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Politique de l'enseignement universitaire en République Démocratique du Congo (1947-1993)

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par Aurélie Maketa
Université de Kinshasa - Licence 2011
  

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C. La formation durant cette période.

Dès le départ, les législateurs sont clairs, sur le fait qu'il faut discipliner les étudiants qui n'ont « pas conscience de leur rôle vis-à-vis de la Nation [...] [et] se considèrent uniquement comme des ayant-droits et des techniciens devant voir les choses de haut et se cantonner dans la critique destructive et stérile alors qu'il doivent être des militants »145. Pour les autorités, c'est cette inconscience qui explique les grèves, les marches et les protestations qui ont, depuis un certain temps, ponctué la vie universitaire. En même temps, il faut revoir l'enseignement qui leur est dispensé car c'est un « enseignement étranger ».

Pour arriver donc à conscientiser les étudiants, un accent particulier est mis sur la formation idéologique à l'UNAZA. L'enseignement est utilisé comme instrument pour promouvoir l'idéologie nationale. Cet extrait tiré du rapport du congrès des professeurs de juillet 1971 qui concrétisa les points marquant de la réforme, pourra étayer nos propos :

« Dans le but de cultiver le sens civique des étudiants congolais, il est à recommander d'organiser un cours obligatoire sur le Manifeste de la N'sele à partir de la 1ère année du Cycle d'enseignement supérieur ou universitaire ; toutefois, dans le but de prévenir des interprétations déviationnistes et tendancieuses du Manifeste de la N'sele, il est demandé que le Bureau Politique du Parti mette sur pied une Commission d'experts chargée de concevoir ce cours.

Le contenu de ce cours porterait sur la philosophie du Nationalisme congolais authentique dont parmi les éléments essentiels il conviendrait de citer :

a. L'exaltation des valeurs et de l'entité nationales ;

b. Le maintien de l'intégrité territoriale et de sa souveraineté nationale ;

c. L'affirmation de la grandeur de l'Etat et de la politique nationale ;

d. La maitrise et le contrôle des moyens matériels et humains du développement économique et social de la Nation ;

e. L'incorporation des diversités régionales dans l'entité nationale ;

f. La place du Congo dans l'Afrique et dans le monde.

Dans le cadre de cette analyse du Nationalisme congolais authentique contenu dans le
Manifeste de la N'sele, il serait fort indiqué de faire mieux connaître aux étudiants les

145Idem, p. 101

nombreuses réalisations à mettre au compte de cet effort de développement par le nationalisme (Bilan du Régime Mobutu 1965-1970).» 146

Ainsi, il fallait inculquer une culture civique forte aux étudiants. Un cours de « civisme et développement » fut programmé dans toutes les facultés. Dés 1973, ce cours, défini et contrôlé par le Bureau politique du parti unique, fut consacré à l'étude du mobutisme afin d'obtenir l'adhésion des étudiants aux idéaux du MPR147.

Au-delà de cette formation idéologique de plus en plus présente, ces réformes ne contribuèrent nullement, dans le milieu universitaire, au renouveau de l'enseignement qu'elles avaient promis et dont les universités avaient tant besoin. L'africanisation dont nous avons parlé au chapitre deux, ne devint qu'à moitié effective dans le nouveau système.

A moitié, car pour ce qui est des autorités académiques et du corps professoral, une africanisation eut réellement lieu au fur et à mesure. Des efforts ont été effectivement réalisés pour permettre d'augmenter le nombre des chercheurs et des professeurs nationaux, avec la création du BEPUZA. Cet organe offrait aux assistants et aux chefs de travaux, la possibilité d'avoir des bourses locales, pour pouvoir poursuivre leurs cursus académiques148.

Pour ce qui est du deuxième volet de l'africanisation par contre, force est de constater que malgré le fait que l'objectif principal de cette reforme de l'enseignement fût de renforcer cette prise en compte des besoins de la société149, cet objectif ne fut jamais atteint. Nous disions au deuxième chapitre que pour parler d'africanisation des cours, il fallait revisiter en profondeur tous les programmes de l'université en cherchant, en même temps, à identifier les besoins de la société. Ces recherches et ces restructurations demandent énormément d'implications de la part de tous les acteurs de l'université, mais aussi des moyens considérables, alors que ni l'UNAZA d'abord, puis ni les universités officielles congolaises ensuite, ne remplissaient les critères permettant une telle avancée.

Toutefois, on note une certaine volonté d'aller de l'avant. Car une certaine poussée a été donnée aux recherches avec la création, des PUZ en 1976150, pour

146 Idem, pp. 109--110

147 TSHUND'OLELA, G., Art. Cit., p.113.

148 NGUB'USIM, R., Op. Cit., p. 186

149 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 104 : « Il faut un lien constant entre l'enseignement d'une part et les structures et les besoins réels et profond de la société congolaise d'autre part. Ainsi l'Université doit s'associer à l'élaboration des programmes de développement du pays de façon qu'elle soit un instrument efficace de progrès. »

permettre la publication d'ouvrages scientifiques. D'autres centres de recherches universitaires ont été aussi créés en grand nombre : le CIEDOP, l'IRES, le CERP, le CERDAC, le CELTA, le CERUKI, le CCFPE, le CANDIP, le CEDAR, le CRIDE, le CEPAC, le CERPHA, le CECOMAS, le CEZEA, le CREM, le CRIDHAC. Un service de pédagogie universitaire est même créé. Il publiera un bulletin universitaire très apprécié dans les milieux académiques qui fournira de la documentation sur la pédagogie universitaire151.

Pourtant, toutes ces initiatives ne sont pas allées bien loin et n'ont pas rempli leurs fonctions correctement car le principal bailleur de fond, à savoir l'Etat, ne donnait pas les moyens aux universités pour appliquer des politiques de développement. Le budget accordé par l'Etat était constamment inférieur à celui proposé par les dirigeants de l'UNAZA pour sa croissance152. A ce niveau, l'université devait tenter de survivre et avait à faire face à une préoccupation beaucoup plus importante que celle de son africanisation : la baisse de son niveau d'enseignement.

Quand nous avons parlé de l'africanisation de l'enseignement, nous avons fustigé l'inadéquation qui existait durant la période coloniale, la première République et le début de la deuxième République, entre les études universitaires et leur finalité dans l'établissement universitaire qui était restée coloniale malgré l'indépendance. Force est toutefois de constater qu'au-delà de tous les reproches que l'on peut faire à l'université congolaise dans ses débuts, la majorité des acteurs, qui ont participé à sa création, ou aux différentes mutations qu'elle a subies, avaient à coeur de lui conserver un niveau universitaire respectable.

Nous l'avons dit au deuxième chapitre, si au début de Lovanium, on n'a pas voulu trop changer les programmes et si on les a gardés les plus semblables possible à ceux de la métropole, c'est parce qu'il ne fallait pas que les détracteurs accusent les dirigeants de vouloir baisser le niveau de l'enseignement. Plus tard, après

l'indépendance, le recteur Mgr Gillon explique que « pour conserver la qualitéacadémique de Lovanium, je veillais à maintenir, dans chaque programme, des cours
pour lesquels nous faisions appel à des professeurs visiteurs venus d'Europe, surtout

150 NGUB'USIM, R., Op. Cit., p.186

151 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p.29

152 NGUB'USIM, R., Op. Cit., p. 197 : Les dépenses de l'enseignement pour l'ESU tombèrent de 25% en 1970 à 7,38% en 1980.

des universités belges. Leur présence dans les jurys me donnait l'assurance du respect des exigences qui avaient valu à l'université sa bonne réputation ».153

Il en est de même de l'UOC, comme exemple, nous pouvons citer cet extrait de la note du Ministre de l`Education nationale et des affaires culturelles du Katanga lors de la sécession Mr Joseph Kiwele: « le but du gouvernement [...] fut de lui donner [à l'université] un caractère authentiquement africain [...]. Mais il fut aussi de lui préserver sa haute qualité scientifique et pédagogique, de lui donner les moyens non seulement de poursuivre ses activités, mais aussi de les intensifier et de les faire connaître dans les milieux scientifiques du monde entier »154. Comme on le voit, tout était mis en oeuvre tant par les autorités académiques que par les autorités gouvernementales compétentes pour préserver un certain niveau que l'on estimait devoir garder aux universités.

Avec les nouvelles réformes universitaires, l'on remarque que cet élitisme disparait peu à peu de l'Université, car cette dernière se trouve placée devant un défi qu'elle n'arrive pas à résoudre : réussir à garder un niveau suffisant avec des moyens tant matériels que financiers de plus en plus réduits.

A l'UNAZA d'abord puis dans les trois universités nationales ensuite, on assiste à une lente baisse du niveau universitaire.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway