PARTIE II. DES ENJEUX POLITIQUES
Le phénomène migratoire tunisien, loin
d'être le simple agrégat des stratégies individuelles, est
beaucoup plus complexe et alambiqué, et se dévoile à
l'observation comme un terrain fertile pour le déploiement du politique.
Des études récentes font état du rôle croissant des
pouvoirs dans l'accentuation, voire la fabrication, de toutes pièces,
des flux d'émigration. Parfois, les encouragements sont si vifs, que
l'émigration, hormis les motivations individuelles et les facteurs
socio-économiques qui la soustendent à la base, devient un
phénomène de masse touchant la totalité de la population
nationale, toutes catégories sociales confondues. Les États
maghrébins nouvellement indépendants, confrontés à
un phénomène migratoire qui sévit déjà dans
une société en quête de ressources financières et de
mobilité sociale, ont dû composer avec et s'en saisir pour en
faire une soupape d'échappement en faveur d'un équilibrage
démographique et d'une stabilité politique, ainsi qu'un tremplin
de développement économique75. Les enjeux sont si
massifs et mettent en jeu des intérêts si importants, qu'il semble
peu probable de voir les pays du Maghreb changer de cap. A l'instar du reste
des pays maghrébins, la Tunisie n'a pas manqué de réguler
le phénomène migratoire selon une logique d'efficacité
politique et économique. Une tendance générale vers
l'encouragement des départs et le placement des
75 BELGUENDOUZ (Abdelkrim), « Les jeunes
Maghrébins en Europe : deuxième génération,
deuxième chance pour le développement au Maghreb ? », in
Revue Juridique, Politique et Economique du Maroc, n°21, 1988,
pp. 69-102 ; voir BEL HAJ ZEKRI (Abderrazek), « Les politiques
migratoires, les institutions compétentes et leur environnement en
Tunisie », CARIM, Note analytique n°2004/02, pp. 2-3.
compétences tunisiennes à l'étranger
n'est plus à démontrer. Le pragmatisme, d'ailleurs tout à
fait légitime, qui caractérise la politique migratoire tunisienne
ne manque pas d'encourager une émigration durable et solide ayant le
mérite, surtout, d'entrainer des entrées de devises et de
décompresser un marché de travail tunisien qui s'est toujours
montré incapable d'offrir des débouchés aux demandes
additives. L'analyse du phénomène migratoire propre à la
Tunisie, à la lumière des enjeux politiques qu'il est
censé relever, nous mènent à traiter des avantages
fort convoités que les pouvoirs publiques tentent d'en tirer
(chapitre I), avant d'examiner les instruments
opératoires mis en place pour cette fin (chapitre
II).
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