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La mise en oeuvre de la société de l'information au Cameroun: enjeux et perspectives au regard de l'évolution française et européenne

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par Yves Léopold KOUAHOU
Université de Montpellier 1 - Docteur en droit privé option nouvelles technologies et droit 2010
  

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B. La réglementation de l'activité d'opérateur de télécommunications.

349. L'exercice de l'activite d'o perateur est reglemente par le decret du 19 se ptembre 2001 au Cameroun qui fixe les conditions administratives et definit le cadre des obligations auxquelles sont soumis les o perateurs. A cote de cette reglementation cohabite un regime s pecifique aux fournisseurs d'acces et d'hebergement.

1. L'autorisation administrative d'exercer l'activité d'opérateur.

350. La premiere condition tient a l'autorisation pour exercer l'activite d'o perateur de telecommunications delivree par le Ministre charge des telecommunications424. Cette autorisation tient com pte de la categorie de reseau en question et de l'ex pertise dans les questions de telecommunications425.

351. Ainsi, une autorisation est necessaire pour l'ex ploitation d'un reseau filaire et/ou radioelectrique si le reseau entre dans l'une des categories enumerees par l'article 4 alinea 1 du decret : a savoir :

conclure ensuite une convention avec la société exploitant le réseau câblé. Ensuite, l'exploitation du réseau est autorisée par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel sur proposition des communes, conformément à l'art. 34 de la loi du 30 septembre 1986. Voir en ce sens, l'article 20 de la directive n° 20 02/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseau et de services de communications électroniques.

423 C'est le cas du Cameroun où plusieurs rencontres ont eu lieu entre le Ministre de la Communication et les câblo-opérateurs depuis 2008 en vue soumettre ceux-ci au respect les lois relatives à leurs activités, notamment la délivrance d'une licence légale avant d'exploiter son activité.

424 Article 4 alinéa 2 du décret du 19 septembre 2001.

425 En ce sens, cf infra n° 851 et suiv sur « les conditions de l'équilibre de l'accès à la société de l'information... ».

- La 1ere categorie qui concerne les reseaux ouverts au public

- La 2eme categorie qui com prend les reseaux prives inde pendants a usage partage426

- La 3eme categorie qui com prend les reseaux prives inde pendants a usage prive427. Le decret exclut du regime de l'autorisation les reseaux prives internes, les installations radioelectriques exclusivement com posees d'a ppareils de faible puissance et de faible portee, les reseaux prives inde pendants autres que radioelectriques, dont les points de terminaison sont distants de moins de 300 metres et dont le debit en ligne est inferieur a deux(2) Mbit/s, les stations radioelectriques destinees exclusivement a la reception individuelle de la radiodiffusion, les stations tem porairement installees au Cameroun et regulierement autorisees dans le pays d'origine, sous reserve de la reci procite, les stations ex perimentales et les reseaux tem poraires.

352. S'agissant des conditions et de la procedure de l'autorisation, elles sont relativement simples et consistent a adresser a l'Agence de Regulation des Telecommunications, un dossier en cinq (5) exem plaires com prenant un justificatif du paiement des frais d'etudes de dossier et un dossier technique et financier.

Le dossier technique et financier doit contenir, outre la fiche d'identification complete du demandeur (avec statut juridique ainsi que la composition du capital et re partition des droits de vote pour les societes), les caracteristiques et specifications techniques du reseau, le calendrier com plet de sa mise en oeuvre, ainsi que l'ex pertise acquise dans le domaine des telecommunications, en precisant les partenaires techniques et leurs realisations.

353. Les dossiers regus par l'A.R.T sont mis a l'etude et les conclusions, assorties d'un cahier de charge, sont soumises au Ministre qui delivre, le cas echeant, la licence d'ex ploitation du reseau.

La duree de l'autorisation accordee varie en fonction de la categorie de reseau sollicitee. Ainsi, les licences qui sont delivrees ont une duree de 10 ans pour la 1ere categorie, de 7 ans pour la 2eme categorie et de 5 ans pour la 3eme categorie.

Ce pendant, malgre la duree de cette autorisation d'ex ploitation qui peut sembler longue, elle ne confere aucune exclusivite a son titulaire, qui en outre, est soumis a des obligations s pecifiques.

426 Un réseau est privé indépendant est à usage partagé lorsqu'il est réservé à l'usage de plusieurs personnes physiques ou morale constituées en un ou plusieurs groupes fermés d'utilisateurs, en vue d'échanger des communications internes au sein d'un même groupe.

427 Un réseau est privé indépendant est à usage privé lorsqu'il est réservé à l'usage interne de la personne physique ou morale qui l'établit.

2. Les obligations relatives a l'exercice de l'activité d'opérateur.

354. Si l'autorisation est la condition prealable pour acceder a la qualite d'o perateur de telecommunications, l'exercice de cette activite est soumis au respect de certaines obligations definies par les reglements. Elles touchent a la fois a la qualite du service offert et au respect des droits des abonnes.

2.1 Les obligations relatives a la qualité du service.

355. L'article 19 du decret de 2001 rassemble la plu part des obligations de l'o perateur de telecommunications relatives a la qualite du service. Ainsi, il est tenu de prendre les mesures utiles pour :

- Assurer le fonctionnement regulier de ses installations;

- Proteger ses installations par des mesures appropriees contre des agressions de quelque nature qu'elles soient;

- Garantir la mise en ceuvre, dans les meilleurs delais, de moyens techniques et humains susceptibles de pallier les consequences les plus graves des defaillances, neutralisations ou destructions des installations;

- Pouvoir repondre pour sa part aux besoins en matiere de defense nationale et de securite publique, et notamment mettre en ceuvre les moyens demandes par les representants territoriaux de l'Etat, dans le cadre des plans de secours;

- Etre en mesure, en temps de crise ou en cas de necessite imperieuse, d'etablir des liaisons specialement etudiees ou reservees pour la defense ou la securite publique, selon les modalites techniques et financieres fixees par voie de convention avec les services de l'Etat concernes.

356. Il doit, en outre, respecter l'ordre des priorites et les conditions generales de retablissement des liaisons concernant plus s pecialement les services de l'Etat et les organismes charges d'une mission d'interet public ou contribuant aux missions de defense et de securite publique.

357. Outre ces obligations, l'o perateur doit « prendre des mesures necessaires pour acheminer gratuitement les appels d'urgence a partir des points d'accès public, des points d'abonnement et des points d'interconnexion, et a destination des services publics charges de la sauvegarde des vies humaines; des interventions de police de la lutte contre l'incendie; de l'urgence sociale; vers le centre competent correspondant a la

localisation de l'appelant, en fonction des informations et listes transmises par les représentants de l'Etat dans départements428 ».

Le respect de ces obligations par l'o pérateur n'est soumis a aucune forme de rémunération ou compensation financiere de la part de l'Etat.

2.2 Les obligations relatives au respect des droits des abonnés

358. Les obligations de l'o pérateur par rapport a l'abonné sont relatives aussi bien : l'intégrité de ses communications qu'a la protection de sa vie privée, au secret de sa corres pondance et du respect des données personnelles.

359. Normalement, l'o pérateur de télécommunications assume sim plement une prestation de transport d'information, il est généralement totalement étranger a la nature de l'information trans portée. Ainsi, l'abonné qui utilise le réseau de télécommunications ne doit craindre ni une altération de ce message, ni une modification de son contenu429. C'est la regle contenue dans le princi pe de neutralité réaffirmée par l'article 15 du décret de 2001 qui dispose que l'o pérateur doit prendre « les mesures nécessaires pour la neutralité de ses services vis-à-vis du contenu des messages transmis43°».

En ce qui concerne la vie privée de l'abonné, l'o pérateur doit la garantir contre toute immixtion en même temps qu'il doit assurer le secret des corres pondances de l'abonné qui transitent par son réseau. A cet effet, il est tenu de porter a la connaissance de son personnel, les obligations et les peines encourues au regard du code pénal en cas de non respect de cette obligation431.

Toutefois, cette obligation du respect du contenu des corres pondances est limitée par les
exceptions prévues par les conventions internationales et juridiquement encadrées au
plan national432. Il en est ainsi en cas d'écoutes ordonnées en matière de sécurité de

428 Article 19 décret 2001, op cit. En ce sens, voir supra n° 173 et suiv sur « le service universel dans les télécommunications »

429 Si la modification d'un appel téléphonique semble difficile, (tout au plus peut on craindre à une mauvaise réception du message due à un mauvais état du réseau), la situation est différente lors d'une transmission de SMS ou dans le cas d'une fourniture d'accès. Dans ces hypothèses, il ya des messages sous forme de texte qui transitent par le réseau de l'opérateur.

430 Article 15 alinéa 1, décret, op cit

431 Article 15 alinéa 2, décret, op cit. A ce sujet, l'article 300 du code pénal camerounais puni d'un emprisonnement de quinze jours à un an et d'une amende de 5.000 à 100.000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement, celui qui sans l'autorisation du destinataire supprime ou ouvre la correspondance d'autrui

432 Article 22 de la convention internationale des télécommunications du 06 novembre 1982 à Nairobi.

l'Etat ou ordonnée par un juge pour prévenir une infraction ou établir la preuve de sa commission. Dans ce cas, l'o pérateur est tenu de prendre des mesures pour se « conformer aux décisions ou instructions des autorités judiciaires, militaires ou de police, ainsi qu'~ celles du Ministre chargé des télécommunications433 ».

360. Concernant particulièrement les informations identifiantes des personnes qui utilisent son service, l'o pérateur doit prendre des mesures pro pres a assurer leur protection et leur confidentialité. Il doit notamment garantir le droit pour toute personne :

- de ne pas être mentionnée sur les listes d'abonnés ou d'utilisateurs publiées. A cet effet, l'opérateur assure la gratuité de cette faculté ou, a défaut, subordonne son exercice a un paiement d'une somme raisonnable et non dissuasive;

- de s'opposer gratuitement a l'inscription sur ces listes de l'adresse complete de son domicile dans la mesure ou les données disponibles permettent de distinguer cet abonné de ses homonymes ainsi que s'il y a lieu, d'une référence a son sexe;

- de s'opposer gratuitement a l'utilisation de données de facturation la concernant par l'opérateur a des fins de prospection commerciale;

- d'interdire gratuitement que les informations identifiantes la concernant issues des listes d'abonnés soient utilisées dans des opérations commerciales soit par voie postale, soit par voie de télécommunication, a l'exception des opérations concernant l'activité autorisée et relevant de la relation contractuelle entre l'opérateur et l'abonné;

- de pouvoir obtenir gratuitement communication des informations identifiantes la concernant et exiger qu'elles soient rectifiées, complétées, clarifiées, mises a jour ou effacées.

Ces obligations s'im posent a tout o pérateur sous peine de sanction pouvant aboutir a un retrait de l'autorisation d'ex ploitation434.

3. Le régime spécifique aux prestataires de services de [a société de ['information.

361. Il s'agit d'analyser ici le régime juridique des activités du fournisseur d'accès, du

fournisseur d'hébergement et de l'éditeur de services de communication en ligne a la
lumière des dispositions législatives et des évolutions juris prudentielles. Ce pendant, du

433 Article 19, alinéa 3 décret 2001, op cit

434 Article 46, du décret du 19 septembre 2001, op cit.

fait du silence du legislateur et de la jurisprudence camerounaise sur la question, cette analyse tiendra com pte de la position frangaise et euro peenne.

3.1 L'irresponsabilite sous conditions du fournisseur d'acces.

362. Nous avons vu que le fournisseur d'acces est le prestataire qui offre a ses abonnes les moyens techniques d'acceder a internet435.

De fait, sa res ponsabilite pose tres peu de problemes et suscite aussi moins de contentieux. Les tribunaux considerent en general qu'il ne peut etre poursuivi a raison des contenus auxquels il permet a ses abonnes d'acceder. Sa fonction premiere est de fournir un acces au reseau internet, et de ce fait il ne saurait etre tenu pour res ponsable de la nature et de la liceite des informations consultees par l'abonne et dont il n'assure qu'une transmission436. Il s'exonere alors en cas de modification ou d'alteration des donnees ou informations, s'il demontre qu'il n'a joue qu'un role passif dans la transmission, pour autant qu'il reste dans le role passif ainsi defini. N'intervenant pas sur les contenus, il n'aura pas a re pondre des contenus437.

363. Toutefois, sa res ponsabilite peut etre engagee s'il est a l'origine du contenu litigieux ou s'il le selectionne ou le modifie avant de le transmettre438. De meme, cette res ponsabilite sera engagee si le fournisseur d'acces, etranger au fait dommageable, a connaissance de son existence et ne prend aucune mesure pour faire cesser l'infraction439. La question se pose alors de savoir s'il n'y aurait-il pas une negligence fautive de sa part. Dans tous les cas, la preuve de son intention delictuelle doit etre ra pportee44°. Cette intention delictuelle peut etre presumee

364. Le debat est de puis quelque temps relance par certains grou pes desireux de preserver leur interet financier par la protection des multiples « oeuvres et objets

435 En ce sens, voir ci-dessus

436 TGI Paris, 3e ch, 1er sect., 5 févr. 2008, SNE et A c/ Free, lliad, sur http://www.legalis.net/jurisprudencedecision.php3?idarticle=2209. Dernière consultation le 28 janvier 2010. Cette exonération de toute responsabilité avait précédemment été retenue par la cour d'appel de Pau, dans un arrêt du 14 octobre 1999, avait considéré que le prestataire n'était pas responsable de l'utilisation qui est ensuite faite de cet accès par l'utilisateur du service. Voir C.A. Pau, 14 oct. 1999, France Télécom, JCP E 2000, Pan, p 873.

437 Vivant M., « Entre ancien et nouveau, une quête désordonnée de confiance pour l'économie numérique », Cahiers Lamy droit de l'informatique et des réseaux, juillet. 2004, p. 1, n° 12.

438 Article 9 de la LCEN du 21 juin 2004 et transposant les règles de la directive du 8 juin 2000.

439 Voir en ce sens, Conseil d'Etat, « Internet et les réseaux numériques », rapport, La Documentation française, 1998, p 185.

440 Il est cependant admis que cette intention puisse se déduire d'un ensemble de circonstance comme la connaissance de l'existence d'un fait litigieux qui ne serait pas retiré du site.

protégés * qui font l'objet de transaction par le réseau et dont la provenance n'est pas toujours garantie.

De même, la res ponsabilité des fournisseurs d'acces s'est accrue de puis que les gouvernements se sont lancés dans la lutte contre les infractions commises par le biais de l'internet441. Il pese désormais sur eux une obligation de détenir et de conserver les données de nature a permettre l'identification de toute personne ayant contribué a la création d'un contenu des services dont elles sont prestataire et de communiquer ces données sur réquisitions judiciaires442.

En outre, pour lutter contre l'a pologie des crimes contre l'humanité, l'incitation a la haine raciale et la diffusion des images pédo philes, l'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête au fournisseur d'acces, toutes mesures pro pres a prévenir un dommage ou a faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne443. Ceux-ci ont alors obligation « d'informer promptement les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites.., et de rendre public les moyens qu'elles consacrent a la lutte contre ces activités illicites *444.

3.2 L'irresponsabilité sous conditions du fournisseur d'hébergement.

365. Le fournisseur d'hébergement est l'intermédiaire technique dont le role consiste : donner a ses clients, souvent des éditeurs de site, la possibilité d'être sur le réseau en hébergeant leur site sur la mémoire informatique de son serveur connecté a l'internet. Le fournisseur d'hébergement « effectue une prestation durable de stockage d'informations que la domiciliation sur son serveur rend disponibles et accessibles aux personnes désireuses de les consulter *445.

La res ponsabilité du fournisseur d'hébergement a d'abord été dégagée grace a la
jurisprudence, avant l'intervention du législateur. Le juge saisi de nombreux litiges

441 Ainsi par exemple, dans de nombreux systèmes juridiques européens, la responsabilité du fournisseur d'accès est engagée s'il a connaissance d'un fait dommageable et ne fait rien pour le faire cesser. Voir par exemple cette décision d'un tribunal allemand qui ferme l'accès à tous les sites auxquels la société Compuserve donnait accès parce qu'ils contenaient des images pornographiques contraire à la législation allemande. Voir T corr. Munich, Amtsgericht München, 28 mai 1998.

442 Pour un développement sur la conservation des données identifiantes, cf n°1259 et suiv sur « la protection de la vie privée à travers les données à caractère personnel ».

443 Article 6, I, 8 de la LCEN, op cit.

444 Loi du 21 juin 2004, prec, art 6, I, 7

445 TGI Nanterre, Aff. Lynda Lacoste., 8 déc. 1999, op cit.

mettant en cause des contenus jugés illicites a soumis les hébergeurs a un devoir de diligence et de prudence446. Ainsi, s'il ne peut « ni selectionner, ni modifier les informations avant leur accessibilite sur internet 447*, il doit ce pendant «prendre les mesures raisonnables qu'un professionnel avise mettrait en ceuvre pour evincer de son serveur les sites dont le caractere illicite est apparent, cette apparence devant s'apprecier au regard des competences propres du fournisseur d'hebergement 448*.

366. La loi n'instaure donc pas une res ponsabilité du fait d'autrui, mais une res ponsabilité personnelle de l'hébergeur s'il n'a pas réagi aux agissements préjudiciables. Ainsi, l'hébergeur sera res ponsable des qu'il n'aura pas retiré des contenus dont il ne pouvait ignorer le caractere illicite, que ce soit par sondage personnel, par injonction judiciaire449 ou simple notification par un tiers.

A la lecture de ces textes, il semblerait que, en cas d'actes dommageables commis sur un site qu'il héberge, le fournisseur d'hébergement soit présumé fautif, et non présumé res ponsable a pro prement parler, puisqu'il lui est donné la possibilité de s'exonérer par la preuve de l'accom plissement des trois obligations qui lui incombent et que l'on peut résumer par le tri ptyque suivant : information, vérification, réaction45~.

Ce pendant, la lourdeur de ces obligations, rend la présom ption difficile a renverser en pratique. En effet, le fournisseur d'hébergement ne peut connaltre le contenu des centaines de milliers de pages qu'il stocke au profit de quelques milliers voire dizaines de milliers de clients, surtout quand on sait que le contenu d'une page peut a tout instant, et en une fraction de seconde, etre modifié par l'éditeur a partir de son pro pre ordinateur et domicilié ailleurs.

446 La décision la plus marquante pour le droit des réseaux est rendue dans l'affaire « Estelle HALLYDAY » qui jette le trouble dans le milieu des fournisseurs d'hébergement puisqu'elle met à la charge de ceux-ci une obligation générale de vérification du contenu des sites qu'il héberge. CA Paris, 14e ch. A, 10 févr. 1999, Estelle Hallyday c/ Valentin Lacambre, D 1999, jur 389, note N. Mallet-Poujol ; Gaz Pal, 5-6 avr 2000, jur 19, note C Caron. Dans cette affaire, le juge ordonne à l'hébergeur de faire cesser, sous astreinte, la diffusion des images litigieuses, en concluant que le « fournisseur d'hébergement a l'obligation de veiller à la bonne morale des sites qu'il héberge et en conséquence de prendre le cas échéant les mesures de nature à faire cesser le trouble qui aurait pu être causé à des tiers ». En outre, il estime que « pour pouvoir s'exonérer de sa responsabilité, il devra donc justifier du respect des obligations mises à sa charge spécialement quant à l'information de l'hébergé sur l'obligation de respecter les droits de la personnalité, le droit des auteurs, des propriétaires de marques, de la réalité des vérifications qu'il aura opérées, au besoin par des sondages et des diligences qu'il aura accompli dès la révélation d'une atteinte aux droits des tiers pour faire cesser cette atteinte ».

447 En ce sens, Trib de Puteaux, 28 sept 1999, Sté Axa Conseil Iard et a/ M.C Monnier et a. Gaz Pal, 31 déc. 1999, 1er janv. 2000, p 27 et suiv, note E Morain.

448 Aff Lynda LACOSTE, op cit. La décision a ensuite été confirmée par un arrêt du 8 juin 2000 de la Cour d'appel de Versailles. Ces décisions imposent à l'hébergeur une obligation de vigilance et de prudence et une gestion du contenu en « bon père de famille ».

449 Il est tout de même assez surprenant d'exonérer le fournisseur d'hébergement de ses responsabilités par le simple fait qu'il aurait répondu à une injonction du tribunal. Quand on sait que l'injonction faite par un tribunal doit être exécuté et souvent sous astreinte, on est en droit de se demander si la responsabilité du fait de l'hébergement d'un site litigieux ne pourrait pas s'appliquer ici sur le fondement des articles 1382 et suiv. du code civil.

450 Sa responsabilité est par conséquent engagée s'il ne fait rien pour mettre fin au contenu d'un site dommageable ; encore faut-il qu'il en soit informé du contenu du site. C'est le sens du trinôme « pouvoir, savoir, inertie ». Cf., LAMY Droit de l'Informatique et des Réseaux, Ed° 2006, N° 2693 et suiv. p 1556

3.3 Le regime de responsabilité des editeurs de services de communication en ligne.

367. L'editeur de services de communication en ligne est res ponsable du contenu qu'il edite, dans les conditions de droit commun. Tel est le princi pe qui est a pplique. Toutefois, com pte tenu de la diversite des editeurs de services de communication en ligne, il faut distinguer selon qu'il s'agisse d'un editeur de service de presse ou d'un autre editeur451.

368. En ce qui concerne les activites de presse en general, la maitrise editoriale de l'editeur permet d'engager sa res ponsabilite s peciale, au sens de l'article 74 de la loi camerounaise du 19 decembre 1990 qui consacre la res ponsabilite editoriale, sans faute et de plein droit pour les delits de presse452. Elle suit en cela, la position generale du legislateur frangais qui ressortit des infractions prevues par la cha pitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberte de la presse453 et qui a pour corollaire la res ponsabilite de plein droit du directeur de publication pour les contenus diffuse, telle que regie par les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle454.

369. En ce qui concerne la reparation d'un delit de presse, une position constante de la jurisprudence refuse toute action en justice qui tendrait a obtenir reparation sur le fondement de l'article 1382 du code civil, meme si une partie de la doctrine y voit une forme de cohabitation455. Toutefois, dans la pratique, un recours au regime de res ponsabilite civile de l'article 1382 du code civil est envisageable a la condition que les faits allegues soient distincts d'un delit de presse et qu'ils soient fautifs456.

Nous pensons que le regime de res ponsabilite de l'editeur ainsi etabli peut sans grande difficulte, s'etendre aux editeurs professionnels de presse en ligne.

370. A l'inverse, pour les activites qui ne ressortissent pas de la qualification de services de presse en ligne, la res ponsabilite de plein droit de l'editeur ne peut pas s'a ppliquer par rapport aux contenus communiques par des internautes par

451 Cf supra n° 279 sur les différents éditeurs de services de communication en ligne.

452 En ce sens, voir l'article 74, alinéa 1 de la loi n° 90 / 052 du 19 décembre 1990 relative à la liber té de la communication sociale au Cameroun.

453 Chapitre consacré aux « crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication ».

454 Loi française n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

455 En ce sens, cf, Mallet-Poujol Nathalie, « De la cohabitation entre la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et l'article 1382 du code civil », Légipresse septembre 2006, n° 234, II, p 93 et suiv.

456 Voir, sur un appel au boycott indissociable d'une diffamation, Cass 2e civ, 29 nov. 2001 ; Légipresse avril 2002, n° 190, III. 59, note Gras.

l'intermediaire de son site qu'il edite. Toutefois, une res ponsabilite penale du directeur de publication est susceptible de s'a ppliquer, s'il est etabli qu'il avait connaissance d'un message avant sa mise en ligne ou si, des lors oit il en a eu connaissance, il n'a pas agi prom ptement pour le retirer457.

371. L'a pprehension juridique du contenu mis en ligne est particulierement delicate, en raison de la variete des a pporteurs et de la diversite des contenus, qui peuvent etre licites et provenir de celui qui les a crees lui-meme ou autorise par lui. Mais, peuvent aussi etre illicites et porter atteinte a la vie privee, a la personne ou aux droits d'auteur. L'immaterialite des contributions n'a assurement pas pour consequence d'evincer l'a pplication du droit dans cette matiere dans la mesure oit la res ponsabilite de l'editeur de pendra precisement de la nature des contenus licites ou illicites a pportes. Mais, l'identification des editeurs de contenu est fuyante, car ceux-ci se cachent frequemment derriere le masque de l'anonymat, rendant difficile l'exercice d'un eventuel droit (par exem ple le droit de reponse).

372. C'est dans cette o ptique qu'en ce qui concerne un editeur de service de presse en ligne, il lui est fait obligation de designer le directeur de publication et de mettre a la disposition du public, dans un standard ouvert, des informations qui l'identifient. Ces informations peuvent etre le nom, prenom, numero de telephone, numero de l'inscri ption au registre du commerce pour les personnes physiques. Pour les personnes morales, les informations peuvent etre relatives a leur denomination sociale, l'adresse de leur siege social, leur numero de telephone, etc.P. En outre, l'editeur de services de presse en ligne doit im perativement mentionner le nom, la denomination ou la raison sociale et l'adresse et le numero de telephone de l'hebergeur458.

373. Les editeurs des autres services de communications en ligne, quanta eux, ont un droit relatif a l'anonymat. Ils peuvent se contenter de mettre a la disposition des utilisateurs le nom, denomination ou raison sociale et adresse de l'hebergeur, a condition qu'ils aient communique a celui-ci les elements d'identification requis. Une obligation particulière de diligence pese alors sur l'hebergeur qui doit s'assurer de la validite des informations qu'il detient, a defaut, il s'ex pose a une sanction penale459.

457 Cf article 93-3, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1982, op cit. Pour une appréciation doctrinale, voir ce sens, HARDOUIN Ronan, « La responsabilité atténué du directeur de la publication à l'épreuve des infractions de presse », RLDI n° 55, décembre 2009, n°1821, p 30 et suiv.

458 En ce sens, voir LCEN, op cit

459 A titre d'illustration, une décision rendue par le TGI de Paris le 16 février 2005 avait condamné un hébergeur pour ne s'être pas assurer de la validité des informations identifiantes laissée par une personne qui avait diffusé sur un site internet des contrefaçons de bande dessinées. En effet, le site qui reproduisait des épisodes de Blake et Mortimer et de Lucky Luke avait laissé à l'hébergeur les données suivantes : « Nom : Bande ; Prénom : Dessinée ; Date de naissance : 25/03/1980 ; adresse : Rue de la BD ; Code postal : 1000 ; Ville : Bruxelles. Le tribunal a considéré que ces informations « n'étaient pas de nature à permettre l'identification de l'auteur du site litigieux », ce qui engageait la responsabilité de l'hébergeur ; en l'occurrence Tiscali Media.

Des lors, les regles de res ponsabilité doivent s'envisager au cas par cas. Plus que tout autre prestataire de la société de l'information, l'éditeur de services de communication en ligne est susceptible d'exercer différentes fonctions et activités, qui peuvent su pposer la connaissance du contenu édité par le biais de ses services, comme ne pas l'im pliquer. Une vérification circonstancielle va donc permettre de déterminer le régime de res ponsabilité applicable.

CONCLUSION DU CHAPITRE DEUXIEME

374. Les télécommunications sont a l'aube de profondes mutations qui s'accom pagnent des innovations dans les services, mais aussi des questionnements en ce qui concerne la res ponsabilité des différents intervenants dans la fourniture de ces services. Face a l'insuffisance de la loi, une grande place est alors laissée a la jurisprudence qui doit tenir com pte de chaque situation pour délimiter les res ponsabilités. On peut aussi regretter que malgré la présence sur le marché camerounais d'un grand nombre d'o pérateurs offrants des services divers, la jurisprudence n'a encore eu véritablement l'occasion de se prononcer sur leurs obligations pour en fixer un cadre précis. Cela peut sans doute s'ex pliquer par la technicité de la matière qui exige une étude a pprofondie de l'incidence des o pérateurs techniques sur le marché des télécommunications.

Si le cadre juridique frangais et le dévelo ppement de sa jurisprudence tendent vers un renforcement de la res ponsabilité des o pérateurs techniques460, le silence du législateur et du juge camerounais pourrait conduire les o pérateurs a abuser de leur situation pour minimiser les dangers que les réseaux entraineraient.

460 Une juridiction française saisie d'un litige en responsabilité d'un intermédiaire, est venue préciser son obligation de vigilance en dessinant plus adroitement ses contours. Elle précise notamment que les obligations mises à la charge des prestataires sont des obligations de moyens n'impliquant nullement un « examen général et systématique des contenus des sites hébergés » mais que celles-ci doivent cependant se traduire « au stade de l'exécution du contrat, par des diligences appropriées pour repérer tout site dont le contenu est illégal, illicite ou dommageable afin de provoquer une régularisation ou d'interrompre la prestation ». La Cour d'appel définit ensuite le moment et les circonstances précises dans lesquels ces diligences doivent être mises en oeuvre : « indépendant des cas où elle en est requise par l'autorité publique ou sur décision judiciaire, de telles diligences doivent être spontanément envisagées par la société prestataire d'hébergement lorsqu'elle a connaissance ou est informé de l'illégalité de l'illicéité ou du caractère dommageable du contenu d'un site ou lorsque les circonstances ou modalités de la réalisation, de l'évolution ou de la consultation d'un site, auxquelles elle doit veiller par des outils, méthodes ou procédures techniques d'analyse, d'observation et de recherche, la mettent en mesure d'en suspecter le contenu » . cf. CA Versailles, 12e ch., 8 juin 2000, JCP éd. E 2000, p. 1858, obs. Mallet-Poujol N. et Vivant M., voir aussi Comm. com. électr, juil.-août 2000, com. 81, p. 31, obs. Galloux J.-C. La jurisprudence des pays africains brillent par leur silence en la matière. Ce silence serait-il dû à la nouveauté du domaine informatique et la complexité des éléments en cause ?

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard