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La conception d'un projet d'établissement: Entre politique, ingénierie et pragmatisme

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par Simon MAMORY
Université de Nantes - Master Pro Direction d'Etablissement ou Organisme de Formation (DEOF) 2002
  

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CHAPITRE PREMIER EXPÉRIENCES À L'ORIGINE DU SUJET

Ce chapitre prend la forme d'un récit factuel bien que, étant donné la modalité

de l'exposé qui suit, nous espérions qu'il soit plus que cela. En même temps, il ne s'agit pas non plus d'une autobiographie au sens habituel attribué à ce genre de littérature. Au fait, est-ce effectivement un banal récit, une introspection à tendance psychanalytique ou une simple évocation sporadique de quelques évènements clefs agrémentée de figures de style pour donner

des effets oratoires ? Non, aucune de ces qualifications ne s'applique à cette nouveauté dont C. Gérard nous a offert l'heureuse découverte durant la formation.

Mais quel que soit notre espoir, quelle place occupe le récit dans les sciences humaines et sociales ? Chaque discipline et orientation paradigmatique lui donne la place qui convient à son objet en fonction de sa méthode. Toutefois, quelques idées fondamentales peuvent certainement dégager un consensus entre toutes ces sciences, notamment en ce qui concerne les sciences de l'éducation et la gestion. Ce type de récit désigne, décrit, rapporte la réalité afin de la soumettre à tous les instruments servant au recueil et au traitement des informations. Il s'agit d'une matière première riche pour qui veut en extraire, à l'aide des concepts outils, un bout de savoir permettant de mieux définir chaque sujet en le situant dans la complexité de ses contextes. Cela veut dire qu'il sert de transition entre les données empiriques et les théories scientifiques.

Dans ce chapitre, comme moyen de concrétiser nos propos sur l'autobiographie référencée développés précédemment, il sert donc de médium transporteur de la réalité à passer sous les prismes des concepts en vue de tirer des éléments nouveaux qui viendront enrichir, fut-

ce de taille microscopique, la compréhension que l'on peut avoir du pourquoi de ce travail. Alors commençons par remonter à l'origine de notre parcours humain, avant d'aborder comment l'apprentissage dans l'action (de lycéen engagé dans la vie active au professionnel qui se forme) a permis très tôt de voir poindre le début de notre intérêt sur la question de projet.

I.La genèse d'un parcours

La construction d'une identité professionnelle dépend de plusieurs paramètres, avec systématiquement un apport de contingences qui se glissent entre les zones d'articulations

de ceux-ci, pour lesquels nous allons esquisser un exemple de représentation synthétique à travers ce destin singulier. D'abord, le titre "La genèse d'un parcours", en plus des sens qu'il véhicule, vise en partie à rendre hommage à E. Morin pour ses leçons de vie vulgarisées dans divers ouvrages tels que, notamment, La tête bien faite15 et L'humanité de l'humanité16. Ce qui reflète en même temps une volonté de s'approprier cette manière d'apprendre (à penser, à dire, et

à faire) qu'il préconise et à laquelle nous pouvons adhérer, tant une partie de ces enseignements recouvre la manière dont nous avons conduit notre métier d'élève, il y a quelques années déjà mais, qui semblent si lointaines et si proches à la fois. Une scolarité qui s'est déroulée dans un contexte où la seule garantie de succès résidait dans la propension à apprendre à apprendre dans l'autonomie. Pour finir, un curriculum aussi atypique, non linéaire que nous allons donner à voir

ne pourra-t-il pas être conçu comme a priori complexe ? Nous acquiesçons en nous référant à la définition morinienne de la complexité à laquelle nous reviendrons ultérieurement.

Voici une proposition facilitant de la communication de cette expérience unique et très personnelle : nous allons opter, rien que pour cette partie autoréférentielle, pour un positionnement en qualité de sujet qui s'affirme avec le pronom personnel "Je" ; celui qui se cache souvent derrière le Nous de l'orateur par convention, par civilité, par élégance oratoire, alors même qu'il se trouve seul face à ses responsabilités, à ses valeurs et à ses choix. Il y a des moments où la première personne se doit d'être assumée pleinement dans toutes ses dimensions égocentriques afin de mieux s'excentrer en direction d'autrui de façon plus franche. Cela réduit

au minimum les filtres et parasites communicationnels pouvant être vecteurs d'ambiguïtés. Ainsi

les échanges en vue d'un partage de toute expérience très subjectivement impliquante se fera dans un processus de décentration, donc de réflexion éclairant la transmission. Ensuite, dès le prochain chapitre, le code du langage universitaire sera de mise puisque pleinement compris, accepté et partagé. Cette petite parenthèse étant fermée, poursuivons maintenant l'exposé vers le coeur du sujet.

En toute simplicité, je considère volontiers la genèse de ma biographie de professionnel du secteur socioéducatif comme le fruit d'un long processus de maturation, suite à

15 Edgar Morin (1999), La tête bien faite, Paris, Coll. L'histoire Immédiate, Seuil.

16 Edgar Morin (2001), La méthode 5 : L'humanité de l'humanité, Paris, Coll. Points, éd. du Seuil.

une subtile union féconde entre ma décision d'engagement et la rencontre constructive avec le peuple d'un monde à part, voire parallèle à notre société que sont les lépreux. De là, une gestation a eu lieu dans un contexte spécifique pouvant être soit répulsif, soit, au contraire, favorable au développement des potentiels dormant dans chacun, suivant sa personnalité. Dans mon cas, ce contexte correspond à un terreau très fertile qui, associé à un profond sentiment d'indignation, de refus catégorique du mépris (nous y reviendrons très rapidement), a servi de biotope propice au développement de cette inépuisable force qui pousse à un engagement certes marginal, mais clairement assumé car probablement un peu humain. Cependant il ne peut y avoir

ni engagement, ni engageant sans la matrice originelle pour assurer le rôle de pépinière ou d'incubateur qu'est le premier cercle familial.

A. Un singulier départ

La péripétie d'une prime jeunesse à travers la moitié nord de Madagascar, dans une famille nucléaire marquée, trop tôt, par un "accident" fatal du père, m'a conduit à prendre en main mon destin et à rentrer dans la vie active dès l'âge de quinze ans, tout en décuplant une pugnacité pour mener ma scolarité à son terme. Un terme matérialisé à l'époque par l'obtention d'un baccalauréat car les études supérieures, en plus d'être longues, n'étaient accessibles qu'avec suffisamment de moyens financiers. Sur mes épaules pesait, en même temps, toute la responsabilité d'aîné d'une famille nombreuse. Dès lors, le droit de se plaindre et de crier à "l'injustice" avaient déjà des propriétaires : les autres. Pourtant, si participer à élever sa fratrie

dès l'âge de cinq ans revêt un caractère naturel, simple et formateur, en devenir le père de substitution du jour au lendemain s'avère être un exercice qui requiert le déploiement d'un certain degré de maturité que l'on n'a pas toujours du haut de ses quinze ans. D'ailleurs, dans une pareille position, souvent soit l'adolescent(e) plonge dans la spirale névrose, toxicomanie et délinquance17, soit il (elle) se tient débout, droit et poursuit son chemin en se serrant un peu les dents pour faire triompher l'instinct de survie. La deuxième posture m'a très bien convenue car la propension à lutter contre sa propre tentation de baisser les bras devant l'adversité est enracinée dans toute être humain. Elle a juste besoin, pour s'exprimer, d'être entretenue activement dès notre jeune âge. Les vertus des sports de combat et d'endurance, porteurs de valeurs structurantes autant mentalement que physiquement, m'ont sûrement entraîné et soutenu dans cette résistance, sans oublier les multiples rencontres humaines et humanisantes. Ainsi, cette épreuve m'a permis

de développer un sens de l'écoute empathique et l'inclinaison à la résolution des problèmes

17 Ou l'un des trois, ou la combinaison de ces trois pris deux par deux.

humains afin de soutenir, accompagner et donner confiance aux plus faibles à un moment donné

de leur existence. Pour cela, le mérite revient à ce père et à une grand-mère qui m'ont légué en héritage l'essentiel, c'est à dire l'amour de la nature, le respect de son prochain et le goût d'apprendre, que d'autres ont enrichi par la suite au gré des rencontres. S'y ajoute l'incommensurable confiance dont ils ont fait preuve à l'égard de l'enfant que j'étais. À croire qu'en matière d'éducation, ils eurent pour devise la fameuse expression "un enfant n'est pas fort curieux de perfectionner l'instrument avec lequel on le tourmente ; mais faites que cet instrument serve à ses plaisirs, et bientôt il s'y appliquera malgré vous" (J.-J. Rousseau, 1966)18. Étrangement d'ailleurs, à mes condisciples lycéens qui se plaignaient de la difficulté d'assimiler

les enseignements, je proposais ceci comme devise : "L'étude n'est qu'un jeu mais faites-la sérieusement et vous réussirez."

Cette absence paternelle imposée par l'inéluctable, en pleine adolescence, a produit en moi un certain sentiment de vide car "la mort de l'être cher brise chez l'aimant son Nous le plus intime et ouvre une irréparable blessure au coeur de sa subjectivité" (E. Morin,

2001)19. Mais la blessure s'est métamorphosée en énergie de résilience20 donnant, entre autres choses positives, la force de s'opposer à tout sentiment de mépris - d'où qu'il vienne - envers mes semblables de quelque condition que ce soit. Cela va de pair avec la primauté donnée à la dignité humaine. Il en résulte cette recherche en permanence de favoriser une ambiance de paix sociale partout où je me trouve quand l'environnement s'y prête ; puis un manque, une soif insatiable mais, en même temps génératrice, de savoir puisque l'insuffisant est productif. Manque qui se manifeste par un besoin de s'ouvrir au monde. Ouverture qui, bien qu'au départ littéralement entravée par la vie insulaire, se matérialise à travers le goût pour le voyage, la recherche et la passion d'apprendre. Une très grande curiosité intellectuelle en somme. Les permanents et plaisants efforts d'imprégnation culturelle de toutes mes sociétés adoptives - dès l'âge de cinq ans - sont tout à fait emblématiques de cette curiosité. Mais mon principal allié fut probablement une certaine maturité précoce (très relative !) qui m'a aidé à comprendre l'exigence de conjuguer le principe de plaisir avec le principe de réalité. Cela m'a permis de cheminer vers le monde des adultes dans une perspective jalonnée par une gestion pragmatique

du triptyque vie familiale, vie scolaire et vie professionnelle, excluant sans compromis

l'opportunisme, à l'origine de trop de bassesses dans bien des cas.

18 Jean-Jacques Rousseau (1966), Émile ou de l'éducation, Paris, Garnier-Flammarion.

19 Edgar Morin (2001), La méthode 5 : L'humanité de l'humanité, Coll. Points, éd. du Seuil, p.86

20 Résilience (déf.) : "la capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d'une adversité qui comportent normalement le risque grave d'une issue négative " in Boris Cyrulnik (2002), Un merveilleux malheur, Coll. Poches, Odile Jacob, p.8.

Ainsi, mon entrée effective dans la vie professionnelle a pu se faire un peu plus précocement que la norme habituelle, c'est-à-dire trois années avant la majorité.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard