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La problématique des délais dans la procédure pénale

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par Pissibinawe YAKE
Ecole nationale d'administration - Diplôme de l'ENA cycle 2 2006
  

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CHAPITRE II:

LES MANQUEMENTS CONSTATES DANS LE SYSTEME JUDICIAIRE TOGOLAIS

Souhaiter que la justice soit bien rendue implique non seulement que la décision du juge soit juridiquement correcte mais aussi qu'elle intervienne dans un délai utile. Il suffit pourtant de lire certains arrêts des juridictions pour constater que la revendication d'une accélération du service public de la justice est devenue générale et la règle vaut aussi au Togo. Les problèmes liés au délai d'instruction sont deux (2) ordres. Ils peuvent être d'ordres organique ou matériel.

Section 1 : Problèmes d'ordre organique

Les manquements constatés font état d'un encombrement des rôles dans les tribunaux, de sorte que les dossiers restent des années sans être traités. Les problèmes ressortent aussi bien au niveau des institutions que du personnel judiciaires.

Paragraphe 1: Au niveau des institutions judiciaires

Il s'agit des organes chargés de dire le droit à savoir les juridictions. Notre étude portera sur leurs moyens matériels, leur répartition, leurs structures.

Les problèmes d'équipement sont primordiaux pour un bon fonctionnement de la justice, or l'on constate que la justice togolaise fonctionne dans un état de pénurie.

Les moyens matériels font justement défaut, en raison de l'augmentation du contentieux en général et de la multiplication des conflits et affaires judiciaires en particulier. Il faut mieux organiser, pour éviter les pertes de temps et encombrements. L'insuffisance des cabinets d'instruction, chargés de réunir les preuves entrave par voie de conséquence à la célérité. A Lomé par exemple, on compte six (06) cabinets d'instruction. Le nombre moyen de dossiers qui y sont traités par an est de . Ceci dénote d'une surcharge du personnel judiciaire qui répercute nécessairement sur le délai d'instruction du procès. A Aného et dans d'autres villes, il n'existe qu'un seul juge d'instruction alors que la complexité des dossiers exige parfois de longs et méticuleuses investigations dont la bonne exécution exige une disponibilité qui agit forcément sur le cours de l'évolution des dossiers.

La justice togolaise est peu décentralisée. Il existe deux (2) cours d'appel au Togo: la Cour d'Appel de Lomé reçoit en appel les jugements rendus en premier ressort par les tribunaux de Lomé, Aného, Tsévié, Kévé, Kpalimé, Vogan, Tabligbo et Notsè,... ; la Cour d'Appel de Kara connait en deuxième ressort les litiges jugés en première instance par les tribunaux de Kara, Sotouboua, Tchamba, Bassar, Sokodé, Kantè, Dapaong, Mandouri et Mango. La concentration judiciaire demeure un inconvénient majeur entraînant très souvent des lenteurs excessives.

En tout état de cause, les lenteurs dues par ces facteurs sont imputables à l'Etat, sans que ce dernier puisse se retrancher derrière les lacunes essentielles de sa loi nationale ou de la complexité de son organisation judiciaire.

On ne saurait, enfin s'abstenir de dire que parmi les causes de la lenteur de la justice togolaise figure aussi, le principe de l'unification. Il s'agit d'un principe qui veut que tous les litiges soient portés dans le même ordre de juridiction. Plusieurs raisons d'ordre économique, financier et technique ont été avancées pour expliquer l'option du législateur togolais. Contrairement à la France, le Togo ne pratique pas la séparation8(*). Ainsi les tribunaux ne sont pas partagés entre un ordre judiciaire et un ordre administratif qui représentent deux pyramides hiérarchisées de tribunaux, relevant, chacun, d'une juridiction suprême qui lui est propre et qui peut annuler ses décisions.

Aux termes de l'article 32 du C.P.P, « le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et la suite à leur donner ». Cette décision, dans bien des cas, intervient tardivement, car n'étant enfermée dans aucun délai.

Au niveau des formalités de constitution de dossiers, les moyens techniques requis pour leur recevabilité constituent également des causes de lenteur.

Dans le cas de flagrant délit, le retard dans la production d'une pièce du dossier peut freiner la procédure. Par exemple, pour un délinquant né à Kantè et arrêté à Lomé, son dossier ne sera pas reçu en jugement tant que le bulletin n°2 de l'intéressé délivré par le tribunal de Kantè n'y figure pas.

En matière de citation directe, la loi fait obligation au juge de respecter le principe du contradictoire. Dans ce cas aussi, les délais sont minima (article 394 CPPT). Une erreur matérielle comme le non respect de ces délais ou des formes requises pour les formalités peut ralentir le déroulement du procès.

C'est dans le procès criminel que la lourdeur des procédures se fait le plus sentir. En effet, rendue obligatoire en matière de crime, l'instruction préparatoire se déroule sous le contrôle permanent du Procureur de la République9(*). Selon les différentes formes de saisine, des carences existent, qui affectent la célérité de la procédure. Nous pouvons citer entre autres le manque de diligence dans l'envoi des dossiers après la clôture de l'information et la prise de réquisitions écrites par le Procureur Général. Les différents incidents qui peuvent intervenir lors de l'instance sont également des causes de lenteur de l'instruction du procès pénal.

Paragraphe 2: Au niveau du personnel judiciaire

Le personnel de la justice se compose de magistrats, de greffiers et d'autres corps non professionnels dont les actions concourent à rendre la justice. Vu sous un angle pénal, les acteurs judiciaires se composent de magistrats du parquet, du siège et de ceux de l'instruction.

C'est le magistrat du parquet jouant le rôle de Ministère Public qui fait rechercher et constater les infractions par le biais de la police judiciaire. C'est également lui qui exerce l'action publique et requiert l'application de la loi. L'action du Ministère Public sur la lenteur de l'instruction est perceptible lorsque vient le moment d'apprécier le temps parfois trop long mis pour la qualification des faits.

Le rôle du juge d'instruction est de rechercher les éléments de preuve. L'absence du « plaider coupable« dans le CPPT oblige ce dernier, non à démontrer que le prévenu est coupable (cela relève du Ministère Public), mais à connaitre la vérité. Dans ce processus, la lenteur qui lui est imputable procède de circonstances externes comme :

Ø la dénonciation calomnieuse ;

Ø la non délivrance de mandat de justice ;

Ø la lenteur du Procureur de la République dans l'accomplissement de certaines formalités nécessaires à la suite de la procédure.

Deux conditions sont particulièrement nécessaires pour qu'une justice soit rendue dans un délai raisonnable : il s'agit d'une part d'augmenter les ressources humaines et d'assurer aux agents chargés de rendre la justice une indépendance par rapport à toute influence externe. L'exigence d'une justice rendue avec célérité n'est pas respectée au Togo. Le déficit de personnel entraîne comme conséquences des lenteurs et des dénis de justice. Il est de ce fait plus qu'important de renforcer les moyens humains. Parler de respect du délai raisonnable implique l'impérieuse nécessité de revoir les moyens humains au premier rang desquels figurent les magistrats chargés de rendre la justice.

Pour que les tribunaux puissent siéger avec la célérité qui sied, il ne suffit pas seulement d'augmenter le nombre de magistrats recrutés. Encore faudrait il que ceux-ci bénéficient d'un statut leur permettant de préserver leur indépendance ou de résister aux pressions qui s'exercent sur eux.

Le juge d'instruction dispose d'un délai d'un mois pour rendre une ordonnance motivée. Il peut faire droit à la demande et procéder au règlement de la procédure, en notifiant aux parties l'avis de fin d'instruction. Il peut rejeter la demande s'il décide de poursuivre l'instruction. Les parties peuvent saisir le président de la chambre de l'instruction dans les cinq (5) jours suivants le délai d'un mois. Il s'agit d'une saisine directe et non d'un appel.

Parallèlement, en droit togolais, le président de la chambre d'accusation et le Procureur Général s'assurent du bon fonctionnement des cabinets d'instructions du ressort de la Cour d'appel. Il s'emploie à ce que les procédures ne subissent aucun retard injustifié. A cette fin, il établit chaque mois, dans chaque cabinet d'instruction une notice de toutes les affaires en cours portant mention, pour chacune, la date du dernier acte d'information exécuté.

En vérité, chaque jugement, parce qu'il prétend à l'instauration d'une justice sert au-delà du bien commun qu'il vise, un intérêt particulier : celui pour la personne poursuivie de connaître son sort à l'issu d'un procès équitable tenu dans un délai raisonnable.

Mais ne nous y trompons pas, telle mission ne pourra être accomplie avec succès que si les magistrats disposent d'un environnement convenable, des moyens de travaux suffisants voir performants et surtout d'une rémunération raisonnable.

C'est donc dire que les lenteurs de la justice pénale en général et du procès pénal en particulier ont, au Togo, des causes liées aux facteurs économiques, politiques, et socioculturels ; des causes liées aux effectifs judiciaires ; et enfin des causes relatives à la procédure quant à la saisine des juridictions pénales et quant au règlement des dossiers et le temps des actes.

* 8 _

* 9 _ 191 à 192

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle