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La garantie des droits fondamentaux au Cameroun

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par Zbigniew Paul DIME LI NLEP
Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004
  

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B.- L'immunité de la loi promulguée

Le contrôle de la constitutionnalité des lois en vigueur dans l'ordre juridique camerounais est un contrôle a priori, abstrait et exercé par voie d'action. Il doit survenir avant la promulgation d'un texte afin que les irrégularités qu'il contient puissent être, si possible, modifiées. Un principe peut en conséquence être tiré de ce caractère du contrôle de constitutionnalité ainsi exercé, l'incontestabilité de la loi promulguée consacrant l'interdiction du contrôle a posteriori.

Dès lors, la saisine du juge constitutionnel doit intervenir avant la promulgation dont elle suspend le délai. « Après la promulgation, écrit le Pr DEGNI SEGUI, la loi n'est susceptible d'aucun recours juridictionnel et s'impose à tous »296(*).

Ce principe prévaut dans l'ordre juridique camerounais, ce qui a conduit le Pr NLEP à poser le constat que plusieurs lois inconstitutionnelles pullulent dans cet ordre juridique297(*). Dès lors qu'une loi est promulguée au Cameroun, elle accède à l'immunité. Ceci revient à penser au demeurant que le contrôle par voie d'exception est, comme en France, un mécanisme écarté dans le système juridique camerounais.

L'exception d'inconstitutionnalité est une procédure permettant de rouvrir l'accès au juge constitutionnel contre une loi inconstitutionnelle nonobstant la promulgation de celle-ci298(*). C'est le mécanisme de la question préjudicielle soulevée devant les juges des ordres judiciaire et administratif. Prévu dans divers Etats européens299(*) et africains300(*), il est, à en croire le Pr DEGNI-SEGUI, interdit dans l'ordre juridique camerounais301(*). Mais, une telle affirmation est à notre avis fort péremptoire.

En effet, à l'instar des précédentes lois fondamentales, le texte de 1996 n'interdit nullement la technique de l'exception d'inconstitutionnalité, même si elle n'est pas formellement organisée. Peut-on alors légitimement penser que, puisqu'elle n'est pas interdite, le juge, qu'il soit de l'ordre judiciaire ou administratif, puisse connaître d'une question préjudicielle d'ordre constitutionnel ?

Pour une partie de la doctrine camerounaise, la réponse à cette question est positive302(*). Toutefois, le juge ordinaire camerounais a observé une attitude de rejet de l'exception d'inconstitutionnalité soulevée devant lui, même s'il a par la suite tempéré cette position.

Le juge judiciaire camerounais retient la même position que le juge de cassation français303(*) et dans un arrêt du 5 mai 1973, il énonce clairement que « en tout état de cause, la juridiction répressive n'est pas au Cameroun juge de l'inconstitutionnalité des lois ».

Le juge administratif adopte cette même attitude et l'a clairement signifié dans deux arrêts de principe. Dans l'affaire SGTE précitée, le juge administratif camerounais exclut tout contrôle de la constitutionnalité des lois par voie d'exception qui pour lui, « n'est pas prévu par le droit camerounais ». Dans un autre jugement n° 14/CS/CA du 30 novembre 1978, MOUNGOLE Léon c. Etat du Cameroun, il décide que « si la Cour, de par la Constitution est juge de la constitutionnalité des lois, d'après l'article 10 de la dite Constitution, elle ne peut être saisie que par le président de la République. Elle ne peut se saisir d'office, ni à l'initiative de tout le monde ».

La position des juges des ordres judiciaire et administratif était donc établie, le contrôle par voie d'exception étant écarté. Mais, des tempéraments vont atténuer la rigueur de cette position.

Ainsi dans de nombreuses affaires, le juge judiciaire camerounais admet l'exception d'inconstitutionnalité s'agissant des coutumes. Il a même rejeté l'application de certaines coutumes, sous prétexte qu'elles sont contraires au principe de l'égalité de tous devant la loi304(*).

De l'avis du Pr MINKOA, le juge administratif invoque fréquemment la violation d'un principe général de droit pour refuser l'application d'une loi, ce qui équivaut, selon ses termes, « à un contrôle de constitutionnalité déguisé »305(*). Ce qui dès lors laisse une chance à l'exercice du contrôle de constitutionnalité par voie d'exception au Cameroun.

Au total, si en France la crainte de l'instauration d'un ``gouvernement des juges'' a conduit à la mise en place craintive du Conseil constitutionnel, cette crainte ne semble pas se justifier dans l'ordre juridique camerounais. En effet, le contrôle de constitutionnalité des lois devrait, comme dans les systèmes d'origine dans lesquels il a été initié, assurer une réelle protection des droits des citoyens. Le juge constitutionnel, par son statut et la portée de sa jurisprudence, n'en sortirait que plus confirmé dans son rôle de garant de la suprématie constitutionnelle et partant des droits fondamentaux des citoyens.

* 296 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 137.

* 297 R. G. NLEP, ibid., p. 147.

* 298 On peut distinguer deux types d'exception d'inconstitutionnalité :

1. d'une part, l'exception d'inconstitutionnalité devant le juge constitutionnel, c'est-à-dire le cas dans lequel, à l'occasion d'un litige de droit constitutionnel, se pose de façon incidente la question de l'inconstitutionnalité d'une loi;

2. d'autre part, l'exception d'inconstitutionnalité devant le juge ordinaire, c'est-à-dire le cas dans lequel la question de l'inconstitutionnalité d'une loi est soulevée devant un juge qui n'est pas spécialisé dans les affaires constitutionnelles et qui est donc un juge civil, pénal ou administratif (M. FROMONT, ``Rapport sur les exemples de la Suisse, de l'Autriche et de la République fédérale d'Allemagne en matière d'exception d'inconstitutionnalité'', in G. CONAC et D. MAUS (dir.), L'exception d'inconstitutionnalité : Expériences étrangères, situation française, Paris, Ed. STH, Coll. « Les grands colloques », 1990, p. 14.

* 299 Le mécanisme est prévu en Suisse, Autriche, Allemagne, Italie.

* 300 V. les Constitutions béninoise (art. 122), togolaise (art. 104).

* 301 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 139.

* 302 V. à ce propos A. MINKOA SHE, op. cit., p. 78 et sq. ; S. MELONE, obs. sous jugement C.A de Garoua, 5 mai 1973, RCD, n° 6, 1974, p. 135 ; M. KAMTO et P. G. POUGOUE, ``Commentaire de la loi n° 89/018 du 28 juil. 1989 ...'', ibid., pp. 5-9.

* 303 V. notamment Cass. Crim., 11 avr. 1833 : « la loi délibérée dans les formes prescrites fait la règle des tribunaux et ne peut être attaquée devant eux pour cause d'inconstitutionnalité », S. 1833, I. 357. La même position est adoptée pour les ordonnances de l'art. 92 Const. du 4 oct. 1958, v. Cass. Crim. 28 mai 1959 et pour les mesures de valeur législative prises dans le cadre de la mise en oeuvre de l'art. 16 Const. 1958, v. en ce sens Cass. Crim., 10 mai 1962, Dovecar et Piegts, Puech M., G. A., n° 13.

* 304 V. C.S., 14 févr. 1974, inédit ; C.S. 30 juin 17974, inédit ; C.S. 9 déc. 1976, inédit.

* 305 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 79. V. en ce sens les décisions CS/CA, n° 34 du 24 avr. 1980, inédit ; CS/CA, n° 40 du 29 mai 1980, inédit ; CS/CA, n° 20 du 30 sept. 1993, inédit.

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