WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le rattachement des burkinabé de l'étranger à  leur pays d'origine et leur apport au développement

( Télécharger le fichier original )
par Edouard BOUDA
Ecole nationale d'administration et de magistrature - diplôme de cycle supérieur 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE II : Les cas de non-rattachement

Il convient de rappeler qu'il appartient à l'étranger de préserver et d'exprimer son identité. Le rattachement juridique n'a de valeur que s'il s'accompagne d'un réel attachement aux valeurs nationales et au pays. Il apparaît donc des cas de non-rattachement à partir du moment où il n'y a pas ce rattachement juridique c'est-à-dire la nationalité (section II) ou que ce rattachement juridique est contredit dans les faits par une assimilation (section I) au peuple d'accueil.

Section I : L'assimilation

Comment perçoit-on l'assimilation ? Est-elle une réalité chez les Burkinabé de l'étranger ? Après avoir défini le concept d'assimilation (paragraphe I), analyse sera faite sur l'existence du phénomène chez les Burkinabé de l'extérieur (paragraphe II).

Paragraphe I : Le concept d'assimilation

On peut envisager l'assimilation comme un processus d'intégration à un ensemble dominant, l'intégration elle-même étant entendue comme le fait de faire partie à part entière d'une collectivité. Ainsi, l'intégration est vue comme une phase essentielle de la vie à l'étranger. L'assimilation en est le stade suprême. Elle se manifeste par une perte de l'identité d'origine au profit de l'identité du pays d'accueil, un non retour au pays d'origine et l'absence d'attache avec ce dernier.

De mémoire d'homme il n'existe pas de peuple34 aussi dispersé que le peuple juif. Au devant des affaires économiques et même politiques à l'échelle mondiale, les Juifs se distinguent pourtant par leur culture et leur tradition et résistent à l'assimilation dans les pays où ils vivent. Partout où ils sont, la solidarité est de mise : solidarité entre eux et solidarité envers leur pays d'origine, Israël. Hormis les voyages privés, un pèlerinage est organisé chaque année par et pour la diaspora juive en Israël.

34 Ensemble de personnes constituant une nation ou partageant les mêmes valeurs

Mais qu'en est-il de la diaspora burkinabé ?

Paragraphe II : Un phénomène constatable dans les
communautés burkinabé à l'étranger

Les réponses aux questions évoquées plus haut sur les retours et autres visites au Burkina renseignent peu. Certains enquêtés ont évoqué le coût élevé du transport qui les empêche de s'y rendre régulièrement. L'échantillon n'étant pas représentatif (les personnes rencontrées étaient d'un certain niveau intellectuel), il a fallu certaines recherches et des entretiens auprès de personnes ressources, ce qui permet de constater qu'il y a des brebis égarées dans la diaspora burkinabé.

Pas plus longtemps qu'en 2003, des Burkinabé ont été expulsés de Côte d'Ivoire, dépouillés de leurs biens. Certains ont pu rejoindre la frontière par leurs propres moyens et d'autres par l'opération Bayiri35 organisée à cet effet par l'Etat burkinabé. Il est regrettable que des Burkinabé reviennent dans cet état, eux qui n'ont pas préparé leur retour et qui n'en ont pas eu ni le temps ni le choix. Plus regrettable est que nombre d'entre eux arrivent sans repère. Accueillis transitoirement au Stade du 4 août, ils ont été enregistrés et interrogés sur leurs villages d'origine. On note des réponses surprenantes du genre : « je ne sais pas », « on m'a dit que je viens de... mais je ne sais pas où ça se trouve », etc. Il s'est agi quelquefois de personnes âgées de plus de 40 ans. Ont-ils eu le choix et le temps de chercher bien avant à découvrir le village de leurs parents ? Eux, Ivoiriens de fait à qui on a inculqué à tort que le Burkina n'était qu'une jungle, un endroit effrayant et que par punition on les y enverrait passer un séjour. Ont-ils seulement daigné vérifier et s'intéresser à la mère patrie ? Des jeunes Burkinabé entretenus sur la question ont avoué se sentir plus Ivoiriens.

En outre, dans un reportage effectué par une équipe de la Télévision nationale
sur les Burkinabé du Ghana en 2001, on a pu observer la même réalité. Des
patriarches qui disent ne plus retourner au pays depuis belle lurette ; on y voit

35 Nom donné à l'opération de rapatriement volontaire des Burkinabé en difficulté en Côte d'Ivoire, signifiant littéralement patrie en langue vernaculaire more.

même un chef de communauté, la quarantaine révolue, qui avoue n'être jamais venu au Burkina. Dans ce documentaire, il apparaît que la communauté burkinabé est forte de près de six millions de personnes mais l'intégration est telle qu'il est difficile d'établir une distinction avec les Ghanéens de souche. On compte parmi ces Burkinabé plusieurs cadres de rang élevé mais ceux-ci ne foulent presque jamais le sol burkinabé. Quelle que soit la situation socioéconomique qu'ils vivent, les visites et les retours au Burkina sont quasiinexistants. Les uns évoquent le manque de terre et d'attache. D'autres demandent que les concours de la Fonction publique leur soient ouverts en tenant bien entendu compte de leur langue d'instruction (anglais) ; sans quoi le Burkina n'a aucun intérêt pour eux.

Que devient un expatrié qui n'a quelque contact que ce soit avec son pays d'origine ? Il se laisse guider par le courant de l'intérêt personnel et donc s'assimile à la société la « plus offrante » au détriment de la société originaire. On aboutit à une situation où l'individu se voit national de fait du pays d'accueil sans en avoir la nationalité juridique. Il n'est rattaché ni culturellement ni juridiquement à son pays d'origine. C'est la situation que vivent beaucoup de Burkinabé du Ghana et de la Côte d'Ivoire. Les termes « paweogo36 » et « tabouga 37» sont utilisés pour qualifier ce type de migrants. Ils désignent des personnes assimilées n'ayant plus d'attache avec leur pays d'origine et sa culture. Cela aboutit, comme le dit Frantz FANON dans son roman Peau noire, masque blanc, à une situation de bâtardise, d'hybridité : tandis qu'ils renient la mère patrie, la terre d'accueil les récuse.

Sont le plus concernés, les fils de migrants nés sur le territoire du pays d'accueil encore appelés immigrés de deuxième génération. Leur proportion est plus ou moins importante suivant les localités. Par exemple le recensement général de la population et de l'habitat de Côte d'Ivoire de 1988 estimait déjà que trois immigrés burkinabé sur cinq étaient nés sur le territoire ivoirien. Ce sont des gens qui connaissent à peine le Burkina et sont devenus Ivoiriens de naissance. Une opposition constante entre ces deux types de Burkinabé

36 Terme en langue more qui signifie littéralement « rester en brousse », la brousse signifiant dans la tradition moaga le reste du monde.

37 Terme en langue more qui signifie « déraciné, égaré »

(primo-migrants et immigrés de deuxième génération) de la diaspora ou celle entre jeune et ancienne génération menace la cohésion et l'unité au sein de la communauté des Burkinabé de l'extérieur. D'où ce constat de Reynald BLION : « en quête d'une identité qui se révèle difficile à construire, les jeunes se trouvent pris entre deux mondes, celui des parents faits d'images et de références constantes au pays d'origine et celui bien réel de la société ivoirienne dans laquelle ils ont toujours vécus38. » Les Burkinabé de l'étranger vivent donc permanemment un conflit entre l'intégration et l'assimilation.

Cette situation n'est pas sans conséquence car au-delà de la non-reconnaissance de certaines personnes par les autres membres de la communauté, il y a la non-reconnaissance de celles-ci par l'Etat d'origine et l'Etat d'accueil c'est-à-dire l'apatridie et ses conséquences.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand