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Politique de l'enseignement universitaire en République Démocratique du Congo (1947-1993)

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par Aurélie Maketa
Université de Kinshasa - Licence 2011
  

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C. L'Etat et l'université

Après l'indépendance, le nouveau gouvernement congolais portait un grand intérêt à ces institutions universitaires dont proviendraient les cadres qui aideraient à construire et à créer le Congo nouveau. Nombre d'entre les dirigeants pensaient que le développement de l'éducation serait la clé du développement68. Le nouvel Etat n'avait cependant pas les moyens de s'occuper pleinement de ce secteur qui était en pleine expansion69. Certes, elle honorait ses engagements, mais l'Etat au prise avec de nombreuses difficultés, n'avait pas les moyens de soutenir les universités dans la même mesure où la métropole belge le faisait. Dès le début juillet 1960, soit un mois après l'indépendance, la machine administrative et financière congolaise connaissait

65 CURTIN, P.D., « Tendances récentes des recherches historiques africaines et contribution à l'histoire en générale » dans Histoire générale de l'Afrique I dirigé par Joseph Ki-Zerbo, Paris, UNESCO, 1980, p. 88

66 VERHAEGEN, B., Op. Cit., p. 28

67 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p. 178: Parfois des esprits qui se disaient éclairés reprochaient à Lovanium de ne pas tenir compte du fait même de l'indépendance du pays et de rester la copie conforme d'une université européenne... Mais en réalité, ces bons esprits confondaient deux choses : le maintient d'un niveau universitaire international, que j'entendais fermement protéger, et la propension à « copier » les universités européennes, que je ne pouvais approuver. Il fallait africaniser toujours davantage Lovanium, j'en étais convaincu, mais pas au prix d'une baisse de niveau.

68 BONGELI, E., Op. Cit., p. 94

69 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p. 183 : En effet le nombre de ceux qui voulaient s'inscrire, étaient de plus en plus élevé

quelques déboires dus à une mauvaise gestion politique du dossier politico-financier lors de la table ronde économique, qui eut lieu en Belgique du 26 avril au 26 mai 1960. Le nouvel Etat avait été spolié de certains de ses avoirs70. Par ailleurs, le gouvernement de la République du Congo se trouva au prise avec de nombreux problèmes politiques: la mutinerie de la Force publique le 5 juillet 1960, la sécession katangaise qui fut proclamée le 11 juillet 1960, celle du sud Kasaï qui fut proclamée le 8 août de la même année ; les problèmes de leadership entre le président Joseph KasaVubu et le premier ministre Patrice Emery Lumumba.

A ce niveau même si le gouvernement congolais s'intéresse beaucoup aux universités elle préférait laisser une certaine liberté à ces établissements71.

Pour garder une qualité de fonctionnement acceptable, les différentes universités en

présence, surtout celle non publiques72, devaient trouver de nouveaux moyens de

subsistance pour ne pas avoir à compter uniquement sur l'aide gouvernementale.

- Pour Lovanium, cela ne se fit pas sans difficultés. Pour arriver à assurer le commencement de l'année académique 1960-1961, Monseigneur Luc Gillon alla aux Etats-Unis pour solliciter l'aide de la Rockefeller Foundation et de la Ford Foundation qui lui octroyèrent 250 mille dollars américains chacun. Grâce à cette subvention, Lovanium put assurer la reprise des cours le 25 octobre de l'année 1960 et la survie de l'université pendant 6 mois73. Cela n'était qu'une solution intermédiaire. Le recteur tenta aussi de négocier avec les gouvernements congolais et belge pour obtenir une aide plus substantielle et plus permanente. Suite à ces tractations, en avril 1962, la « Fondation Université Lovanium » fut créée. Elle avait le statut d'institution de droit belge et était situé à Louvain. Elle procurait au personnel étranger, en plus du salaire qu'il recevait de l'Etat congolais, une prime d'assistance technique et l'ouverture d'un fond de pension en Belgique74.

70NDAYWELL, I., Histoire du Congo. Des origines à nos jours, Bruxelles-Kinshasa, Le Cri édition-Afrique Editions, 2010, p.178 : durant la conférence belgo congolaise, économique, financière et sociale, qui eu lieu en Belgique après la table ronde politique, les responsables congolais étaient absent, parce que occupée à préparés leurs campagnes électorales. La métropole s'était donc trouvé à la fois juge et partie dans la répartition des biens entre le Congo et la Belgique. Et en profita pour dépouiller le plus possible le Congo des avantages qui lui revenaient.

71 BONGELI, E., Op. Cit., p.95 : Le gouvernement ne s'opposa pas à la création de cette université mais il ne s'engagea pas (...) à y intervenir (...) sous forme de contrôle.

72 Pour l'UOC la situation était différente, d'abord sous la session katangaise et ensuite dans la République du Congo elle reçu les subsides de l'Etat qui la mettait dans de bonnes conditions. Dibwe & Ngandu pp. 148-149

73 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p.165

74 Idem, p180

- La nouvelle université de Kisangani, quant à elle, reçut de l'Etat au moment de sa création, des dons en nature, immeubles et bâtiment. Les frais qui servirent à sa fondation et à la rémunération du personnel enseignant provenaient, pour l'essentiel, de l'étranger75, même si au fil des ans l'Etat continua à participer financièrement et de façon de plus en plus élevée à son budget de fonctionnement.

Les universités ne dépendaient donc pas en majorité de l'Etat pour assurer leur survie. Elles pouvaient, de par ce fait, avoir une plus grande liberté de manoeuvre dans leur fonctionnement. Mais même quand c'était le cas, l'Etat congolais préférait laisser les pleins pouvoirs aux autorités académiques. Il y avait toujours des représentants du gouvernement dans les différents conseils d'administration, mais la situation était assez ambigüe, la majorité du corps enseignant venant de l'extérieur, l'université était gérée par eux.

Bernadette Lacroix rapporte le cas de l'U.L. Elle nous donne un aperçu de sa gestion après l'indépendance.

Le 10 juin 1960, le siège du conseil d'administration de l'Université Lovanium est transféré à Léopoldville au Congo et le 25 juin les nouveaux statuts de l'Université sont publiés. L'article 4 de ces statuts stipule que l'Université Lovanium serait administrée par un conseil d'administration et que désormais cet organe serait assisté par un conseil académique supérieur. Les pouvoirs de ce conseil étaient extrêmement étendus. Le conseil d'administration devait obligatoirement consulter le conseil académique supérieur pour toutes les questions qui touchaient à l'enseignement et la recherche à l'université. C'est lui qui proposait au conseil d'administration la nomination du recteur, du vice recteur, du personnel enseignant et scientifique. On avait besoin de son accord pour établir le règlement général de l'Université. Selon l'article 6 « tout amendement au statut devait recevoir l'approbation du conseil académique supérieur » 76.

Ce Conseil Académique Supérieur (C.A.S.) était composé du recteur de Lovanium, Mgr Gillon, du recteur de Louvain Mgr Waeyenbergh et d'au moins un représentant de chacune des facultés de Louvain qui correspondait aux facultés se trouvant à Lovanium.

En outre, le conseil d'administration était composé en plus de six évêques du Congo, du président du Sénat Joseph Iléo et de monsieur Albert Ndele, gouverneur de la banque nationale. Il était composé aussi du recteur de Lovanium ainsi que de celui de Louvain qui faisaient aussi parti du C.A.S. et qui pouvaient donc proposer des textes et

75 HULL, G., Université et Etat : l'UNAZA- Kisangani, Bruxelles, Cahiers du CEDAF, n°1-2, 1976, p. 9

76 LACROIX, B., Op. Cit., p. 48

les voter. Comme on peut le voir, le pouvoir des représentants de l'Etat est quasi inexistant, ce sont les décideurs de Louvain qui gèrent Lovanium.

L'ordonnance loi n ° 277 du 27 novembre 1963, donne plus de pouvoir au conseil d'administration et réduit par la même occasion les prérogatives du C.A.S77. Malgré cela, la même loi prévoit que le conseil d'administration de Lovanium soit tenu de faire tous les ans un rapport de ses activités au conseil d'administration de Louvain.

L'université Libre du Congo, nouvellement créée, se retrouve presque dans la même situation. Elle s'engageait à servir loyalement le gouvernement établi autant que ce dernier lui accordait une pleine liberté de foi, de pensée et d'expression, elle voulait bien accepter l'aide que l'Etat pourrait lui fournir, mais elle assurait qu'elle n'accepterait pas pour autant son ingérence dans ses affaires internes78.

Cette autonomie était vraie même pour l'université de Lubumbashi. En effet, sous la sécession katangaise, elle devint l'Université d'Etat d'Elisabethville. Comme l'Etat katangais tenait à lui préserver une qualité scientifique et pédagogique, il fallait non seulement lui donner les moyens de poursuivre et d'intensifier ses activités scientifiques, mais aussi de la faire connaître dans le monde entier79. Pour cela, elle a accepté de se faire parrainer par les Universités d'Etat de Gand et de Liège. Le conseil supérieur de l'Université du Katanga tel que désigné par le président Moïse Tshombe était composé de douze membres, dix d'entre eux étaient des Belges qui provenaient de ces deux universités et les deux autres membres étaient le ministre katangais de l'éducation nationale, Mathieu Kalenda, et le représentant du président du Katanga, Jean Paulus. L'Université d'Etat, bien que subventionnée par le gouvernement katangais, est laissée libre. Même si c'est l'Etat qui nomme le personnel académique, scientifique et technique pour s'assurer de leur loyauté.

Après la sécession katangaise lorsque l'Université d'Etat d'Elisabethville est redevenue l'UOC., cette liberté a été respectée. En 1968, la politique scientifique de l'université était définie par un Conseil Académique Supérieur, cet organe était présidé par le recteur et était composé essentiellement des professeurs, deux de chaque faculté.

77 Idem, p. 47 : Son accord n'était plus exigé pour la modification des statuts. Le conseil d'administration, après deux délibérations successives pouvait le faire ; désormais c'était le conseil d'administration qui nommait les membres du CAS exception faites des professeurs Waeyenbergh, Malengreau et Schueren.

78 HULL, G., Op. Cit, p. 9

79 DIBWE, D. - NGANDU, M., « De l'université officielle du Congo belge et du Ruanda-Urundi à l'Université de Lubumbashi : la mémoire d'un peuple » dans L'Université dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p149

Le Conseil d'Administration, où se retrouvait les représentants de l'Etat, s'occupait de définir la politique générale de l'université, à savoir :

- Contrôler la gestion financière de l'Université ;

- Arrêter le règlement organique ;

- Nommer le personnel scientifique et proposer les candidatures du personnel enseignant auprès des différents ministres80.

Durant la période qui va de 1960 à 1971, le milieu universitaire fut un oasis scientifique totalement indépendant d'une quelconque influence de l'Etat. Les universités définissaient elles-mêmes leurs orientations scientifiques et leurs programmes. C'est d'ailleurs cette autonomie et cette liberté qui lui ont été reprochées par les étudiants dans la suite.

A ce stade de l'évolution du climat du pays et des universités, l'on pourrait se poser la question de savoir qu'en est-il de la place donnée à l'africanisation par les dirigeants des universités congolaises? A vrai dire, cette problématique n'était plus vraiment d'actualité pour les trois universités du Congo.

Nous avons déjà vu que le personnel académique et scientifique, c'est- à- dire, les professeurs, les assistants et les chargés de cours, étaient composés en très grande majorité d'étrangers, européens et belges surtout. Après l'indépendance de la colonie belge en juin 1960, nombre d'entre eux qui avaient peur pour leur avenir, ont préféré retourner en Belgique.

A Lovanium, beaucoup de professeurs, pour pouvoir continuer à assurer leurs cours, voulaient avoir la garantie que si au Congo l'horizon s'assombrissait pour eux, ils pourraient avoir la possibilité de retourner dans leur pays pour y travailler. Pour les garder à Lovanium, le recteur Mgr Gillon avait négocié une entente avec l'Université catholique de Louvain. Elle stipulait qu'un professeur ordinaire qui aurait passées à Lovanium dix années académiques ou qui seraient expulsés du Congo pour cas de force majeure seraient repris à l'Université de Louvain81.

On peut donc comprendre qu'à Lovanium durant cette période où le recyclage pour la Belgique était une finalité en soi pour les enseignants, la reforme de l'enseignement universitaire au Congo pour africaniser les cours n'était plus d'actualité. Plus que jamais, il fallait s'en tenir à l'exemple de Louvain.

80 BILONDA, M., « L'université de Lubumbashi : de 1956 à nos jours » dans L'Université dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p52 : On retrouvait dans le conseil d'administration le ministre de l'enseignement supérieur, celui de la jeunesse et des sports ainsi que le directeur de l'enseignement supérieur au ministère de l'éducation nationale

81 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p. 176

Notons toutefois que l'africanisation des cadres se faisait petit à petit. Dans la faculté de théologie plus rapidement qu'ailleurs. Vers les années 1967, les premiers professeurs formés à Lovanium revinrent de l'étranger où ils étaient allés se spécialiser. Ils commencent à s'insérer petit à petit dans le décor académique. Même s'ils sont accueillis avec une certaine méfiance de la part de leurs collègues européens82.

Les concepteurs de l'Université Libre du Congo, pensaient pour leur part, que même si la façon d'enseigner et les matières enseignées devaient tenir compte des milieux culturel, économique, social et académique africains, le savoir, lui, était universel. Il n'existait pas de méthode africaine, pour enseigner les mathématiques ou les sciences83. A cause de cela, même si on constate qu'il y a beaucoup plus d'Africains dans son administration que dans les autres universités, les programmes sont d'inspiration étrangère, américaine surtout car l'on retrouve de nombreux professeurs américains. C'est cela qui fera dire au recteur Mollet, ce qui suit : « Les universités congolaises ne pourront réellement jouer (de) rôle essentiel que dans la mesure où elles jouiront, dans le domaine intellectuel qui leur est propre, d'une grande autonomie et de la possibilité d'adapter, de modifier, de moderniser et d'africaniser des programmes qui pour la plupart, datent d'avant l'indépendance. »84

Pour l'U.O.C, comme nous l'avons vu plus haut, l'orientation de l'enseignement ne change pas. Pour ce qui est de l'africanisation des cadres pourtant, elle se fait progressivement et le premier recteur congolais, le professeur Ferdinand Ngoma, est nommé en 1970.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille