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Politique de l'enseignement universitaire en République Démocratique du Congo (1947-1993)

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par Aurélie Maketa
Université de Kinshasa - Licence 2011
  

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CHAPITRE II : La politique de l'enseignement
universitaire au Congo (1954-1971)

Si à ses débuts l'Etat belge exerçait un très grand contrôle sur ce secteur, après l'indépendance cela changea et c'est la grande autonomie des universités qui permit à la marque coloniale de continuer à s'exercer à l'université jusque vers l'année1969. Voilà pourquoi nous avons divisé ce chapitre en deux sections : la première traite de la période coloniale et la deuxième de la période postcoloniale.

Nous avons vu dans le premier chapitre toutes les attentes qu'avait engendrées l'instauration du degré universitaire et supérieur. Durant cette première période qui va des débuts de l'indépendance à la première réforme, l'accent est mis sur la formation d'une élite pour le pays. Mais pour les besoins de la colonisation cela se fait sous le contrôle de la métropole. Après l'indépendance, le manque de cadres congolais se fait sentir, car à ce moment de son histoire, le départ des Européens créa une sorte

de vide. Le pays manquait de techniciens formés, il fallait donc combler ce vide. D'oüla création de nombreux instituts supérieurs durant les années qui suivent l'indépendance.

I. L'Université avant l'indépendance (1954 - 1960)

Dans le premier chapitre, nous avons donné un aperçu de la politique scolaire qui régnait au Congo belge. Après l'avènement du C.U.L., la peur de créer une classe de contestataires était toujours présente dans le milieu colonial. Pour l'éviter, l'Etat exerça un contrôle très strict sur les universités naissantes, cela est vrai autant pour l'Université Officielle du Congo Belge et du Ruanda-Urundi qui était une université officielle que pour le C.U.L. qui était une université catholique.

Il ressort des grands débats qui ont eu lieu au début de la création des premières universités, que l'une des raisons pour laquelle la construction d'universités au Congo a été privilégiée au détriment du développement du système de bourses vers des universités européennes, était de permettre aux nouveaux établissements de rayonner sur le pays et de former des universitaires qui ne soient pas des hybrides culturels. Pour ses concepteurs au Congo « l'Université se devait de devenir un foyer de rayonnement culturel pour l'ensemble du Pays, un pôle de développement intellectuel ainsi qu'un centre de recherche scientifique et d'adaptation du savoir aux particularités locales. Elle ne devait pas se contenter de délivrer des diplômes, mais

devait étendre progressivement son influence sur toutes les couches de la population »39.

Ces objectifs étaient extrêmement difficiles à atteindre car ils se heurtaient à la réalité de la colonie, qui se caractérisait par un paternalisme extrêmement prononcé. Pour répondre aux objectifs qu'elle s'était assignés, à savoir : devenir une université africaine d'où naîtrait, petit à petit, une culture autochtone40, il était important d'avoir une culture universitaire en symbiose avec la culture locale. Cela ne pouvait se faire que par l'aide d'un programme universitaire qui devait tenir compte des réalités congolaises.

Cela ne se fit pourtant pas, les programmes de l'U.L41 et de l'U.O.C n'étant que des transpositions parfaites de ceux des universités métropolitaines dont elles étaient issues. Les universités congolaises, créées durant la période coloniale, pouvaient être assimilées à des universités belges construites sur le sol africain42.

A notre avis, deux facteurs étaient susceptibles d'expliquer une telle situation. D'une part il y avait la question de la légitimité des programmes qui expliquait qu'il soit conforme à celui de la métropole, et d'autre part celle de l'ingérence de l'Etat dans la création des programmes.

L'ouverture d'une université au Congo Belge était une expérience nouvelle pour la métropole tant dans le milieu catholique que public. Car jusqu'alors le domaine de l'éducation s'était cantonné aux niveaux inférieurs et professionnels. Comme nous l'avons vu dans le premier chapitre, les promoteurs avaient eu beaucoup de mal à faire accepter ce projet d'abord et à réussir à le concrétiser ensuite. Il ne voulait pas courir le risque de voir leurs projets compromis par une expérimentation dont ils doutaient de l'issue. Ils ne voulaient pas « tenter une expérience dont l'échec retarderait (...) l'essor de l'université »43. Ils ne voulaient pas tenter d'expérimentation hasardeuse. Les étudiants congolais ne devaient pas servir de cobaye. Ils voulaient mettre le plus de chance de leur côté pour la réussite de leurs projets en se maintenant sur un terrain qui ne leur était pas inconnu : l'université de Louvain ainsi que les universités qui parrainaient l'UOC avaient, derrière elles, des siècles de tradition universitaire. Il était

39 Chapitre I, pp. 25-26

40 LACROIX, B., Pouvoirs et structures de l'Université Lovanium, Bruxelles, Cahiers de CEDAF n°2-3, 1972, p 47.

41 MALENGREAU, G., L'université Lovanium. Des origines lointaines à 1960, Kinshasa, Editions universitaires africaines, 2008, p. 180 : Le C.U.L était devenu l'Université Lovanium grâce à l'arrêté royal du 3 février 1956.

42 LACROIX, B., Op. Cit., p. 49 : Même si Lovanium délivrait des diplômes congolais, le programme était totalement belge.

43 MALENGREAU, G., Op. Cit., p. 48

donc préférable de jouer la carte de la sécurité plutôt que celle de l'innovation. Pareille option s'expliquait par le fait qu'afin de prouver la qualité de l'enseignement donné en son sein, l'université devait pouvoir accueillir, en plus des étudiants africains, des étudiants européens.

La conformité du diplôme de la colonie avec celui de la métropole était un moyen de les attirer, car, cela était avantageux pour les fils des coloniaux qui n'étaient plus obligés de retourner en Belgique pour parfaire leurs études. Ils pouvaient les faire au Congo belge et avoir la reconnaissance de leurs diplômes en Belgique. Par la même occasion, l'on pouvait attirer des professeurs et des chercheurs européens dans les universités congolaises.

Il faut dire que cette situation44 n'était pas nouvelle dans la colonie belge. Déjà pour l'enseignement secondaire au niveau des humanités, le programme des cours était recopié sur celui des humanités belges. Pour les concepteurs, il était entendu que ce serait aux Africains de donner une touche totalement africaine à tout cela45.

Un autre élément à prendre en compte est la crédibilité des étudiants. En effet, dans un univers aussi européocentrique que celui de la colonie belge, le programme ne devait pas être trop différent de celui de la métropole pour la valeur du diplôme en lui-même. Il ne faut pas oublier que la société coloniale belge était paternaliste et à tendance raciste. Les détracteurs auraient pu voir dans ces changements, une manière de rabaisser l'enseignement pour le ramener au niveau des Noirs. Les étudiants euxmêmes avaient conscience de cela et pour éviter que la valeur de leurs diplômes ne soit mise en cause, ils n'étaient pas d'accord avec des changements trop rigoureux. Le professeur Guy Malengreau explique que « si les programmes de l'Université Lovanium devaient être fort différents de ceux des universités belges, les Congolais (...), auraient accusé les organisateurs de l'enseignement universitaire au Congo de vouloir abaisser le niveau de cet enseignement, pour légitimer ensuite une discrimination de statut juridique et social séparé et différent entre les universitaires européens et les universitaires africains ».

44La transposition d'un programme métropolitain dans la colonie.

45 MALENGREAU, G., Op. Cit., p. 47 : il tire une citation d'une brochure paru en 1954 qui traitait de l'université Lovanium : Nous sommes incapables de donner aux africains une culture qui leur soit propre. Aussi longtemps que le Belgique aura en mains les destinées du Congo, il est assez normal qu'elle pratique à son égard une certaine politique d'intégration... s'il nous appartient d'apporter aux africains notre patrimoine culturel, son insertion dans leur milieu ne peut se faire que par eux. La culture universitaire de Lovanium ne pourra informer vraiment la mentalité, les moeurs et la vie congolaise que le jour où une partie au moins de ses professeurs et de ses savants seront eux mêmes des africains issues de la souche bantoue

Qui plus est, y aurait- il eu la moindre velléité de changement dans les universités, un autre problème de taille se serait posé ; Le contrôle exercé par l'Etat sur les programmes.

Pour ce qui est de l'ingérence de l'Etat dans la création des programmes, il convient de dire que pour l'U.O.C, il allait de soi qu'en tant qu'université officielle, l'Etat avait un droit de regard sur ses programmes de cours. Dans l'exposé des motifs précédent l'arrêté royal, le Ministre des Colonies, Auguste Buisseret, explique que pour son fonctionnement effectif, le nouvel institut universitaire devait être un établissement public décentralisé qui jouirait de la personnalité civile, cela afin qu'elle puisse avoir une grande liberté et une très large autonomie qui lui permettrait de mener à bien ses diverses tâches.

Toutefois, selon l'article 8 du chapitre I et l'article 16 du chapitre II du titre II de l'arrêté du 26 octobre 1955 portant « création et organisation d'une université officielle » à Elisabethville, c'est au Roi que revenait la nomination de tous les membres du conseil d'administration ainsi que celle du recteur.

Pour veiller à la bonne exécution des décrets et règlements sur l'enseignement, le ministre des colonies nommait un délégué permanent du gouvernement en Afrique et le roi nommait un commissaire du gouvernement auprès du conseil d'administration. Les deux pouvaient faire opposition à toute décision qu'ils estimaient contraire aux décrets et règlements de l'université. C'est le conseil d'administration qui décidait de toute question académique et administrative. Le ministre de la colonie avait toutefois le droit d'émettre son véto s'il n'était pas d'accord avec une proposition prise par le conseil d'administration.

En tant qu'établissement public, sa principale source financière était l'Etat. Le titre IV de l'arrêté portant sur les « ressources financières, le budget, l'inventaire des comptes et le bilan » dans son article 43 stipulait que pour que l'université accepte des libéralités offertes par un tiers, elle devait avoir l'approbation du ministère des colonies. Le budget et les comptes de l'Université étaient soumis à l'approbation du ministère des colonies

L'U.L était une université catholique depuis 195746. Elle avait été créée sous le parrainage de l'université belge de Louvain. Toutefois, à ses débuts, les promoteurs se retrouvèrent face à un problème de taille : le financement du nouvel établissement. Il fallait construire des bâtiments, acheter des équipements et payer les enseignants ainsi que le personnel administratif. L'université de Louvain n'avait pas les moyens de

46 GILLON, L (Mgr), Servir en actes et en vérité, Kinshasa, CRP, 1995, p. 123 : Lorsqu'une faculté de théologie fut crée à Lovanium en 1957, en même temps que la reconnaissance de cette faculté par le Saint siège qui était obligatoire, un décret romain conféra à Lovanium le statut d'Université Catholique le 25 avril 1957.

fournir tous les fonds nécessaires et les dons des particuliers ne pouvaient permettre de mener à terme une entreprise d'une telle envergure47. Ils se tournèrent donc vers l'Etat, qui avait toujours financé le système scolaire catholique. Et même là l'Etat accorda son aide.

Le 11 mars 1950, un accord fut conclut entre le conseil d'administration de Lovanium et le gouvernement du Congo-belge. Selon cette convention, l'Etat s'engageait à rétribuer à 100 % tout le personnel laïc et des 2/3 celui des missionnaires. Il interviendrait dans les frais de fonctionnement du nouvel établissement à raison de 50% pour l'entretien et le renouvellement de l'équipement didactique et de 75 % pour les dépenses socio- culturelles des étudiants. Tous les congés vers l'Europe des professeurs ainsi que les déplacements des étudiants jusqu'à l'université était pris en charge par l'Etat. Pour l'investissement des débuts, il supportait 70 % des dépenses agréées de construction d'immeubles, de fabrication ou d'achats de mobilier et d'équipement, tant pour le logement du personnel enseignant que pour les homes résidentiels des étudiants et pour les bâtiments facultaires48. En contrepartie, l'U.L devait soumettre tous ses programmes à l'agrégation du gouvernement qui pouvait en cas de désaccord opposer son véto49.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand