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Le projet géostratégique des Etats-unis d'Amérique dans le golfe de Guinée: analyse de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

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par François Xavier NOAH EDZIMBI
Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master II en Sciences politiques 2014
  

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Paragraphe 2 : les moyens socio-économiques et militaires utilisés

par les américains dans l'espace camerounais

Nous présenterons en premier les procédés socio-économiques (a) pour énoncer par la suite les moyens militaires (b).

a- Les moyens socio-économiques

a- 1- Les moyens culturels usités par les États-Unis au

Cameroun

Entendue comme un ensemble de manière de voir, de penser et de sentir propre à un groupe248, la culture constitue un élément déterminant de la stratégie de puissance des États-Unis au Cameroun au travers d'institutions de langue anglaise et d'expéditions de voyages culturelles.

a- 1- 1-Les institutions de langue anglaise

La mobilisation de la culture en tant qu'élément de politique étrangère et de puissance, est l'une des caractéristiques des États stratégiquement matures249. A la fois matérielle et immatérielle, la puissance culturelle250 est un ensemble de moyens matériels et symboliques permettant à un État de réaliser ses ambitions géopolitiques. C'est l'idée de la culture comme véhicule de la puissance. Elle devient un moyen d'influence exercé sur l'autre de telle sorte que la relation ne soit pas ressentie comme contraignante (hard power) mais comme désirable et désirée par l'autre (soft power)251. Les États-Unis d'Amérique déploient au Cameroun des instruments d'influence pour créer des passerelles culturelles nécessaires pour initier, renforcer et pérenniser leur présence au Cameroun.

Les États-Unis ont choisi dans leur stratégie de faire de la langue anglaise un véritable outil de politique étrangère. Il est important de rappeler que l'anglais, après la

248 L. Sindjoun, « A la recherche de la puissance culturelle dans les relations internationales : essai de caractérisation du concept et d'appréhension du phénomène », in Revue camerounaise de politique internationale, no 001, 1er semestre 2007, p.2.

249 Séverin Tchokonté « Le projet géostratégique de la Chine en Afrique » in Géostratégie no 33,4e trimestre 2011, p.132.

250 L. Sindjoun, Op. Cit., p.8.

251 Séverin Tchokonté, Op. Cit.

Mémoire en Master II Science Politique François Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 73

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victoire des alliés, est une langue internationale et diplomatique. C'est la langue la plus utilisée sur le web et elle est une des langues officielles du Cameroun. Cette langue est un sésame pour les américains car, elle permet de renforcer leur domination culturelle grâce à l'adaptation des consciences camerounaises aux normes américaines. L'enseignement de l'anglais dans les écoles, les universités et certaines institutions assimile les populations camerounaises aux standards américains.

La langue anglaise et la civilisation anglo-saxonne américaine a pour effet l'exportation de la culture américaine au Cameroun. Elles contribuent à l'édification d'une façon de voir, de concevoir, de penser et d'agir des camerounais profitable aux américains. Cette manière d'importer la culture américaine fait la fierté des États-Unis dans un environnement historiquement considéré comme zone d'influence des ex-puissances coloniales.

L'implantation des États-Unis se renforce par la présence sur le sol camerounais d'institutions d'enseignement de langue anglaise à l'exemple du Centre Linguistique Américain dans le quartier résidentiel de Bastos. Selon certaines statistiques, les tests de compétence d'expression en langue anglaise se concluant par l'obtention d'un TOEFL, ont augmenté de 40 à 50% ces dix dernières années252. En plus de l'enseignement des langues et des manifestations culturelles, ces institutions forment également des consultants pour des entreprises et les organisations locales désireuses de faire des affaires aux États-Unis. L'enseignement de cette langue constitue ainsi une part importante du dispositif mis en place par les États-Unis pour conquérir le Cameroun. En outre, l'octroi de bourses d'études aux étudiants camerounais et les rencontres à caractère culturels vise à consolider les liens et permettre une adhésion volontaire des populations camerounaises aux politiques américaines. Les États-Unis utilisent aussi, pour s'introduire au Cameroun, des manifestations et des expéditions culturelles.

a- 1 -2- Les manifestations et expéditions culturelles américaines comme moyen pour conquérir le Cameroun

252 Voir Michael BARR, 2010, p.511.

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Les États-Unis participent, et organisent, sur le sol camerounais, à plusieurs manifestations culturelles. Nous avons, comme exemples, la soirée organisée à l'occasion de la journée internationale du Jazz, style musical américain, le 05 mai 2013, où multiples artistes, à la fois camerounais résidant aux États-Unis et artistes américains, ont presté devant des milliers d'invités parmi lesquels des personnalités diplomatiques et administratives, à l'exemple du vice-premier ministre chargé des Relations avec les Assemblées Amadou ALI, Ama TUTU MUNA, ministre des Arts et de la Culture et l'ambassadeur des États-Unis au Cameroun, Robert E. JACKSON253. L'association ARK JAMMERS qui a établi l'ANCESTRY RECONNECTION PROGRAM, permettant aux Africains-Américains de connaitre leurs origines africaines, est à suggérer dans le projet américain par la variable culturelle. Mise au point en 2003 par le biologiste africain-américain Rick KITTLES, la méthode, par un prélèvement buccal analysé en laboratoire, permet d'établir la carte d'identité génétique du demandeur. Celle-ci est ensuite comparée à une banque de données constituée grâce aux ossements d'un demi-millier d'esclaves africains morts aux États-Unis et issus de différentes ethnies du Continent.

Des correspondances sont ensuite recherchées avec une marge d'erreur. Grâce aux progrès scientifiques, ces hommes et femmes dont les aïeux sont arrivés en Amérique il y a plusieurs siècles, au fond des cales des négriers, retrouvent ainsi le berceau de leurs ancêtres254. Pour la première expédition camerounaise, quelques 54 Africains-Américains ont foulé, dès 2010, le sol du Cameroun et ont parcouru quelques localités et sites touristiques du pays. Ils sont arrivés au Cameroun et ont été reçus le vendredi 31 Décembre 2010 par le Premier ministre chef du gouvernement, Philémon YANG. Selon Gina PAGE, présidente et cofondatrice d'AFRICAN ANCESTRY, 6000 à 8000 Africains-Américains ont découvert leurs racines camerounaises : BAMILEKE, BASSA, EWONDO, FOULANI, KOTOKO, MASSA, TIKAR etc.

Ces frères et cousins d'Amérique souhaitent s'impliquer dans le développement du pays de leurs ancêtres255. D'illustres personnalités du monde du cinéma, de la musique et d'autres domaines, désireuses de connaître l'origine de leurs ancêtres africains, ont eu à se soumettre à ces examens D'ADN : le musicien et arrangeur Quincy JONES qui appartiendrait

253 Cameroon Tribune no 10336/6537- 39e année, du lundi 06 mai 2013, p.15.

254 Article du mercredi 20 juin 2012 de la Rédaction de Cameroon-Info. Net sur www.Google.com

255 Article à retrouver sur la page Cameroun24.net sur www.Google.com

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à la lignée des TIKAR, comme Condoleezza RICE, première femme noire ayant accédé au poste de secrétaire d'État américain, sous le président Georges W. Bush. Les acteurs et réalisateurs Spike LEE et Forest WHITAKER auraient eux aussi, d'après leurs propres recherches, des origines camerounaises.

L'ANCESTRY RECONNECTION PROGRAM permet aux États-Unis d'amener les populations camerounaises à préférer, à partir d'une douloureuse expérience esclavagiste vécue par elles, de même que celles afro-américaines, la présence américaine. Par ce lien, les États-Unis possèdent une certaine avance sur les autres puissances. L'influence des chaines d'informations américaines, privées ou publiques, telles CNN, ENEWS, Music Télévision MTV, Trace Tv, sur les habitudes vestimentaires et sociétales adoptées par les populations camerounaises est indéniable. Leur transmission sur l'ensemble du territoire camerounais a permis de constater qu'à partir d'elles aujourd'hui, les aspirations des jeunes se portent sur la formation et l'emploi mais également sur la sexualité et sur les nouvelles valeurs, de nouveaux codes moraux256.

Ainsi selon l'info dominance, qui est un processus d'exercice et de diffusion des catégories de pensées spécifiquement américaines qui procède de la capacité de contrôle du sens, des valeurs, des normes et de l'esthétique de nature à assurer la consolidation, la reproduction et l'extension du pouvoir hégémonique américain257, théorisée par Saïda Bédar258, ces jeunes camerounais aspirent souvent à des modèles occidentaux véhiculés par des images suscitant des frustrations quant à leur succès259, revendiquant par la suite des modifications dans les contextes sociaux et politiques, profitable aux États-Unis, en vue de la réalisation de leur projet géostratégique.

a- 2- Les moyens économiques utilisés par les États-Unis dans l'espace camerounais

256 Philippe Hugon, Géopolitique de l'Afrique, Éditions Sedes, 2007, p.165.

257 Michel TJADE EONE, « Journalisme Embedded et info dominance américaine » in Une lecture africaine de la guerre en Irak, sous la direction de Jean-Emmanuel Pondi, Maisonneuve et Larose/ Afredit, Paris, décembre 2003, p.131.

258 Nous sommes redevables à Saïda Bédar dans son analyse du paradigme stratégique américain de dominance informationnelle et son rapport avec la globalisation, conçue comme une projection de puissance. Cf. « Info dominance et globalisation », in Les cahiers du numérique, vol. 3, no 1-2002, « Guerre et stratégie », pp. 43-60.

259 Ibid.

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Les relations économiques entre le Cameroun et les États-Unis trouvent leurs sources dans l'AFRICAN GROWTH AND OPPORTUNITY ACT (AGOA)260, loi ayant pour objectif d'accroitre le volume et la diversité d'échanges commerciaux entre les deux partenaires261. Entre aussi dans ces relations les importations hors taxes grâce au Système généralisé de préférence des États-Unis (GSP) avec le Cameroun.

Tableau 6 : Les importations américaines au Cameroun dans le cadre de l'AGOA et du GSP, entre 2007 et 2009.

Country Total

2007

Total Total

2008 2008

YTD

Total

2009
YTD

AGOA
including

GSP
provisions

2007

AGOA
including

GSP
provisions

2008

AGOA

including GSP

provisions

2008
YTD

AGOA

including GSP

provisions

2009
YTD

CMR

306,742

626,414

158,764

133,435

172,903

447,267

57,408

90,078

Note: Ce tableau a été conçu par nous à partir de sources tirées du document : « Compiled by the U.S. International Trade Commission from official statistics of the U.S. Department of Commerce ».

Les importations américaines au Cameroun sont sans cesse évolutives. Elles s'apprécient à travers l'AGOA et la GSP. Les États-Unis, pays par excellence du libéralisme économique, sont présents au Cameroun à travers des entreprises industrielles et leurs aides financières. Dans le domaine agro-industriel, la percée des entreprises américaines est remarquée. Nous avons HERAKLES CAPITAL CORPORATION qui déploie ses activités dans l'énergie, les mines et les ressources naturelles, l'agriculture, les infrastructures et les télécommunications.

Aussi, HERAKLES FARMS et la SG SUSTAINABLE OILS CAMEROON PLC exploitent une vaste exploitation commerciale de palmier à huile depuis septembre 2009262 dans la région du Sud-ouest Cameroun. Les États-Unis participent, à travers leurs industries pharmaceutiques, à la lutte contre différentes maladies au Cameroun. Le gouvernement américain a fait des dons de médicaments, en ce qui est du choléra et du VIH/SIDA, d'un

260 Elle est une loi adoptée par le congrès américain et signée par le président Bill CLINTON le 18 mai 2000 pour une durée de 15 ans. Elle a été renforcée par le président Georges BUSH par l'AGOA ACCELERATION ACT encore appelé AGOA III (CHERU, 2006 : 219-220), ayant pour objet essentiellement d'exonérer des droits de douane les produits d'Afrique subsaharienne qui arrivent sur le marché américain.

261 D'après une déclaration de la représentante adjointe des États-Unis pour le commerce extérieure, Mme Florizelle Liser, devant une commission parlementaire, publié sur www.america.gov, le 30 juin 2009.

262 Cameroon Tribune no 10093/6294- 38e année, du lundi 14 mai 2012, p.2.

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montant de 14 millions de dollars. De même annonce-t-il le retour de l'Agence américaine pour le développement international (USAID), suspendue depuis 1992263.

Concernant l'industrie militaire, l'on peut évoquer la signature de deux accords entre les États-Unis et le Cameroun pour financer l'acquisition de matériel de génie civil. Ce matériel est destiné au Génie militaire camerounais et à l'accroissement de ses capacités pour une somme de 45 millions de dollars, soit quelques 25 milliards de FCFA162. Au niveau des industries pétrolières, les échanges entre le Cameroun et les États-Unis s'accélèrent à partir de 2011. Ces échanges pétroliers trouvent leur point d'orgue avec l'inauguration du pipeline Tchad-Cameroun, gigantesque investissement ayant coûté environ 3,5 milliards de dollars, soit un peu plus de 2500 milliards de francs CFA264. Celui-ci permet d'acheminer le pétrole exploité dans 300 puits situés à Doba (Sud du Tchad), jusqu'au terminal de Kribi situé au sud du Cameroun.

Ce dernier fut inauguré par le président de la République camerounaise, son excellence Paul Biya, en présence de son homologue de la République tchadienne, Idriss DEBI ITNO, le 12 juin 2004. Le pipeline permet au Tchad, État n'ayant pas d'ouverture maritime, de profiter de l'avantage camerounais. Le Tchad sera suivi par le Niger ne possédant pas d'ouverture maritime. En effet, le mercredi 30 octobre 2013, un accord bilatéral fixant les conditions de transits en terre camerounaise des hydrocarbures produits au Niger, et leur évacuation jusqu'à la côte atlantique camerounaise à travers le pipeline Tchad-Cameroun, a été signé entre le Cameroun et le Niger265.

Le pipeline qui traverse le Cameroun sur une longueur de 890 km est assurément l'un des plus coûteux d'Afrique subsaharienne266. Il est exploité par plusieurs sociétés dont la société Malaisienne PETRONAS. Mais le gros du pourcentage revient aux géants américains Exxon-Mobil Corporation (40 %) et Chevron Corporation (25 %). L'examen des relations commerciales entre ces deux États montrent, en Afrique Centrale, l'importance du Cameroun dans le projet géostratégique des États-Unis.

263 Ibid, no 10084/6285, p.2. 162 Ibid, no 10137/6338, p.9.

264 N. TSAfACK, « The Chad-Cameroon Pipeline and employment, what lessons ? », Yaoundé presse universitaire d'Afrique, 2003, p.17.

265 Cameroon Tribune, no 10456/6657 du jeudi 31octobre 2013, p.8.

266 N. TSAfACK, Op. Cit.

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Elles permettent en effet aux Américains de sécuriser et de conquérir les marchés camerounais et ceux du Golfe de Guinée, courtisés par d'autres puissances étrangères. Ces échanges commerciaux aident aussi les États-Unis à détourner l'attention des camerounais, de même que celle d'autres puissances, sur les objectifs économiques et stratégiques qu'ils poursuivent en toile de fond267 dans le pays. Mais, le fait de tenir compte que de leurs intérêts, tout en manifestant une indifférence aux souffrances des africains, porte un sérieux coût à l'image des États-Unis268. Les Américains mettent ainsi en oeuvre d'une politique destinée à soigner leur image269 par la collaboration économique exprimée à divers aspects comme présentés plus haut dans le contexte des relations avec le Cameroun.

Les États-Unis utilisent ainsi différents procèdes, au niveau socio-économique, pour introduire le Cameroun dans leur giron stratégique. Cette manière d'agir se retrouve aussi dans le cadre militaire.

b- Les moyens militaires

Être une grande puissance implique un rôle subtil, changeant, ambigu et parfois cynique270. Les États-Unis mobilisent d'importants moyens militaires au Cameroun comme instruments au service de la réalisation d'ambitions géopolitiques271. Ils constituent des outils de projection et d'installation concourant à la transformation de l'espace camerounais au mieux de leurs intérêts. Nous ferons part des moyens déployés dans la formation militaire en vue de lutter contre la piraterie et l'insécurité transfrontalière (b-1), et par la suite contre le terrorisme (b-2).

b- 1- L'appui à la lutte contre la piraterie et l'insécurité transfrontalière

Les variables qui figuraient dans l'agenda des États-Unis avant le 11 septembre en 2001, à savoir la démocratie et le pétrole, ont été modifiés. En effet, après les attentats du 11

267 N. CHOMSKY, Dominer le monde ou sauver la planète : l'Amérique en quête d'hégémonie mondiale, Paris, Fayard, 2003.

268 Pascal Boniface, « Les leçons du 11 septembre 2001 » in Pascal Boniface, les leçons du 11 septembre, Paris, PUF, 2001, p.10.

269 J-E. PONDI (dir.), « L'Irak : « pas décisif » vers l'empire ? » in Une lecture africaine de la guerre en Irak, Maisonneuve et Larose/ Afredit, Paris, décembre 2003, pp.17-22.

270 Huntington S. (1997-2000) Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, Avril, p.345.

271 Ibid.

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septembre en 2001, qui étaient principalement du ressort des forces asymétriques, l'islamisme prendra une place importante dans la diplomatie américaine.

La force militaire, pour eux, demeure le fondement de l'ordre international. Elle n'est ni partout ni en toutes circonstances décisives272, mais nécessaire pour la lutte contre le terrorisme. Incapable de compter uniquement sur ses forces nationales, et n'étant pas assez formées et équipées contre les menaces provenant de forces asymétriques, le Cameroun trouve un soutien auprès des États-Unis d'Amérique. Les officiels américains pour ce faire insistent sur l'importance qu'ils attachent au consentement des dirigeants camerounais quant à leur présence militaire et sur la nature coopérative de leurs structures. L'engagement militaire des États-Unis sur les côtes camerounaises part donc d'une coopération entre les deux États.

Les États-Unis n'ont pas cessé depuis le 11 septembre 2001 de renforcer leur présence militaire au Cameroun par l'United States African Command (US-AFRICOM) qui coordonne, depuis son entrée en vigueur le 1er octobre 2008, l'ensemble des activités militaires et civiles des États-Unis en Afrique. La coopération militaire entre le Cameroun et les États-Unis a commencé par une formation de forces militaires camerounaises pour plus d'efficience. Cette coopération s'applique sur le sol américain dans les domaines terrestre, aérien ou maritime, ou dans la lutte contre le terrorisme, les trafics de tout genre, la piraterie, les prises d'otages et le sabotage des plates-formes pétrolières. Il est nécessaire pour les États-Unis, comme l'a souligné le Général James (2006), d'aider le Cameroun à assurer sa sécurité. Le Cameroun a ainsi honoré l'invitation du Président BUSH, en 2002, en prenant part à la conférence de Naples qui s'est tenue en Italie au mois d'Octobre 2004273.

Cette coopération se manifeste au niveau national par la visite d'officiers de l'armée américaine dans le cadre de la protection des ports, aéroports, côtes274 et la mise en place de programmes d'interventions académiques et militaires en ce qui est des questions de défense. L'on peut mentionner l'exercice militaire multinational Central Accord 13, exercice conjoint annuel mené par le commandement militaire des États-Unis pour l'Afrique (AFRICOM) dans la continuité des exercices Atlas et Med Accord qui se déroulent depuis 1996275. L'exercice a été marqué par un déploiement de trois avions C130, deux hélicoptères (Puma, Bell), un

272 Ibid.

273 Come Damien George Awoumou, « Le Golfe de Guinée face aux convoitises », in Enjeux n° 22, janvier-mars 2005, pp.15-20.

274 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », p.35.

275 Cameroon Tribune no 10287/6488- 38e année, du vendredi 22 février 2013, p.6.

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Antonov, des groupes électrogènes, du matériel de transmission, et une équipe médicale américaine et près de 800 militaires.

L'exercice militaire international « OBANGAME EXPRESS » dont l'édition 2013 visait à élaborer une stratégie commune contre la piraterie maritime, le kidnapping, les trafics d'armes, de drogue et stupéfiants, de détournement de pétrole brut et tous les autres fléaux, organisé sous l'égide de l'USAFRICOM, est une autre illustration de cette coopération américaine au Cameroun276. La collaboration d'experts militaires américains pour la formation d'officiers dans les écoles spécialisées, comme le Cours Supérieur Interarmées de Défense (CSID) formant l'élite des armées régionales rebaptisée École Supérieure Internationale de Guerre de Yaoundé (ESIGY)277, est aussi un exemple de la coopération américano-camerounaise.

La signature de deux accords entre Yaoundé en Washington, portant sur l'équipement et l'acquisition par les forces armées et la gendarmerie camerounaise de matériels de génie civil militaire (36 engins de travaux publics pour le 21e régiment du génie militaire de Douala), est aussi un autre axe de cette coopération278. Étant donné que les États-Unis n'ont pas le droit d'accéder aux eaux territoriales camerounaises, la coopération via la marine nationale permet aux États-Unis de sécuriser l'espace maritime camerounais, et, pour les États-Unis, de bénéficier de l'appui des forces camerounaises dans le Golfe de Guinée. Le Cameroun a pris une part active à la mise en oeuvre en 2004 d'une brigade régionale en attente de l'Afrique Centrale279. Cette initiative vise à maintenir la paix et à prévenir les conflits dans la région.

C'est ce qui ressort des propos du sénateur James INHOFE qui, en visite au Cameroun au mois d'octobre 2005, se confiait à la presse. Le sénateur de l'État américain d'Oklahoma précisait que sa visite rentre dans le cadre d'une mission du comité des services de la marine, services que les États-Unis veulent développer en Afrique en comptant sur le leadership du Cameroun280. Les relations militaires entre le Cameroun et les États-Unis d'Amérique sont ainsi fructueuses. Mais le Cameroun est fortement désavantagé. D'après l'ancien président américain en effet, William Bill CLINTON, il n'existe pas de mission

276 Ibid, n° 10288/6489, p.5.

277 Cameroon Tribune, n° 10329/6530, p.4.

278 Ibid., no 10339/6540, p.28.

279 F. NJAKO, « La coopération militaire : l'ère de la réforme », in Honneur et fidélité, no spécial, 2006, p.32.

280 N. AMAYENA, « Un sénateur américain chez le président Paul Biya » in www.rdpcnrw.org, 10 octobre 2005.

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purement humanitaire dans le déploiement d'une puissance à l'étranger281. Ainsi, la présence américaine au Cameroun a comme principale raison la lutte contre le terrorisme et ses corollaires. Le terrorisme est devenu un problème mondial282. La menace terroriste plane sur tous les continents et sur tous les États du monde283. L'Afrique n'en est pas épargnée. Bien plus, elle connaît un lot quotidien de problèmes qui peuvent faciliter l'implantation des terroristes. Au nombre de ces maux, on peut citer les maladies chroniques, la pauvreté galopante, le fondamentalisme religieux, le dysfonctionnement des États, la corruption, le trafic d'enfants, de femmes, d'organes, de drogue, le blanchiment d'argent, faiblesse du contrôle policier et frontalier, circulation mafieuse des capitaux284. Cette menace est d'autant plus sérieuse que certains pensent que les raisons qui auraient justifié l'installation du terrorisme en Asie sont réunies en Afrique.

b - 2 - Les moyens utilisés pour lutter contre le terrorisme

Al-Qaïda semble avoir déjà implanté une de ses antennes en Afrique. Se revendiquant d'Al-Qaïda du Maghreb, le réseau algérien dit Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) sème depuis quelques années la terreur dans certains pays de la région, notamment au Maroc et en Algérie. L'on peut parler du terrorisme au Nigeria avec la secte Boko Haram, ayant ses répercussions au Cameroun.

D'où le projet de création d'un centre autonome de commandement africain des forces américaines stationnées sur le Continent (US-AFRICOM). La lutte contre le terrorisme au Cameroun s'organise à partir de l'imbrication entre terrorisme, la bonne gouvernance et la pauvreté. La bonne gouvernance suppose la démocratie, le respect des droits et libertés de l'Homme et une gestion saine et transparente des ressources publiques. Alan LARSON mentionne dans la REDEEU285 que les terroristes financent leurs opérations par le biais d'activités criminelles courantes, comme la fraude, l'extorsion, les enlèvements et la corruption286.

281 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.220.

282 Voir REDEEU, 2002.

283 Voir CEREMS, Géopolitique de l'énergie, risques et enjeux pour la défense, juillet 2006.

284 S. MAIR, « Terrorism and Africa, on the danger of further attacks sub-saharan Africa », in African Security Review, Vol. 12, no 1, 2003 ; R. ESPOSTI, « Du terrorisme international en Afrique, de ses manifestations et de ses conséquences », in Défense nationale, Paris, avril 2004, p.139.

285 Voir REDEEU, Décembre 2002, pp.19-23.

286 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », pp.37-38.

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Ainsi compris, la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics tout comme la promotion de la démocratie viserait d'abord à lutter contre le terrorisme et donc à protéger les intérêts américains. Cet idéal n'est pas totalement nouveau ; car quelques années auparavant il avait déjà été soutenu par l'ancien président Bill CLINTON en ces termes: « La défense de la liberté et la promotion de la démocratie dans le monde entier ne sont pas seulement le reflet de nos valeurs les plus profondes, elles sont aussi d'une importance vitale pour nos intérêts nationaux287 ». L'ancien président George BUSH, dans ses propos tenus septembre 2002 dans un rapport gouvernemental, corroborera les affirmations de son prédécesseur en estimant que la pauvreté ne transforme pas les pauvres en terroristes et en meurtriers. Cependant, la pauvreté, la faiblesse des institutions et la corruption peuvent rendre les États faibles vulnérables à l'égard des réseaux terroristes et des Cartels de la drogue se trouvant sur leur territoire288. Blaise Pascal TALLA quant à lui, soutient dans Jeune Afrique Économie289 que c'est la pauvreté qui fait le lit de la désespérance et de la colère fournit des recrues potentielles aux organisations terroristes290. Or, les États-Unis ont fait de la lutte contre le terrorisme leur cheval de bataille. L'on comprend ainsi pourquoi ils s'engagent à lutter contre la pauvreté au Cameroun. C'est dans cette logique qu'en 2002, l'AOPIG propose après étude que les États-Unis oeuvrent en faveur de l'annulation de la dette des pays les plus pauvres291.

Ces arguments témoignent à suffisance de l'intérêt qu'ont les États-Unis à lutter contre la pauvreté au Cameroun. La lutte contre le Sida participe aussi de la stratégie américaine de lutte contre le terrorisme. Dans un article qu'il a consacré à la place de la coopération internationale dans la stratégie de sécurité nationale292 soutient que les États-Unis ont augmenté leur aide dans le cadre de la lutte contre le Sida pour éviter l'impact que ce fléau risque d'avoir sur les pays et leurs populations. Une analyse similaire est faite par le général James JONES293 dans le rapport qu'il présentait devant le comité des services armés du sénat le 07 mars 2006.

287 M. D. Ebolo, 1998, « L'implication des puissances occidentales dans le processus de démocratisation en Afrique : analyse des actions américaines et françaises au Cameroun, 1989-1997 », in Polis, Vol.6, no 2, pp.19-55.

288 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », pp.37-38.

289 Jeune Afrique Économie, Novembre 2004, p.108.

290 Nzeugang, Op. Cit., p.38.

291 J. C. Servant, « Offensive sur l'or noir africain : une priorité géostratégique », in Le Monde Diplomatique, Janvier 2003.

292 Richard ARMITAGE, « La place de la coopération internationale dans la stratégie de sécurité nationale », in REDEEU, Vol. 7, no 4, 2002, p.10.

293 L. J. James, « Déclaration du général James L. Jones, Commandant des forces des Etats-Unis en Europe devant le comité des services armés du Senat », 7 mars 2006.

Mémoire en Master II Science Politique François Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 83

Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

Le Sida serait donc d'après cette lecture une cause éventuelle du terrorisme. Blaise Pascal TALLA, dans Jeune Afrique Économie294 leur emboîte le pas lorsqu'il relève le lien qu'il peut avoir entre le Sida et le terrorisme. En fait, La désespérance qui anime le malade du Sida qui s'estime condamné à mort est bien de nature à justifier son adhésion aux organisations de malfaiteurs. Ainsi compris, le Sida serait favorable aux réseaux terroristes dans la mesure où il leur fournit d'éventuelles recrues295. Cette coopération met en exergue la visée hégémonique américaine au Cameroun. Si l'on en croit les propos du professeur Joseph Vincent NTUDA EBODE, la domination est davantage culturelle aujourd'hui. Elle s'inscrit dans la dialectique des intelligences296.

Les programmes militaires des États-Unis au Cameroun visent à moderniser et à adapter aux normes américaines, les forces armées locales. Qui plus est, les États-Unis ont créé à l'école Militaire Inter armées (EMIA) un laboratoire de langue anglaise destiné à améliorer le niveau des officiers camerounais et l'usage des standards américains. Il s'agit au mieux d'enseigner aux officiers camerounais l'Anglais opérationnel tel qu'il est utilisé par les forces américaines. A l'analyse, le Cameroun s'intègre dans ce que Philippe HUGON297 appelle les deux principes guidant l'aide américaine au Cameroun c'est-à-dire le « shaping » et la civilisation (développer les forces démocratiques)298.

Par ailleurs, la formation des officiers camerounais dans les écoles Américaines aurait pour effet l'exportation de la culture stratégique américaine. Ils rentrent nantis d'une façon de voir, de concevoir, de penser et d'agir proprement américain. Cette manière d'importer la culture stratégique américaine peut faire la fierté des États-Unis dans un environnement considéré comme zone d'influence des ex-puissances coloniales. Cette relation permet aux Américains, dans la lutte de leadership qui les oppose aux autres puissances, de gagner au maximum des marchés dans les domaines de l'armement et de la formation d'officiers.

L'engagement militaire américain a pour but d'instrumentaliser l'Etat bien qu'ayant officiellement pout but de sécuriser le Cameroun. Cette stratégie s'observe aussi dans le cadre des relations multilatérales.

294 Jeune Afrique Économie, Novembre 2004, p.109.

295 Nzeugang, Op. Cit., p.39.

296 Ibid., p.42.

297 Philippe HUGON, « L'Afrique subsaharienne : un visage contrasté », in L'année stratégique, Paris, Armand Colin, 2005, p.405.

298 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », p.42.

Mémoire en Master II Science Politique François Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 84

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