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Politique de l'enseignement universitaire en République Démocratique du Congo (1947-1993)

( Télécharger le fichier original )
par Aurélie Maketa
Université de Kinshasa - Licence 2011
  

Disponible en mode multipage

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Dédicace

A vous qui avez toujours été là, même lorsque je pensais ne pas avoir besoin de vous ainsi qu'à tous ceux que j'aime.

Avant-propos

C'est avec un immense bonheur mais également avec un grand soulagement que nous présentons ce mémoire, qui marque la fin de nos études de licence. Nous espérons que notre modeste contribution à la compréhension des problèmes qui minent notre système universitaire, pourra aider tous ceux qui s'intéressent à la problématique de la politique de l'enseignement universitaire dans notre pays.

Nous aimerions remercier notre directeur de mémoire, le professeur Mabiala Mantuba-Ngoma pour la patience et la compréhension qu'il a manifestées à notre égard. Nous tenons également à remercier, nos professeurs, tous ceux qui durant nos années d'études ont donné de leur temps et de leur savoir pour notre épanouissement et notre initiation à la recherche scientifique.

Nous voudrions présenter en particulier notre gratitude au professeur Tshund'Olela, au professeur Serufuri ainsi qu'au professeur Belepe pour l'aide qu'ils nous ont accordée durant l'élaboration de ce travail.

Nous n'oublions pas dans nos remerciements nos chefs de travaux et assistants pour leur disponibilité ainsi que le personnel administratif du Département.

Pour clôturer cet avant propos nous tenons à remercier notre famille et nos amis qui nous ont soutenus durant cette période de sacrifice :

Notre père le professeur Thomas Maketa Lutete et notre mère Céline Nkuizulu Mufuta ;

Nos frères et soeurs : Thomas Maketa Lutete Junior, Vivi Maketa Tevuzula ainsi que son mari Marcus Ngoyi Manionga, Leslie Sabakinu Lukwikilu et notre nièce Céline Maketa Miakiedika ;

Nos tantes Suzanne Tevuzula Mufuta et Vicky Mufuta Miakiedika ainsi que leurs maris Mr Clément Lambilotte et le professeur Sabakinu Kivilu ;

Nos amies Nancy Nswal et Laurène Ntumba Kabengele.

Une pensée particulière est adressée à notre parrain Joseph Nys, à notre marraine Hilde Lambilotte, ainsi qu'à leurs familles respectives.

Que tous nos collègues de la promotion reçoivent également l'expression de notre plus profonde gratitude pour tous les moments passés ensemble, il s'agit de Charles Mongay, Emery Kalema, Leslie Sabakinu, Maxime Selemani, Olive Ntantu, Théodore Belesi et Valentin Cibuabua.

Nous remercions également tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à l'élaboration de ce travail et que nous aurions omis de citer.

Sigles et abréviations

A.M.I. (École) : Ecole des Assistants Médicaux Indigènes

A.G.E.L. : Association Générale des Etudiants de Lovanium

BEPUZA : Bureau d'organisations des études pour la formation des professeurs

universitaire zaïrois

CADULAC : Centre Agronomique De l'Université de Louvain Au Congo

CANDIP : Centre d'Animation et de Diffusion Pédagogique CAS : Conseil d'Administration Supérieur

CCFPE : Centre de Coordination pour la Formation Permanente des Enseignants CECOMAS : Centre de Communication de Masse

CEDAF : Centre d'Etudes et de Développement pour l'Afrique Centrale

CEDAR : Centre d'Etudes et de Diffusion des Arts CELTA : Centre de Linguistique Théorique et Appliquée CEPAC : Centre d'Etudes Politiques en Afrique Centrale

CERDAC : Centre d'Etudes et de Recherches Documentaires pour l'Afrique Centrale CERP : Centre de Recherche Parapsychique

CERPHA : Centre de Recherche en Philosophie Africaine CERUKI : Centre de Recherches Universitaires au Kivu CEZEA : Centre Zaïrois d'Etudes Africaines

CIEDOP : Centre Interdisciplinaire d'Etudes et de Documentation Politique

CIDEP : Centre Interdisciplinaire pour le Développement de l'Education Permanente CNS : Conférence Nationale Souveraine

CODESRIA : Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique

CREM : Centre de Recherche pour l'Enseignement de la Mathématique

CRIDE : Centre de Recherche Interdisciplinaire pour le Développement de l'Education

CRIDHAC : Centre de Recherche Interdisciplinaire pour la promotion et la protection des Droits de l'Homme en Afrique Centrale

C.R.I.S.P. : Centre de Recherche et d'Information Socio-Politiques C.U.L. : Centre Universitaire Lovanium

CUD : Commission Universitaire pour le Développement E.I.C : Etat indépendant du Congo

ENDA : Ecole Nationale de Droit et d'Administration ESU : Enseignement Supérieur et Universitaire

FOMULAC : Fondation Médicale de l'Université de Louvain au Congo

I.F.E.P. : Institut de Formation et d'Etudes Politiques

INBTP : Institut National des Bâtiments et des Travaux Publics INM : Institut National des Mines

I.P.N : Institut Pédagogique Nationale

IRES : Institut de Recherches Economiques et Sociales ISP : Institut Supérieur Pédagogique

JMPR : Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution MPR : Mouvement Populaire de la Révolution

ONRD : Office National de la Recherche Scientifique ONU : Organisation des Nations Unis

PUZ : Presse Universitaire du Zaïre

Q.I. : Quotient Intellectuel

TP : Travail Pratique

UGEC : Union Générale des Etudiants Congolais U.L. : Université Lovanium

U.L.C. : Université Libre du Congo

U.O.C. : Université Officielle du Congo UNAZA : Université Nationale du Zaïre

Introduction

Il est de coutume de dire que la « jeunesse est l'avenir de demain ». Cela est vrai car c'est à elle que reviendra la charge quand les aînés auront disparu, de conduire la société vers un avenir que, nous tous, espérons meilleur. Cependant, pour que cette jeunesse puisse mener à bien cette mission, elle doit être instruite et capable de relever les défis. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'instruction, tant traditionnelle que moderne avec ses cycles primaires, ses humanités et son enseignement supérieur. Dans nos sociétés modernes, l'initiation traditionnelle a pratiquement disparu, et là où elle existe encore, elle a été supplantée par le modèle européen d'instruction. C'est donc dans les universités d'aujourd'hui que se forme l'élite de demain.

I. Intérêt du sujet

L'intérêt de ce travail est d'analyser et de comprendre chacune des étapes par lesquelles est passée l'enseignement supérieur ainsi que les implications qui en ont découlé ; car c'est de ces anciennes réalités que résulte notre système universitaire actuel. Pour songer à l'améliorer, il faudrait d'abord comprendre la nature du mal qui le ronge.

Cela est important car le rôle de l'université dans la formation de l'élite est essentiel pour qu'un pays aille de l'avant. C'est cette élite qui sera amenée à avoir entre ses mains les destinées du pays. Le développement de l'enseignement universitaire est donc un facteur capital pour l'épanouissement d'un pays.

II. Problématique

La question, en matière de politique d'enseignement, qui se posa au départ, fut celle de savoir pourquoi l'Etat colonial, qui se fiait totalement aux missions catholiques en leur confiant la conception d'un secteur prioritaire de la vie nationale qu'était l'enseignement de base, ne voulait il pas favoriser le développement de l'enseignement supérieur. La pyramide de l'enseignement dont la base est l'enseignement primaire pour la masse s'est fort peu souciée du développement de l'enseignement secondaire et encore moins de l'enseignement universitaire durant la période coloniale.

Fut-il facile pour l'Etat de se débarrasser de cette politique qui favorisait l'enseignement de masse au détriment de celle d'une élite ? Quelles sont les décisions qui furent prises pour marquer une volonté d'aller de l'avant? Quelles furent les orientations données à l'enseignement universitaire naissant ? Quels furent les divers intervenants et les questions majeures qui marquèrent l'évolution de cette politique ?

Comment l'Etat postcolonial chercha-t-il à s'assurer le contrôle de l'institution universitaire ? Quel serait le profil d'hommes à former et pour quelle utilité sociale ? Voulait-on former des élites proches ou coupés de leur peuple ? Des cadres faisant preuve d'une conscience nationale ou totalement aliénés et extravertis ?

Voilà autant de questions qui mériteraient de trouver une réponse dans le cadre de la présente étude.

III. Méthode

Dans ce travail, nous avons fait usage de la méthode historique non seulement dans l'heuristique, c'est-à-dire, dans la recherche des documents relatifs à notre sujet d'étude, leur confrontation et leur critique mais aussi dans l'explication et la relation des faits permettant de réaliser une synthèse historique. Celle-ci est soucieuse de montrer non seulement la succession des faits dans le temps, les continuités mais aussi les ruptures dans les évènements passés.

Cette approche s'imposait car en tant qu'historien, il ne convient pas seulement d'évoquer un thème de recherche, mais il faut aussi l'analyser objectivement en le replaçant dans son contexte. C'est à ce niveau que se situe l'intérêt de cette méthode qui permet de ressortir les faits dans leur totalité mais aussi dans leurs époques afin de pouvoir en saisir les différents aspects, autant les continuités que les cassures, ainsi que leurs causes. Grâce à cela, il devient plus aisé, comme dans notre cas, de cerner les véritables problèmes qui se posent durant la période étudiée.

IV. Délimitation du sujet

Le présent travail commencera en 1949 et se terminera en 1993.

Le choix de l'année 1949, date de la reconnaissance officielle de la C.U.L. qui deviendra UL comme « terminus a quo » n'a pas été aisé pour nous. Car d'aucun pourrait penser que l'aventure universitaire commence de nombreuses années plus tôt. En 1926 avec la FOMULAC de Kisantu, ou en 1933 avec la CADULAC parce que même si le pouvoir colonial les considéraient comme des écoles professionnelles, pour les concepteurs du projet, il était question d'arriver à long terme à la mise en place d'un établissement d'enseignement supérieur dans la colonie belge et à une formation universitaire pour les autochtones du Congo. Deux autres dates ultérieures auraient pu être prises comme « terminus a quo » de notre travail; l'année 1954 date de l'ouverture de l'UL, la première université de notre pays, ou encore l'année 1947 date de la création du C.U.L.

Il nous a pourtant paru plus pertinent de choisir l'année 1949 comme « terminus a
quo » car, c'est de cette année que date la reconnaissance officielle du C.U.L par un

arrêté royal promulgué le 21 février 1949. Et même si la première année académique d'une université au Congo ne débuta qu'en octobre 1954, cette reconnaissance officielle marque, pour nous, le véritable début de l'enseignement universitaire au Congo, puisque le climat tant national qu'international se prêtait beaucoup mieux à la mise au point de ce projet qui était en gestation depuis 1945 déjà.

Comme « terminus ad quem », nous avons choisi de nous arrêter en 1993 parce que c'est durant cette année que fut promulguée la loi de « libéralisation » de l'enseignement universitaire. L'Etat n'avait plus le monopole de l'organisation de l'enseignement supérieur et universitaire. Les particuliers, qui répondaient aux critères instaurés par le Ministère de l'Enseignement supérieur et universitaire, pouvaient créer des établissements d'enseignement supérieur et universitaire.

La seconde raison qui a motivé ce choix, c'est qu'il fallait éviter la dispersion. Ainsi, nous avons préféré nous limiter à la période où il n'existait que trois grandes institutions universitaires dans notre pays.

V. Revue de la littérature

Nous allons commencer cette revue de la littérature par les publications officielles de la période coloniale.

Nous avons les bulletins officiels qui contiennent les différentes lois qui ont ponctué les débuts de l'enseignement universitaire dans la colonie belge.

Ensuite viennent les Comptes Rendus Analytiques du Conseil Colonial, qui sont des documents reproduisant les débats qui avaient lieu alors. Ils nous donnent une vision assez nette de tous les débats au sein du conseil colonial, donc l'esprit des décrets, lois et règlements concernant la colonie.

Nous avons aussi les Rapports Annuels sur l'Administration du Congo Belge, présentés aux chambres. Ils sont une source importante pour dresser une liste des différents changements qui ont eu lieu et de leur effectivité dans la colonie.

Nous avons utilisé des publications de l'université, des discours de rentrée académique, prononcés par Mgr Luc Gillon, recteur de l'Université Lovanium et Mgr Tharcisse Tshibangu ou encore des discours prononcés à l'université de Louvain en Belgique et qui ont eut une grande importance pour le Congo. « L'appel de la colonie à l'université » de Mgr Van Waeyenbergh, que nous avons utilisé pour notre travail, en fait partie.

Des programmes de cours. Nous avons eu à travailler avec les programmes de l'UL ainsi que ceux de l'UOC. Analyser ces documents permet d'avoir une idée de l'orientation de l'enseignement dans les universités en présence.

Ces publications de l'université nous ont permis de nous plonger dans la réalité de ces universités dont nous parlons. Car au-delà de tout ce qui aura été écrit, il est important parfois de se servir des sources de première main pour se faire une idée qui ne soit pas faussée par les préjugés qu'un auteur pourrait introduire dans son étude.

Deux livres nous ont particulièrement intéressés : « Servir en acte et en vérité » paru à Kinshasa en 1995 et « L'université Lovanium des origines lointaines à 1960 » paru à Kinshasa en 2008. Ces deux ouvrages sont respectivement des biographies de deux personnages importants dans l'histoire de Lovanium, Monseigneur Luc Gillon le premier recteur de l'UL et Guy Malengreau professeur mais aussi un des fondateurs de Lovanium. Ils retracent de manière étonnamment vivante la naissance et les premiers pas de l'UL.

Pour la période traitant de l'Université sous la deuxième République et des différentes réformes sous cette période, le livre de Monseigneur Tharcisse Tshibangu « L'université congolaise, étapes historiques, situation actuelle et défis à relever » paru à Kinshasa en 2006 nous a été d'une aide considérable. Au delà de son étude sur l'université congolaise, ce livre nous donne la retranscription de nombreux documents originaux, et des rapports des commissions ayant promulgué les différentes réformes. Malgré cela on pourrait regretter le caractère impersonnel de l'ouvrage où il parle des faits auxquels il a participé comme l'aurait fait un simple rapporteur. Ses impressions nous aurait pourtant permis d'avoir une meilleure perception du pouvoir réel de décision qu'avait les autorités académiques et du poids de l'Etat sur les décisions de l'université.

Nous pouvons aussi citer l'ouvrage de Galen Spencer Hull « Université et Etat : l'UNAZA Kisangani » paru en 1976 à Bruxelles qui nous donne une vision de l'ULC assez complète pour permettre une bonne compréhension de cet établissement et de son fonctionnement.

D'autres ouvrages qui traitent de la question de l'université avec cette fois ci un regard beaucoup plus critique ont été pour nous d'une aide précieuse dans l'écriture de ce mémoire. Il s'agit, entre autres, de « Pouvoir et structure de l'Université Lovanium » de Bernadette Lacroix, du livre du professeur Verhaegen « L'enseignement supérieur au Zaïre. De Lovanium à l'UNAZA » ainsi que du livre du professeur Bongeli « L'université contre le développement au Congo-Kinshasa ». Ces ouvrages ne se contentent pas de relater les faits comme les ouvrages que nous avons cités plus haut,

ils nous proposent surtout une analyse assez pertinente de l'université et de son insertion dans la société.

Nous avons aussi utilisé des ouvrages collectifs. Tels que « L'Université dans le devenir de l'Afrique : Un demi siècle de présence au Congo Zaïre ». Cet ouvrage dirigé par le professeur Isidore Ndaywel est écrit pour commémorer les cinquante ans de l'Université au Congo. On y retrouve des témoignages d'hommes et de femmes ayant participé à la grande histoire de l'université congolaise.

VI. Division du travail

Notre travail est divisé en trois chapitres. Le premier chapitre est axé sur les conditions de naissance d'un enseignement universitaire au Congo belge.

Les deux derniers chapitres traitent respectivement de la politique de l'enseignement universitaire au Congo durant la première période qui va de 1954 à 1971 puis durant la seconde période qui commence en avec la nationalisation des universités et se termine par une libéralisation du système d'enseignement universitaire.

CHAPITRE I : Les débuts de l'enseignement universitaire
au Congo

La question de la pertinence et de l'importance de la création d'un enseignement universitaire au Congo s'est posée de nombreuses années avant l'ouverture de la première université en 1954. Durant la deuxième guerre mondiale de 1940-1945 déjà, cette question se posait avec insistance pour les fils de colons qui ne pouvaient pas partir continuer leurs études dans la métropole : la communication entre la colonie et la métropole avait été interrompue pour cause de guerre. Afin de palier à cette carence, une ébauche d'université fut créée à Lubumbashi en octobre 1944.

Pour ce premier essai, trois facultés furent créées : une faculté de philosophie et lettres, une faculté des sciences naturelles et médicales, ainsi qu'une faculté de physique et de mathématique1. Au total treize étudiants y furent inscrits : quatre en philosophie et lettres, trois en sciences naturelles et médicales et six en physique et mathématique. Cette expérience fut éphémère puisqu'en juillet 1946 déjà, soit un an après la fin de la guerre, elle prit fin et que les étudiants furent envoyés en Belgique pour continuer leurs études.

Il est intéressant de noter que cette courte expérience n'a concerné que l'enseignement universitaire pour les jeunes européens, car, pour les autochtones du Congo Belge, la question de l'enseignement se posait différemment dans la métropole belge. La politique scolaire coloniale belge était à tendance paternaliste. Elle ne cherchait pas à favoriser l'émergence d'une élite noire au Congo. L'effort du Ministère des colonies en matière d'enseignement se concentrait essentiellement sur l'enseignement de base avec l'alphabétisation de la population, l'apprentissage des notions de base et celle d'un métier. On résume souvent ce système par une formule extrêmement simple : « pas d'élites, pas d'ennuis ». Et il suffit de retourner en arrière pour se rendre compte de la pertinence de cette assertion. En effet jusqu'à la réforme de 1948, il n'existait pas d'études secondaires générales pour indigènes au Congo belge alors que la première colonie scolaire fut créée en 1890 à Boma soit 58 ans plus tôt.

1 DE SAINT MOULIN, L., « L'université au Congo, hier, aujourd'hui et demain » dans L'Université dans le devenir de l'Afrique : Un demi-siècle de présence au Congo-Zaïre sous la direction de Isidore NDAYWEL E NZIEM, Paris, l'Harmattan, 2007, p. 29.

I. Le système scolaire au Congo Belge

Un des éléments, qui ressort de la colonisation, est qu'une poignée d'hommes expatriés a réussi à dominer une population nombreuse sur son propre sol. S'il existe quelques éléments qui pourraient expliquer cet état de chose2, on peut classer le « prestige du colonisateur blanc » parmi les causes les plus probantes. Au Congo belge, surtout, les colons entourèrent tout ce qui touchait à la métropole ou aux Européens d'une sorte d'aura mystificatrice, d'un cocon qui les protégeaient et les faisaient paraître dans l'imaginaire populaire congolais comme des surhommes. Pour préserver cette image, ils se devaient en toutes choses d'éviter tout comportement qui pouvait les rendre ridicules ou mettre en question ce prestige. Tout excès de familiarité avec les indigènes était proscrit. Même l'immigration d'Européens vers la colonie était soumise à des règles très strictes. En effet, seuls des personnes pouvant justifier des moyens d'existence honnêtes et suffisants pouvaient faire le voyage3. C'est cet idéal qui a prévalu dans le système colonial de l'époque où tout était agencé pour que le colonisateur blanc soit toujours considéré comme supérieur. Pour ne citer qu'un exemple, dans la Force publique, le grade le plus élevé pour un noir était sergent major, celui-ci était directement inférieur au grade d'adjoint militaire qui était le plus bas grade pour un soldat européen4.

Cette hiérarchisation de la société à tendance paternaliste a dicté l'évolution de la politique de l'enseignement au Congo belge et l'a emmené à se centrer principalement sur l'enseignement de base et sur l'enseignement pratique. Après des études primaires organisées grâce à l'Eglise catholique surtout, les élèves continuaient avec le secondaire spécialisé et étaient finalement orientés vers des instituts de formation. Après des débuts difficiles, cet enseignement pour enfants noirs est allé en s'améliorant. De nombreux changements tant sur le plan national que mondial ont fait sentir le besoin d'une meilleure prise en charge de la population sur le plan de l'éducation. C'est cette évolution qui explique la création d'universités pour Noirs au Congo belge.

2 La supériorité technologique de la civilisation européenne occidentale - surtout en matière d'armement - notamment lui a permis t de dominer les autres civilisations pas seulement africaines mais aussi asiatiques, américaines et même océaniennes.

3 MUTAMBA, J-M., Du Congo Belge au Congo indépendant 1940-1960 : Emergence des « évolués » et genèse du nationalisme, Kinshasa, I.F.E.P, 1998, p. 137.

4 Cours d'Histoire des institutions du Congo par le professeur SIKITELE GIZE A SUMBULA Charles.

A. Pas d'élites pas d'ennuis

L'un des prétextes de la colonisation, celui qui d'ailleurs était le plus mis en avant au début de la conquête des territoires par tous ceux qui sont venus en Afrique au XIXème siècle, était l'apport du « flambeau de la civilisation aux populations africaines ». Par « civilisation », les Européens entendaient le mode de vie, la culture occidentale qu'il fallait transférer aux Africains. Cela ne pouvait se faire - et ne s'est fait d'ailleurs - que par l'entremise de l'évangélisation et de la scolarisation des Congolais.

Au Congo Belge, la tâche d'évangéliser et de donner une instruction aux autochtones a été menée à bien par l'Eglise catholique5 qui avait reçu cette prérogative du gouvernement de la colonie grâce au concordat du 26 mai 1906 entre l'Etat indépendant du Congo et le Saint Siège d'abord et à la convention de 19266 ensuite. L'Etat colonial s'est appuyé ainsi sur l'église pour deux raisons principales :

- D'abord parce que les missions étaient installées effectivement sur le terrain depuis un certains temps déjà et avaient des assises dans les régions. qu'ils se contentèrent de consolider ;

- Ensuite donner aux Congolais une éducation chrétienne présentait un certain avantage pour les colons. Le ministre libéral des colonies Franck dit à ce sujet : « Seule la religion chrétienne catholique, basée sur l'autorité, peut être capable de changer la mentalité indigène, de donner à nos Noirs une conscience nette et intime de leurs devoirs, de leur inspirer le respect de l'autorité et l'esprit de loyalisme à l'égard de la Belgique. » 7. Ce monopole était tellement grand que les divisions territoriales catholiques, à savoir : les vicariats et les préfectures apostoliques déterminaient aussi les divisions territoriales de l'enseignement.

L'implantation des écoles dans la colonie belge s'était heurtée à ses débuts à de
nombreuses difficultés tant matérielles que culturelles8. Malgré cela et grâce surtout

5 Une préférence était accordée aux congrégations belges.

6 EKWA, M., L'école trahie, Kinshasa, éditions Cadicec, 2004, p. 143-144 : l'E.I.C avait signé un accord avec le saint siège où en échanges de terrains les missions catholiques s'engageaient à s'occuper de l'enseignement de la population, et en 1925-1926 le gouvernement conclut une convention avec les missions chrétiennes qui s'occupaient de l'enseignement en échange de subside de l'Etat.

7 LACROIX, B., Pouvoirs et structures de l'Université Lovanium, Bruxelles, cahiers du CEDAF n° 2-3, 1972, p. 10.

8 EKWA, M., Op. Cit., pp.25-29 : Les premiers colonisateurs ont eu à vaincre la méfiance des populations à l'égard de cette école venue d'Occident. Certains la voyaient comme une nouvelle forme d'esclavage. Il y avait aussi d'autres difficultés telles que, l'absence d'infrastructures de transport qui rendait difficile la création de succursales organisées, le manque de personnel enseignant, la barrière de la langue due à la diversité ethnique qui posait la question de la langue de l'enseignement et aussi celle de la langue des manuels scolaires.

aux subsides que le pouvoir colonial leur versait, les missions catholiques purent étendre leurs actions9. Cette coopération entre les missions catholiques et l'administration fit qu'en matière d'accès des autochtones à l'enseignement de base, le Congo belge prit une avance considérable sur les colonies voisines et il est communément admis que, de la fin des années 40 jusqu'au début des années 50, une grande majorité des enfants congolais était scolarisée10. Mais même si ce que nous avons dit plus haut est vrai, avant la réforme de l'enseignement de 1948, cette scolarisation se concentrait essentiellement sur l'enseignement de base, à savoir : le niveau primaire et ensuite sur l'apprentissage d'un métier.

La situation se présentait de la même manière pour tous les enfants congolais scolarisés. En effet, après avoir fini le cycle primaire, l'élève pouvait continuer son cursus en faisant un niveau post-primaire. Il pouvait ainsi commencer l'apprentissage du métier de son choix. Avant la réforme de 1948, la formation de l'élite noire était quasi inexistante. Les Noirs les plus instruits étaient ceux qui avaient fréquenté des séminaires. Pour les autres, les études supérieures existaient, c'est vrai, mais faute de cycle secondaire général, elles avaient le statut d'école professionnelle.

On pourrait tenter une ébauche d'analyse en se basant sur l'aspect de l'enseignement durant cette période. Il ressort clairement que les colonisateurs évitaient, autant que possible, de pousser trop loin l'enseignement des autochtones. Cela principalement pour deux raisons que nous allons effleurer ici mais sur lesquelles nous nous étendrons plus loin :

- La première raison est que pour certains Européens, les Africains avaient une intelligence infantile ; pour leur bien, ils préconisaient de ne pas les pousser trop en avant dans des enseignements trop compliqués qui risquaient de n'avoir aucun sens et aucune utilité pour eux ;

- La deuxième raison est que les coloniaux avaient peur qu'un excès de connaissance soit susceptible de pousser les Congolais à causer des ennuis dans la colonie car

9 MUTAMBA, J-M., Op. Cit., pp. 143-144 : Les écoles officielles congréganistes étaient administrées par des congrégations religieuses et recevaient leurs fonds des pouvoirs publics ; les écoles libres subsidiées aussi percevaient des subventions de l'Etat qui les contrôlaient. Seules les écoles libres non subsidiées (séminaires, établissements créés par des sociétés privées) qui ne recevaient pas d'aides n'étaient soumises à aucun contrôle.

10 Mgr GILLON, L., Servir en actes et en vérité, Kinshasa, C.R.P, 1995, p. 69 : En 1946 (...) 1.150.000 enfants alphabétisés, ce qui représentait 42% de la population scolarisable, alors qu'à la même époque, la scolarisation n'atteignait que 7% au Nigéria, 5% en Afrique équatoriale française, 12% en Gold Coast (Ghana) et 17% au Kenya ; MUTAMBA J-M., Op. Cit., p.145 : le taux de scolarisation plaça (la colonie belge) en tête de peloton des pays alors colonisés. En 1955 50% des enfants entre 6 et 12 ans étaient scolarisés.

Il faut noter que sur la valeur de cette formation, les avis divergent. Le professeur Delacroix [Op. cit., p. 9], explique que lors du recensement de 1956 on constata un écart important entre le nombre de scolarisés et celui d'enfants sachant lire et écrire ; Le professeur Mutamba [Op. cit., p. 145], constate quant à lui, que ce pourcentage élevé d'élève s'estompait avec le temps, en effet sur six élèves, un seul obtenait sons certificat.

pour certains « la vanité [était un] des défauts dominants du caractère du Noir. [Et que] dès qu'il [avait] un vernis de civilisation, il se [croyait] volontiers l'égal de l'européen... » 11. Leur donner une formation plus avancée aurait irrémédiablement conduit à une poussée de revendications. C'est pour cette raison qu'ils ne voulaient pas former ceux qui risqueraient plus tard de les chasser.

B. La réforme de 1948

Cette réforme est importante parce qu'en instituant le cycle secondaire, elle a permis de donner aux élèves le niveau nécessaire pour pouvoir prétendre à des études universitaires. Même si elle apporta un changement considérable pour les populations du Congo Belge, l'organisation de l'enseignement n'en resta pas moins extrêmement rigide et sélective. Car la tendance générale resta celle d'orienter le plus d'enfants possibles vers des écoles professionnelles plutôt que vers un enseignement secondaire général et universitaire. Voici un petit aperçu des changements intervenus après la réforme.

La première différence est que le système scolaire comporte dès lors deux niveaux : le niveau primaire et le secondaire.

Le premier niveau comportait deux degrés : le degré normal et le degré sélectionné. Le premier degré du primaire s'appliquait à tous les enfants quels que soient leurs aptitudes. Après cette étape et selon les dispositions de l'enfant, on l'orientait soit vers le deuxième degré ordinaire soit vers le degré sélectionné12. Les moins doués étaient dirigés vers le degré ordinaire, où après trois ans de cours, on les orientait vers des écoles d'apprentissage pour s'initier à un métier. Les plus doués, après avoir réussi à un concours d'admission, intégraient le degré sélectionné13. Seuls ces élèves ou les élèves du degré ordinaire, qui étaient passés par une classe de liaison, pouvaient accéder aux études secondaires. Là encore, la sélection était rude et de nombreux élèves étaient guidés vers des écoles professionnelles. Pour le petit nombre d'élèves qui étaient jugés aptes, la réforme introduisit la possibilité de poursuivre des études secondaires.

Comme pour le niveau primaire, le niveau secondaire se divisait en deux degrés : le
degré spécial et le degré général. Seul l'enseignement du secondaire général, qui

11 NDAYWEL E NZIEM, I., Histoire du Congo : des origines à nos jours, Bruxelles, Le cri/ Afrique éditions, 2011, p.148

12 MUTAMBA, J- M., Op. Cit., p. 148 : le second degré primaire ne se retrouvait pas partout dans la colonie, seulement dans les centres urbains et dans des localités où se trouvaient des missions.

13 Idem, p. 149 : On ne tenait pas seulement compte des capacités intellectuelles, mais aussi des capacités morales.

comprenait des humanités scientifiques ou latines, donnait accès à l'enseignement universitaire. La majorité des élèves se retrouvait dans les écoles secondaires spéciales qui pouvaient s'apparenter à des écoles professionnelles par leurs formations14.

Ce système extrêmement sélectif s'explique par la méfiance des autorités coloniales vis-à-vis de l'enseignement supérieur qui tendait à évoluer. Pour faire valoir les diplômes qui seraient obtenus par les élèves, cette rigueur était nécessaire car le climat politique était tel qu'on aurait pu contester leur mérite réel en qualifiant l'enseignement reçu d'instruction de pure forme et les titres qu'ils avaient acquis de document sans valeur pour cause de laxisme et de manque de rigueur de la part des enseignants.

Cette réforme est à situer dans une certaine évolution de la société coloniale. En effet, avec la deuxième guerre mondiale et l'interruption des communications entre la colonie et sa métropole, le manque de main d'oeuvre qualifiée sur place se fit sentir et la mise en place d'un système scolaire avec un programme pouvant préparer à l'enseignement supérieur et universitaire sans spécialisation obligatoire devint important15.

C. L'enseignement supérieur pour indigènes

L'enseignement supérieur pour Noirs existait déjà avant l'ouverture de la première année d'université à Léopoldville en 1954. L'apprentissage d'un métier pour les jeunes congolais commençait à partir de la fin du cycle primaire comme nous l'avons expliqué dans le point précédent et à partir de 1910 déjà, l'enseignement supérieur s'était spécialisé dans la colonie avec des structures telles que l'école A.M.I, créée par l'Etat, ensuite avec la FOMULAC (1927) et la CADULAC (1933) affiliées à l'Université Catholique de Louvain. Pourtant quand l'idée de la création d'une université pour indigènes a commencé à voir le jour dans le milieu de la métropole, de nombreuses voix se sont levées pour protester. Pourquoi ?

L'enseignement supérieur, qui avait cours avant 1954 et l'ouverture du C.U.L, était considéré comme un enseignement professionnel à un degré supérieur. Il servait surtout à procurer à la colonie la main d'oeuvre dont elle avait besoin pour son développement et aussi des aides efficaces pour les milieux administratif, médical ou même agricole.

14 Idem, p. 150 : avec deux cycles de trois ans chacun. Le premier était commun à tous et le second différencié en cinq options : la section administrative et commerciale, la section des géomètres arpenteurs, la section normale, la section éducation physique, et la section sciences.

15 LACROIX, B., Op. Cit., p. 14

Pour comprendre le parcours suivi par les étudiants de ces écoles supérieures spécialisées et la valeur que l'Etat a donné à leurs diplômes, nous prendrons l'exemple de l'enseignement médical pour indigènes16 qui existait dans plusieurs grandes agglomérations telles que Kisantu et Kamponde. On y formait au départ des infirmiers, des infirmières accoucheuses et par la suite des assistants médicaux. Le cas des assistants médicaux, particulièrement, pourrait nous éclairer sur le système.

Le parcours que les jeunes devaient effectuer pour pouvoir devenir assistant médical était long. Certains comparent même ces années à la formation des médecins européens. Ce processus débutait par un cycle primaire qui durait six ans, et qui se complétait par quatre années d'études post-primaires. Avant de pouvoir intégrer la formation d'assistant médical, l'élève était soumis à un test d'entrée. Ceux qui réussissaient commençaient une formation qui durait six ans ; quatre années de théorie, complétées par deux années de stage pratique. A la fin de ce cycle de formation, ils recevaient un diplôme qui prouvait qu'ils avaient effectivement reçu la formation donnée aux assistants médicaux.

Après ce long combat, qui permettait de faire un « tri » et qui ne laissait filtrer que les meilleurs éléments, quels étaient les attributions des assistants médicaux indigènes ?

Les assistants médicaux indigènes étaient habilités à :

- Diriger des dispensaires ;

- Diagnostiquer des maladies qu'ils ne pouvaient pas soigner, quand le cas les dépassaient, ils renvoyaient les malades vers les hôpitaux où des médecins s'occupaient d'eux;

- Administrer des traitements simples et pratiques ;

- Tenir à jour la situation épidémiologique des centres médicaux ruraux ; - Vacciner ;

- Piquer et distribuer des médicaments17.

Ces assistants médicaux n'étaient pas des médecins mais pas des infirmiers non plus. Ils étaient d'un statut inférieur à celui de médecin et ne pouvaient assumer aucune grande responsabilité. Cela pouvait à la longue se révéler assez frustrant pour les intéressés. Paul Bolya, un assistant médical qui faisait partie des meilleurs de ce métier, déclare ce qui suit, « La formation que les belges nous ont donnée était une

16 Pour avoir un aperçu de ce que représentaient ces instituts d'enseignements, nous allons ici parler essentiellement de l'enseignement médical, car c'est là que l'on trouvait les plus de filières et aussi la meilleure organisation.

17 MUNAYENO, M., Les infections sexuellement transmissibles (maladies vénériennes) et la santé publique au Congo. Contribution à l'histoire socio-épidémiologique des IST en milieux urbains (1885-1960), thèse de doctorat, volume I, 2009-2010, p. 124

formation humaine très poussée [...] Sans responsabilité. [...] assistant médical proche des médecins en profession, je ne pouvais signer aucun papier même si j'opérais ; c'était toujours sous la responsabilité d'un Blanc. En l'absence du médecin, dans une formation médicale, c'est toujours une infirmière religieuse qui assumait l'intérim » 18.

Dans ces écoles supérieures, il ne s'agit pas de la formation de l'élite noire : même si elle avait été formée, faute d'études secondaires générales et de valeurs accordées aux diplômes, leurs compétences n'auraient pas été reconnues. Il s'agit plutôt d'une formation professionnelle pour les autochtones du Congo, pour parler plus simplement, on leur apprenait un métier. C'est cela qui différencie tellement l'enseignement supérieur avant 1954 d'un enseignement totalement universitaire. Il faut comprendre que la tâche dévolue à une université est plus que l'apprentissage d'un métier. L'université a aussi le devoir de détecter les problèmes cruciaux de la société, de révéler les maux de la communauté et de catalyser les idées nouvelles. A cette fin, elle exige de la rigueur et de la liberté dans ses recherches ainsi qu'un certain culte de l'objectivité tant dans le domaine scientifique, social que culturel. On comprend que l'Université ne se contente pas de transmettre le savoir mais qu'elle élabore aussi de nouvelles connaissances en encourageant l'effort, l'assiduité et la créativité quotidienne. A y regarder de près, on se rend compte qu'il ne s'agit pas de cela dans ces écoles spécialisées.

En résumé, on peut dire que même si le niveau supérieur était très dur, que la sélection y était extrêmement rude et la formation assez profonde. Ce type d'enseignement supérieur était considéré comme étant des écoles professionnelles, en aucun cas universitaire. Ainsi, on comprend pourquoi la possibilité de former des universitaires congolais était, encore en 1947, un sujet de discussion qui ne mettait pas tout le monde d'accord dans la métropole.

II. Premiers jalons pour un enseignement universitaire pour indigènes au Congo

La question universitaire congolaise a mis la scène coloniale belge en ébullition et la bataille a été rude entre les partisans du oui et ceux du non. Tous les arguments étaient bons dans les deux camps pour expliquer le bien fondé de sa position. Ce que nous allons faire ici, c'est de tenter une synthèse des avis qui motivaient la controverse en cette matière.

18 SABAKINU KIVILU J., « Paul-Gabriel-Dieudonné Bolya : de l'assistant médical à l'homme politique » dans La mémoire du Congo, le temps colonial sous la direction de Jean Luc Vellut, p. 238.

A. Les études universitaires pour Congolais

Cette perspective n'était pas populaire dans le milieu colonial belge. Pour en juger, il suffisait de se référer à la chronologie des faits. En effet, l'E.I.C devint une colonie belge en 1908. Le Congo belge existait déjà depuis 46 ans quand la première université pour autochtones ouvrit ses portes en 1954. Si l'accès des Congolais à cette formation était un sujet tabou, c'était surtout dû à la politique coloniale en matière d'enseignement. Et lorsqu'une poignée d'hommes estimèrent que, pour la continuité de l'oeuvre coloniale, il fallait en arriver là, ils durent faire preuve de beaucoup de détermination pour réussir à concrétiser cette idée.

Le 20 octobre 1947 lorsque Mgr Van Waeyenbergh, recteur de l'Université Catholique de Louvain, UCL, parle dans son discours d'ouverture de l'année académique 1947- 1948 de l'opportunité de faire accéder les indigènes à l'enseignement universitaire, c'est avec beaucoup de réserves:

« ... il nous faut préparer les générations capables de répondre à l'appel du Pays. Le développement de l'enseignement secondaire implique (...) la construction d'un enseignement universitaire. Mais il faut attendre qu'il y ait des étudiants suffisamment préparés et sélectionnés. (...) je ne crois pas que la génération actuelle soit déjà prête à recevoir un enseignement véritablement universitaire, mais elle doit être conduite à un tel enseignement, car elle en a la capacité »19.

Cet exemple illustre le climat de méfiance qui régnait dans les milieux coloniaux belges vis-à-vis de l'idée d'une instruction pas seulement universitaire mais aussi trop élevée pour les Noirs. Ceux qui militaient pour cela, savaient qu'il fallait user de beaucoup de précautions lorsque l'on abordait le projet sous peine de voir ces efforts tomber en ruine. C'est pour respecter cette réserve - qui permettait d'avoir droit à l'appui du gouvernement et des sociétés coloniales - que pour parler des écoles affiliées à l'Université de Louvain qui existaient déjà dans la colonie, la FOMULAC et la CADULAC, les promoteurs disaient « écoles professionnelles à un degré supérieur » tout en précisant qu'il n'était pas question dans l'immédiat de créer un enseignement universitaire20.

De nombreux dirigeants belges estimaient que pour le développement harmonieux du pays, il n'était pas nécessaire de créer une petite élite indigène. Il valait

19 « L'appel de la colonie à l'université », la promotion honoris causa Juste Lipse, Mgr VAN WAEYENBERGH recteur magnifique, Université catholique de Louvain, ouverture de l'année académique 1947-1948. Aula, 20.X.1947,

20 MALENGREAU, G., « L'université Lovanium: Des origines lointaines à 1960 », Kinshasa, Editions universitaires africaines, 2008, p. 6

mieux se focaliser d'abord sur la formation d'un grand nombre de cadres moyens qui pourraient efficacement seconder les autorités coloniales.21 Il ne fallait surtout pas creuser un fossé trop profond entre l'élite et la masse, mais s'assurer « que tous les noirs étaient capables d'assimiler les matières de l'enseignement primaire, la plupart d'entre eux d'assimiler les matières de l'enseignement moyen du degré inférieur, et un certain nombre d'aborder avec fruits les études moyennes du degré supérieur, et même les études supérieures proprement dites»22.

Cela permettrait de dégager progressivement de manière harmonieuse une élite de la masse, sans que cette élite ne perde contact avec la masse qui, elle-même, aurait reçu une bonne formation23.

D'aucun pensait qu'avec les structures d'enseignement supérieur, qui existaient au Congo depuis les années 20, la promotion intellectuelle des Noirs allait déjà trop vite et qu'il fallait se contenter des structures existantes avant de chercher à en créer de nouvelles. La question qui se posait était celle des débouchés que ces étudiants pourraient avoir après la fin de leurs études. Il ne fallait pas créer une classe de chômeurs mais « plutôt proportionner aussi exactement que possible la préparation scolaire aux emplois susceptibles de s'ouvrir aux élèves formés »24. Les coloniaux ne voulaient pas créer une classe de contestataires qui pourrait à la longue remettre en question leur légitimité et par la même occasion contester leurs pouvoirs. Ils voulaient encore moins faire face à une concurrence congolaise.

Heureusement pour ce projet que ce n'étaient pas tous les coloniaux qui pensaient de cette manière. Pour certains, il était impératif de penser à former la relève congolaise qui prendrait le relais une fois que les Belges seraient partis. Car la décolonisation ne manquerait pas d'arriver un jour ou l'autre. Le professeur Van Bilsen l'écrivait en 1954 déjà : « L'émancipation est inéluctable »25. Il ne fallait pas, selon lui, chercher à freiner la transformation des masses indigènes qui se poursuivait à une allure rapide. Pour cela, il était dans l'intérêt de la colonie de préparer des élites autochtones solides, des cadres sociaux éprouvés capables de fournir l'armature d'un Congo, d'un RuandaUrundi autonomes, si la Belgique voulait garder un certain ascendant sur les Congolais.

21GILLON, L., Op. Cit.., p.75

22 MALENGREAU, G., Op. Cit., p. 44.

23 STENGERS, J., Congo mythes et réalités (100 ans d'histoire), Paris, document Duculot, 1989, p. 198.

24 GELDERS, V., Quelques aspects de l'évolution des colonies en 1938, Bruxelles, ARSOM, 1941, p.17

25 VAN BILSEN, A., « Pour une politique coloniale de mouvement en Afrique » La revue Nouvelle, Bruxelles 1954, dans MUTAMBA J-M., « L'histoire du Congo par les textes. Tome II : 1885-1955 », Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2007, p. 249 : même si pour lui cette émancipation ne devait pas venir en 1960 mais beaucoup plus tard.

Un appel fut lancé par des partisans de l'enseignement universitaire pour Noirs :

« Des problèmes que soulèvent la politique indigène, ceux qui touchent directement à l'évolution des Noirs, sont parmi les plus urgents. La transformation des masses indigènes se poursuit à une allure rapide qu'il serait vain de vouloir freiner. De ces masses en effervescence sortira demain une classe dirigeante qui en fixera les destinées. Si nous voulons éviter (qu'elle) ne sombre dans le désarroi et l'anarchie, nous devons en préparer les cadres par la formation d'une élite ; c'est là une nécessité admise par tous les esprits clairvoyants, au Congo comme dans les territoires voisins (...). Il faut dés à présent, donner aux Noirs l'enseignement supérieur qu'ils réclament (...)26.

Pour tous ceux qui avaient participé à la création de l'enseignement primaire puis supérieur au Congo belge, former une élite était inéluctable. Les Français et les Anglais l'avaient fait dans leurs colonies et les Belges devaient faire de même. Car ainsi ils pouvaient former des dirigeants qui, plus tard, pourraient devenir leurs plus chauds partisans en Afrique. Cette étape n'était qu'une suite logique et inévitable dans l'histoire de l'enseignement au Congo belge.

L'incapacité d'assimilation de toutes les connaissances par les Africains figurait parmi les arguments avancés. Cette thèse raciste soutenait que le Noir n'avait pas le même quotient intellectuel que le Blanc ; l'on pouvait, selon eux, comparer son Q.I. à celui d'un enfant d'une dizaine d'années. A cause de cela, il leur serait impossible d'apprendre quoi que ce soit. Cet extrait tiré d'une défense de mémoire de 1954, exprime assez bien cette idée générale. L'auteur y fustige la création d'une faculté de médecine pour indigènes :

« Les connaissances exigées à l'heure actuelle (...) sont vastes, nombreuses et appuyées sur une formation scientifique et mathématique très poussée, ensemble de connaissances abstraites qui, à notre avis ne sont pas encore accessibles au cerveau du Noir, à peine sorti d'une civilisation élémentaire, qui est au stade que nous dénommons(...) intelligence pratique.

N'oublions pas que quelle qu'en soit la raison, le Noir n'est pas, ou si l'on veut n'est pas encore, doué pour les sciences mathématiques ni pour le raisonnement logique et rationnel et nous considérons que c'est pourquoi il serait erroné de le pousser dès à présent, dans la voie des connaissances universitaires pour lesquelles il ne semble pas être doué. (...) En réalité, l'enseignement universitaire n'est pas indépendant de la recherche scientifique et nous mettons fortement en doute la possibilité pour les Noirs

26 MALENGREAU, G., Op. Cit., p. 11 : Ce texte fut signé par : Mgr Van Waeyenbergh, P. Ryckmans, L. Van Hoof, V. Antoine, prof G. Debaisieux, et F. Malengreau. Elle date du 20 août 1947, et elle ne fut pas distribuée à cause de l'opinion coloniale belge qui dans sa grande majorité était contre l'idée d'un enseignement supérieur pour Noirs dans la colonie...

de passer dès à présent, tout de go à ce stade de développement qui va à l'encontre de leur tempérament qui n'a rien et n'a jamais eu rien de créateur »27.

Ici on souligne que même si l'idée part d'un bon sentiment, elle ne pourrait aboutir qu'à un fiasco car toute tentative d'enseignement universitaire pour indigènes aboutirait à un échec ou emmènerait à devoir revoir à la baisse la qualité de l'enseignement, ce qui amènerait à l'obtention d'un diplôme sans aucune valeur réelle. On ne voulait pas donner de trop grands espoirs aux Noirs en leur faisant miroiter un niveau d'instruction qu'ils ne pourraient pas atteindre. Pour cette raison il ne faillait pas que l'enseignement laisse trop de jeunes gens préparer des diplômes qu'ils ne parviendraient pas à atteindre28. De plus ! La colonie ne pouvait pas se permettre de créer des universités pour les Noirs car la préparation intellectuelle, morale et sociale que cette formation demandait n'était pas atteinte au Congo Belge29. L'extrait suivant traduit cette crainte :

«Il y a (...) une espèce de mystique scolaire, qui voit dans la diffusion de l'instruction, et spécialement dans l'instauration et l'extension de l'enseignement universitaire, le moyen de réaliser l'égalité de civilisation avec les européens. Les protagonistes ne se rendent pas compte que, si l'école peut répandre la science, elle est impuissante à conférer la sagesse fruit d'une expérience séculaire, sans laquelle la conduite des sociétés humaines n'est qu'une succession d'aventures »30.

Cet avis n'était pas partagé par tous. Nombre de ceux qui étaient d'un avis contraire faisaient partie de l'Université de Louvain. Il s'agissait de ceux qui s'étaient déjà impliqués dans la formation supérieure des Congolais dans des structures telles que la FOMULAC, la CADULAC et avaient obtenus d'excellents résultats. Dans son discours, dont nous parlions plus haut, Mgr Van Waeyenbergh, qui venait d'une tournée dans la colonie et avait visité les fondations de l'Université de Louvain au Congo Belge, expliquait que les centres existant déjà au Congo belge, avaient formé de nombreux « indigènes de premières valeurs »31. Les assistants médicaux ont rendu de grands services à la métropole durant la deuxième guerre mondiale. Comme le disait le professeur Louis Bruyns : « pour ceux qui préconisaient un enseignement au

27 ROBERT Maurice, extrait du mémoire présenté le 16 janvier 1954 à l'Institut Royal Colonial Belge. Repris dans MUTAMBA Jean-Marie, Op. Cit., document n°69 : L'enseignement universitaire est-il accessible au Noir du Congo-Belge ?, p.243

28 GELDERS, V., Op. Cit., p. 40

29 GILLON, L., Op. Cit., p. 75.

30 GELDERS, V., Op. Cit., p. 41

31 Mgr Van Waeyenbergh, Op. Cit., p.11

Congo, (...) les africains avaient déjà montré leurs capacités d'assimiler et de réussir brillamment (...)32.

Après la deuxième guerre mondiale, les partisans de l'université pour les Noirs reçoivent une aide importante et décisive de l'ONU grâce à la Charte de San Francisco du 26 juin 1945. L'article 73 du chapitre XI contient une déclaration relative aux territoires non autonomes parmi lesquels se rangent les colonies. Il y est écrit :

« Les membres des Nations Unies qui ont ou qui assument la responsabilité d'administrer des territoires dont les populations ne s'administrent pas encore complètement elles-mêmes, reconnaissent le principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires. Ils acceptent comme une mission sacrée l'obligation de favoriser dans toute la mesure du possible leur prospérité, dans le cadre du système de paix et de sécurité internationale établi par la présente charte et, à cette fin :

- a) D'assurer, en respectant la culture des populations en question, leur progrès politique, économique et social, ainsi que le développement de leur instruction, de les traiter avec équité et de les protéger contre les abus ;

-b) De développer leur capacité de s'administrer elles-mêmes, de tenir compte des aspirations politiques des populations et de les aider dans le développement progressif de leurs libres institutions politiques, dans la mesure approprié aux conditions particulières de chaque territoire et de ses populations et à leurs degrés variables de développement »33.

La Belgique ayant ratifié ce traité, elle se trouvait contrainte de prendre des mesures vis-à-vis de sa colonie pour y satisfaire et éviter ainsi une intrusion trop évidente de cet organisme dans sa gestion de la colonie. Car l'ONU, en plus de ses recommandations, demandait à tous les signataires de la Charte de « Communiquer régulièrement au Secrétaire Général de l'ONU(...) des renseignements statistiques et autres de nature technique relatifs aux conditions économiques, sociales et de l'instruction dans les territoires dont ils sont respectivement responsables(...) »34. En 1948, le conseil de tutelle de l'ONU fut saisi de l'opportunité de créer, à partir de l'année 1952, une université commune en Afrique pour satisfaire aux besoins de tous les territoires sous tutelle. La France, la Belgique et la Grande Bretagne écrivirent un mémorandum pour protester. Chacun y mit en avant les progrès qui avaient déjà été accomplis en termes

32 BRUYNS, L., « les fondations FOMULAC Lovanium à Kisantu », dans Recueil d'étude en l'honneur de Guy Malengreau. Problèmes de l'enseignement supérieur et de développement en Afrique centrale, UCL, groupe de travail en relations internationales, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, p.69.

33 MUTAMBA, J-M., Op. Cit., p. 29.

34 Ibidem.

d'enseignement universitaire dans leurs colonies respectives. La Belgique expliqua qu'un établissement d'enseignement universitaire était prévu à Léopoldville dans de bref délai et qu'un collège universitaire avait déjà ouvert ses portes à Kisantu en 1947. Cela a facilité les démarches des promoteurs du C.U.L et le 21 février 1949 un arrêté royal le reconnut comme établissement d'utilité publique ayant pour objet l'enseignement supérieur et tout objet pouvant directement ou indirectement favoriser cet enseignement.

B. Quels universitaires ?

Une fois le principe de l'enseignement universitaire accepté, une autre question s'est posée : fallait- il construire une université dans la colonie comme certains le préconisaient ou envoyer des boursiers poursuivre leurs études en Europe comme certaines autres métropoles le faisaient ? Pour les partisans de la deuxième option, construire une université au Congo reviendrait trop cher et risquerait de mener le pays à la banqueroute, la colonie n'ayant pas les moyens d'investir dans un tel projet. Les autres pensaient, au contraire, qu'il était indispensable que la formation des jeunes congolais ait lieu dans leur propre pays.

Une des raisons en faveur de l'octroi des bourses pour des études à l'étranger plutôt que la création d'une université au Congo, était la peur dans les milieux belges que ces institutions ne puissent dispenser aux étudiants une formation d'un niveau scientifique. Cela se ressent dans les rapports des conseils coloniaux. C'est ainsi, par exemple, que lors de l'examen du « décret du 26 octobre 1955 relatif à la création et à l'organisation d'une Université au Congo Belge » et cela malgré le fait que la C.U.L. avait déjà ouvert ses portes une année plus tôt, des voix se levèrent pour remettre en cause le véritable potentiel scientifique qu'aurait eu une université créée en Afrique35. Beaucoup proposaient de suivre l'exemple de la France et de la grande Bretagne qui obtenait d'excellents résultats en envoyant les élèves les plus doués étudier dans la métropole. Le second argument sur lequel ils s'appuyaient était le coût extrêmement élevé d'une telle entreprise. En effet, il fallait non seulement créer les infrastructures mais, en plus, prendre en charge les futurs professeurs de ces universités, les rémunérer de manière assez attractive pour leur donner envie de rester36.

Pour les partisans de la création d'établissements universitaires en Afrique, L'Université se devait de devenir un foyer de rayonnement culturel pour l'ensemble du pays, un pôle de développement intellectuel ainsi qu'un centre de recherches scientifique et d'adaptation du savoir aux particularités locales. Elle ne devait pas se

35 Compte rendu analytique du Conseil colonial du 25 novembre 1955

36 GILLON, L., Op. Cit., p.78

contenter de délivrer des diplômes, mais devait étendre progressivement son influence sur toutes les couches de la population37. Pour cela, elle devait être ancrée sur le territoire d'où la nécessité de la construire dans la colonie.

Il était question de former des autochtones conscients de leur patrimoine culturel, pas des hybrides intellectuels ne pouvant pas appréhender convenablement les véritables enjeux du pays parce que ne les connaissant pas et ne les ayant jamais vécus. Il fallait intérioriser la formation intellectuelle dans la réalité de la vie familiale et sociale africaine en restant en contact avec la réalité du milieu et de la famille.

Cette solution avait aussi l'avantage de permettre un contrôle des étudiants et de les soustraire à l'influence des milieux progressistes qui existaient en Europe38.

Au final, ce sont les partisans de la construction d'une Université en Afrique qui l'emportèrent et en 1953 commencèrent les travaux de construction du C.U.L qui ouvrit ses portes l'année suivante et devint l'U.L, par l'arrêté royal du 3 février 1956. En 1956, une seconde université officielle cette fois ci ouvrit ses portes : l'Université Officielle du Congo belge et du Ruanda Urundi. La troisième université, quant à elle, l'U.L.C, n'a démarré qu'en 1963, après la fin de la colonisation sous l'action des églises protestantes.

37 Idem p.75

38 LACROIX, B., Op Cit., p. 26

CHAPITRE II : La politique de l'enseignement
universitaire au Congo (1954-1971)

Si à ses débuts l'Etat belge exerçait un très grand contrôle sur ce secteur, après l'indépendance cela changea et c'est la grande autonomie des universités qui permit à la marque coloniale de continuer à s'exercer à l'université jusque vers l'année1969. Voilà pourquoi nous avons divisé ce chapitre en deux sections : la première traite de la période coloniale et la deuxième de la période postcoloniale.

Nous avons vu dans le premier chapitre toutes les attentes qu'avait engendrées l'instauration du degré universitaire et supérieur. Durant cette première période qui va des débuts de l'indépendance à la première réforme, l'accent est mis sur la formation d'une élite pour le pays. Mais pour les besoins de la colonisation cela se fait sous le contrôle de la métropole. Après l'indépendance, le manque de cadres congolais se fait sentir, car à ce moment de son histoire, le départ des Européens créa une sorte

de vide. Le pays manquait de techniciens formés, il fallait donc combler ce vide. D'oüla création de nombreux instituts supérieurs durant les années qui suivent l'indépendance.

I. L'Université avant l'indépendance (1954 - 1960)

Dans le premier chapitre, nous avons donné un aperçu de la politique scolaire qui régnait au Congo belge. Après l'avènement du C.U.L., la peur de créer une classe de contestataires était toujours présente dans le milieu colonial. Pour l'éviter, l'Etat exerça un contrôle très strict sur les universités naissantes, cela est vrai autant pour l'Université Officielle du Congo Belge et du Ruanda-Urundi qui était une université officielle que pour le C.U.L. qui était une université catholique.

Il ressort des grands débats qui ont eu lieu au début de la création des premières universités, que l'une des raisons pour laquelle la construction d'universités au Congo a été privilégiée au détriment du développement du système de bourses vers des universités européennes, était de permettre aux nouveaux établissements de rayonner sur le pays et de former des universitaires qui ne soient pas des hybrides culturels. Pour ses concepteurs au Congo « l'Université se devait de devenir un foyer de rayonnement culturel pour l'ensemble du Pays, un pôle de développement intellectuel ainsi qu'un centre de recherche scientifique et d'adaptation du savoir aux particularités locales. Elle ne devait pas se contenter de délivrer des diplômes, mais

devait étendre progressivement son influence sur toutes les couches de la population »39.

Ces objectifs étaient extrêmement difficiles à atteindre car ils se heurtaient à la réalité de la colonie, qui se caractérisait par un paternalisme extrêmement prononcé. Pour répondre aux objectifs qu'elle s'était assignés, à savoir : devenir une université africaine d'où naîtrait, petit à petit, une culture autochtone40, il était important d'avoir une culture universitaire en symbiose avec la culture locale. Cela ne pouvait se faire que par l'aide d'un programme universitaire qui devait tenir compte des réalités congolaises.

Cela ne se fit pourtant pas, les programmes de l'U.L41 et de l'U.O.C n'étant que des transpositions parfaites de ceux des universités métropolitaines dont elles étaient issues. Les universités congolaises, créées durant la période coloniale, pouvaient être assimilées à des universités belges construites sur le sol africain42.

A notre avis, deux facteurs étaient susceptibles d'expliquer une telle situation. D'une part il y avait la question de la légitimité des programmes qui expliquait qu'il soit conforme à celui de la métropole, et d'autre part celle de l'ingérence de l'Etat dans la création des programmes.

L'ouverture d'une université au Congo Belge était une expérience nouvelle pour la métropole tant dans le milieu catholique que public. Car jusqu'alors le domaine de l'éducation s'était cantonné aux niveaux inférieurs et professionnels. Comme nous l'avons vu dans le premier chapitre, les promoteurs avaient eu beaucoup de mal à faire accepter ce projet d'abord et à réussir à le concrétiser ensuite. Il ne voulait pas courir le risque de voir leurs projets compromis par une expérimentation dont ils doutaient de l'issue. Ils ne voulaient pas « tenter une expérience dont l'échec retarderait (...) l'essor de l'université »43. Ils ne voulaient pas tenter d'expérimentation hasardeuse. Les étudiants congolais ne devaient pas servir de cobaye. Ils voulaient mettre le plus de chance de leur côté pour la réussite de leurs projets en se maintenant sur un terrain qui ne leur était pas inconnu : l'université de Louvain ainsi que les universités qui parrainaient l'UOC avaient, derrière elles, des siècles de tradition universitaire. Il était

39 Chapitre I, pp. 25-26

40 LACROIX, B., Pouvoirs et structures de l'Université Lovanium, Bruxelles, Cahiers de CEDAF n°2-3, 1972, p 47.

41 MALENGREAU, G., L'université Lovanium. Des origines lointaines à 1960, Kinshasa, Editions universitaires africaines, 2008, p. 180 : Le C.U.L était devenu l'Université Lovanium grâce à l'arrêté royal du 3 février 1956.

42 LACROIX, B., Op. Cit., p. 49 : Même si Lovanium délivrait des diplômes congolais, le programme était totalement belge.

43 MALENGREAU, G., Op. Cit., p. 48

donc préférable de jouer la carte de la sécurité plutôt que celle de l'innovation. Pareille option s'expliquait par le fait qu'afin de prouver la qualité de l'enseignement donné en son sein, l'université devait pouvoir accueillir, en plus des étudiants africains, des étudiants européens.

La conformité du diplôme de la colonie avec celui de la métropole était un moyen de les attirer, car, cela était avantageux pour les fils des coloniaux qui n'étaient plus obligés de retourner en Belgique pour parfaire leurs études. Ils pouvaient les faire au Congo belge et avoir la reconnaissance de leurs diplômes en Belgique. Par la même occasion, l'on pouvait attirer des professeurs et des chercheurs européens dans les universités congolaises.

Il faut dire que cette situation44 n'était pas nouvelle dans la colonie belge. Déjà pour l'enseignement secondaire au niveau des humanités, le programme des cours était recopié sur celui des humanités belges. Pour les concepteurs, il était entendu que ce serait aux Africains de donner une touche totalement africaine à tout cela45.

Un autre élément à prendre en compte est la crédibilité des étudiants. En effet, dans un univers aussi européocentrique que celui de la colonie belge, le programme ne devait pas être trop différent de celui de la métropole pour la valeur du diplôme en lui-même. Il ne faut pas oublier que la société coloniale belge était paternaliste et à tendance raciste. Les détracteurs auraient pu voir dans ces changements, une manière de rabaisser l'enseignement pour le ramener au niveau des Noirs. Les étudiants euxmêmes avaient conscience de cela et pour éviter que la valeur de leurs diplômes ne soit mise en cause, ils n'étaient pas d'accord avec des changements trop rigoureux. Le professeur Guy Malengreau explique que « si les programmes de l'Université Lovanium devaient être fort différents de ceux des universités belges, les Congolais (...), auraient accusé les organisateurs de l'enseignement universitaire au Congo de vouloir abaisser le niveau de cet enseignement, pour légitimer ensuite une discrimination de statut juridique et social séparé et différent entre les universitaires européens et les universitaires africains ».

44La transposition d'un programme métropolitain dans la colonie.

45 MALENGREAU, G., Op. Cit., p. 47 : il tire une citation d'une brochure paru en 1954 qui traitait de l'université Lovanium : Nous sommes incapables de donner aux africains une culture qui leur soit propre. Aussi longtemps que le Belgique aura en mains les destinées du Congo, il est assez normal qu'elle pratique à son égard une certaine politique d'intégration... s'il nous appartient d'apporter aux africains notre patrimoine culturel, son insertion dans leur milieu ne peut se faire que par eux. La culture universitaire de Lovanium ne pourra informer vraiment la mentalité, les moeurs et la vie congolaise que le jour où une partie au moins de ses professeurs et de ses savants seront eux mêmes des africains issues de la souche bantoue

Qui plus est, y aurait- il eu la moindre velléité de changement dans les universités, un autre problème de taille se serait posé ; Le contrôle exercé par l'Etat sur les programmes.

Pour ce qui est de l'ingérence de l'Etat dans la création des programmes, il convient de dire que pour l'U.O.C, il allait de soi qu'en tant qu'université officielle, l'Etat avait un droit de regard sur ses programmes de cours. Dans l'exposé des motifs précédent l'arrêté royal, le Ministre des Colonies, Auguste Buisseret, explique que pour son fonctionnement effectif, le nouvel institut universitaire devait être un établissement public décentralisé qui jouirait de la personnalité civile, cela afin qu'elle puisse avoir une grande liberté et une très large autonomie qui lui permettrait de mener à bien ses diverses tâches.

Toutefois, selon l'article 8 du chapitre I et l'article 16 du chapitre II du titre II de l'arrêté du 26 octobre 1955 portant « création et organisation d'une université officielle » à Elisabethville, c'est au Roi que revenait la nomination de tous les membres du conseil d'administration ainsi que celle du recteur.

Pour veiller à la bonne exécution des décrets et règlements sur l'enseignement, le ministre des colonies nommait un délégué permanent du gouvernement en Afrique et le roi nommait un commissaire du gouvernement auprès du conseil d'administration. Les deux pouvaient faire opposition à toute décision qu'ils estimaient contraire aux décrets et règlements de l'université. C'est le conseil d'administration qui décidait de toute question académique et administrative. Le ministre de la colonie avait toutefois le droit d'émettre son véto s'il n'était pas d'accord avec une proposition prise par le conseil d'administration.

En tant qu'établissement public, sa principale source financière était l'Etat. Le titre IV de l'arrêté portant sur les « ressources financières, le budget, l'inventaire des comptes et le bilan » dans son article 43 stipulait que pour que l'université accepte des libéralités offertes par un tiers, elle devait avoir l'approbation du ministère des colonies. Le budget et les comptes de l'Université étaient soumis à l'approbation du ministère des colonies

L'U.L était une université catholique depuis 195746. Elle avait été créée sous le parrainage de l'université belge de Louvain. Toutefois, à ses débuts, les promoteurs se retrouvèrent face à un problème de taille : le financement du nouvel établissement. Il fallait construire des bâtiments, acheter des équipements et payer les enseignants ainsi que le personnel administratif. L'université de Louvain n'avait pas les moyens de

46 GILLON, L (Mgr), Servir en actes et en vérité, Kinshasa, CRP, 1995, p. 123 : Lorsqu'une faculté de théologie fut crée à Lovanium en 1957, en même temps que la reconnaissance de cette faculté par le Saint siège qui était obligatoire, un décret romain conféra à Lovanium le statut d'Université Catholique le 25 avril 1957.

fournir tous les fonds nécessaires et les dons des particuliers ne pouvaient permettre de mener à terme une entreprise d'une telle envergure47. Ils se tournèrent donc vers l'Etat, qui avait toujours financé le système scolaire catholique. Et même là l'Etat accorda son aide.

Le 11 mars 1950, un accord fut conclut entre le conseil d'administration de Lovanium et le gouvernement du Congo-belge. Selon cette convention, l'Etat s'engageait à rétribuer à 100 % tout le personnel laïc et des 2/3 celui des missionnaires. Il interviendrait dans les frais de fonctionnement du nouvel établissement à raison de 50% pour l'entretien et le renouvellement de l'équipement didactique et de 75 % pour les dépenses socio- culturelles des étudiants. Tous les congés vers l'Europe des professeurs ainsi que les déplacements des étudiants jusqu'à l'université était pris en charge par l'Etat. Pour l'investissement des débuts, il supportait 70 % des dépenses agréées de construction d'immeubles, de fabrication ou d'achats de mobilier et d'équipement, tant pour le logement du personnel enseignant que pour les homes résidentiels des étudiants et pour les bâtiments facultaires48. En contrepartie, l'U.L devait soumettre tous ses programmes à l'agrégation du gouvernement qui pouvait en cas de désaccord opposer son véto49.

II. Le temps de l'autonomie

L'indépendance de la République du Congo amena à une carence de main d'oeuvre. Les Européens étant partis, il apparaissait clairement qu'il n'y avait pas suffisamment de cadres congolais formés pour satisfaire aux besoins du nouvel Etat. On pouvait compter en tout trente diplômés pour l'ensemble du territoire national. Le pays ne possédait aucun juriste diplômé, aucun médecin en titre, aucun ingénieur civil, aucun scientifique50. Face à cette carence et à ce besoin, des solutions complémentaires apparaissent.

A. L'Université de Kisangani et les instituts supérieurs techniques

De nombreux instituts supérieurs techniques furent donc créés.

47 Idem, p. 90

48 GILLON, L (Mgr), Op. Cit., p. 81

49 MALENGREAU, G., Op. Cit., p. 49

50MUTAMBA, J-M., Du Congo belge au Congo indépendant 1940-1960 : Emergence des « évolués » et genèse du nationalisme, Kinshasa, IFEP, p.154

Pour former des magistrats et des cadres administratifs, l'Ecole Nationale de Droit et d'Administration (E.N.D.A.) fut créée le 28 décembre 1960. De même, pour former des ingénieurs d'exécution pour les chantiers, l'Institut National des Bâtiments et des Travaux Publics (I.N.B.T.P.) ainsi que, l'Institut National des Mines (I.N.M.) de Bukavu furent créés en 1961.

Un Institut Pédagogique National (I.P.N.) est crée à Léopoldville en 1961. Puis des Instituts Supérieurs Pédagogiques (I.S.P.) surgissent un peu partout sur le territoire congolais, à Boma en 1963, Bukavu en 1965, Lubumbashi en 1966, Bunia et Mbuji Mayi en 1968. Car, il fallait assurer la formation d'enseignant pour le primaire et le secondaire51.

L'ordonnance loi n°160 du 10 juin 1963, créa une « Université Libre du Congo » à Kisangani. Cette dernière, comme Lovanium, n'était pas officielle mais confessionnelle privée ; elle était créée sous l'impulsion des églises protestantes. Cette université vint compléter le tableau. Après l'indépendance donc, l'on retrouve une Université catholique l'« Université Lovanium » à Léopoldville, une Université officielle l'« Université Officielle du Congo »52 à Elisabethville et une université protestante l'« Université Libre du Congo » à Stanleyville.

B. L'africanisation de l'enseignement

Avec l'indépendance et la prise en main de sa destinée par les Congolais, la donne changea. A présent, l'ancienne colonie belge devenait un Etat autonome. Désormais ce n'était plus des intérêts étrangers qui devaient primer mais plutôt les intérêts nationaux.

Au début de l'année académique 1966-1967, à l'U.L., l'on peut ressentir la satisfaction qui transparaît dans le discours des autorités académiques concernant le travail accompli : satisfaction par rapport aux nombreuses constructions et acquisitions :

« Le dynamisme constructeur de notre université, qui devient légendaire, ne s'est pas démenti... notre colline est toujours en chantier, à l'un de ses endroits... un home destiné à recevoir 450 étudiants sont en voie d'établissement. »53« Si nous nous tournons du côté de l'équipement scientifique et technique, nous devons signaler deux ou trois faits marquants... une acquisition importante vient d'être faite à l'université

51 BONGELI, E., L'université contre le développement au Congo-Kinshasa, Paris, l'Harmattan RDC, 2009, p. 60

52 Pendant la sécession, l'ordonnance présidentielle n°800/162 en fit l'Université de l'Etat à Elisabethville. Elle garda ce nom du 14 septembre 1960 à la fin de sécession en 1963.

53Discours académiques prononcé pour l'ouverture de l'année académique 1966-1967 par le vice recteur Tharcisse TSHIBANGU, pp. A1-A2

(...). La propriété d'un matériel d'une valeur de 50.000 dollars ... a été transférée à la République Démocratique du Congo(...). Le recteur de l'université a par ailleurs pu acquérir à notre institution un ordinateur électronique dans la série des plus perfectionnés qui existent en ce moment. »54

Mais aussi par rapport à une africanisation toujours plus visible :

« En même temps que l'Université essaie de développer sa vie académique, elle fait un effort toujours plus grand pour s'insérer davantage dans la réalité africaine sous tous ses aspects, c'est ce que nous nommerons son africanisation »55.

Malgré ce discours résolument optimiste, force est de constater que dans les faits, c'était un peu plus compliqué. Certes comme, le disait le vice-recteur, les cours continuaient, de nouveaux bâtiments étaient construits, mais à ce moment là il se posait un problème de taille : celui de la capacité de l'université à former des universitaires aptes à résoudre les nombreux problèmes qui se posaient dans la société. L'enseignement donné était- il vraiment apte à former des Africains et dans ce cas précis des Congolais, fiers d'abord de leur identité africaine, des Noirs conscients de leur Nation et de leurs devoirs, pouvant leur permettre d'aller de l'avant ?

C'est cette problématique de l'enseignement universitaire, de ses aspirations et de ce qu'elle entraina réellement que nous allons tenter de capter dans ce point en parlant d'un concept extrêmement important pour les universités africaines : l'africanisation.

Le concept d'africanisation de l'enseignement est tellement important qu'il revient dans les différents débats sur l'université au Congo.

Au commencement de l'Université, les promoteurs parlaient d'une université africaine. Il s'agissait de créer au Congo une institution d'où pourrait sortir une culture purement africaine.

Après l'indépendance, c'est un sujet qui porte débat, car si, pour prendre l'exemple de Lovanium, Monseigneur Luc Gillon dit d'elle qu'elle n'a jamais été une université belge en Afrique56. Pour d'autres, elle ne fut qu'une pâle copie de l'Université de Louvain au Congo, car avec l'indépendance politique, l'absence de correspondance entre la culture enseignée à l'université et la culture vécue par la société africaine se fait sentir57.

54 Ibidem

55Ibidem

56 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p. 178

57 LACROIX, B., Op. Cit., p 6

Devant ces contradictions, se pose la question de savoir effectivement le sens de cette africanisation et dans quelle mesure elle a été effective dans nos universités.

Pour Monseigneur Tshibangu, l'africanisation comporte deux plans de réalisation : tout d'abord celui de l'africanisation des cadres, et ensuite la profonde insertion de l'établissement dans le milieu africain et son orientation spirituelle.

Selon cette définition, on doit donc d'abord tenir compte de l'africanisation des cadres.

Dans les différentes universités congolaises, cette donne n'a été vraiment effective que vers la fin des années 60.

A Lovanium, le premier recteur congolais n'apparaît qu'en 1968 avec Monseigneur Tshibangu et à Lubumbashi, il ne viendra qu'en 1970 avec le professeur Ferdinand Ngoma. La majorité du corps enseignant des universités jusqu'à la réforme de 1971 se composait presque exclusivement des professeurs étrangers, surtout européens et belges.

Cette constatation peut s'expliquer par le fait que les études universitaires ayant commencé relativement tard dans nos universités, il fallait donner le temps à la relève congolaise de se former. Il fallait que les universités sortent des assistants, des chargés de cours, des professeurs congolais.

Le deuxième facteur relevé par Monseigneur Tshibangu, a été l'orientation spirituelle de l'université grâce aux programmes de cours, leurs contenus, leur mode d'enseignement utilisé, les approches épistémologiques et aussi la référence à des préoccupations spécifiquement africaines. Cela pour aboutir à la reprise, la recréation et au développement d'une culture africaine renouvelée, enrichie par des acquisitions venant de l'extérieur58. Au-delà de l'emplacement de l'université59, ou de la nationalité de ses membres. Dans une université, la formation reçue doit pouvoir permettre aux étudiants de détruire les formes sociales anciennes pour en faire sortir une société nouvelle, meilleure et plus adaptée.

Pour parler simplement, disons qu'une université est africaine lorsqu'elle contribue le mieux possible à connaître et à résoudre les contradictions des sociétés africaines ; lorsqu'elle prend une part importante dans la création de forme sociale nouvelle dans une Afrique confrontée au défi de son développement et de son adaptation au monde moderne60. Pour cela, les universitaires doivent connaître la société qu'ils entendent

58 Rapport académique prononcé par Mgr Th. Tshibangu p. A15

59 En Afrique ou en Europe

60 VERHAEGEN, B., L'enseignement universitaire au Zaïre : de Lovanium à l'UNAZA 1958-1978, Paris-BruxellesKisangani, L'Harmattan-CRIDE-CEDAF, 1978, p. 74

transformer ; ils doivent comprendre les structures qui existent déjà, le système de pensée et les valeurs existantes61. Un médecin ne peut soigner une maladie qu'il n'a pas diagnostiquée.

Il semble pourtant que cette norme soit très peu prise en compte au Congo, puisque dans les programmes des cours une place extrêmement réduite voir quasi inexistante dans certaines facultés est donnée à la société congolaise. Les programmes tendent plus à définir la société européenne que la société africaine. Comme le dit le professeur Bongeli « l'apprentissage de la science occidentale dans le milieu universitaire congolais s'accompagnait de l'acquisition du mode de vie occidentale. (...) Il était question de former des blancs à peau noire »62.

Dans les facultés, on faisait table rase du passé africain, pour ne prendre en compte que l'apport européen. Dans le programme, le cours d'histoire n'était pas mentionné, de même que l'ethnologie africaine. Le département d'histoire à Lovanium ne sera créé qu'en 1967. La société, le système de valeurs congolais est exclu de la réflexion des étudiants congolais. Lors de la réforme qui intervient en 1971, l'un des griefs retenus contre le système antérieur, était que : l'enseignement qui est dispensé est en réalité un enseignement étranger, nullement adapté à notre système de valeurs, à notre milieu, à nos problèmes, à notre culture. De même, il n'y a pas de lien suffisant entre les thèmes de recherche de l'enseignement et nos secteurs d'activités nationales ni entre les résultats de cette recherche et leur utilisation pratique.63

Les années 50 sont une période d'ébullition dans le monde du savoir, par rapport à l'Afrique et à sa place réelle dans l'histoire de l'humanité. L'historiographie de l'Afrique prend de nouveaux chemins, dès 1947, des revues comme « Présence Africaine », militent pour une histoire de l'Afrique décolonisée, moins européocentrique64. Cette tendance est, de plus en plus, présente dans certaines universités européennes : à l'université de Londres par exemple, en 1950, il existait une « School of Oriental and African Studies ». A la Sorbonne en France, une chaire

61 Idem, p. 75 : la transformation des sociétés africaines, qui doit leur permettre d'intérioriser et de poursuivre ce développement en l'africanisant, implique d'abord une connaissance en profondeur et totalisante de l'Afrique et non pas une connaissance externe, analytique, c'est-à-dire, nécessairement aliénante ... il faut une appréhension globale, historique et dialectique, des sociétés africaines en tant que totalité concrètes, c'est-àdire dans toutes leurs relations avec leur passé et leur culture d'une part, avec les composantes du monde moderne, y compris les survivances coloniales.

62 BONGELI, E., Op. Cit., p. 92

63 Discours de Mgr Tshibangu p. A14

64 FACE, J.D., « Evolution de l'historiographie de l'Afrique » dans Histoire générale de l'Afrique I dirigé par Joseph Ki-Zerbo, Paris, UNESCO, 1980, p. 59

d'histoire africaine avait été créée durant la même période.65 En Afrique même, une génération de fils du continent s'était plongée dans des recherches sur leur continent. Au Congo belge toutefois, ces nouveaux champs de recherche n'ont aucun écho.

Mais au-delà de la réalité de l'insertion de l'étudiant dans sa société, on remarque à l'université, l'absence de grands débats sur l'Afrique et des réflexions ayant conduit à l'indépendance. La compréhension du message des chantres de la décolonisation était découragée. Les étudiants se plaignaient que le fait de parler de Sékou Touré pouvait les faire renvoyer des établissements66.

Il est intéressant de noter que parler d'une africanisation totale de l'enseignement est comparé pour les autorités à une baisse de niveau de l'enseignement67, comme si pour que l'enseignement garde un niveau acceptable et international, il fallait qu'il continue à utiliser les programmes calqués sur les universités belges uniquement.

La question qui se poserait ici serait de savoir comment on pourrait tenter de transformer une société sans savoir ce qu'elle était réellement.

C. L'Etat et l'université

Après l'indépendance, le nouveau gouvernement congolais portait un grand intérêt à ces institutions universitaires dont proviendraient les cadres qui aideraient à construire et à créer le Congo nouveau. Nombre d'entre les dirigeants pensaient que le développement de l'éducation serait la clé du développement68. Le nouvel Etat n'avait cependant pas les moyens de s'occuper pleinement de ce secteur qui était en pleine expansion69. Certes, elle honorait ses engagements, mais l'Etat au prise avec de nombreuses difficultés, n'avait pas les moyens de soutenir les universités dans la même mesure où la métropole belge le faisait. Dès le début juillet 1960, soit un mois après l'indépendance, la machine administrative et financière congolaise connaissait

65 CURTIN, P.D., « Tendances récentes des recherches historiques africaines et contribution à l'histoire en générale » dans Histoire générale de l'Afrique I dirigé par Joseph Ki-Zerbo, Paris, UNESCO, 1980, p. 88

66 VERHAEGEN, B., Op. Cit., p. 28

67 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p. 178: Parfois des esprits qui se disaient éclairés reprochaient à Lovanium de ne pas tenir compte du fait même de l'indépendance du pays et de rester la copie conforme d'une université européenne... Mais en réalité, ces bons esprits confondaient deux choses : le maintient d'un niveau universitaire international, que j'entendais fermement protéger, et la propension à « copier » les universités européennes, que je ne pouvais approuver. Il fallait africaniser toujours davantage Lovanium, j'en étais convaincu, mais pas au prix d'une baisse de niveau.

68 BONGELI, E., Op. Cit., p. 94

69 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p. 183 : En effet le nombre de ceux qui voulaient s'inscrire, étaient de plus en plus élevé

quelques déboires dus à une mauvaise gestion politique du dossier politico-financier lors de la table ronde économique, qui eut lieu en Belgique du 26 avril au 26 mai 1960. Le nouvel Etat avait été spolié de certains de ses avoirs70. Par ailleurs, le gouvernement de la République du Congo se trouva au prise avec de nombreux problèmes politiques: la mutinerie de la Force publique le 5 juillet 1960, la sécession katangaise qui fut proclamée le 11 juillet 1960, celle du sud Kasaï qui fut proclamée le 8 août de la même année ; les problèmes de leadership entre le président Joseph KasaVubu et le premier ministre Patrice Emery Lumumba.

A ce niveau même si le gouvernement congolais s'intéresse beaucoup aux universités elle préférait laisser une certaine liberté à ces établissements71.

Pour garder une qualité de fonctionnement acceptable, les différentes universités en

présence, surtout celle non publiques72, devaient trouver de nouveaux moyens de

subsistance pour ne pas avoir à compter uniquement sur l'aide gouvernementale.

- Pour Lovanium, cela ne se fit pas sans difficultés. Pour arriver à assurer le commencement de l'année académique 1960-1961, Monseigneur Luc Gillon alla aux Etats-Unis pour solliciter l'aide de la Rockefeller Foundation et de la Ford Foundation qui lui octroyèrent 250 mille dollars américains chacun. Grâce à cette subvention, Lovanium put assurer la reprise des cours le 25 octobre de l'année 1960 et la survie de l'université pendant 6 mois73. Cela n'était qu'une solution intermédiaire. Le recteur tenta aussi de négocier avec les gouvernements congolais et belge pour obtenir une aide plus substantielle et plus permanente. Suite à ces tractations, en avril 1962, la « Fondation Université Lovanium » fut créée. Elle avait le statut d'institution de droit belge et était situé à Louvain. Elle procurait au personnel étranger, en plus du salaire qu'il recevait de l'Etat congolais, une prime d'assistance technique et l'ouverture d'un fond de pension en Belgique74.

70NDAYWELL, I., Histoire du Congo. Des origines à nos jours, Bruxelles-Kinshasa, Le Cri édition-Afrique Editions, 2010, p.178 : durant la conférence belgo congolaise, économique, financière et sociale, qui eu lieu en Belgique après la table ronde politique, les responsables congolais étaient absent, parce que occupée à préparés leurs campagnes électorales. La métropole s'était donc trouvé à la fois juge et partie dans la répartition des biens entre le Congo et la Belgique. Et en profita pour dépouiller le plus possible le Congo des avantages qui lui revenaient.

71 BONGELI, E., Op. Cit., p.95 : Le gouvernement ne s'opposa pas à la création de cette université mais il ne s'engagea pas (...) à y intervenir (...) sous forme de contrôle.

72 Pour l'UOC la situation était différente, d'abord sous la session katangaise et ensuite dans la République du Congo elle reçu les subsides de l'Etat qui la mettait dans de bonnes conditions. Dibwe & Ngandu pp. 148-149

73 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p.165

74 Idem, p180

- La nouvelle université de Kisangani, quant à elle, reçut de l'Etat au moment de sa création, des dons en nature, immeubles et bâtiment. Les frais qui servirent à sa fondation et à la rémunération du personnel enseignant provenaient, pour l'essentiel, de l'étranger75, même si au fil des ans l'Etat continua à participer financièrement et de façon de plus en plus élevée à son budget de fonctionnement.

Les universités ne dépendaient donc pas en majorité de l'Etat pour assurer leur survie. Elles pouvaient, de par ce fait, avoir une plus grande liberté de manoeuvre dans leur fonctionnement. Mais même quand c'était le cas, l'Etat congolais préférait laisser les pleins pouvoirs aux autorités académiques. Il y avait toujours des représentants du gouvernement dans les différents conseils d'administration, mais la situation était assez ambigüe, la majorité du corps enseignant venant de l'extérieur, l'université était gérée par eux.

Bernadette Lacroix rapporte le cas de l'U.L. Elle nous donne un aperçu de sa gestion après l'indépendance.

Le 10 juin 1960, le siège du conseil d'administration de l'Université Lovanium est transféré à Léopoldville au Congo et le 25 juin les nouveaux statuts de l'Université sont publiés. L'article 4 de ces statuts stipule que l'Université Lovanium serait administrée par un conseil d'administration et que désormais cet organe serait assisté par un conseil académique supérieur. Les pouvoirs de ce conseil étaient extrêmement étendus. Le conseil d'administration devait obligatoirement consulter le conseil académique supérieur pour toutes les questions qui touchaient à l'enseignement et la recherche à l'université. C'est lui qui proposait au conseil d'administration la nomination du recteur, du vice recteur, du personnel enseignant et scientifique. On avait besoin de son accord pour établir le règlement général de l'Université. Selon l'article 6 « tout amendement au statut devait recevoir l'approbation du conseil académique supérieur » 76.

Ce Conseil Académique Supérieur (C.A.S.) était composé du recteur de Lovanium, Mgr Gillon, du recteur de Louvain Mgr Waeyenbergh et d'au moins un représentant de chacune des facultés de Louvain qui correspondait aux facultés se trouvant à Lovanium.

En outre, le conseil d'administration était composé en plus de six évêques du Congo, du président du Sénat Joseph Iléo et de monsieur Albert Ndele, gouverneur de la banque nationale. Il était composé aussi du recteur de Lovanium ainsi que de celui de Louvain qui faisaient aussi parti du C.A.S. et qui pouvaient donc proposer des textes et

75 HULL, G., Université et Etat : l'UNAZA- Kisangani, Bruxelles, Cahiers du CEDAF, n°1-2, 1976, p. 9

76 LACROIX, B., Op. Cit., p. 48

les voter. Comme on peut le voir, le pouvoir des représentants de l'Etat est quasi inexistant, ce sont les décideurs de Louvain qui gèrent Lovanium.

L'ordonnance loi n ° 277 du 27 novembre 1963, donne plus de pouvoir au conseil d'administration et réduit par la même occasion les prérogatives du C.A.S77. Malgré cela, la même loi prévoit que le conseil d'administration de Lovanium soit tenu de faire tous les ans un rapport de ses activités au conseil d'administration de Louvain.

L'université Libre du Congo, nouvellement créée, se retrouve presque dans la même situation. Elle s'engageait à servir loyalement le gouvernement établi autant que ce dernier lui accordait une pleine liberté de foi, de pensée et d'expression, elle voulait bien accepter l'aide que l'Etat pourrait lui fournir, mais elle assurait qu'elle n'accepterait pas pour autant son ingérence dans ses affaires internes78.

Cette autonomie était vraie même pour l'université de Lubumbashi. En effet, sous la sécession katangaise, elle devint l'Université d'Etat d'Elisabethville. Comme l'Etat katangais tenait à lui préserver une qualité scientifique et pédagogique, il fallait non seulement lui donner les moyens de poursuivre et d'intensifier ses activités scientifiques, mais aussi de la faire connaître dans le monde entier79. Pour cela, elle a accepté de se faire parrainer par les Universités d'Etat de Gand et de Liège. Le conseil supérieur de l'Université du Katanga tel que désigné par le président Moïse Tshombe était composé de douze membres, dix d'entre eux étaient des Belges qui provenaient de ces deux universités et les deux autres membres étaient le ministre katangais de l'éducation nationale, Mathieu Kalenda, et le représentant du président du Katanga, Jean Paulus. L'Université d'Etat, bien que subventionnée par le gouvernement katangais, est laissée libre. Même si c'est l'Etat qui nomme le personnel académique, scientifique et technique pour s'assurer de leur loyauté.

Après la sécession katangaise lorsque l'Université d'Etat d'Elisabethville est redevenue l'UOC., cette liberté a été respectée. En 1968, la politique scientifique de l'université était définie par un Conseil Académique Supérieur, cet organe était présidé par le recteur et était composé essentiellement des professeurs, deux de chaque faculté.

77 Idem, p. 47 : Son accord n'était plus exigé pour la modification des statuts. Le conseil d'administration, après deux délibérations successives pouvait le faire ; désormais c'était le conseil d'administration qui nommait les membres du CAS exception faites des professeurs Waeyenbergh, Malengreau et Schueren.

78 HULL, G., Op. Cit, p. 9

79 DIBWE, D. - NGANDU, M., « De l'université officielle du Congo belge et du Ruanda-Urundi à l'Université de Lubumbashi : la mémoire d'un peuple » dans L'Université dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p149

Le Conseil d'Administration, où se retrouvait les représentants de l'Etat, s'occupait de définir la politique générale de l'université, à savoir :

- Contrôler la gestion financière de l'Université ;

- Arrêter le règlement organique ;

- Nommer le personnel scientifique et proposer les candidatures du personnel enseignant auprès des différents ministres80.

Durant la période qui va de 1960 à 1971, le milieu universitaire fut un oasis scientifique totalement indépendant d'une quelconque influence de l'Etat. Les universités définissaient elles-mêmes leurs orientations scientifiques et leurs programmes. C'est d'ailleurs cette autonomie et cette liberté qui lui ont été reprochées par les étudiants dans la suite.

A ce stade de l'évolution du climat du pays et des universités, l'on pourrait se poser la question de savoir qu'en est-il de la place donnée à l'africanisation par les dirigeants des universités congolaises? A vrai dire, cette problématique n'était plus vraiment d'actualité pour les trois universités du Congo.

Nous avons déjà vu que le personnel académique et scientifique, c'est- à- dire, les professeurs, les assistants et les chargés de cours, étaient composés en très grande majorité d'étrangers, européens et belges surtout. Après l'indépendance de la colonie belge en juin 1960, nombre d'entre eux qui avaient peur pour leur avenir, ont préféré retourner en Belgique.

A Lovanium, beaucoup de professeurs, pour pouvoir continuer à assurer leurs cours, voulaient avoir la garantie que si au Congo l'horizon s'assombrissait pour eux, ils pourraient avoir la possibilité de retourner dans leur pays pour y travailler. Pour les garder à Lovanium, le recteur Mgr Gillon avait négocié une entente avec l'Université catholique de Louvain. Elle stipulait qu'un professeur ordinaire qui aurait passées à Lovanium dix années académiques ou qui seraient expulsés du Congo pour cas de force majeure seraient repris à l'Université de Louvain81.

On peut donc comprendre qu'à Lovanium durant cette période où le recyclage pour la Belgique était une finalité en soi pour les enseignants, la reforme de l'enseignement universitaire au Congo pour africaniser les cours n'était plus d'actualité. Plus que jamais, il fallait s'en tenir à l'exemple de Louvain.

80 BILONDA, M., « L'université de Lubumbashi : de 1956 à nos jours » dans L'Université dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p52 : On retrouvait dans le conseil d'administration le ministre de l'enseignement supérieur, celui de la jeunesse et des sports ainsi que le directeur de l'enseignement supérieur au ministère de l'éducation nationale

81 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p. 176

Notons toutefois que l'africanisation des cadres se faisait petit à petit. Dans la faculté de théologie plus rapidement qu'ailleurs. Vers les années 1967, les premiers professeurs formés à Lovanium revinrent de l'étranger où ils étaient allés se spécialiser. Ils commencent à s'insérer petit à petit dans le décor académique. Même s'ils sont accueillis avec une certaine méfiance de la part de leurs collègues européens82.

Les concepteurs de l'Université Libre du Congo, pensaient pour leur part, que même si la façon d'enseigner et les matières enseignées devaient tenir compte des milieux culturel, économique, social et académique africains, le savoir, lui, était universel. Il n'existait pas de méthode africaine, pour enseigner les mathématiques ou les sciences83. A cause de cela, même si on constate qu'il y a beaucoup plus d'Africains dans son administration que dans les autres universités, les programmes sont d'inspiration étrangère, américaine surtout car l'on retrouve de nombreux professeurs américains. C'est cela qui fera dire au recteur Mollet, ce qui suit : « Les universités congolaises ne pourront réellement jouer (de) rôle essentiel que dans la mesure où elles jouiront, dans le domaine intellectuel qui leur est propre, d'une grande autonomie et de la possibilité d'adapter, de modifier, de moderniser et d'africaniser des programmes qui pour la plupart, datent d'avant l'indépendance. »84

Pour l'U.O.C, comme nous l'avons vu plus haut, l'orientation de l'enseignement ne change pas. Pour ce qui est de l'africanisation des cadres pourtant, elle se fait progressivement et le premier recteur congolais, le professeur Ferdinand Ngoma, est nommé en 1970.

D. La rupture

Le 25 novembre 1965 eut lieu le coup d'Etat du général Joseph Mobutu. Les débuts du nouveau régime furent prometteurs. Le nouveau régime eut droit à

82 GAMBEMBO, D., « De Lovanium à l'Université de Kinshasa » dans L'Université dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p. 68 : Au delà du salaire qui n'était pas le même pour les ressortissants congolais et ceux étrangers. Il parle d'une certaine discrimination à son égard « Bien que je sois issu d'une université catholique, celle de Fribourg en Suisse, il me fut imposé un

stage de six mois à Louvain(...). Alors que nous étions trois venus de l'Université de Fribourg, avec le même titre de docteur, mes collègues furent nommés au grade de Professeur associé et moi à celui d'assistant de première classe ! (...) en outre , le doyen de la faculté reçut la mission de faire un rapport semestriel sur ma moralité, condition pour un engagement définitif. J'étais le seul à être soumis à ce régime ! Je connus même l'éloignement de la faculté pour un bureau dans un chantier (l'actuel bâtiment de Droit, à l'époque en construction) ».

83 HULL, G., Op. Cit., p.6

84 HULL, G., Op. Cit., p.58

l'adhésion populaire, ainsi qu'au soutien des étudiants.85 La politique du nouveau gouvernement, n'était au départ pas très différente de celle de l'ancien dans le domaine scolaire. Et le leadership des anciens colonisateurs dans les milieux universitaires, commençait à faire des mécontents au sein de la population estudiantine, surtout à Lovanium.

Les étudiants reprochaient à l'université son caractère trop colonial. Ils lui reprochaient d'être un « Etat dans un Etat, une survivance insupportable du colonialisme sous sa forme la plus originale... » 86. Les étudiants de Lovanium se plaignaient de l'esprit colonialiste qui inspirait toute la politique de Lovanium et en faisait une université belge, un dédoublement de Louvain totalement indépendant des autorités congolaises87. Au-delà de leurs autres revendications pour de meilleures conditions de travail et de vie, ils voulaient une plus grande transparence dans la gestion de l'université ainsi qu'une implication plus active des étudiants dans le gouvernement de l'Université à travers la cogestion.

Pour faire entendre leurs voix, les étudiants qui étaient réunis dans des groupements d'étudiants organisèrent de nombreuses grèves. Les frictions entre les étudiants d'une part et les autorités académiques étaient de plus en plus, perceptibles. Pour tenter de trouver une solution à cette crise, un « colloque national sur l'enseignement » fut convoqué à Goma en février 1969. Il réunissait tous les acteurs de l'enseignement universitaire88.

Ce colloque tenta d'apaiser les étudiants en adhérant à une partie de leurs revendications. La charte de Goma propose aux étudiants, dans son premier article, la coresponsabilité qu'elle définit comme le fait de participer effectivement à la gestion et de participer avec voix délibérative aux organes de décisions. Les étudiants sont définis dans l'article III comme un groupe de participation au même titre que les autorités académiques, le personnel enseignant et scientifique national et étranger. Leurs représentants élus peuvent participer aux conseils des facultés ou des sections d'études, au conseil rectoral, au conseil pédagogique, conseil de discipline, conseil de résidence, et tous les conseils restreints. Ils ne sont exclus que du conseil d'administration89.

85 BONGELI, E., Op. Cit., p.70 les étudiants de l'AGEL surtout

86 Idem, p.62

87 Ibidem

88 Initié par le ministre Kithima

89 EKWA, M., « La coresponsabilité dans l'enseignement supérieur. Le colloque de Goma (15-20 février 1969) » dans Congo-Afrique, p.174

Cette charte sera trouvée trop progressiste par les autorités du pays qui la qualifieront d'inacceptable90et la rejetteront. Ce refus de l'Etat de donner suite à leurs revendications fut à la base d'une mobilisation massive des étudiants de Kinshasa pour la marche de protestation du 04 juin 1969. C'était une marche pacifique organisée par les étudiants réunis au sein du C.E.K91. Ils souhaitaient se rendre au ministère de l'éducation nationale d'abord, puis jusqu'à la demeure du Chef de l'Etat pour lui remettre leurs revendications. Cette marche n'avait pas été autorisée par le gouvernement, mais les étudiants passèrent outre.

Les militaires ouvrirent le feu sur les étudiants et cette manifestation se solda par une dizaine de morts92.

Pour expliquer la réaction du pouvoir qui semble démesurée face à la contestation - ouvrir le feu contre des étudiants qui revendiquent pour une amélioration du système estudiantin-, il faut prendre en compte le fait qu'entre le pouvoir en place et les étudiants il existait des points de friction.

Les milieux estudiantins étaient de tendance marxiste léniniste93. Ils reprochaient aux autorités du pays une politique trop néocolonialiste, et outre leur revendication pour une réforme de l'enseignement supérieur, les universitaires, qui s'étaient toujours impliqués dans la politique et qui ne craignaient pas de prendre position94, devenaient des contestataires du régime dictatorial du Président Mobutu.

Ils organisèrent une marche pour protester contre le refus de l'accord de Goma mais aussi contre le recul de la démocratie au Congo. Ils entendaient protester contre le néocolonialisme et l'impérialisme qui sévissaient en République Démocratique du Congo. La veille du 4 juin 1969 l'un des tracts qui circulaient sur le campus était ainsi

90 Ils furent influencés par une note officieuse des autorités académiques leurs expliquant la nature inspiratrice que pouvaient avoir une telle réforme ;

91BONGELI, E., Op. Cit., p. 83 : ce comité réunissait des étudiants de toutes les institutions d'enseignement supérieurs installées à Kinshasa.

92 DEMUNTER, P., Analyse de la contestation estudiantine au Congo-Kinshasa (juin 1969) et de ses séquelles, Bruxelles, Etudes africaines du CRISP, 1971 : Le nombre exact n'a pas pu être établi. Entre les autorités qui parlent de moins de dix morts et ceux qui parlent de plus d'une vingtaine de morts. Ce dénombrement-ci est celui de l'auteur qui pense que les témoignages les plus dignes de foi sont ceux qui attestent d'à peux près une vingtaine de morts.

93BONGELI, E., Op. Cit., p. 77 : L'UGEC au cours de son troisième congrès en octobre 1966 adopta une idéologie et une méthode d'explication marxiste-léniniste.

94 Il s'insurgèrent contre la sécession katangaise, ils s'opposèrent en 1964 à la commission constitutionnelle crée par le président Kasa Vubu, ils protestèrent aussi contre la venue au Congo en 1968 du vice président américain Humphrey pour protester contre le néo colonialisme.

formulé « En tant qu'étudiant, il est clair que nous sommes au premier chef sensibilisés par le problème crucial de l'enseignement au Congo. Mais il n'y a pas l'ombre d'un doute que c'est tout le problème du développement général du pays qui est posé et, par voie de conséquence, la politique globale du gouvernement. C'est pourquoi les étudiants réitèrent leur conviction d'une nouvelle conception du développement. Par delà les problèmes de l'enseignement et de la bourse d'études, les étudiants posent le nécessaire problème de libération nationale au seul profit des masses paysannes et ouvrières du Congo Kinshasa »95.

La marche du 4 juin 1969 et sa répression brutale marque un tournant du changement de la politique de l'Etat vis-à-vis de l'enseignement supérieur. Elle marque les débuts de la fin de l'autonomie des établissements universitaires. La fin de cette autonomie fut totalement consommée avec la réforme de 1971.

Mais avant cela quelques changements eurent lieu dans les milieux universitaires. Face à cette contestation et à sa gestion, il y a eu des sanctions temporaires, car ces mesures ont été levées par le Président Mobutu, le 14 octobre 1969, jour de son 39éme anniversaire. Ces mesures ont conduit à :

- La fermeture de certains établissements d'enseignement supérieur : l'université Lovanium, l'IPN et l'IEM notamment ;

- La condamnation de certains étudiants, 19, jugés et condamnés à des peines de prison qui allaient de 2 à 20 ans de prison ferme96 ;

- Le renvoi de certains étudiants avec impossibilité pour eux de s'inscrire dans d'autres établissements.

D'autres mesures définitives ont été prises. C'est avec ces mesures que la rupture avec le passé intervient, que s'instituent les débuts de la mainmise de l'Etat sur l'enseignement supérieur aboutissant à la création de l'UNAZA en 1971.

Pour les étudiants, l'une des conséquences directes est l'interdiction de toutes les organisations ou associations estudiantines autres que la JMPR, à partir du 12 juin 1969. Ainsi, la JMPR devient le seul syndicat légal des étudiants. En outre, l'étude du Manifeste de la N'sele devient obligatoire dans touts les établissements scolaires du pays97.

95 DEMUNTER, P., Op. Cit., p. 14

96 Ils furent jugés sur les accusations de pour complots contre la sureté de l'Etat, organisations. Pour excitation à la révolte...

97 DEMUNTER, P., Op. Cit., p 19

Le gouvernement décide, lors du conseil des ministres du 13 juin 1969, qu'une restructuration de l'enseignement supérieur va être menée avec comme finalité un renforcement du contrôle de l'Etat sur les instituts d'enseignement supérieur. Pour éviter que ne se répète les évènements du 4 juin, les conditions d'admission à l'université deviennent plus strictes, la création des facultés, instituts ou écoles est soumise à l'accord préalable du gouvernement. Les colloques et les dialogues avec les étudiants sont remplacés par une participation active de leurs délégués dans les différents conseils consultatifs qui siégeaient auprès du ministère de l'éducation nationale.

Législativement, six lois consacrent cette nouvelle politique. Il s'agit de :

- La loi n° 69/034 du 1er août 1969 qui stipulait que désormais tous les établissements d'enseignement supérieur dépendaient du ministère de l'éducation nationale ;98

- La loi n°69/035 du 1er août 1969 qui donne le droit au Président de la République de nommer le recteur et le vice-recteur99 ; les professeurs ordinaires, les professeurs, les professeurs associés, le personnel scientifique à temps plein et le personnel académique des cadres supérieurs, quant à eux, étaient nommés par le ministre de l'éducation nationale, et cela même dans les universités privées.100

Les quatre autres lois concernaient aussi l'enseignement supérieur non universitaire ;

- La loi n°69/153 du 4 août 1969 portant création du conseil national de l'enseignement supérieur non universitaire. Ce conseil était constitué des membres de droit et des membres nommés par le ministre de l'éducation nationale. Il était appelé à :

- Donner son avis sur la représentation des enseignements à dispenser dans les établissements ;

- La détermination du niveau académique d'engagement du personnel enseignant et scientifique ;

- Déterminer la politique de formation des cadres enseignants, les conditions d'inscription des étudiants, la politique générale des bourses et prêts aux étudiants, les programmes ainsi que le problème de l'emploi des diplômés.101

98 Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15 août 1969, p. 659.

99 Sur une proposition du conseil d'administration.

100 Moniteur congolais, Kinshasa, n°24, 15 décembre 1969, pp.959-961.

101 Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15 août 1969, pp. 661-663

- La loi n°69/154 du 4 août 1969 relative à la création du conseil national de l'éducation, constitué de la même manière comme celui de l'enseignement supérieur non universitaire. Il a un rôle consultatif auprès du ministre de l'éducation nationale et est appelé à donner son avis sur toutes les questions relatives à la politique générale en matières d'éducation et d'enseignement que le ministère lui soumet ;102

- La loi n°69/155 du 4 août 1969 qui modifie la composition de la commission
interuniversitaire consultative tel que défini dans la loi n°57 du 5 mars 1969 ; 103

- La loi n°69/156 du 4 août 1969 : elle créait une commission consultative de l'enseignement supérieur non universitaire chargé de donner son avis sur les programmes et la durée des études. Elles pouvaient proposer des modifications des textes légaux relatifs à l'enseignement supérieur et non universitaires ainsi que toutes mesures pouvant contribuer au développement et à l'harmonisation de ce secteur.104

Pour survivre, les universités durent s'adapter et les trois universités en présence modifièrent leurs structures pour être en accord avec la vision du gouvernement. Les étudiants, pour leur part, continuèrent à s'insurger contre le système et à protester en coulisse. Deux ans plus tard, ils l'exprimèrent par un coup d'éclat: en tentant une commémoration en l'honneur de tous ceux qui étaient tombés le 4 juin 1969. Le pouvoir considéra ces cérémonies comme une provocation et réagit en envoyant les forces armées. La violence de la réaction des étudiants face à cette intrusion entraîna des décisions graves de conséquences pour les étudiants de Lovanium d'abord et pour toutes les universités du Congo ensuite. Le pouvoir décida de la fermeture de l'UL pour une durée indéterminée et de l'enrôlement de tous les étudiants de Lovanium ainsi que de quelques étudiants de Lubumbashi dans l'armée. Après cela, il s'en suivit une vaste réforme de tout le système de l'enseignement universitaire et supérieur sur toute l'étendue de la République avec comme point d'orgue, la création de l'UNAZA.

102Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15 août 1969, pp. 663-665 103Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15 août 1969, p. 665

104 Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15 août 1969, pp. 665-666

CHAPITRE III : La politique de l'enseignement
universitaire au Congo. (1971 - 1993)

A partir de 1969, des mesures ont été prises par l'État pour réduire l'autonomie des universités. Le discours officiel par rapport à ce durcissement est que vue les sacrifices immenses consentis par l'État pour le secteur de l'éducation d'abord et universitaire et supérieur ensuite, il est parfaitement naturel, qu'il y ait un droit d'ingérence.

Ce droit d'ingérence, l'État congolais l'applique pleinement surtout à travers les deux réformes de 1971 et 1981. « L'enseignement [étant] un moyen et un instrument efficace au service de l'idéal et des aspirations de la nation. il fallait une parfaite harmonie entre la finalité et les méthodes d'enseignement d'une part, et le système politique d'autre part ». En vertu de cela le pouvoir se donna la toute puissance sur le secteur de l'éducation universitaire afin que « l'enseignement soit imprégnés de la philosophie du système politique »105.

I. Les premières grandes réformes (1971-1981)

Les évènements qui entourèrent la marche du 4 juin 1969 avaient déjà permis une plus grande intrusion du gouvernement dans les affaires de l'Université. En effet, des lois avaient été promulguées et les Universités avaient décidé de les respecter. Les étudiants qui militaient pour une plus grande transparence dans leur milieu, se virent privés de leurs organes d'expression propres, avec la suppression de tous les syndicats d'étudiants. On leur imposa un organe d'expression conforme à l'optique gouvernementale : la JMPR. Elle devint le seul organe d'expression étudiant autorisé par le bureau politique du MPR à partir du 12 juin 1969.

En plus d'être le seul organe habilité à parler au nom des étudiants, il avait aussi un caractère obligatoire. Tous les étudiants faisaient obligatoirement partie du JMPR. Pour accentuer cet aspect obligatoire et incontournable, chacune des universités fut désormais définie comme une section de la JMPR dirigée par le chef d'établissement. Les facultés étaient des sous sections, et les promotions des cellules. Pour être sûr que les étudiants ne dérogeraient pas à cette règle, des astuces sont trouvées par les officiels. En effet, le 9 août 1969, il est décidé que désormais toute personne voulant intégrer un établissement universitaire devait être régulièrement inscrit à la JMPR et

105BONGELI, E., L'université contre le développement au Congo Kinshasa, Paris, l'Harmattan RDC, 2009, p. 91

avoir sa carte de membre. Pour pouvoir bénéficier d'une bourse d'étude, il fallait être inscrit dans une section de la JMPR106.

Malgré toutes ces précautions visant à faire taire les voix discordantes provenant de l'Université, certaines blessures restent ouvertes et le 4 juin 1971, le calme apparent est brisé.

Les évènements du 4 juin 1969 avaient laissé un certain flou. Il existait une grande différence entre la version officielle et la version officieuse, sur les raisons de cette tragédie qui avait causé la mort de certains étudiants à propos du nombre de mort même des chiffres contradictoires circulaient. Qui pis est, il n'a pas été permis aux étudiants et aux familles de pleurer leurs morts et un silence assourdissant de la part des de la communauté extérieure a suivi cette journée107. Les milieux universitaires ont gardé de ce jour un certain ressentiment contre le pouvoir et aussi contre les autorités académiques accusées de jouer le jeu du gouvernement.

Deux ans après cet événement, les étudiants de Lovanium ont voulu commémorer ce jour de deuil et cela malgré l'interdiction des autorités de l'université. Ils organisent une veillée mortuaire dans la nuit du 3 au 4 juin et le matin du 4 juin, un cercueil vide est enterré symboliquement en face du bâtiment administratif. Après quoi une messe est dite en mémoire de tous ceux qui étaient tombés108. Le pouvoir, qui était déjà très méfiant vis-à-vis des universitaires qu'il soupçonnait de subir une grande influence des pays communistes109, y vit une révolte. Le lendemain de ce coup de tête des étudiants, le conseil des ministres décida de fermer l'université et d'enrôler les étudiants dans l'armée110.

Pour gérer la crise, le 6 juin le bureau politique du MPR sous l'inspiration du président Mobutu décide de créer une « commission de réforme de l'enseignement supérieur au Congo » qui a pour mission de :

- Définir une nouvelle conception de l'enseignement supérieur du pays.

- Prévoir les moyens d'encadrement des étudiants pour leur assigner l'optique du parti et de la JMPR.

106 DEMUNTER, P., Analyse de la contestation estudiantine au Congo-Kinshasa (juin1969) et de ses séquelles, Bruxelles, Etudes africaines du CRISP, 1971, pp.19-20

107 GABEMBO, D., « De Lovanium à l'Université de Kinshasa » dans L'Université dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p 70.

108 Idem, pp.71-72

109 On était en pleine guerre froide, et le Congo était dans le camp des capitalistes.

110 BONGELI, E, Op. Cit., p.88.

- Réfléchir sur l'enseignement à donner surtout dans le domaine des sciences humaines.

Cette commission de réforme a été composée uniquement de membres du Bureau Politique du MPR. Ce sont les résolutions prises par les participants qui ont été discutées lors du premier « congrès des professeurs nationaux de l'enseignement supérieur » réuni à la N'sele111, qui ont abouti à la réforme de 1971.

A. Réforme de 1971

Cette réforme implique des grands changements dans les milieux universitaires, notamment :

- Les 3 universités en présence Lovanium, l'U.O.C et l'U.L.C sont nationalisées et sont réunies dans une seule Université : l'Université Nationale du Zaïre (UNAZA).

Cette dernière disposait d'un conseil d'administration unique qui définissait, dans tous les domaines, la politique des universités et des instituts d'enseignement supérieur non universitaire.

Chacune des trois universités devint un campus universitaire, avec une spécialisation particulière et des facultés bien distinctes.

· Le Campus universitaire de Kinshasa comprenait:

· La Faculté de Droit ;

· La Faculté de Médecine et Pharmacie ;

· La Faculté Polytechnique;

· La Faculté des Sciences [(Maths + chimie + Physique)] ;

· La Faculté des Sciences Économiques ;

· La Faculté de Théologie.

· Le Campus universitaire de Lubumbashi comprenait :

· La Faculté des Lettres ;

· La Faculté de Médecine vétérinaire ;

· La Faculté Polytechnique (Mines + Métallurgie + Chimie industrielle) ;

· La Faculté des Sciences (Géologie + Géographie + Minéralogie) ;

· La Faculté des Sciences sociales administratives et politiques.

· Le Campus universitaire de Kisangani regroupait :

· La Faculté des Sciences (Biologie + Botanique + Zoologie),

· La Faculté des Sciences Agronomiques,

· La Faculté des Sciences de l'Éducation.

111 Idem, p. 89

- Tous les instituts supérieurs existants sont intégrés dans l'UNAZA, et pour optimiser les cours et les uniformiser, une échelle unique de diplômes et de grade est instituée pour toute l'UNAZA. Désormais il devient plus facile pour un étudiant de passer d'un institut à une université. Ses cycles sont répartis de la manière suivante :

· Un premier cycle de graduat ;

· Un deuxième cycle de licence, d'ingénieur, de pharmacien ou de doctorat ;

· Un troisième cycle de doctorat.

La finalité de cette réforme était de mettre sur pied une « Université zaïroise étant en état d'assurer l'ensemble des services nécessaires à la société moderne et de s'adapter constamment aux besoins de celle-ci »112. Il fallait rejeter l'ancien système qui dispensait un savoir trop encyclopédique, pour que l'enseignement universitaire devienne plus concret.

L'État expliqua qu'elle voulait éliminer toute les idéologies centrifuges des universités (catholique, protestante, libre), mettre un terme aux distinctions des universités et rationaliser la gestion administrative en centralisant le système113. Toutefois nombre d'observateurs extérieurs et intérieurs sont d'accord sur le fait que cette réforme visait beaucoup plus à contrôler d'avantages les milieux universitaires et à instrumentaliser l'université.

Officiellement, cette réforme était essentielle, car il fallait rentabiliser l'enseignement universitaire : l'État estimait qu'elle dépensait beaucoup d'argent pour ce secteur mais qu'en contrepartie, les étudiants formés n'étaient pas utilisables directement. Il fallait donc une réorganisation rationnelle de toute la structure114 pour empêcher le développement anarchique qui sévissait dans ce domaine. L'enseignement au Congo devait être désoccidentalisé pour détruire l'image de « jeunes formés en occident » que donnaient les universitaires congolais115.

En outre, depuis quelques années, des voix se levaient dans le pays pour critiquer le système universitaire et demander sa réforme.

Les étudiants congolais, à travers leurs nombreuses grèves, demandaient entre autres choses des réformes pour sortir du carcan de l'occidentalisation que lui imposait son corps professoral.

112UNAZA, 1973-1974, 1974-1975, Kinshasa, Presses universitaires du Zaïre, , ... p. 16

113 GAMBEMBO, D., Art. Cit., p 72

114 Idem, p 91

115 BONGELI, E., Op. Cit., p. 89

Pour Mgr Luc Gillon, il était clair qu'il fallait changer des choses dans le système. En 1967, il rédigea une note sur la nécessité de « la réorganisation de l'Enseignement universitaire au Congo » dans laquelle il proposait de créer une Université Nationale qui serait un établissement public chargé de la programmation générale, de la coordination du développement et de la haute gestion de l'enseignement universitaire116. Deux ans plus tard, en Belgique, lors d'un séminaire sur la formation des cadres de l'enseignement universitaire, cette idée resurgit. L'on proposa même de créer un regroupement de ces universités pour permettre une plus grande concertation entre les universités en présence117.

A coté de ces autres revendications, une autre revenait : l'inadéquation entre la formation donnée et les besoins réels de la société, le professeur Verhaegen reprocha à l'université de créer des « diplômés parasites »118.

Ces exemples montrent qu'une réforme de l'enseignement était inévitable et demandée de toute part pour permettre une meilleure utilisation de l'université dans le processus du développement du pays. Les différents acteurs étaient d'accord sur le fait que le milieu universitaire avait de sérieuses lacunes, et qu'il était essentiel de trouver des moyens pour y remédier et l'améliorer.

A ce stade des revendications, la réforme de 1971 pourrait être considérée comme une étape importante pour le développement et le relèvement de l'enseignement supérieur au Congo. Quand en est-il au juste ?

La réforme, à ses débuts, se fixa des objectifs très élevés. En effet, elle devait permettre de former un nouveau type d'homme congolais, « un patriote convaincu, intègre, engagé, qui enracine sa personnalité dans les valeurs africaines de solidarité, de respect des anciens et des autorités. Un congolais ouvert, apte à l'intégration harmonieuse des valeurs de modernité, préparé à la réalisation d'un Congo moderne et en continuel développement, tout en conservant sa personnalité et son authenticité »119. Elle devait inciter les universités à s'africaniser ; en se fixant comme objectif de « dispenser un enseignement qui décolonise les esprits, c'est-à-dire un enseignement dont le contenu sera basé non seulement sur des valeurs universelles, mais aussi sur les valeurs africaines et surtout [zaïroise] ». Et leur permettre participer

116 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p 25

117 BONGELI, E., Op. Cit., p89

118VERHAEGEN, B., L'enseignement Universitaire au Zaïre de Lovanium à l'UNAZA, Paris-Bruxelles-Kisangani, L'Harmattan-CRIDE-CEDAF, 1978, p 122

119 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 102

activement au processus de développement du pays en fournissant avec une économie maximum de temps et d'argent tous les cadres dont le pays avait besoin120.

Force est pourtant de constater que ce ne fut pas le cas. La réforme de 1971 conduit plutôt à une politisation de l'Université qui s'opéra souvent aux dépens de celle-ci. C'est cela qui fait dire que le but réel de cette réforme n'était pas une amélioration quelconque du système, mais plutôt une main mise effective du pouvoir afin de réduire à néant ces lieux de contestation qu'étaient les universités et les instituts.

Désormais c'est au gouvernement et au parti unique, le MPR, que revient le contrôle de l'UNAZA. Les nouvelles lois sont claires. Seul le Président de la République est habilité à faire le choix du recteur, du pro-recteur121 ainsi que du vice-recteur122. Un autre exemple de la toute puissance du gouvernement, dans le nouveau système, se retrouve dans la composition même du conseil d'administration qui est, selon les nouvelles règles en vigueur, l'organe supérieur assurant la direction de l'UNAZA au fil du temps, ce contrôle se faisant d'ailleurs de plus en plus sentir. L'on peut le constater à travers l'évolution de la loi.

C'est le Conseil d'Administration qui définit la politique et les objectifs de l'université ; c'est lui qui crée les instituts supérieurs, les facultés dans les campus, les départements et les enseignements nouveaux ainsi que les sections dans les instituts ; et c'est encore le Conseil d'Administration qui arrête, sous réserve de l'article 48123, le statut du personnel de l'Université124.

Lorsque l'ordonnance- loi portant n° 71-075 portant création de l'Université Nationale du Congo fut promulguée, elle définissait ainsi les membres composant le Conseil d'administration dans ses articles 5 et 6 :

« Article 5.

120 KUYIYA, Makiona, L'UNAZA face au devenir socio professionnel de l'étudiant, Mémoire de licence en SPA, UNILU, 1979-1980, p. 2O.

121UNAZA, Op. Cit., p.24 : Article 10 : le recteur et le pro-recteur de l'Université Nationale sont nommés par le Président de la République sur proposition du Ministre de l'Education Nationale et après avis du Conseil d'Administration de l'Université Nationale...

122 Idem, p.26 Article19 : le vice-recteur est nommé par le président de la République, sur proposition du Ministre de l'Education Nationale et après avis du Conseil d'Administration de l'Université Nationale...

123Idem, p.23 : Chapitre VII. Statut du Personnel Administratif, Académique et Scientifique.

Article 48 : Le président de la République fixe par voie d'ordonnance le statut du personnel académique, scientifique et administratif du cadre supérieur de l'Université nationale.

124Idem, p.23 : Article 7.

L'Université nationale du Congo est administrée par un conseil d'administration comprenant :

- Le Ministre de l'Education Nationale

- Le Recteur

- Les Vice-recteurs des campus universitaires

- Le Président du Conseil général des Instituts supérieurs pédagogiques - Le Président du Conseil général des Instituts supérieurs techniques

- Le président de l'Office Nationale de la Recherche scientifique

Deux délégués du parti désignés par le bureau politique pour chaque session du conseil.

Le président de la République peut, sur proposition du Ministre de l'éducation Nationale, nommer cinq autres membres au maximum.

Article 6.

Les fonctions de Président et de Vice-président du Conseil d'administration sont remplies respectivement par le Ministre de l'éducation Nationale et par le Recteur.125

L'ordonnance loi n° 72-002 du 1é janvier 1972 modifia cette composition. Dans son article 2.

« Le Conseil d'administration comprend :

1) Le Recteur

2) Le Pro-Recteur de l'Université Nationale

3) Le Secrétaire Générale de l'Education Nationale

4) Les Vice-recteurs des Campus Universitaires

5) Le Président du Conseil général des Instituts Supérieurs pédagogiques

6) Le Président du Conseil général des Instituts Supérieurs techniques

7) Le Président de l'Office National de la Recherche et du Développement

8) Deux délégués du Parti désignés par le bureau politique

125 Moniteur congolais n° 20 du 15-10-1971, p. 929

9) Eventuellement des membres « étrangers » nommés par le Président de la République, sur proposition du ministre de l'Education Nationale, pour un terme de cinq ans renouvelable.

Le nombre de ces membres ne peut excéder cinq.

Les fonctions de Président et de vice-président du Conseil d'administration sont remplies respectivement par le Recteur et le Pro-Recteur. Si le ministre de l'Education Nationale assiste aux séances du Conseil d'administration il en est de plein droit le Président.126

Après une autre modification par l'ordonnance loi 74-022 du 12 janvier 1974, la présidence du Conseil d'administration n'était plus l'apanage du recteur, qui perdit de son pouvoir, au profit des membres du MPR :

« Article 6.

Le conseil d'administration comprend :

1) Trois délégués du MPR nominés par le Président de la République par voie d'ordonnance.

2) Le Recteur et le Pro-Recteur de l'UNAZA.

3) Le Directeur Générale de l'Education nationale.

4) Les présidents du Conseil Générale des campus, des Instituts supérieurs pédagogiques et des Instituts supérieurs techniques.

5) Le Directeur Générale de l'Office nationale de la Recherche et du Développement.

6) Eventuellement, des membres nommés par le Président de la République sur proposition du commissaire d'Etat à l'Education nationale, pour un terme de cinq ans, renouvelable ; le nombre de ces membres ne peut excéder 9.

Les fonctions de Président et de vice-président du Conseil d'administration sont remplies par deux délégués du MPR.127

L'on assiste ainsi à une baisse des critères de sélection des autorités académiques car désormais le choix du Président prime sur les compétences. Il faut savoir que le pouvoir du président est grand dans le conseil d'administration, car la loi stipule que « Les décisions sont prises à la majorité absolue des voix des membres présents. En

126 Journal officiel n° 3 du 1-2-1972, p. 69.

127 UNAZA, Op. Cit., p.22 : Article 6.

cas de partage des voix, celle du président de séance est prépondérante »128. Même au niveau des campus dés le départ, il y a ce laxisme profond, pour exemple, la fonction de vice-recteur à l'UNAZA qui pouvait être exercé par toute personne ayant un « diplôme d'un niveau au moins égal à la licence » pourvu qu'il ait été nommé par le Président de la République129. Il n'était pas nécessaire d'être un professeur pour devenir vice-recteur. Or le rôle de vice recteur était extrêmement important dans les campus, car c'est eux qui dirigeaient les comités directeurs des campus130; ils assuraient également la direction générale de l'université, convoquaient et présidaient avec voix délibérative les conseils de faculté et enfin assistaient, avec voix délibérative, aux jurys d'examen131.

A coté de cela, la réalisation des grands objectifs affichés de la réforme se heurtait au manque de financement adéquat ; Mgr Tshibangu, recteur de l'UNAZA, parlant des écueils rencontrés par la réforme, cite le budget constamment insuffisant qui était « toujours inférieur aux prévisions soumises au Législateur » et « l'irrégularité dans son octroi, [qui] rendait impossible une gestion rigoureuse ». A cela s'ajoutait une place totalement insuffisante pour les subventions scientifiques « 80% du budget allaient à la rémunération et à la restauration »132. Les laboratoires et les bibliothèques ne fonctionnaient pour une bonne part que grâce aux accords de coopération.

Un autre problème de taille était la « lourdeur [...] et [la] lenteur [...] administrative [...] compte tenu de l'éloignement de nombreux établissements de l'UNAZA disséminés à travers tout le pays »133. Cela conduisait au blocage des initiatives locales. Dans ce système, les propositions de ceux qui travaillaient sur le terrain et qui auraient pu mieux cerner les difficultés rencontrées étaient rejetées pour privilégier les

128 Moniteur congolais n° 20 du 15-10-1971, p. 930 129Idem, p. 931 : Article 19.

130Le comité directeur était l'organe principal des campus universitaires. Il avait comme attributions, selon l'article 14 : 1°. Il arrête le règlement d'ordre intérieur du campus universitaire... ; 2°. Il détermine, après avis des facultés ou départements intéressés, le nombre d'heures de cours que comporte l'enseignement de chaque matière ; 3°. Il fixe, après avis de l'intéressé, le nombre d'heures de cours qu'un membre du personnel enseignant à temps plein peut assurer au-delà de la durée minimum légale du service des membres de ce personnel ; 4°. Il établit le calendrier de l'année académique et, après avis des facultés ou des départements, selon le, l'horaire des cours et le calendrier des examens et des délibérations ; 5°. Il décide, dans la limite des crédits budgétaires, des travaux d'entretien des bâtiments du campus universitaires.

131UNAZA, Op. Cit., p. 26 : Article 20.

132TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., pp. 31-32. L'exemple qu'il nous donne est édifiant : En 1979-1980 : 90.000.000.00 Zaïres sont prévus pour la restauration, contre 500.000.00 Zaïres pour les bibliothèques de l'ensemble de l'UNAZA.

133Idem p.31.

décisions des responsables qui se trouvaient à des milieux de kilomètres de distance et n'avaient peut- être pas un aperçu global des réalités du terrain134. Le président de la République lui-même admet qu'une certaine « lourdeur de gestion au niveau du rectorat a parfois paralysé bien des choses »135.

Pour finir, l'un des problèmes le plus important était un conflit d'autorité et de compétence entre le rectorat, les instances du MPR et le Ministère de tutelle ou le président du conseil d'administration. Certaines décisions importantes pouvaient être prises, puis annulées parce que ne correspondant pas à la volonté de certains décideurs politiques haut placés136.

Du point de vue des infrastructures, à cause du « non établissement d'un grand projet d'ensemble [...] d'extension et de développement de l'Université »137, l'université qui n'avait pas appliqué de politique d'expansion des bâtiments dut remettre en cause sa capacité d'accueil, qui devenait insuffisante face à l'afflux toujours plus nombreux d'étudiants et cela dans les trois campus.

Cette réforme, comme l'on peut le voir n'a pas atteint ses objectifs, c'est même plutôt le contraire qui s'est produit. Les universités qui, en 1965, au-delà de tout ce qu'elles pouvaient rencontrer comme difficultés, avaient des politiques d'expansion pour une meilleure capacité d'accueil138, se trouvèrent, confrontées à une stagnation qui a entraîné une incapacité à contenir tous les étudiants et à les faire étudier dans des conditions acceptables. Le président Mobutu le reconnaît en affirmant que « l'insuffisance des structures d'accueil risque de compromettre la qualité de l'enseignement »139.

134NGUB'SIM, R., Pour la refondation de l'université de Kinshasa et du Congo : Faut-il recréer Lovanium ?, Paris, L'Harmattan, 2010, p. 190 : La masse de circulaire émanant du rectorat et du ministère allant jusqu'aux détails de la gestion quotidienne, témoignait justement de cette illusion bureaucratique, avec le double danger d'une standardisation artificielle du fonctionnement de tous les établissements pour les besoins de l'administration centrale et d'un penchant à donner des solutions formelles et stéréotypées au détriment des solutions spécifiques, fruit de l'imagination créatrice des acteurs de terrain.

135MOBUTU Sese Seko, Discours, allocutions et messages : 1976-1981, tome 2 (1979-1981), Kinshasa, Bureau du président, p. 154.

136 Idem, p.191: ...les évaluations de sélection de février, qui permettaient de se débarrasser des étudiants faibles, instaurées par le Rectorat, ont... finalement [été] supprimés sur ordre du conseil révolutionnaire.

137TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 32

138NGUB'USIM, R., Op. Cit., p.191 : des constructions qui avaient cours à l'ULC et qui prévoyaient 12 homes et divers complexes avec piscine universitaire, ainsi que la construction d'un restaurant universitaire à l'UOC, et des constructions prévue à Lovanium (construction d'une faculté de pharmacie, d'un home 40) furent arrêtés avec l'arrivée de l'UNAZA.

139TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 153

La trop grande centralisation a également empêché l'Université de fonctionner de manière réellement efficace. Face à cette crise, une autre réforme s'imposait pour corriger le tir. Elle intervint en 1981, soit dix ans après la première grande réforme de l'enseignement universitaire.

B. Réforme de 1981

Les forces en présence étant d'accord sur le fait que la réforme de 1971 avait mené à une impasse et qu'il était essentiel de trouver des solutions, la Décision d'Etat n°09/CC/81 du 1er juin 1981 a essayé de corriger le problème de la trop grande centralisation dont les résultats n'ont pas été satisfaisants, en proposant une certaine décentralisation et une autonomie de gestion plus grande pour les différents établissements.

Ainsi, l'UNAZA fut scindée en trois universités d'Etat, à savoir: l'Université de Kinshasa (UNIKIN), l'Université de Kisangani (UNIKIS) et l'Université de Lubumbashi (UNILU). Chacune de ces universités était dotée par la réforme « d'une personnalité juridique et gérée de manière autonome » par le Conseil de l'Université, lui-même dirigé par un recteur. Mais cette « autonomie de gestion» se fait sous la supervision d'un Conseil d'administration commun à toutes les trois universités. A ce niveau, le conseil d'administration était lui-même sous le contrôle supérieur d'un conseil de tutelle140. La raideur administrative que l'on avait déplorée sous la première reforme, et qu'il avait fallu combattre, était toujours présente car là encore, chacun des établissements n'a toujours pas la liberté totale de définir sa politique compte tenu des réalités rencontrées sur le terrain. La centralisation est toujours d'actualité, ce qui fait dire au professeur Ngub'usim que « la réforme de 1981 n'était [...] à plusieurs égards, qu'une restructuration de façade »141 de l'UNAZA, avec toujours à sa tête Mgr Tshibangu, ancien recteur, devenu le président du Conseil d'administration des Universités.

Dans le nouveau système, l'Etat garde toujours son pouvoir de décision et de pression sur les Universités, car c'est à elle que revient le pouvoir de nommer les autorités en présence. L'article 14 de l'ordonnance n°081-142 du 3 octobre 1981 précisait que « le recteur est nommé par le président de la République, [...] parmi les membres du personnel académique ayant rang de professeur ordinaire ». Il faut souligner que dans le nouveau système, le recteur de l'Université peut être comparé au vice-recteur de l'ancien système. On pourrait donc se réjouir du fait que désormais, c'est parmi les

140 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p.143-144 : les instituts supérieurs Pédagogiques, et les instituts supérieurs techniques, possédaient aussi leurs conseils d'administration. Ce sont ces trois conseils d'administration qui se retrouvait sous le contrôle du département de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique.

141NGUB'USIM, R., Op. Cit., p.197

professeurs que l'on retrouve les dirigeants de l'université. Mais l'article précise plus bas que « sans égard aux dispositions de l'alinéa précédent, le Président de la République [pouvait] nommer Recteur tout Zaïrois jugé digne et compétent »142. Il y a donc une régression par rapport à l'ancienne législation. Car, auparavant, légalement du moins, le vice-recteur devait au moins avoir un diplôme de licence. Ici la compétence n'est même plus un critère de sélection des responsables de l'université.

Dans le même temps les problèmes de financement de l'Université persistent et s'aggravent même car l'Etat, principal bailleur de fond de l'enseignement, n'a plus du tout les moyens de sa politique.

A partir de 1975, l'Etat zaïrois traverse une crise économique profonde dû à une mauvaise gestion du pays143. L'Etat, pour survivre et sortir de la crise, se met sous la tutelle des organes de financement internationaux, qui l'astreignent à des mesures drastiques. Il se trouve contraint, pour recevoir cette aide, de faire des coupes importantes dans certains secteurs sociaux. La baisse du budget alloué au secteur de l'éducation en fait partie. Si au départ l'insuffisance du budget du système universitaire est définie comme résultant du désir du pouvoir de mettre les universités à genoux afin de briser la contestation, à ce moment de l'histoire, l'Etat n'a réellement plus les moyens d'investir dans le système éducatif, et donc d'atteindre les objectifs qui sont assignés aux universités.

En 1984, la table ronde sur l'Etat et l'avenir de l'ESU admet qu'il existe « une inadéquation entre, d'une part, les objectifs et les grandes orientations politiques de la Réforme de 1981et d'autre part, les moyens mis en oeuvre pour atteindre ces objectifs et par conséquent, pour réussir la Réforme, moyens qui sont insuffisants, étant donné notamment que leurs prévisions ne sont pas judicieusement articulées. » 144

Cette réforme n'arrive donc pas à réparer les lacunes existant dans l'Université et la dérive du système continue.

142 TSHUND'OLELA, G., « Pour une (re)définition des libertés académiques en République démocratique du Congo » dans Universités et libertés académiques en République démocratique du Congo, Dakar, CODESRIA, 2005, p.114

143NDAYWEL, I., Histoire générale du Congo. De l'héritage ancien à la République Démocratique du Congo, Paris-Bruxelles, Duculot, 1998, pp. : Le Congo connu une certaine croissance à ses débuts grâce à une politique assez heureuse, il y eu la renégociation du contentieux belgo congolais, la réforme monétaire de 1967, et la promulgation en 1969 d'un nouveau code d'investissement. En 1973 eu lieu la zaïrianisation qui donna de nombreuses entreprises à des membres du gouvernement qui ne surent les gérer, cela constitua l'une des premières raisons de la crise.

144 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 125

C. La formation durant cette période.

Dès le départ, les législateurs sont clairs, sur le fait qu'il faut discipliner les étudiants qui n'ont « pas conscience de leur rôle vis-à-vis de la Nation [...] [et] se considèrent uniquement comme des ayant-droits et des techniciens devant voir les choses de haut et se cantonner dans la critique destructive et stérile alors qu'il doivent être des militants »145. Pour les autorités, c'est cette inconscience qui explique les grèves, les marches et les protestations qui ont, depuis un certain temps, ponctué la vie universitaire. En même temps, il faut revoir l'enseignement qui leur est dispensé car c'est un « enseignement étranger ».

Pour arriver donc à conscientiser les étudiants, un accent particulier est mis sur la formation idéologique à l'UNAZA. L'enseignement est utilisé comme instrument pour promouvoir l'idéologie nationale. Cet extrait tiré du rapport du congrès des professeurs de juillet 1971 qui concrétisa les points marquant de la réforme, pourra étayer nos propos :

« Dans le but de cultiver le sens civique des étudiants congolais, il est à recommander d'organiser un cours obligatoire sur le Manifeste de la N'sele à partir de la 1ère année du Cycle d'enseignement supérieur ou universitaire ; toutefois, dans le but de prévenir des interprétations déviationnistes et tendancieuses du Manifeste de la N'sele, il est demandé que le Bureau Politique du Parti mette sur pied une Commission d'experts chargée de concevoir ce cours.

Le contenu de ce cours porterait sur la philosophie du Nationalisme congolais authentique dont parmi les éléments essentiels il conviendrait de citer :

a. L'exaltation des valeurs et de l'entité nationales ;

b. Le maintien de l'intégrité territoriale et de sa souveraineté nationale ;

c. L'affirmation de la grandeur de l'Etat et de la politique nationale ;

d. La maitrise et le contrôle des moyens matériels et humains du développement économique et social de la Nation ;

e. L'incorporation des diversités régionales dans l'entité nationale ;

f. La place du Congo dans l'Afrique et dans le monde.

Dans le cadre de cette analyse du Nationalisme congolais authentique contenu dans le
Manifeste de la N'sele, il serait fort indiqué de faire mieux connaître aux étudiants les

145Idem, p. 101

nombreuses réalisations à mettre au compte de cet effort de développement par le nationalisme (Bilan du Régime Mobutu 1965-1970).» 146

Ainsi, il fallait inculquer une culture civique forte aux étudiants. Un cours de « civisme et développement » fut programmé dans toutes les facultés. Dés 1973, ce cours, défini et contrôlé par le Bureau politique du parti unique, fut consacré à l'étude du mobutisme afin d'obtenir l'adhésion des étudiants aux idéaux du MPR147.

Au-delà de cette formation idéologique de plus en plus présente, ces réformes ne contribuèrent nullement, dans le milieu universitaire, au renouveau de l'enseignement qu'elles avaient promis et dont les universités avaient tant besoin. L'africanisation dont nous avons parlé au chapitre deux, ne devint qu'à moitié effective dans le nouveau système.

A moitié, car pour ce qui est des autorités académiques et du corps professoral, une africanisation eut réellement lieu au fur et à mesure. Des efforts ont été effectivement réalisés pour permettre d'augmenter le nombre des chercheurs et des professeurs nationaux, avec la création du BEPUZA. Cet organe offrait aux assistants et aux chefs de travaux, la possibilité d'avoir des bourses locales, pour pouvoir poursuivre leurs cursus académiques148.

Pour ce qui est du deuxième volet de l'africanisation par contre, force est de constater que malgré le fait que l'objectif principal de cette reforme de l'enseignement fût de renforcer cette prise en compte des besoins de la société149, cet objectif ne fut jamais atteint. Nous disions au deuxième chapitre que pour parler d'africanisation des cours, il fallait revisiter en profondeur tous les programmes de l'université en cherchant, en même temps, à identifier les besoins de la société. Ces recherches et ces restructurations demandent énormément d'implications de la part de tous les acteurs de l'université, mais aussi des moyens considérables, alors que ni l'UNAZA d'abord, puis ni les universités officielles congolaises ensuite, ne remplissaient les critères permettant une telle avancée.

Toutefois, on note une certaine volonté d'aller de l'avant. Car une certaine poussée a été donnée aux recherches avec la création, des PUZ en 1976150, pour

146 Idem, pp. 109--110

147 TSHUND'OLELA, G., Art. Cit., p.113.

148 NGUB'USIM, R., Op. Cit., p. 186

149 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 104 : « Il faut un lien constant entre l'enseignement d'une part et les structures et les besoins réels et profond de la société congolaise d'autre part. Ainsi l'Université doit s'associer à l'élaboration des programmes de développement du pays de façon qu'elle soit un instrument efficace de progrès. »

permettre la publication d'ouvrages scientifiques. D'autres centres de recherches universitaires ont été aussi créés en grand nombre : le CIEDOP, l'IRES, le CERP, le CERDAC, le CELTA, le CERUKI, le CCFPE, le CANDIP, le CEDAR, le CRIDE, le CEPAC, le CERPHA, le CECOMAS, le CEZEA, le CREM, le CRIDHAC. Un service de pédagogie universitaire est même créé. Il publiera un bulletin universitaire très apprécié dans les milieux académiques qui fournira de la documentation sur la pédagogie universitaire151.

Pourtant, toutes ces initiatives ne sont pas allées bien loin et n'ont pas rempli leurs fonctions correctement car le principal bailleur de fond, à savoir l'Etat, ne donnait pas les moyens aux universités pour appliquer des politiques de développement. Le budget accordé par l'Etat était constamment inférieur à celui proposé par les dirigeants de l'UNAZA pour sa croissance152. A ce niveau, l'université devait tenter de survivre et avait à faire face à une préoccupation beaucoup plus importante que celle de son africanisation : la baisse de son niveau d'enseignement.

Quand nous avons parlé de l'africanisation de l'enseignement, nous avons fustigé l'inadéquation qui existait durant la période coloniale, la première République et le début de la deuxième République, entre les études universitaires et leur finalité dans l'établissement universitaire qui était restée coloniale malgré l'indépendance. Force est toutefois de constater qu'au-delà de tous les reproches que l'on peut faire à l'université congolaise dans ses débuts, la majorité des acteurs, qui ont participé à sa création, ou aux différentes mutations qu'elle a subies, avaient à coeur de lui conserver un niveau universitaire respectable.

Nous l'avons dit au deuxième chapitre, si au début de Lovanium, on n'a pas voulu trop changer les programmes et si on les a gardés les plus semblables possible à ceux de la métropole, c'est parce qu'il ne fallait pas que les détracteurs accusent les dirigeants de vouloir baisser le niveau de l'enseignement. Plus tard, après

l'indépendance, le recteur Mgr Gillon explique que « pour conserver la qualitéacadémique de Lovanium, je veillais à maintenir, dans chaque programme, des cours
pour lesquels nous faisions appel à des professeurs visiteurs venus d'Europe, surtout

150 NGUB'USIM, R., Op. Cit., p.186

151 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p.29

152 NGUB'USIM, R., Op. Cit., p. 197 : Les dépenses de l'enseignement pour l'ESU tombèrent de 25% en 1970 à 7,38% en 1980.

des universités belges. Leur présence dans les jurys me donnait l'assurance du respect des exigences qui avaient valu à l'université sa bonne réputation ».153

Il en est de même de l'UOC, comme exemple, nous pouvons citer cet extrait de la note du Ministre de l`Education nationale et des affaires culturelles du Katanga lors de la sécession Mr Joseph Kiwele: « le but du gouvernement [...] fut de lui donner [à l'université] un caractère authentiquement africain [...]. Mais il fut aussi de lui préserver sa haute qualité scientifique et pédagogique, de lui donner les moyens non seulement de poursuivre ses activités, mais aussi de les intensifier et de les faire connaître dans les milieux scientifiques du monde entier »154. Comme on le voit, tout était mis en oeuvre tant par les autorités académiques que par les autorités gouvernementales compétentes pour préserver un certain niveau que l'on estimait devoir garder aux universités.

Avec les nouvelles réformes universitaires, l'on remarque que cet élitisme disparait peu à peu de l'Université, car cette dernière se trouve placée devant un défi qu'elle n'arrive pas à résoudre : réussir à garder un niveau suffisant avec des moyens tant matériels que financiers de plus en plus réduits.

A l'UNAZA d'abord puis dans les trois universités nationales ensuite, on assiste à une lente baisse du niveau universitaire.

D. Les causes de la baisse du niveau universitaire

Pour nous, trois causes principales peuvent être identifiées. Il s'agit d'abord des conditions déplorables auxquelles étaient soumis les enseignants. Ensuite vient la baisse de rigueur dans les critères de sélection des étudiants et enfin il y a le manque de moyens logistiques.

- La situation des professeurs est extrêmement difficile durant cette période, car leurs conditions de travail, au fil des ans, ne cesseront de se détériorer. Leur salaire devient de plus en plus dérisoire, parfois même, ils ne sont pas payés tous les mois155. L'Université s'est retrouvée dans des moments où c'est bénévolement que

153 GILLON, L. (Mgr), Servir en actes et en vérité, Kinshasa, C.R.P, 1995, p. 177 : La raison pour laquelle nous donnons cet exemple, est que même si nous ne sommes pas d'accord avec lui, force nous est de constater du moins que son argument est louable.

154 DIBWE, D. - NGANDU, M., « De l'Université Officielle du Congo-belge et du Ruanda-Urundi à l'Université de Lubumbashi : la mémoire d'un peuple » dans L'Université dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p. 149

155 TSHISHIMBI, E., « Politisation ethnicisation des libertés académiques sous la deuxième République au Congo-Kinshasa » dans Universités et libertés académiques en République Démocratique du Congo, Dakar, CODESRIA, 2005, p. 55 : « A partir de 1980, le professeur qui, touchait l'équivalent de plus ou moins 1000

les enseignants travaillent156. Cette situation aura des conséquences extrêmement fâcheuses sur la qualité de l'enseignement.

Tout d'abord, l'enseignant pour pouvoir vivre, devait trouver un emploi extrauniversitaire157. Cela implique donc une disponibilité moins grande pour le travail académique. Parfois lui-même n'avait pas le temps de venir travailler à l'université et abandonnait son cours à ses assistants, qui gère cela à leur entendement158.

Le professeur n'a plus le temps de se remettre à jour sur le plan scientifique car il a d'autres préoccupations que celle qui consiste à faire de la recherche. Cela implique, que l'on remarque que pour certains enseignants, malgré le progrès de la science, le contenu du cours ne change pas. A cette indisponibilité physique, s'ajoute une autre raison expliquant l'impossibilité d'assurer cette mise à jour, c'est le manque de supports scientifiques valables.

Le manque de rémunération des professeurs fait aussi que nombre d'entre eux se lancent dans une certaine forme de corruption, qui privilégie les étudiants fortunés au détriment des étudiants doués : la réussite aux examens étant assurée par l'achat d'un syllabus ou d'un TP et non par la compréhension de la matière enseignée et la réussite effective aux épreuves.

- Du coté des étudiants, le problème se pose tout d'abord au sujet des critères de sélection qui sont imposés par la réforme, désormais en lieu et place des examens d'entrée à l'université, les recrutements se feront en respectant un certain quota régional. Ce quota se définissait de la manière suivante « on attribuait à chaque province un quota d'admission à l'enseignement supérieur et universitaire proportionnel à son poids démographiques »159. Cela implique donc que si un

dollars, va toucher désormais moins de 100 dollars. Nombreux seront sans logement, sans transport. Ils devront faire face aux multiples aléas de la vie pour lesquels ils n'ont pas d'argent ».

156 NGUB'USIM, R., Op. Cit., p. 224 : Il s'agit de l'année académique 1992-1993 157TSHIBIMBI, E., Art. Cit., p. 56 : il parle d'« extra muros ».

158 MABIALA, P., « Les indicateurs de la permanence de la crise à l'Université » dans L'Université dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p.247 : l'absentéisme des professeurs entraine la négligence dans la transmission des connaissances. Des cours préparés sans concentration sont souvent transmis de façon décousue. Le professeur interrompt parfois brusquement son cours, se rappelant qu'il doit aller assister à une réunion de service en dehors de l'université. Les cours sont parfois confiés à des chefs de travaux ou à des assistants qui enseignent parfois des choses contradictoires.

159LUSAMBA, J., « La politisation de la gestion des ressources humaines dans l'enseignement supérieur et universitaire en République démocratique du Congo : cas du système de quota régional » dans Universités et libertés académiques en République Démocratique du Congo, Dakar, CODESRIA, 2005, p. 130

élément intéressant se trouve être l'un de ceux de trop d'une région dont le quota est atteint, on lui préfèrera l'incompétent de la région dont le quota n'est pas encore atteint ou plus simplement que certains élèves brillant venant de provinces dont le quota était atteint, se voyaient exclus au profit d'élèves médiocres venant des régions dont le quota n'était pas encore atteint.

La culture de l'excellence dans la sélection des étudiants n'est plus de mise, et à coté de cela, malgré la surpopulation des établissements, en 1982 l'arrêté ministériel du 5 juillet abrogea la condition d'avoir réussi aux examens de fin du secondaire avec au moins 60% pour pouvoir intégrer l'enseignement universitaire160. Cela baissa encore le niveau des universitaire d'un cran et entraina par la même occasion un gonflement de l'effectif des étudiants dans des universités qui, n'ayant ni amélioré ni agrandi leurs infrastructures n'avaient plus la capacité de les accueillir tous.

- Le manque d'infrastructures adaptées : en effet, on retrouva dans des auditoires prévus pour 100 places, parfois, jusqu'à 500 étudiants. Il en résulte des cours qui se donnent dans des conditions impossibles, avec des étudiants qui écrivent par terre et d'autres qui restent dehors. Cela ne favorise pas une compréhension réelle des matières enseignées. Beaucoup pour palier à cette carence de compréhension, on donc recourt soit à la corruption, facilité par les difficultés dans lesquelles se trouvent les professeurs, ou même à l'utilisation de mercenaires, pour faire les examens à leurs places.

A coté de cela, avec la suppression de certaines subsides, scientifiquement les universités ont du mal à se maintenir dans la course internationale à cause du manque d'infrastructures qui au fil du temps se sont de plus en plus détériorées, et ensuite à cause du manque de financement des bibliothèques universitaires, ou des laboratoires. L'un des reproches que Mgr Tshibangu fait à la réforme, est d'avoir emmené à l'insuffisance de l'infrastructure générale et des équipements scientifiques faute de budget. C'est grâce à des accords de coopération, que l'Université arrivait désormais difficilement à s'approvisionner en livres et à faire fonctionner ses bibliothèques. Cela emmène à une impossibilité pour les professeurs ou les étudiants d'avoir accès aux grands réseaux du savoir international161. L'incongruité du budget n'autorise plus à s'abonner à des revues

160 NGUBU'USIM, R., « Gestion et financement des universités congolaises: expérience de « sauvetage » et « partenariat » à l'Université de Kinshasa » dans Congo-Afrique, XXXXéme année-n°345, mai 2000, p.. 297

161 NDAYWEL, I., Op. Cit., p. 125 : Ces parole du recteur honoraire Musinde « L»Université de Lubumbashi, comme les autres universités congolaises, [...] s'est repliée sur elle même, faute de moyens financiers, elle ne peut plus rayonner ni entretenir une coopération interuniversitaire en partenaire responsable »

scientifiques ou à recevoir les derniers ouvrages. Les recherches en elles-mêmes deviennent impossibles, faute de documentation et cela se ressent dans les travaux scientifiques qui deviennent de plus en plus difficiles à réaliser162.

II. La question de la politique de l'enseignement universitaire à la Conférence Nationale Souveraine CNS (1991-1992)

Le sujet de la politique universitaire, fut longuement traité durant la CNS par la « Commission de l'éducation ». Cette commission fustigea la politisation à outrance qui avait cours dans le milieu éducatif. Un bilan des différentes réformes fut fait et

entre autres, il a été mis en exergue « la nomination, dans plusieurs cas de responsable médiocres à la tête des établissements, lesquels responsables n'ont eu pour principale préoccupation que de maintenir dans les établissements une soit disant paix sociale, dans l'optique de l'idéologie du MPR Parti-Etat »163 ou encore « l'instauration d'un système de quotas [...][qui] a souvent conduit à l'exclusion de meilleurs élèves au bénéfice de médiocres, entraînant, par conséquent, la non- maîtrise des inscriptions et un accroissement du taux de déperdition à tous les niveaux »164. La « commission de l'éducation » fustigea aussi « le manque d'impact de la formation sur le processus du développement national » et « la modicité des crédits alloués par l'Etat au système éducatif »165.

La CNS proposa des solutions pour remédier aux problèmes qu'elle avait trouvés. Des propositions qui selon nous méritent d'être considérées. Il s'agit entre autre, de l'intérêt de créer un Conseil Académique National qui sera « un organe consultatif d'harmonisation générale et de coordination des normes et principes académiques et scientifiques de l'enseignement supérieur national »166. Grâce à cet organe, l'Etat pourra organiser et contrôler le système éducatif. Ou encore la proposition de pourvoir chaque établissement de l'enseignement supérieur et universitaire d'un « Conseil d'administration ». Pour permettre de « doter chaque institut supérieur et chaque

162 MABIALA, P., Art. Cit., p. 246 : L'incapacité, pour certains professeurs, de fournir deux articles publiés pendant un délai de quatre ans ou un syllabus [...] est le signe manifeste d'une performance scientifique ou académique médiocre.

163 SABAKINU Kivilu - MPEYE Nyango, Education recherché scientifique et technologie au Zaïre : analyse et décisions de la Conférence Nationale Souveraine, Kinshasa, Bibliothèque Nationale du Zaïre, p. 11

164 Idem, pp. 11-12

165Idem, p.12
166Idem, p.70

université des structures administratives et dynamiques indispensables à leur rapide développement »167.

Pour arriver à ce renouveau, la CNS conseillait à l'Etat de mettre dans le système éducatif les moyens qu'il faut, pour pouvoir alors accomplir les réformes et le suivit dont les universités ont besoin pour leur développement. Afin de permettre une meilleure gestion de ce dossier, elle proposa de créer « une Commission d'Etude Permanente du Financement de l'Education auprès du gouvernement. Elle serait chargée en toute autonomie de la préparation d'un plan général de financement des institutions d'éducation, des études et projets nécessaires à la définition des budgets annuels, des modalités de leur emploi et de l'évaluation de leurs effets, des dossiers techniques préparatoires à des négociations avec des partenaires nationaux et étrangers»168.

Ces propositions restèrent lettre morte, et même si une année après la fin de la CNS une nouvelle réforme fut mise en application, elle ne pris pas en considération les revendications de la « Commission de l'éducation ».

III. La libéralisation de 1993

Comme on le voit, l'Université d'Etat se trouve confrontée à une crise majeure et pour trouver des palliatifs à cela, les particuliers vont se mettre dans la danse. C'est le début de l'épopée des universités et des instituts privés qui prennent tous ceux qui ne peuvent être pris dans des établissements publics d'enseignement supérieur et universitaire officiels. En 1987, l'on comptait au moins 200 de ce genre d'établissement répandus à travers tout le pays et l'on y retrouvait à peu près 30.000 étudiants dans tout le pays169.

Face à ces micros instituts qu'il ne peut contrôler et qui, pour la plupart, fonctionnent en dehors de toutes les normes académiques, l'Etat en 1986 va réaffirmer dans la décision d'Etat n°44/CC/86 du 11avril 1986 son monopole dans l'organisation de l'enseignement universitaire « la création d'un établissement d'Enseignement Supérieur ou Universitaire reste le monopole de l'Etat ». Il exigera la fermeture de ces micros universités, jugées illégales170.

167 Idem, p.69

168 Idem, p. 60.

169NGUB'USIM, R., Op. Cit., p. 201: il s'agit des résultats d'une enquête du ministère de l'enseignement supérieur et université et de la recherche scientifique

170 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p.150

Certes, il était précisé que la gestion des dits établissements pouvait être conviée aux privés, personnes physiques ou morales qui pouvaient « apporter la preuve qu'ils [disposaient] de moyens suffisants et présenter des garanties de moralité, d'honnêteté et de crédibilité », mais l'Etat ne voulait pas abandonner sa prérogative. Pourtant comme nous l'avons dit plus haut, elle n'arrêta pas de diminuer le budget alloué à l'enseignement et au fil des ans, la crise de l'Université d'Etat alla en s'accentuant en montrant chaque jour un peu plus les limites du système.

Devant ce naufrage, l'Etat tentera de revoir ses positions trop stricte pour trouver d'autres voies de sorties à la crise. C'est ainsi que lors de la 17éme session ordinaire du Comité Central du Parti, une décision importante fut prise pour tenter un énième sauvetage de l'enseignement supérieur et universitaire. La décision d'Etat n°75/CC/89 du 29 avril 1989 qui modifiait la décision de 1986. Désormais « les particuliers, personnes physiques ou morales [...] [pouvaient] [...] créer des établissements d'Enseignement Supérieur et Universitaire »171. L'Etat décidait donc qu'il reconnaitrait le droit d'exister aux différents établissements universitaires qui existaient déjà, pour peu que ces derniers respectent les conditions qu'il poserait à travers une Loi-cadre sur l'enseignement national.

Pour arriver à trouver les modalités acceptables à l'effectivité de cette mesure, une Commission Nationale fut créée sous la direction du Commissaire d'Etat à l'Enseignement supérieur et Universitaires et à la recherche scientifique, M Lombeya Bosongo pour mettre sur pied des combinaisons convenables. Il fallait « tracer les lignes directrices d'une action qui [rendrait les] exigences concrètes, réelles pour le profit de la jeunesse et de la Nation »172. Cette commission se réunit du 1er au 5 juin 1989 à la N'sele.

Au bout du compte, une nouvelle structure fut donnée à l'ESU. Elle comprenait un département de tutelle confié au commissariat d'Etat de l'ESU, un CAS universitaire, ainsi qu'une chancellerie des universités et enfin des conseils d'administration des établissements.

Les conseils d'administration des universités étaient décentralisés, et avaient tous les pouvoirs en matière de fonctionnement académique, de fonctionnement financier et de fonctionnement administratif de leurs établissements. La chancellerie de l'université devait s'assurer que les normes académiques et scientifiques étaient respectées dans les différents établissements et en faire rapport au département de tutelle173. Cette

171 Idem, p. 152

172 Idem, p.154

173 Idem, p.159

libéralisation de l'enseignement, fut officiellement promulguée durant l'année 1993, avec pour objectif, l'accroissement du nombre d'établissements d'enseignement supérieur, mais aussi la création d'une certaine compétitivité qui devait être bénéfique à l'enseignement universitaire. Cela ne résolut qu'une partie du problème, car dans les Universités d'État les mêmes problèmes continuaient à se poser et le contrôle effectif de l'État sur ces nouveaux établissements ne fut pas toujours effectif174.

174Ici encore c'est un problème de moyen, l'Etat n'a pas les moyens de contrôler effectivement tous ces établissements.

Conclusion

Les relations entre l'État et l'université, comme nous l'avons vu, n'ont pas cessé de bouger et ont été très dynamiques : extrêmement présentes au début de l'Université, elles devinrent ensuite moins contraignantes avant de devenir totalement autoritaires et destructrices. Ces différents rapports ont été d'une importance capitale, dans les nombreuses orientations que l'enseignement universitaire a prises tout au long de son histoire.

La tendance paternaliste des débuts à l'époque de la colonisation belge, reste présente même après la colonisation, au moment de l'indépendance et de la première République, parce que l'État a laissé à ce secteur une grande liberté de manoeuvre et de gestion. Avec l'avènement de la deuxième République et surtout de la dictature du général Mobutu, les choses changent. L'Université qui était restée une oasis de liberté sera mise sous la coupe du gouvernement, ce qui la rendra totalement dépendante de lui. Cette situation aura, entre autres, pour conséquences, la baisse du niveau scientifique et son orientation résolument idéologiste.

A travers ce travail, nous avons pu suivre les nombreuses réformes qui ont matérialisé cette volonté évidente de mettre à genoux le système universitaire et qui ont entrainé à la longue sa déstructuration.

Pour conclure, dans ce travail nous pouvons dire qu'il apparait clairement que la majorité des problèmes dont souffre notre université aujourd'hui, résultent du rapport clairement conflictuel entre l'Etat et l'université, de la trop grande ingérence du pouvoir organisateur dans les affaires universitaires.

Face à la dérive que connait l'enseignement universitaire, déjà à partir des réformes désastreuses des années 70-80, de nombreuses solutions ont été cherchées et souvent proposées, mais il apparait que pour la plus grande majorité, toutes ces propositions sont restées lettre morte, faute la plupart du temps, d'une volonté réelle du pouvoir de changer un système qui l'arrangeait ou parfois simplement par manque de moyens financiers conséquents. Pourtant, ces propositions souvent très pertinentes, auraient permis une amélioration notoire du système éducatif en général et du système universitaire par la même occasion.

La Conférence Nationale Souveraine avait proposé de nombreuses voies de sortie permettant à l'Etat et à l'Université de trouver des points d'équilibre, des tangentes où l'Etat tout en gardant son rôle de gardien laisserait aux universités une grande liberté. En effet, si l'exemple de la période de la concentration des pouvoirs a montré ses limites, il apparait tout aussi évident que le système qui avait cours avant, des

débuts jusqu'aux réformes, n'était pas le meilleur non plus. L'ingérence de l'État est nécessaire car elle permet d'éviter de nombreuses dérives au sein des institutions, toutefois, elle doit être dosée et ne pas être omniprésente

C'est ainsi que nous formulons les recommandations suivantes à l'Etat et aux Universités pour un meilleur fonctionnement des nos institutions universitaires :

Comme cela a été fait lors de la période coloniale, l'État devrait avoir son mot à dire sur l'orientation générale que l'on devrait donner aux universités. C'est à l'État que revient, avec l'aide des personnalités compétentes, d'instituer une réforme réelle de l'enseignement qui pourrait enfin emmener à cette africanisation de la société que l'on recherche et au développement effectif du pays, car le problème de la formation des étudiants se pose aujourd'hui encore avec une grande actualité.

Avec la prolifération des établissements universitaires, depuis la réforme de 1993, l'État a plus que jamais le devoir de s'assurer que ces institutions, mettent réellement en pratique la politique qu'elle entend faire respecter, tout en tenant compte de la liberté qu'il convient de laisser aux différents établissements universitaires pour leur permettre de se développer hors du carcan destructeur d'une certaine idéologie trop stricte.

A coté de cela il serait bon de privilégier pour le choix des dirigeants des organes de direction, des critères basé sur les mérites et les compétences réelles, pour un niveau plus inférieur, comme les facultés et les départements cela devrait se faire en choisissant de manière interne. Mais pour le rectorat de l'université, le conseil d'administration de l'université pourrait proposer aux autorités compétentes, une liste restreinte de noms parmi lesquels ces derniers choisiraient un candidat, il s'entend que je parle ici des universités publiques.

Pour arriver à ce renouveau, l'État devrait mettre dans le système éducatif les moyens qu'il faut, pour pouvoir accomplir les réformes et le suivit dont les universités ont besoin pour leur renouveau. Cet investissement serait important, car il permettra de garantir à notre pays un meilleur avenir.

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III. Travaux inédits

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KUYIYA, Makiona, L'UNAZA face au devenir socio professionnel de l'étudiant, Mémoire de licence en SPA, UNILU, 1979-1980, 117 p.

Tables des matières

Dédicace 1

Avant-propos 2

Sigles et abréviations 4

Introduction 7

I. Intérêt du sujet 7

II. Problématique 7

III. Méthode 8

IV. Délimitation du sujet 8

V. Revue de la littérature 9

VI. Division du travail 11

CHAPITRE I : Les débuts de l'enseignement universitaire au Congo 12

I. Le système scolaire au Congo Belge 13

A. Pas d'élites pas d'ennuis 14

B. La réforme de 1948 16

C. L'enseignement supérieur pour indigènes 17

II. Premiers jalons pour un enseignement universitaire pour indigènes au Congo 19

A. Les études universitaires pour Congolais 20

B. Quels universitaires ? 25
CHAPITRE II : La politique de l'enseignement universitaire au Congo (1954-1971) 27

I. L'Université avant l'indépendance (1954 - 1960) 27

II. Le temps de l'autonomie 31

A. L'Université de Kisangani et les instituts supérieurs techniques 31

B. L'africanisation de l'enseignement 32

C. L'Etat et l'université 36

D. La rupture 41
CHAPITRE III : La politique de l'enseignement universitaire au Congo. (1971 - 1993)

47

I. Les premières grandes réformes (1971-1981) 47

A. Réforme de 1971 49

B. Réforme de 1981 57

C. La formation durant cette période. 59

D. Les causes de la baisse du niveau universitaire 62

II. La question de la politique de l'enseignement universitaire à la Conférence

Nationale Souveraine CNS (1991-1992) 65

III. La libéralisation de 1993 66

Conclusion 69

Bibliographie 71

I. Publications officielles 71

II. Travaux édités 71

A. Ouvrages 71

B. Articles 74

III. Travaux inédits 76

Tables des matières 77






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