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La conception d'un projet d'établissement: Entre politique, ingénierie et pragmatisme

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par Simon MAMORY
Université de Nantes - Master Pro Direction d'Etablissement ou Organisme de Formation (DEOF) 2002
  

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2. Divergence des intérêts

Discuter des notions de projet en oubliant la stratégie, et vice-versa, équivaudrait à décoller du tarmac dans le cockpit d'un monomoteur sans plan de vol ni radio de bord puisque "la stratégie, si elle est faite de projets, ne se réalise que dans le cours d'une

coexistence dynamique avec d'Autres qui sont toujours à la fois des adversaires-partenaires" (Poirier, 1987, p. 73)122. "Le dialogue stratégique est à la fois orbi et urbi. D'un côté il se joue avec les acteurs extérieurs à l'entreprise, de l'autre il met aux prises les membres de l'organisation."123 Ce "dialogue" qui met aux prises les membres de l'organisation a été étudié de manière complémentaire par M. Weber qui a planté le décor, et par le duo M. Crozier et E. Friedberg qui ont mis en évidence les mécanismes des jeux de pouvoir, conséquence de la divergence des intérêts et, par conséquent, de confrontations de différentes rationalités.

Il est possible de distinguer quatre types de rationalité humaine : rationalité traditionnelle, rationalité affective, rationalité axiologique et la rationalité téléologique. De cette rationalisation de l'action humaine, l'auteur théorise l'existence des règles rationnellement établies pour accéder au pouvoir. D'où, aussi, la nécessité de la bureaucratie pour l'administration

de masse. Ce que le structuro-fonctionnaliste R. K. Merton a étudié dans le sens inverse pour constater que "plus les bureaucraties concrètes se rapprochent de l'idéal-type wébérien (règles abstraites, hiérarchie fonctionnelle, impersonnalité de la relation d'autorité, etc.), plus des conséquences non prévues, sous la forme de dysfonctions, de routines, paralysent l'activité de l'organisation"124. La bureaucratie pure engendre donc des effets pervers contreproductifs allant jusqu'à développer une "personnalité bureaucratique" (R. K. Merton). Prenez le cas d'une secrétaire de l'intendance, qui est chargée d'instruire les dossiers de bourses des collégiens depuis

20 ans. Quelle ne fut pas la surprise d'un Conseiller Principal d'Éducation lorsque celle-ci renvoya un jour un élève en grande difficulté sociale, qu'il lui a confié, faute de dossier complet. L'élément manquant ? L'avis de non-imposition d'une mère bénéficiaire de Revenu Minimum d'Insertion depuis une dizaine d'années ! Et comme argument, la secrétaire, de bonne foi, montre

à son collègue le formulaire-type avec la liste des documents nécessaires, précédé chacun d'une case à cocher. Bref, l'élève, cumulant les difficultés matérielles et humaines, aurait été privé de l'aide que la nation lui réserve - dans le droit fil du principe de l'égalité des chances - sans l'insistance du CPE pour que l'on instruise son dossier en remplaçant l'avis de non-imposition par une attestation de ressources délivrée par la Caisse d'Allocations Familiales. Loin d'être anecdotique, ce genre de cas est répandu dans l'administration, quel que soit le ministère de tutelle. Souvent, ce sont les plus faibles, moins aptes à se défendre, qui sont broyés par ce type

de dysfonctionnement organisationnel ; ceux-là mêmes que le service public est censé protéger.

Toutefois, rien ne prouve que la manifestation de la personnalité bureaucratique soit pour autant

122 Gérard Koenig (2004), Management stratégique. Projets, interactions & contextes, Paris, Dunod, p. 2.

123 idem, p. 3

124 Claudette Lafaye (1996), Sociologie des organisations, Paris, Nathan, p.17.

systématique et de même ampleur partout. De plus, la bureaucratie peut concerner toute organisation. Autrement dit, elle n'est pas automatiquement greffée sur une organisation de type administratif même si l'on y rencontre quelquefois des caricatures.

L'intérêt de ces notions (bureaucratie, personnalité bureaucratique) est qu'elles plantent le décor pouvant servir de champ d'interaction entre des acteurs aux intérêts diversifiés.

J. March et H. A. Simon, après avoir analysé les différentes théories de l'organisation, considèrent que "seule une théorie partant de l'hypothèse que les membres des organisations opèrent des choix et prennent des décisions permet de renouveler l'analyse des organisations" (C. Lafaye, 1999)125. Par la suite, la notion de rationalité limitée va inspirer M. Crozier et E. Friedberg pour théoriser sur l'analyse stratégique à partir d'observations empiriques. Cette démarche a permis de mettre en évidence les relations de pouvoir qui se trament dans une organisation marquée par une forte division du travail, une grande importance accordée aux règles, le strict respect des ordres hiérarchiques ainsi qu'une véritable compartimentation des métiers qui ne se croisent qu'autour des points d'intersection que nous pouvons appeler processus-noeuds. Dans ce cas l'enjeu se trouve dans les relations de pouvoir où l'objectif est de chercher, en permanence, à maîtriser le maximum de zones d'incertitude des autres acteurs tout

en réduisant la sienne. Ce qui ne favorise pas la coopération. De ce fait le vrai pouvoir ne se calque pas du tout sur l'organigramme. L'expertise, l'appartenance à un corps de métier, les affinités personnelles et la capacité à fomenter des petits complots discrets mais paralysants pour

ses partenaires-adversaires en se servant au mieux les règles institutionnelles sont autant de sources de pouvoir pour le contrôle des jeux. Le sociogramme l'emporte sur l'organigramme. "Analyser une relation de pouvoir exige donc toujours la réponse à deux séries de questions....les ressources dont chaque partenaire dispose...la pertinence de ces ressources...les enjeux de la relation et... les contraintes structurelles dans lesquelles elle s'inscrit ?" (M. Crozier

et E. Friedberg, 1977)126. De là, C. Lafaye qualifie le pouvoir de relation déséquilibrée impliquant l'échange et la négociation. M. Crozier et E. Friedberg, quant à eux, formulent la notion de "système d'action concret" pouvant se définir comme "le jeu à la fois structuré et mouvant des relations de pouvoir qui s'établissent dans les rapports sociaux"127. Les deux auteurs aboutissent à la conclusion que "Le fonctionnement des organisations formelles n'obéit que

partiellement à leurs caractéristiques formalisées et les contextes d'actions plus diffus sont plus

125 Claudette Lafaye (1996), op. cit., p.37.

126 Michel Crozier, Erhard Friedberg (1977), L'acteur et le système, Paris, Seuil, p. 73-74.

127 Claudette Lafaye (1996), op. cit. p. 49.

structurés qu'il n'y parait". D'où l'ambition que s'est donnée l'analyse stratégique de comprendre l'action collective au sens large.

Or, P. Roggero128 a démontré de façon claire et plutôt convaincante la compatibilité entre le système d'action concret et le paradigme de complexité. D'où l'imminence

de la place que nous accordons volontiers à ces deux orientations dans une discussion sur la coopération d'un collectif hétérogène.

Dans une relation de coopération visant un objectif commun, lorsque les limites individuelles nécessitent la mise en commun des compétences, cohabitent deux tendances antagonistes et complémentaires à la fois. D'un côté, la convergence des acteurs qui sont engagés

et motivés par la réussite d'une collaboration à travers des actions et apprentissages collectifs. De l'autre, chacun des membres de ce collectif porte en lui ses intérêts propres à satisfaire. Les deux orientations ne vont pas dans le même sens au premier abord, mais à y regarder de près, elles peuvent s'alimenter pour aboutir à favoriser la dynamique collective en même temps que la satisfaction individuelle. L'attention doit donc être attirée par le dosage entre ces orientations. Pour motiver une équipe, il faut que les acteurs y trouvent leur compte. Considérations humaines, matérielles ou/et symboliques contre engagement peuvent résumer schématiquement l'équation à résoudre par l'ingénieur de l'action collective. Certes les contrats, les multiples règles formelles ou émergentes, et les relations interpersonnelles participent à la coordination. Mais sans une motivation suffisante, nul projet innovant ne pourra voir le jour et se mettre en oeuvre jusqu'au terme de son cycle de vie. La motivation peut d'ailleurs être, entre autres, un fort sentiment d'appartenance communautaire, un fort degré de certitude d'avoir suffisamment de moyens au service du projet dans lequel on s'engage, ou de confiance en la faisabilité de l'action.

Ce qui permet, en terme d'économie de moyens, d'évaluer la rentabilité escomptée de l'énergie

(temps, forces, sacrifices divers) dépensée individuellement comme collectivement. L'individuel

et le collectif ne sont pas, par conséquent, à opposer mais plutôt à faire s'équilibrer puisque sur une échelle plus large que le groupe, c'est l'ensemble des individus qui forment une société, qui humanise chaque personne. Alors plutôt que de se focaliser continuellement sur ce qui oppose ou désagrège, pourquoi ne pas problématiser autour de ce qui permet de fédérer ?

E. Durkheim dans Le suicide et M. Weber dans Sociologie de la religion ont exprimé chacun à leur manière l'existence d'une dichotomie dans le lien social. Ce que R. Boudon et F. Bourricaud formulent par le paradigme holiste, qui appréhende la société comme une totalité, et le paradigme individualiste comme un ensemble d'individus autonomes. Alors, en

128 Pascal Roggero (n. d.), "La complexité sociologique : éléments pour une lecture complexe du système d'action concret", in http ://w3.univ-tlse1.fr/LEREPS/publi/teleload/Roggero%202000-4.pdf

se référant à ces deux paradigmes, que peut-on dire en matière d'analyse stratégique dans le contexte particulier de l'enseignement supérieur comme organisation en pleine mutation et, donc,

qui se cherche ? Formulé autrement, comment se déroule le processus d'action collective centré

sur le projet d'établissement - en tant que dispositif de coopération au service du changement -

dans l'apprentissage d'un collectif en quête d'autonomie organisationnelle ?

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry