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Analyse des facteurs de blocage de l'introduction des langues nationales dans le système éducatif formel au Sénégal: analyse de la perception des acteurs socioéducatifs de la commune de Fatick

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par Pape Samba Gueye
Université Gaston Berger de Saint-Louis Sénégal - Master 2 2010
  

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I-2.Position du problème de recherche

Par l'usage de leur langue beaucoup de pays africains se sont communiqués pour se libérer de la colonisation. Ainsi, depuis ce moment certains des penseurs africains remarquent la nécessité, la pertinence et l'éminence d'un recours aux langues africaines ; c'est-à-dire leur prise en compte pour une analyse sociolinguistique ou de leur adoption dans un système d'enseignement durable. Pour ce faire tant d'analyses théoriques sont effectuées depuis longtemps par la communauté des scientifiques africains afin de montrer le déphasage existant entre nos langues officielles et l'identité des sociétés africaines.

Notons des penseurs qui ont élaboré des théories générales pour une éducation endogène africaine s'appuyant sur les langues africaines. A cela, rappelons la vaillante préoccupation de KI-ZERBO lorsqu'il fait savoir que l'Education endogène est absente en Afrique. En d'autres termes, la crise de la société et de l'économie est fondamentalement une crise culturelle. Les cultures doivent être évolutives préparant le changement dans les perceptions, les concepts, les valeurs, les progrès scientifiques et techniques que les sociétés doivent s'approprier et intégrer au point de devenir à leur tour créatrices de ces domaines. S'il veut vivre, notre continent doit considérer qu'il doit entrer dans le `'temps de l'Education» dont il faut redéfinir la finalité et le rythme en procédant à une réflexion permanent entièrement tendue vers la recherche d'un mieux-vivre pour le plus grand nombre. Le système

d'enseignement africain d'aujourd'hui, inadapté et élitiste, alimente la crise en produisant des inadaptés économiques et sociaux et en dédaignant des pans entiers de la population active. Pour ce constat, il parle de `'déculturation linguistique» faite par les politiques scolaires coloniales.

Ainsi ,cette posture de KI-ZERBO est bien comprise par Abdoulaye NIANG12 qui le cite dans son article `'l'Afrique dans la renaissance africaine»(2009), lorsqu'il confesse que : « nous devons, nous même, essayer d'inventer nos modèles ; nos concepts et nos stratégies d'attaque... il nous faut faire confiance à nous face aux confiscations qui nous menacent et risquent de compromettre nos efforts »13.En d'autres termes, il est obligatoire, nécessaire et possible pour le continent africain, par le truchement de ses propres outils linguistiques, de s'affirmer et de s'auto affirmer au fronton de la communauté scientifique mondiale.

Comprenant la pensée de KI-ZERBO nous remarquons qu'il montre que le type d'Education formelle faite en Afrique, au moyen des langues des ex puissances coloniales, constitue un retard pour les sociétés africaines dans la mesure où il favorise des impacts nocifs sur la culture et la société :l'école arrache trop souvent les jeunes à leur milieu social, elle aggrave fréquemment les inégalités sociales et contribue à l'effacement des cultures autochtones.

Tout compte fait l'analyse de KI-ZERBO sur la situation linguistique de l'Afrique dans le cadre éducatif était globale pour toute l'Afrique. Il ne prend pas, par ailleurs, en compte les facteurs qui peuvent empêcher sa réalisation.

Par ailleurs, au Sénégal depuis très longtemps des analyses ont été au rendez-vous concernant la problématique des LN. Au moment même de l'occupation coloniale Lat Dior (1842-1886) dixit en wolof : « massuma sopp ku naan bonsuur » (« je n'ai jamais aimé ceux qui disent bonjour »).Ces propos du grand résistant sénégalais laissent comprendre l'opiniâtre refus de l'oppression culturelle voire linguistique par nombres d'africains.

En outre, nous pouvons noter les théories de Cheikh Anta DIOP qui a tant cogité sur la sociolinguistique des pays africaines et le choix unique d'une LN officielle au Sénégal, et plus tard une langue unique pour toute l'Afrique. Ainsi, il s'est focalisé sur les valeurs du wolof et de son avantage en ce qui concerne son introduction dans les champs de formation. Sur ce, il fustige la politique velléitaire de l'Etat du Sénégal eu égard à la non prise en

12 Abdoulaye NIANG est professeur de sociologie à l'université Gaston Berger de Saint-Louis(Sénégal)

13 Ki- ZERBO, 1992, la natte des autres. Pour un développement endogène en Afrique, paris, Karthala, 494p

considération des LN dans le SEF et de la réticence dans le cadre des choix théoriques et politiques qui se concrétise par l'absence d'une méthodologie d'alphabétisation clairement définie.

En effet, que faire suivant cette situation malencontreuse de nos LN?

A cette interrogation, en découlent des éléments de réponse à travers la conception de Cheikh Anta Diop pour qui, il est nécessaire et idoine de développer les LN. A ce titre, il rappelle : « il est plus efficace de développer une langue nationale que de cultiver une langue étrangère ; un enseignement qui serait donné dans une langue maternelle permettrait d'éviter des années de retard dans l'acquisition de la connaissance. Très souvent l'expression étrangère est comme un revêtement étanche qui empêche notre esprit d'accéder au contenu des mots qui est la réalité. Le développement de la réflexion fait alors place à celui de la mémoire. (...).On pourrait objecter la multiplicité des langues en Afrique Noire .On oublie alors que l'Afrique est un continent au même titre que l'Europe, l'Asie, l'Amérique, or sur aucun de ceux-ci l'unité linguistique n'est réalisée ; pourquoi serait-il nécessaire qu'elle le fût en Afrique ? ».14.Ainsi, la volonté de C.A.DIOP est de voir les écoles africaines en générale et sénégalaises en particulier dispenser ses enseignements au moyen des LN sans lesquelles le développement de l'expertise africaine est sans lendemain meilleur. C'est ce que l'Etat sénégalais depuis la décolonisation `' veut concrétiser» dans ses politiques de `'promotion des LN» ou `'d'introduction des LN dans le SEF».

Par ailleurs, Abdou Sacor MBOUP 15 accorde une place déterminante aux LN par rapport à l'acquisition et à la transmission du savoir. « L'école africaine aurait tout à gagner à faire la promotion des langues nationales, non à des fins d'une simple alphabétisation s'adressant plutôt à l'adulte, mais comme un véritable instrument », prêche l'éducateur, qui soutient que l'enfant doit d'abord apprendre à lire, à compter et à écrire dans sa langue maternelle avant d'apprendre une langue étrangère. Selon lui « L'apprentissage d'une langue étrangère ne devrait, dès lors, intervenir qu'entre 9 et 10 ans, c'est-à-dire dès que l'enfant sera capable de dépasser son égocentrisme dès les premiers moments de scolarité ».16

Quid en réalité de l'usure constatée de nos LN par rapport à la vie éducative ?

14 Cheick Anta DIOP, 1979, Nations, Nègres et Cultures, Tome 2, Présence Africaine, P415 15 Inspecteur de l'Education

16Idrissa SANE, « Système éducatif sénégalais : Une réforme ancrée sur les valeurs africaines préconisée », Le Soleil Multimédia.

En procédant à l'analyse historique de l'éducation formelle au Sénégal, nous convoquons Moussa DAFF17, lorsqu'il fait l'économie de la situation qui s'inscrit en quatre périodes :

Première période : 1830-1965.

L'enseignement était exclusivement axé sur le Français. Il était de type normatif avec ce qu'on peut appeler la méthode directe. Même si à partir de 1960 d'autres orientations étaient possibles, le Sénégal a maille à partir avec le système éducatif colonial.

Deuxième période : 1965-1980

Cette période est marquée par la mise en oeuvre de la méthode PPF ainsi que la codification de certaines LN suivie par les premières expériences des classes bilingues.

Troisième période : 1981-1991

Cette période marque la suppression de la méthode PPF par la CNREF lors des EGEF afin d'insister sur l'enseignement des LN dans les programmes scolaires.

Quatrième période : 1991...

Ce moment constitue le début des activités de l'INEADE .En 1998, le ministère de base et des langues nationales a initié une reforme des curriculums tentant enfin de répondre à l'exigence de l'enseignement des LN mais aussi à l'émergence d'un enseignement du français avec un statut de langue seconde.

L'école sénégalaise est marquée par l'enseignement du français. Ce dernier débute à l'âge de six ans ou sept ans pour les écoles publiques laïques et à l'âge de trois ans pour les écoles privées confessionnelles catholiques et protestants .Le Français constitue la langue d'enseignement pour toute la durée des études. Par ailleurs, il faut noter la forte présence de d'autres langues dans l'enseignement secondaire et universitaire au détriment de nos langues ; d'où le point de rappeler que nos LN sont absentes au niveau de l'éducation formelle.

Dans le rapport du 06 juin 1984 remis au Président de la République, la CNREF (commission nationale de la reforme de l'éducation et de la formation) expose 906 pages la politique générale de l'éducation et ses propositions concernant d'une part le personnel de l'école et d'autre part les moyens de» l'école nouvelle».Cette nouvelle politique générale de l'école a

17 M.DAFF, « l'aménagement linguistique et didactique de la coexistence du français et des langues nationales au Sénégal »l(1998)

consacré son chapitre 7 à l'introduction des LN dans le système éducatif. Elle visait une école nationale démocratique, conçue et fonctionnant dans l'intérêt du peuple, ouverte sur la vie...il s'agit entre autres un cycle fondamental qui reçoit les enfants de 03 à 16 ans suivant une éducation préscolaire et de l'enseignement polyvalent, l'enseignement moyen général obligatoire et gratuit qui prend en compte l'apprentissage de la langue du milieu, l'enseignement des mathématiques, de l'Art, de la religion etc.18

Ses Etats généraux dont la CNREF est chargée de finaliser, ne seront appliqués qu'en 1995- 1996.Cependant, le chapitre qui consistait à introduire les LN dans l'enseignement formel est laissé en rade, or certaines langues étaient déjà transcrites pour leur éventuelle insertion dans le système d'enseignement.

Toujours, on note des décrets abrogeant les uns les autres en vue de faire des LN des « langues de culture » ou des medium de transmission de connaissance à l'école de base.

A l'occasion de la 29éme semaine nationale de l'alphabétisation le décret n° 85-1232 du 20 novembre 1985 a été revu, complété et mis à jour lors des ateliers des 7et 8 septembre 2004.L'objectif était de faire des LN des langues de culture et, par la même occasion de donner plus de moyens et d'efficacité à l'éducation la modernité et aux efforts de développement. Ce qui requiert que ses langues soient écrites, introduites dans le système éducatif et utilisées dans la vie officielle et publique.19

Ce présent décret atteste que le wolof (parlé par plus de 50 % des sénégalais) par exemple,
régisse tous les attributs linguistiques pour être utilisé dans l'enseignement dans la mesure il est doté dés lors d'un alphabet (27 lettres dont 21 consonnes et 6 voyelles), d'une

phonologie, de noms et ses déterminants, de verbes et ses modalités, de dérivations et de composition ,ainsi que des signes et des ponctuations dont l'ensemble est illustré par un texte fidèlement traduit en français.(Cf. Rapport de présentation du décret 2005-992).

Par ailleurs, l'historique de l'essai de l'enseignement bilingue ou plurilingue au Sénégal se présente comme suit :

1978 : les classes télévisuelles (CTV) et non télévisuelles (CNTV).

18 Papa Mangoné BASAL, 98-99, « La crise de l'éducation au niveau du moyen-secondaire : causes et situation des responsabilités. Quelles perspectives de reforme pour la ville de Saint-Louis, » mémoire de maitrise.

19 Décret n° 205 992 du 21 octobre 2005, relatif à l'orthographe et la séparation des mots en wolof, journal officiel du Sénégal, Dakar 25 octobre 2005.

Elles constituent la première expérience d'introduction des LN dans le SEF. 1987 : les classes pilotes

Cette période est déterminée par la mise en oeuvre des classes dites pilotes à la suite des EGEF. Par l'ouverture de ces classes pilotes, l'Etat entendait « traduire en actes concrets les décisions populaires des Etats généraux et les conclusions de la CNREF » (M.LOUM, Directeur de la reforme en éducation au Sénégal, Le Soleil du 08 octobre 1987 in les langues de scolarisation dans l'enseignement fondamental en Afrique subsaharienne francophone. Le cas du Sénégal de M.NDIAYE et M.DIAKITE).

1995 : les écoles communautaires de base (ECB)

Crées par les communautés villageoises, ou par les associations locales de quartier, le plus souvent en partenariat avec des ONG, ces dites classes ont été implantées sous l'impulsion du ministère de l'éducation de base et des langues nationales à partir de 1995 à la suite du colloque de Saint Louis. Pour une durée de quatre ans (04 ans), elles accueillent des enfants et adolescents âgés entre neuf( 09) et quatorze(14) ans non scolarisés ou déscolarisés ,dont les conditions de vie étaient précaires et rendaient difficile une fréquentation de l'école publique formelle.

2002 : les écoles communautaires élémentaires (ECE)

Crée en 2002 par la fondation Education et Santé, ces écoles sont implantées dans les localités de Thiès et de Kédougou .Le schéma d'introduction des LN dans ces écoles est identique à celui du système formel. En effet, accueille les élèves à l'âge de six ans (06 ans) et sept ans (07 ans) qui reçoivent durant six ans le même programme d'enseignement que dans les écoles expérimentales publiques bilingues, avec en suppléant, une formation aux métiers du milieu tels que le jardinage, l'horticulture etc.

La nouvelle dénomination d' « écoles communautaires élémentaires rurales », est donnée à ces écoles en début 2010, vient délimiter leurs lieux d'implantation aux zones rurales.

2002 : mise à l'essai de l'introduction des LN à l'école élémentaire.

En 2002 la DPLN devenue DALN a été chargée de mettre en oeuvre un nouveau programme
d'introduction des LN à l'école élémentaire. En juillet de la même année, toutes les
dispositions techniques et stratégiques étaient mises en place pour assurer un démarrage

effectif en octobre 2002.En effet, le début s'est effectué avec cent cinquante cinq (155) classes test avec les six (06) premières langues codifiées (Diola, Malinké, Puular, Sérère, Soninké et Wolof).

En effet, sous l'appui de la Banque mondiale, de l'UNESCO et de l'OIF ces classes expérimentales démarrent pour la période 2002-2008.Cependant, la constitution de 1971, relative à la codification des six premières LN ci-dessus, fut revue en 2001.Ce qui élargira l'éventail des langues codifiées, d'où des LN. Ainsi, douze (12) nouvelles LN voient le jour(le hassaniya ; le balante, le mancagne, le noon, le manjanque, le jalunnka etc.).

Par ailleurs, le gouvernement sénégalais avait annoncé qu'au plus tard en 2003, l'ensemble des dispositifs sera mis en place pour que les LN soient réellement introduites à l'école. Un plan d'action a été élaboré posant les premiers jalons de cette introduction dans le système. Ainsi neuf(09) LN suffisamment codifiées devraient être enseignées »bientôt» à l'école. L'introduction entière des LN à l'école de base fait partie des objectifs du PDEF.

En conséquence, tant de décrets, de programmes et d'essai sur les langues vernaculaires sénégalaises se sont succédés de 1968 à 2005, mais leur absence dans l'enseignement primaire, moyen- secondaire voire universitaire demeure toujours une triste réalité dont les motifs sont à rechercher dans la totalité de la structure sociale sénégalaise. Cela revient à poser ces suivantes interrogations :

Comment expliquer cette absence de concrétisation malgré ces nombreuses politiques linguistiques, d'analyses théoriques, scientifiques et expérimentales axées sur les LN ? Comment expliquer l'absence d'une ou des LN dans l'enseignement formel où elles sont davantage usitées informellement?

A ces interrogations, des chercheurs ont présenté une panoplie de facteurs de blocage qui semblent être sur la voie de notre objet d'étude. Il s'agit en substance des facteurs de blocage socio- culturels et politico- didactiques analysés comme suit :

Selon l'argumentaire de certains penseurs la langue maternelle ne peut pas être vecteur de transmission de connaissance à l'école dans la mesure où c'est une trivialité d'apprendre ce que l'on a déjà assimilé. En effet, les déclarations de ce type sont notées : « La majorité des parents n'approuvent pas que l'on enseigne à l'école une langue (sa langue maternelle) que

l'on parle déjà. En effet 80% des sénégalais analphabètes veulent apprendre le français pour avoir une bonne situation ».

Cette analyse ci-dessus prend pour facteurs de blocage les déterminations familiales et sociales en ce qui concerne « la réussite » ou le « prestige social » dont « garantie » en quelque sorte l'enseignement formel via le français.

Toutefois, il est plausible de remarquer que ces positions antérieures aient négligé d'autres facteurs qui empêchent la concrétisation des politiques d'introduction des LN dans le SEF. Sur ce, d'autres chercheurs se sont focalisés sur la situation multilingue du pays et de ses localités.

Par ailleurs, le plurilinguisme pris en compte dans le système éducatif formel peut constituer une source de blocage dans la mesure où l'introduction de la majorité des langues dans ledit système requiert sa mutation profonde sans conteste. « Un enseignement intensif des langues sénégalaises entrainerait une reforme complète et trop coûteuse du système d'enseignement » ; arguent certains. Dans son article Dominique ROLLAND rappelle que : « Des expériences nombreuses ont été menées pour introduire les langues nationales à l'école. Elles se sont heurtées à des résistances considérables : difficultés d'élaboration de matériel didactique, de conceptualisation (....) »20En d'autre termes les causes du blocage de l'introduction des LN dans l'enseignement sont à rechercher dans l'élaboration d'un cadre linguistique regroupant toutes les normes éducatives tant sur le plan pédagogique que sociopolitique.

En effet, l'hétérogénéité linguistique du pays est perçue par certains comme un blocage majeur des perspectives d'une reforme éducative prenant en compte les LN dans la mesure où pour changer le système il faudra réunir d'énormes ressources économiques afin de permettre des outils didactiques considérables et permanents. Ce qui permettra de rompre « l'insuffisance didactique » des langues sénégalaises en ce qui concerne le travail de codification et de transcription en vue de les redynamiser. C'est dans ce sillage que d'aucuns signalent que par exemple : « les recherches terminologiques en wolof qui ne sont pas achevés et devant être élaborés en quantité de manuels et grammaires scolaires, dictionnaires monolingues, études sociolinguistiques sur les variétés du wolof et les recherches terminologiques dans les autres langues sont à peine amorcées »

20 Dominique ROLLAND, Français langue étrangère ou français langue seconde : un grand écart, juillet, 2000.

Cependant, les analyses ci-dessus axées sur le volet économico didactique omettent la dimension politique qui peut constituer un éminent élément de blocage. A ce titre, d'autres chercheurs ont relancé le débat en s'attaquant aux politiques et à leurs conduites face cette problématique. Les compétences discursives et théoriques des acteurs politiques par rapport à la politique éducative d'introduction des LN dans le SEF seraient en déphasage avec les actions notées sur le terrain. En tout cas c'est la perception et l'analyse de certains selon qui, la non- introduction est liée à une réticence et à une pusillanimité du coté des décideurs politiques. Ce qui ne manquera pas de noter des fustigations acerbes à leurs égards.

Dans ce cadre, Souleymane GOMIS21 sur ses remarques sur le statut de la langue française dans les écoles sénégalaises et sur le comportement politique sur la problématique des LN dans l'éducation formelle , réagit à travers ces propos : « Alors on s'interroge sur la réelle volonté des politiques et des intellectuels ,bien qu'ils connaissent les limites de l'usage du français dans l'enseignement pour la transmission des valeurs culturelles locales, ils ne décident pas à joindre à cette langue du colonisateur certaines langues nationales dans la formation du jeune citoyen »22 En d'autres termes ,le français comme langue officielle voire de l'administration connait des limites notoires concernant la dimension socialisatrice, culturelle, économique et politique que peuvent avoir nos langues dans certaines instances de la vie sociale. Ainsi, quel rôle peuvent jouer nos langues dans ces instances que nous venons de nommer ? A cette interrogation une panoplie de réponses peut être donnée par nombres d'intellectuels et politiques mais, la phase pratique reste toujours asphyxiée voire anesthésiée. Sous ce même registre S.GOMIS ajoute : « beaucoup de discours d'hommes politiques sénégalais portaient déjà cette volonté de prise en compte des langues nationales. Mais jamais la classe politique n'a réussi à dépasser cette étape du discours pour arriver à concrétiser l'idée d'enseignement des langues nationales ».

Au demeurant, la carence de la hardiesse pratique des politiques par rapport à l'entrée des LN dans les programmes scolaires se justifie selon eux par un souci d'équité linguistique. C'est- a -dire introduire toutes les langues du territoire sénégalais dans l'enseignement formel ou marquer totalement leur non- existence dans le système dans le but de permettre l'unité nationale par le truchement de la langue française. A ce titre, Lilian KESTELLOT ne cache pas son interprétation des faits lorsqu'il dit : « la seule réponse que les décideurs politiques sénégalais affichent et qui reste purement politique consiste toujours à dire que le choix du

21 Professeur de sociologie à l'université Cheikh Anta DIOP de Dakar

22 Souleymane GOMIS, 2003, La relation famille-école, l' Harmattan, pp99.

français permet d'éviter des tensions entre les différentes composantes linguistiques de la nation sénégalaise ». Cependant, comment réaliser cette unité par le biais de la langue de ceux qui nous ont désunis en traçant arbitrairement nos frontières géographiques et linguistiques ? A cette interrogation, rappelons nous des propos du chanteur Tiken Jah FACOLY lorsqu'il dit : « ils ont partagé Africa(...) une partie de l'empire mandingue se trouvant chez les wolof, une partie de l'empire mossie l'empire mandingue se trouvant chez les wolof, une partie de l'empire mossie se trouvant dans le Ghana, une partie de l'empire soussou se trouvant dans l'empire mandingue, une partie de l'empire mandingue se trouvant chez les Mossie (...) ».Cette analyse empirique de l'artiste -compositeur nous permet d'être prudent avec l'analyse des politiques consistant à chercher les blocages dans la configuration sociopolitique et sociolinguistique des pays africains.

En effet, nous sommes convenus que la perspective d'introduire dans l'enseignement formel une ou des LN paraît bien périlleuse voire laborieuse. Ainsi, ces facteurs de blocage ont un soubassement politique du fait que les politiques longtemps énoncées ou élaborées ne sont pas encore traduites en acte par les décideurs étatiques. En effet, ces précédentes analyses s'inscrivent en partie dans la voie de notre objet de recherche.

Axées sur le plan politique, ces analyses trouvent toute leur véracité analytique. Cependant, elles omettent une dimension qui est essentielle dans notre problématique de recherche. Elles n'ont pas su prendre en compte le facteur-représentation des LN par rapport à l'enseignement formel marqué par l'usage des langues extra sénégalaises. En effet, comment décrire les représentations individuelles et collectives (représentations sociales) à l'égard des LN au Sénégal ? Constituent-elles un facteur de blocage pour l'introduction des LN dans le SEF ? En outre, les représentations sociales des LN ne déterminent-elles pas la pusillanimité des décideurs politiques vis-à-vis de leur introduction dans le SEF ?

C'est face à ces interrogations que je me propose, en déconstruisant et en complétant les thèses antérieures, de rechercher les véritables causes de la non- introduction des LN dans l'enseignement élémentaire formel après l'échec des classes dites « expérimentales »23 mises en oeuvre dans le but d' actionner cette politique d' introduction .

En effet, sous l'aiguillon de nos hypothèses de recherche qui constitueront le fil conducteur de notre objet d'étude, nous chercherons à décrypter les préoccupations signalées plus haut.

23 Une classe expérimentale est une classe bilingue(en expérimentation depuis 2002 au Sénégal) consistant à enseigner la langue officielle et la langue du territoire.

Pour ce faire, les préoccupations et interrogations de notre travail seront sous-tendues par une question spécifique de recherche.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon