sans pour autant constituer des infractions pénales au sens propre du terme. Le sociologue E. GOFFMAN montrait que « la non observance de certains rituels suffit à faire naître le sentiment du danger par la rupture qu'ils établissent dans l'ensemble des obligations sociales »241(*).

Ce climat d'insécurité, source de méfiance, de tension sociale, est allègrement « récupéré » par les initiatives politiciennes obéissant à une logique pragmatique de stigmatisation débouchant sur un discours purement populiste et au final, sur l'utilisation systématique et parfois déraisonnable de l'arme pénale : la loi du 18 mars 2003 en est l'illustration contemporaine la plus flagrante.

B - Teneur de la pénalisation de la précarité par loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

Les pouvoirs publics ont créé de nouvelles incriminations sanctionnant des personnes en situation précaire avec l'entée en vigueur de la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure qui pénalise certaines formes de précarité, notamment, le racolage, la mendicité, l'attroupement abusif dans les parties communes d'immeubles et l'installation illicite sur un terrain appartenant à autrui. Cette pénalisation de la précarité est une initiative répressive qui n'a d'autre but que de répondre aux préoccupations sécuritaires qui animent de plus en plus les Français, victimes de la psychose ambiante relative à la peur du crime qui est devenue, ces dernières années, la peur la plus probante à travers tout l'hexagone.

Le paragraphe 1er de l'article 50 de la loi pour la sécurité intérieure a inséré, dans le Code pénal, un article 225-10-1 pour faire du racolage, même passif, un délit et compléter sa définition. Depuis la fermeture des maisons closes par la « loi Marthe RICHARD » du 13 avril 1946, l'ordonnance du 23 novembre 1958 a institué deux contraventions réprimant respectivement le racolage public (contravention de 4ème classe) et l'attitude indécente sur la voie publique, encore appelée racolage passif (contravention de 1ère classe). En 1960, la France ratifie la Convention internationale du 2 décembre 1949 (lois des 28 et 30 juillet 1960) : le racolage devient alors une contravention de 5ème classe (punie de 10 jours à un mois d'emprisonnement et de 10 000 F d'amende) et l'attitude indécente sur la voie publique, une contravention de 3ème classe (seulement punie d'une amende). Le Code pénal de 1994 n'a ensuite conservé que l'incrimination de racolage de l'article R.625-8, qui est demeurée une contravention de 5ème classe (punie de 1500 € d'amende). Le nouveau texte tel qu'il résulte de la loi du 18 mars 2003242(*), correctionnalise le racolage en l'érigeant au rang de délit puni de 6 mois d'emprisonnement et de 3750 € d'amende. Cette pénalisation a pris pour prétexte la gêne qu'elle pourrait occasionner aux proxénètes et les implications de la lutte contre la lutte contre le proxénétisme, qui nécessite des témoignages des personnes exploitées, preuves qui seraient rendues plus aisées grâce aux procédures engagées pour racolage contre les prostituées. En réalité, cette pénalisation s'adresse directement aux victimes de ces réseaux de prostitution, à la fois victime d'une forme d'exploitation gravissime, et d'une attention toute particulière de la loi répressive243(*). En outre, la rédaction de l'incrimination est une source d'abus et de non sens dans l'application de la loi : comment établir en effet qu'une personne se livre au racolage public d'autrui si elle reste purement passive sur la chaussée ? Il est à craindre que seule la tenue vestimentaire puisse servir de preuve... La loi pénale se veut alors imprévisible à cause de la subjectivité qu'elle implique et l'insécurité juridique qui en découle nécessairement ne peut que nuire au système répressif lui-même. Quoi qu'il en soit, les premières conséquences de la loi se sont montrées des plus déplorables, puisque le nouveau dispositif n'a eu d'autre effet que de repousser les prostituées dans de véritables zones de non droit qui constituent un facteur supplémentaire de danger pour leur propre sécurité.

L'article a loi du 18 mars 2003 crée également le nouveau délit de demande fonds sous contrainte (art.312-12-1), lui aussi puni de 6 mois d'emprisonnement et de 3750 € d'amende. Cette nouvelle incrimination punit la sollicitation, sur la voie publique, de valeurs ou d'un bien, ou encore de la remise de fonds, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d'un animal dangereux. Outre le fait que ce nouveau délit soulève la question de la forme de l'agression (physique ou seulement verbale ?), il semble une fois de plus que cette incrimination obéisse à une logique de pur affichage. En effet, le droit antérieur permettait déjà de réprimer ce genre de pratiques par le biais de l'incrimination d'extorsion de fonds de l'article 312-1 CP. La volonté des politiques apparaît ainsi claire : utiliser le droit pénal pour rassurer l'opinion exaspérée de voir ce genre de pratiques altérer leur quotidien. Ce « droit pénal spectacle » surcharge un peu plus un droit répressif qui manque de lisibilité et a de plus pour effet de stigmatiser un peu plus encore la pauvreté qui envahit nos rues.

L'occupation illégale de terrain a aussi fait l'objet de la création d'une nouvelle incrimination qui figure à l'article 322-4-1 CP (art.53 à 58 de la loi du 18 mars 2003). Ce délit punit de 6 mois d'emprisonnement et de 3750 € d'amende l'installation en réunion, en vue d'y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s'est conformée aux obligations de la « loi BESSON » du 5 juillet 2000244(*) organisant l'accueil des gens du voyage, soit à tout propriétaire sans être en mesure de justifier d'une autorisation. La loi, bien que d'application générale, concerne encore une autre forme de précarité en se focalisant sur les gens du voyage245(*) qui déplorent le fait que la loi BESSON ne soit que très peu suivie par les différentes communes de France : il existe a peu près 10 000 emplacements pour accueillir une population qui représente 30 000 caravanes. Il apparaît dès lors difficile pour cette communauté de se conformer à la loi alors que peu de moyens ont été mis en place pour la respecter.

La loi pour la sécurité intérieure a également criminalisé une forme courante d'incivilité dans les tours des grandes agglomérations : les attroupements portant atteinte à la liberté de circulation dans les parties communes d'immeubles (art.61 de la loi du 18 mars 2003, art. L.126-3 du Code de la construction et de l'habitation) qui est passible de 2 mois d'emprisonnement et de 3750 € d'amende246(*). Le problème visé est bien connu, mais relève-t-il de la loi pénale de tenter d'y répondre ? « N'est-on pas typiquement dans des hypothèses où si aucune infraction pénale classique (violence, dégradation, menace, injure, etc.) n'est constituée, la réponse au comportement déviant doit être sociétale (conciliation, médiation sociale, groupe de parole, etc.) »247(*). La loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 contenait déjà des dispositions permettant aux services de police d'intervenir en cas d'occupation des espaces communs par des personnes qui entravent l'accès ou nuisent à la tranquillité des lieux (art. L 126-2 Code de la construction et de l'habitation). Une fois de plus, cette nouvelle incrimination ne vient pas apporter une réponse adaptée et surtout rationnelle à un problème de société qui requiert plus une véritable réflexion de fond, que l'utilisation systématique et déraisonnable de l'arme pénale.

Pour conclure, derrière ces nouveaux modes de répression, se dessine en filigrane la volonté de masquer cette délinquance de rue, afin de regagner la confiance des citoyens en leur ôtant toute raison de succomber au sentiment d'insécurité.

En effet, en prohibant le racolage des prostituées et en réglementant l'errance et la mendicité, les pouvoirs publics ont pour principal objectif d'éradiquer les seuls effets visibles de ces délinquances issues de la précarité et de l'exclusion. La précarité qui est souvent la résultante de l'exclusion, constitue très certainement un foyer potentiel de naissance et de propagation de la délinquance. Mais, peut-on penser sincèrement qu'en supprimant les manifestations visibles liées à ce type de délinquance particulière, les problèmes qui en sont la cause disparaîtront pour autant ? Certainement pas ! Le droit pénal apparaît alors comme un remède apparent, superficiel, au malaise social profond dont souffre notre société. Au sujet de cette loi du 18 mars 2003, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, a d'ailleurs fait part de ses inquiétudes relatives à l'évolution contemporaine du droit pénal. Selon elle, « l'inflation des règles encadrant l'exercice des libertés publiques et parfois même la vie privée des individus suscite l'inquiétude de notre société démocratique (...). L'action à mener contre l'insécurité ne légitime pas certaines formes de répressions d'ordre moral (...). Les nouvelles dispositions de la loi risquent d'accroître inutilement les contrôles sur le plus grand nombre, sans faire progresser pour autant la sécurité, et sans, à tout le moins, donner aux individus, les garanties qui leur sont dues »248(*).

Ainsi, le législateur use de plus en plus de l'arme pénale pour satisfaire aux exigences contemporaines de médiatisation de la volonté politique, elle-même érigée en véritable « show » de la vie publique. Aujourd'hui, il est plus important pour le législateur de montrer aux citoyens spectateurs qu'il agit, plutôt que de véritablement agir sur la réalité, tout comme il apparaît désormais plus important d'accuser, que de condamner. L'action du législateur s'inscrit alors dans les logiques de présentisme et d'instantanéité qui caractérisent notre époque : « l'urgence est devenue structurelle »249(*) et le politique se doit de réagir au plus vite aux événements brûlants qui constituent désormais le principal moteur d'édiction de la norme et plus particulièrement de la norme pénale. De cette urgence découlent nécessairement une altération de la lisibilité du droit, une perversion de la norme qui perd de son rationalisme et de sa prééminence sur le fait.

§ 2 - Les politiques de pénalisation de l'immigration clandestine.

La logique sécuritaire qui a progressé, inégalement mais constamment, dans le droit et dans les esprits depuis un quart de siècle a, selon une loi historique bien connue, frappé sélectivement voire prioritairement les étrangers(A). De ce point de vue, la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 (B) constitue moins une révolution qu'une aggravation, certes de grande ampleur, d'un « ciblage » récurrent250(*). Les législations antérieures en la matière, illustrent bien ce mouvement croissant de pénalisation de la lutte contre l'immigration clandestine.

A - Bref rappel des politiques récentes de lutte contre l'immigration clandestine et du contexte antérieur à la loi du 26 novembre 2003.

La loi du 24 août 1993, dite « loi PASQUA », renforce le dispositif répressif visant à éloigner du territoire les étrangers en situation irrégulière et restreint la liste des catégories d'étrangers protégées contre une mesure d'éloignement du territoire. Outre les modifications qu'elle apporte au Code civil, au Code de la sécurité sociale et au Code de l'aide sociale, cette loi touche également les dispositions du Code pénal notamment, en ce qui concerne la limitation des immunités contre l'interdiction du territoire accordées aux étrangers ayant des attaches en France.

La loi du 24 avril 1997, dite « loi DEBRE », tout en assouplissant certaines dispositions de la « loi PASQUA », renforce la dimension répressive de la législation : confiscation du passeport des étrangers en situation irrégulière, nouvelles possibilités de retrait du titre de séjour, suppression de garanties de procédure comme la commission du séjour, etc.

La dernière grande réforme en date en matière d'immigration remontait à la « loi CHEVENEMENT », dite aussi loi Reseda (loi relative à l'entrée, au séjour des étrangers en France et au droit d'asile), du 11 mai 1998. Critiquée par les défenseurs des droits des étrangers comme s'inscrivant trop nettement dans la continuité de la politique précédente, marquée par les lois PASQUA de 1993 et 1997, mais apportant d'incontestables assouplissements à la législation antérieure, la loi avait été présentée comme un texte d'équilibre, susceptible de recueillir un consensus, et destiné par conséquent à durer. La modification de l'ordonnance du 2 novembre 1945 n'avait en effet pas été annoncée immédiatement par le gouvernement de l'alternance, de sorte que l'on concevait la pérennité de la loi de 1998 telle qu'elle avait été promise à cette date. C'est en octobre 2002 qu'il a été pour la première fois question de réformer la législation existante, dans un sens libéral au demeurant, afin d'assouplir le régime de la « double peine ». C'est ensuite en février 2003 seulement que la presse a dévoilé l'existence d'un avant projet de loi destiné à réformer, cette fois dans le sens d'une sévérité accrue, l'ordonnance de 1945. Cette volonté de lutter plus durement contre l'immigration clandestine est la résultante du contexte sécuritaire qui a initié cette réforme du droit des étrangers, réforme qui avait d'ailleurs déjà fait irruption dans les débats sur la loi pour la sécurité intérieure. « Mettre fin à l'incapacité de l'Etat à maîtriser les flux migratoires », tel est le premier objectif de la réforme mis en avant par son promoteur, Nicolas SARKOZY. Cela suppose de renforcer le dispositif répressif, mais aussi de traquer la fraude partout où elle peut surgir, donc de multiplier les contrôles et les fichiers et d'aggraver les sanctions.

B - La loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration : une pénalisation accrue de l'immigration clandestine.

Les dispositions de cette nouvelle loi contribuent au durcissement du droit relatif aux étrangers par une impressionnante pénalisation qui touche nombre de domaines fondamentaux de ce droit issu de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Cette loi, entrée en vigueur le 29 novembre 2003, a suscité de vives controverses au sein des milieux associatifs en charge des problèmes liés à l'immigration. En effet, de nombreuses associations dénoncent le caractère sévère et stigmatisant de certaines dispositions promues par la loi251(*).

Dans le cadre de la maîtrise des flux migratoires et de la lutte contre les filières de clandestins, la loi autorise tout d'abord un allongement des délais de rétention. Pour couper court à toute contestation, le gouvernement justifie sa politique en évoquant son alignement sur la législation des autres pays européens, et prône l'efficacité d'une telle mesure pour améliorer le taux de reconduite.

La loi prévoit également la création d'un fichier d'empreintes digitales et de photos établi à partir des demandes de visas, et permettant l'identification des étrangers qui, entrés légalement sur le territoire français, s'y seraient maintenus clandestinement.

Le renforcement des peines en cas d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers est aussi une orientation de la législation nouvelle. La loi prévoit pour les personnes physiques, une peine de 5 ans d'emprisonnement, mais aussi la possibilité de prononcer une interdiction de séjour de 5 ans (au lieu de 3), de suspendre le permis de conduire pour 5 ans (10 en cas de récidive) au lieu de 3. Ces peines sont aggravées si l'infraction est commise en bande organisée. La loi instaure en outre des restrictions à l'accès à la nationalité française et de nouvelles hypothèses du retrait du titre de séjour.

La loi du 26 novembre 2003 se distingue également par la création du délit de mariage de complaisance, puni de 5 ans de prison et de 15 000 € d'amende (10 ans et 750 000 € si l'infraction est commise en bande organisée). « L'utilité pratique de cette nouvelle incrimination nouvelle est douteuse , puisque un mariage de complaisance encourt l'annulation et que l'administration peut, dans ce cas, refuser un titre de séjour : elle a surtout une fonction d'intimidation »252(*). On relève par ailleurs que le nouveau délit est sélectif puisqu'il ne vise pas ceux qui détournent l'institution du mariage dans un autre but que celui de l'obtention d'un titre de séjour, par exemple, dans le but pour un fonctionnaire, d'obtenir sa mutation.

La loi prévoit également des sanctions plus sévères en cas d'emploi d'un étranger démuni d'autorisation de travail: les peines encourues au titre de ce type de comportement, passe de 3 ans d'emprisonnement et 4500 € d'amende, à 5 ans d'emprisonnement et 15 000 € d'amende. Ces peines sont aussi aggravées si l'infraction est commise en bande organisée.

L'article 14 bis de la loi relative à la maîtrise de l'immigration introduit une nouveauté : la poursuite et la sanction des salariés étrangers sans autorisation de travail est désormais envisageable. Ces derniers encourent désormais 3750 € d'amende assortis d'une interdiction du territoire de trois ans. Auparavant, l'article L.314-4 du Code du travail imposait bien à un étranger l'obligation de détenir une autorisation de travail pour se livrer à une activité salariée ; mais, le seul fait d'en être dépourvu n'entraînait aucune sanction pénale, le droit allant même jusqu'à accorder au travailleur irrégulier une protection légale sur le plan civil. En cas de contrôle, seul l'employeur encourait de véritables sanctions pénales. Le législateur considérait le salarié comme une victime et non comme le co-auteur d'une infraction (même avec consentement). Le droit pénal avait même érigé la protection de cette main-d'oeuvre en situation précaire contre l'exploitation, en véritable priorité avec la criminalisation des conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine, à l'occasion de la réforme du Code pénal de 1994. Cette nouvelle législation marque donc une réorientation de la politique criminelle en la matière en considérant désormais cette catégorie de personnes comme des délinquants, alors qu'elle les voyait jadis comme des victimes dignes d'une protection particulière de la part du droit. Le nouveau dispositif vise maintenant deux objectifs : d'une part, garantir l'application des normes sociales minimales, et d'autre part, inciter à la dénonciation de la situation illégale par le salarié. Ce deuxième objectif se démarque de par son utopie : il est peu probable, voire même illogique, d'envisager que des travailleurs clandestins, ne disposant d'aucune autre source de revenu que celle qui est issue de leur activité salariée illégale, puissent dénoncer leur employeur qui leur apporte le seul moyen d'espérer subsister en France. Pour de nombreuses associations comme G.I.S.T.I., « c'est toute la logique sur laquelle repose le Code du travail qui se voit mise en cause ; c'est le rapport de domination inhérent à la relation de travail qui se voit nié ; c'est la réalité concrète du monde du travail qui est ignorée »253(*). Cette association insiste également sur la dimension discriminatoire flagrante de l'article, en ce qui ne s'attaque qu'aux étrangers en infraction relativement à la législation du travail, et se désintéresse volontairement du cas des salariés français non déclarés. Il apparaît que le législateur se trompe de cible en pénalisant des salariés en situation de faiblesse face à leur employeur : il punit injustement ces personnes en les précarisant d'avantage.

La loi nouvelle, enrichit le droit pénal de dispositions permettant de lutter plus efficacement contre les organisations mafieuses qui profitent de la précarité liée à l'immigration clandestine, mais apparaît quelque peu surfaite en ce qui concerne la pénalisation des étrangers en situation irrégulière. Où est la logique, lorsque le législateur dans la cadre de la lutte contre le ces bandes organisées, pénalise les victimes de ces réseaux qui se trouvent déjà dans une situation de profonde précarité ?

Toutes ces initiatives des pouvoirs publics révèlent en réalité la volonté de lutter contre un phénomène qui engendre la peur et contribue lui aussi à la montée du sentiment d'insécurité. La loi du 26 novembre 2003 semble ainsi répondre aux exigences de maîtrise de l'immigration qui résultent de la récente montée des extrémismes politiques à laquelle le gouvernement s'est vu contraint de répondre par le recours toujours plus massif au droit répressif. Ce droit répressif apparaît aujourd'hui plus comme une arme politique, que comme un moyen de régulation des conduites individuelles susceptibles de porter gravement atteinte aux règles sociales élémentaires.

Conclusion générale

Au terme de cette étude relative aux phénomènes de pénalisation, dépénalisation des années 1970 à nos jours, quelques constats s'imposent. Tout d'abord, des caractéristiques et des causes explicatives propres à ces deux phénomènes semblent ressortir clairement de l'évolution contemporaine du droit. Ensuite, il semble en résulter une modification, voire une altération de quelques préceptes fondateurs du droit pénal « moderne » qu'il conviendra d'identifier et ce, au regard de l'actuel objet d'étude de l'Institut de Sciences Criminelles de Poitiers : l'éventuelle émergence d'un droit pénal « post-moderne ».

Variations sur les deux thèmes de la pénalisation, dépénalisation :

Ces deux phénomènes ont fait l'objet d'une évolution antagonique ces trente dernières années et de celle-ci, ressort de véritables causes explicatives qui leurs sont propres.

Concernant le phénomène de dépénalisation, on constate en premier lieu que la France n'a jamais érigé la dépénalisation en politique. Elle a toujours été considérée comme un outil de travail, comme un moyen et non comme une fin. Il apparaît en effet que la dépénalisation fait l'objet d'une certaine instrumentalisation qui répond à des considérations purement pragmatiques. La dépénalisation est en effet un instrument souple d'adaptation du droit pénal à l'évolution sociale ou de régulation des dysfonctionnements du système. Dans ces perspectives, c'est un instrument ponctuel dont l'intervention est plus motivée par des besoins immédiats, que par l'élaboration d'une véritable stratégie.

En outre, les initiatives de dépénalisation ont pour le moins été timides au cours de la période étudiée. Les rares entreprises de dépénalisation se sont heurtées à des obstacles qui ont considérablement freiné leur action, et ce, malgré la montée d'un discours contemporain prônant le retour à un « droit pénal minimum ». Ces obstacles sont d'ordre juridiques et sociaux.

Tout d'abord, la dépénalisation suscite l'inquiétude des pouvoirs publics qui craignent que la dépénalisation qui se traduit par un reflux du droit pénal, soit perçue comme l'aveu que les processus du système pénal ont été mis en oeuvre dans le passé sans justification suffisante ; cette situation pourrait remettre en cause la confiance des justiciables envers les pouvoirs publics et altérer gravement le respect indispensable que devrait inspirer le système pénal.

Ensuite, la dépénalisation et plus particulièrement la décriminalisation, est généralement perçue par le législateur comme représentant un risque de forte recrudescence des comportements dépénalisés ou décriminalisés ; cette perception pessimiste des implications de la dépénalisation et surtout de la décriminalisation, s'accompagne d'ailleurs souvent de l'appréhension d'assister à un retour de la vengeance privée et au développement de l'autodéfense en cas de non protection des citoyens par le droit répressif. Ainsi, « pour qu'une politique courageuse de dépénalisation puisse se concrétiser, il faut que le système politique et la société civile sachent concevoir des réponses différentes aux problèmes qui sont traités par la logique pénale »254(*). La dépénalisation est une entreprise périlleuse qui implique une évaluation prévisionnelle précise de sa postérité, c'est la raison pour laquelle les dépénalisations qui interviennent ne sont en réalité souvent que la remise en adéquation du droit avec une évolution sociétale confirmée de longue date255(*).

Enfin, la décriminalisation pose un problème en terme de protection juridique du délinquant : « les notions d'égalité de la justice et le principe de proportionnalité entre les infractions et les sanctions renferment un élément de protection du délinquant et de rationalité qu'il ne faut pas négliger »256(*). Le fait que le traitement extra pénal des comportements décriminalisés n'offre souvent pas ce degré de protection est souvent un obstacle supplémentaire à la décriminalisation.

En définitive, la dépénalisation constitue donc un mouvement timide, plus fréquemment utilisé dans l'intérêt du système pénal257(*), que dans l'intérêt du justiciable. Les entreprises de dépénalisation restent ainsi majoritairement motivées par des besoins du système pénal lui-même, au détriment de la nécessité actuelle de revenir parfois à des modes de régulation plus adaptés pour tenter de résoudre le fractionnement des valeurs morales que connaissent nos sociétés contemporaines.

Le mouvement de pénalisation se montre quant à lui particulièrement virulent et surpasse à bien des égards les rares dépénalisations que le droit pénal français a pu connaître jusqu'à présent. Ce phénomène est tout d'abord dû à l'inflation pénale qui ne cesse de pérenniser dans l'hexagone particulièrement depuis les années 1960. Ce recours au droit pénal est quant à lui favorisé par notre système, contrairement à la dépénalisation qui, elle, se heurte souvent aux réticences du législateur. La pénalisation est en effet encouragée par le mode d'adoption de la norme pénale : la loi pénale n'est pas soumise avant adoption, à l'obligation traditionnelle d'évaluer les moyens permettant de faire face aux coûts qu'elle engendrera258(*). Par conséquent, la liberté d'action législative est totale en matière pénale et le législateur en oublie d'ailleurs souvent les capacités du système pénal à pouvoir traiter les contentieux qu'il introduit par une telle frénésie de production de la norme.

La pénalisation n'est pas non plus la conséquence d'une politique criminelle globale établie, cohérente, elle apparaît plus aujourd'hui comme un moyen de renforcer la présence de l'Etat par le biais du recours accru au droit répressif pour tenter de répondre à des malaises socio-économiques, ce qui aboutit parfois à une instrumentalisation de la sanction pénale au profit de nouvelles logiques de régulation de ces problèmes.

Quoi qu'il en soit, le champ d'intervention du droit répressif a littéralement explosé au cours de la période étudiée : le droit pénal est désormais omniprésent et son caractère systématique renforce l'actuelle altération de certains grands préceptes du « droit pénal moderne ».

De quelques évolutions contemporaines du droit pénal : est-ce la fin du droit pénal « moderne » ?

Depuis un vingtaine d'années, dans les sociétés occidentales, on assiste à la prise en charge par la pénalité, de manière directe ou sur le plan des logiques d'intervention, d'un nombre croissant de problèmes sociaux qui étaient auparavant du ressort d'autres institutions sociales (famille, école, monde associatif, monde du travail, etc.). De ces nouvelles logiques d'action du droit répressif découlent l'extension et le durcissement du contrôle social, en particulier à l'égard des groupes dits « à risque » : les jeunes, les étrangers, les usagers de drogue, les délinquants sexuels259(*).

En outre, le droit pénal tel qu'il existe aujourd'hui, semble avoir perdu de son rationalisme et de sa cohérence : le droit pénal « moderne », lui, parvenait quelque peu à se dégager de la dimension morale de la déviance sociale, pour ne sanctionner que les atteintes les plus graves à l'ordre social. « Selon une formule célèbre si le droit et la morale sont deux cercles concentriques, le rayon de la morale est plus grand que celui des législations répressives »260(*). Ce paradigme ne paraît plus être absolu aujourd'hui au regard de l'évolution du droit : on en vient à pénaliser de plus en plus la précarité et ses manifestations visibles. Cette politique de pénalisation de la misère sociale entretient les logiques d'intervention superficielles du droit répressif telles qu'elles se développent de plus en plus actuellement et contribuent d'ailleurs à exclure un peu plus les exclus au détriment de réponses adaptées à ces problèmes sociaux.

Le droit pénal « moderne » se caractérisait par sa place réduite, mais centrale : il avait vocation à protéger les valeurs sociales les plus fondamentales et seulement celles-la. Aujourd'hui, le droit pénal semble s'être dispersé et avoir perdu son objectif initial de régulation des relations sociales inter individuelles au travers les valeurs essentielles qu'il est appelé à protéger. On est désormais passé à un droit pénal de remplacement, de gestion par défaut qui intervient de plus en plus là où le système politique et la société civile ont échoué. L'émiettement des états forts de la conscience collective, cher à E. DURKHEIM, semble avoir eu raison du rationalisme pénal : le bloc monolithique des valeurs morales et sociales n'existe plus et le recours accru au droit pénal semble être la principale solution utilisée par le pouvoir politique pour y remédier.

Ce recours accru au droit pénal est accentué par les logiques contemporaines de l'action politique qui se trouve de plus en plus fréquemment asservie à la logique d'instantanéité qui gouverne le temps médiatique : le législateur se veut aujourd'hui hautement réactif à chaque problème mis en avant par le jeu des médias et doit donc montrer qu'il agit. Cette action se traduit généralement par le recours au droit pénal comme remède apparent et superficiel. Le droit pénal se voit ainsi dénaturé par des initiatives politiciennes circonstancières et donc dénuées d'efficacité. L'important semble plus de montrer qu'on agit, que d'agir réellement sur la réalité. Il en résulte la prolifération de lois d'affichages, floues, trop bavardes tel que le Conseil d'Etat l'a dénoncé en 1991261(*).

Le présentisme qui gouverne désormais les politiques criminelles remet en cause la sagesse qui fondait jadis l'action du droit pénal « moderne » et qui lui valait une confiance et même une certaine fascination des justiciables. Le droit pénal apparaît désormais se disperser au gré des sautes d'humeur du législateur et des grognes de l'opinion de l'opinion publique. Le droit pénal, qui est pourtant le droit duquel découlent les enjeux les plus importants en terme de liberté individuelle et publique, se banalise dangereusement, au point que certains dénoncent une « pénalisation de la République »262(*) pour caractériser les dérives actuelles de notre droit répressif.

La plupart de ces évolutions du droit pénal ne sont pas des phénomènes nouveaux puisqu'ils avaient déjà leur place au sein du droit pénal « moderne », mais dans une toute autre mesure. Les phénomènes constatés prennent en effet une ampleur particulière à mesure que le temps passe. Faut-il déduire de ces évolutions l'émergence d'un droit pénal « post-moderne » ? Rien n'est moins sûr ; l'appréciation de ces variations est sujette à la plus grande subjectivité et il ne semble pas exister à l'heure actuelle, de véritables critères objectifs permettant d'affirmer raisonnablement que la teneur de ces évolutions constitue la « rupture » caractéristique du passage d'un droit pénal « moderne » à un droit pénal « post-moderne ».

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Annexes

Tableau récapitulatif des diverses pénalisations et dépénalisations de 1970 à 2005.

Lois, décrets, ordonnances

Pénalisation

Dépénalisation

Loi du 23 décembre 1970

Criminalisations : publication d'informations inexactes et délit d'initié.

 

Loi du 31 décembre 1970

Criminalisation de l'usage solitaire de stupéfiants.

 

Loi du 31 décembre 1970

Criminalisations : droit des sociétés immobilières.

 

Loi du 3 janvier 1972

 

Dépénalisation partielle :émission de chèques sans provision.

Loi du 1er juillet 1972

Criminalisation : discriminations « racistes », provocation publique à la discrimination.

Extension du champ d'application des propos racistes répréhensibles.

 

Loi du 22 décembre 1972

Pénalisation du démarchage de marchandises à domicile ou sur le lieu de travail.

 

Loi du 27 décembre 1973

Pénalisation de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur (criminalisé par la loi du 2 juillet 1963).

 

Loi du 3 janvier 1975

 

Dépénalisation partielle :émission de chèques sans provision.

Loi du 11 juillet 1975

Extension des motifs répréhensibles de discriminations : sexe et situation de famille.

Décriminalisation de l'adultère.

Dépénalisation partielle de l'avortement (pour 5 ans et dans les seuls cas prévus par la loi).

Loi du 9 juillet 1976

Pénalisation de la publicité : tabac.

 

Loi du 7 juin 1977

Extension du champ d'application des discriminations répréhensibles.

 

Loi du 30 décembre 1977

Augmentation des peines pour l'abus des besoins d'un mineurs.

 

Loi du 6 janvier 1978

Criminalisations en matière d'atteinte informatique aux personnes.

 

Loi du 10 janvier 1978

Pénalisation : information et la protection des consommateurs dans certaines opérations de crédit.

 

Loi du 31 décembre 1979

 

Dépénalisation de l'avortement.

Loi du 4 août 1982

 

Décriminalisation de l'homosexualité.

Loi du 25 janvier 1985

 

Dépénalisation : banqueroute ; décriminalisation de certains cas de banqueroute et de quelques délits assimilés.

Loi du 25 juillet 1985

Extension des motifs répréhensibles de discriminations : moeurs.

 

Loi du 30 décembre 1985

 

Contraventionnalisations en matière de sécurité routière : défaut d'autorisation ou de pièces administratives exigées pour la circulation des véhicules, l'usage d'autorisations ou de pièces administratives périmées ou annulées, le défaut de permis de conduire (sauf récidive), le défaut d'assurance, voire les infractions à la réglementation relative aux barrières de dégel et au passage sur les ponts.

Décret du 18 septembre 1986

 

Suppression de l'emprisonnement pour certaines contraventions au Code de la route.

Loi du 10 juillet 1987

Aggravation des peines : conduite en état d'ivresse et délit de fuite.

 

Loi du 5 janvier 1988

Criminalisations en matière d'atteinte informatique aux biens.

 

Loi du 20 décembre 1988

Criminalisations : bioéthique.

 

Loi du 22 juillet 1988

Criminalisation : manipulation des cours.

 

Loi du 23 juin 1989

Pénalisation :information et protection des consommateurs contre diverses pratiques commerciales.

 

Loi du 13 juillet 1989

Extension des motifs répréhensibles de discriminations : handicap.

 

Loi du 2 août 1989

Criminalisation : communication d'une information privilégiée

 

Loi du 12 juillet 1990

Extension des motifs répréhensibles de discriminations : état de santé.

 

Loi du13 juillet 1990

Criminalisation : propos négationnistes.

 

Loi du 4 janvier 1991

Pénalisation : droit de la concurrence (marques de fabrique, de commerce ou de service.).

 

Loi du 10 janvier 1991

Pénalisation de la publicité en faveur du tabac et de l'alcool.

 

Loi du 30 décembre 1991 (quelque peu modifiée par une loi du 16 juillet 1992).

 

Décriminalisation : émission de chèques sans provision.

Loi du 18 janvier 1992

Renforcement de la protection des consommateurs.

 

4 lois du 22 juillet 1992 (réforme du Code pénal de 1994)

Responsabilité des personnes morales. Criminalisations : abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse, tortures et actes de barbarie, entrave aux mesures d'assistance, provocation des mineurs à la mendicité ou à l'alcoolisme, organisation de groupements aux fins de trafic de stupéfiants, de nouvelles hypothèses de discriminations (et augmentation des peines), crime de terrorisme écologique, harcèlement sexuel, conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine, délit de mise en danger.

Décriminalisations :vagabondage, mendicité, certains petits délits contre la chose publique, détention de fausse monnaie, contre façon de clé, délits d'abandon de femme enceinte ou d'abandon de foyer.

Loi du 27 janvier 1993

Criminalisation : entrave à l'IVG.

Décriminalisation de l'auto-avortement.

Loi du 24 août 1993

Pénalisation de l'immigration clandestine.

 

2 lois du 29 juillet 1994

Criminalisations : bioéthique.

 

Loi du 13 mai 1996.

Pénalisation du blanchiment d'argent.

 

Loi du 24 avril 1997

Pénalisation de l'immigration clandestine.

 

Loi du 11 mai 1998

Pénalisation de l'immigration clandestine.

 

Loi du 17 juin 1998

Elargissement du champ d'application du harcèlement sexuel.

 

Loi du 10 juillet 2000

 

Dépénalisation partielle des infractions non intentionnelles.

Loi du 15 mai 2001

 

Décriminalisation de vingt délits relatifs aux sociétés commerciales (délits contenus dans la loi du 24juillet 1966 à l'origine de nombreuses criminalisations en la matière).

Loi du 12 juin 2001

Criminalisations: promotion en faveur des mouvements sectaires et manipulation mentale. Extension de la responsabilité pénale des personnes morales.

Aggravation des peines : conduite malgré un permis invalidé, commercialisation des kits de débridage et des détecteurs de radars.

 

Loi du 4 juillet 2001

Aggravation des peines : entrave à l'IVG.

 

Loi du 15 novembre 2001

Pénalisation en matière boursière et informatique.

 

Loi du 15 novembre 2001

Aggravation des peines : atteinte sexuelle sur un mineur et proxénétisme simple.

Pénalisation des « rave party ».

 

Loi du 16 novembre 2001

Extension des motifs répréhensibles de discriminations : apparence physique, patronyme, orientation sexuelle et âge.

Extension du champ d'application des discriminations répréhensibles.

 

Décret du 23 novembre 2001

Aggravation des peines : distances de sécurité entre deux véhicules.

 

Loi du 11 janvier 2002

Elargissement du champ d'application du harcèlement sexuel.

 

Loi du 17 janvier 2002

Criminalisation : harcèlement moral.

 

Loi du 4 mars 2002

Criminalisations : proxénétisme des mineurs et recours à la prostitution d'un mineur (tourisme sexuel).

 

Loi du 4 mars 2002

Extension des motifs répréhensibles de discriminations : caractéristiques génétiques.

 

Loi du 3 février 2003

Pénalisation de certaines infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.

 

Loi du 3 février 2003

Criminalisation : conduite après usage de stupéfiants.

 

Loi du 18 mars 2003.

Aggravation des peines : conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine.

Correctionnalisation :racolage passif.

Criminalisations : recours à la prostitution des personnes particulièrement vulnérables, exploitation de la mendicité d'autrui, traite des êtres humains, demande fonds sous contrainte, occupation illégale de terrain, attroupements portant atteinte à la liberté de circulation dans les parties communes d'immeubles.

Pénalisation des infractions sexuelles motivées par un mobile xénophobe.

 

Décret du 31 mars 2003

Criminalisation : usage du téléphone portable au volant.

Aggravation des peines : absence de port de la ceinture de sécurité.

 

Loi du 12 juin 2003

Aggravation des peines : infractions non intentionnelles commises dans le cadre de la circulation routière.

 

Décret du 11 juillet 2003

Aggravation des peines : circulation en dehors de la chaussée ou sur une voie de circulation réservée à d'autres catégories de véhicules, stationnement sur un emplacement réservé aux personnes handicapées ou aux grands invalides.

 

2 lois du 1er août 2003

 

Décriminalisations en droit des sociétés commerciales.

Loi du 26 août 2003

Aggravation des peines : aide à l'entrée et au séjour irréguliers, emploi d'un étranger démuni d'autorisation de travail.

Criminalisations : mariage de complaisance, travail d'un étranger sans autorisation.

 

Loi du 9 mars 2004

Aggravation des peines : discriminations.

Extension de la liste des infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe pénalisées.

Pénalisation de la conduite sans permis.

Généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales (entrée en vigueur : 31 décembre 2005).

 

Ordonnance du 25 mars 2004

 

Décriminalisations en droit des sociétés commerciales.

Loi du 21 juin 2004

Criminalisalisation de la fourniture de

moyens dans le dessein de commettre

les infractions spécifiques contre les

biens en matière informatique.

Aggravation des peines pour ces mêmes infractions.

 

Ordonnance du 24 juin 2004

 

Décriminalisations en droit des sociétés commerciales.

Loi du 6 août 2004

Aggravations des peines et criminalisations en matière de bioéthique.

 

Loi du 22 avril 2005

 

Dépénalisation partielle de l'euthanasie.

Table des matières

Remerciements 1

Sommaire 2

Liste des abréviations 3

Liste des abréviations 3

Introduction 4

Partie I - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation en fonction de la qualité de l'auteur ou de la victime. 17

Section I - Le processus de pénalisation, consacré à la protection de catégories de victimes déterminées. 17

§ 1 - La protection des personnes particulièrement vulnérables, archétype de l'émergence d'un droit pénal catégoriel. 17

A - La criminalisation de l'abus frauduleux de la vulnérabilité d'autrui et la lutte contre les mouvements sectaires. 18

B - La lutte contre le trafic d'êtres humains. 24

§ 2 - La pénalisation des atteintes à la respectabilité d'autrui. 29

A - La criminalisation des harcèlements. 29

B - La criminalisation des discriminations : la volonté d'assurer l'égalité dans un contexte d'éclatement de la société. 33

Section II - Le processus de dépénalisation au profit d'auteurs déterminés. 37

§ 1 - La récente dépénalisation des infractions non intentionnelles opérée en faveur des titulaires d'un pouvoir décisionnel. 37

A - Le double processus de flux et de reflux du droit pénal relatif aux fonctions de décideur public. 37

B - Les incidences de la dépénalisation partielle des fautes non intentionnelles sur la responsabilité pénale des chefs d'entreprise. 43

§ 2 - La dépénalisation en matière de moeurs, vecteur d'intégration sociale de personnes déterminées : les femmes et les homosexuels. 44

A - La décriminalisation de l'IVG et de l'adultère. 45

B - La décriminalisation de l'homosexualité : 47

Partie II - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation dans une finalité d'adaptation du droit. 49

Section I - La pénalisation au service de politiques publiques. 49

§ 1 - Le recours au droit pénal pour des impératifs de santé publique. 49

A - La réponse pénale favorisée en matière de consommation de produits dangereux pour la santé. 49

B - L'actuelle rationalisation de la répression des pratiques euthanasiques : 57

§ 2 - La pénalisation : un instrument au service de la lutte contre « l'insécurité routière ». 63

A - La pénalisation par la création de nouvelles incriminations : criminalisations ou spécialisation de la répression ? 64

B - L'accentuation de la répression relative aux incriminations existantes. 68

Section II - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation dans une finalité d'adaptation du droit aux évolutions de la société. 69

§ 1 - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation en droit des affaires. 70

A - La pénalisation croissante du droit des affaires depuis le lendemain de la seconde guerre mondiale. 70

B - Le récent processus de dépénalisation en droit des affaires. 73

§ 2- Le recours au droit pénal pour cadrer les évolutions techniques. 75

A - Le mouvement de pénalisation caractérisée en matière d'éthique biomédicale. 76

B - La création d'un droit pénal de l'informatique 79

Partie III - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation face à l'encombrement du système pénal. 83

Section I - La logique pragmatique du processus de dépénalisation au service de l'économie du système pénal. 83

§ 1 - Dépénalisation et décriminalisation au service de l'économie du système pénal. 83

A - Le mouvement de dépénalisation en matière de circulation routière dans les années 1980. 84

B - La décriminalisation de l'émission de chèques sans provision. 85

§ 2 - Dépénalisation de fait et développement des alternatives aux poursuites : des instruments de gestion de contentieux de masse. 88

A - La dépénalisation de fait de l'usage de cannabis. 88

B- La dépénalisation de fait d'infractions courantes : l'exemple du vol simple. 92

Section II - La fièvre législative ou la pénalisation comme remède apparent aux maux de la société. 95

§ 1- Le récent processus de pénalisation de la précarité. 95

A - La pénalisation de la précarité, réponse à la montée du sentiment d'insécurité 95

B - Teneur de la pénalisation de la précarité par loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. 97

§ 2 - Les politiques de pénalisation de l'immigration clandestine. 101

A - Bref rappel des politiques récentes de lutte contre l'immigration clandestine et du contexte antérieur à la loi du 26 novembre 2003. 101

B - La loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration : une pénalisation accrue de l'immigration clandestine. 102

Conclusion générale 105

Bibliographie 110

Annexes 117

Table des matières 122

* 1 GIROT.M., La dépénalisation, un instrument au service du droit pénal, thèse, Poitiers, 1994 pp.3 à 7.

* 2 Ibid., pp.3 à 7.

* 3 Selon DURKHEIM E., les valeurs d'un groupe ne sont pas immuables et la bonne santé sociale commande aux états forts de la conscience collective d'évoluer.

* 4 COQUIN C., Le concept de proportionnalité en droit pénal, thèse, Poitiers, 2001, p.7.

* 5 GIROT M., la dépénalisation ,un instrument au service du droit pénal, op.cit,p.7.

* 6,GIROT M. la dépénalisation ,un instrument au service du droit pénal, op.cit, p.7.

* 7 VAN DE KERCHOVE.M., Le droit sans peine, aspects de la dépénalisation en Belgique et aux USA , Publication des Facultés universitaires Saint Louis, Bruxelles, 1987, p.303.

* 8 En ce sens, CORNU G., Vocabulaire juridique - Ass.CAPITANT H. (dir.CORNU G.), 7eme Ed, PUF, 1998, v. Criminalisation.

* 9 LECLERCQ J., Variations sur le thème pénalisation/dépénalisation, RDPC, 1978, p.807.

* 10 VAN DE KERCHOVE M., «Médicalisation» et «fiscalisation» du droit pénal: deux versions asymétriques de la dépénalisation, Déviance et société, Genève, 1981, vol.5, n°1, pp.1-23.

* 11 DEMAS-MARTY M., Modèles et mouvements de politique criminelle, Paris, 1983, pp.160 et 170 ; même auteur, Permanence, dérive du modèle libéral de politique criminelle, APC, 1983, n°6, pp.41 et 49.

* 12 PRADEL J., Droit pénal général, introduction générale,8eme Ed, Cujas, Paris, 1992,n°10, pp.25 et s.

* 13 LEVASSEUR G., Le problème de la dépénalisation, APC, 1983,n°6, pp.56-57.

* 14CONSEIL DE L'EUROPE, Comité européen pour les problèmes criminels, Rapport sur la décriminalisation, Strasbourg,1980, p.13.

* 15 Le terme de dépénalisation apparaît par exemple dans la table des matières de la 8eme édition du manuel de STEFANI G. et LEVASSEUR G., Droit pénal général, 8eme Ed, Dalloz, Précis, 1975.

* 16 Distinction opérée par GIROT M. dans sa thèse, déjà citée, pp.18 et s.

* 17 CONSEIL DE L `EUROPE, Comité européen pour les problèmes criminels, op.cit, p.15.

* 18 CORNIL P. in Actes du colloque sur la décriminalisation à Bellagio, 7 et 12 mai 1973, RDPC,1973-1974, p.268.

* 19 LEVASSEUR G., Le problème de la dépénalisation, op. cit. pp.56-57.

* 20 PRADEL J., Droit pénal général, op.cit, n°10, pp.25 et s.

* 21 DEMAS-MARTY M., Modèles et mouvements de politique criminelle ,op.cit, pp.279 et s.

* 22 Commission pour la réforme du code pénal belge in Rapport, Bruxelles, 1979, p.30.

* 23 LEVASSEUR G., le problème de la dépénalisation, op.cit, p.53.

* 24 LECLERCQ J., Variations sur le thème pénalisation/dépénalisation, op.cit, p.807.

* 25 VAN DE KERCHOVE M., Le droit sans peine, aspects de la dépénalisation en Belgique et aux USA,op.cit, pp.317 et s.

* 26 SAUTEL O., Le double mouvement de dépénalisation et de pénalisation dans le nouveau code pénal, thèse, Montpellier I, 2 vol, 1998.

* 27Bien qu'il n'existe pas de réel consensus relatif à cette notion, le droit pénal « moderne » débute à partir du positivisme scientifique, puis avec SALEILLES et La Défense sociale nouvelle.

* 28 On parle de droit pénal « classique » pour la période qui part de la révolution française et qui s'achève à la fin du XIX ème siècle.

* 29 COUVRAT P., La réforme du Code pénal, Regards sur l'actualité (La Documentation française), février 1993, p.34.

* 30 Pour le viol, la répression passe de 10 à 15 ans de réclusion criminelle, non pas pour des impératifs de politique criminelle, mais pour une raison purement technique : préserver la qualification criminelle du viol consécutivement à la mise en place d'une nouvelle frontière entre délits et crimes.

* 31 Les tortures et actes de barbarie, jusqu'alors uniquement envisagées comme circonstance aggravante de certaines infractions, deviennent désormais une infraction distincte punie de peines criminelles.

* 32 COUVRAT P., Les infractions contre les personnes dans le nouveau code pénal, RSC 1993, p.474.

* 33 DESPORTES F., Présentation des dispositions du nouveau Code pénal (lois n°92-683 à 92-686 du 22 juillet 1992), JCP 1992, I, 3615, p.422.

* 34 Cette innovation fait suite à une décision du Conseil constitutionnel du 28 novembre 1973, à l'occasion de laquelle le Conseil a affirmé le caractère inconstitutionnel de l'édiction, par le pouvoir réglementaire, d'incriminations assorties de peines privatives de liberté.

* 35 Pour une approche plus approfondie sur les différentes dispositions opérant pénalisation ou dépénalisation dans le nouveau Code pénal, v. AL BCHERAOUI D., Du caractère plus doux ou plus sévère de certaines dispositions du nouveau Code pénal ,JCP 1994, I, 3767.

* 36 En outre, le montant de l'amende pouvait être porté au quart des restitutions et des dommages et intérêts.

* 37 Cette loi a également élevé le montant de l'amende encourue au titre de l'abus de confiance à 5 000 000F (article 408 ACP).

* 38 La déstabilisation mentale est une technique utilisée à la fois pour le recrutement des adeptes et pour que soit rendu possible le maintien d'un état d'assujettissement total, nécessaire à la pérennité de l'engagement dans le mouvement.

* 39 DORSNER -DOLIVET A., La loi sur les sectes,D.2002, chr.1086, pp.1089 à 1091.

* 40 HUYETTE M., Les sectes et la protection judiciaire des mineurs, D.1996, chr.271.

* 41 Dissolution également au civil, grâce aux articles 3 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 et à l'article 18 de la loi du 9 décembre 1905, sans oublier l'article 6 du Code civil lorsque les mouvements sectaires se présentent sous la forme de sociétés.

* 42Ainsi, au 31 juillet 1999, seulement 250 procédures pénales relatives aux mouvements sectaires étaient en cours. Elles se répartissaient 134 enquêtes préliminaires - parmi lesquelles, en décembre 1999, 53 ont été classées sans suite, 58 étaient en cours, 11 ont fait l'objet d'une décision de relaxe et 12 d'une condamnation - et 116 informations judiciaires - dont 77 étaient à la même époque en cours, 10 avaient fait l'objet d'un non lieu, 1 d'une extinction de l'action pour décès du mis examen, 2 ont fait l'objet d'une décision de relaxe et 25 seulement d'une décision de condamnation. Quant à la procédure de dissolution, elle a été utilisée de manière rarissime.

Chiffres cités par le rapport n° 131 fait au Sénat au nom de la commission des lois, J.O Sénat, session 1999-2000.

* 43 Les sectes en France, rapport n°2468 (22 déc.1995) ; Les sectes et l'argent, rapport n°1687 (10 juin 1999).

* 44 LAZERGES C., De la fonction déclarative de la loi pénale, RSC 2004, pp.194 à 202.

* 45DORSNER -DOLIVET A., La loi n°2001-504 du 12 juin 2001 relative aux sectes, JCP 2001, Actu.48, (pour un aperçu rapide da la loi du 12 juin 2001).

* 46 Le nouvel article 223-15-2 reprend l'essentiel des dispositions de l'ancien article 313-4, sauf à considérer que la vulnérabilité doit à la fois être apparente et connue de l'auteur alors qu'auparavant, une seule de ces qualités suffisait. De plus, il punit de peines principales identiques à l'infraction d'origine : 3 ans d'emprisonnement et 2 500 000F d'amende (375 000 €).

* 47 L'expression « manipulation mentale » qui est purement doctrinale et qui ne figure pas dans le Code pénal sera ici employée par commodité.

* 48 DORSNER -DOLIVET A., La loi sur les sectes,D.2002, chr.1086., p.1094.

* 49 Loi n°92-634 du 22 juillet 1992.

* 50 LICARY S., Des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine résultant d'un abus de la situation de vulnérabilité ou de dépendance de la victime, RSC 2001, pp. 553 à 569.

* 51 Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 « pour la sécurité intérieure ».

* 52 Les peines encourues au titre des articles 225-13 et 225-14 passent à 5 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende. Les peines encourues au titre de l'article 225-15 passent à 7 ans et 200 000 € d'amende si les infractions ont été commises, soit l'égard de plusieurs personnes (alinéa 1), soit à l'égard d'un mineur (alinéa 2) ; lorsque les infractions ont été commise à l'égard de plusieurs personnes parmi lesquelles figurent un ou plusieurs mineurs, la peine culmine même à 10 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende.

* 53 La loi n° 98-468 du 17 juin 1998 fait passer la répression des atteintes sexuelles sur mineur commises sans circonstances aggravantes de 2 à 5 ans d'emprisonnement et de 30 000 à 75 000 € d'amende (art.227-25 CP). Pour un rapide aperçu du contenu de cette loi de 1998, v. LE GUNEHEC F., Dispositions de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 renforçant la prévention et la répression des infractions sexuelles JCP 1998, Act. n° 27, pp.1257 à 1260. Cette élévation des pénalités est d'une certaine façon la conséquence logique de l'élévation de 5 à 10 ans de l'emprisonnement encouru pour les atteintes sexuelles commises sur un mineur avec une circonstance aggravante, intervenue en 1995 (art.227-26 CP).

* 54 La loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 a fait passer les peines encourues au titre du proxénétisme simple (article 225-5 CP), de 5 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende, à 7 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende.

* 55 Constat effectué lors de la Conférence Internationale sur les disparitions et l'exploitation sexuelle des enfants, Interpol, Lyon, décembre 1999.

* 56 Loi n°2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.

* 57 OIPC-Interpol, Ass. Gén., Budapest, 24-28 septembre 2001.

* 58 Ibid.

* 59 Concernant les différentes législations nationales de lutte contre la traite des êtres humains, v. DURSCH S., Le trafic d'êtres humains, PUF, Coll. Criminalité internationale, 2002, pp.279 et s.

* 60 Loi n° 92-684 du 22 juillet 1992.

* 61 De plus, des colloques et publications tendaient à convaincre de l'importance du phénomène social que les instances communautaires prescrivaient de pourchasser ; le texte le plus important est la recommandation de la Commission en date du 27 novembre 1991 sur la protection de la dignité des femmes et des hommes au travail à laquelle est annexé un Code de pratique visant à combattre le harcèlement sexuel.

* 62 Le délit de harcèlement moral est puni d'1 an d'emprisonnement et de 15 000 €.d'amende.

* 63 Cette adjonction permit de réprimer également les chantages à l'emploi, consistant à faire de l'obtention de relations sexuelles la condition de celle de l'emploi.

* 64 CONTE P., Une fleur de légistique : le crime en boutons, A propos de la nouvelle définition du harcèlement sexuel, JCP 2002, Act. 320.

* 65 La loi n'abandonne pas la répression des abus d'autorité commis par les employeurs ou les supérieurs hiérarchiques dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, mais ouvre cependant la répression à des hypothèses d'initiatives séductrices qui s'avèrent être l'expression légitime des penchants de chacun.

* 66 Sur les dérives du système anglo-saxon pourtant à l'origine de la répression du harcèlement sexuel, v. DEKEUWER - DEFOSSEZ F., Le harcèlement sexuel en droit français : discrimination ou atteinte à la liberté, JCP 1993, I, 3662.

* 67 Au titre de l'article 26 alinéa 2 de la Charte sociale européenne, la France s'était engagée à promouvoir la sensibilisation, l'information et la prévention en matière d'actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs dirigés de façon répétée contre tout salarié sur le lieu de travail ou en relation avec le travail, et à prendre toute mesure appropriée pour protéger les travailleurs contre de tels comportements.

* 68 L'art. L.122-49 est une incrimination complémentaire qui interdit toute sanction, tout licenciement ou toute mesure discriminatoire prise à l'encontre d'un salarié qui aurait refusé de subir des agissements de harcèlement moral, en aurait témoigné ou les aurait relaté.

* 69 Sur le concours idéal de ces incriminations avec le délit de harcèlement moral, v. MONTERO E., Le concept de harcèlement moral dans le Code pénal et dans le Code du travail, RSC 2003, pp. 284-285.

* 70 BRILL J-P., La lutte contre les discriminations raciales dans le cadre de l'article 416 du Code pénal, RSC 1977, p. 35.

* 71 Tous les commentateurs soulignèrent alors que cette loi avait eu pour objectif de lutter contre les attitudes de rejet dont font l'objet les homosexuels, 5 ans à peine après la dépénalisation relative à cette orientation sexuelle.

* 72 Sur cette dernière loi, v. VERON M., Le renforcement du dispositif répressif contre les discriminations et le racisme. Présentation des lois des 12 et 13 juillet 1990, Dr. pén. 1990, chr. 1. Cette dernière loi s'est inscrite dans le débat relatif au traitement des personnes atteintes du virus du S.I.D.A. dont la protection contre la discrimination n'était pas pleinement assurée avant 1990.

* 73 Désormais, l'ensemble de la carrière professionnelle, y compris le cas de formation et de stage et non plus seulement l'embauche ou le licenciement, est protégé contre les actes discriminatoires.

* 74 Il s'agit des discriminations commises « à l'entrée d'établissements accueillant du public ».

* 75 Les peines encourues par les dépositaires de l'autorité publique ou en charge d'une mission de service public, passe de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 €, à 5 ans et 75 000 €.

* 76 BOURETTE M., Le droit pénal face au racisme, Regards sur l'actualité (La Documentation française), n° 305, novembre 2004, p.53.

* 77 Désormais, la répression des propos racistes comprend quatre délits contenus dans la loi sur la liberté de la presse : la provocation à la discrimination ethnique, nationale, raciale ou religieuse (art.24, al.6), la diffamation(art.32, al.2) et l'injure présentant les mêmes caractères ainsi que les propos négationnistes (art.24 bis). Il existe également trois contraventions qui sanctionnent les propos racistes non publics : les injures raciales art.R.624-4 CP), la diffamation raciale (art.R.624-3 CP) qui sont des contraventions de 4e classe, et la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes (art.R.625-7 CP) qui est une contravention de 5e classe.

* 78 La loi du 9 mars 2004 porte le délai de prescription des infractions de presse à caractère raciste, de 3 mois à 1 an. Par ailleurs, la pénalisation des propos racistes a fait l'objet d'une extension de son domaine au mode d'Internet par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique.

* 79 Pierre LELLOUCHE a lui-même dénoncé le fait que cette loi « n'était pas appliquée », mettant en avant le très faible nombre de procédures pour les quelles la circonstance aggravante avait été retenue par les parquets : v. LELLOUCHE P., Une loi tragiquement inappliquée, Le Monde, 15 juin 2004.

* 80 La démocratie d'imputation est fondée sur la dénonciation des responsabilités individuelleS et la stigmatisation des personnes. ROSANVALLON P., Le peuple introuvable, histoire de la représentation démocratique en France, Ed. Gallimard, 1998, Paris, p.332.

* 81 PONTIER J-M., La responsabilité des élus locaux, RA, n°293, 1996, p.36.

* 82 PORTELLI H., SIRINELLI J-F., La majorité et l'opposition, RD publ., 1998, n°5-6, pp.1640-1648.

* 83 STECKEL M-C., Plaidoyer pour une « dépénalisation » des fautes non intentionnelles des élus locaux, Rev. jur. Dr. Prosp., 2002, I, p.428 et pp.432-433.

* 84 Selon l'article 6 de la D.D.H.C. du 26 août 1789, « Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celles de leur vertus et de leurs talents ». 

* 85 Loi n°96-393 du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence ou de négligence, J.O., 14 mai 1996, p.7211.

* 86 Loi n°2000-647 du 10 juillet relative à la définition des délits non intentionnels, J.O, 11 juillet 2000, p.10483.

* 87 MAYAUD Y., Retour sur la culpabilité non intentionnelle en droit pénal à propos de la loi n°2000-6470 du 10 juillet 2000, D.2000, n°40,pp.603-604 et 606.

* 88 MASSOT J (prés.), Groupe d'étude sur la responsabilité pénale des décideurs publics, Rapport remis au Garde des Sceaux le 16 décembre 1999,op.cit. p.36.Rapport publié à La Documentation française, 2000.

* 89 MASSOT J., Groupe d'étude sur la responsabilité pénale des décideurs publics, op.cit, p.22.

* 90 PRADEL J., Droit pénal général, Cujas, Paris, 2000, n°518, p.451.

* 91 V. not. J.O, déb.Sén.2000, pp.4095, 4097, 4102, 4492; J.O, déb. AN,2000, 6218, 6220.

* 92 DESPORTE F., La responsabilité pénale en matière d'infractions non intentionnelles .La loi du 10 juillet 2000 devant la Chambre criminelle, http://www.courdecassation.fr, v. également STEINLE-FEUERBACH M-F., A la loupe :les délits non intentionnels au regard de la loi du 10 juillet 2000, Journal des Accidents et des Catastrophes, http://www.iutcolmar.uha.fr

* 93 RUET C., La responsabilité pénale pour faute d'imprudence après la loi n°2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels ; PRADEL J., Droit pénal général, Cujas, Paris, 2000, n°518,p.451.

* 94 En cas d'adultère, le femme encourait une peine de 3 mois à 2 ans d'emprisonnement (art.337 ACP). Le mari infidèle bénéficiait quant à lui d'une mansuétude du législateur tant au niveau du champ d'application de l'adultère dont il pouvait se rendre coupable, qu'au niveau des sanctions qu'il encourait pour un tel manquement : en effet, le mari ne tombait sous le coup de la répression que s'il avait entretenu une concubine au domicile conjugal et il n'encourait qu'une amende de 360 à 7200 F (art.339 ACP).

* 95 Il faut cependant noter qu'une hypothèse d'adultère est toujours en vigueur : celle qui résulte de l'article 1er de la loi du 23 décembre 1942 tendant à protéger la dignité du foyer loin duquel l'époux est retenu par la suite de circonstances de guerre.

* 96 PRADEL J. et DANTI-JUAN M., Droit pénal spécial, Cujas, 2e Ed., 2001, n° 31, p. 51.

* 97 Les femmes aisées peuvent aller se faire avorter à l'étranger dans des conditions sanitaires souvent correctes et les femmes plus pauvres, doivent quant à elle recourir en France, à des praticiens sans compétences médicales.

* 98 Sur les arguments invoqués contre la dépénalisation de l'IVG lors du débat relatif à cette dernière, v. MAYER D., De quelques aspects de la dépénalisation actuelle en France : en matière de moeurs, RSC 1989, pp.446-447.

* 99 L'alinéa 3 de l'article 223-12 incrimine cependant « le fait de fournir à la femme, les moyens matériels de pratiquer l'IVG elle-même ».

* 100 Les peines passent de 2 ans d'emprisonnement et 30 000 F d'amende, à 2 ans et 30 000 €.

* 101 Conseil constitutionnel, 19 décembre 1980, déc. N° 80-125, J.O 1980, p. 3005.

* 102 Loi du 12 juillet 1916, JO, 14 juillet 1996.

* 103 Décret-loi du 29 juillet 1939, JO, 30 juillet 1939.

* 104 Circulaire n°52-10 du 19 février 1952 sur La répressions des infractions en matière de stupéfiants.

* 105 SIMMAT-DURAND L., La lutte contre la toxicomanie, De la législation à la réglementation, L'Harmattan, coll. Logiques sociales, 2001, p.25.

* 106 Convention internationale de l'opium, Société des Nations, Recueil des traités, pp.188 et s.

* 107 « Les parties, soucieuses de la santé physique et morale de l'humanité ;... Reconnaissant que la toxicomanie est un fléau pour l'individu et constitue un danger économique et social pour l'humanité... ».

* 108 Circulaire 69F.389 du 20 octobre 1969 ; objet : Affaires de stupéfiants.

* 109 Circulaire Justice 69F.389 du 15 décembre 1969 ; objet : Trafic et usage illicite de stupéfiants.

* 110 Même circulaire du 15 décembre 1969.

* 111 « Il a été décidé de mettre en oeuvre, immédiatement, un certain nombre de mesures dont l'application préfigurera l'organisation spécifique envisagée », Circulaire DGS/1394/MS1 du 15 décembre 1969, Lutte contre la toxicomanie, p.2.

* 112 Loi n°70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses, JO du 3 janvier 1971, p.74.

* 113 Ce point de vue était celui de la Commission culturelle, v. BERNAT DE CELIS J., Fallait-il créer un délit d'usage illicite de stupéfiants ?, CESDIP, 1992, n°54, p.40.

* 114 Proposition de loi de M.MAZEAUD, député, Documents de l'Assemblée nationale, Première session ordinaire de 1969-1970, séance du 15 octobre 1969.

* 115 Proposition de loi de M.WEBER, député, Séance du 5 novembre 1969.

* 116 Rapport supplémentaire 1330, annexe au procès verbal du 26 juin 1970, mis en distribution le 29 juin 1970.

* 117 Sur ce contexte, v. BERNAT DE CELIS J Fallait-il créer un délit d'usage illicite de stupéfiants ?, CESDIP, 1992, n°54, pp.46 à 53.

* 118 Pour une description précise de l'incrimination de l'article L.628 CSP, v. . BERNAT DE CELIS J Fallait-il créer un délit d'usage illicite de stupéfiants ?, CESDIP, 1992, n°54.

* 119 Ordonnance n°200-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du CSP (D.2000.279).

* 120 Loi n°76-616 du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme, JO  « Lois et décrets », 10 juillet 1976.

* 121 Loi n°91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcool, JO.12 janvier 1991.

* 122 ROBERT J-H., Cachez ce vin que je ne saurai boire !, Dr.pén., mars 1991, p.2.

* 123 ROBERT J-H., L'interdiction de la publicité en faveur du tabac selon la loi du 10 janvier 1991, Dr.pén., juin 1991,p.1.

* 124 Une activité est parrainée quand ceux qui s'y livrent s'engagent, contre argent, à promouvoir le nom ou la marque d'une entreprise dite le parrain ou le sponsor.

* 125 L'euthanasie active est l'acte par lequel il est délibérément mis fin aux jours d'un individu, sur sa demande, par une action positive, telle que l'injection d'une substance létale.

* 126 L'euthanasie passive consiste dans l'interruption des techniques de suppléances vitales (ventilation assistée, dialyse).

* 127 En cas de suicide médicalement assisté, le médecin se contente de fournir à son malade les moyens de mettre fin à ses jours, sa participation ne va pas au delà.

* 128 Sur ces deux positions et leurs arguments, v. ANDRE C., Euthanasie et droit pénal : la loi peut-elle définir l'exception ?, RSC, janvier-mars 2004, p.45.

* 129 Sur ces différentes législations étrangères, v. Anonyme, Pour la dépénalisation de l'euthanasie. Entretien avec HENRI CAVAILLET (ancien ministre, membre honoraire du parlement, président de l'association pour le droit de mourir dans la dignité), Regard sur l'actualité (La Documentation française), mars 2004, n°299, pp.77-78.

* 130 Toulouse 9 août 1973, D.1974, p.452.

* 131 La responsabilité pénale du médecin dans l'affaire VINCENT HUMBERT a toutefois été engagée sur le fondement de l'empoisonnement avec préméditation, passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

* 132 Crim. 3 janvier 1973, bull. crim. n°2, p.4.

* 133 Crim. 19 février 1997, D.1998, p.236, note LEGROS B.

* 134 V. entre autres : MERLES R. et VITU A., Traité de droit criminel, Ed. Cujas, 1982, tome 2, p.1366 ; HENNETTE S., L'euthanasie est-elle pensable en droit ?, Les Cahiers de la sécurité intérieure. 1997, p.150.

* 135 GIRAULT C., Le droit à l'épreuve des pratiques euthanasiques, PUAM, 2002, n°786, p.387.

* 136 La plupart des minima ont disparu, sauf en matière criminelle où l'article 132-18 CP précise que lorsque la réclusion criminelle à perpétuité est encourue, la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure à 2 ans.

* 137 Ainsi, le 11 mars 1998, la Cour d'assises d'Ille-et-Vilaine a condamné à 5 ans d'emprisonnement avec sursis un jeune homme qui avait étouffé sa grand mère devenue grabataire et sénile, v. Libération, 13 mars 1998.

* 138 L'avant-projet de réforme du Code pénal prévoyait la création d'un crime d'euthanasie, défini comme « le fait de mettre fin à la vie d'une personne menacée d'une mort prochaine et inévitable dans le but d'abréger ses souffrances et sur sa demande sérieuse, insistante et répétée ». Sur ce point, v. ANDRE C., Euthanasie et droit pénal : la loi peut-elle définir l'exception ?, RSC, janvier-mars 2004, pp.60-61.

* 139 L'analyse suivante ressort de l'étude de l'avis du Comité menée par ANDRE C.,, in Euthanasie et droit pénal : la loi peut-elle définir l'exception ?, RSC, janvier-mars 2004, pp.47 à 50.

* 140 Telle est en tout cas la conclusion qui ressort de la lecture de l'avis selon lequel « le juge resterait bien entendu maître de la situation ».

* 141 Loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (JO, 23 avril 2005, p.7089).

* 142 Article L.1110-5 al.2 CSP (article 1 de la loi).

* 143 Article L.1111-11 CSP (article 7 de la loi).

* 144 Article L.1110-5 dernier al. CSP (article 2 de la loi).

* 145 Article L.1111-10 CSP (article 6 de la loi).

* 146 Article L.1111-4 CSP (article 5 de la loi).

* 147 Article L.1111-13 CSP (article 9 de la loi).

* 148 Article L.1111-12 CSP (article 8 de la loi).

* 149 La loi n°87-519 du 10 juillet 1987 renforçant la lutte contre l'alcool au volant, JO 12 juillet 1987, p.7827.

* 150 Article L.1 code de la route ; article L.234-1 nouveau Code de la route.

* 151 Article L.2 code de la route ; article L.231-1 nouveau Code de la route.

* 152 Par exemple, la conduite d'un véhicule sans être titulaire du permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule, passe d'un emprisonnement d'1 mois à 6 mois et 500F à 20 000F d'amende, à 2 mois à 2 ans d'emprisonnement et 2000 à 30 000F d'amende.

* 153 Loi n°2002-1062 du 6 août 2002, JO, 9 août 2002, p.13647.

* 154 Loi n°20003-95 du 3 février 2003, JO, 4 février 2003, p.2103.

* 155 La peine passe même à 3 ans d'emprisonnement et 9000 € d'amende si le conducteur est également sous l'empire d'un état alcoolique.

* 156 En ce sens, PIRE E., Conduite automobile et usage de stupéfiants : à trop vouloir en faire..., D.2003, point de vue, p.771.

* 157 3 774 condamnations en 1996 et 234 279 en 2002.

* 158 Selon cet article : « tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres qui lui incombent », sous peine d'une amende prévue pour les contraventions de seconde classe, soit un maximum de 150 €.

* 159 Décret n°2003-293 du 31 mars 2003, JO, 1er avril 2003, p.5702.

* 160 Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, D.2004, 737.

* 161 Loi n°2003-495 du 12 juin 2003, JO, 13 juin 2003, p.9943.

* 162 GUEDON J-P., Les efforts du législateur contre la violence routière, JCP.2003, doctr., p.2077.

* 163 Alors que l'homicide involontaire de l'article 221-6 CP est lui, puni de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.

* 164 Le même comportement hors contexte routier n'encourt quant à lui que 2 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende (article 222-19 CP).

* 165 De telles atteintes à l'intégrité physique d'autrui, lorsqu'elles ne sont pas commises dans le contexte routier, constituent une simple contravention de 5e classe (1500 € d'amende, article R-625-1 CP). Il faut noter que la répression est en revanche uniforme s'il ne résulte pas d'ITT du comportement incriminé : qu'on se situe ou non dans le contexte routier, l'infraction est une contravention de 2e classe (150 € d'amende).

* 166 JOAN 20 mars 2003, p.2234. Un article 223-11 CP aurait puni de façon générale « l'interruption de la grossesse sans le consentement de l'intéressée, causée (...) par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement », les peines d'1 an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende étant portées, selon l'article 223-12, à 2 ans et 30 000 si l'auteur de l'infraction est un conducteur (six circonstances aggravantes portant les peines à 3 ans et 45 000 €).

* 167 En ce sens, GUEDON J-P., Les efforts du législateur contre la violence routière, JCP.2003, doctr., p.2079.

* 168 Décret n°2001-1127 du 23 novembre 2001, JO, 30 novembre 2001, p.19 040.

* 169 De plus, la loi n°2002-3 du 3 janvier 2002 (JO, 4 janvier 2002, p.215) punit de 6 mois d'emprisonnement et de 3750 € d'amende tout conducteur qui, « dans un tunnel, ne respecte pas la distance de sécurité suffisante entre deux véhicules (...) et qui commet la même infraction dans un délai d'un an à compter de la date à laquelle cette condamnation est devenue définitive » (article L.412-2, Code de la route).

* 170 En outre, le nombre de points perdus de plein droit passe de un à trois (il en va de même pour l'absence de casque, article R.431-1, Code de la route).

* 171 Article R.317-29, Code de la route, abrogé , article L.317-5 du même code.

* 172 Article R.413-5 Code de la route.

* 173O.N.I.S.R, L'accidentologie générale, la synthèse générale de l'année 2004, www.securiteroutiere.equipement.gouv.fr, (site consulté fin juillet 2005).

* 174 Ces ordonnances de 1945 ont d'ailleurs été suivies de la célèbre loi du 30 août instituant l'interdiction générale d'exercer une profession industrielle ou commerciale.

* 175 La création du Conseil de la concurrence emporte un transfert du pouvoir de sanction vers cette autorité administrative indépendante et ne constitue pas une dépénalisation. en vertu de la typologie d'acceptions adoptée dans le cadre de cette étude.

* 176 La responsabilité pénale des personnes morales qui a bien entendu des implications dans d'autres branches du droit pénal, obéissait à son origine au principe de spécialité et a d'ailleurs fait l'objet d'une extension successive de son champ d'application qui va déboucher sur le principe de généralité dont l'entrée en vigueur est programmée pour le 31 décembre 2005 en vertu de l'article 54 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 « portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité » (J.O, 10 mars 2004).

* 177 En ce sens, v. CALAIS-AULOY M-TH., La dépénalisation en droit pénal des affaires, D.1988, chr, p.315.

* 178 Sur cette loi du 25 janvier 1985 et la dépénalisation qui en découle, v. DERRIDA F., La dépénalisation dans la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, RSC 1989, p.663.

* 179 BOULOC B., La liberté et le droit pénal, Rev. Sociétés 1989. 377, p.379.

* 180 DELMAS-MARTY M. et GIUDICELLI DELAGE G. (sous la dir. de), Droit pénal des affaires ,4e éd., 2000, PUF, p. 315.

* 181 MARINI P., Rapport au Premier ministre, La modernisation du droit des sociétés, 1996, La documentation française, pp. 100 et s.

* 182 Pour une liste complète des délits décriminalisés par la loi NRE, v. REBUT D., Rép. Pénal, sociétés, p.6.

* 183 Loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière et loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique. Pour un bilan des dépénalisations consécutives à ces deux lois de 2003, v. ROBERT J-H., Dépénalisations saupoudrées, Dr. pén., Octobre 2003, pp. 17 et s.

* 184 Ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises.

* 185 Ordonnance n° 2004-604 du 24 mai 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales.

* 186 Pour un panorama détaillé des dépénalisations opérées en 2003 et 2004, v. ROBERT J-H., Tableau récapitulatif des dépénalisations opérées depuis 2003 dans le droit des sociétés par action, Dr. pén., février 2005, pp. 6 et s.

* 187 PROTHAIS A., Un droit pénal pour les besoins de la bioéthique, RSC 2000, p.39.

* 188 Une seule des infractions ainsi créées est reprise depuis 1994 dans le Code pénal à la faveur de sa réforme : le fait de pratiquer ou de faire pratiquer sur une personne une recherche biomédicale sans avoir recueilli le consentement de celle-ci notamment (art.223-8) qui est punissable de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. Les autres délits sont demeurés dans le CSP.

* 189 La loi n° 94-653 (relative à la protection du corps humain) et la loi n°94-654 (relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à la procréation et au diagnostique prénatal) du 29 juillet 1994 ont été reconnues conformes à la constitution par une décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994 (Cons. const. 27 juillet 1994, déc. n° 94-343-344 DC: JO 29 juillet 1994, p.11024).

* 190 Il s'agit des délits relatifs aux examens génétiques, à la maternité de substitution et à l'expérimentation humaine.

* 191 PROTHAIS A., Tribulations d'un pénaliste au royaume de l'éthique biomédicale, JCP 1999, I, 129, p.723.

* 192 La loi n° 2004-800 du 6 août 2004 a été reconnue conforme à la constitution par la décision n° 2004-498 DC du Conseil constitutionnel intervenue le 29 juillet 2004. Pour une présentation détaillée du contenu de cette loi, v. VERON M., Bioéthique, le contenu pénal de la loi du 6 août 2004, Dr. Pénal, 2004, Chr.16, pp.11 à 13.

* 193 30 ans de réclusion criminelle et 7 500 000 € d'amende pour les personnes physiques.

* 194 Au sein duquel il figurait à l'article 511-1.

* 195 Ainsi, la loi a par exemple criminalisé le clonage d'embryons humains à des fins thérapeutiques, puni de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende (art.511-18-1). Trois nouvelles infractions assorties de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende sont également issues de la loi de 2004 : deux d'entres elles encadrent les conditions et les modalités de conservation et d'utilisation des tissus ou cellules embryonnaires ou foetaux (art.511-19-1 et 511-19-2) et la dernière réglemente l'importation ou l'exportation à des fins de recherche des tissus ou des cellules embryonnaires ou foetaux (art.511-19-3).

* 196 C'est notamment le cas pour l'importation ou l'exportation des organes, tissus, cellules et produits cellulaires à finalité thérapeutique en violation des disposition du CSP dont la répression passe de 2 ans et 30 000 € à 5 ans et 75 000 €.

* 197 Ainsi, le professeur LE GUENNEC N. affirme à cette époque que « le droit pénal de l'informatique en général est un droit encore parcellaire ». v. LE GUENNEC N., Le droit de l'informatique : encore parcellaire, Act. Jur. P.I. 1983.514

* 198 Concernant la répression des infractions contre les biens commises à l'occasion de l'utilisation de l'outil informatique, v. GASSIN R., Le droit pénal de l'informatique, D.1986, chr., pp.37 à 39.

* 199 Loi n° 88-19 du 5 janvier 1988 (J.O. 6 janvier 1988).

* 200 CHAMOUX F., La loi sur la fraude informatique : de nouvelles incriminations, JCP 1988, I, 3321.

* 201 Pour une approche plus conceptuelle de l'émergence d'un droit pénal de l'informatique autonome, v., CROZE H., L'apport du droit pénal à la théorie générale de l'informatique (à propos de la loi n° 88-19 du 5 janvier 1988 relative à la fraude informatique), JCP 1988 , I, 3333.

* 202 V. l'article 225-7 CP, 9° introduit par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998.

* 203 Il s'agit notamment de l'obligation du port du casque ou encore d'attacher la ceinture de sécurité, de l'interdiction d'utiliser des appareils anti- radar, etc.

* 204 La loi du 10 juillet 1987 renforçant la lutte contre l'alcool au volant a doublé les peines pour les délits d'alcoolémie mais aussi pour d'autres infractions comme le délit de fuite

* 205 SARGOS P., La politique législative des infractions routières, RSC, n° spécial, 1978, p. 79.

* 206 COUVRAT P. et MASSE M., De quelques aspects de la dépénalisation actuelle en France : les décalages de la répression en matière de sécurité routière, RSC 1989, p. 454.

* 207 Cela englobe toutes les contraventions des quatre premières classes non soumises à l'emprisonnement et à la suspension du permis de conduire, et donc seulement punissables d'une amende.

* 208 C'est le cas par exemple pour l'arrêt et le stationnement gênant.

* 209 Par exemple, concernant les infractions aux règles relatives à l'équipement des véhicules.

* 210 PRADEL J. et DANTI-JUAN M., Droit pénal spécial, Cujas, 2e Ed., 2001, n° 1004, p. 652.

* 211 DERRIDA F, Le nouveau régime des chèques sans provision, Dalloz 1976, chr. p. 205.

* 212 Les principales innovations résultant de ce texte ne sont jamais entrées en vigueur, notamment l'exigence d'une intention frauduleuse lors de l'émission.

* 213 La peine encourue au titre de la contravention d'émission de chèque sans provision était de 10 jours à 2 mois de prison et de 1000 à 2000F d'amende.

* 214 La peine encourue au titre du délit d'émission de chèque sans provision n'a pas été modifiéE par cette loi de 1972 : de 1 à 5 ans d'emprisonnement et de 3 600 à 36 000F d'amende.

* 215 VASSEUR M., Le chèque sans provision en France (18965-1992), JCP 1992, I, 3562, p. 111.

* 216 Pour un aperçu plus complet des chiffres concernant l'émission de chèques sans provision entre 1986 et 1990, v. CHAPUT Y., La loi du 30 décembre 1991 relative à la sécurité des chèques et des cartes de paiement, D. 1992, chr., p. 101.

* 217 L'émission sana provision d'un ou de plusieurs chèques, si elle a été accompagnée de manoeuvres frauduleuses en vue de persuader une personne de l'accepter ou de les accepter (mais encore faut-il qu'elle l'ait été), rendra son auteur passible des peines de l'escroquerie. L'exposé des motifs de la loi l'a expressément rappelé.

* 218 Pour un aperçu du nouveau dispositif institué par la loi du 30 décembre 1991, v. PRADEL J. et DANTI-JUAN M., Droit pénal spécial, Cujas, 2e Ed., 2001, n° 1004, p. 652.

* 219

* 220 CABALLERO F. et BISIOU Y., Droit de la drogue, Précis Dalloz, 2e Ed., 2000, p. 563.

* 221 Circ. 78-08bis du 17 mai 1978 relative à l'usage de stupéfiants et à l'application de certaines recommandations du rapport de la mission d'étude sur la drogue, BO Min. just. 1978, 8bis, pp. 1et s.

* 222 Circ. CAB 87-01/12-05-87 du 12 mai 1987, BO Min just. n° 26, avril-juin 1987.

* 223 Circ. CRIM 95-24, G/21-12-95 du 21déc.1995, BO Min. just. n° 60, 1995.

* 224 Circ. Premier ministre, 13 sept. 1999, JO 17 sept., p. 13 929.

* 225 MILDT, Plan triennal de lutte contre la drogue et la dépendance, p. 50.

* 226 Sur ce point, v. BECK F. et LEGLEYE S., Regards sur l'actualité (La Documentation française), n° 294, octobre 2003, pp. 53 à 63.

* 227 Statistiques recueillies sur le site du ministère de l'Intérieur : www.intérieur.gouv.fr, La consommation de drogues en France, (site consulté mi juillet 2005).

* 228 Discours prononcé par M. le Garde des Sceaux en ouverture du colloque « réalités du cannabis » organisé par GARRAUD J-P., Ass. Nat., le 24 oct. 2002, disponible sur le site du ministère de la Justice : www.justice.gouv.fr (site consulté mi juillet 2005).

* 229 SENAT, Proposition de loi relative à la lutte contre la toxicomanie, à la prévention et à la répression de l'usage illicite de plantes ou de produits classés comme stupéfiants, www.senat.fr (site consulté en juillet 2005).

* 230 Ces développements ont été effectués à partir d'une publication faute de documentations dans ce domaine malgré l'ampleur du phénomène : INFOSTAT JUSTICE n° 74, mai 2004.

* 2311 702 890 vols simples constatés en 1991 contre 1 811 852 en 2001.

* 232 Etude réalisée sur les sept parquets d'Ile de France grâce à l'Infocentre alimenté par le système de gestion de la « Nouvelle chaîne pénale ».

* 233 Cette forte diminution des condamnations pour vol simple a eu peu d'incidence sur la nature des peines prononcées.

* 234 La loi du 4 janvier a instauré la médiation pénale (art. 41-1 Code de procéd. pén.). Ensuite, la loi du 23 juin 1999 a introduit dans l'article 41-1 du Code de procédure pénale, des modes alternatifs de règlement des litiges encore plus souples que la médiation pénale (rappel à la loi, orientation vers une structure sanitaire sociale ou professionnelle, la régularisation de la situation, la réparation du dommage, etc.). Cette loi a également mis en place la composition pénale de l'article 41-2 du Code de procédure pénale.

* 235 La création avec le nouveau Code pénal de 1994, du délit de vol avec destruction, dégradation ou détérioration (art.311-4 CP), a déplacé une partie des vols simples vers les vols aggravés ; la création de cette nouvelle infraction a donc également contribué à la baisse des condamnations pour vol simple, mais dans une mesure qui reste marginale (2% des condamnations).

* 236 15 300 en 1993 et 7800 en 2002.

* 237 Au 1er janvier 1993, 22% des condamnés l'étaient pour des faits de vol simple ; au 1er janvier 2002, ils n'en représentaient plus que 11%.

* 238 ROGER P, Le projet de loi Sarkozy sur l'immigration suscite l'hostilité des associations et suscite l'hostilité des associations et les réticences de M.Fillon, Le Monde, 10 octobre 2003.

* 239Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 « pour la sécurité intérieure ».

* 240 ROCHE S., La société incivile, Seuil collection, 1996.

* 241 GOFFMAN E., Stigmate, Minuit, Paris, 1989.

* 242 L'article 225-10-1 punit le fait, par tout moyen, y compris par une attitude passive (c'est à dire par sa tenue vestimentaire ou son attitude), de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération.

* 243 Le Conseil constitutionnel, pour l'application de la loi nouvelle, a cependant recommandé aux juridictions de considérer dans le prononcé de la peine, la circonstance que l'auteur a agi sous la menace ou la contrainte. L'effectivité de cette disposition reste subordonnée à l'attitude du juge, ce qui ne représente évidemment pas une garantie suffisante de l'équité qui devrait gouverner l'application du nouveau dispositif.

* 244 Loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 impose la création d'aires d'accueil aux villes de plus de 5000 habitants.

* 245 Sont également concernés par cette nouvelle incrimination, les « raveurs », qui, pour s'adonner en toute liberté à leur passion festive, prennent possession des terrains publics ou privés. Les « rave party » ou encore «  free party » ont d'ailleurs fait l'objet d'une prohibition par l'article 53 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne (J.O. 16 novembre 2001). Cette loi prévoit une amende de 1500 et de nombreuses peines complémentaires (dont la confiscation du matériel et suspension du permis de conduire notamment) en cas de non respect de l'obligation de déclaration préalable à la préfecture au plus tard un mois avant la date prévue pour le rassemblement.

* 246 Ce délit réprime les voies de fait ou la menace de commettre des violences contre une personne, ou l'entrave apportée, de manière délibérée, à l'accès et à la libre circulation des personnes, ou au bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté, lorsqu'elles sont commises en réunion de plusieurs auteurs ou complices, dans les entrées, cages d'escalier ou autres parties communes d'immeubles collectifs d'habitation.

* 247LAZERGES C., De la fonction déclarative de la loi pénale, RSC 2004, p.199.

* 248 NUTTENS J-D., La loi pour la sécurité intérieure, Regards sur l'actualité (La documentation française), n° 290, avril 2003, p. 78.

* 249 VOGLIOTTI M., Mutation dans le champ pénal contemporain : vers un droit pénal en réseau ? , RSC 2002,

pp. 727-728.

* 250 LOCHAK D., La logique législative de «  ciblage » des étrangers, Après demain, journal mensuel de la documentation politique, n° 469, p.9.

* 251 V. Assemblée nationale. Compte rendu du conseil des ministres du 30 avril 2003 sur la maîtrise de l'immigration et le séjour des étrangers en France. www.assemblée.nationale.fr (site consulté fin janvier 2005).

* 252 LOCHAK D., La loi sur la maîtrise de l'immigration : analyse critique, Regards sur l'actualité (La Documentation française), n°299, mars 2004, pp.22-23.

* 253 G.I.S.T.I., La pénalisation des étrangers dépourvus d'autorisation de travail. www.gisti.org (site consulté en mai 2005).

* 254 VOGLIOTTI M., Mutation dans le champ pénal contemporain : vers un droit pénal en réseau ? ,

RSC 2002, p. 738.

* 255 C'est le cas en ce qui concerne la dépénalisation de l'homosexualité et de l'adultère. La dépénalisation de l'IVG est quant à elle intervenue à un moment où la dépénalisation de ce comportement était loin de faire l'unanimité.

* 256 COMITE EUROPEEN POUR LES PROBLEMES CRIMINELS, Rapport sur la décriminalisation,

Strasbourg : Conseil de l'Europe, 1980, p.65.

* 257 C'est le cas notamment en ce qui concerne la dépénalisation de fait de certaines infractions courantes comme le vol simple ou l'usage de stupéfiants, ou encore la décriminalisation de l'émission de chèques sans provision, chacun de ces comportements représentant un contentieux de masse à lui tout seul.

* 258 On peut criminaliser une action sans évaluer le coût ou payer le prix de ce processus. Il n'existe d'ailleurs aucune obligation de voter les crédits nécessaires au supplément de moyens dont les services pénaux pourraient avoir besoin.

* 259 MARY P., Délinquance te insécurité en Europe : vers une pénalisation du social ? , GROUPE EUROPEEN DE RECHERCHE SUR LA JUSTICE PENALE, Délinquance et insécurité en Europe : vers une pénalisation du social ? Actes des 2 et 3eme séminaires tenus à Corfou, 1998 et 1999, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 22.

* 260 MERLES R. et VITU A., Traité de droit criminel, Ed. Cujas, 1973, 2e Ed., pp.31-32.

* 261 ZARKA J-C., A propos de l'inflation législative, D.2005, p.660.

* 262 SALAS D., La République pénalisée, Hachette, Paris, 1996






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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe