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L'impact de l'état du lieu théàątral sur la pratique et la consommation du théàątre au Cameroun: le cas de Yaoundé

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par Cyril Juvenil ASSOMO
Université de Yaoundé 1  - Master 2014
  

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II.4. Esquisse d'une typologie des lieux théâtraux

Loin de reproduire la taxinomie des lieux théâtraux effectuée par plusieurs auteurs106(*) sur la base de la forme de la scène, elle-même influencée le plus souvent par la disposition du public, nous tenterons ici de classer les lieux théâtraux suivant des caractéristiques liées à leur apparence physique, leur situation géographique, et enfin leur statut fonctionnel. Cette classification est entreprise ici par le biais de l'observation directe107(*).

Il est tout d'abord possible de rencontrer un lieu théâtral clos ou en plein air. La forme close étant la forme la plus récurrente ceci à cause des divers avantages qu'elle offre en termes de confort et d'acoustique notamment. Il existe néanmoins aussi beaucoup de lieux théâtraux construits à ciel ouvert. Ce sont parfois des lieux trouvés comme la cour des papes à Avignon108(*). Ils naissent à cause des raisons économiques, esthétiques et surtout pour toucher au plus près un public cible. A côté du fait qu'il puisse être clos ou non, un lieu théâtral peut être permanent ou non. Un lieu théâtral permanent est un édifice dont l'emplacement géographique, ainsi que la fonction qui est la réception du spectacle théâtral ne varient jamais. Les théâtres non permanents sont quant à eux érigés pour une période bien déterminée correspondant généralement au temps d'une activité qui peut être soit un festival soit une simple exhibition. Ainsi, un lieu théâtral peut également être fixe ou mobile. Les théâtres itinérants avec des scènes montés sur des véhicules qui parcourent des espaces géographiques divers offrant aux publics des représentations sont un exemple concret de lieux théâtraux mobiles. Ensuite, les lieux théâtraux peuvent être isolés ou incorporés. Ils sont isolés lorsque l'observation extérieure de la bâtisse ou du cadre laisse clairement transparaître sa fonction première. Par contre, lorsqu'ils sont inclus à l'intérieur d'une supra-structure, ils sont dits incorporés. C'est le cas de la plupart des salles de théâtre au Cameroun. Puis, un lieu théâtral est spécifique lorsqu'il a pour seule fonction la réception, des faits théâtraux. Dans le cas où il accueille non seulement des représentations théâtrales, mais également toutes les autres formes de spectacles vivant, y compris parfois les projections cinématographiques (comme cela est le cas au Cameroun), la salle peut alors être qualifiée de polyvalente. Dans un dernier temps, un théâtre peut être une salle de production ou de diffusion. L'expression « salle production » est utilisée ici pour désigner les salles où la création du spectacle est coordonnée et faite entièrement au sein de la salle ; les salles de réception sont quant à elles celles qui ne s'occupent que d'exhiber des spectacles complètement produits en externe. Cependant, il est à noter que la plupart des théâtres de production cumulent le plus souvent ces deux fonctions.

De là, il est clair que parmi les caractéristiques de typologie des salles susmentionnées, un lieu théâtral se retrouve toujours au milieu de six de ces critères. Il peut ainsi être clos, fixe, permanent, isolé, polyvalent et de production. Les études, diachronique et critériologique du lieu théâtral achevées, il semble indispensable de d'évoquer le lieu théâtral africain, et partant camerounais, auquel cette recherche est principalement consacrée

II.5. Le lieu théâtral africain

L'Afrique noire est un continent riche en traditions variées et séculaires. Ce sont elles qui représentent son substrat culturel. De ces traditions, on y rencontre plusieurs manifestations spectaculaires qui regorgent de nombreux traits de théâtralité109(*). Ce sont donc ces rites, ces fêtes, ces dialogues, ces chants, ces danses, ces jeux et ces épopées que de nombreux auteurs africains et africanistes défendent comme étant le théâtre négro-africain ou tout simplement le théâtre africain. Cependant, la légitimité de toutes ces manifestations traditionnelles comme étant de véritables représentations théâtrales a souvent été mise à mal comme on peut le constater à l'issue de la lecture de l'ouvrage de Jacques Scherer consacré au théâtre de l'Afrique noire francophone110(*). Mais qu'à cela ne tienne, le propos ici n'est pas de d'ouvrir un débat sur l'existence ou non d'un théâtre africain ; car si le théâtre comme nous l'avons souligné plus haut est une rencontre entre deux groupes autour de la re-présentation d'une tranche de vie, alors l'observation de plusieurs manifestations spectaculaires africaines laisse croire à l'existence d'un théâtre africain, bien que complexe et non abouti.

Le théâtre africain est comparable à la vie africaine. Une vie qui selon Thomas Melone donne toujours lieu à des festivités quelque soit la circonstance111(*) ; une occasion de rassemblement de toute la communauté autour d'un lieu dédié. Ce lieu n'est généralement pas une bâtisse couverte. A l'instar de Peter D. Arnott qui pense que la pratique théâtrale chez les Grecs était à l'image de leur vie qui se déroulait plus à l'extérieur112(*), il en est de même pour l'Africain dont la majeure partie de la journée se déroule hors des lieux clos. La case d'habitation par exemple devient juste un abri, un havre de repos. Ainsi donc, le théâtre africain s'inscrit dans une adéquation avec ce mode de vie tourné vers l'extérieur. Comme le pensent Olenka Daarkowska-Nidzgorski et Denis Nidzgorski : « Le théâtre africain se déroule le plus souvent à l'extérieur comme toutes les autres manifestations festives. C'est le cas du théâtre des marionnettes qui peut avoir lieu dans tous les endroits du village sauf dans les cases et les hangars. »113(*). Ces propos sont d'ailleurs corroborés par Clément Mbom qui cite les lieux de prédilection du théâtre africain114(*).

Le lieu théâtral dans le théâtre originel africain est en outre à l'image de la conception africaine de la vie. Une vie fondée sur la solidarité, la communion populaire et l'exhibition des valeurs culturelles. Ceci s'illustre clairement dans les propos de Scherer qui à la suite de d'une observation minutieuse de deux manifestations populaires africaines115(*) conclut que l'espace théâtral africain est caractérisé par son indifférenciation116(*); une indifférenciation qui est marquée par la rupture de la bifurcation de l'espace théâtral observable dans la salle à l'italienne. L'espace théâtral africain par contre est un espace de participation où acteurs et spectateurs tendent parfois à se confondre.

Le lieu théâtral africain diffère donc grandement de son double occidental. Il est avant tout une affirmation de l'identité et de la spécificité du peuple noir, et est en partie à l'origine du manque d'infrastructures nécessaires à la pratique du théâtre occidental sur le continent117(*).

II.6. Les lieux de représentation théâtrale au Cameroun depuis 1960

Comme l'affirme Fofié, il n'a jamais été érigé au Cameroun d'édifice spécialement dédié à la pratique du théâtre. Cette absence de lieux théâtraux conventionnels a été comblée par des lieux non spécifiques qui ont permis jusqu'à ce jour de « supporter » le théâtre au Cameroun, et qui inversement n'ont pas toujours favorisé le développement d'une véritable émulsion pérenne de la scène théâtrale camerounaise. Le théâtre camerounais étant beaucoup plus connu grâce à ses dramaturges, que de par ses réalisations scéniques.

Continuant sur la lancée impulsée par le théâtre colonial118(*) qui se déroulait dans les écoles et les églises, le théâtre camerounais s'est accaparé malgré lui d'autres lieux tels que les amphithéâtres des universités et grandes écoles, les hôtels, les salles de cinéma, les salles de conférences, et surtout les centres culturels qui ont commencé à voir le jour quelques années après les indépendances119(*). Il en résulte conséquemment que l'activité théâtrale a été largement influencée par ces lieux qui le plus souvent n'avaient pas la promotion et le développement du théâtre comme vocation première. C'est ainsi que la fermeture de toutes les salles de cinéma a privé le théâtre camerounais de plusieurs lieux de représentation, et aussi logiquement de nombreux publics. Il est par ailleurs à constater la diminution voire la cessation des spectacles professionnels dans les amphithéâtres et autres salles de conférences.

Pour l'heure, le théâtre camerounais reste majoritairement représenté dans les centres culturels étrangers et locaux. La remarque qui s'impose dès lors de par ce panorama rétrospectif, est celle d'une diminution drastique des lieux de représentation depuis 1960, signe d'une agonie lente du théâtre camerounais.

* 106 Entre autres : Anne UBERSFELD, Michel CORVIN et John HOLLOWAY.

* 107 Sans toutefois nier que cette classification n'est pas entièrement inédite et peut emprunter inconsciemment les idées d'un auteur.

* 108 Avignon pour designer son festival.

* 109 Si l'on appréhende le fait théâtral selon dans sa conception occidentale.

* 110 Jacques SCHERER, Le théâtre en Afrique noire francophone, Paris, Presses universitaires de France, 1992

* 111 Thomas MELONE, cité par Jacques SCHERER, Ibid., p.42-43.

* 112 Peter D. ARNOTT, Public and Performance in the Greek Theatre, London, New-York, Routledge, 2003, p. 133.

* 113 Olenka DAARKOWSKA-NIDZGORSKI et Denis NIDZGORSKI, Marionnettes et masque au coeur du théâtre africain, Sépia, 1998, p.129.

* 114 Clément MBOM, « Le théâtre camerounais en question », in : Les annales de la faculté des lettres et sciences humaines de l'Université de Yaoundé, Nos 1 et 2, Janvier-Juillet 1990, p.76.

* 115 Il s'agit d'une lutte sénégalaise et de la clôture du deuil à la chefferie Bandjoun à l'ouest du Cameroun.

* 116 Jacques SCHERER, Le théâtre en Afrique noire francophone, p.31.

* 117 SHERER, Ibid.

* 118 Il s'agit du théâtre camerounais durant l'occupation occidentale du pays.

* 119 Jacques Raymond FOFIE dans Regards historiques et critiques sur le théâtre camerounais, p.35 et p.43-44 cite abondamment ces lieux théâtraux.

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