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La gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra


par Jean Noel Pacôme KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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CHAPITRE I : CONSIDERATIONS THEORIQUES

I. Justification du choix du sujet

1. Motivation personnelle

Nous avons opté pour ce sujet dans la mesure où, depuis tout petit, alors que notre défunt père était encore chef du village de Kouêtinfla (un village de la tribu Sian), nous assistions régulièrement aux conflits fonciers qu'il gérait et le suivions dans d'autres villages lorsqu' il était appelé à soutenir ses homologues dans le cas d'une question foncière complexe.

Mais au- delà de ce fait, nous avons été témoin d'un règlement de conflit foncier par le tribunal coutumier de la tribu « sian »(sianfla).

Ce conflit opposait un autochtone de la tribu à un allogène burkinabè.

Au regard des explications, le burkinabè, à son arrivée, faisait des contrats de nettoyage des champs de son tuteur dans le but d'obtenir un lopin de terre pour l'exercice d'activités champêtres contre une contrepartie financière et un droit de regard de son tuteur sur les récoltes.

Après plusieurs années, un conflit de réclamation monopolistique de la propriété foncière va opposer ces deux individus. Des mésententes au départ verbales, vont assez rapidement se transformer en violences physiques alors que les individus ne disposaient d'aucun texte écrit pouvant servir de base à leur argument.

Le burkinabè a estimé avoir mis des plants de cacao parce qu'il aurait payé une somme forfaitaire qui constituait selon lui, la valeur du lopin de terre.

L'autochtone, lui, maintenait qu'il lui avait autorisé uniquement des cultures de courte durée sur sa parcelle et qu'ils n'avaient jamais négocié d'une quelconque vente.

Après plusieurs reports, la chefferie traditionnelle a décidé que l'allogène verse la moitié de la valeur réelle de l'espace litigieux à son tueur et qu'il est anormal de couper les plants de cacao de l'allogène dans le but de la restitution de la parcelle à l'autochtone. La communauté villageoise a qualifié cette décision de partiale, discutable et peu satisfaisante.

Ce cas de conflit qui n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, a suscité pour nous l'intérêt de conduire une étude sur la gestion des conflits fonciers en vue de faire des suggestions pour une meilleure gestion du phénomène dans le département de Sinfra.

2. Pertinence sociale

L'importance sociale de ce sujet se fonde principalement sur un ensemble de constats effectués dans la localité ciblée. En effet, depuis quelques décennies, les crises foncières qui ont explosé à Sinfra se sont accentuées avec une connotation particulièrement violente. Ces conflits ont provoqué des pertes en vies humaines, la destruction de plantations et d'habitations, des déplacements massifs de populations autochtones et allogènes vers la ville (50 morts, l'incendie des villages autochtones Koblata et Proniani et 77 hectares de plantations détruites selon les autorités préfectorales et sous-préfectorales de Sinfra dans les litiges fonciers de 2011). Depuis cette période, environ deux (02) cas de conflits fonciers sont gérés chaque semaine par la chefferie de la tribu Sian, soit environ cent - quatre (104) cas de conflits fonciers chaque année. De ces cas de conflits gérés, retenons quelques-uns : Degbesséré (03 cas de litiges avec rixe en 2017), Manoufla (02 cas avec blessure à la machette en 2016), Blontifla (05 cas avec dépôt de canaris à proximité des champs en 2017), Tricata (01 cas avec bagarre dans un champ de cacao en 2015), Paabénéfla (04 cas avec menaces de mort et incendie de plantations en 2013), Kayéta (02 cas avec blessures à la daba et du bois de chauffe en 2016). A cette fréquence des conflits fonciers, se sont ajoutées les rumeurs quotidiennes qui circulaient dans une dynamique verticale (des dirigeants aux ruraux) et horizontale (entre populations elles- mêmes) rendant l'atmosphère sociale davantage insécurisée et précaire.

Toutefois, au regard des faits sus-mentionnés, l'on constate qu'en dépit des mécanismes locaux de gestion des conflits fonciers, d'autorités à charge de la question foncière, de la loi portant organisation et règlementation du foncier rural, la gestion des conflits fonciers à Sinfra semble ne pas faire l'unanimité et catalyse le rebondissement de nombreux conflits fonciers à Sinfra.

3. Pertinence scientifique

Les conflits fonciers ont fait l'objet de nombreux travaux scientifiques. Leur gestion n'a point été en reste des investigations scientifiques. L'examen des contributions antérieures laisse transparaitre deux types de facteurs évoqués par les prédécesseurs: facteurs dépendants des acteurs sociaux (facteurs internes) et facteurs indépendants de ces acteurs sociaux (facteurs externes).

Dans la première approche explicative (facteurs internes), les auteurs mettent l'emphase sur l'inefficacité des systèmes étatiques d'administration foncière, les manquements aux principes de bonne gouvernance foncière, la partialité des dirigeants, le désengagement de l'Etat, la stigmatisation des acteurs de gestion, les méthodes de gestion inadaptées et l'implication négative, intéressée et clientéliste de certaines autorités administratives et politiques comme catalyseurs de l'échec en matière de gestion des conflits fonciers.

Dans la seconde approche (facteurs externes), les auteurs s'intéressent au vide juridique en matière de résolution des conflits fonciers, à l'impact de la crise politique ivoirienne sur le tissu rural, à la difficile cohabitation entre normes modernes et culturelles, aux pesanteurs culturelles et au manque de volonté politique comme facteurs explicatifs de l'échec des conflits fonciers.

Cette thèse s'inscrit dans une dynamique globalisante, c'est-à-dire considérant ces deux tentatives d'explication comme mutuellement inclusives pour rendre compte de l'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra. L'intégration de cet ensemble des facteurs agissants permettra sans doute d'apporter une orientation nouvelle aux travaux déjà effectués sur la question.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus